LePartisan.info À propos Podcasts Fil web Écologie Blogs Revues MÉDIAS
desk russie
Souscrire à ce flux
Desk-Russie promeut et diffuse des informations et des analyses de qualité sur la Russie et les pays issus de l’ex-URSS

Accès libre

▸ les 10 dernières parutions

29.05.2025 à 10:19

La fête de Desk Russie : nous vous invitons !

Desk Russie

Le 28 juin, au Théâtre du Soleil, Desk Russie fête ses quatre ans d’existence et la sortie du 100e numéro de notre newsletter.

<p>Cet article La fête de Desk Russie : nous vous invitons ! a été publié par desk russie.</p>

Texte intégral (660 mots)

Le 28 juin, au Théâtre du Soleil, Desk Russie fête ses quatre ans d’existence et la sortie du 100e numéro de notre newsletter. Tous nos lecteurs et amis sont conviés ! Ne ratez pas cette occasion festive de retrouver notre équipe et nos auteurs !

Il y a quatre ans, en mai 2021, nous avons publié notre premier numéro. Nous étions tous bénévoles et disposions d’un premier don de 1 700 euros, grâce à la générosité de celui qui a été maître de pensée pour un certain nombre d’entre nous, penseur et fin connaisseur du monde russe, l’académicien Alain Besançon. C’est avec ça que nous nous sommes lancés dans la bataille.

À l’époque, nous pensions durer quelques mois, jusqu’à l’élection présidentielle de 2022, pour que notre voix s’élève contre l’extrême droite et sa ligne politique pro-russe. Mais en automne 2021, et en particulier depuis l’ultimatum russe à l’OTAN et aux États-Unis, il est devenu évident que la guerre contre l’Ukraine était imminente. De nouveaux objectifs se sont présentés à nous : mobiliser l’opinion publique française pour soutenir l’Ukraine et contre la Russie poutinienne, pays agresseur ; démasquer les poutinolâtres en France ; expliquer la situation en Russie.

En quatre ans, nous avons fait du chemin. Le site initial a été remplacé par un site riche et fonctionnel ; la version anglaise a été créée. Nous avons lancé notre maison d’édition. Nous avons conduit des dizaines de débats publics dont les plus riches en collaboration avec le Théâtre du Soleil et son infatigable directrice et metteuse en scène, Ariane Mnouchkine. Actuellement, nous prenons les inscriptions pour la première année (2025-2026) de notre université, qui dispensera des cours de connaissance sur la Russie et les grandes questions géopolitiques et combattra les doctrines mensongères du Kremlin. Nous avons une merveilleuse équipe dévouée, et à chaque fois que nous faisons appel aux bénévoles, ils sont là pour nous soutenir.

Tout cela se fête, les amis ! Le Théâtre du Soleil nous ouvre ses portes à partir de 18 heures, le samedi 28 juin. Nous serons sur la pelouse où des tables et des sièges sont installés, ou bien à l’intérieur s’il fait mauvais.

Au programme, quelques prises de paroles, de la musique ukrainienne et du jazz, et un vrai dîner cuisiné par le chef du Théâtre du Soleil et ses aides. Ceux qui y sont déjà allés savent que c’est un délice gastronomique, arrosé de vin. Vous pourrez échanger avec nos auteurs et notre équipe, notamment si vous avez des questions sur l’université.

Nous vous proposerons également quelques livres à la vente. Si vous avez des ouvrages consacrés à la Russie, à l’Ukraine etc. dont vous n’avez plus besoin, vous pouvez nous les apporter pour les vendre au profit de Desk. Car, sachez-le, nos moyens sont toujours modestes, et chaque contribution compte.

Nous avons également besoin de bénévoles pour aider à la logistique.

Nous vous proposons de régler une P.A.F. de 15 euros pour la soirée, mais vous pouvez également contribuer au travail de notre association avec une participation solidaire libre. À vous de voir !

Inscrivez-vous sans tarder !

<p>Cet article La fête de Desk Russie : nous vous invitons ! a été publié par desk russie.</p>

29.05.2025 à 10:18

La guerre en zone grise menée par la Hongrie contre l’Ukraine

Anton Shekhovtsov

Les services hongrois auraient espionné en Transcarpatie en vue d’une possible intervention dans cette région ukrainienne.

<p>Cet article La guerre en zone grise menée par la Hongrie contre l’Ukraine a été publié par desk russie.</p>

Texte intégral (1721 mots)

Selon le politologue basé en Autriche, les services de renseignement militaire hongrois se sont livrés à des activités d’espionnage en Transcarpatie afin de préparer une possible intervention hongroise dans cette région ukrainienne possédant une importante minorité hongroise. C’est peut-être la vraie raison de « l’entente cordiale » entre Viktor Orbán et Vladimir Poutine : tous deux rêvent de dépecer l’Ukraine. 

