Hacking-Social

Chayka Hackso et Viciss Hackso

Le hacking social est une méthode plus qu’une doctrine, méthode qui tend à transformer les environnements sociaux vers plus d’autodétermination des personnes, plus d’altruisme, plus d’autotélisme, plus d’intelligence sociale, émotionnelle et cognitive dans les structures et systèmes, moins de souffrance, moins de domination, moins d’injustices, moins de discrimination, moins de manipulation, etc.

Publié le 09.04.2024 à 09:32

Quelques façons scandaleuses, anti-autoritaires d’améliorer l’école/l’enseignement

Suite à quelques discussions avec les enseignants, parfois houleuses (certains voulaient davantage de soumission à leur autorité), parfois passionnantes, je me suis dit qu’il ne serait pas inutile de faire une liste de ressources concrètes des modes autonomisants (donc anti-autoritaires) que j’ai pu étudier pour mes articles ou dossiers.

Par autoritaire, j’entend qui cherche à contrôler l’autre comme un pion , se substituer à son autonomie, déterminer l’autre ; les pratiques autonomisantes, anti-autoritaire, sont donc intrinsèquement à l’opposé de l’autoritarisme puisqu’elles visent à ce que la personne puisse s’autodéterminer, s’émanciper, et se développer avec le contenu proposé, avec la compétence transmise.

C’est une liste qui n’est pas du tout exhaustive et qui n’a pas vocation à être une injonction du genre  « tu devrais faire ça !!! » puisque ce sont des modes anti-autoritaires : c’est à prendre comme des expériences qui ont pu être plus ou moins réussies, avec plus ou moins d’effets, et qui m’ont particulièrement passionnées parce qu’elles rentraient dans les petits détails de ce qui était fait concrètement.

Plus c’est détaillé, plus on peut l’analyser et le reproduire, ou l’adapter à un autre contexte en mode retroingeniering. J’aime ce mode aussi parce que la recherche scientifique en psycho mesure des variables très précises, concrètes, qui sont calculées au détail près, comme dans les expériences d’obéissance destructrice où l’on voit que le placement dans l’espace d’une autorité a un effet extrêmement puissant sur les comportements : plus il est proche d’un sujet, plus celui-ci obéira ; plus il est distant, plus il y aura désobéissance (ici à des ordres destructeurs). Toutes ces petites choses comptent, l’ergonomie d’un lieu, les positions spatiales des gens, leurs mots, les émotions qu’ils affichent ou non, le moment où ils interviennent ou non, etc., car cela a un puissant impact sur les comportements.

https://collection.corita.org/piece/83-46 « Your each moment is vital because it affects the whole ». Par Corita Kent, une artiste et enseignante dont on parlera.

Dans les discussions, j’ai constaté que cette somme de mécaniques, de petits détails qui comptent est vue comme « mièvre », « idiote », voire insultante par certains. Il y a un refus de les tester, de les mettre à l’épreuve du réel, de les expérimenter parce que selon eux, ce serait à l’élève de changer et de s’adapter au prof et non aux adultes de changer. D’autres encore nous reprochent cette attention aux détails transformables dès maintenant, parce que ce qu’il faudrait c’est « abolir l’éducation nationale », ainsi toute idée d’amélioration serait un manque de radicalité, une perte de temps.

Trop radicales, pas assez radicales, dans tout les cas, il faudrait selon eux mettre ces ressources sont mises sous le tapis.

Si vous refusez de croire à l’influence et la puissance sur autrui de vos mots, de vos gestes, de vos mimiques, de votre gestion de l’espace, de votre humeur, de vos émotions, de vos valeurs, de vos choix, (etc.), effectivement toutes les sources dont je vais vous parler ne vous apprendront rien et vous énerveront peut-être : vous pouvez donc passer votre chemin. Je n’ai aucune source qui donne des clefs pour modifier les comportements préjudiciables des élèves sans changer sa propre pratique et user de sa propre influence, de ses compétences ou de son pouvoir constructif sur les lieux.

En psycho, on apprend assez rapidement qu’on ne permet aux gens de changer comme ça en leur ordonnant diverses choses de façon autoritaire : il y a à changer ses propres façons de faire, ses buts, ses demandes, ses comportements, l’ergonomie d’un environnement, ses rôles, ses règles, ses politiques, jusqu’à obtenir un environnement social qui permet à la personne de s’ouvrir à des changements qu’elle autodéterminera.

Et quand on change ses propres façons de faire, il y a une étape inévitable qui demande de s’opposer à de vieux modèles conservateurs qu’on a internalisés, cela demande de désobéir à quantité de forces maintenant le statu quo, et qui nous incite à ne surtout rien changer (parce que certains adultes tirent des bénéfices de ce statu quo, quand bien même ça reposerait sur la souffrance des élèves et personnels éducatifs).

