rubrique «À LIRE AILLEURS»
Publié le 15.12.2025 à 08:00
Fachorama : polémique la police !
Depuis plus de 13 ans, notre collectif propose toute une panoplie d'outils antifascistes : cartes, schémas, chronologies, infographies diverses, livres, traductions et… jeux de société. Or, pour des raisons qui nous échappent, c'est cette dernière catégorie qui fait l'objet d'une attention particulière des syndicats de police qui, à chaque fois, demandent le retrait de leur commercialisation. Il y a deux ans, c'était Antifa le Jeu, cette année, c'est donc au tour de Fachorama.
Avant de revenir en détail sur le déroulé de cette panique morale savamment orchestrée, rappelons quand même ce que contient réellement le jeu. Sur les 40 cartes du jeu, deux concernent la police, intitulées respectivement « Flic raciste de la BAC » et « Flic raciste dans les CRS », chaque carte étant accompagné d'un texte descriptif, au ton caustique mais au contenu factuel.

En effet, le Conseil d'État lui-même a reconnu l'existence des contrôles au faciès, une pratique pour laquelle la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme en juin dernier. Pour ce qui est des violences en manifestations, il suffit d'évoquer le mouvement des Gilets jaunes, comme cet exemple à Marseille et les centaines de vidéos de manifestant·es tabassés accessibles en deux clics. Concernant le racisme d'État, plusieurs sociologues en ont établi clairement l'existence, comme on peut le lire ici ou là, par exemple. Des fachos dans la police ? Maiiiiiiiis non, pas possible !
Enfin, il est bien précisé que ces « flics racistes » ne sont pas tous les flics, mais qu'ils font partie des « 60% de policiers qui votent à l'extrême droite », des chiffres en-deçà de la réalité puisqu'une enquête du Cevipof datée de 2024 nous apprend qu'au second tour des dernières législatives, en 2024, le vote policier pour le RN était de… 67%, le score le plus élevé, et de loin, de toute la fonction publique. Selon Médiapart, en 2017, le syndicat Alliance, majoritaire dans la police, déclarait par la voix de son délégué général, Stanislas Gaudon, que « le programme de Marine Le Pen tombe dans ses revendications et répond aux policiers qu'il représente ».
.lire-ailleurs { text-align: center;font-weight: 800; } .lire-ailleurs a { background-color:#f5f5f5; color:black; display: block; padding: 0.5rem 0; margin-bottom: 0.5rem; text-decoration: none !important; } .lire-ailleurs a:hover { background-color: #a30005; transition-property: background-color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a:hover span { color: white; transition-property: color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a span { color:#a30005; }Publié le 15.12.2025 à 08:00
Les gouvernants israéliens dans les pas du Ku Klux Klan
Des ministres israéliens veulent permettre la peine de mort uniquement pour les “non-juifs”. Une mesure officialisant une hiérarchie raciale, qui “n'existait que dans l'Allemagne nazie”, selon une ONG israélienne
Publié par : https://contre-attaque.net/2025/12/10/les-gouvernants-israeliens-dans-les-pas-du-ku-klux-klan/

“Strange Fruit”, c'est la chanson bouleversante interprétée par l'artiste noire Billie Holiday en 1939, lors du pic des lynchages de personnes africaines-américaines aux USA. Le “fruit étrange” décrit dans la chanson a les “yeux exorbités et la bouche tordue” et sent la “chair brûlée”. C'est le corps d'un Noir, assassiné par des suprémacistes du Ku Klux Klan.
Après l'abolition de l'esclavage, des lynchages et des attentats visent les communautés Noires, en particulier dans les États du Sud des USA. Des milliers d'afro-descendants sont torturés, mutilés, tabassés par des foules racistes, et la plupart du temps pendus à des arbres, pour semer la terreur. Les photos des pendaisons sont alors imprimées sur des cartes postales et vendues dans tout le pays. Jusqu'à aujourd'hui, le Ku Klux Klan, groupe terroriste d'extrême droite, qui a commis la plupart de ces lynchages, utilise la corde de pendu comme symbole raciste.
Après l'élection de Trump, des nœuds coulants sont d'ailleurs réapparus sur certains arbres, près de lieux symboliques comme le musée national d'histoire et de culture afro-américaine. L'historien nord-américain Greg Robinson explique que ce nœud coulant, « C'est vraiment raciste, vraiment un symbole de la violence projetée ». Ce n'est pas tout, dans les années 1930, la propagande nazie publiait elle aussi des caricatures représentant des Juifs, des communistes et autres opposants pendus à des potences.
C'est ce symbole que les fascistes sionistes s'approprient désormais. Le ministre israélien Itamar Ben Gvir, mais aussi le ministre du Patrimoine, Amihai Eliyahu, membre du parti Otzma Yehudit, c'est-à-dire « Pouvoir juif », ont paradé dans le Parlement israélien avec des pin's dorés en forme de nœuds coulants. Jusque récemment, les suprémacistes sionistes arboraient un petit ruban jaune, symbole innocent sensé évoquer les « otages israéliens ». Maintenant, ils affichent un symbole de mort, une référence suprémaciste.
Pourquoi arborer de tels pin's ? Parce que Ben Gvir et ses amis veulent faire passer un projet de loi pour légaliser la peine de mort pour les personnes non-juives accusées de « terrorisme ». Une mesure raciale séparant, sur des critères ethniques, la loi qui s'applique aux juifs et aux autres. En l'occurrence, évidemment, les palestiniens. Et on le sait, Israël considère comme « terroriste » tous les palestiniens, y compris les nourrissons tués sous les bombes à Gaza. Avec son pin's, Ben Gvir expliquait : « Nous avons tous convenu de porter l'insigne. Il représente l'une des options pour l'exécution de la peine de mort. Bien sûr, il y a aussi la pendaison, la chaise électrique et l'injection létale ».
Ces derniers mois, Ben Gvir a organisé plusieurs mises en scènes dans les prisons israéliennes : il s'est fait filmer devant des prisonniers palestiniens ligotés, les yeux bandés, dans des situations évidentes de souffrance et de torture. Humiliant les corps ainsi entravés, jouissant de sa domination, le ministre avait réclamé qu'ils soient exécutés.
L'ONG israélienne Zulat, de défense des droits humains, estime que « des lois présentant de telles caractéristiques racistes n'existaient que dans l'Allemagne nazie ». Pour l'avocate israélienne Yael Stein, il ne fait aucun doute que ce projet de loi est raciste et s'inscrit dans une filiation fasciste. La loi a pourtant été validée en première lecture au Parlement israélien.
Israël est un État suprémaciste, militariste, qui commet un génocide et menace la paix mondiale, tout en disposant de l'arme nucléaire. Ses dirigeants ne cachent plus leurs sympathies avec les néo-nazis occidentaux et leur filiation avec des groupes comme le Ku Klux Klan. Combien de temps la France continuera-t-elle d'armer et de soutenir cette colonie terroriste ?
Publié le 11.12.2025 à 08:00
Cet article écrit par des camarades russes revient sur les différentes tactiques de luttes en solidarité à l'Ukraine et à la Palestine, afin de renforcer notre lutte contre l'impérialisme et de se donner des perspectives futures.

Merci à nos amis qui ont traduit l'article « Solidarité avec les peuples d'Ukraine et de Palestine dans les pays occidentaux : questions de tactiques de lutte ». Cet article a déjà été publié en russe (site web et Telegraph).
L'invasion russe à grande échelle de l'Ukraine, qui a débuté le 24 février 2022, est un événement central pour toute la vie politique de la région post-soviétique, y compris pour le mouvement anarchiste. Le 7 octobre 2023, un nouveau cycle de confrontation a commencé entre l'État colonial d'Israël et les groupes opérant en Palestine colonisée, principalement le mouvement autoritaire religieux-nationaliste HAMAS. Ce jour-là, des militants du HAMAS et des combattants d'autres organisations palestiniennes ont attaqué Israël. Profitant de l'occasion, des djihadistes salafistes, minoritaires et marginaux dans le contexte palestinien, se sont également joints à l'attaque. Au cours de cette attaque à grande échelle, de nombreux militaires, forces de sécurité et colons armés israéliens ont été tués, mais il y a également eu des massacres de civils. La guerre s'est rapidement transformée en un génocide de la population palestinienne de la bande de Gaza, que l'État d'Israël mène à bien par des bombardements totaux et aveugles, une famine créée artificiellement et d'autres formes d'extermination massive de la population civile. Israël est étroitement lié aux pays dits « occidentaux » par des liens politiques, économiques, militaires et autres, et dépend particulièrement du soutien de l'empire le plus puissant du monde, les États-Unis. Tout comme la guerre en Ukraine pour les anarchistes et les gauchistes post-soviétiques, la lutte contre le génocide en Palestine est devenue ces dernières années un point central de mobilisation pour les mouvements anarchistes et révolutionnaires de gauche en Occident.
