12.11.2025 à 08:29
Équipe de l'Observatoire
La fraude fiscale, qui, désigne l'ensemble des actes illicites visant à échapper aux obligations fiscales, en omettant de payer les impôts dus ou en réduisant indûment le montant de la base à déclarer ou des impôts à payer, est un phénomène complexe et évolutif. Tous les travaux concordent cependant : quoiqu'en disent les pourfendeurs du « modèle social », elle se traduit par des pertes de recettes considérables.
Dans son rapport « L'état de la justice fiscale en 2025 », Tax Justice (…)
La fraude fiscale, qui, désigne l'ensemble des actes illicites visant à échapper aux obligations fiscales, en omettant de payer les impôts dus ou en réduisant indûment le montant de la base à déclarer ou des impôts à payer, est un phénomène complexe et évolutif. Tous les travaux concordent cependant : quoiqu'en disent les pourfendeurs du « modèle social », elle se traduit par des pertes de recettes considérables.
Dans son rapport « L'état de la justice fiscale en 2025 », Tax Justice Network révèle ainsi qu'une ordonnance de bâillonnement soutenue par les États-Unis qui empêche les gouvernements de révéler les noms des multinationales ayant transféré des milliards vers des paradis fiscaux a fait perdre aux pays plus de 475 milliards de dollars américains en impôts sur les sociétés entre 2016 et 2021. Les plus grands perdants sont les États-Unis eux-mêmes, qui se privent de 158,5 milliards de dollars américains de recettes, et la France avec une perte estimée à 32,3 milliards de dollars américains, soit 27,3 milliards d'euros en matière d'impôt sur les sociétés (IS).
Cette étude apporte une nouvelle confirmation de l'ampleur de la fraude fiscale, estimée entre 80 et 100 milliards d'euros.
Pour estimer la fraude fiscale globale, il faut par ailleurs ajouter la fraude à la TVA,estimée entre 20 et 25 milliards d'euros par l'INSEE. La fraude à la TVA constitue en effet un autre « gros morceau » de la fraude fiscale globale. Au sein de l'Union européenne, « la TVA due mais non perçue par les autorités fiscales a été estimée à 134 milliards d'euros en termes nominaux et à 10.3% en pourcentage de la TVA totale exigible en 2019 » selon la Commission européenne. Le produit intérieur brut (PIB) français représente entre 16 et 17 % du PIB de l'Union européenne, ce qui signifie que la fraude à la TVA telle qu'estimée par l'Union européenne représente entre 21 et 22 milliards d'euros.
Au surplus, il faut ajouter à ces 48 à 49 milliards d'euros de fraude brute cumulée les autres formes de fraudes en matière d'IS, d'impôt sur le revenu, d'impôts sur le patrimoine, d'autres impôts sur la consommation ou encore les impôts locaux.
En matière d'IS en effet, il existe d'autres formes de fraudes : fraude au crédit d'impôt recherche ou aux autres niches fiscales des entreprises, fausses factures, sur ou sous facturation, etc.
Au-delà, il s'agit d'analyser l'impact de l'économie souterraine. Selon l'INSEE, le taux de travail dissimulé est de 8.8 % du PIB, ce qui se traduit par une perte de recettes sociales, mais également fiscales, puisque les revenus non déclarés ou sous déclarés échappent à l'impôt sur le revenu. Celui-ci fait également l'objet d'autres formes de fraudes, comme la fraude à certaines niches fiscales (soit le fait de bénéficier à tort de crédits ou de réductions d'impôt) ou la maximisation de charges déductibles, pour les commerçants, les professions libérales et les revenus fonciers notamment.
S'agissant des impôts sur le patrimoine, la fraude prend elle aussi diverses formes : non déclaration d'actifs détenus ou transmis (détenus à l'étranger, vie des sociétés écrans ou anonymement comme dans le cas de crypto-actifs par exemple), sous-déclaration de biens détenus ou transmis pour baisser artificiellement les droits de mutation à titre onéreux lors d'une vente, ou les droits de donation et de succession lors d'une transmission à titre gratuit ou encore l'impôt sur la fortune immobilière.
Les impôts locaux également sont parfois fraudés, lorsque des travaux portant sur des agrandissements de biens immobiliers ne sont pas déclarés et qu'ils ne peuvent donc pas donner lieu à une actualisation de la base de la taxe foncière et/ou de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires.
Enfin, pour compléter le tableau de la fraude, précisons que les droits de douane, calculés sur l'origine et la valeur des marchandises ainsi que sur leur classement (pour appliquer le tarif douanier correct) font, eux aussi, l'objet de fraudes importants, par voie de falsification de l'un de ces facteurs lors de l'importation ou de l'exportation de marchandises ou encore en détournant certains régimes douaniers (comme la fraude au régime 42 (qui permet, lors de l'importation de marchandises en provenance d'un pays tiers, de bénéficier d'une exonération de la TVA au point d'entrée dans l'Union européenne, à la condition que ces biens soient immédiatement expédiés vers un autre État membre.
Certains montages touchent plusieurs impôts. Ainsi, pour éviter de payer tout à la fois l'impôt sur le revenu et les impôts sur le patrimoine, certains contribuables se déclarent résidents à l'étranger mais continuent de vivre en France. Chaque année, de nombreuses personnes font l'objet de redressements fiscaux pour « fausse domiciliation ». Certains acteurs du E-commerce fraudent tout à la fois la TVA, l'IS et les droits de douane, etc.
Il serait impossible de décrire en quelques mots la diversité et la complexité des fraudes fiscales. Mais à la lumière des récents travaux, un constat s'impose : tous confortent l'estimation selon laquelle la fraude fiscale représente un manque à gagner compris entre 80 et 100 milliards d'euros. Cette situation, qui perdure, est dévastatrice à tous points de vue. Les recettes manquent pour financer l'action publique, la protection sociale et les investissements face au changement climatique. La fraude plombe l'activité économique et aliment les injustices et les inégalités, surtout lorsqu'elle est le fait des agents économiques les plus aisés. Au surplus, elle nourrit la crise démocratique. La lutte résolue contre l'évasion et la fraude fiscales est donc un enjeu majeur.
03.11.2025 à 14:25
Équipe de l'Observatoire
L'Assemblée nationale a adopté vendredi soir, la transformation de l'Impôt sur la fortune immobilière (IFI) en « impôt sur la fortune improductive ». L'objectif de ce nouvel impôt est d'inciter les contribuables les plus aisés à orienter placer leur richesse dans « l'économie réelle ». Mais il s'agit d'un impôt symbolique qui permettra aux milliardaires de continuer à payer moins d'impôts que le reste de la population.
** De l'IFI à l'IFI...
Rappelons avant tout que l'actuel IFI est (…)
L'Assemblée nationale a adopté vendredi soir, la transformation de l'Impôt sur la fortune immobilière (IFI) en « impôt sur la fortune improductive ». L'objectif de ce nouvel impôt est d'inciter les contribuables les plus aisés à orienter placer leur richesse dans « l'économie réelle ». Mais il s'agit d'un impôt symbolique qui permettra aux milliardaires de continuer à payer moins d'impôts que le reste de la population.