Bref, changer de pratique, ce n’est pas du développement personnel : c’est un travail de rébellion qui n’est pas « individuel », mais qui tient du développement social, parce que des forces conservatrices, souhaitant un statu quo ou le cachant derriére un pseudo-progressisme vont rapidement s’y opposer de façon violente.

C’est pourquoi tous les liens que je présente rapidement ci-dessous ont fait scandale, voire le font encore, qu’il y a de fortes répugnances et de sales réputations sur ces contenus, de vives critiques et des crachats de dégoûts lancés sur eux, tout en cumulant des accusations de mièvreries, de bienveillance écœurante, etc.

Voici le genre de haine déployée sur Twitter. Ici la psychologie et la sociologie sont accusés de détruire l’école, les élèves et les profs depuis 60 ans. Cette même personne se plaignait de la violence des élèves, mais visiblement n’applique pas cette attente sur elle-même, donc y a peu de probabilité que ça a des effets, si elle montre ce modèle en classe…

Carl Rogers « liberté pour apprendre » 


Dans cet ouvrage, Rogers passe en revue des dizaines d’expérimentations par des profs de différents niveaux : certaines expérimentations sont extrêmement simples et portent sur le fait de créer des contrats avec les élèves, dans lesquels ils peuvent décider de leurs objectifs, jusqu’à des modes encore plus libres où le programme et les projets peuvent être gérés par l’élève. Carl Rogers est le roi de l’écoute (à mon sens) et il a des techniques extrêmement empuissantantes pour « accoucher les esprits » : ce n’est pas à l’image stéréotypé du divan, ici on a une écoute qui, en très peu de temps, fait que la personne se libère et s’autodétermine, débloque son envie d’apprendre et de changer (et sans qu’on décide à sa place), c’est assez spectaculaire. Les profs me diraient qu’il n’y a pas le temps pour ça, qu’il ne peuvent pas faire de l’individuel, qu’ils ne sont pas formés : en réalité, une écoute de ce genre peut se faire au quotidien sans libérer du temps supplémentaire ni avoir un diplôme, ni un temps individuel. Cela peut juste consister en de nouvelles habitudes dans la façon de communiquer et d’être attentif à l’autre, en adaptant certains moments où il y a déjà communication.

Dans « Liberté pour apprendre », il parle aussi de ces expériences de changement en tant que professeur d’université et fait le point sur ce qui bloque certains apprentissages. Ses méthodes sont très propices à exacerber la créativité ou à motiver ceux qui le sont déjà : c’est une cause très importante pour Rogers, parce que le champ de la recherche scientifique a vraiment besoin de ces profils créatifs, or le système éducatif classique les réfrène, voire les élimine rapidement.

En toute fin de l’ouvrage, il parle rapidement de ses méthodes appliquées à toute une institution d’école privée catholique (qui avait fait appel à lui) qui voulait opérer une transformation politique. Il en parle assez peu parce que l’extrême droite américaine était déjà sur son dos à l’époque et le traitait de « démon ». Encore aujourd’hui, des fondamentalistes d’extrême droite étasuniens le considèrent comme à la source de tous les maux de la société.

Une école catholique révolutionnée par leurs nonnes

Pour cette vaste histoire, il m’a fallu faire toute une enquête pour savoir ce qui s’était passé avec Rogers et la transformation de ce groupe scolaire de nonnes : les sources sont compliquées à suivre, mais si cela vous intéresse, j’ai rassemblé cette enquête dans ETP, ici  : https://www.hacking-social.com/2021/09/17/en-toute-puissance-manuel-dautodetermination-radicale/

Toujours dans le livre Liberté pour apprendre de Rogers, il rapporte des témoignages de nonnes enseignantes qui expliquent comment elles ont transformé leur apprentissage, ainsi que certains changements des politiques des établissements.

Dans ces diverses références ci-dessous, on découvre que les nonnes en tête de l’école (notamment Anita Caspary) étaient extrêmement progressistes et voulaient libérer le plein potentiel des élèves. Elles ont décortiqué toutes les règles rigides pour à la place mettre plus de liberté et de joie, comme l’organisation de nouvelles célébrations où la créativité était à l’honneur. Elles ont dû affronter le courroux de leurs congénères masculins et de leurs autorités conservatrices, mais elles ont persisté.

  • Caspary, François Mauriac VII cité dans Maloney Susan M Obedience, Responsability and freedom : anita m. caspary IHM, and the post conciliar renewal of catholic wowen religious, 2014

  • Caspary Anita M., Décrets, 2003.