La lutte anarchiste est internationaliste ; elle est menée de part et d'autre des frontières nationales. Dans cet article, nous aborderons les méthodes de solidarité avec les peuples ukrainien et palestinien dans les pays occidentaux, en nous concentrant principalement sur les tactiques de luttes. Il semble approprié d'aborder la question sous cet angle, car une partie importante du mouvement anarchiste et de gauche post-soviétique a fini par émigrer, notamment vers les pays occidentaux. Dans le cas de la Palestine, l'internationalisme et la solidarité avec la lutte dans cette région ont une longue et héroïque histoire, et le mouvement palestinien lui-même considère le monde occidental comme un front important de résistance. Nous en discuterons plus en détail ci-dessous.
Un peu de contexte
Cet article n'a pas pour objectif de retracer l'histoire du colonialisme et de l'occupation en Ukraine et en Palestine. Dans le cas de l'Ukraine, le lecteur russophone connaît, au moins dans les grandes lignes, les événements de ces dernières années ainsi que la politique coloniale impérialiste menée auparavant par l'Empire russe, l'Union soviétique et la Russie de Eltsine et Poutine. C'est plus difficile avec la Palestine : il y a tout simplement un manque critique de documents anarchistes et révolutionnaires en langue russe qui fournissent un aperçu complet des origines et de l'histoire de la colonisation et de l'occupation. Je me limiterai donc à recommander des documents en anglais. Pour comprendre les origines du génocide actuel, je recommande la lecture de la brochure publiée en juin 2024 par le Mouvement révolutionnaire kurde, « Réflexions sur la résistance palestinienne et kurde ». De plus, l'histoire de la résistance palestinienne au cours des dernières décennies est merveilleusement présentée dans l'article du collectif anarchiste CrimethInc., « Ya Ghazze Habibti — Gaza, mon amour : comprendre le génocide en Palestine ». En outre, l'organisation anarchiste « Compass » opère en Palestine et compte parmi ses membres des camarades russophones. Vous pouvez probablement les contacter directement pour leur poser vos questions.
Solidarité avec les peuples d'Ukraine

En Occident, dès le premier jour de la guerre à grande échelle, un mouvement de solidarité assez massif avec les peuples d'Ukraine a vu le jour, auquel s'est jointe une partie importante des anarchistes et des gauchistes. Beaucoup ont immédiatement pris contact avec l'initiative « Operation solidarity », qui s'est ensuite transformée en « Solidarity Collectives ». Certain.es camarades, dont ceux qui avaient l'expérience de la lutte armée au Kurdistan, se sont rendu.es elleux-mêmes en Ukraine et ont rejoint le Peloton anti-autoritaire. Leur expérience s'est avérée très précieuse pour la mise en place de structures organisationnelles militaires – notre camarade tombé au combat, l'un des fondateurs de l'Organisation de combat des anarcho-communistes (BOAK), le martyr Dmitry Petrov, en a parlé dans son article « Quatre mois dans le Peloton anti-autoritaire en Ukraine ».

Le peloton anti-autoritaire dans ses débuts
En Occident, après le début de la guerre à grande échelle, des actions de solidarité massive avec les peuples d'Ukraine ont eu lieu. Des anarchistes et des militant.es de gauche y ont participé, donnant simultanément à la campagne pro-ukrainienne un caractère plus radical, incluant des revendications anticapitalistes, antiétatiques et environnementales. Par exemple, en mars 2022, des anarchistes ont occupé le manoir londonien de l'oligarque russe Deripaska. Cette action visait à dénoncer l'agression russe, mais elle a également mis en lumière les problèmes de répartition inéquitable des ressources dans la société moderne, du sans-abrisme, de la répression policière contre les réfugiés et les migrants, du racisme et du colonialisme. Toujours en mars 2022, à Glasgow, les participants à une initiative climatique de gauche ont bloqué les bureaux de la compagnie maritime « Seapeak », liée à l'État russe. L'objectif du blocage était d'entraver le commerce du pétrole russe. Mais cette action visait également toutes les entreprises énergétiques dont les activités ont un impact destructeur sur la nature, ainsi que l'ensemble du système capitaliste qui détruit la planète au nom du pouvoir et du profit.
Des actes symboliques de sabotage contre les ambassades, consulats et missions commerciales russes, tels que les peintures répétées à l'aide de drones sur l'ambassade russe à Stockholm, se sont poursuivis tout au long de la guerre totale. Le rôle des anarchistes dans ces événements n'est actuellement pas clair. Des anarchistes ont également participé à des manifestations organisées par l'opposition russe à Berlin et dans d'autres villes. Des cortèges anarchistes se sont joints à elleux avec des slogans appelant à un soutien accru à la résistance ukrainienne, notamment par le transfert d'armes supplémentaires vers l'Ukraine.
Et pourtant, les actions anti-russes les plus graves n'ont pas été menées par des anarchistes. L'action pro-ukrainienne la plus retentissante en Occident à ce jour doit être considérée comme le sabotage des gazoducs Nord Stream et Nord Stream 2 en mer Baltique, le 26 septembre 2022. Les autorités allemandes chargées d'enquêter sur ce sabotage ont engagé des poursuites contre des citoyens ukrainiens, notamment ceux liés au SBU (Service de sécurité ukrainien). Les organes d'enquête suggèrent que l'attaque a été coordonnée, voire directement organisée, par les dirigeants militaires et politiques ukrainiens.

Lorsque l'on envisage une solidarité concrète avec les peuples d'Ukraine en Occident, y compris en matière de tactiques de lutte, il faut bien comprendre que les possibilités sont très limitées. Tout d'abord, les pays occidentaux ont imposé des sanctions assez sévères à la Russie et fournissent, bien qu'en quantités insuffisantes, des armes à l'Ukraine. Même la « flotte fantôme » russe pour le commerce du pétrole – une cible potentielle pour des sabotages anarchistes avancés – se heurte à l'opposition des autorités européennes. Par exemple, le 2 octobre dernier, le pétrolier Boracay de la « flotte fantôme », qui faisait route de la région de Leningrad vers l'Inde, a été capturé par les forces spéciales françaises dans la Manche. La position prudente, pragmatique, mais toujours conflictuelle de nombreux États européens à l'égard de la Russie réduit la marge de manœuvre des activités de lutte anarchistes. Naturellement, si pour une raison ou une autre, la coopération avec l'État russe se normalise, cette situation changera également. L'une des tâches des actions pro-ukrainiennes actuelles est d'empêcher une telle normalisation.
Deuxièmement, les attaques contre l'État russe en Occident inquiètent peu Poutine. Le régime russe a maintenu une relative stabilité, même sous la pression des sanctions imposées par les pays occidentaux. Une ambassade recouverte de peinture ou une mission commerciale incendiée dans une capitale européenne ne dérange pas du tout Poutine. Cela ne signifie pas que ces actions sont mauvaises ; d'un point de vue éthique et pratique, elles sont tout-à-fait justifiées. Il suffit simplement de comprendre l'horizon des résultats réalisables.
Dans ces conditions, une action de lutte qui pourrait vraiment avoir un effet sérieux, inspirante pour nous et effrayante pour nos ennemis, serait, par exemple, l'élimination d'un haut fonctionnaire russe de premier ou deuxième rang, comme Slutsky (homme politique russe), qui était récemment en Suisse. Naturellement, une telle action est extrêmement difficile d'un point de vue technique, d'autant plus que le mouvement anarchiste est surveillé par les services de renseignement non seulement en Russie et en Biélorussie, mais aussi en Occident.
