Par Jean-Baptiste Paranthoën, Chargé de recherche en sociologie à l’INRAE et membre du laboratoire IRISSO (PSL Dauphine, INRAE, CNRS), Université Paris Dauphine – PSL
Face à une profession vieillissante et des défis structurels majeurs, l’agriculture attire de plus en plus de candidats issus d’horizons divers. Mais qui sont-ils, et qu’est-ce qui les pousse à tenter l’aventure ?
Même s’il est loin d’être homogène, le monde agricole est l’un des plus touchés par la pauvreté, le taux de pauvreté monétaire y atteignant en effet 16,2 % contre 14,4 % pour l’ensemble de la population. Le monde agricole est aussi particulièrement touché par les risques psychosociaux. Et pourtant, malgré ces difficultés régulièrement mises à l’agenda médiatique lors des mobilisations spectaculaires, des personnes souhaitent encore aujourd’hui se reconvertir pour devenir agriculteurs. Comment expliquer cette envie de rejoindre un métier et un mode de vie aussi difficiles ?
La difficulté pour rendre compte de ces parcours tient au fait qu’ils sont la plupart du temps étudiés à partir de leur point d’arrivée. Afin de contourner cette difficulté, nous avons étudié ces parcours en nous concentrant sur une étape intermédiaire, celle de la formation continue. L’obtention d’un diplôme agricole ouvre une porte pour les prétendants à l’installation agricole qui ne peuvent pas bénéficier de la transmission du patrimoine productif familial.
Le diplôme agricole d’un niveau équivalent au baccalauréat comme le Brevet professionnel responsable d’entreprises agricoles (BPREA) constitue un critère essentiel pour obtenir la capacité professionnelle et bénéficier des aides publiques à l’installation. C’est donc un terrain privilégié pour étudier qui sont celles et ceux qui veulent devenir agriculteurs, d’autant que le centre de formation qui nous a servi de terrain propose un brevet professionnel en agriculture biologique, destiné à de nouveaux publics éloignés du monde agricole, bénéficiant des dispositifs d’accès à la formation continue pour les salariés et les demandeurs d’emploi.
Cette formation en maraîchage biologique est investie par des profils variés comme le montre l’origine professionnelle des 127 personnes passées par la formation entre 2015 et 2018 : 18 % d’entre elles sont issues des cadres et professions intellectuelles supérieures, 32 % des professions intermédiaires, 22 % sont des employés. Parmi les 23 % des ouvriers, seulement un tiers sont des ouvriers agricoles.
Les entretiens biographiques ainsi que l’analyse approfondie des dossiers de candidature des stagiaires que nous avons suivis permettent de restituer finement les trajectoires scolaires et professionnelles de ces candidats sélectionnés ainsi que leur rapport initial à l’agriculture. Nous les avons classés en trois groupes : les déclassés, les désenchantés et les détachés.
Plus jeunes que les stagiaires des deux autres groupes, les déclassés qui sont des hommes, ont connu un investissement familial important à l’école qu’ils ne sont pas parvenus à convertir. Ayant un baccalauréat, ils ont soit obtenu un diplôme dans l’enseignement supérieur qui n’est pas en adéquation avec leur emploi, soit abandonné leurs études supérieures, puis enchaîné les « petits boulots ». Bien que leur situation économique reste fragile au regard de leur revenu modeste, leur statut de salariés ou de demandeurs d’emploi leur permet d’intégrer la formation.
Ayant déjà une expérience pratique d’autoproduction en agriculture acquise au sein de jardins associatifs ou familiaux ou au sein de luttes d’occupation comme à Notre-Dame des Landes, ils ont également accumulé des connaissances liées à la commercialisation et à la gestion de la qualité des produits alimentaires au cours d’emplois occupés dans la distribution. En devenant agriculteur, il s’agit pour ces déclassés de trouver une voie de reclassement en valorisant professionnellement et économiquement leur pratique d’autoproduction et leur connaissance concernant les produits alimentaires grâce à l’obtention d’un nouveau diplôme :
« Je ne me sens pas dans un schéma classique, il m’aurait fallu des sous et des études. Aujourd’hui, j’ai envie de faire mon truc pour moi, comme ça je pourrais dire que si ça ne marche pas ça vient de moi. Je préfère me concentrer sur mon petit business, je suis à la recherche d’une autonomie. » (Igor, salarié d’une grande surface, 28 ans)
Si les désenchantés partagent avec les déclassés un investissement relativement important dans le domaine scolaire, il s’est finalisé, dans leur cas, par l’obtention d’un diplôme qui a pu être rentabilisé dans la sphère professionnelle. Titulaires de diplômes allant de la licence, jusqu’au doctorat, ils ont eu accès à des emplois stables d’encadrement et de direction ou sont parvenus à intégrer la fonction publique et sont dans des situations financières avantageuses. Mais, leur engagement important au travail a engendré du surmenage ou un sentiment d’inutilité entraînant des crises professionnelles. L’accès au statut d’indépendant est notamment perçu pour ces désenchantés, parmi lesquels on trouve une forte proportion de femmes, comme un moyen de mieux conjuguer leur vie professionnelle et familiale tout en valorisant leurs compétences et/ou leur héritage familial.