Les révélations du Service de sécurité d’Ukraine (SBU) concernant une cellule des services de renseignement militaire hongrois opérant dans la région ukrainienne de Transcarpatie au détriment de l’Ukraine soulèvent de sérieuses questions quant à la position de la Hongrie au sein des alliances politiques et militaires occidentales.

Le 9 mai dernier, le SBU a révélé que cette cellule – composée de deux informateurs ukrainiens encadrés par un officier du renseignement militaire hongrois – avait pour mission de collecter des données sur la sécurité militaire de la région de Transcarpatie, notamment en identifiant les vulnérabilités de ses défenses terrestres et aériennes. La cellule devait également évaluer divers scénarios quant au comportement potentiel des habitants de Transcarpatie en cas d’entrée de troupes hongroises dans la région, que ce soit sous couvert de force de maintien de la paix ou de contingent de l’OTAN.

D’autres questions ont également été posées à la cellule – par exemple, quels équipements ou armes militaires étaient disponibles sur le marché noir en Transcarpatie, ou quelle était la situation de la population hongroise ethnique de la région. La Transcarpatie est frontalière de la Hongrie et abrite environ 100 000 Hongrois ethniques, représentant environ 10 % de la population régionale.

La cellule est devenue active en septembre 2024, mais son principal informateur avait été recruté par les services de renseignement militaire hongrois dès 2021. Les activités et le calendrier de cette cellule laissent penser que les actions anti-ukrainiennes de la Hongrie étaient directement liées à la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine, et que la Hongrie préparait une extension de son influence politique en Transcarpatie.

Le rêve de la « Grande Hongrie »

Historiquement, la Transcarpatie faisait partie de l’Empire austro-hongrois et fut rattachée à la Tchécoslovaquie après la Première Guerre mondiale. En mars 1939, à la suite du démantèlement de la Tchécoslovaquie par les nazis, la Hongrie – alors dirigée par Miklós Horthy et alliée à l’Allemagne hitlérienne – annexa la Transcarpatie avec l’approbation tacite de Hitler. Après la chute du Troisième Reich, la région fut intégrée à l’Ukraine soviétique en 1945.

Les nationalistes hongrois, y compris le Premier ministre Viktor Orbán, considèrent la perte de la Transcarpatie et d’autres territoires abandonnés après la Première Guerre mondiale comme une injustice historique. La Transcarpatie occupe une place centrale dans les cartes et les discours qui promeuvent l’idée d’une « Grande Hongrie ».

La vision d’Orbán, qui considère la Transcarpatie comme une terre historiquement hongroise, est pleinement alignée avec celle du président russe Vladimir Poutine, qui considère l’Ukraine comme un État artificiel et affirme que ses régions occidentales devraient revenir de droit à la Pologne, à la Hongrie et à la Roumanie.

En 2008, Poutine aurait proposé au Premier ministre polonais Donald Tusk, lors d’une visite à Moscou, l’idée d’un partage de l’Ukraine entre la Pologne et la Russie. En 2014, après l’annexion de la Crimée par la Russie, le député russe Vladimir Jirinovski a envoyé des lettres aux ministères des Affaires étrangères de la Hongrie, de la Pologne et de la Roumanie, suggérant un démembrement de l’Ukraine et la répartition de ses territoires entre la Russie et ces trois pays.

Le recrutement d’un informateur ukrainien par les services de renseignement militaire hongrois en 2021 s’inscrit dans le contexte des préparatifs actifs de la Russie pour sa guerre contre l’Ukraine – une guerre que de nombreux dirigeants occidentaux exhortaient alors la Russie à ne pas déclencher.

Le 1er février 2022, soit trois semaines avant l’invasion à grande échelle par la Russie, Viktor Orbán s’est rendu à Moscou pour rencontrer Poutine. Le contenu exact de leur entretien, qui a duré plusieurs heures, n’a jamais été divulgué, mais il aurait porté sur la sécurité européenne et les pressions croissantes exercées par la Russie sur l’Ukraine.

Deux jours avant l’invasion russe, le ministère hongrois de la Défense a annoncé le déploiement d’un nombre indéterminé de soldats à la frontière ukrainienne. Officiellement, ce déploiement était présenté comme une mesure de précaution destinée à renforcer la sécurité des frontières, à empêcher l’entrée de groupes armés et à gérer un éventuel afflux de réfugiés.