Dans le même temps, presque tous les analystes militaires soulignent que le principal problème des forces de défense ukrainiennes, qui permet aux troupes russes de progresser chaque jour, est un manque élémentaire d'infanterie, en particulier d'infanterie motivée. Jeter de la peinture sur les ambassades russes est certes une bonne chose, mais si vous êtes principalement motivé par une position pro-ukrainienne et que vous n'avez pas d'autres engagements critiques dans la lutte collective, vous devriez peut-être prendre place dans une tranchée avec un fusil d'assaut ou une mitrailleuse. Aujourd'hui, il n'est pas si difficile de se rendre au front en Ukraine, même si vous avez un passeport russe ou biélorusse. Pour mettre en œuvre ces projets, nous vous recommandons de contacter la plateforme de recrutement anti-autoritaire lancée par « Solidarity Collectives ».
N'oublions pas non plus qu'une position simplement pro-ukrainienne présente de nombreux points communs avec une position révolutionnaire anarchiste, mais qu'elle n'est pas tout-à-fait identique à celle-ci. Notre martyr Dmitry Petrov a écrit à ce sujet dans l'article « Être une force indépendante » en novembre 2022. Dima a noté :
La deuxième approche, apparemment opposée, est proactive, mais similaire à la première en termes de résultats. Ses partisans affirment que l'anarchisme et la lutte révolutionnaire ne sont pas à l'ordre du jour pour le moment, « nous allons d'abord défendre l'Ukraine contre l'invasion », « nous allons d'abord renverser Poutine/Loukachenko (souligner selon le cas) », nous allons nous lancer tête baissée dans ce travail, et ensuite... Non, mes amis, si, à la croisée des chemins, vous décidez de reporter vos idées à des temps meilleurs, vous pouvez être sûrs que vous les mettez définitivement de côté.
Heureusement, il existe parmi nous de nombreuses personnes dignes d'intérêt qui consacrent beaucoup d'énergie et d'efforts à des tâches sérieuses. Il est essentiel que ces tâches et ces efforts servent les objectifs des révolutionnaires, à savoir la restructuration de la société selon les principes libertaires. Pour une telle restructuration, un mouvement puissant et organisé, doté d'une grande influence idéologique et pratique, est nécessaire.”
Malgré l'importance de participer à la défense armée des peuples d'Ukraine, il faut garder à l'esprit qu'il n'existe actuellement aucune unité anti-autoritaire distincte. Néanmoins, un travail organisationnel extrêmement important est mené par nos camarades, qui ont besoin de soutien. Parallèlement, les activités menées en exil peuvent également s'avérer utiles. Prenons l'exemple des manifestations de l'opposition à Berlin. Y participer sous la forme d'un cortège distinct renforce le niveau d'organisation du mouvement et permet également d'acquérir un certain nombre de compétences utiles qui pourraient s'avérer nécessaires à l'avenir : comment rassembler des camarades de différentes villes et régions en un seul endroit et au même moment, comment se regrouper, comment se préparer à d'éventuels affrontements avec la police et des militants d'extrême droite. De plus, ces actions préservent la mémoire des héros tombés au combat et contribuent à la formation d'une culture de lutte et de martyre au sein de la communauté anarchiste.
En général, il y a du travail à faire partout, mais le front principal se trouve sans équivoque en Ukraine.
Solidarité avec les peuples de Palestine

Comme nous l'avons déjà mentionné, la lutte internationaliste palestinienne a une longue et héroïque tradition. La RAF (Fraction armée rouge), les « Cellules révolutionnaires », le « Mouvement du 2 juin » et d'autres groupes de guérilla urbaine ont organisé leurs actions dans le monde entier en collaboration avec le Mouvement révolutionnaire palestinien. Des révolutionnaires européens ont suivi une formation idéologique et militaire dans les camps militaires des organisations palestiniennes. En 1982, des internationalistes ont combattu aux côtés des Palestiniens contre l'État d'Israël, qui avait envahi le Liban. Par exemple, la révolutionnaire allemande Ingrid Siepmann, membre du « Mouvement du 2 juin », a combattu les occupants au sein d'une brigade de femmes palestiniennes et est morte au combat. Des images du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) pendant la guerre du Liban, aux côtés de combattants palestiniens, défendant le village stratégique d'Arnoun, ont été présentées dans un autre article. Dix révolutionnaires kurdes sont morts en martyrs lors de cette bataille cruelle.
Pendant la première Intifada (1987-1993) et après celle-ci, le centre de gravité de la résistance à l'État colonial d'Israël s'est déplacé vers la Palestine, ce qui a influencé la nature de l'internationalisme. L'activité du Mouvement de solidarité internationale (ISM), créé en 2001, a constitué un chapitre important de la lutte internationaliste. L'une des principales méthodes de l'ISM consistait à protéger physiquement, en tant que « bouclier humain », les maisons palestiniennes contre la démolition et l'expulsion de leurs habitants. Souvent, les colons et les militaires qui les assistaient hésitaient à agir aussi durement contre les internationalistes des pays occidentaux et les citoyen.nes israélien.nes qu'ils le faisaient contre les Palestiniens privés de leurs droits, et cette tactique non violente a donc donné des résultats. Malgré les méthodes non violentes de l'ISM, plusieurs participant.es à cette initiative ont été tués ou mutilés par l'armée et les colons. Le meurtre de l'internationaliste américaine Rachel Corrie, le 16 mars 2003, a eu le plus grand retentissement. Elle travaillait dans la bande de Gaza et a été écrasée et a été tuée par un bulldozer militaire israélien alors qu'elle protégeait une maison palestinienne de la démolition. En Cisjordanie, l'ISM poursuit ses activités à ce jour.

La martyre Rachel Corrie le jour de sa mort
Un autre exemple de lutte internationaliste en Palestine est l'initiative anarchiste « Anarchists Against the Wall » (Anarchistes contre le mur), créée en 2003 et aujourd'hui disparue. Ses participant.es, principalement des citoyen.nes israélien.nes, ont pris part à des blocages et à des sabotages aux côtés des Palestinien.nes. En rejoignant cette lutte commune, les participant.es à l'initiative voyaient leur objectif dans l'abolition de la société coloniale israélienne, la déconstruction de l'identité coloniale et de la mentalité coloniale et raciste, condition préalable à une coexistence égalitaire et amicale entre tous les groupes ethniques et religieux habitant la Palestine.
Après le début de la nouvelle guerre et du génocide, les pays occidentaux sont redevenus un front de lutte extrêmement important pour le mouvement palestinien, y compris pour les anarchistes et les gauchistes qui y participent. Pourquoi ? Il est extrêmement difficile d'entrer à Gaza pour participer à la lutte armée ; la bande de Gaza est une prison à ciel ouvert, bloquée de tous côtés, par les airs et par la mer. La région elle-même est peu propice à la guérilla, c'est pourquoi le HAMAS et d'autres organisations armées ont construit un réseau de tunnels, grâce auquel de petits groupes de combattants peuvent mener des attaques efficaces. Dans ces conditions, entrer physiquement dans la bande de Gaza et rejoindre une structure de guérilla dont la participation est idéologiquement compatible avec une position libertaire semble une tâche presque impossible.

Manifestation du Front populaire de libération de la Palestine, organisation de gauche, à Gaza.
Mais, comme le souligne l'article de CrimethInc. intitulé « Ya Ghazze Habibti — Gaza, mon amour : comprendre le génocide en Palestine », cela n'est pas nécessaire. Contrairement à la Russie, l'État d'Israël dépend fortement de l'aide des États occidentaux, principalement des États-Unis. L'administration Trump et d'autres gouvernements occidentaux continuent de soutenir le régime israélien et le génocide, même si en Europe, sous la pression d'une résistance populaire massive, la situation commence à changer. De plus, il existe également une boucle de rétroaction dans les relations entre Israël et l'Occident : l'État d'Israël, îlot colonial militariste de « civilisation » dans un environnement colonisé « barbare », est un exportateur de concepts fascistes et de technologies militaires et policières destinées à réprimer les mouvements sociaux et à contrôler les travailleur.euses, les ghettos pauvres et les groupes marginalisés « indésirables » dans les métropoles occidentales elles-mêmes. Cela fait des pays occidentaux un front d'une importance vitale dans la lutte contre le génocide en Palestine et l'oppression, les inégalités et l'exploitation mondiales qui y sont liées.
