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04.09.2025 à 12:01

Couverture des violences urbaines : la liberté de la presse menacée

Lire plus (408 mots)

Nous relayons ce communiqué du Syndicat national des journalistes (SNJ).

C'est une attaque en règle contre la liberté d'informer et d'être informé. En catimini, en plein été, le ministère de l'Intérieur a diffusé un schéma national des violences urbaines (SNVU). Ce document est destiné « à mettre à disposition des services territoriaux de la police nationale un guide pratique pour la gestion des violences urbaines. » « Ce document a vocation à répondre à toutes les situations de violences urbaines, jusqu'aux émeutes insurrectionnelles, caractérisées par une très haute intensité », explique la place Beauvau, qui s'est bien gardée d'informer les organisations de journalistes.

À la lecture de ce schéma, une phrase saute particulièrement aux yeux : « la prise en compte du statut des journalistes telle que consacrée par le schéma national du maintien de l'ordre, ne trouve pas à s'appliquer dans un contexte de violences urbaines ».

Cette incise est une insulte, une provocation envers toute la profession.

Déjà en 2021, le Syndicat national des journalistes, entre autres, avait déposé un recours devant le Conseil d'Etat contre le schéma national du maintien de l'ordre (SNMO), qui empêchait tout journaliste d'exercer sa mission d'informer le public. Le Conseil d'Etat a finalement donné raison aux organisations qui l'avaient saisie (SNJ, Solidaires, la CGT, la Ligue des droits de l'Homme).

Quatre ans après cette première lutte victorieuse contre un texte liberticide, le ministère de l'Intérieur persiste à vouloir invisibiliser d'éventuelles dérives policières lors de la couverture de violences urbaines en empêchant les journalistes de faire leur métier.

Le SNJ, première organisation de la profession, condamne cette tentative de vouloir museler la presse. Alors que des appels à manifestations et mobilisations sont lancées pour les 10 et 18 septembre partout en France, il a mandaté le cabinet Spinosi pour déposer une requête en urgence devant le Conseil d'Etat et un dossier au fond d'ici fin septembre.

Le SNJ appelle toutes les organisations attachées aux libertés fondamentales à le rejoindre dans cette procédure contre cette disposition du schéma national des violences urbaines.

Paris
Jeudi 4 septembre 2025

03.09.2025 à 16:41

Starification des journalistes : le cas Léa Salamé

Maxime Friot

« Léa Salamé impressionne. »

- Journalismes de microcosme /
Texte intégral (663 mots)

L'arrivée de Léa Salamé au 20h de France 2 s'est accompagnée d'une avalanche de portraits, articles et autres chroniques à sa gloire.

Le 29 août, quelques jours avant la première de Salamé au JT de 20h de France 2, Le Parisien et Paris Match entament une série d'articles consacrés à la vedette médiatique. La vie et l'œuvre de Léa Salamé sont feuilletonnées pendant 4 jours dans Le Parisien, 3 jours dans Paris Match. Au programme : son enfance, ses débuts dans le métier, ses « succès » professionnels, son couple avec Raphaël Glucksmann... « Léa Salamé impressionne » insiste à trois reprises Le Parisien (30/08 et 01/09). « La poigne et le glamour, l'autorité et l'humour » synthétise Paris Match (29/08), qui y avait déjà consacré un entretien et sa couverture en juillet (24/07).

Même registre dans Libération, pendant l'été, dans un portrait fidèle au genre (23/07), dans lequel Léa Salamé est, « comme toujours, primaire et stratège, cash et diva, virevoltante avec son rire d'enfant ». Mais aussi « charmeuse, gouailleuse, légère et sérieuse », ou encore, fille d'un illustre père, Ghassan Salamé, « qu'Emmanuel Macron consulte encore sur le Moyen-Orient ». Un mois plus tôt, la chronique de Luc Le Vaillant (Libération, 22/06) donnait déjà le ton :

L'arrivée de Léa Salamé au JT n'a rien d'étonnant. C'est l'aboutissement de sa présence invasive qui va de pair avec une compétence rarement prise en défaut et avec un phrasé peu maniéré qui s'évite lapsus et raptus. Salamé a surtout une capacité à assimiler presto et à réutiliser le tout illico, sans hoquets, ni haut le cœur. Ce bel appétit est celui d'une ogresse jubilante ne virant jamais papesse présomptueuse, ni persifleuse fielleuse.