Rappelons avant tout que l'actuel IFI est venu remplacer l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), qui, bien qu'imparfait, imposait les biens immobiliers, mobiliers et financiers. Tel n'est pas le cas de l'IFI, qui concerne les personnes physiques détenant un patrimoine immobilier dont la valeur nette est supérieure à 1,3 million d'euros, précision étant apporté qu'un abattement de 30 % est appliqué sur la valeur de la résidence principale. Une fois la valeur brute du patrimoine immobilier déterminée, les dettes afférentes à ce patrimoine étaient déduites pour établir la valeur nette du patrimoine sur laquelle est appliqué un barème progressif allant de 0,5 % à 1,5 % (ce taux s'appliquant à la part des patrimoines immobiliers nets dont la valeur est supérieure à 10 millions d'euros).
Officiellement, « l'impôt sur la fortune improductive » élargit l'assiette de l'IFI, puisqu'il s'applique non seulement à l'immobilier, mais également aux biens matériels dits « de valeur » (or, bijoux, œuvres d'art, voitures de collection, yachts, avions privés, meubles précieux…), aux actifs numériques (notamment les cryptomonnaies) ainsi qu'à certains contrats d'assurance-vie lorsque les sommes ne sont pas investies dans des supports productifs (comme les fonds en euros notamment).
L'abattement de 30 % sur la résidence principale est pour sa part remplacé par un abattement de 1 million d'euros que le foyer pourra appliquer à sa résidence principale ou au bien immobilier de son choix (une résidence secondaire de valeur supérieure par exemple). Des exonérations sont également prévues : les logements loués à long terme, ou répondant à des critères environnementaux, seront exonérés. Enfin, si le seuil d'entrée dans cet impôt demeure fixé à 1,3 million d'euros, le barème progressif est remplacé par un taux unique, de 1 %.
Le vote de cet impôt est intervenu après le rejet de la taxe Zucman et après le rejet d'une proposition visant à instaurer un impôt sur les très hauts patrimoines présenté comme une version « light » de la taxe Zucman. Autrement dit, après ces deux rejets successifs de mesures plus consistantes, signe d'une intransigeance brutale du camp des droites, ce nouvel impôt ne pouvait qu'être symbolique. Le principal objectif de cette mesure est purement politique : monter que « quelque chose » a été fait en matière de taxation des riches. Mais ce « quelque chose » rime avec « bien peu de choses ».
Cet impôt comporte en effet de nombreux travers.
- Il s'annonce peu rentable : d'après l'évaluation de Bercy, le rendement de ce nouvel impôt serait de 500 millions d'euros de plus que le maigrelet IFI (2,2 milliards d'euros de rendement en 2025).
- Il allégera la facture de nombreux ultrariches dont une partie importante de leur patrimoine immobilier était imposé au taux marginal de 1,5 % et ne le sera plus qu'à 1%, et qui bénéficieront par ailleurs de l'abattement de 1 million d'euros. Si un abattement en montant est plus judicieux qu'un abattement en pourcentage, le montant de 1 million d'euros est toutefois très élevé. Au surplus, les contribuables choisiront le bien sur lequel il s'applique.
- Il ne taxera pas les actions : or, les milliardaires le sont parce qu'ils détiennent massivement des actions. Il s'agit donc un impôt qui épargnerait largement les milliardaires alors qu'il est démontré qu'ils paient moins d'impôts que le reste de la population.
- Il sera contourné via des mécanismes d'optimisation : les biens qu'il est censé imposer seront, comme c'est souvent le cas, considérés comme des biens d'entreprise (donc exonérés) et/ou logés dans des sociétés écrans dont il sera très difficile de prouver l'identité des bénéficiaires effectifs.
- Il sera difficile à contrôler, l'administration fiscale ayant perdu de nombreux emplois, alors qu'il lui faudra croiser les éléments déclarés avec les données des prix de marché, des évaluations d'assurance ou d'experts, des barèmes officiels pour les objets de collection.
Rien ne dit que cet impôt sera maintenu et appliqué. Les incertitudes sur l'avenir du projet de budget sont nombreuses. À ce jour, la seule certitude est que, s'il devait s'appliquer, cet impôt ne répondra pas aux enjeux de la période en matière de recettes publiques et de réduction des inégalités.
Il ne s'agit là que d'un nouvel « impôt symbole ». Or, la fiscalité a besoin de beaucoup plus qu'un nouveau symbole.
25.10.2025 à 11:51
Équipe de l'Observatoire
Le gouvernement a annoncé un nouveau plan anti-fraudes, sociales et fiscales, qui vise à renforcer les actions déjà engagées depuis deux ans. Les objectifs affichés sont somme toute classiques : prévenir et détecter, lutter et sanctionner, recouvrer les sommes dues. Au-delà des formules, un regard approfondi s'impose cependant, tant la question de la lutte contre la fraude est importante et sensible.
Il ressort de la lecture de ce projet de loi un déséquilibre patent entre les mesures (…)
Le gouvernement a annoncé un nouveau plan anti-fraudes, sociales et fiscales, qui vise à renforcer les actions déjà engagées depuis deux ans. Les objectifs affichés sont somme toute classiques : prévenir et détecter, lutter et sanctionner, recouvrer les sommes dues.
Au-delà des formules, un regard approfondi s'impose cependant, tant la question de la lutte contre la fraude est importante et sensible.
Il ressort de la lecture de ce projet de loi un déséquilibre patent entre les mesures relatives à la fraude sociale et celles relatives à la fraude fiscale. En effet, sur les 23 mesures qu'il contient, 3 concernent la lutte contre la fraude fiscale, 3 sont communes à la lutte contre la fraude fiscale et la fraude sociale, 16 concernent la lutte contre la fraude sociale et 1 concerne le blanchiment. Le projet de loi est donc très orienté vers la lutte contre la fraude sociale.
Il reste à déterminer précisément le sens général de ce projet et les fraudes nommées et visées. Sur quelques points, le gouvernement semble avoir tiré quelques leçons des travaux menés sur la fraude sociale montrant qu'elle provient très majoritairement de la fraude aux cotisations sociales et de la fraude organisée par des professionnels.
On est loin ici du mythe du détournement d'un assistanat généralisé et généreux ressassé à l'envi par les conservateurs et l'extrême droite, désormais tous unis pour en finir avec la redistribution et la solidarité. Parmi ces mesures, certaines renforcent la coopération et l'échange d'informations entre les administrations fiscales douanières et sociales afin de mieux détecter des formes de fraudes organisées. On retrouve par ailleurs des mesures prévoyant une aggravation des peines des acteurs qui font la promotion de la fraude et qui la facilitent, ou encore le renforcement des sanctions en cas d'avoirs financiers détenus dans des trusts non déclarés. Tout cela est objectivement intéressant, sous réserve que ces mesures soient réellement appliquées et que les administrations qui en ont la charge aient les moyens de les mettre en œuvre, ce qui est très loin d'être le cas.
Au-delà de ces mesures, il est clair que, dans l'ensemble, l'équilibre général du texte penche nettement vers la lutte contre la fraude sociale et non vers celle contre la fraude fiscale. De ce point de vue, la continuité avec les autres gouvernements est claire.
Sans revenir sur l'ensemble des mesures, on reviendra sur deux points peu mis en avant dans le débat public sur ce projet.
Le premier concerne son contenu. On a du mal à voir dans ce projet une évolution franche et globale. C'est d'ailleurs l'avis du Conseil d'État qui, saisi en juillet, a rendu son avis le 11 septembre sur ce projet de loi dans lequel il estime que « le projet de loi ne contient pas de réforme d'ampleur des outils de lutte contre les fraudes sociales et fiscales, mais rassemble diverses dispositions visant à améliorer, par des modifications ciblées de procédures et mécanismes existants, l'efficacité des contrôles, des sanctions et des procédures de recouvrement des créances ».