À la lumière des récentes révélations du SBU sur les activités hostiles de la Hongrie, cette justification officielle pour le mouvement de troupes apparaît désormais sujette à caution.

shekhovtsov2
Militaires hongrois lors d’une cérémonie officielle // nato.int

Les « casques bleus » d’Orbán

Il serait sans doute exagéré de suggérer que l’armée hongroise avait l’intention d’envahir la Transcarpatie en février 2022 – les forces hongroises ne sont pas de taille face à une armée ukrainienne aguerrie. Cependant, l’objectif probable de Viktor Orbán aurait été de combler un vide sécuritaire potentiel dans la région, en y déployant des policiers hongrois et des « forces de maintien de la paix », si l’« opération militaire spéciale » de la Russie avait réussi à faire s’effondrer l’État ukrainien en quelques jours ou semaines.

Orbán n’aurait sans doute pas pris le risque de reproduire l’annexion directe de la Transcarpatie opérée par Horthy à la suite de l’invasion nazie de la Tchécoslovaquie, mais l’idée sous-jacente était probablement similaire : attendre l’effondrement de l’Ukraine, puis pénétrer en Transcarpatie afin d’y asseoir l’influence politique hongroise.

On ignore encore pourquoi les services de renseignement militaire hongrois ont choisi d’activer leur cellule en septembre 2024, mais cette décision semble liée à l’évolution du conflit mené par la Russie.

D’un côté, les données sur les défenses terrestres et aériennes ukrainiennes en Transcarpatie n’auraient que peu d’utilité pour l’armée hongroise, qui ne dispose pas de la capacité de s’opposer militairement à l’Ukraine. Le seul acteur susceptible de bénéficier de telles informations est la Russie. D’un autre côté, l’opération hongroise pourrait avoir été motivée par l’anticipation d’une crise intérieure aux États-Unis, déclenchée par l’élection présidentielle américaine de 2024, ce qui aurait ouvert une fenêtre stratégique permettant à la Russie d’avancer ses objectifs en Ukraine. Dans un tel scénario, des troupes hongroises se présentant comme « forces de maintien de la paix » auraient pu entrer en Transcarpatie sous prétexte de stabiliser la région.

À ce moment-là, le président français Emmanuel Macron avait déjà évoqué l’idée de déployer des forces européennes de maintien de la paix en Ukraine si la Russie réalisait des percées importantes dans les régions centrales du pays. Dans ce contexte, l’initiative « pacificatrice » d’Orbán aurait pu paraître légitime aux yeux de nombreux observateurs naïfs.

Quelle que soit la tactique exacte employée par la Hongrie, l’Ukraine dispose désormais de preuves concrètes que les actions anti-ukrainiennes d’Orbán vont bien au-delà du simple blocage de l’aide militaire et financière de l’UE ou de l’entrave à l’intégration européenne de l’Ukraine.

L’ampleur et la nature des opérations de renseignement menées par la Hongrie rendent de plus en plus plausible l’hypothèse qu’Orbán collabore directement avec Poutine dans la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine – et, plus largement, contre l’Europe. Une enquête approfondie, dirigée par l’Union européenne ou l’OTAN, sur cette possible collusion est non seulement justifiée, elle est urgente et nécessaire.

Traduit de l’anglais par Desk Russie

Lire la version originale

<p>Cet article La guerre en zone grise menée par la Hongrie contre l’Ukraine a été publié par desk russie.</p>

29.05.2025 à 10:18

La Roumanie, un bastion de l’Europe qui résiste aux ingérences russes

Eugène Leahu

La victoire de Nicușor Dan, candidat ouvertement pro-européen et pro-ukrainien : décryptage.

<p>Cet article La Roumanie, un bastion de l’Europe qui résiste aux ingérences russes a été publié par desk russie.</p>

Texte intégral (5258 mots)

Les Européens redoutaient l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir en Roumanie. Mais la démocratie roumaine s’est avérée robuste : le vote massif de la population au second tour de l’élection présidentielle a permis la victoire de Nicușor Dan, un candidat ouvertement pro-européen et pro-ukrainien. L’auteur explique le dessous des cartes : les manœuvres russes pour séduire l’électorat grâce à des idées nationalistes, l’influence des milieux panorthodoxes et panslavistes, mais aussi les problèmes pendants qui ont éloigné une partie de la population des partis pro-européens, au premier chef la situation de la Bucovine du Nord, rattachée par Staline à l’URSS et à l’Ukraine.

Sur le front de l’Est, une bataille a été gagnée de justesse dans cet affrontement ouvert depuis le 24 février 2022 entre l’Europe et le Kremlin, entre l’union des pays libres de notre continent et un système néo-soviétique intrusif et liberticide.

Dans un climat de tensions sociales et de déceptions par rapport aux politiques économiques des gouvernements social-démocrates et libéraux, marqués par des scandales de corruption, et face aux promesses des partis nationalistes et eurosceptiques qui promettaient une meilleure défense des intérêts nationaux, la société roumaine a hésité entre les illusions d’un retour vers un passé aux valeurs « sûres », « morales » et celles d’un monde libre, ouvert, avec les incertitudes d’une économie de marché concurrentielle.