Sur ce front, le mouvement anarchiste international a déployé un riche arsenal de tactiques de luttes au cours des deux dernières années. Il a notamment organisé des manifestations et des affrontements avec la police, des blocus d'entreprises israéliennes et occidentales soutenant l'État d'Israël, des blocus de ports par lesquels transitent des armes à destination d'Israël, des occupations de campus universitaires et, bien sûr, des centaines d'actes de sabotage. La participation des anarchistes au mouvement palestinien a une fois de plus brisé le mythe libéral selon lequel les actions radicales effraient les « gens ordinaires ». Par exemple, les 2 et 3 octobre derniers, après que les autorités israéliennes ont saisi une partie de la flottille internationale « Sumud » qui se dirigeait vers Gaza, entre un et trois millions de personnes sont descendues dans les rues des villes italiennes pour réclamer la fin du génocide. Des actions de solidarité à grande échelle, rassemblant des centaines de milliers de participant.es, ont également eu lieu dans d'autres pays européens. Il s'agit de l'une des plus grandes mobilisations sociales en Europe depuis 1968. Manifestations, grèves, affrontements avec la police, sabotages : les participant.es au mouvement palestinien parviennent souvent à combiner toutes ces méthodes dans une seule et même lutte, sans la division libérale et destructrice entre « bons » manifestant.es « pacifiques » et « mauvais extrémistes », qui est avantageuse pour les autorités. Cette leçon sera utile dans les nouvelles batailles révolutionnaires, tant en Occident que dans d'autres régions, y compris dans l'espace post-soviétique.
Cette unité s'est également manifestée lors des mesures répressives prises par les autorités. Ainsi, en juillet 2025, l'État anglais a déclaré l'initiative de gauche « Palestine Action », qui menait des actions de désobéissance civile et de sabotage, comme étant une organisation terroriste. En quelques mois, plus d'un millier de personnes ont été arrêtées pour avoir prétendument participé à ses activités. Mais aujourd'hui, des manifestations de solidarité massives avec « Palestine Action » ont lieu dans tout le pays, auxquelles se joignent des personnes qui étaient auparavant loin des formes illégales de résistance.
Le mouvement de solidarité avec les peuples de Palestine n'a pas encore réussi à mettre fin au génocide. Et pourtant, ces derniers mois, sous la pression des actions de masse dans les rues des capitales européennes, on parle de plus en plus de l'isolement du régime israélien. Pour l'instant, l'État d'Israël peut compter sur le soutien inconditionnel de l'administration américaine Trump, mais les tendances émergentes vers l'isolement pourraient à l'avenir menacer ce projet colonial. Les tactiques de lutte des anarchistes ont servi à mobiliser et à radicaliser le mouvement palestinien. Le front de la lutte palestinienne en Occident reste ouvert, apportant une contribution significative à la confrontation avec l'État génocidaire d'Israël et toute l'oppression mondiale.
Conclusion
Les mouvements de solidarité avec les peuples ukrainien et palestinien en Occident, pour les raisons décrites dans l'article, sont de nature différente. Pour le mouvement palestinien, les pays occidentaux constituent un front extrêmement important, tandis que pour les anarchistes occidentaux et post-soviétiques solidaires de la résistance ukrainienne, la lutte en Occident est de nature auxiliaire – les événements principaux se déroulent en Ukraine et dans l'espace post-soviétique. Et pourtant, ces deux directions de la résistance mondiale sont étroitement liées. Cela est très bien décrit dans l'article de CrimethInc. « Ya Ghazze Habibti — Gaza, mon amour : comprendre le génocide en Palestine » :
La Palestine est profondément liée à la révolution syrienne, à la tragédie du Soudan, aux féministes révolutionnaires d'Iran, à la révolution du Rojava, au soulèvement au Liban, aux nombreux mouvements au Moyen-Orient depuis le Printemps arabe et, plus globalement, aux mouvements Stop Cop City et Black Lives Matter aux États-Unis, aux luttes anticolonialistes des peuples autochtones partout dans le monde, à la résistance anti-junte au Myanmar, à la résistance ukrainienne à l'impérialisme russe et à toutes les luttes pour la liberté et la libération. Nous tirons inspiration, force et enseignements les uns des autres. Une victoire palestinienne à Gaza enverrait des vagues de liberté aux quatre coins de la terre, tandis qu'une victoire israélienne encouragerait ceux qui poursuivent des stratégies violentes et génocidaires partout dans le monde, renforcerait l'emprise des alliances réactionnaires et autoritaires sur des populations entières et leur permettrait d'écraser davantage les mouvements de libération, que ce soit au nom de la « stabilité » ou de la « résistance ». Si nous dépendons les uns des autres, nous ferions mieux de commencer à agir en conséquence. Qui sait combien de temps il nous reste ?
Une victoire de la résistance ukrainienne sur l'empire agressif russe ouvrira des perspectives révolutionnaires dans l'espace post-soviétique. Un échec militaire d'Israël sera un pas vers l'abolition du projet colonial et raciste en Palestine et rapprochera la coexistence pacifique de tous les groupes ethniques et religieux de cette région, ensemble et sur un pied d'égalité. La lutte sur ces fronts de la lutte révolutionnaire mondiale se poursuit, et il n'est jamais trop tard pour y prendre part !
Fedai
« Militant anarchiste », lisez-nous sur Telegram
ndt : Le groupe BOAK (organisation de combat anarcho-communiste) est un groupe de partisan.nes opérant en Russie et menant des actions de sabotages sur le sol russe mais certain.es de ses militant.es prennent également part au combat sur le front en Ukraine, dont plusieurs sont tombé.es en martyrs.
https://telegra.ph/Solidarity-with-the-Peoples-of-Ukraine-and-Palestine-11-09
Publié le 10.12.2025 à 08:00
Actions solidaires et anti-fascistes les 12 et 13 décembre au Mans !
Ciné-discussion du film « Nous sommes des champs de bataille », Manifestation de solidarité avec les palestinien.ne.s, Village pour les Droits et les Libertés, Manifestation anti-fasciste !


Depuis 2019 des royalistes instrumentalisent la bataille et le massacre des 12 et 13 décembre 1793 au Mans, en invitant chaque année des fascistes et des nazi·e·s de plusieurs régions à une « marche du souvenir vendéen » à la mi-décembre au Mans.
Avant ou après leur manifestation, iels ont plusieurs fois mené des attaques armées (en 2019 et en 2022). L'année dernière, 15 fascistes ont menacé de réattaquer un bar et ses client·e·s. Puis plusieurs ont crié des slogans racistes et fait des saluts fascistes Place de la République, et ont menacé de coups de couteau un passant qui s'était opposé verbalement à eux... (Plus d'informations : https://larnapee.info/Retours-anti-fascistes-…)
Ces faits graves s'inscrivent dans une période fascisante et nous appellent d'autant plus à marquer notre opposition à cette annuelle manifestation royaliste et à son flot de haine. Cela nous incite aussi à continuer à construire aujourd'hui la société solidaire que nous obtiendrons demain ! Contre leurs oppressions, notre force c'est notre solidarité et notre nombre, alors participons ensemble à ces actions au Mans :
.lire-ailleurs { text-align: center;font-weight: 800; } .lire-ailleurs a { background-color:#f5f5f5; color:black; display: block; padding: 0.5rem 0; margin-bottom: 0.5rem; text-decoration: none !important; } .lire-ailleurs a:hover { background-color: #a30005; transition-property: background-color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a:hover span { color: white; transition-property: color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a span { color:#a30005; }Publié le 07.12.2025 à 08:00
« Perdre ses enfants » pour l'Ukraine ?
« Si notre pays flanche parce qu'il n'est pas prêt à perdre ses enfants, parce qu'il faut dire les choses, (...), si on n'est pas prêt à ça, alors on est à risque. » Perdre ses enfants à la guerre ? Avec cette formule, le chef de l'état-major des armées françaises s'inscrit dans la lignée de tous ces chefs de guerre courageux avec la peau des autres.