Si on retrouve chez les désenchantés le profil des cadres cherchant à retrouver, au travail, un intérêt conforme à leurs aspirations personnelles (Jourdain, 2014), la distance à la nouvelle profession visée semble moins grande qu’elle ne peut s’observer au regard des seules catégories statistiques. Relativement proches des mondes agricoles – car enfants ou petits-enfants d’agriculteurs ou ayant une activité professionnelle au sein du secteur agricole (presse agricole, chantier d’insertion, vétérinaire)- , leur connaissance de la pratique agricole reste superficielle avant l’entrée dans la formation. Ayant une sensibilité environnementale, devenir agriculteur constitue pour eux le moyen d’accéder au statut d’indépendant et de réaliser une nouvelle activité professionnelle écologique valorisée socialement et symboliquement :
« Je ne veux plus de mon boulot. Ça fait 18 mois que je me dis j’arrête demain, le mois prochain… Je voulais un boulot utile et les vétérinaires n’ont aucune utilité sur l’urgence alimentaire qu’il va y avoir. C’est bien de soigner les animaux mais nourrir les gens, je trouve ça plus vital. » (Stéphanie, Salariée vétérinaire, 36 ans)
Âgés de plus de 40 ans et ne pouvant donc plus prétendre au dispositif d’aide public à l’installation, les détachés ont connu un parcours scolaire et professionnel moins favorable que les membres des deux autres groupes. En effet, leur titre scolaire a une plus faible valeur que celui des autres stagiaires soit parce qu’il est d’un niveau inférieur, soit parce qu’il a été dévalué par le temps. Tout au long de leur parcours professionnel, ils ont tenté de compenser ce faible niveau scolaire initial par le suivi de formations continues, ce qui leur a permis de changer plusieurs fois de secteurs dans des emplois qui restent peu qualifiés (facteur, tailleur de pierre, maçon, disquaire) et d’accéder à un emploi stable. Mais, la pénibilité de leur travail tout comme son intensification les ont conduits à se détacher vis-à-vis des enjeux professionnels.
Malgré leur parcours professionnel parfois erratique, ces détachés peuvent toutefois s’appuyer sur des arrangements conjugaux afin de suivre une nouvelle formation. Si les détachés pratiquent, comme les_ désenchantés, _un_e culture ornementale de leur jardin et que leur appréhension de l’agriculture biologique s’est essentiellement construite sous l’angle de l’alimentation, l’accès à la formation constitue moins pour eux un enjeu professionnel qu’un instrument de développement personnel :
« J’ai 48 ans donc je ne me vois pas transmettre des terres à mes enfants. Ça, j’en suis complètement détaché. Et la formation m’aide à me dire que je ne ferais peut-être pas quelque chose de complètement about. » (Yann, salarié d’une Biocop, 48 ans)
Alors que le nombre d’échecs pour obtenir le diplôme est très faible, l’accès au métier d’agriculteur reste difficilement atteignable pour les stagiaires tant il reste marqué par l’importance de la transmission familiale du capital économique et du patrimoine. Les entretiens réalisés après la formation montrent que c’est surtout parmi le groupe des désenchantés que l’on retrouve les installations les plus rapides. Ayant des ressources économiques et parfois politiques importantes, ils peuvent obtenir des terres plus facilement soit en rachetant des exploitations soit en bénéficiant des terres mises à disposition par des collectivités locales.
Pour celles et ceux qui ne deviennent pas agriculteurs rapidement, il s’agit de continuer à accumuler de l’expérience en réalisant des stages ou en devenant ouvrier agricole. Ce type d’emploi marqué par une forte discontinuité du fait de la saisonnalité du travail agricole s’avère particulièrement éprouvant pour celles et ceux qui avaient auparavant des emplois stables.