  • Caspary Anita, Witness to integrity, 2003

  • Kugelmann, R. (2005). An encounter between psychology and religion: Humanistic psychology and the Immaculate Heart of Mary nuns 

Ci-dessous, on trouve des témoignages d’élèves et de personnes étant passés dans ces écoles, comment ils ont vécu les classes de Corita Kent, les groupes suivant les méthodes de Rogers, et comment cela les a amenés à régler des problèmes existentiels, très tôt dans leur vie. Ce n’est pas sans critique de l’école, elles détaillent aussi les aspects autoritaires précédents et la façon dont cela les bridait ou comment cela pouvait être hypocrite. Ce sont des histoires qui s’avérent queer, des histoires de personnes qui ont milité contre la guerre au Vietnam, pour les droits civiques des afro-américains. Ce sont parfois ces mêmes témoignages qui sont aussi repris par les conservateurs pour montrer à quel point Rogers et les nonnes étaient « démoniaques » dans les transformations qu’elles opéraient.

  • Curb R. Lesbian Nuns: Breaking Silence, 1985

  • E. Kieser, Holywood Priest, 1991

Voici les témoignages conservateurs estimant que Rogers avait détruit ces écoles (voire était responsable de tous les courants terroristes actuels) :

Ci-dessous le travail de Corita Kent, une nonne artiste qui enseignait là-bas et qui était extrêmement populaire, attirant l’attention de grands artistes, y compris du cinéma. Une de ses élèves y détaille ses méthodes pour enseigner l’art, mais clairement on sent que sa façon d’enseigner aller bien au-delà, j’y vois une façon d’empuissanter les élèves dans un bonheur qui leur a été utile toute la vie, même s’ils ne sont pas devenus artistes.

  • Kent Corita, Steward Jan, Learning by heart, Teachings to Free the Creative Spirit, 2008

Les règles affichées dans sa classe sont assez explicites quant à son enseignement :

« Règles1. Trouvez un endroit en lequel vous avez confiance et essayez de lui faire confiance pendant un certain temps. 2. Les devoirs généraux d’un étudiant : tirer le meilleur parti de votre professeur. Tirer le meilleur parti de vos camarades de classe. 3. Les devoirs généraux d’un enseignant : tirer le meilleur parti de vos élèves. 4. Considérez tout comme une expérience. 5. Être autodiscipliné. C’est-à-dire qu’il s’agit de trouver quelqu’un de sage ou d’intelligent, puis choisir de le suivre. Être discipliné, c’est suivre de la bonne façon. Être autodiscipliné, c’est suivre d’une meilleure façon. 6. Rien n’est une erreur. Il n’y a ni victoire ni échec. Il y a seulement le faire. 7. La seule règle est le travail. Si vous travaillez, cela mènera à quelque chose. Ce sont les gens qui agissent tout le temps qui finissent par comprendre les choses. 8. N’essayez pas de créer et d’analyser en même temps. Ce sont des processus différents. 9. Soyez heureux quand vous pouvez le gérer. Amusez-vous bien. C’est plus léger que vous ne le pensez. 10."Nous enfreignons toutes les règles. Même nos propres règles. Et comment faisons-nous cela ? En laissant beaucoup de place pour des quantités indéfinies". John Cage Un conseil : soyez toujours là. Venez et allez à tout. Lisez tout ce qui vous passe sous la main. Regardez avec attention les films, souvent. Sauvegardez tout ce qui pourrait vous être utile plus tard. Il devrait y avoir de nouvelles règles la semaine prochaine. »
Rapportée par Kent Corita, Steward Jan dans  Learning by heart, Teachings to Free the Creative Spirit, 2008 ; à noter que certains attribuent ces règles à John Cage parce qu’ils les avaient affichés : c’est faux, il les as en premier lieu vues dans la classe de Corita Kent.
L’image d’entête de cet article est l’une de ces œuvres (don’t play for safety its the most dangerous thing in the world / Ne joue pas pour la sécurité, c’est la chose la plus dangereuse dans le monde) https://collection.corita.org/piece/81-05.

Ci-dessous un documentaire sur l’histoire de la transformation totale de cette institution scolaire, que malheureusement je n’ai pas réussi à voir (si quelqu’un a un moyen d’y avoir accès, qu’il me le dise en commentaire !).

Montessori et Alvarez

Ici, je pense qu’il n’y a pas besoin de présenter le travail de Montessori tant il est connu.