Les premiers chiffres annoncés le 18 mai 2025, après la clôture des bureaux de vote à Bucarest à 21 heures, ont été accueillis dans une grande confusion, les deux candidats célébrant simultanément leur victoire. Nicușor Dan a salué dans son quartier général « la victoire d’une communauté de Roumains désireux d’un profond changement » devant ses partisans scandant « Russie n’oublie pas, la Roumanie n’est pas à toi ! »,  ainsi que « Europe » et « unité ».

Son adversaire George Simion s’est proclamé au même moment devant le Parlement « le nouveau président de la Roumanie », comptant surtout sur les votes de la diaspora pour avoir la victoire finale et prétendant avoir identifié des « fraudes » dans le processus électoral.

Selon les résultats définitifs confirmés le 19 mai par le Bureau électoral central, Nicușor Dan a obtenu 53,60 % des voix (soit 6 168 642 voix), tandis que son rival George Simion a obtenu 46,40 % (soit 5 339 053 voix au total).

Comme lors des élections du mois de novembre 2024, d’importantes ingérences russes sur les réseaux sociaux ont été signalées par les représentants du gouvernement roumain. Le ministère des Affaires étrangères a dénoncé une « campagne virale de fausses informations » sur les réseaux sociaux, notamment sur Telegram, visant à « influencer le processus électoral » et portant « une nouvelle fois les marques d’une ingérence russe4 ».

Par ailleurs, le même jour, Pavel Dourov, fondateur de Telegram, qui a des démêlés avec la justice française, avait accusé la France d’avoir cherché à « réduire des voix conservatrices au silence » en Roumanie, ce qui a été vivement démenti par le ministère des Affaires étrangères de la France.

La manipulation de l’opinion eurosceptique au profit des influences russes

Le candidat indépendant Nicușor Dan, maire de Bucarest et mathématicien, a gagné au second tour avec une avance confortable, bien qu’un grand nombre d’électeurs aient cédé aux promesses de son rival George Simion, manipulateur nationaliste qui exploitait la nostalgie en jouant sur la possibilité d’un retour vers un passé sombre mais supposé stable. 

Il s’agissait bien d’un retour, car le parti nationaliste d’extrême droite AUR (Alliance pour l’unité des Roumains) qu’il a fondé et préside actuellement, a récupéré et détourné le mouvement civique « unioniste » Actiunea-2012, qui réclame l’abolition de la frontière artificielle créée par Staline en 1940 entre les citoyens de l’État roumain actuel et leurs frères de l’actuelle république de Moldavie. Ce parti est ainsi devenu un parti anti-européen qui reprend les refrains de la plupart de mouvements d’extrême droite dans plusieurs pays de l’UE, actuellement soutenus par le leader du Kremlin. 

La naissance du parti AUR fut une manœuvre habile organisée par des membres des services de renseignements roumains ayant des orientations pro-russes.

Grâce à cette opération bien préparée, le « grand frère » de l’Est réussit un grand coup. Les démarches unionistes ont été anéanties par la transformation d’un mouvement civique en un nouveau parti politique concurrent aux autres forces unionistes, un parti « souverainiste » qui milite contre les projets militaires et économiques de l’UE et pour une « Europe des nations ». Ainsi, la revendication par AUR concernant une éventuelle union librement consentie entre la Roumanie et la république de la Moldavie fait que toute démarche unioniste, légitime dans son principe, est d’office associée à AUR et considérée comme extrémiste.

Ce même type d’attitudes anti-européennes ont été manifestées également par les leaders du RN en France. Le soutien « entier et sincère » accordé par Marine le Pen5 dans son communiqué de presse du 14 mai 2025 au candidat George Simion s’inscrit dans cet esprit d’entraide poutiniste au sein de l’UE.

Revenons sur les relations historiques entre Poutine et Marine Le Pen d’une part, et entre Alexandre Douguine et Călin Georgescu d’autre part,pour mieux comprendre les raisons de ces similitudes entre ces partis politiques.

Si Marine le Pen avait demandé officiellement en 2017 le soutien de Poutine pendant sa visite au Kremlin, avant de commencer sa campagne présidentielle de « patriote française », Călin Georgescu, candidat malheureux très proche de George Simion, avait fait la même chose en 2014 auprès d’Alexandre Douguine, l’idéologue ultranationaliste qui inspire la classe politique russe.