Pour les autres comme les déclassés et les détachés qui avaient déjà connu cette instabilité professionnelle au cours de leur carrière, la discontinuité du travail agricole paraît beaucoup moins contraignante. Au contraire, elle constitue parfois même une opportunité pour connaître plusieurs modèles d’exploitation agricole et choisir celui qui leur correspond le mieux. Si cette expérience ainsi que leur nouveau diplôme leur permettent d’accéder rapidement à des postes d’encadrement comme chef de culture par exemple, elle n’offre pas de niveau de rémunération suffisant pour envisager à court et moyen terme l’achat d’une exploitation. Ils sont alors contraints de poursuivre leur carrière en agriculture comme salariés.
Alors que le renouvellement des générations en agriculture constitue un enjeu pour l’avenir de ce secteur (La population agricole est une des plus âgées : en 2020, 43 % des agriculteurs étaient concernés par l’ouverture des droits à la retraite ou le seront d’ici à 2030, les parcours de reconversion professionnelle vers l’agriculture sont encore peu connus en dehors des images idéalisées. L’étude de ces parcours en train de se faire montre pourtant que si la formation continue ouvre aujourd’hui des voies de passage vers l’agriculture, elle ne permet pas de lever un des principaux verrous à l’installation de nouveaux arrivants : l’accès à la terre.
Cet article (dans sa version intégrale) fait partie du dossier Territoires ruraux en mouvement : entre recomposition agricole, libéralisation des marchés et reproduction des inégalités publié par Dauphine Eclairages le média scientifique en ligne de l’Université Paris Dauphine – PSL.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
Il se dit de plus en plus fortement que c’est dans les couloirs de la réunion des pays du G20* les 17 et 18 novembre prochain que nous pourrions assister à une résurrection : celle de l’un des plus vastes pactes de libéralisation du commerce au monde.
Le traité de libre-échange entre l’Union européenne et les pays constituant le marché commun d’Amérique latine, le Mercosur** (ou Mercosul). Leur regroupement en fait la seconde zone commerciale du monde. Voilà l’objet des convoitises des conglomérats capitaliste européens qui ont sorti leur calculette, élaboré leurs courbes et tableaux prévisionnels de résultats et autre instruments pouvant mesurer les niveaux de profit correspondant au niveau d’extorsion de la plue value possible du travail en mettant encore plus en concurrence les travailleurs Uruguayen et Français, les ouvriers argentins et luxembourgeois, le grand propriétaire terrien Brésiliens avec le petit paysan du Limousin.
Ne nous trompons pas en effet ! Un traité dit de « libre-échange » n’est pas un accord de coopération. Son objectif est d’accélérer la libre circulation du capital, des marchandises et des services lucratifs. Bref de jeter du charbon sur le feu des guerres économique.
Les institutions européennes et leurs dirigeants dévoilent ainsi leur vraie nature : A mesure qu’ils restreignent la liberté de circulation des êtres humains avec une pléiade de lois « immigration » et les contrôles aux frontières, ils organisent le dépassement du mur du son, au-dessus de toutes les frontières et de tous les océans pour le capital international portés par des rapaces qui n’ont que faire de la vie des êtres humains et de celle de la nature.
D’immenses défis communs pour les peuples latino-américains et européens.
Une Europe transformée, en une union des peuples et des nations associées, libre et souveraine aurait pourtant de beaux messages, de beaux actes à porter et à recevoir d’une communauté de peuples et de nations associés des pays du Mercosur. Cela pourrait commencer par la reconnaissance et les réparations du colonialisme et de l’exploitation de ces peuples.
De part et d’autre, on pourrait débattre et agir autour de nos causes communes d’intérêt général humain : les conséquences des catastrophes liées aux modifications climatiques, les contraintes de la dette et le rôle du Fond monétaire international, la dé-dollarisation des économies, la folie de la course aux armements qui soustrait tant d’argent aux œuvres de vie, les enjeux de la biodiversité et de la protection de la forêt amazonienne, dont le plan présenté par le président Lula. Nous pourrions reprendre la proposition de la Bolivie pour la création d’un tribunal international contre les crimes écologiques et l’inscription du droit à l’eau comme droit humain fondamental. Reprendre la proposition commune de L’Equateur et de L’Afrique du Sud de mise au point d’un mandat contraignant visant à obliger les grandes sociétés multinationales à respecter les droits sociaux et environnementaux.
Or, les dogmes glacés de la compétitivité, de la concurrence libre, des courbes de croissance exponentielle, les tableaux des « avantages comparatifs » étouffent toutes discussions et actions visant la production d’humanité.