En d'autres termes, il n'y a pas de « révolution » dans les mesures annoncées. Celles-ci n'ont d'ailleurs pas fait l'objet d'une étude d'impact chiffrée. Or, pour le Conseil d'État,
« le Gouvernement doit enrichir l'étude d'impact d'informations précises et chiffrées évaluant l'impact d'ensemble que le projet de loi est susceptible d'avoir sur les finances publiques ». Toutefois, l'empressement du gouvernement à vouloir élargir l'accès direct aux fichiers de l'administration fiscale est relevé par le Conseil d'État qui estime qu'avec une telle disposition, « le projet de loi apporte au régime du secret fiscal une nouvelle dérogation ». Il souhaite que celle-ci soit plus encadrée.
Le second point est plus global, pour ne pas dire fondamental. Plusieurs mesures de ce projet de loi sont destinées à renforcer la coopération entre les administrations fiscales, douanières et « sociales » (les URSSAF). Elles s'inscrivent dans une évolution déjà entamée : l'harmonisation progressive des procédures dans la lutte contre les fraudes publiques (soit la somme des fraudes fiscales, sociales et aux aides publiques) et une coopération renforcée dont l'une des conséquences est la transmission de données et informations plus nombreuses de l'administration fiscale vers la sphère sociale. Sans aller jusqu'à dire que cette évolution préfigure la création à terme d'une vaste entité unique regroupant ces administrations (les obstacles étant nombreux), il faut relever cette tendance profonde, à l'œuvre depuis plusieurs années.
Cette tendance, qui appellerait un débat long et nourri, s'accompagne d'une orientation politique qui vise à privilégier la lutte contre la fraude sociale et, « en même temps », poursuit la baisse des moyens alloués à l'administration fiscale qui, elle, ne cesse de perdre des emplois.
Pour en savoir plus :
- [Rapport] Fraude fiscale, sociale, aux prestations sociales : Ne pas se tromper de cible
- Retour sur la fraude aux finances publiques
22.10.2025 à 10:00
Équipe de l'Observatoire
La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a récemment déclaré sur France 2 que l'héritage était « un truc qui tombe du ciel », elle a de nouveau * appelé à davantage taxer les héritages. Cette déclaration a suscité de nombreuses réactions, pour la plupart empreintes d'idées fausses et trompeuses. Attac s'est exprimée à plusieurs reprises ** sur cette question. Nous y revenons ici en 4 points.
** 1/ Les vrais libéraux devraient demander un renforcement des droits de (…)
La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a récemment déclaré sur France 2 que l'héritage était « un truc qui tombe du ciel », elle a de nouveau * appelé à davantage taxer les héritages. Cette déclaration a suscité de nombreuses réactions, pour la plupart empreintes d'idées fausses et trompeuses. Attac s'est exprimée à plusieurs reprises ** sur cette question. Nous y revenons ici en 4 points.
De longue date, certains « vrais libéraux » ont émis le souhait que la transmission de patrimoine soit fortement taxée. Selon eux, on ne doit pas réussir dans la vie grâce à l'héritage, mais par son mérite (pour Warren Buffett : « une personne très riche doit laisser suffisamment à ses enfants pour qu'ils fassent ce qu'ils veulent, mais pas trop pour qu'ils ne fassent rien ». Pour eux, personne ne doit bénéficier d'une rente et bénéficier de privilèges dans l'accès aux ressources. Au contraire, il faut valoriser le travail, ce que l'héritage ne permet pas, ou du moins, freine, et ainsi mettre fin au privilège de naissance.
► Les partisans d'une baisse des droits de donation et de succession [1] ne peuvent se réclamer du libéralisme au sens historique du terme.
Les pourfendeurs de la fiscalité du patrimoine font valoir peu d'arguments. Ils parlent d'impôt sur la mort et de la nécessité de transmettre à ses enfants le fruit d'une vie de travail. Ces éléments de langage sont strictement les mêmes que ceux de Georges Bush aux États-Unis dans les années 2000 lorsqu'il voulait supprimer ces impôts qui ne concernaient que les multimillionnaires. Transmettre à ses enfants le « fruit d'une vie de travail » sans droit de succession ? C'est déjà le cas, compte tenu des abattements prévus. Seules 15 % des successions dépassent le cap de 100 000 euros, 62 % portent sur 30 000 euros, 35 % sur moins de 8 000 euros. Près de la moitié des ménages français ne touchent aucun héritage au cours de leur vie et 80 % ne reçoivent aucune donation du vivant de leurs proches ». Et près de 87 % des successions ne donnent lieu à aucun impôt.
► L'argumentaire relève de la manipulation : il s'agit de rendre populaire une proposition particulièrement injuste qui ne concernera pas l'immense majorité de la population, encore plus que la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF, transformé en impôt sur la fortune immobilière, IFI).
L'INSEE a mesuré que la moitié de la population la plus aisée détient 90 % du total du patrimoine des ménages. En 2021, les 10 % les plus aisés détenaient 47,1 % du patrimoine contre 41,3 % en 2010. En leur sein, les 1 % les plus riches en détiennent 15 %.Cette concentration des richesses s'accompagne d'une montée de la part du patrimoine hérité. Actuellement, 60 % des patrimoines sont hérités, contre 35 % au début des années 1970. La financiarisation de l'économie, les baisses d'impôts au profit des plus riches et des grandes entreprises (lesquelles versent des dividendes à leurs actionnaires, notamment aux « gros actionnaires ») ou encore les dispositifs permettant de réduire les droits de donation et de succession expliquent cette tendance. Nous assistons ainsi à la reconstitution d'une société de rentiers.
► Baisser ou supprimer les droits de donation et de succession, c'est faire exploser les inégalités.
Les droits de donation et de succession ont toujours été plus rentables que l'ISF et, a fortiori, que l'IFI. Ils dégagent un rendement d'environ 20 milliards d'euros.
► Baisser ou supprimer les droits de donation et de succession, c'est accentuer l'austérité sur la population dont l'immense majorité ne paie pas ces impôts.
Pour dégager des recettes utiles à la bifurcation sociale et écologique et réduire les inégalités, les droits de donation et de succession méritent une réforme visant à les rendre véritablement progressifs. Cela passe par un plafonnement du dispositif « Dutreil » (une exonération de 75 % de la valeur des titres d'une société transmis par voie de donation et/ou de succession), une révision des barèmes encore familialisés (les barèmes diffèrent selon les liens de parenté) et l'instauration d'abattements équitables pour exonérer les patrimoines faibles ou de moyenne importance.
* Lire : On reparle de la taxation des super héritages
**Lire : Réhabiliter les droits de succession et de donation
17.10.2025 à 15:38
Équipe de l'Observatoire
Le taux réel d'imposition des revenus et du patrimoine des ultrariches fait débat depuis que Gabriel Zucman a proposé d'instaurer un impôt plancher visant à leur faire payer, sinon leur juste part, du moins un impôt minimum. Dans la période, il est donc utile de montrer d'une part, en quoi l'impôt sur le revenu, censé est un impôt progressif, est en réalité au-delà d'un niveau élevé de revenu dégressif et, d'autre part, que l'imposition minimale de 20 % instaurée par la loi de finances 2025 (…)
- Actualités
Le taux réel d'imposition des revenus et du patrimoine des ultrariches fait débat depuis que Gabriel Zucman a proposé d'instaurer un impôt plancher visant à leur faire payer, sinon leur juste part, du moins un impôt minimum. Dans la période, il est donc utile de montrer d'une part, en quoi l'impôt sur le revenu, censé est un impôt progressif, est en réalité au-delà d'un niveau élevé de revenu dégressif et, d'autre part, que l'imposition minimale de 20 % instaurée par la loi de finances 2025 (la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus) comporte encore d'importants « trous dans la raquette ».