Et la starification de se répandre partout : « Léa Salamé-Raphaël Glucksmann. Un couple, deux ambitions » (Le Nouvel Obs, 28/08) ; « Portrait. "La vie est mouvement" : Léa Salamé à l'assaut du 20 heures de France 2 » (Ouest-France, 01/09) ; « Léa Salamé au JT de France 2 : ce régime alimentaire qu'elle s'impose pour rester en forme » (Gala, 2/09), etc. Jusqu'à France 2 directement, qui s'amuse à filmer Léa Salamé s'entraînant à prononcer « Madame, monsieur, bonsoir ».

De fait, si la carrière professionnelle de Léa Salamé reste centrale dans la plupart des papiers, elle n'est en général évaluée qu'à travers deux prismes : les témoignages (presque toujours dithyrambiques) de ses ex-collègues et les audiences de ses émissions. Caractéristique de cet aveuglement, le seul défi qu'elle aurait à relever en accédant au JT de France 2 consisterait à rapprocher ses audiences de celles du concurrent TF1. Quant au défi qui consisterait à mieux informer, il semble beaucoup plus lointain.

Maxime Friot

02.09.2025 à 13:14

Bayrou : quatre chaînes d'info, une seule ligne édito

Jérémie Younes

Pluralité ne signifie pas pluralisme.

- Politique / ,
Texte intégral (1849 mots)

Les journaux trépignaient depuis quelques jours : le Premier ministre François Bayrou, en tournée médiatique après l'annonce surprise d'un vote de confiance à l'Assemblée nationale le 8 septembre, allait accorder une interview « exceptionnelle » d'une heure trente aux quatre chaînes d'info en même temps ! « Une première » dans l'histoire journalistique, souligne Le Parisien, « un format digne du président de la République », s'emballe Le Figaro. S'il n'a accouché de rien de nouveau sur le fond, le format aura permis une nouvelle fois de démontrer que la multiplication des chaînes d'information en continu ne signifie pas une multiplication des points de vue, mais un matraquage plus intense du même, surtout quand il est question d'économie.

Impossible de les distinguer, pas même à la couleur de la bonnette. Les quatre journalistes sont en costumes et tailleurs serrés, écrasés sous les ors de Matignon, assis en contrebas du gigantesque bureau du Premier ministre, sur le bord de leurs chaises. Marc Fauvelle est là pour BFM-TV (la chaîne de Rodolphe Saadé), Sonia Mabrouk est la figure de CNews (la chaîne de Vincent Bolloré), Darius Rochebin porte les couleurs de LCI (la chaîne de Martin Bouygues), et Myriam Encaoua représente le service public pour Franceinfo. L'illusion de pluralisme est assurée. Mais un téléspectateur non-averti ne saurait dire laquelle est lequel, d'autant que nos journalistes stars n'ont pas de mal à passer de l'une à l'autre chaîne, ou du public au privé comme Marc Fauvelle, ancienne voix de France Inter, fraîchement débarquée chez BFM-TV. Cette fluidité sur le fond se remarque aussi, dès le début, sur la forme, avec un lancement écrit à plusieurs voix : Myriam Encaoua se charge de remercier le Premier ministre pour cette interview « inédite », passe la balle à Sonia Mabrouk, qui introduit Marc Fauvelle pour la première question, sans doute décidée collectivement : « À qui allez-vous parler ce soir ? Aux députés, pour tenter de renverser la vapeur, ou aux Français pour leur dire au revoir ? » Question cruciale.