Dans son ouvrage Cumpăna României, publié en août 2016, Călin Georgescu écrivait : « […] la Russie n’est pas un pays anti-occidental mais anti-globaliste et tourné vers le renouveau. C’est heureux que le peuple russe et le peuple roumain partagent la même eau, celle de la spiritualité chrétienne-orthodoxe, qui coulera éternellement. Il faut bien savoir d’où on peut puiser l’eau sainte, porteuse de silence et de paix, pour bâtir des édifices spirituels voués à l’éternité. »

Ce type de discours aux résonances mystiques deviendra une sorte de repère fondamental d’une bonne partie de ses sympathisants, recrutés sur les réseaux sociaux pan-orthodoxes, qui prêchent un « retour » aux « véritables » valeurs chrétiennes. Cultivant une authentique nostalgie pour les temps de « stabilité » du régime communiste, ce discours sera ainsi diffusé sous différentes déclinaisons par des influenceurs de TikTok et de Telegram, dénonçant l’idéologie « décadente » de l’Occident et, surtout, réclamant la « protection » de la famille.

Comme nous l’avons montré ailleurs6, les leaders de l’ex-URSS n’ont jamais envisagé d’abandonner leur influence sur les anciens pays de l’Est. Bien au contraire, ils ont prévu de la diversifier et d’étendre progressivement leur zone d’influence à l’ensemble du continent.

Divergences au sein des services de renseignement

Selon un dicton utilisé par certains membres de ces services, « ce n’est pas la politique qui conduit les services de renseignement, plutôt l’inverse »

 Les divergences extrêmes dans les prises de positions officielles des services de renseignement et les communiqués faits par certains hauts gradés de ces services sur les réseaux sociaux, permettent de mettre en lumière l’ambiance conflictuelle qui règne dans le monde politique et la société en Roumanie.

Lors de l’apparition soudaine d’un candidat parfaitement opaque, Călin Georgescu, dans la course pour la Présidence de la République en novembre 2024, toute l’intelligentsia et la presse pro-européenne de la Roumanie ont manifesté leur vive inquiétude dans un contexte géopolitique particulièrement conflictuel sur le front de l’Est.

Ce n’est que sous la pression de l’opinion publique et des médias que le président sortant a pu obtenir de la part du service de renseignement intérieur des rapports concernant les ingérences étrangères sur les réseaux sociaux. Ce service a notamment identifié une augmentation progressive du nombre de faux comptes sur TikTok et sur Telegram.

En parallèle, certains haut gradés des services de renseignement roumains, dont un certain conseiller du Conseil suprême de défense du pays, professeur à l’Académie Nationale de Police, publient sur les réseaux sociaux des articles qui s’opposent à la guerre en Ukraine, tout en se demandant, à deux mois  de l’élection, si le « candidat indépendant Călin Georgescu », totalement inconnu à l’époque, allait remporter l’élection présidentielle, car « les Roumains ne font plus confiance aux partis politiques ». En même temps, le haut gradé en question inonde la blogosphère avec ses points de vue virulents, usant de titres comme « Trahison nationale ou recherche de la paix ? » pour dénoncer l’aide accordée à l’Ukraine, ou affirmant que le prochain « candidat indépendant » pense aux « problèmes réels de la Roumanie », comme si la guerre d’invasion qui s’approche de ses frontières n’en était pas un.

Ces points de vue ont été repris par la suite par le « candidat indépendant » dans sa campagne électorale.

Par ailleurs, d’autres sujets d’inquiétude, tels que les déplacements mystérieux et injustifiés du candidat George Simion de Bucarest à Vienne, ou la poursuite des affaires entre l’État roumain et l’oligarque russe Viktor Vekselberg, passent totalement inaperçus auprès des services de renseignement roumains, ainsi qu’auprès de l’agence nationale de l’administration financière7. Le 5 mai, tout de suite après le premier tour des élections, G. Simion est parti à 7 heures du matin, puis il a passé seulement une heure et demie en Autriche, avant de revenir à 10 heures en Roumanie, à Sibiu en répondant aux nombreuses questions des journalistes qu’il est allé « faire une photo importante avec un politicien important8 ».

Malgré ses promesses, cette photo n’a jamais été publiée.

Plus récemment, après son discours du 19 mai, dans lequel il reconnaissait tardivement la victoire de son adversaire, George Simion est reparti de Cluj à Vienne le 20 mai en voiture et il est revenu pour faire une déclaration contradictoire et menaçante : « La raison pour laquelle j’ai félicité Nicușor Dan, compte tenu des résultats du vote c’est que j’aime la Roumanie, j’aime le peuple roumain et je ne souhaite pas voir un bain de sang dans notre pays, afin de justifier le chaos et la prise du pouvoir par certains. Vous pouvez vous cacher même dans un trou de serpent, mais nous vous retrouverons toujours. »

Voici comment Ionut Benea de l’agence de presse Europe Libre interprète cette menace : « Sans présenter des preuves concluantes, Simion a accusé la France et la République de Moldavie d’être des “acteurs étatiques” impliqués dans les élections en Roumanie. Il a également accusé la presse et les influenceurs d’avoir été payés pour soutenir son adversaire Nicușor Dan, qui a obtenu 829 589 votes de plus que lui lors des élections du 18 mai. »

Suite à la déclaration de Simion diffusée sur les réseaux sociaux et la chaîne de télévision Digi24, George Becali, l’un de ses financeurs les plus importants, a déclaré qu’il arrêtait définitivement son soutien à son ancien protégé9.