Depuis plusieurs années, l'association Attac étudie le niveau réel de l'imposition des revenus des foyers fiscaux, notamment ceux appartenant aux « ultrariches ». Nos calculs ne prennent en compte que le revenu déclaré et imposable au sens de la législation actuelle, sans intégrer les revenus des actifs financiers des holdings. Nous avons démontré que la proportion de l'impôt payé par les contribuables les plus riches ramené à leur revenu fiscal de référence [1] (RFR) n'était pas progressive et qu'au-delà d'un certain niveau, elle était dégressive. Plusieurs raisons expliquent cette dégressivité : l'existence du prélèvement forfaitaire unique (PFU, la flat-tax à 30 %, contribution sociale généralisée comprise), qui abaisse le taux d'imposition des revenus financiers des plus riches, ou encore l'empilement de « niches fiscales ».
La dégressivité de l'impôt sur le revenu des plus riches est une constante. En 2023, le taux réel moyen d'imposition des revenus s'accroissait régulièrement pour atteindre 21,75 % pour les foyers dont le revenu fiscal de référence était compris entre 800 000 et 900 000 euros.
Mais au-delà, il est sensiblement plus faible.
– il n'atteint que 17,9 % pour les foyers dont le RFR se situe entre 6 et 7 millions d'euros
– et remonte très légèrement à 18,01 % pour les foyers dont le RFR se situe au-delà de 9 millions d'euros.
Le taux moyen réel ne dépasse donc jamais les 20 % pour les foyers dont le RFR est supérieur à 3 millions d'euros, soit pour les 2 236 foyers fiscaux les plus riches qui ont déclaré 20,793 millions d'euros de revenus et payé 3,857 millions d'euros d'impôt sur le revenu (ce qui représente un taux moyen de 18,55 %)…
Or, déjà bien plus faibles que ce que le barème de l'impôt sur le revenu pourrait laisser penser, ces taux ont encore baissé depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir. En effet en 2017, le taux moyen d'imposition se situait entre 22 et 25 % pour les foyers dont le RFR se situait entre 900 000 et 9 millions d'euros. Et, pour les foyers dont le RFR se situait au-delà de 9 millions d'euros le taux moyen réel était de 20,94 %, (soit 2,93 points au-dessus du taux de 2023).
Quelles que soient l'assiette et la méthode retenues dans les différents travaux, l'enseignement reste le mème : contrairement à son objectif initial, l'impôt sur le revenu est dégressif au-delà d'un certain niveau de revenu. C'est ce qui justifie la demande d'une véritable justice fiscale passant, notamment et entre autres, par le renforcement de la progressivité fiscale, une revue des niches fiscales et l'imposition de tous les revenus au barème progressif (celui-ci pouvant également être revu), y compris les revenus financiers grâce à la suppression du PFU,
La loi de finances 2025 a instauré un taux minimal de 20 % pour les foyers dont le RFR pour l'année 2025 supérieur à 250 000 € pour une personne seule et 500 000 € pour les contribuables soumis à une imposition commune. Seulement voilà, ce dispositif ( la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ) a pu être contourné, de sorte qu'il ne puisse atteindre son objectif.
Certains revenus sont en effet exclus du RFR servant à la détermination du seuil minima d'imposition de 20 %. En clair, ceci signifie que la base sur laquelle le taux minimal de 20 % s'applique est plus étroite que le total des revenus réels des personnes qui perçoivent ces revenus exclus qui en sont exclus
Il en va ainsi de l'abattement fixe de 500 000 euros sur les gains de cession de titres par les dirigeants prenant leur retraite, de celui de 40 % sur les revenus distribués en cas d'option pour le barème progressif et de celui de 50 % applicable aux gains d'acquisition d'actions gratuites en deçà de 300 000 euros. Certains revenus exonérés en vertu d'une convention fiscale bilatérale, tout comme ceux bénéficiant d'exonération d'au titre du régime des impatriés (qui prévoit l'exonération d'une partie du revenu - la prime d'impatriation- pour certains dirigeants venant s'installer en France) sont également exclus du RFR. Enfin, certains revenus, qualifiés d'exceptionnels, ne sont retenus dans le RFR qu'à hauteur de 25 %.
Enfin, les revenus logés dans les holdings patrimoniales échappent à l'impôt sur le revenu. C'est un des mérites de la proposition de Gabriel Zucman d'imposer un « patrimoine économique », assez abusivement baptisé de « bien professionnel ». Cette notion fait en effet davantage référence à des biens de production alors que la taxe Zucman vise à s'appliquer à des actifs financiers détenus dans des structures de type « holdings familiales patrimoniales ».
Les opposants à cet impôt plancher arguent qu'on ne peut intégrer les actifs logés au sein des holdings dans une quelconque base imposable. Ils avancent que l'impôt sur le revenu est très concentré sur les plus riches et que ceux-ci sont déjà lourdement imposés. Les chiffres prouvent le contraire.
[1] Revenu fiscal de référence = revenu net imposable + certains revenus exonérés d'impôt ou soumis à un prélèvement libératoire + certains abattements et charges déductibles du revenu.
15.10.2025 à 09:22
Équipe de l'Observatoire
En matière d'impôt sur les sociétés (IS), tous les travaux menés sur la question des taux réels d'imposition montrent que, de longue date, et quelle que soit la méthode employée, celui des grandes entreprises est systématiquement inférieur à celui des petites et moyennes entreprises (PME).
En 2019, il avait été ainsi démontré que le taux d'imposition des sociétés (IS) des PME s'élevait à 23,7 % de leurs bénéfices quand celui des grandes entreprises n'était que de 17,8 %*. En 2023, le (…)
En matière d'impôt sur les sociétés (IS), tous les travaux menés sur la question des taux réels d'imposition montrent que, de longue date, et quelle que soit la méthode employée, celui des grandes entreprises est systématiquement inférieur à celui des petites et moyennes entreprises (PME).
En 2019, il avait été ainsi démontré que le taux d'imposition des sociétés (IS) des PME s'élevait à 23,7 % de leurs bénéfices quand celui des grandes entreprises n'était que de 17,8 %*. En 2023, le Conseil des prélèvements obligatoires avaient également montré que les écarts d'imposition entre entreprises perduraient **, ce qu'un rapport d'information de l'Assemblée nationale confirmait cette année-là***. Les derniers travaux de l'INSEE confirment ce diagnostic.
Dans une période marquée par un intense débat sur la justice fiscale et sur la dette publique, il est logiquement apparu instructif de montrer que, si les grandes entreprises avaient le même taux d'imposition que les PME, l'IS dégagerait un surplus de recettes important. Nous estimerons ici ce surplus théorique (1) avant de rappeler l'une des principales raisons de cette anomalie que constituent les écarts d'imposition (2).
La baisse du taux nominal de l'impôt sur les sociétés (IS) de 33,3 % en 2017 à 25 % en 2022, qui a provoqué sur cette période un manque à gagner estimé au minimum à 11 milliards d'euros, n'a donc pas résorbé l'écart d'imposition entre grandes entreprises et plus petites. En somme, l'IS a baissé, mais pas dans les mêmes proportions suivant la taille des entreprises.