Il faudra 2 minutes et 11 secondes pour installer le thème central de l'entretien : la dette insoutenable, la France au bord de la faillite et de la mise sous tutelle par les marchés financiers. Les quatre journalistes ne sont pas venus contredire ce constat. Sonia Mabrouk – qui aura, juste après Darius Rochebin, le temps de parole le plus long – s'engouffre et parle à deux reprises de « l'État obèse », « dispendieux », citant dès sa deuxième question un mouvement proto-libertarien aux idées xénophobes qui dit en avoir marre « de payer pour les autres » : « Nicolas qui paie, il n'en peut plus », résume sobrement Mabrouk. C'est la nouvelle matrice idéologique des extrêmes droites, de Milei à Trump, et il n'est pas étonnant de voir Sonia Mabrouk s'en faire l'écho. François Bayrou est d'accord, « c'est tout à fait juste », mais commence par cadrer le débat sur ce qu'on peut discuter, et ce qu'on ne peut pas discuter : « Ce dont on ne peut pas discuter, c'est la gravité du mal, et la précision du diagnostic. » Les intervieweurs s'y plieront et ne discuteront pas de la précision du diagnostic ; seulement des responsabilités et de l'ordonnance.

Quel est-il, ce diagnostic dont on ne peut pas discuter ? « Le diagnostic, c'est un bateau qui a un trou dans la coque. Qui a une voie d'eau. Et la cale du bateau se remplit d'eau chaque jour qui passe » ; « C'est comme un ménage, quand on a un déficit il faut emprunter à la banque pour financer le déficit » ; « Les jeunes français, ils ont des haltères, du plomb dans leur sac à dos ». Les métaphores du Premier ministre ne déclenchent qu'un hochement de tête des journalistes et l'autosatisfaction de François Bayrou : « Vous savez que j'ai déployé des trésors d'ingéniosité pour que ce chiffre apparaisse : les retraites ça coûte à l'État entre 40 et 50 milliards d'euros par an. » En fait d'ingéniosité, le Premier ministre fait ici référence à un chiffre choc et tout à fait fantaisiste qu'il trimballe et exhibe depuis son passage au Commissariat au Plan, fruit d'un calcul grossier sur les retraites de la fonction publique, démenti de nombreuses fois [1] y compris par le Conseil d'orientation des retraites en 2022, qui jugeait alors sa méthodologie « ni appropriée, ni opératoire ». Peu importe, aucun des journalistes n'avait prévu de remettre en cause cette affirmation. Il y a plus intéressant : après Nicolas, c'est au tour de « Simone » d'être un prétexte pour taper sur la dépense publique : « T'en fais pas Simone, on continue d'augmenter la masse salariale des fonctionnaires, +6,7% », enfonce Darius Rochebin.

« N'avez-vous pas une part de responsabilités, honnêtement ? osera tout de même Myriam Encaoua, plus 1 000 milliards de dettes depuis 2017 ? » Bayrou s'emporte : « Tous les opposants, sans exception, exigeaient qu'on fasse plus [de dépenses]. » Myriam Encaoua hoche encore la tête et cette fois Bayrou l'a vue : « Vous hochez la tête parce que vous les avez vus, monter à la tribune, demander plus ! » La journaliste laisse passer la remarque. Aucun des quatre journalistes ne rappellera non plus ce qui fait pourtant aujourd'hui consensus, jusqu'à l'OFCE, à savoir que l'explosion du déficit sous les mandats d'Emmanuel Macron est largement due à une baisse des recettes, c'est-à-dire aux baisses d'impôts pour les plus riches et les entreprises, pas à une hausse des dépenses, c'est-à-dire à un État « obèse et dispendieux ».