Suite aux déclarations de G. Simion, Nicușor Dan, le nouveau président élu a reçu une menace de mort avec « 15 balles » de la part d’un homme de Maramures. Des menaces de mort contre les membres des partis pro-européens et les minorités sexuelles se sont également succédé sur les réseaux sociaux.  

Les étapes d’un coup d’état organisé sur les réseaux sociaux

Un retour d’expérience sur les différentes campagnes médiatiques mises en œuvre pour ces élections présidentielles, tellement controversées, tellement manipulées, nous aide à mieux évaluer les avantages et les fragilités des régimes démocratiques.

Les systèmes totalitaires fermés, comme celui de Kremlin, organisent des ingérences afin d’imposer des acteurs politiques contrôlés depuis l’extérieur. Cela induit pour ces candidats des difficultés évidentes lors des contacts avec les journalistes et les concurrents politiques. C’est pour cette raison que les intrus auront toujours plus d’aisance sur les réseaux sociaux, où ils vont pouvoir diffuser un contenu pré-enregistré, plutôt que dans dans les débats organisés par les télévisions en présence de leurs rivaux.

Un candidat contrôlé tel que George Simion ou Călin Georgescu, aura toujours du mal à structurer une réponse cohérente à une question non communiquée au préalable. C’est pour cette raison que, pendant ces élections, les deux candidats « surprise » ont systématiquement fui les débats télévisés organisés sans communication préalable des questions, et ont privilégié  la communication sur les réseaux sociaux, avec des sujets préenregistrés, ou bien préparés à l’avance.

Paradoxalement, pendant ces élections, nous avons pu constater combien les principes démocratiques peuvent être retournés contre les fondements mêmes de l’État démocratique. Comment expliquer, par exemple, le vote massif de la diaspora roumaine en Europe occidentale en faveur d’un candidat anti-européen comme George Simion ?

Tout comme les sympathisants du RN en France, une bonne partie de la diaspora roumaine en Europe occidentale a voté pour les promesses d’une « Europe des Nations », souverainiste et pour des « valeurs morales » bien représentées, selon eux, par un candidat comme George Simion, qui pose devant les caméras et pour les réseaux sociaux en « défenseur des valeurs chrétiennes », sans se douter qu’il pourrait être un charlatan, comparable à Poutine quand il se fait filmer à l’église avant de commettre des crimes de guerre, ou après.

En 1990, lors des premières élections libres après la chute du régime de Ceausescu, si le futur président néo-communiste Iliescu, soutenu par le Kremlin, avait réussi à insinuer l’idée que les partis pro-ocidentaux allaient « vendre le pays » aux « agences occidentales », ce fut grâce au monopole absolu sur la télévision et la radio nationales, unique dans le paysage médiatique de l’époque. C’était l’époque de la manipulation radiophonique et télévisuelle.

Maintenant, nous retrouvons les mêmes méthodes, mais avec des moyens modernes beaucoup plus intrusifs, tels que les réseaux sociaux TikTok, ou Facebook, qui adressent  cookies et messages ciblés à un public infiniment plus dépendant des applications sur smartphones. 

L’apparition subite du candidat « indépendant », Călin Georgescu, totalement inconnu dans la vie politique et sociale, demeure inédite par son opacité sans précédent dans la course à la présidence dans un pays démocratique. Utilisant une communication unilatérale sur TikTok, sur Telegram et sur Facebook comme méthode de communication électorale, il demeure le personnage public le plus énigmatique de la vie politique roumaine. 

Sous la pression de la société civile, le Bureau électoral central a annulé les élections; et le Président Klaus Iohannis a fini par publier les rapports des services de renseignement sur les campagnes de publicité électorale masquée derrière quelques milliers de faux comptes créés sur TikTok.

La société civile a été appelée à « défendre la démocratie » par les partis d’extrême droite, l’AUR de George Simion et S.O.S. România, dont la présidente Simona Ivanovici-Sosoaca communique régulièrement autour de ses visites hebdomadaires à l’ambassade de Russie à Bucarest. Ils ont mobilisé des dizaines de milliers de manifestants anti-gouvernementaux et également des anti-européens. Au fond, en voulant protéger le système démocratique contre les ingérences externes, la démocratie s’est fait battre avec ses propres moyens, avec ses propres principes. 