L'INSEE vient donc, à nouveau, de le démontrer dans une étude : le taux réel d'imposition des bénéfices des grandes entreprises est sensiblement inférieur à celui des petites entreprises (PME et microentreprises).
Cette étude fait ainsi apparaître que, entre 2017 et 2022, soit au terme du mouvement progressif de baisse du taux nominal de l'IS à 25 % :
– le taux implicite [1] brut des petites et moyennes entreprises (PME) n'a reculé que de 1,7 point sur la période, pour s'établir à 21,4 % en 2022 ;
– celui des microentreprises a augmenté de 0,4 point sur la période pour atteindre 19,0 % ;
– celui des entreprises de taille intermédiaire a baissé de 3,4 points pour passer à 17,8 % ;
– celui des grandes entreprises baisse de 5,0 points pour atteindre 14,3 % [2].
Il est important de rappeler que ces données se basent sur ce qui est déclaré. Les bénéfices transférés dans des filiales établies à l'étranger par voie d'évasion et de fraude fiscales ne sont donc pas comptabilisés dans les données que nous avons utilisées ici. Or, cette pratique qui des entreprises multinationales vient diminuer leur taux réel d'imposition global. En 2018, selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les pays riches et les pays à revenu moyen avaient une part plus élevée du total des employés (34 % et 38 %) et du total des immobilisations corporelles (37 % et 24 %) que des profits (27 % et 18 %) des multinationales. A contrario, dans certains « centres financiers d'investissement (en clair, des paradis fiscaux [3]), en moyenne, ces grandes entreprises déclarent une part relativement plus élevée de leurs bénéfices (29 %) par rapport à leur part d'employés (4 %). C'est sur la base de ce constat que l'imposition minimum de 15 % des multinationales, qui constitue l'aveu que les grands groupes ont un taux réel d'imposition très faible, avait été instauré. Annoncé comme une grande avancée, ce dispositif mériterait un bilan public afin de voir s'il est pleinement mis en œuvre.
L'étude de l'INSEE note par ailleurs que « L'imposition sur leurs bénéfices est cependant loin d'être déterminée uniquement par ce taux normal de l'IS. Par exemple, les petites sociétés bénéficient d'un taux réduit sur une partie de leur assiette. De plus, la base fiscale à laquelle s'applique ce taux normal est affectée par différents dispositifs (reports de déficit, déductions, régime de groupe, etc.) dont l'impact dépend également des caractéristiques des sociétés. En outre, des mécanismes de crédits d'impôts réduisent in fine le montant de l'IS acquitté. Finalement, exprimés en point de PIB, les montants d'IS situent la France à un niveau proche de la moyenne des pays de l'UE ». Ce constat, qu'Attac a déjà dressé à plusieurs reprises, se vérifie de longue date.
L'IS représentait ainsi 2,2 % du PIB en 1990, 2,9 % en 2000, 2 % en 2010 (année post-covid), 2,4 % en 2021 et 2,8 % en 2024 en France alors qu'au sein de l'OCDE, il représentait en moyenne 2,4 % en 1990, 3,1 % en 2000, 2,7 % en 2010, 3,3 % en 2021 et 3,9 % en 2024. En d'autres termes, le poids relatif de l'IS dans le PIB en France est systématiquement inférieur à celui de la moyenne de l'OCDE.
Dans une étude récente, la DGFIP relève que « Le crédit d'impôt recherche (CIR) représente 62 % des montants utilisés en 2024. Parmi les autres principaux dispositifs, la réduction d'impôt pour le mécénat est le deuxième dispositif en montant (1,6 Md€) et en nombre d'entreprises (158 000) [4] ». Et, selon France stratégie, « Cette réduction atteint 8 points l'année du recours au CIR et tend ensuite vers 15 points les années suivantes pour les entreprises les moins imposées (IS rapporté à l'excédent brut d'exploitation autour de 15 %) et passe de même de 5 à 10 points pour les entreprises plus imposées (IS rapporté à l'EBE autour de 27 %) [5] ». Cette niche est très concentrée sur les grandes entreprises. Selon un rapport du Sénat, « les cinquante premières entreprises bénéficiaires du CIR concentrent à elles seules près de 45 % du bénéfice du dispositif, tandis que les 200 premières entreprises représentent près des deux tiers du coût total [6] ».
De la même manière, les grands groupes utilisent massivement le mécénat d'entreprises. Selon la DGFiP, « les grandes entreprises ont déclaré avoir donné 900 millions d'euros, soit 57 % du total des dons des entreprises, alors qu'en 2021 elles ont donné près de 1,3 milliard d'euros, soit 49 % des dons d'entreprises [7] ». Les fondations figurent parmi les grandes bénéficiaires de ces dons. Les entreprises donnent donc à des fondations qui portent leur nom… Ce dispositif a été vertement critiqué par la Cour des comptes, pour qui la notion de l'intérêt général est trop large [8]. En outre, il est parfois détourné de son objectif initial : c'est notamment le cas de grandes marques qui utilisent leurs dons à des fins de publicité. La Cour juge cette niche fiscale trop laxiste au regard des autres dispositifs européens : il est en effet « sans équivalent parmi les pays comparables à la France ». Enfin, la Cour estime que l'efficacité de la mesure est mal évaluée et peu contrôlée, en particulier sur le plan fiscal.
S'il existe bien d'autres niches fiscales orientées vers les entreprises, ces deux exemples montrent à eux seuls que leur coût ampute les recettes de l'IS, très largement au bénéfice des grandes entreprises, ce qui explique que leur taux réel d'imposition soit bien plus faible que ce que le taux nominal de 25 % affiche.
Les écarts d'imposition entre entreprises sont le reflet d'un système de plus en plus injuste, comme les écarts d'imposition entre particulier l'ont par ailleurs montré. Le minimum en termes d'équité fiscale est par conséquent de faire en sorte sur le taux d'imposition des PME ne soit pas plus élevé que celui des grandes entreprises. Celles-ci, comme les ultrariches s'agissant des particuliers, doivent donc elles aussi payer leur juste part d'impôt.
Pour remédier à cette injustice, les revendications d'Attac portent, notamment, sur la neutralisation de l'évasion fiscale des entreprises grâce notamment à une véritable taxation unitaire des multinationales et à un renforcement des moyens de contrôle, une imposition des rachats d'actions, l'arrêt immédiat de la baisse des impôts dits « de production » et l'engagement sans tarder d'une revue des « niches fiscales et sociales ».
* Institut des politiques publiques, « L'hétérogénéité des taux d'imposition implicites des profits en France : constats et facteurs explicatifs », rapport IPP n°21, mars 2019
** Rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, « Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et les grandes entreprises, juillet 2023.
*** Rapport d'information de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale sur les différentiels de fiscalité entre entreprises, juillet 2023.
Pour en savoir plus
Note du 4 juillet 2025 : « Qui veut gagner des milliards ? En finir avec les niches fiscales injustes »
Article « Un autre budget est vital : l'argumentaire d'Attac »
Rapport du 26 mars 2025, « La dette de l'injustice fiscale »
Le site de l'Observatoire de la justice fiscale
Livre d'Attac, « L'évasion fiscale, toute une histoire »juillet 2024
[1] Le taux implicite est constitué du rapport du montant d'impôt acquitté sur l'excédent net d'exploitation (ENE). Le fait que l'ENE ait une base plus large que le résultat fiscal ne change rien à l'enseignement de la présente note.