Tout débat est interdit sur la dette historique, économique, sociale et culturelle à laquelle s’ajoute désormais la dette écologique et climatique que plusieurs pays européens ont creusée envers ces peuples.
Au contraire, il est envisagé d’aggraver cette prédation sous de nouvelles formes, adaptée aux conditions du 21e siècle, dans le cadre des contradictions de plus en plus destructrices du capitalisme mondialisé et financiarisé.
Accord de coopération contre traités de libre –échange
Voilà, la seule et unique boussole du capital international alors que la situation exige aujourd’hui, à l’inverse d’un traité de libre-échange capitaliste, des accords de coopération et de solidarité entre les peuples, les travailleuses et les travailleurs des deux continents, en leur redonnant le pouvoir sur leur travail et la production comme enjeu de progrès humain et environnemental.
Aucune inflexion n’est donnée au contenu de ce traité alors que depuis 1999 date du son élaboration, le monde est en proie à de violents spasmes : crise climatique, effondrement de la biodiversité, aggravation des inégalités mondiales, développement de la pauvreté et du chômage en Europe et en Amérique Latine, pandémie, éclatement des bulles spéculatives et financières, guerres.
Autant de défis pour l’humanité à relever ensemble. Or, depuis vingt ans, les négociations se poursuivent comme si de rien n’était, à l’abri des regards et des délibérations des peuples de part et d’autre de l’Atlantique.
L’intérêt général humain aurait pourtant voulu que la Commission européenne et les gouvernements appréhendent les nouveautés de la situation, consulte le Parlement européen, les Parlements nationaux, les syndicats, les organisations non-gouvernementales européennes et latino-américaines regroupées en collectif international. Rien de cela. Pour réussir, ils ont besoin d’une totale opacité.
On comprend pourquoi ! Avec ce traité de libre-échange, il ne s’agit pas de répondre aux intérêts populaires et environnementaux. Il s’agit de restaurer les taux de profits par la croissance économique et le commerce au service des multinationales de l’automobile, de la chimie, de l’énergie, de l’agrobusiness.
C’est le sens d’une lettre du chancelier Olaf Scholz à la Commission européenne dans laquelle il se plaint que les entreprises européennes ont perdu 15 % de part de marché dans la région sud-américaine. Aux yeux des gérants des intérêts des puissances industrielles et financières, l’inquiétude s’ajoute à une nouvelle configuration géopolitique dont ils sont partie prenante sous la houlette et la domination des États-Unis.
Les sanctions contre la Russie, les guerres menées par le vassal israélien pour le compte des États-Unis et leurs firmes énergétiques, les pressions continues pour limiter les échanges avec la Chine ajoutés aux politiques d’austérité en Europe, restreignent les débouchés des firmes européennes, poussent l’Union européenne vers « une lente agonie » comme le déplore Mario Draghi dans un récent et copieux rapport pour la Commission européenne.
Marchés contre l’altérité et la sororité.
Dans ce contexte, le grand capital européen cherche les voies d’un sursaut dans la guerre économique intra-capitaliste. Cela le conduit à réclamer de toutes ses forces « l’ouverture » d’un « marché » de 273 millions d’habitants tout en accélérant le pillage de leurs ressources naturelles. Notons que pour ces gens, 273 millions d’habitants ne sont qu’un « froid marché » avec des sujets-consommateurs. Voilà notre irréductible différence : Les mandataires du capital choisissent toujours le marché. Nous prônons l’altérité, la sororité et la fraternité entre les peuples.
Le capitalisme allemand, enferré dans une inquiétante crise depuis les sanctions contre la Russie, doit se soumettre au capitalisme nord-américain pour son approvisionnement en énergies carbonées -ce qui ne cesse d’affaiblir son industrie-, augmente la pression pour la signature du traité. Il aurait l’avantage de lui fournir de nouveaux débouchés notamment pour son industrie automobile plongée dans une inédite crise tout comme celle de La France et les produits de l’agrochimie de la firme Bayer-Monsanto.
Rappelons que le Brésil est le plus grand utilisateur de pesticides au monde, devant les États-Unis, avec 809 000 tonnes en 2019. Ceux-ci sont épandus pour cultiver soja, maïs et canne à sucre génétiquement modifiés, réexportés en Europe.