L'interview va pourtant se poursuivre sur le même ton pendant de longues minutes, sans qu'aucun journaliste ne discute le diagnostic erroné du docteur Bayrou, qui préconise la saignée du malade. Certains vont même plus loin que le Premier ministre : « Vous le savez bien, les 44 milliards, ce n'est qu'un début », glisse Darius Rochebin, « tôt ou tard il faudra... » Bayrou acquiesce : « Ce n'est qu'un début car il faudra faire le même effort l'année prochaine. » « Y'a-t-il un risque que la France soit mise sous tutelle ? » demande, solennelle, Sonia Mabrouk. « On pourrait se retrouver sous tutelle ?, relance lui aussi Marc Fauvelle, Éric Lombard a dit "absolument pas" cette semaine, quel est le risque ? » Le spectateur inattentif aux bandeaux n'est toujours pas en mesure de dire pour quelle chaîne parle quel journaliste.

Après 40 minutes, le deuxième grand thème intervient enfin, et les quatre chaînes se sont sans surprise accordées pour parler d'immigration. Les débats ont dû être âpres pour parvenir à fixer les sujets. C'est Marc Fauvelle qui entame le virage, mais c'est encore Sonia Mabrouk qui synthétise le mieux l'idéologie journalistique qui affleure des questions des quatre intervieweurs : « L'immigration est-elle taboue monsieur le Premier ministre ? » La journaliste de CNews avance quelques chiffres : « C'est l'AME, c'est les allocations et les aides non-contributives qui sont versées aux étrangers, ce sont les associations d'aide aux migrants (sic) […] Ça coûte 3,4 points de PIB. » Face aux dénégations de Bayrou, Mabrouk précise ses sources : « J'ai pris les chiffres de l'Observatoire de l'immigration, un organisme de référence. » L'organisme de référence en question, sur lequel s'appuie la journaliste de CNews, est en fait un think tank nataliste d'extrême droite, financé par le projet Périclès de l'homme d'affaires Pierre-Edouard Stérin.

Finalement, le passage sur l'immigration ne durera qu'une dizaine de minutes, et les quatre journalistes reviendront très vite vers l'une de leurs activités favorites, la spéculation et l'anticipation de scénarios politiciens : quelle marge de négociation existe-t-il avec le PS ? (Myriam Encaoua puis Darius Rochebin) Avec le Rassemblement National ? (Sonia Mabrouk) Pourquoi Bayrou n'a-t-il pas répondu à la lettre de Marine Le Pen au cours de l'été ? (Darius Rochebin) « Êtes-vous ici pour faire votre testament politique ? » (Marc Fauvelle) « Si vous êtes renversé et renommé dans la foulée par Emmanuel Macron, accepterez-vous le poste ? » (Myriam Encaoua) « Voulez-vous prendre à témoin les Français en leur disant "il faut réformer le pays, mais je n'y arrive pas" ? Tout ça pour être un jour une sorte de recours ? Pouvez-vous répondre simplement et dire aux Français "si je quitte Matignon, ce n'est pas pour briguer l'Élysée en 2027" ? » (Marc Fauvelle).

Pour la première fois, quatre journalistes de quatre chaînes d'info différentes ont donc interviewé simultanément un Premier ministre. Pas un ou une d'entre eux n'a eu l'idée de contester les prémices pourtant très discutables de François Bayrou sur l'imminence du danger de la dette, qui a pu sans grande contradiction se faire passer pour un lanceur d'alerte. L'exercice donna un entretien particulièrement confus et « décousu » comme l'ont souligné de nombreux résumés, et a surtout été l'occasion d'une trop ordinaire unicité des lignes éditoriales de ces quatre chaînes d'infos. Interchangeables, sans questionnements spécifiques ni réelle velléité contradictoire, elles ne se sont distinguées, au cours de cette interview, que par le « style » de leurs intervieweurs. Pluralité ne signifie pas pluralisme.

Jérémie Younes


[1] Voir par exemple « Retraites : et François Bayrou fit apparaitre un déficit de 30 milliards comme par magie », Alternatives économiques, 22/02/2023.

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