[2] INSEE analyses, « Le taux implicite des profits entre 2016 et 2022 est plus élevé pour les PME que pour les grandes entreprises », n°112, septembre 2025.
[3] Les Bahamas, les Bermudes, les îles Vierges britanniques, les îles Caïmans, Chypre, Hong Kong, l'Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas, Singapour et la Suisse.
[4] DESF statistique publique de la fiscalité, « L'impôt sur le bénéfice 2024 des entreprises », DGFiP statistiques n° 39, septembre 2025, 21 novembre 2024.
[5] [[Rapport de la commission nationale d'évaluation des politiques d'innovation (CNEPI) placée sous l'égide de France stratégie, « Évaluation du crédit d'impôt recherche, juin 2021.
[6] Rapport spécial de la commission des finances du sénat, « Remboursements et dégrèvements », rapport n° 144, annexe 27, 21 novembre 2024.
[7] DGFiP analyses, « Dons et mécénat de 2011 à 2021 », n° 06, janvier 2024.
[8] Rapport de la Cour des comptes, « Le soutien public au mécénat d'entreprises », décembre 2018.
01.10.2025 à 17:57
Équipe de l'Observatoire
Dans tous les discours de tous les gouvernements, les mesures prises sont censées favoriser « la croissance et l'emploi » pour reprendre une formule usée jusqu'à la corde. Mais les résultats sont souvent éloignés de ces objectifs. Deux récentes publications de l'INSEE sur le patrimoine et le niveau de vie des ménages* livrent un éclairage édifiant sur le bilan des politiques mises en œuvre au cours des dernières années.
Depuis 2017, Emmanuel Macron assurait ainsi que ses mesures (baisse (…)
Dans tous les discours de tous les gouvernements, les mesures prises sont censées favoriser « la croissance et l'emploi » pour reprendre une formule usée jusqu'à la corde. Mais les résultats sont souvent éloignés de ces objectifs. Deux récentes publications de l'INSEE sur le patrimoine et le niveau de vie des ménages* livrent un éclairage édifiant sur le bilan des politiques mises en œuvre au cours des dernières années.
Depuis 2017, Emmanuel Macron assurait ainsi que ses mesures (baisse de l'impôt sur les sociétés et des impôts locaux des entreprises, création du prélèvement forfaitaire unique, transformation de l'impôt de solidarité sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière) allaient permettre à leurs bénéficiaires (soit les plus riches et les entreprises, notamment les plus grandes) d'investir, de créer des emplois et, in fine, d'améliorer la situation de l'ensemble de la population. C'est la fameuse théorie du ruissellement.
Attac a déjà montré que cette théorie ne fonctionne pas [1]. De la même manière, plusieurs travaux ont montré que ces mesures n'avaient pas relancé l'activité économique [2]. Or, l'INSEE vient de le confirmer : le ruissellement a existé, mais vers le haut.
L'institut statistique montre en effet que le niveau de vie des ménages les plus modestes a baissé en 2023, tout comme celui du second et du troisième décile. En clair, les 30 % de la population les plus pauvres ont subi une baisse de leur niveau de vie en 2023.
En revanche, en 2023, le niveau de vie des ménages les plus aisés a nettement augmenté, tout comme celui du neuvième décile et, dans une moindre mesure, du huitième décile. En clair, les 30 % les plus aisés ont connu une hausse de leur niveau de vie, cette hausse étant plus marquée chez les plus aisés. L'INSEE précise que « la majeure partie de cette hausse est due à l'augmentation des revenus financiers impulsée par la hausse des taux d'intérêt et à l'augmentation des revenus d'investissement, notamment des placements et assurance-vie ». On notera au passage que la hausse des revenus financiers, moins imposés que les revenus du travail ou les pensions de retraite, intervient sur fond de distributions record de dividendes.
L'INSEE précise par ailleurs que, « En 2023, les indicateurs d'inégalités sont en hausse après s'être stabilisés en 2022 à un niveau relativement élevé au regard des dernières années. La baisse du niveau de vie des plus modestes, concomitante à la hausse de celui des plus aisés, conduit les indicateurs d'inégalités à atteindre des niveaux parmi les plus élevés depuis 30 ans ».
Les indicateurs d'inégalités sont élevés non seulement du fait de la hausse du niveau de vie des plus aisés, mais aussi du fait du niveau record de la pauvreté monétaire qui s'établit en 2023 à 15,4 % en France métropolitaine. L'INSEE précise que cet indicateur « est au plus haut depuis 1996, date de début de la série ».
Les politiques fiscales menées depuis 2017 n'ont donc pas seulement été coûteuses (elles ont alimenté la dette publique de 308 milliards d'euros entre 2018 et 2023) et inefficaces, elles se sont traduites par une hausse des inégalités sur fond de hausse de la pauvreté. Dire cela n'est pas une opinion ou une projection, c'est un fait établi. Dans ce contexte, un autre budget est réellement vital.
*INSEE, « Les revenus et le patrimoine des ménages », édition 2024, octobre 2024 et INSEE première, « Niveau de vie et pauvreté en 2023 : taux de pauvreté et inégalités s'accroissent fortement », juillet 2025.
14.09.2025 à 10:55
Équipe de l'Observatoire
C'est le principal argument de ceux qui s'opposent à toute hausse d'impôt visant les plus riches : ceux-ci partiraient à l'étranger, privant la France de leurs investissements, ce qui appauvrirait le pays, ferait augmenter le chômage et la pauvreté, tout cela sans réduire les déficits et la dette publics. Il ne resterait à la population résidant sur le territoire national que les yeux pour pleurer en quelque sorte. Cet argument est le pendant de la théorie du ruissellement : si baisser les (…)
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C'est le principal argument de ceux qui s'opposent à toute hausse d'impôt visant les plus riches : ceux-ci partiraient à l'étranger, privant la France de leurs investissements, ce qui appauvrirait le pays, ferait augmenter le chômage et la pauvreté, tout cela sans réduire les déficits et la dette publics. Il ne resterait à la population résidant sur le territoire national que les yeux pour pleurer en quelque sorte. Cet argument est le pendant de la théorie du ruissellement : si baisser les impôts doit favoriser les investissements, donc la croissance et l'emploi (pour reprendre une formule ressassée à l'envi), les augmenter conduit nécessairement à l'inverse du fait, notamment, du départ à l'étranger des agents économiques les plus aisés. CQFD. Mais cet argument a priori simple voire limpide, ne repose toutefois sur aucune réalité, comme en attestent les travaux menés sur le sujet *
Nous reviendrons ici sur les données livrées dans ces différents travaux (1) avant d'en analyser les ressorts (2) pour conclure qu'une hausse de l'imposition des plus riches est non seulement souhaitable mais qu'elle ne se traduirait pas par un appauvrissement de l'économie française (3).
Les premiers travaux sur l'exil fiscal ont tout d'abord porté sur le comportement des redevables de l'ancien Impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Sur la base de données de la Direction générale des finances publiques, ils montrent que, entre 2001 et 2006, seulement 0,12 % à 0,14 % des contribuables redevables de l'ISF quittaient la France chaque année. Par la suite, ces départs n'ont pas dépassé les 0,2 % du nombre de redevables de l'ISF.