"L'objectif de l'éducation de la petite enfance devrait être d'activer le désir naturel d'apprendre de l'enfant." Maria Montessori
« L’objectif de l’éducation de la petite enfance devrait être d’activer le désir naturel d’apprendre de l’enfant ». Maria Montessori ; j’ai pu voir que le mot « naturel » est moqué et vu avec défiance, mais ce que Montessori ou les personnes reprenant ce terme « naturel » veulent signifier a des termes très vérifiés en psycho : c’est par exemple la motivation intrinsèque, qu’on sait mesurer et qui effectivement est très présente chez les enfants. Cette motivation intrinsèque à l’apprentissage est progressivement détruit pendant le parcours scolaire pour être remplacé par des motivations de basses qualités. Voir ici : https://www.youtube.com/watch?v=78bpAMXGxQQ

Cependant je rappelle que dans ses écrits on apprend qu’elle se chargeait d’enfants pauvres ou en difficulté, qu’elle se débrouillait pour le matériel. C’était à l’inverse d’une éducation élitiste, du principe d’école privée. Les choses ont été inversées à notre époque et ce matériel singulier est devenu un business vendu très cher aux parents et aux profs : ne vous faites pas avoir par ça ! Certaines écoles étiquetées « Montessori » actuelles peuvent être en roue libre et faire plus ou moins n’importe quoi également.

Je pense que comme toute mécanique pédagogique, on peut la reproduire, l’adapter aux conditions et situations : il n’y a pas besoin du package total, de l’école spécialisée ou de l’exact matériel. Ce qui compte le plus dans l’enseignement de Montessori est la façon d’organiser l’apprentissage pour qu’il vise l’autonomie, les façons de faire qui permettent plus d’autonomie, etc. Ces principes ne demandent pas forcément des investissements financiers. Régulièrement, la méthode Montessori est source de critiques virulentes, à cause du dogmatisme, de l’élitisme de certaines écoles, qu’elles seraient totalement décalées avec la société, ou parce qu’elles abandonneraient les élèves. Ce qu’on voit surtout c’est que les mécaniques sont déformées ou exploitées pour l’argent, voire associées à des pseudosciences ou des croyances qui sentent le new-age.

Or c’est tout autre chose quand ce sont des enseignants ou éducateurs qui s’en inspirent et adaptent les mécaniques aux situations et aux élèves. C’est peut-être la meilleure façon de faire, plutôt que de « dogmatiser » n’importe quel pédagogue célèbre, puisqu’ainsi l’enseignement est adapté au contexte, à notre époque, etc.

Celine Alvarez a fait ce travail de réadaptation de la méthode Montessori avec les apports de la psychologie cognitive et neuropsycho, puis l’a expérimenté en France, avec un succés très important. Cela a provoqué des tas de scandales très virulents et plein de haine, que j’ai tenté de décrypter ici : https://www.hacking-social.com/2017/09/25/e1-la-methode-montessori-reactualisee-lexperience-de-celine-alvarez/

Le décryptage n’a servi à rien. J’ai reçu beaucoup d’attaques et aucune discussion autour des mécaniques elles-mêmes (ce qui aurait été un débat constructif que j’aurais aimé avoir). Il fallait que je comprenne que d’autres méthodes étaient mieux et ces militants se mettaient en compétition avec Alvarez (alors qu’ils vantaient pourtant les mêmes principes…), Alvarez était une « mauvaise personne » que je devais annuler.

Céline Alvarez n’a pas pu continuer son travail en France, mais la Belgique l’a accueilli a bras ouvert et elle a pu continuer ses transformations dont elle parle ici : https://www.celinealvarez.org/une-annee-pour-tout-changer

Q2L : l’école conçue comme un jeu vidéo

Quest to learn (Q2L) est un collège public de New York conçu par une équipe d’experts en éducation, en psychologie et en game design. Très clairement, c’est le modèle le plus singulier, le plus poussé dans l’originalité de sa conception et de ses programmes.

Un projet mené par les élèves à Q2L

L’apprentissage est pensé comme dans le jeu vidéo et le but principal est de créer le besoin de savoir, par quête, par défi. Les programmes sont interdisciplinaires, créatifs et valorisant très fortement l’autonomie (par exemple les élèves ont conçu leur programme de lutte contre le harcèlement).

Autrement dit, leurs quêtes s’avèrent fonctionner selon une boucle de motivation intrinsèque : 1. ils sont invités à trouver une solution à une question complexe (qui les concerne ou concerne l’école et les environnements sociaux proche, porte sur l’actualité ou est ludique « faire comme si on était un scientifique qui… »), 2. qui génère une motivation à en savoir plus, 3. qui amène à travailler, puis 4. la solution est trouvée ce qui amène une grande satisfaction. J’en ai parlé ici : ⬟ Former des changeurs de monde… à l’école – 

Si vous êtes gamer, ça vous fera rêver, si vous décrédibilisez les mondes des jeux vidéos et que vous y voyez un danger, ça risque de vous scandaliser et de vous faire horreur.

