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À propos de Une histoire de la conquête spatiale. Des fusées nazies aux astrocapitalistes du New Space, de Irénée Régnauld et Arnaud Saint-Martin, éditions La fabrique, 2024.
Chaque jour, les grands prophètes autoproclamés de la Silicon Valley (qui supportent par ailleurs très mal la critique) le martèlent sur les réseaux sociaux : la destination ultime et irréversible de l’humanité serait la conquête de l’espace. Sommes-nous donc tous destinés à siroter à longueur de journée des cocktails dans des environnements entièrement artificialisés, comme le suggère, par exemple, la célèbre iconographie qui accompagne le best-seller de 1976 du défenseur de la colonisation spatiale Gerard O’Neill
En 2021, la rédaction de Terrestres a déjà donné une réponse univoque à cette question (une conviction que j’avais aussi exprimé dans mon propre livre La Terre vue d’en haut
Or, même si cela peut paraître étonnant, ce constat de bon sens reste aujourd’hui, dans le milieu spatial, relativement minoritaire…
Et pour cause : les porteurs du récit dominant du devenir cosmique de l’humanité peuvent s’appuyer sur une tradition historique riche d’un siècle d’endoctrinement et de conquête des esprits. L’idée que le destin de l’humanité serait de quitter la terre pour coloniser l’espace a une histoire. Mieux, on peut même parler d’un véritable paradigme de la « conquête spatiale », né durant les années 1930 et qui perdure jusqu’à aujourd’hui sous la bannière du New Space, du nom de ce mouvement essentiellement caractérisé par la privatisation de l’accès à l’espace.
Pour tenter d’enterrer cette quête prométhéenne d’un ailleurs à coloniser, il faut tout d’abord en retracer l’histoire, décrire sa naissance et ses trajectoires multiples. On pourra alors esquisser des avenirs moins mégalomaniaques et marchands, plus équitables et durables. Voilà, en creux, la thèse forte du livre passionnant des chercheurs Irénée Régnauld et Arnaud Saint-Martin, Une histoire de la conquête spatiale.
Pour opérer ce dépaysement absolument nécessaire des prophéties cosmiques omniprésentes dans le milieu spatial (qu’il s’agisse de la « démocratisation » du tourisme spatial, de la colonisation de Mars ou de l’exploitation des richesses minières spatiales), les auteurs proposent de revenir en détail aux prémisses de l’âge spatial, qui s’enracinent dans les sombres heures de la Seconde guerre mondiale.
Là où les récits de l’épopée du spatial sont généralement muets ou se contentent de relater les « incroyables » évolutions techniques (une tradition historique que l’historien John Krige a nommée, non sans ironie, nuts and bolts history, « l’histoire par les écrous et les boulons »), Régnauld et Saint-Martin ont choisi de déployer une histoire plus fidèle. Ils décrivent par exemple les nombreux facteurs qui ont permis l’acculturation pour le moins étonnante d’ingénieurs nazis aux États-Unis, à la suite de l’opération dite Paperclip, qui consistait à transférer ingénieurs et fusées V-2 (les fameux missiles balistiques secrets développés en Allemagne nazie) de l’Allemagne aux États-Unis une fois la Seconde Guerre mondiale terminée.
Ce retour historique aux origines nazies de l’astronautique (dans un sens très large) a le mérite d’exposer les multiples collaborations industrielles et technologiques avec ce régime meurtrier. L’industrie automobile, ou les premiers géants de la tech, comme IBM, ont tous décroché par la suite de nombreux contrats lucratifs avec la NASA. Le livre de Régnauld et Saint-Martin présente également ce qui s’est avéré être un véritable modèle organisationnel né à Peenemünde en Allemagne, et qui a façonné durant la guerre froide tout le secteur spatial et industriel, que ce soit en France ou aux États-Unis.
Ce retour aux origines s’avère aussi indispensable pour comprendre les raisons pour lesquelles l’accablant passé nazi de nombreux acteurs clé du programme spatial étasunien fut largement occulté, jusqu’au point qu’il n’a même pas joué, pour bon nombre d’entre eux, en leur défaveur. Surtout, on apprend que les visons techno-optimistes de colonisation spatiale ont eu aux États-Unis, dès leur naissance, des relais politiques très forts, et elles étaient partie intégrante de la ligne de défense principale des ingénieurs de Peenemünde.