L’Union européenne compte aussi augmenter ses exportations dans le machinisme, les technologies de l’information et de la communication. L’acharnement à réduire les coopérations avec la Chine conduit le capitalisme européen à amplifier l’exploitation des matières premières critiques de la zone latino-américaine, dont le cuivre, le lithium, l’importation d’hydrogène et d’Éthanol produits par des méga-fermes industrielles implantées sur les décombres de la déforestation. Et l’augmentation des flux commerciaux généré par un tel accord contribuera à augmenter les émissions de gaz à effet de serre (GES) et donc à intensifier les dérèglements climatiques.
L’incitation à accroître les importations en Europe de produits tels que la viande, l’éthanol, le soja donnera de la vitalité aux grands propriétaires terriens, criminels acteurs de la déforestation en Amazonie, dans le Cerrado ou encore des zones tropicales sèches du Chaco, pour développer une monoculture agricole mortifère pour les sols, la biodiversité et la stabilisation du climat mondial. Pendant ce temps, des millions de petits paysans sont « sans terre ».
Avec une plus forte dépendance des économies des pays du Mercosur aux marchés mondiaux, à partir d’exportations majoritairement portées par des entreprises multinationales étrangères, la rémunération du travail salarié sera toujours plus compressée ici et là-bas, les prix agricoles à la production abaissés, les richesses naturelles et du sous-sol toujours plus pillées. Cette stratégie répond aux demandes du Fonds monétaire international et des fonds financiers qui réclament à ces pays notamment l’Argentine et le Brésil de rembourser la totalité de leurs dettes grossis des colossaux intérêts des dettes. Ils ont trouvé un formidable allié avec le président d’extrême droite argentin qui détruit les services publics et les sécurités sociales « à la tronçonneuse ». Notons que les mêmes rhétoriques autour de « la dette » sont utilisées pour les mêmes objectifs en Europe avec l’objectif de privatiser les services publics et la sécurité sociale.
L’absurdité agricole.
Pour servir la rentabilité du capital, le sort fait à l’agriculture est ubuesque. Ainsi, l’Union européenne, qui doit déjà exporter ses surplus de production de viande de porc, accorde un quota supplémentaire d’importation de porc aux États du Mercosur.
À quoi répond cette logique en apparence illogique ? Tout simplement au dogme de la mise en concurrence des producteurs de porc pour abaisser sans cesse les prix à la production. L’objectif attendu est une baisse des prix à la consommation pour ne pas avoir à augmenter les salaires ouvriers.
De même, alors que les pays du Mercosur représentent déjà près de 80 % des importations de viande de bœuf en Europe – pour un total de près de 270 000 tonnes – les 99 000 tonnes de bœuf supplémentaires, importées avec des droits de douane abaissés, prévus par l’accord ont pour objectif de déstabiliser les marchés européens et ruiner des régions entières comme le Limousin ou le Charolais.
Il en est de même de l’importation de 180 000 tonnes de viande de volaille supplémentaires. Déjà, des firmes européennes s’installent dans les pays du marché commun latino-américain pour exploiter là-bas les travailleuses, travailleurs et les ressources naturelles pour réexporter les productions en Europe à bas prix, détruisant ici la vie de territoires et de centaines de milliers de familles populaires.
Voilà où il faut chercher la raison fondamentale de la décision de la firme laitière Lactalis, basée à Laval, de réduire la collecte du lait des paysans français alors qu’elle s’implante fortement au Brésil.
Notre acte d’accusation contre le libre-échange ne vaut pas profession de foi en faveur d’un quelconque protectionnisme ou d’un droitier souverainisme.
Plaidoyer pour une association des travailleurs et des peuples.
Nous plaidons pour vivifier le débat et l’amplification d’actions avec les travailleurs des deux côtés de l’Atlantique pour ouvrir la voie à des relations nouvelles non plus fondées sur l’exploitation et la domination, mais sur la solidarité et la coopération.
Nous plaidons pour la création de liens de qualité nouvelle, d’échanges équitables, tournant le dos à la dure loi du capital international et de ses tribunaux privés*** et pour la réalisation de projets écologiques et culturels commun.
Nous plaidons pour des partenariats de type nouveau visant des échanges commerciaux équitables, des investissements communs, des transferts de technologie, des partages des connaissances sans droit de propriété intellectuelle pour les firmes transnationales, des partages de cultures, auxquels il convient d’ajouter la reconnaissance des dettes et les réparations liées à la colonisation et des mesures de décolonisation.
Nous plaidons le développement des droits humains, ceux des travailleurs, des populations autochtones, des paysans ainsi que la protection de la biodiversité du climat et le bien-être animal.