Ici vous trouverez absolument toutes les ressources précises de comment mettre cela en place, ainsi que des études scientifiques qui ont évaluées les compétences transmises :

https://clalliance.org/institute-of-play/

Avoir un lien puissant avec l’écriture

Dans l’ouvrage « Psychology of creative Writing » de Kaufman, il y a un chapitre1 qui parle de la méthode AWA2, qui s’occupe de réparer le lien à l’écrit : je la cite parce que je pense que leur méthode est reproductible à l’école. Dans l’école primaire de ma fille j’ai vu des méthodes assez similaires et le résultat était que non seulement les enfants adoraient rédiger leur petit texte, mais les enseignantes aussi adoraient ces exercices libres, cela les rendaient vraiment heureuses de découvrir l’expression créative de leurs élèves.

Mais la méthode demande certains principes que voici, que certains trouveraient écœurants d’attention et d’empathie :

«  1. L’enseignant croit que l’élève possède au moins un style d’expression unique et puissant qui est approprié pour exprimer sa propre expérience vécue, sa mémoire et son imagination.

2. Bien que l’enseignant puisse ne pas être en mesure de détecter le style d’expression principal de l’élève, il est patient en l’attendant et habile à la tenter de se révéler.

3. Jusqu’à ce que ce style d’expression unique apparaisse, l’enseignant (a) essaie de le démêler et (b) n’utilise la critique qu’avec beaucoup de retenue tout en louant honnêtement tout ce que fait l’élève qui montre des compétences ou des promesses. Cet éloge est donné aux spécificités (images intéressantes, éléments surprenants, etc.) et par écrit afin que l’élève puisse lire plus d’une fois ces commentaires positifs, loin de la pression de la présence en classe ou en atelier.

4. Lorsque le style d’expression unique de l’élève apparaît, il se révèle le plus souvent dans un saut qualitatif de capacité : un rythme naturel, une poussée de grâce, d’autorité et de puissance (éventuellement sans augmentation d’une meilleure ponctuation ou de l’orthographe). L’enseignant le reconnaît et célèbre la réussite à la fois en privé et en public, si cela est possible.

5. L’enseignant enseigne à l’élève ce qui est fort dans son style d’expression et le convainc de croire en sa valeur, sa beauté et son pouvoir.

6. L’enseignant encourage la poursuite de l’écriture dans ce style d’expression jusqu’à ce que la confiance amène l’élève à vouloir une correction de la grammaire et des temps. L’enseignant prend grand soin à ce stade d’éviter de confondre le changement grammatical et syntaxique avec un style lié à la classe sociale ou à la différence culturelle. Il montre les options à l’élève et lui permet de choisir des changements.

7. Enfin, l’enseignant s’appuie sur le fondement mutuellement reconnu et affirmé du style d’expression de l’élève en enseignant l’artisanat de l’écrit et en offrant des options plus larges, en encourageant l’expérimentation avec différentes voix et formes ».

Comprendre les élèves, comprendre le fonctionnement humain optimal

Je pense qu’en tant que professionnel, et pas forcément de l’éducation d’ailleurs, toute personne s’occupant d’autrui peut tirer des trucs et astuces des connaissances qu’on a sur le fonctionnement humain optimal, à savoir les moments où l’apprentissage devient un shoot de bonheur tel qu’on en redemande, où les expériences ont un impact magistralement bon sur notre avenir, où l’on apprend à faire d’un problème une quête qui débloque nos capacités créatives.

♦ Le flow ou l’expérience optimale : une attention sur-performante

C’est un état de l’attention très particulier où l’on donne tout, où l’on peut performer d’une façon énorme, qui peut advenir lorsqu’on apprend quelque chose ou fait quelque chose de suffisamment compliqué. Et c’est un état qui est extrêmement plaisant, dont on garde souvent des souvenirs mémorables. On connaît très bien les façons de le générer, les conditions que cela demande, ainsi cela pourrait très bien advenir lors d’un apprentissage en classe.

Je vois énormément de plaintes que les enfants seraient incapables de se concentrer plus de cinq minutes, que c’est terrible, que c’est la faute des écrans, des parents, etc. Vous avez là de quoi trouver une solution, mais il y a besoin de strictes conditions de liberté laissées à l’enfant :

Résumé des caractéristiques du flow

À noter que le modèle d’Alvarez répondait totalement à ces conditions et les enfants présentaient des signes manifestes de flow dans leur apprentissage des maths ou de la lecture.

Tous les ouvrages de Mihaly Csikszentmihalyi en parlent, celui le plus vulgarisé et qui me semble accessible est celui-ci :

  • Csikszentmihalyi Mihaly, Vivre, la psychologie du bonheur, 2004.