Lire aussi sur Terrestres : Christophe Camus, « Cousteau à la NASA », mars 2021.
Il n’est dès lors pas surprenant que peu d’entre eux furent véritablement inquiétés au cours de leur vie. Certes, ces histoires sont bien connues des spécialistes de l’histoire spatiale, mais elles sont trop souvent éclipsées au profit de récits apolitiques, purement techniques ou héroïques. Cette véritable conquête des esprits, orchestrée tout d’abord par l’ancien officier SS Wernher von Braun et ses alliés à Huntsville, a donné le ton des affaires spatiales pendant les premières décennies d’après-guerre.
Une bonne compréhension de l’« astroculture », définie comme « un ensemble hétérogène d’images et d’artefacts, de médias et de pratiques qui visent tous à donner un sens à l’espace extra-atmosphérique tout en stimulant l’imagination individuelle et collective » (Alexander C.T. Geppert, 2012)
En effet, et c’est le propos du deuxième chapitre d’Une histoire de la conquête spatiale, les récits phares de l’astroculture sont progressivement devenus une feuille de route pour les agences spatiales, des « space advocates », mais aussi des milliardaires de la Silicon Valley. L’astroculture, qui repose sur des mythes façonnés parfois dès le XIXe siècle, sert à « la fabrique du désir d’espace et la naturalisation de l’imaginaire spatial » (p. 48). Les auteurs montrent que ces imaginaires sociotechniques occidentaux, technicistes et masculins, vont finir, durant la guerre froide, par écraser tous les récits alternatifs de l’utilisation de l’espace.
L’un des récits principaux de cet imaginaire est forgé aux États-Unis à partir de la métaphore de la frontière telle qu’elle fut pensée et diffusée, entre autres, par l’historien Frederick Jackson Turner à la fin du XIXe siècle. Ce récit établit une analogie entre l’ancienne frontière de l’Ouest et la frontière de l’espace, la seconde prolongeant la première. L’image du colon-pionnier américain, qui s’approprie de vastes plaines inoccupées, est ainsi remplacée par celle de l’astronaute-colon.
La puissance de ce récit qui a l’expansionnisme cosmique comme ligne de mire a eu pour conséquence que la colonisation spatiale est encore aujourd’hui présentée comme une nécessité historique, une évolution inéluctable qui prend la forme d’une flèche, que démentent pourtant les réalités et surtout les nombreuses contingences historiques.
En effet, regardée de près, l’histoire spatiale n’a rien d’un fleuve tranquille. Elle est marquée par des bifurcations importantes qui ont abouti à autant de moments charnière de l’histoire de l’exploration spatiale. Saint-Martin et Régnauld rappellent par exemple, à l’inverse de la plupart des récits historiques, que la fameuse « course » à la Lune initiée par J. F. Kennedy au début des années 1960 n’a « pas toujours sonné comme une évidence historique dans laquelle il fallait s’embarquer » (p. 54), loin s’en faut. En réalité, Kennedy a longuement hésité, au début de sa présidence, avant de soutenir la conquête spatiale.
Si la conquête spatiale a fini par s’imposer aux États-Unis durant la guerre froide à la fois comme une nécessité et comme une évidence, c’est aussi grâce à une gigantesque machine médiatique – les auteurs n’hésitent pas à parler d’un processus de « disneylandisation » (p. 57) – qui s’est mise en route au service des « space advocates » dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
De nouveaux domaines tels que l’« edutainment
Cette véritable conquête des esprits s’avère particulièrement efficace dès lors qu’elle s’appuie sur des valeurs et des systèmes de représentations religieux, ce qui reste encore aujourd’hui un trait saillant des activités spatiales. Ainsi, des écrivains comme Willy Ley et Arthur C. Clarke, des dessinateurs comme Chesley Bonestell et Ward Walrath Kimball, mais aussi des producteurs et réalisateurs comme Walt Disney (pour ne mentionner que les plus connus) ont tous participé à leur manière à une acculturation croissante du grand public à la « nouvelle frontière » spatiale.