Publié dans le blog de B. Girard de Mediapart
https://blogs.mediapart.fr/b-girard/blog/211125/perdre-ses-enfants-pour-l-ukraine
« Si notre pays flanche parce qu'il n'est pas prêt à perdre ses enfants, parce qu'il faut dire les choses, de souffrir économiquement (...), si on n'est pas prêt à ça, alors on est à risque. » Perdre ses enfants à la guerre ? Avec cette formule lancée lors du Congrès des maires de France, le chef de l'état-major des armées françaises s'inscrit sans scrupules ni remords dans la lignée de tous ces chefs de guerre, certes forts en gueule, dont les chroniqueurs s'empressent de louer le courage et la lucidité… quand ils sont surtout courageux avec la peau des autres. Car si l'on accepte la perspective de la guerre, il faut d'abord dire qui doit la faire, question à laquelle les gradés apportent leur réponse : non pas ceux-là même qui ont pourtant choisi la carrière des armes et les risques afférents mais les enfants, les enfants de la patrie, ces jeunes dont les noms sont gravés sur les monuments aux morts, morts, selon la formule usitée, « pour la France » alors qu'en réalité on ne leur a jamais demandé s'ils avaient envie de mourir ni pour quelle raison. Et pour qu'un pays ne « flanche » pas à l'idée de « perdre ses enfants », on a inventé la conscription, principe qui fait que la guerre ne retombe plus sur ceux qui la déclarent, la provoquent, la facilitent ou s'en accommodent mais sur un inépuisable réservoir de jeunes auxquels le statut de conscrits, nullement consenti, par principe obligatoire, impose le sacrifice d'une vie qu'ils étaient en droit d'attendre plus longue.
Dans la plupart des sociétés anciennes, l'exercice de la guerre était réservé à une classe de professionnels qui en faisaient le choix. Au Moyen Age par exemple, la division tripartite de la société – ceux qui prient, ceux qui combattent, ceux qui travaillent – pour inégalitaire qu'elle fût, légitimant les privilèges, avait au moins comme mérite de ne pas exiger, par principe, des populations civiles la participation à un conflit qui, le plus souvent, ne les concernait que de façon très lointaine, même si, inévitablement, elles en subissaient les effets collatéraux. Avec la conscription, la guerre change de nature, le décideur n'en étant plus la victime.
On peut bien se bercer d'illusions sur l'origine prétendument révolutionnaire ou républicaine de la conscription, c'est mal connaître l'histoire d'un système de recrutement massif dont l'objectif a toujours été de transformer de simples individus qui ne demandent qu'à vivre en paix, en soldats, en guerriers puis en cadavres. Bien avant la Révolution française, les armées de Louis XIV étaient pour une bonne part constituées d'hommes du peuple recrutés de force – c'est bien la définition de la conscription – pour des causes qui n'avaient rien à voir avec la défense d'un pays. La loi Jourdan (1798), souvent considérée, à tort, comme l'acte de naissance du service militaire moderne, est l'œuvre d'un régime politique, le second Directoire, davantage tourné vers le pillage de l'Europe que vers le bonheur des peuples. C'est aussi cette même armée dite « républicaine » qui ouvre la voie à la dictature militaire napoléonienne et aux charniers qu'elle laissera sur son passage à travers toute l'Europe. Quand, à la fin du 19e siècle, la Troisième République, pour satisfaire ses ambitions nationalistes et colonialistes, se cherche un modèle militaire, c'est la Prusse qui le lui fournit, un modèle bâti sur la soumission absolue de toute une tranche d'âge à une autorité brutale, déshumanisante, indispensable pour remplir ce qui reste jusqu'à nos jours la fonction de la conscription : apprendre à des jeunes à tuer ou à se faire tuer sur ordre. 1,5 million de soldats français tués pendant la première Guerre mondiale, plusieurs millions de blessés, des chiffres du même ordre dans toute l'Europe : cet inventaire monstrueux n'empêche pas une large partie de l'opinion publique de réclamer le rétablissement d'une institution qui reste l'une des plus totalitaires de l'histoire des hommes et des plus moralement indéfendables.
Certes mais alors l'Ukraine dans ce cas ? Si effectivement, l'agression russe peut être considérée comme déstabilisante pour l'Europe, il est difficile d'accepter les appels à la guerre et au réarmement lancés par des dirigeants qui, tous, à des degrés divers, ont contribué à consolider le pouvoir de Poutine sur son pays, manifestant une complaisance jamais démentie jusqu'à l'invasion de l'Ukraine pour un dirigeant si ouvert à l'Occident lorsqu'il s'agissait de la signature de juteux contrats économiques, portant notamment sur la fourniture de gaz naturel. Cette tendance à la bienveillance et à l'indulgence pour des régimes politiques dont on ne peut ignorer la nature est d'ailleurs une constante des diplomaties occidentales qu'il s'agisse de Saddam Hussein, de Bachar el Assad, de Kadhafi, de beaucoup d'autres, d'abord regardés comme d'honorables partenaires avant qu'on ne s'avise de leur faire la guerre…
En France, un recensement militarisé fait peser sur tous les jeunes de 16 ans la menace d'avoir à sacrifier leur vie pour rattraper les fautes de leurs aînés. S'il s'agit de faire la guerre, plutôt que de « perdre ses enfants », on suggère que les responsables politiques et militaires soient dans l'obligation de s'y mettre au premier rang. Cela pourrait rafraîchir les ardeurs…
Mise à jour (21/11/2025, 22 h 40)
Le titre de cette note de blog, en partie contraint par l'éditeur de texte, n'est pas satisfaisant : la question posée ("perdre ses enfants") ne se pose pas spécifiquement pour l'Ukraine mais pour toute une période de l'histoire où le principe de la conscription a permis aux dirigeants de ne pas avoir à subir personnellement les effets des guerres dont ils sont responsables.

Publié le 07.12.2025 à 08:00
Athènes, Grèce : Une gauche qui porte l'État dans son cœur
Une attaque maoiste sur des anarchistes à Athènes a démontré une culture politique formée par des habitudes patriarcales de commandement.
Des milliers ont pris la rue à travers la Grèce le 17 novembre, en mémoire de cell.eux tué.es pendant le soulevement de 1973 à Polytechnique, quand des étudiants ont été abattu.es alors qu'iels se levaient contre la dictature des colonnels. À Athènes, plus de 6000 flics anti-émeutes étaient deployés contre la manifestation et le rassemblement à l'extérieur de l'ambassade des États-Unis, avec des véhicules blindés fermant la marche afin de décourager une participation nombreuse.
Plus tôt, au matin du 15 novembre, autour de 150 membres du groupe maoiste ARAS sont descendus sur le campus de Polytechnique à Exarcheia pendant les préparations pour les commémorations annuelles de la révolte de 1973. Ils ont entouré un petit groupe d'étudiants anarchistes et anti-autoritaires, on lancé une attaque coordonnée et répétée, et en ont laissé plus d'une douzaine hospitalisé.es avec des commotions cérébrales, des os brisés, et des blessures graves à la tête – incluant des personnes inconscientes tabassé.es. Les attaquants ont opéré derrière un cordon humain serré, les portails du campus étaient verouillés, et des centaines d'autres organisations de gauche présentes étaient incapables d'intervenir. L'événement a été condamné publiquement par la majorité des organisations gauchistes et anarchistes de Grèce.
Loin d'être juste une autre escarmouche entre gauchistes, l'attaque était un essai stratégique de prendre du territoire. Qui tient l'espace physique de Polytechnique ne gère pas juste un campus ; ielles prétendent aux narratifs de son histoire, et avec ça, au futur horizon de la lutte sociale. ARAS a passé des années à imposer sa domination dans des sections du mouvement étudiant de l'université, reproduisant une posture autoritaire similaire à la position hégémonique du parti communiste grec (KKE) dans le champ socio-politique plus large : l'insistance sur le contrôle organisationnel, le poliçage des dissidents, et la vieille rengaine – adoptée par le KKE et les libéraux – que les émeutièr.es sont des “briseur.euses d'unité” ou des flics infiltrés.