Pour ces recherches, tout a été compilé ici (et il y a des recherches de mesure du flow à l’école, sur le terrain) :

  • Csikszentmihalyi Mihaly, Beyond boredom and anxiety, 1975

  • Csikszentmihalyi Mihaly, Application of flow in human developement, 2014.

  • Csikszentmihalyi Mihaly, Flow and the fondation of positive psychology, 2014

  • Csikszentmihalyi Mihaly, The systems model of creativity, 2015

Et d’autres chercheurs parlent aussi du flow (et de l’école) ici :

  • Psychological Selection and Optimal Experience Across Cultures, social empowerment through personnal growth, Antonella Delle Fave, Fausto Massimini, Marta Bassi, ed Springer

À noter que certains militants « révolutionnaires » sont contre le flow parce que ce serait compatible avec le capitalisme, car Csikszentmihalyi n’était pas pour des révolutions, lui-même en ayant vécu des violentes. Or le flow est un état de l’attention très largement étudié par des tas de chercheurs différents dans différents contextes, ce n’est pas un concept intrinsèquement anti-révolutionnaire. De plus qu’on soit pour ou contre une révolution, je doute qu’un mouvement révolutionnaire qui nie ainsi les apports scientifiques utiles aux gens, qui permet de les comprendre mieux, qui leur permet de développer leur créativité et autonomie, aille dans un sens bénéfique pour la collectivité.

♦ La motivation

Pour les questions de motivations, le champ de la théorie de l’autodétermination me semble très utile, car c’est un cadre assez clair et très étayé de recherches internationales, d’expériences et d’études sur le terrain, notamment scolaire. Vous saurez tout sur la façon dont les motivations à long terme pour le savoir ou les compétences peuvent être transmises ou tout ce qu’il y a à éviter parce que cela démotive les élèves (et c’est démontré dans de nombreuses recherches répliquées).

Les chercheurs ont découvert que plus l'éléve avance dans le parcours scolaire, plus sa motivation intrinsèque est détruite (alors que c'est celle qui améne au plus de performances, de bien être). A la place, l'élève a des motivations de piétre qualité pour les enseignements (introjectée, externe, amotivation). La raison est l'enseignement qui soit frustre soit détruit les besoins psychologiques fondamentaux (besoin d'autonomie, besoin de compétence, besoin de proximité sociale).
Les chercheurs ont découvert que plus l’éléve avance dans le parcours scolaire, plus sa motivation intrinsèque est détruite (alors que c’est celle qui améne au plus de performances, de bien être). A la place, l’élève a des motivations de piétre qualité pour les enseignements (introjectée, externe, amotivation). La raison est l’enseignement qui soit frustre soit détruit les besoins psychologiques fondamentaux (besoin d’autonomie, besoin de compétence, besoin de proximité sociale).
  • On en a parlé dans cette vidéo :

L’ouvrage le plus complet de la théorie, qui fait une énorme revue des recherches internationales est celui-ci :

  • Self-determination theory, Deci et Ryan, 2017

Le site de l’autodétermination est une mine d’or, car vous trouverez toutes les recherches en libre accès ainsi les questionnaires d’enquête et outils de recherche : https://selfdeterminationtheory.org/

ici pour l’éducation : https://selfdeterminationtheory.org/topics/application-education/

♦ Les compétences émotionnelles

La question de l’empathie a été d’actualité un moment pour l’éducation, ainsi je me permets de mettre cette source qui parle des compétences émotionnelles de façon très concrète, complète et qui donne des pistes pour régler les problèmes :

  • Les compétences émotionnelles – Moïra Mikolajczak, 2014

Je ne vois pas particulièrement la nécessité de dédier des cours ou même du temps à ça : les matières habituelles comme le français peuvent déjà les transmettre, si des exercices permettent de s’interroger sur les émotions des personnages, pourquoi ils les ressentent, qu’est-ce que ça nous fait ressentir, etc. Écrire de façon créative peut être un exercice de compétence socio-émotionnelle, c’est expliquer dans cet ouvrage, mais aussi dans le précédent cité (Psychology of creative writing, Kaufman).

Avoir soi-même des compétences émotionnelles, les montrer au quotidien et les expliquer me semble aussi la base pour les transmettre. Or des comportements d’humiliation scolaire par le personnel éducatif démontrent qu’elles sont soit mal gérées, soit idéologiquement corrompues (par des visions du monde que l’humain, l’enfant, est nécessairement mauvais, devrait être « redressé » par exemple) ou qu’il y a des conditions de surmenage particulières qui entachent ces compétences (la personne peut regretter d’avoir été violente ou de crier sur les élèves suite à un surmenage par exemple, contrairement à celui qui trouve que c’est une excellente chose).