Cette stratégie s’est avérée d’autant plus nécessaire pendant les années 1970, après l’alunissage en 1969 et la fin des missions Apollo. On observa alors un intérêt croissant pour les questions environnementales et, simultanément, une forte diminution du soutien du public pour le programme spatial. La « machine à convaincre » a dû être renouvelée, notamment à travers la figure de l’astronaute, dont l’invention date en réalité de la fin des années 1950. Cette figure, qui est avant tout une construction médiatique et symbolique, marie exceptionnalisme et normalité pour permettre une meilleure identification du grand public. Cette figure clé est encore aujourd’hui très bien incarnée par les dernières générations d’astronautes, comme Thomas Pesquet et Samantha Cristoforetti.
Les auteurs montrent bien que la centralité du vol habité, de même que l’utilité scientifique des astronautes, continue à perdurer jusqu’à aujourd’hui pour justifier les énormes dépenses publiques dans le secteur spatial. Ainsi, on continue à entretenir le mythe du rôle scientifique primordial des astronautes (voir p. 73) ou à faire miroiter des retombées économiques et scientifiques très importantes, un argumentaire qui a pris une nouvelle ampleur dès les années 1970.
Or, comme l’ont montré de nombreuses analyses de ces promesses, l’espace reste un médiocre laboratoire scientifique et les prétendues « retombés économiques » se font surtout ressentir à l’intérieur du secteur spatial lui-même. Selon les auteurs, les quelques retombées objectives des activités spatiales « sont avant tout utiles dans et pour l’espace, dont les contraintes spécifiques […] ne se retrouvent nulle part ailleurs, ce qui les cantonne bien souvent à des niches. » (p. 75). En ce sens, la conquête spatiale change finalement peu de choses pour la société en général.
Si les années 1970 sont habituellement identifiées par les historiens de l’espace comme un moment charnière pour la NASA, qui s’oriente progressivement vers des programmes de surveillance de l’environnement terrestre (Erik Conway parle même d’un « environnemental turn » à la fin des années 1970), des travaux historiques récents ont montré que ces propos doivent être nuancés.
En effet, la NASA se trouve dès la fin des années 1960 dans le collimateur des mouvements écologistes qui l’accusent d’être à la source de nombreuses pollutions environnementales, que ce soit sur leurs sites de lancement, dans la haute atmosphère et la stratosphère (il suffit de penser aux débats du début des années 1970 concernant la destruction de la couche d’ozone par le rejet de chlore des systèmes de propulsion des futurs navettes et des avions supersoniques), et même sur la Lune.
Lire aussi sur Terrestres : Atécopol, « Lettre aux salarié·es de l’aéronautique toulousaine », septembre 2020.
Vu sous cet angle, le « tournant environnemental » de la NASA est avant tout le résultat d’une campagne de communication, soigneusement orchestrée au cours des années 1970 par son directeur George Low, justement pour contrer ces critiques et pour présenter l’image d’une « astronautique propre » et utile à l’humanité. La photographie spatiale y joue un rôle essentiel puisque ce sont notamment les photographies réalisées par les astronautes lors des missions Gemini et Apollo qui sont mises en avant par l’Agence pour renforcer ce lien entre espace et environnement. Cette liaison est encore aujourd’hui pleinement intégrée dans la « machine à convaincre » : on peut penser, par exemple, au flux de photographies relayé par Thomas Pesquet et par d’autres astronautes…
Un secteur hautement controversé puise encore aujourd’hui dans les imaginaires et métaphores forgées par les photographies spatiales des programmes habités : le tourisme spatial. Celui-ci promet notamment une expérience quasi-spirituelle pour prendre conscience de la finitude terrestre, en contradiction flagrante avec le coût écologique qu’il engendre. Même si, en termes économiques, il s’agit là d’un épiphénomène, sa seule existence atteste non seulement de la centralité du vol habité dans les débats sur l’espace, mais aussi d’une volonté très forte des acteurs clé de brouiller constamment les frontières entre réalité et fictions astrofuturistes.