Ces départs, très faibles en nombre et en proportion, étaient pour partie compensés par les retours de personnes autrefois redevables de l'ISF, mais qui revenaient s'établir en France après quelques années passées à l'étranger. Selon les années, les retours représentaient en effet 20 à 40 % des départs.
Il faut ajouter à cela les « faux départs » à l'étranger : chaque année en effet, l'administration fiscale identifiait entre 150 et 200 faux exilés, c'est-à-dire des redevables de l'ISF qui se déclaraient à l'étranger mais qui continuaient en réalité à vivre en France. Ceux-ci faisaient alors l'objet d'un redressement fiscal afin qu'ils paient les impôts qu'ils auraient du payer en qualité de résident fiscal en France, même si tous n'ont probablement pas été identifiés.
Enfin, récemment, dans une analyse macroéconomique, le Conseil d'analyse économique (CAE) a confirmé d'une part, que les départs des plus riches vers l'étranger étaient de longue date peu importants et d'autre part, que leur impact sur l'économie était marginal.
Les principaux résultats du rapport du CAE sont les suivants :
La mobilité du « top 1 % des revenus du capital » est réelle mais faible : seuls 0,2 % du top 1 % des revenus du capital s'expatrient chaque année, soit moins que la moyenne nationale (0,38 %).
De la même manière, la sensibilité de ces ménages à la fiscalité est relativement faible. La réforme de 2013 (qui s'est traduite par une hausse de l'imposition des revenus du capital) a augmenté les départs nets de 0,04 à 0,09 points de pourcentage. A l'inverse, la réforme de 2017-2018 (allègement avec la transformation de l'ISF en impôt sur la fortune immobilière et l'instauration du prélèvement forfaitaire unique, le PFU) a réduit les départs nets de 0,01 à 0,07 points.
Le CAE a par ailleurs étendu son analyse à l'impact des départs sur la détention d'entreprises. En effet, lorsqu'un actionnaire important (éventuellement même, dirigeant d'un entreprise ou d'un groupe) s'établit à l'étranger, on observe une baisse « brute » (soit avant compensation, voir ci-dessous) du chiffre d'affaires (-15 %), de la masse salariale (-31 %) et de la valeur ajoutée (-24 %). Si ces données paraissent de prime abord importantes, le CAE souligne néanmoins que ces effets « bruts » sont en bonne partie compensés par des réallocations (rachats, absorptions, réemploi des salariés), ce qui réduit l'impact net des départs.
Le CAE considère en effet que l'effet agrégé des départs est limité. Mieux, il montre que, même en prenant une hypothèse haute de l'impact de tels départs, une réforme générant 4 milliards d'euros de recettes fiscales supplémentaires (≈ 0,15 % du PIB) induirait tout au plus une baisse de 0,03 % de chiffre d'affaires, de 0,05 % de valeur ajoutée et de 0,04 % de l'emploi total.
Au final, le CAE conclut que, si l'exil fiscal existe et réagit à la fiscalité, ses effets macroéconomiques sont faibles, car les flux restent réduits. S'agissant d'une éventuelle réforme fiscale visant à rehausser l'imposition du capital (sur les revenus et/ou sur le stock de capital financier), ses effets significatifs passeraient moins par les départs que par les comportements des ménages restés en France (sur l'épargne, l'investissement et l'optimisation voire la fraude fiscale). En d'autres termes, ce ne sont pas les départs qui produisent des effets significatifs, mais les comportements des résidents fiscaux nationaux qui peuvent plus ou moins consommer ou épargner, investir ou non ou encore tenter d'éviter légalement ou illégalement l'impôt (tout cela ayant des effets sur les recettes fiscales).
Le débat sur l'attractivité du pays se concentre à tort principalement sur la fiscalité et le fameux « coût de la main d'œuvre ». Or, dans les décisions d'investir, d'autres facteurs sont pris en compte : la capacité à dégager un chiffre d'affaires (ce qui est possible si les revenus sont suffisamment corrects et si les mécanismes redistributifs comme les prestations sociales permettent de soutenir la demande), l'existence d'infrastructures et de réseaux (de transport, de communication notamment), la qualité de la formation, etc. De ce point de vue, la France reste attractive : elle demeure de longue date l'une des principales terres d'accueil des investissements directs étrangers.
Dans son étude, le CAE montre que « Bien que l'effet direct des expatriations de détenteurs d'entreprises soit significatif, il est important de noter qu'une partie de ces effets directs peut, en pratique, être compensée ou au contraire amplifiée par divers mécanismes de réallocation et d'équilibre ». En d'autres termes, si des actionnaires importants partent à l'étranger, les entreprises qu'ils détiennent peuvent se restructurer, les salariés victimes de ces restructurations voire de fermetures d'entreprises peuvent retrouver du travail, etc. Au final, ainsi qu'indiqué plus haut, le CAE estime que « l'exil fiscal entraînerait au plus une baisse de -0,03 % de chiffre d'affaires, -0,05 % de valeur ajoutée totale de l'économie française, et -0,04 % de l'emploi total. » Un effet marginal à mettre en comparaison des avantages d'une meilleure imposition des plus riches : recettes publiques permettant de financer l'action publique et la protection sociale (avec un effet de soutien au pouvoir d'achat de l'ensemble des ménages), renforcement de la cohésion sociale et du consentement à l'impôt, etc.
Les conclusions du CAE confirment ce qui avait été observé dans le comportement des redevables de l'ISF. Ceux-ci disposaient de placements immobiliers (ceux-ci représentaient 20 à 40 % de leur patrimoine imposable à l'ISF) qu'ils n'emportaient évidemment pas lorsqu'ils déclaraient partir à l'étranger. Ils disposaient également de placements financiers tant en France qu'à l'étranger. Et lorsqu'ils partaient à l'étranger, ils conservaient les mêmes placements, en France et à l'étranger. Ce qui explique que l'impact sur l'économie soit nul ou marginal.
Sous le seul prisme de l'impact d'une hausse de l'imposition des plus riches sur l'économie, il est donc démontré que celle-ci est possible. En d'autres termes, contrairement aux discours de ceux qui avancent qu'une telle mesure se traduirait par une fuite des plus riches, donc par un impact budgétaire et économique négatif, elle dégagerait des recettes fiscales supplémentaires.
D'autres avantages seraient retirés de l'instauration d'un mécanisme de type « Taxe Zucman », d'un impôt sur la fortune rénové à assiette élargie par rapport à l'ex-ISF ou encore d'une rénovation de l'imposition de la transmission des patrimoines (droits de donation et de succession) grâce à l'instauration d'un plafond au pacte Dutreil par exemple [1]. Le premier consiste en la réduction des inégalités, un des objectifs historiques de la fiscalité. Le second est difficilement estimable en termes monétaires mais il est essentiel : renforcer la contribution des plus riches renforcerait le consentement à l'impôt et permettrait de mieux respecter l'un des principes fondamentaux du système fiscal : l'égalité devant l'impôt.
*Voir sur le sujet :
– le rapport du syndicat Union SNUI-SUD Trésor Solidaires (devenu Solidaires Finances publiques) sur les « expatriations fiscales », octobre 2010.
– le rapport de la Direction générale des finances publiques relatif aux contribuables quittant le territoire national, 2018.
– le rapport d' l'Institut des politiques publiques, Évaluation des réformes de la fiscalité du capital, rapport IPP n° 47, octobre 2023.