♦ Régler les conflits par la justice réparatrice et/ou transformatrice

Concernant les conflits, la violence, le harcèlement, se pose la question de quoi faire sur le moment, punir ou pas, être plus autoritaire ou pas, comment éviter que ça recommence. Il est démontré que les cadres autonomisant diminue la violence (j’ai mis les références ici : https://www.hacking-social.com/2023/12/18/%e2%99%a6-am3-limpossibilite-detre-autodetermine-lorsquon-fait-du-mal-et-si-le-probleme-etait-lidentite-sociale/)

La justice réparatrice et transformatrice nous apprend une autre façon d’envisager le besoin des victimes et comment faire pour que les agresseurs stoppent leurs patterns d’agression.

J’en ai fait tout un dossier ici :

⬟ [JR1] Une autre façon de faire justice : la justice restauratrice et transformatrice

Pour des problématiques d’éducation, je pense que connaître le processus de responsabilisation permet d’accompagner des victimes (ou savoir ce dont on a besoin quand on a été victime) pour restaurer leur puissance, et que faire avec les agresseurs. On en a parlé ici : https://www.hacking-social.com/2021/02/08/jr7-justice-transformatrice-le-processus-de-responsabilisation/

Même s’il n’y a pas de moyens et de temps pour mettre en œuvre ces protocoles, ça peut quand même aider en tant que brainstorming pour rétablir plus de justice et prévenir les violences.

Voici un site qui répertorie toutes les pratiques de justice transformatrice, donne des tutos dans différents contextes (y compris scolaire) : TransformHarm.org | A Resource Hub For Ending Violence


Cette liste est évidemment incomplète : je n’ai que 24h dans une journée et je ne peux pas étudier tout ce que je voudrais ni tout explorer. Ainsi oui, je sais que j’oublie de grands noms comme Freinet par exemple, ou d’autres pédagogies basées sur la liberté voire l’anarchie.

N’hésitez pas à les rajouter à la liste, parce que je ne perçois pas les choses comme une compétition de qui a la meilleure éducation possible et qui devrait gagner, mais comme une somme des possibles qui nous permet d’avoir plein d’outils avec lesquels tenter des choses. Ainsi je serais sincèrement ravie de voir cette liste s’augmenter.

Je sais que certains me reprochent de ne pas être assez révolutionnaire et de ne pas vanter assez l’abolition de toutes les institutions : si c’est votre avis, grand bien vous fasse, mais nous sommes beaucoup à avoir des enfants, être des profs ou du personnel éducatif étant coincés dans ces contextes et n’ayant pas d’autres choix que soit subir passivement, soit s’activer à changer tout de suite les choses avec ce qu’on a, pour ne pas totalement être démoli, pour que d’autres, des enfants, personnes avec handicaps, personnes discriminées, en dehors des normes, soient démolis.

On a besoin d’avoir des pistes pour tenter de résoudre les problèmes qu’il y a présentement, parce qu’on les vit dans notre quotidien : nous n’avons pas le temps d’attendre de grands changements de société faisant suite à un grand bouleversement politique, ni les moyens de participer à un courant hautement révolutionnaire à temps plein. Nous sommes aux prises avec les problèmes, on a pour beaucoup le besoin de s’activer, là, tout de suite, avec nos moyens et nos contextes, car la violence n’arrête pas de déborder sur nous et nos proches, on a besoin de mettre en œuvre nos petits trucs « écœurants de bienveillance » parce que cela nous sauve au quotidien, cela neutralise des problèmes qui sinon nous envahirait, nous étoufferait, nous ferait perdre tout espoir pour nos enfants ou notre survie, nous ferait perdre toute puissance. Personne ne prétend ici que ça va changer la face du monde et que c’est la seule chose à faire.

Ce n’est pas être anti-révolutionnaire ou pas assez radical que de tenter de faire des choses, des petites changements ou hacks dans son quotidien et ses environnements sociaux dès à présent : c’est un moyen de survie psychique, c’est notre travail pour rester digne face à l’adversité et résister aux dérives.

Libre à vous de jeter tout ça sur les rails d’un train, de piocher des astuces ou de les vilipender ou de déclarer tout ceci scandaleux, dégoulinant de bienveillance crasse, de naïveté utopique délirante, voire de transformations démoniaques causant la mort, le terrorisme, le déclinisme : je ne fais pas ça pour qu’on soit d’accord avec moi, je ne suis pas une militante politique qui veut vous vendre un programme, ou se donner une caution morale dans la course à celle qui a les idéaux les plus purs.