Le cadre légal devrait protéger non seulement contre la fraude électorale, mais aussi contre les campagnes électorales irrégulières, ou non déclarées selon les règles préalablement établies par conseil national de l’audiovisuel.

Compte tenu du temps passé par les électeurs en direct avec les candidats, par rapport à celui passé avec eux sur les réseaux sociaux, nous comprenons à quel point il est essentiel de réguler le cadre légal de ce monde virtuel qui domine le monde réel.

Le tiraillement Est/Ouest et l’instrumentalisation de l’orthodoxie

L’histoire se répète, non en cercle, mais plutôt en spirale.

Des outils de manipulation tels que le réseaux Tik Tok ou Telegram exploitent depuis leur apparition les affiliations qui existent dans le monde des cultures orthodoxes de l’Europe de l’Est entre la nostalgie du communisme et l’expansionnisme panslaviste, prêché par tous les patriarches de l’Église Russe depuis Pierre le Grand jusqu’à nos jours.

Les hommes politiques d’extrême droite en Europe orientale se posent en défenseur des « valeurs orthodoxes », même si la plupart d’entre eux ne sont pas des chrétiens pratiquants. Ils récupèrent tous les sujets sensibles de l’histoire de leurs pays afin de créer non pas des « solutions » tel qu’ils le prétendent, mais des conflits, avec d’autant plus de succès qu’ils abordent souvent des sujets importants dont aucun de leurs opposants démocrates ne souhaite discuter, afin de s’éviter des soucis.  

Pour séduire l’électorat, la plupart de ces leaders d’extrême droite font un discours sur les valeurs chrétiennes orthodoxes et contre la corruption, tout en s’entourant eux-mêmes de « sponsors » issus du milieu.  On a ainsi pu constater des attitudes schizoïdes, parfaitement contradictoires, de la part d’électeurs qui prétendaient voter « contre la corruption », tout en défendant un candidat comme G. Simion soutenu par les barons de la corruption, tels que George Becali, les clans Corduneanu et Duduianu impliqués dans les affaires de banditisme et de drogues, Mugur Mihaescu ou Marcel Ciolacu.

Cela prouve la capacité inouïe des réseaux sociaux à se substituer à la logique et à entrer dans la pensée des individus. C’est pour cette raison que ces nouveaux outils sont tellement indispensables aux leaders extrémistes, et qu’ils sont toujours collés à leurs smartphones.Sur le plan extérieur, on constate une certaine solidarité et une entraide entre dictateurs.Le paradoxe des relations entre les dictateurs est que, même lorsqu’ils ont des intérêts divergents, ils ont toujours besoin l’un de l’autre. Le grand ennemi des dictateurs demeure le monde libre et, dans notre cas, le monde occidental, qui risque de contaminer par la pensée les citoyens suivistes tellement indispensables aux régimes totalitaires.

C’est dans ce cadre qu’il convient de décrypter l’intérêt subit du Kremlin pour un candidat totalement inconnu de la scène politique comme Călin Georgescu, et  maintenant pour son jeune ami George Simion. Pour l’élection présidentielle de novembre – décembre 2024, la presse russe ne parlait que de C. Georgescu, et pour l’élection de mai, en  Moldavie et en Pologne, tous les leaders politiques pro-russes ont accordé leur soutien à G. Simion.

Pour des raisons historiques liées aux manœuvres constantes de la Russie pour étendre sa domination sur les pays limitrophes, il n’y aura jamais de vraie amitié entre la Roumanie et les leaders actuels de Moscou. C’est sous cet angle qu’il faut considérer les dernières déclarations de Dmitri Peskov, pour qui « les élections ont été pour le moins étranges ».

La récupération de l’électorat de gauche en Europe de l’Est par les extrêmes

L’échec et le cynisme  des régimes autoritaires communistes a entraîné à l’Est un grand scepticisme dans les idéaux d’ « égalité », de « liberté » et de « démocratie ».

Pour sauver leurs positions, les apparatchiks post-communistes ont fondé des partis poursuivant une sorte de socialisme édulcoré, ou de « communisme à visage humain » en récupérant toute l’infrastructure de l’ancien parti unique et en détournant tous les biens qui pouvaient être récupérés. 

Face aux incertitudes d’une « économie de transition » vers un système de marché ouvert et aux surprises d’une société en pleine mutation, une bonne partie de l’électorat a suivi, par inertie ou par peur, les promesses de « stabilité » des partis politiques héritiers de l’ancien régime. Cependant, durant toute cette période de transition, doublée par le choc de la guerre en Ukraine, les gens se sont retrouvés face à un vide idéologique.

Celui-ci a été rempli progressivement par un certain instinct de conservation, converti ensuite en esprit patriotique, et par la religion. De nouveaux partis regroupant ces deux tendances ont commencé à s’affirmer. Ainsi, l’électorat effrayé par l’inconnu a été réorienté.