Comme les auteurs le montrent très bien, l’une des caractéristiques principales du secteur spatial est d’entretenir un flou permanent entre ce qui est possible (oui, on peut, en tant que milliardaire, voyager dans l’espace), probable (il est très incertain que le nombre de touristes-astronautes augmente de façon significative dans le futur), et complètement hypothétique (les astronautes-colons vont-ils rester de la science-fiction ?).
Un autre chapitre d’Une histoire de la conquête spatiale porte sur les (très nombreuses) activités militaires dans le domaine spatial, pour lesquels la partie civile sert souvent d’écran de fumée tout au long de la guerre froide. La menace nucléaire, identifiée comme moteur essentiel, a donné naissance à tout un pan d’activités à la fois au sol et dans l’espace – on parle notamment d’une véritable « dark geography » en ce que toutes ces activités sont frappées par le sceau du secret défense. Surtout, on y voit déjà émerger ce que les auteurs appellent, dans le chapitre suivant, un « système astrocapitaliste », dans lequel les relations avec le secteur privé sont dès le début symbiotiques.
Si les satellites de télécommunication marquent en quelque sorte l’émergence du « système d’interdépendance astrocapitaliste d’Etat » (p. 129), ce sont les premiers programmes de surveillance terrestre, tels que Landsat ou SPOT (programmes satellitaires d’observation de la Terre destinés notamment à faire l’inventaire des ressources terrestres), qui introduisent au tournant des années 1980 la marchandisation des données, des services et des produits issus de l’observation spatiale de la Terre.
Les auteurs montrent en outre que dès les années 2000 se produit un changement profond du secteur spatial : désormais, les organisations gouvernementales ne dominent plus l’ensemble des activités spatiales. L’imagerie terrestre, notamment, lui échappe : ce segment abrite un nombre croissant d’entreprises privées (parfois issues des incubateurs de la Silicon Valley) et on assiste à une privatisation croissante de certaines filiales d’observation terrestre, à l’image du programme SPOT (« Système probatoire d’observation de la Terre ou Satellite pour l’observation de la Terre »).
Par ailleurs, le domaine de la météorologie connaît une évolution semblable et entérine cette logique, avec une commercialisation croissante des données dès 2010, via des start-up notamment, lesquelles essaient de trouver leur place dans l’économie très fragile du New Space, un nom qui désigne avant tout une ouverture du marché des activités spatiales à de multiples nouveaux acteurs privés issus notamment de la Silicon Valley.
L’entreprise SpaceX, fondée par Elon Musk en 2002, présente toutes les contradictions du New Space, comme peut-être aucune autre entreprise. Selon Saint-Martin et Régnauld, SpaceX illustre parfaitement ce à quoi ressemble un astrocapitalisme décomplexé, ravageur sur le plan social et environnemental, et impitoyable envers toute concurrence, dont l’entreprise essaye de se démarquer en augmentant la cadence des services déployés, et en diversifiant son modèle d’exploitation de l’espace.
Comme les autres prophètes du New Space, Elon Musk cultive une grande méfiance et même un véritable mépris envers l’État et s’oppose fermement à tout type de régulation étatique – notamment quand il s’agit de protéger l’environnement. Cela est d’autant plus étonnant quand on constate que l’État reste malgré tout l’élément structurant de l’ensemble du secteur puisqu’aucune entreprise spatiale majeure n’existerait aujourd’hui sans le financement direct ou détourné de l’État. Sans les nombreux contrats passés avec les gouvernements et surtout avec la Défense, le modèle économique de l’espace s’écroulerait rapidement.
L’un des effets majeurs de la montée de l’astrocapitalisme est l’abandon progressif, encouragé par les États-Unis, de l’idée que l’espace serait un bien commun. En effet, nombreux sont aujourd’hui les pays ayant récemment voté des législations autorisant des entreprises privées à explorer et à utiliser d’éventuelles ressources de l’espace à des fins commerciales.