Nous plaidons pour un accord contribuant à un processus de changement vers des méthodes de productions soutenables, fondées sur des principes de sécurité humaine globale : sécurité alimentaire et droit à l’alimentation pour toutes et tous, sécurité sociale et l’accès aux soins garantis, sécurité environnementale et solidarité dans les urgences face aux modifications climatiques, harmonisation des droits sociaux vers le haut et l’égalité femmes/hommes effective notamment dans le travail ainsi que la reconnaissance des droits des minorités.
Autant d’objectifs qui ne peuvent être atteint sans progresser vers un dépassement-abolition d’un système économique fondé sur l’appropriation des fruits du travail de l’immense majorité, la discrimination envers les femmes et les immigrés. Partout, se posent désormais de plus en plus les questions, d’une appropriation sociale et citoyenne des grands moyens de production et d’échanges, celles de la souveraineté des travailleurs sur leurs activités et sur leurs productions comme condition pour garantir des salaires, permettant de vivre et de se cultiver, tout en engageant une bifurcation écologique des productions et des activités.
Les enjeux pour les travailleurs et les peuples des deux côtés de l’Atlantique sont énormes. Ils concernent la planète entière. Avec leurs organisations syndicales, sociales, les organisations non-gouvernementales, ils doivent amplifier encore leurs rencontres et l’élaboration de projets communs humains. Le traité avec le Mercosur ne doit pas être scellé les 17 et 18 novembre prochains dans les sombres couloirs de la réunion du G20.
Visons l’association des travailleurs et des peuples contre la domination des multinationales. De l’Amérique latine au continent européen, mettons le post-capitalisme à l’ordre du jour.
Patrick Le Hyaric
28 octobre 2024
_____________*Le G20 est composé des pays suivants : Afrique du Sud, Allemagne, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Espagne, France, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Royaume –Uni, Russie, République de Corée, Turquie et de deux entités régionales l’Union européenne et L’Union Africaine.
** Mercosur (ou Mercosul) Marché commun du sud créé en 1991 avec le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay, le Paraguay, la Bolivie. Des pays sans en être membre sont associés : le Chili, la Colombie, l’Équateur, le Guyana, le Suriname. Mercosur est l’abréviation en espagnol de « Mercado commun del sud. »
*** Les traités de libre –échange comportent un volet « règlement des différends » avec l’installation de tribunaux arbitraux privés qui en général donne raison aux multinationales contre les États au nom de la liberté de circulation du capital, des marchandises et des services. Voir les explications complètes dans deux de mes livres : « Le grand marché transatlantique : Dracula contre les peuples » et « CETA : le traité avec le Canada mis à nu. »
Image par WikiImages de Pixabay.
Les conditions climatiques et la répétition des épisodes pluvieux ont entraîné une baisse des productions en céréales, en viticulture et en noisettes. La France connaît sa pire récolte de blé depuis quarante ans ! Les semis d’hiver commencent à prendre du retard !
Depuis plusieurs mois, les élevages ovins, bovins et volailles sont touchés par la FCO, la MHE et la grippe aviaire. Vient s’ajouter, l’annonce de Lactalis de réduire sa collecte de lait et la signature prochaine de l’accord de libre-échange UE-MERCOSUR. Cet accord permettra également à Lactalis d’exporter depuis le Brésil, où le gérant industriel a annoncé être devenu le numéro 1.
Le MODEF appelle à se mobiliser devant les préfectures à partir du 8 novembre pour dénoncer le plan social agricole du gouvernement ! En effet, il est prévu une baisse du budget 2025 alors qu’il devrait augmenter ! Le gouvernement agit contre les paysan.nes en acceptant le traité de libre-échange avec le MERCOSUR et en refusant de garantir une rémunération digne ! Il est temps que l’humain prime plutôt que les logiques de profit !
Le MODEF revendique :
Photo Binyamin Mellish
Bon Pote
Actu-Environnement
Amis de la Terre
Aspas
Biodiversité-sous-nos-pieds
Bloom
Canopée
Décroissance (la)
Deep Green Resistance
Déroute des routes
Faîte et Racines
Fracas
France Nature Environnement AR-A
Greenpeace Fr
JNE
La Relève et la Peste
La Terre
Le Lierre
Le Sauvage
Low-Tech Mag.
Motus & Langue pendue
Mountain Wilderness
Negawatt
Observatoire de l'Anthropocène
Reporterre
Présages
Reclaim Finance
Réseau Action Climat
Résilience Montagne
SOS Forêt France
Stop Croisières