L'attaque appartient à un plus long cycle de désillusions, répression et déclin politique. Une génération a mûri après la révolte des jeunes de 2008 – un moment qui a terrifié la classe politique – seulement pour voir le déroulement de la longue désillusion des années SYRIZA : la disparition de l'espoir, l'énergie du mouvement trahie, et "la gauche gouvernementale" se réduisant à de la gestion technocratique. Ce qui a suivi a été le retour triomphant de la droite, armée avec un TINA violemment appliqué (“there is no alternative” edTrad : phrase initialement prononcée par Margaret Tatcher au "Royaume Uni" imposant le néolibéralisme) et une posture contre-insurrectionnelle visant précisement les mouvements qui ont secoué le pays en 2008 et durant les années des mémorandums. Au cours des dernières années, les autorités policières ont de plus en plus attaqué les squats politiques – incluant l'intérieur des campus universitaires, avec la coopération de l'administration académique.
Dans ce climat, les schémas patriarcaux et autoritaires se sont renforcés pas seulement depuis le haut mais aussi à l'intérieur du champ politque, avec les ruines de la gauche agissant comme des tampons et comme contre-insurrection interne, absorbant la colère et bloquant l'émergence d'alternatives sincèrement autonomes et sociales. L'attaque d'ARAS était une reconstitution de cette plus large tendance : l'internalisation de la logique étatique par une formation de gauche désespérement en quête de reconnaissance et de pouvoir. Essayer de sécuriser sa crédibilité et sa survie organisationelle dans un panorama modifié par l'asphixie lente de mouvements a culminé dans une rupture grotesque avec l'esprit de Polytechnique – un spectacle autoritaire qui a mimé les mêmes forces que cet anniversaire est supposé défier. Les mouvements ont beaucoup à craindre quand des acteurs légitiment ces formations au nom de “l'unité” ce qui les aide à obtenir plus de légitimité.
Mais encore, la brutalité de l'attaque a révélé plus qu'une embuscade sectaire et autoritaire ; elle a démontré une culture politique formée par des habitudes patriarcales de commandement – pullulants à travers des parties de la gauche grecque (et du plus large spectre politique) – et maintenant encouragée sous un gouvernement qui fétichise la discipline, la punition et l'obéissance.
Depuis des décennies, Polytechnique a été maintenue ouverte par celle.ux qui rejettent ces narratifs d'ordre et d'inévitabilité. Très peu des courants politiques présents ont jamais été “non-violents” dans le sens moraliste poussé par les gouvernements et les libéraux. I.elles ont défendu les occupations, ont confronté la police, bloqué des mines, et ont construit des infrastructures de soin sous le feu. Leur militance est collective et enracinée dans la protection mutuelle. La violence d'ARAS était l'opposé : domination autoritaire se faisant passer pour discipline, une masquarade de contrôle affligée de patriarcat se faisant passer pour une lutte sociale.
Cette distinction est essentielle. Les formations politiques qui reproduisent les structures de commandement hiérarchiques et patriarcales ne font pas simplement écho à la violence étatique – ils la légitiment. Quand une secte dirigée par un gars déferle dans Polytechnique comme une police privée anti-émeute, cela fonctionne comme l'extension officieuse de la répression que le gouvernement a augmentée depuis des années en asphixiant les espaces du mouvement et en étendant les pouvoirs de la police sous la bannière de l'inévitabilité. Dans ce contexte, l'attaque d'ARAS se lit moins comme une folie sectaire que comme une version amateur grotesque du narratif de l'État : “l'ordre doit être restauré ; les alternatives écrasées”. Un écho violent du TINA auquel ils prétendent s'opposer.
Si les mouvements veulent survivre à cette phase autoritaire – la criminalisation des dissidents, la masquarade du “bon manifestant / mauvais manifestant”, le poliçage des politiques de la jeunesse – ielles doivent confronter ce qui a permis cette attaque. Pas à travers des vengeances ou des purges, qui recyclent seulement le même circuit autoritaire (edTrad : pas forcément, les vengeances peuvent être un besoin), mais en refusant de tolérer à l'intérieur de nos espaces les hiérarchies, les masculinités (edTrad : masculinités trans et cis ne sont pas la même chose), et les habitudes de commandements qui rendent une telle violence possible. La justice transformatrice n'est pas une douce alternative à la militance ; c'est le seul chemin par laquelle la militance reste enracinée dans la libération plutôt que de glisser dans la logique de la domination.
La révolte de Polytechnique reste puissante car elle rejette la hiérarchie, le contrôle patriarcal, et la logique d'inévitabilité. C'était bordelique, pluriel et contradictoire – et donc sincèrement insurgée. Ce qui s'est passé cette année était une profanation de la mémoire par des gens reproduisant de manière assumée la logique de l'état encore plus que sa propre police. Maintenant notre tâche n'est pas seulement de défendre nos espaces de la répression extérieure, mais de défendre nos cultures politiques du pourrissement interne. Aucun mouvement qui échoue à déraciner l'autoritarisme – qu'il soit porté par l'État ou des imitateurs – ne peut construire le monde pour lequel iel dit se battre.
https://freedomnews.org.uk/2025/11/18/a-left-that-carries-the-state-inside-it/ https://anarchistnews.org/content/thoughts-maoist-group-seriously-injuring-anarchists-athens-polytechnic https://anarchistnews.org/content/statement-regarding-attack-left-wing-parastate-athens-polytechnic https://anarchistnews.org/content/greek-anarchist-assembly-text-sectarian-attack
Publié le 03.12.2025 à 08:00
Déclaration de clôture des Journées anarchistes anti-COP
Communiqué du Centre de Culture Libertaire de l'Amazonie - CCLA
Nous, anarchistes du Centre de culture libertaire de l'Amazonie, faisons connaître notre position concernant la 30e Conférence mondiale des Nations unies sur les changements climatiques (COP30), qui s'est tenue à Belém. Nous partageons ci-dessous quelques réflexions issues des Journées anarchistes anti-COP.
Depuis le début, nous considérons la COP comme une farce en termes de résolution ou d'atténuation de la crise environnementale dans laquelle le capitalisme nous a plongés et, comme prévu, cette édition de la COP nous l'a démontré de plusieurs façons. Il y a eu un nombre record d'accréditations de lobbyistes de l'industrie des combustibles fossiles - près de deux mille représentants, dont l'objectif principal était de débattre des moyens de réaliser la « transition énergétique » avec plus d'extraction et de production de pétrole. Pendant ce temps, plus de 40 représentants accrédités des peuples autochtones ont été empêchés d'entrer dans la Zone Bleue parce qu'ils n'avaient pas de passeport – oui, entrer dans la zone la plus restreinte de la COP revenait à entrer dans un autre pays.
Tout au long de l'événement, le gouvernement Lula a annoncé la mise en place du TFFF (acronyme anglais pour Tropical Forest Forever Fund, Fonds pour les forêts tropicales pour toujours), un autre mécanisme rentier du capitalisme financier qui est loin d'apporter une solution aux problèmes environnementaux. Celui-ci s'aligne sur la logique de rétroaction des mêmes mécanismes qui ont produit cette crise environnementale. Pour nous, c'est toujours la même chose, sans changement significatif dans les conditions sociales de ceux qui souffrent le plus des événements extrêmes liés au changement climatique.
Pendant ce temps, les peuples des forêts continuent de ne pas avoir d'autodétermination sur leurs propres territoires. Ce n'est pas un hasard si les deux manifestations qui ont brisé le cordon de sécurité des zones colorées de la COP ont été menées par les peuples originaires du moyen et du bas Tapajós. Il s'agissait d'une manifestation de mécontentement face à l'évolution des débats qui n'ont pas abordé des questions cruciales pour ces peuples, telles que la garantie de pouvoir dire non aux entreprises du marché du crédit carbone, de l'exploitation minière et de l'orpaillage sur leurs territoires, et de dire non à la privatisation des fleuves de l'Amazonie pour la construction de voies navigables qui ne profiteront qu'aux grands propriétaires terriens pratiquant la monoculture céréalière dans le secteur agroalimentaire et à l'exploitation minière.
La COP reproduit la logique économique capitaliste qui consiste à considérer tout ce qui existe, y compris l'air que nous respirons, comme une monnaie d'échange. Avec cette vision, les solutions ne peuvent être envisagées que dans une logique marchande. Ironiquement, le 20 novembre, jour de Dandara e et Zumbi, un incendie s'est déclaré dans l'une des tentes de la Zone Bleue, symbolisant un événement extrême lié au changement climatique, brûlant la COP.