Si l’on regarde aujourd’hui la carte des votes en faveur de Klaus Iohannis (du parti PNL, libéral) lors de l’élection présidentielle de 2014, qui l’avait opposé au candidat néo-communiste, et qu’on la superpose à la carte de l’élection de 2025 opposant Nicușor Dan et George Simion, on constate qu’à quelques exceptions près, ceux qui ont voté pour l’ancien parti communiste (PSD) ont voté maintenant pour George Simion (AUR), tandis que ceux qui ont voté en 2014 pour Klaus Iohannis (PNL libéral) ont voté maintenant, en grande majorité, pour Nicușor Dan.

leahu2
La carte des voix en 2014 et en 2025

Leçons et perspectives

Si un parti politique extrémiste tel que AUR est arrivé en tête au premier tour, c’est en grande partie en raison de l’incompétence et de la corruption des gouvernements précédents.

La chance des démocrates a été que Nicușor Dan, l’adversaire de G. Simion, ne soit ni incompétent – il a plutôt réussi en tant que maire de Bucarest –, ni corrompu, mais intègre et rigoureux.

Néanmoins, un point d’inquiétude majeur reste le nombre de voix extrêmement important réunis par le parti anti-européen.

Dans son attaque contre toute contribution de la Roumanie à la défense de l’Ukraine, George Simion a abordé un point sensible, bien connu de toute la classe politique, mais jamais discuté ouvertement : celui de la minorité roumaine vivant dans la région de la Bucovine du Nord. Cette région historique du principat de la Moldavie a été occupée en 1744 par l’Empire austro-hongrois (1744-1918), intégrée ensuite à la Roumanie (1918-1944), puis occupée par les Soviétiques en 1944 et attribuée à l’Ukraine. Ce rattachement a été confirmé  par la Présidence de la Roumanie en 1997, afin de résoudre les différends avec les États voisins et de satisfaire ainsi l’un des critères qu’elle devait remplir avant d’intégrer l’OTAN et ultérieurement l’UE.

Bien que cette confirmation ait été faite sans consultation nationale, la classe politique roumaine et l’électorat ont accepté cette décision au bénéfice de la paix et de la stabilité dans la région. Cependant, la question des Roumains vivant en Bucovine ukrainienne est un sujet sensible et important pour la plupart des Roumains. Selon les statistiques officielles de l’ambassade de Roumanie en Ukraine, « la communauté roumaine représenterait la troisième ethnie en Ukraine, après les Ukrainiens et les Russes, si elle n’était pas divisée artificiellement en Roumains (151 000 personnes) et « Moldaves » (258 600 personnes)10 ».

Or, les Roumains et les Moldaves parlent la même langue et partagent la même culture.  La diminution de l’enseignement en langue roumaine est un point important pour ceux qui prônent le respect des droits des minorités et les valeurs européennes11.

La force du projet européen est l’union en pluralité. C’est dans cet esprit que l’Union européenne pourra continuer à rayonner, tout en encourageant ses partenaires et potentiels adhérents à respecter les valeurs humaines et la diversité.

<p>Cet article La Roumanie, un bastion de l’Europe qui résiste aux ingérences russes a été publié par desk russie.</p>

4 / 10
  GÉNÉRALISTES
Basta
Blast
L'Autre Quotidien
Alternatives Eco.
La Croix
Le Figaro
France 24
France-Culture
FTVI
HuffPost
L'Humanité
LCP / Public Senat
Le Media
Le Monde
Libération
Mediapart
La Tribune
 
  EUROPE ‧ RUSSIE
Courrier Europe Centrale
Desk-Russie
Euractiv
Euronews
Toute l'Europe
 
  Afrique du Nord ‧ Proche-Orient
Haaretz
Info Asie
Inkyfada
Jeune Afrique
Kurdistan au féminin
L'Orient - Le Jour
Orient XXI
Rojava I.C
 
  INTERNATIONAL
CADTM
Courrier International
Equaltimes
Global Voices
I.R.I.S
The New-York Times
 
  OSINT ‧ INVESTIGATION
OFF Investigation
OpenFacto°
Bellingcat
Disclose
Global.Inv.Journalism
 
  MÉDIAS D'OPINION
AOC
Au Poste
Cause Commune
CrimethInc.
L'Insoumission
Les Jours
LVSL
Médias Libres
Politis
Quartier Général
Rapports de force
Reflets
Reseau Bastille
Rézo
StreetPress
 
  OBSERVATOIRES
Armements
Acrimed
Catastrophes naturelles
Conspis
Culture
Curation IA
Extrême-droite
Human Rights
Inégalités
Information
Internet actu ✝
Justice fiscale
Liberté de création
Multinationales
Situationnisme
Sondages
Street-Médics
Routes de la Soie
🌓