– le rapport du Conseil d'analyse économique de juillet 2025 intitué : « Fiscalité du capital, quels sont les effets de l'exil fiscal sur l'économie ? », Focus n° 118, juillet 2025. ;
[1] Ce dispositif permet à un dirigeant d'entreprise e transmettre les titres de celle-ci en bénéficiant d'une exonération de 75 % de la valeur des titres. Le Pacte Dutreil est particulièrement prisé par les ultrariches qui, en transmettant tout ou partie de leur groupe, réalisent une économie d'impôt se chiffrant en milliards d'euros, ce qui contribue à la reformation d'une société de rentiers.
16.07.2025 à 18:32
Équipe de l'Observatoire
Dans le cadre de la préparation de son projet de loi de finances et de son projet de loi de financement de la Sécurité sociale, le premier ministre a annoncé que, pour économiser près de 44 milliards d'euros sur 2026, il comptait instaurer une « année blanche ». François Bayrou a ainsi déclaré : « On aura exactement le même montant des retraites pour chaque pensionné que celles qu'on avait en 2025 (…) L'ensemble des prestations sociales seront maintenues en 2026 à leur niveau de 2025 et il (…)
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Dans le cadre de la préparation de son projet de loi de finances et de son projet de loi de financement de la Sécurité sociale, le premier ministre a annoncé que, pour économiser près de 44 milliards d'euros sur 2026, il comptait instaurer une « année blanche ». François Bayrou a ainsi déclaré : « On aura exactement le même montant des retraites pour chaque pensionné que celles qu'on avait en 2025 (…) L'ensemble des prestations sociales seront maintenues en 2026 à leur niveau de 2025 et il n'y aura pas d'exception (…) Les barèmes de l'impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée seront eux aussi maintenus à leur niveau de cette année ». Il a oublié de préciser qu'avec l'inflation, l'année blanche se traduira en réalité par une perte de pouvoir d'achat pour la grande majorité de la population.
Schématiquement, l'année blanche consiste en un gel de l'ensemble de la dépense publique et des différents dispositifs de type barème de l'impôt sur le revenu. En d'autres termes, les mécanismes d'indexation des prestations ou encore du barème de l'impôt sur le revenu sur l'indice des prix à la consommation (hors tabac) ou sur l'indice de référence des loyers (pour l'allocation logement) seraient neutralisés.
Une telle mesure ne peut avoir que des effets particulièrement néfastes, notamment pour la moitié de la population la plus pauvre. Concrètement, l'année blanche signifie principalement un appauvrissement des bénéficiaires des prestations sociales, notamment des plus pauvres, des classes moyennes et de nombreux retraités (même si plusieurs prestations bénéficient également à des ménages aisés, comme les prestations familiales). L'OFCE [1] a ainsi montré qu'un gel des prestations sociales permettrait une économie budgétaire d'environ 5 à 6 milliards d'euros. Les retraités en supporteraient l'essentiel (3,7 milliards d'euros). Les plus pauvres seraient par ailleurs frappés par l'absence de revalorisation des minima sociaux, ce qui contribuerait à nourrir un niveau de pauvreté déjà record.
Pour l'ensemble des bénéficiaires des prestations sociales, une année blanche signifierait donc une baisse du pouvoir d'achat. Économiquement, une année blanche est contre-productive puisque cette baisse du pouvoir d'achat provoquerait une baisse de la consommation, donc une baisse du chiffre d'affaires des commerçants et des entreprises et une baisse de leurs investissements. En clair, par ses effets récessifs sur l'activité économique, l'année blanche ne procurera pas les quelques milliards d'euros d'économies espérées par le gouvernement.
Un calcul simple permet d'illustrer l'idée selon laquelle l'économie budgétaire sera inférieure à celle officiellement attendue. À titre d'exemple, si l'on considère que ces 5 à 6 milliards d'euros sont consommés au taux de TVA moyen de 12 % (la consommation pouvant concerner des biens et des services imposés aux taux de 5,5, 10 ou 20 %), le manque à gagner découlant de cette consommation évitée se situe entre 600 et 750 millions d'euros l'économie nette se situant alors entre à 4,4 et 5,25 milliards d'euros), davantage si l'on prend en compte les autres impôts sur la consommation, et bien plus si l'on prend les effets sur la marge et l'investissement des entreprises. Comme le montre l'analyse économique, ce manque à gagner des recettes fiscales sera amplifié par l'effet multiplicateur négatif de la baisse des dépenses publiques sur la croissance économique.
L'absence d'indexation du barème de l'impôt sur le revenu sur l'inflation augmenterait pour sa part l'impôt sur le revenu des 19 millions de foyers fiscaux déjà imposables. Mais il rendrait par ailleurs imposables plusieurs centaines de milliers de foyers fiscaux (entre 400 000 et 500 000). Selon l'OFCE, les ménages situés au niveau de vie médian perdraient jusqu'à 100 euros sur cette seule mesure.
Le cas de la contribution sociale généralisée (CSG) est plus complexe. Chaque année, les seuils en deçà desquels il est possible, pour certains contribuables, d'être exonérés de CSG (en dessous de 12 817 euros pour un célibataire en 2025) ou de bénéficier d'un taux réduit pour certains retraités (pour un revenu compris entre 12 818 et 16 755 euros, le taux de la CSG est de 3,8 %), sont déterminés par rapport au revenu fiscal de référence. Ces seuils seront gelés en 2026, ce qui signifie que certains contribuables pauvres qui connaissent une hausse, même légère, de leur revenu pourraient payer davantage de CSG.
Les estimations de l'OFCE sont instructives. Elles montrent qu'en 2026, avec une année blanche :
– près de 10 millions de ménages dont la personne de référence est retraitée verraient leur revenu disponible réduit de 280 euros par unité de consommation1 en moyenne (350 euros par ménage), ce qui représente environ 1 % de leur niveau de vie ;
– les 15 millions de ménages dont la personne de référence est salariée verraient leur revenu disponible amputé de l'ordre de 70 euros (-0,2%) et les indépendants (2,4 millions de ménages en 2023) d'environ 100 euros (-0,2%) par unité de consommation à la fois du fait du gel du barème de l'impôt sur le revenu et du gel des prestations sociales ;
– le revenu disponible des 1,3 million de ménages dont la personne dite « de référence » est au chômage se réduirait d'environ 120 euros par unité de consommation.
De manière générale, l'OFCE estime que « les 5 % de ménages les plus élevés verraient leur revenu disponible amputé de l'ordre de 260 euros par unité de consommation (390 euros par ménage)" contre environ 100 euros pour les ménages aux revenus les moins élevés. Mais rapporté au pourcentage du niveau de vie, ce sont les ménages les moins favorisés qui verraient leur revenu disponible baisser, de 1 % contre 0,3 % pour les ménages aux revenus les plus élevés ».
L'économie budgétaire attendue par le gouvernement pourrait être très réduite voire symbolique puisque certains ménages pénalisés par l'année blanche passeront sous le seuil de pauvreté (fixé à 60 % du niveau de vie médian de la population, soit à 1 288 euros par mois pour une personne seule) alors que le taux de pauvreté bat des records (15,4 % de la population se situe sous le seuil de pauvreté).
Antisociale, anti-économique, l'année blanche constitue un véritable « prélèvement » sur le pouvoir d'achat des ménages, elle ne répond qu'à un dogme : s'attaquer encore et toujours à l'action publique et à la redistribution.
Bilan anti redistributif de l'année blanche (OFCE) :
[1] Pierre Madec, « Impôts et prestations : quels effets attendre d'une « année blanche » ? », le blog de l'OFCE, 30 juin 2025.