D'autre part, les activités des Journées anarchistes anti-COP ont démontré que d'autres mondes sont possibles, grâce à la destruction du capitalisme, de l'État, du patriarcat, du racisme et de la xénophobie. Ce furent deux semaines d'activités, depuis les manifestations de rue, comme la Marche de la périphérie lors de la Journée de la conscience noire, jusqu'aux débats avec des camarades de différentes régions du Brésil et de divers pays qui ont apporté leurs analyses, leurs expériences et leurs luttes sur différents fronts de résistance contre ce système de domination/contrôle/exploitation, où, dans une évaluation plus large, en gardant les dimensions culturelles et territoriales appropriées, ce sont finalement les mêmes luttes et résistances que nous menons ici en Amazonie.
Ces luttes sont traversées par l'impérialisme des puissances du Nord global avec leur colonialisme et leur racisme, par la dévastation environnementale résultant de l'exploitation minière dans les pays du Sud global, par la situation des réfugiés politiques et climatiques, par l'invasion des territoires des peuples autochtones et traditionnels, par la spéculation immobilière dans les grands centres urbains, par la traite des êtres humains, en particulier des femmes ; par le spécisme qui soutient la logique de maltraitance des animaux pour l'alimentation humaine, par la pauvreté / l'inégalité sociale / la concentration des richesses ; ce sont donc là quelques-unes des problématiques qui ont été débattues, dans plusieurs langues et avec différents accents.
Il convient de rappeler que pour faire face à ce système de domination, il faut de l'organisation, du militantisme, de la conviction et de la résistance, mais aussi de la musique, de la danse et la construction du bonheur. Selon les mots d'Emma Goldman, « si cette révolution ne me permet pas de danser, alors ce n'est pas ma révolution » ; c'est pourquoi nous avons organisé un Festival d'art libertaire, une autre façon de dynamiser les expériences de lutte et de résistance à travers la culture. Nous avons pu compter sur les prestations de plusieurs groupes musicaux et performances artistiques, malgré la répression policière dont nous avons été victimes, typique du mode de fonctionnement de ce secteur de l'État, inféodé à une élite mesquine qui ne supporte pas de voir les classes populaires s'exprimer à travers leurs manifestations culturelles.
Nous comprenons qu'il n'y a pas de solution à cette crise par le biais du néo-extractivisme pétrolier et minier, du néo-développementalisme technologique qui exige le gaspillage de millions de mètres cubes d'eau potable pour refroidir les centres de données des Big Techs, du monopole des entreprises d'énergies renouvelables telles que l'éolien et le solaire (cette dernière exigeant et encourageant la course minière effrénée aux terres rares), de l'agro-industrie, de la privation des peuples d'exercer leurs droits de vivre en paix sur leurs territoires, de la privatisation de l'eau et de l'air, du maintien des privilèges des riches et des élites coloniales soutenues par les mauvaises conditions de logement, l'analphabétisme, la faim, du génocide, de l'exploitation sexuelle et de la pauvreté de la majorité des populations, principalement noires ou racialisées. Nous ne soutenons pas et luttons contre les initiatives visant à atténuer les effets du changement climatique qui ne placent pas le véritable problème au centre du débat, à savoir le capitalisme et ses avatars.
Nous voyons dans les pratiques des peuples autochtones et traditionnels ceux qui préservent réellement la biodiversité et les forêts mondiales, ceux qui retirent des tonnes de dioxyde de carbone de l'atmosphère, contribuant ainsi à réguler le climat, et qui rejettent la logique rentière du crédit carbone. Ceci, associé aux luttes et à la résistance menées par les populations pauvres des campagnes et des villes, réparties du nord au sud et d'est en ouest de la carte mondiale, même avec beaucoup d'humiliation et de difficultés pour garantir la conquête de leur pain quotidien, de leur tortilla, leur chapati ou leur beiju, se réinventent par le soutien mutuel et la solidarité lorsqu'ils voient leurs vies traversées par des événements climatiques extrêmes, produits par la cupidité et le profit des riches. La COP n'apporte aucune solution à nos problèmes, bien au contraire, c'est un organisme créé pour gérer la crise environnementale, mis en place par les mêmes secteurs qui gèrent la faim et la pauvreté dans le monde. Ainsi, nos urgences n'ont pas leur place à la COP. Les solutions à la crise climatique, environnementale et sociale existent déjà, maintenant vous et nous savons quelles elles sont et ce que nous devons faire.








Publié le 29.11.2025 à 08:00
Il y a 42 ans, naissait l'Armée zapatiste de libération...
« ¡Viva EZLN ! » Le 17 novembre 1983, un petit groupe de gueriller@s issu·es des Forces de Libération Nationale (FLN) se retrouve dans les montagnes du Sud-est mexicain, dans l'État du Chiapas, pour former l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN).
Le 17 novembre 1983, un petit groupe de gueriller@s issu·es des Forces de Libération Nationale (FLN) se retrouve dans les montagnes du Sud-est mexicain, dans l'État du Chiapas, pour former l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN). Au contact des communautés mayas qui résistent depuis plus de 500 ans, l'EZLN se transforme peu à peu. D'un groupe d'avant-garde, de type guévariste, elle devient, en quelques années et en toute clandestinité, une vaste armée essentiellement indigène, mêlant les traditions de lutte et d'organisation des peuples du Chiapas à l'héritage des luttes politiques et armées du XXe siècle. Dès 1993, l'EZLN promulgue ses premières déclarations, dont la Loi Révolutionnaire des Femmes qui permet la pleine et entière participation de celles-ci à la lutte zapatiste.
Alors que ceux d'en haut célébraient l'entrée du Mexique dans le « Premier Monde » par l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), le soulèvement armé de l'EZLN dans l'État du Chiapas perça l'obscurité. Le 1er janvier 1994, les zapatistes font irruption sur la scène internationale pour sortir de cette longue nuit de l'oppression des peuples originaires du Mexique, qui vivaient et mouraient dans l'oubli. Le cri de la dignité rebelle, ¡Ya Basta ! (Ça suffit !), résonna dans les cœurs qui peuplent la terre. Il était lancé par des hommes et des femmes issu·es des peuples tzeltal, tsotsil, cho'ol, mames, quiche et zoque de racines mayas et de quelques métis.
Depuis son apparition, la lutte zapatiste, territoriale et planétaire, n'a cessé de cheminer et de s'exprimer au travers d'une littérature conséquente partageant contes, analyses politiques et monologues à de nombreuses voix...
En août 2019, dans un communiqué intitulé « Et nous avons brisé l'encerclement » [1], le Sous-commandant insurgé Moises, porte-parole zapatiste et chef militaire de l'EZLN, écrivait au nom « des hommes, des femmes, des enfants et des anciens des bases d'appui zapatistes et du Comité clandestin révolutionnaire indigène-Commandement général de l'EZLN » :
« Compañer@s et frœurs, nous sommes là, nous sommes zapatistes. Pour qu'on nous regarde, nous nous sommes couvert le visage ; pour qu'on nous nomme, nous avons nié notre nom ; nous avons parié le présent pour avoir un futur, et, pour vivre, nous sommes morts. Nous sommes zapatistes, majoritairement indigènes de racines mayas, nous ne nous vendons pas, nous ne nous rendons pas et nous n'abandonnons pas. Nous sommes rébellion et résistance. Nous sommes une de ces nombreuses masses qui abattront les murs, un de ces nombreux vents qui balayeront la terre, et une de ces nombreuses graines desquelles naîtront d'autres mondes. Nous sommes l'Armée zapatiste de libération nationale. »
pour lire la suite :
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Migrer pour vivre, pas pour mourir
Les oubliées de la migration : une caravane à travers le Sénégal à la rencontre des familles des disparu.es

En 2024, 43 000 personnes sont arrivées aux îles Canaries par la voie maritime. Mais l'ONG Caminado fronteras estime à plus de 10 000 les personnes disparues lors des traversées. Voilà maintenant des années que l'on entend ces chiffres terrifiants, qui ne viennent que s'ajouter à des statistiques impuissantes. On se demande à quoi servent-ils s'ils ne permettent pas que la situation change et que les naufrages cessent ? L'association Boza Fii au Sénégal lutte pour la liberté de circulation, et pour la dignité des personnes disparues. Chaque année elle organise une caravane à travers le pays pour rencontrer les familles de migrant.es décédé.es ou disparu.es sur la route de l'Europe. Boza Fii se bat contre les frontières dans son pays mais aussi au niveau international au sein du réseau Alarm phone [1]. C'est en tant que camarade de lutte que nous avons été généreusement accueillis sur la caravane. Approfondir les liens internationaux nous paraît essentiel pour renforcer nos combats. En tant que Français, nous bénéficions du privilège de voyager librement. Par ce récit nous souhaitons partager les expériences de luttes de nos camarades, qui n'ont pas la possibilité de venir les porter en Europe.