Selon les auteurs, il s’agit d’un véritable changement de paradigme – poussé de façon unilatérale par les États-Unis – qui explique aussi bien les nombreux projets en cours de retour sur la Lune, que le nombre croissant d’entreprises et de start-up spécialisées dans l’exploitation (toujours hypothétique, il faut le rappeler) des ressources spatiales. L’idée du space mining a déjà provoqué une bulle spéculative, qui a explosé en 2019.
Au-delà de ce profond changement de paradigme, aujourd’hui il faut avant tout s’inquiéter du fait que ces nouvelles occupations de l’espace (notamment de l’orbite basse, c’est-à-dire la zone de l’orbite terrestre qui s’étend jusqu’à 2000 kilomètres d’altitude) ont déjà des conséquences environnementales très préoccupantes, qu’il s’agisse de la pollution lumineuse (qui entrave la recherche en astronomie) ou de la prolifération des débris orbitaux, générés en nombre toujours plus grand.
Lire aussi sur Terrestres : Emilie Letouzey, « Voitures volantes et vieux rêves capitalistes », juillet 2024.
Selon Saint-Martin et Régnauld, sans un encadrement juridique strict de ces activités et sans contraintes rigides imposées aux fabricants, le risque est de compromettre, au moins partiellement, l’accès à l’espace. Dans tous les cas, la solution ne saurait être la formation d’un marché d’« éboueurs de l’espace » (p. 172), qui ne serait qu’un « spatial fix » (c’est-à-dire un « pansement technique » destiné à résoudre un problème de suraccumulation bien plus vaste), promouvant qui plus est la chimère d’une astronautique « soutenable ». Les modèles financiers et techniques restent hautement fragiles et un écroulement financier du secteur, à l’image d’une bulle qui éclate, reste aujourd’hui un risque réel.
Ce livre s’adresse à celles et ceux qui souhaitent comprendre les raisons pour lesquelles le New Space n’est pas si « neuf » que les discours ambiants essaient de nous faire croire. Tout au long d’une enquête historique rigoureuse basée sur une quantité impressionnante de sources, les auteurs proposent un récit précis et convaincant de la genèse des promesses multiples des acteurs du New Space. Ce faisant, ils dressent un portrait de l’ensemble du secteur spatial et de ses problèmes actuels.
Décortiquant systématiquement les raisons pour lesquelles le secteur spatial est aujourd’hui encore hanté par les fantasmes d’un expansionnisme cosmique, oblitérant tout un pan d’activités spatiales, militaires ou civiles (lesquelles sont historiquement étroitement liées), telles que l’observation terrestre. En effet, la raison pour laquelle les fantasmes aux forts accents astrofuturistes n’ont jamais été enterrés réside dans le fait qu’ils ont toujours fait partie intégrante d’une stratégie beaucoup plus vaste de vendre l’espace au grand public, dans la perspective de générer l’acceptabilité sociale nécessaire pour justifier des dépenses publiques colossales.
L’écran de fumée ainsi mis en place a permis d’éloigner l’attention du public des conséquences écologiques et sociales désastreuses, pour ancrer l’idée de la nécessité d’un programme spatial habité – au mépris du bon sens (vue l’inhospitalité extrême du milieu spatial) et surtout de tout une panoplie d’expériences échouées de reproduire la vie ailleurs.
La très belle citation du philosophe Jean Baudrillard qui clôture le livre saisit parfaitement l’enjeu de l’hubris et des promesses intenables des prophètes de la conquête spatiale :
« Dans l’optique du survival, du recycling, du feedback, de la stabilisation et métastabilisation, les données de la vie sont sacrifiées à celles de la survie (élimination des germes, du mal, du sexe). La vie réelle y est sacrifiée à la survie artificielle. La planète réelle, supposée condamnée, y est sacrifiée d’avance à son clone, miniaturise, climatisée […] destinée à vaincre la mort par la simulation totale. […] Faut-il espérer cela ? » (p. 189).
Avec Une histoire de la conquête spatiale, Irénée Régnauld et Arnaud Saint-Martin donnent à cette question une réponse forte et convaincante.
Image d’accueil : Photo de NASA sur Unsplash.
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