Pour la quatrième édition de sa caravane des disparus, le convoi de voitures de l'association Boza Fii se met en branle depuis la banlieue de Dakar direction Tambacounda. Des heures de trajet pour nous mener à l'est du Sénégal, dans une contrée à la croisée des routes du Mali, de la Guinée et de la Gambie. Ici, la majorité des personnes parlent surtout bambara et peul en plus du wolof. Cette région rurale et brûlante est marquée, comme beaucoup d'autres au Sénégal, par de nombreux départs vers l'Europe par les voies longues et dangereuses de la mer et du désert. Presque chaque foyer a une histoire d'un proche ou d'une connaissance disparu.e en migration. Parfois, les personnes ont fait boza, ce mot de victoire pour dire qu'elles ont posé le pied en Europe. Mais trop souvent, ces personnes manquent à leur famille qui n'ont aucune nouvelles d'elles, depuis 8 mois, 1 ans, 4 ans, 10 ans, 25 ans…
Une trentaine de personnes accompagnent cette caravane. La plupart des membres de Boza Fii ont tenté l'aventure de la migration pour finalement rentrer au pays armé.es de tout ce que leur voyage a pu leur enseigner, ou bien ont malheureusement perdu des êtres chers sur les routes migratoires. On transporte avec nous la cuisine, l'écran de projection géant gonflable, la sono, les banderoles, les tee-shirt de l'association. L'idée est de rester deux jours dans chaque localité pour dix jours au total. [...]
.lire-ailleurs { text-align: center;font-weight: 800; } .lire-ailleurs a { background-color:#f5f5f5; color:black; display: block; padding: 0.5rem 0; margin-bottom: 0.5rem; text-decoration: none !important; } .lire-ailleurs a:hover { background-color: #a30005; transition-property: background-color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a:hover span { color: white; transition-property: color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a span { color:#a30005; }Publié le 28.11.2025 à 08:00
Contre le TAV : « Avons-nous fait assez ? »
Un bilan d'étape. Le bref article qui suit, paru sur le site Volere la luna, traduit par nos soins, a été rédigé par une personne engagée depuis les débuts dans la lutte des No-Tav, ces opposants à la ligne à grande vitesse Lyon Turin qui doit défigurer la vallée de Suse. Leur combat est depuis vingt ans la référence de toutes les luttes de territoires menacés par un grand projet inutile et imposé. On peut ne pas partager le pessimisme apparent de la rédactrice, on peut trouver à ce texte des tonalités attristantes, mais on peut aussi le lire comme une sorte de bilan d'étape : il rappelle l'extraordinaire richesse, l'inventivité sociale, culturelle et politique de ce combat, le courage impressionnant et la joie communicative de ses acteurs. Et il est d'autant moins démobilisateur que son final est un appel à continuer la lutte.
Avons-nous fait assez ? C'est une question qui se glisse dans la mémoire, en un jour de milieu de semaine, de milieu de mois, un mercredi de novembre, quand sur les réseaux circulent des images de l'expropriation d'une maison qui va être abattue d'ici peu pour laisser place au chantier du grand projet. Le 19 novembre 2025, Telt [la société conduisant le projet, NdT] a pris officiellement possession des maisons du hameau San Giuliano (Suse), trois d'entre elles seront abattues pour faire place au chantier de la gare internationale du Tav. Pris à peu de distance, le cliché d'un photographe montre une femme âgée qui cache son visage dans un mouchoir, sans colère, comme si elle éprouvait de la honte pour sa grande douleur. C'était sa maison depuis 1959. Le photographe d'un journal local sent le besoin d'intituler la photo : « Progrès ? »
Avons-nous fait assez pour nous opposer à ce saccage ? En mettant à disposition nos corps, les actions, les pensées, les écrits ? En mettant à disposition une bonne partie de nos vies durant ces trente ans de lutte ? Des kilomètres de pas faits dans des centaines de manifestations. Rencontres, congrès, « presidi » [piquets permanents dans des bâtiments précaires servant de lieux de rassemblement] sous d'épaisses couches de neige ou avec la peau brûlée par le soleil. Voyages à travers toute l'Italie pour rencontrer et se faire connaître. Plaintes en justice, procès. Depuis quelques jours sont prévues des initiatives pour rappeler les journées vécues pour la « Libération de Venaus » ; c'était en 2005, il y a vingt ans [1]
Cette grande participation populaire qui avait permis de courir par milliers dans les prairies, de rompre les scellés et même de faire reculer les troupes d'occupation avait été possible parce que derrière lui, le mouvement avait déjà dix ans de lutte durant lesquelles s'était construite cette participation. Les instruments utilisés avaient été diversifiés. Des habituelles assemblées dans chaque commune, à la participation aux carnavals avec des masques de carton qui rappelaient le monstre Tav qui avance… le bruit du TGV enregistré à Macon et puis diffusé à plein volume au cinéma. La participation à un concours de lese (luges) qui pendant la Fête de Saint Michel descendaient à une vitesse assez dangereuse jusqu'à Sant'Ambrogio : « La lesa est la tradition, le Tav, la destruction ». Textes théâtraux mis en scène, chants, presidi, etc. Années 90 : les réunions à Condove avec le comité Habitat et à Bussoleno avec le comité No Tav. Venait à peine de se terminer (pour une fois victorieusement) la lutte contre la méga ligne Grande-Île-Piosasco mais on n'avait pas eu le temps de la fêter parce qu'un autre front s'ouvrait. C'était en 1986, quand apparaissaient les premières nouvelles sur le grand projet. On peut dire qu'il y avait eu de l'amusement, de la joie, même à faire de la politique.
Il semble aujourd'hui impossible de transmettre cette charge d'histoires, de rencontres, d'amitiés, d'amours, de construction d'une vraie communauté. Restent les souvenirs, forts, précieux. Avons-nous fait assez ? Qu'est-ce qu'on peut encore faire ? Avec le temps, par chance, est en train de se faire un passage de témoins tandis que l'un après l'autre, les acteurs d'alors s'en vont. Beaucoup des jeunes qui sont en train de reprendre le flambeau et de développer l'opposition n'étaient pas nés. Les jeunes qui sont en train d'organiser le vingtième anniversaire de Venaus, avaient alors 10-11 ans. Peu connaissent les noms des personnes qui avaient posé les bases : les techniciens, les premiers élus, le président de l'Union montagnarde, le premier avocat qui s'est occupé de la Tav.
Ce sont des phases différentes et peut-être est-il inutile de regarder en arrière mais il faut avancer avec de nouvelles idées.
Chiara Sasso Traduction : Serge Quadruppani
.lire-ailleurs { text-align: center;font-weight: 800; } .lire-ailleurs a { background-color:#f5f5f5; color:black; display: block; padding: 0.5rem 0; margin-bottom: 0.5rem; text-decoration: none !important; } .lire-ailleurs a:hover { background-color: #a30005; transition-property: background-color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a:hover span { color: white; transition-property: color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a span { color:#a30005; }[1] Le 8 décembre 2025, policiers et carabiniers évacuent le « presidio » de Venaus, village de la vallée où devait déboucher le tunnel du Tav. Deux jours plus, des dizaines de milliers de manifestants réussissent à les chasser. A la suite de cette manif de ré-occupation, le mouvement remporta une première grande victoire, puisque ce chantier-là fut abandonné. Depuis, le lieu de ce presidio a été préempté par la mairie et est devenu un espace culturel où se tient chaque année le festival de l'Alta Felicità (du « Grand Bonheur », par opposition à l'Alta Velocità, la « grande vitesse » ).