Je mets ça là, juste pour ceux qui peuvent en avoir le besoin, ou ont envie d’essayer de les utiliser, c’est tout. Et ça vaut pour tous les contenus que je mets à dispo sur le net : je me contrefous de l’adhésion ou non à des idées, car je sais que cette adhésion peut être totalement superficielle et fausse. Je partage juste des informations pour ceux qui en ont besoin, pour ceux à qui ça peut servir IRL, pour ceux qui sont curieux d’expérimenter de nouvelles choses IRL, quand bien même ils n’y croiraient pas et voudraient les mettre à l’épreuve du réel.

Bon courage et bonne chance à tous ces testeurs.

« You must carry a chaos within you to give birth to a dancing star, Nietzsche » / Il faut porter en soi du chaos pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante. (autrement dit, c’est un éloge à une créativité mouvante à partir du chaos reconnu comme tel en nous/à l’extérieur, et cette créativité devrait être dansante, car elle s’adapte, change en fonction de la musique du monde et la nôtre. Par Corita Kent : https://collection.corita.org/piece/82-03 . Et je rappelle qu’elle était nonne et que Nietzsche avait un discours très critique envers le christianisme, ce qui rend l’œuvre encore plus intéressante à mes yeux.

PS : je constate que toute les ressources citées et non directement accessibles sont également disponible sur les sites illégaux en France comme Sci Hub, Lib-gen, YGG. Je ne peux donc bien évidemment pas vous conseiller de prendre un VPN ou de changer votre adresse IP pour y accéder, car c’est illégal, mais je le constate.


1Creation and Response: Wellspring to Evaluation genevieve e. chandler and pat schneider

2Amherst Writers & Artists

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Publié le 09.03.2024 à 11:35

Vous pouvez changer l’école en mieux

Suite aux vidéos sur le harcèlement scolaire ( https://youtu.be/d2N28xLJKPw?si=tMAWN… ) , certains personnels de l’éducation commentent en disant que ça peut être difficile de mettre en place des modes favorisant l’autonomie.

Les vidéos en question : 

J’entends bien. Mais concrètement, il y a des actes peu couteux et accessibles pour tout le monde : non pas « faire » quelque chose, mettre en place quelque chose, mais plutôt ne plus faire certaines choses. Les comportements propre au cadre contrôlant sont clairement identifiés, et on peut déjà veiller tout simplement à les éviter dans ses propres pratiques. Ces comportements problématiques, en voici quelques-uns :

  • Monopoliser les supports d’apprentissage (=ne pas mettre à disposition facilement des ressources pédago)
  • Donner aux élèves trop peu de temps pour travailler de manière autonome à la résolution d’un pb.
  • Être dans l’injonction avec des formules comme «il faut», «tu dois», etc…
  • De ne pas permettre aux élèves de répondre à leurs besoins physiologiques: les empêcher par ex d’aller aux toilettes, boire de l’eau, garder des vêtements chauds en classe comme son blouson en hiver si la salle n’est pas assez chauffée.
  • Formuler, encourager et nourrir des buts via un système exclusif de récompenses et de punitions (ça détruit tous les besoins psy).
  • Avoir recours aux sanctions.
  • Tout miser sur la performance, c’est-à-dire sur les résultats, et non sur la maîtrise d’une compétence.
  • Mettre en compétition les élèves, notamment via des systèmes d’évaluations.
  • Réaliser des enseignements de manière verticale, sans accorder d’écoute et de confiance aux élèves
  • Ne pas expliquer le pourquoi des règles et des normes, leur sens, leur utilité sociale, leur raisons objectives voire même subjectives quand c’est le cas. [Reeve & Jeng 2001 ; Deci & Ryan 2017]

En terme d’humiliation scolaire, il s’agit aussi de ne pas reproduire les comportements présentées dans notre vidéo . Essayer de tendre à cela, non pas faire, mais ne plus faire, tout en encourageant ses collègues à ne + avoir recours à ces modes contrôlant, ce serait déjà un très grand pas, vraiment !

En parallèle, il est possible de tendre aussi à des comportements + positifs (je dis bien « tendre » et non « faire » au sens strict, ce qui serait très injonctif de ma part, là je parle de possibilités) :

  • Être à l’écoute des élèves, leur donner l’occasion de s’exprimer, permettre des commentaires, questions, qu’ils puissent prendre des décisions dans les activités, qu’ils puissent changer leur structure (très important: que les élèves puissent modifier certaines choses).
  • Leur apporter des feedbacks informatifs pour qu’ils puissent s’améliorer non centré sur l’égo ou la comparaison sociale [=par exemple «tu es le meilleur» « tu es meilleur que X enfants] sans que cela passe par des évaluations notées.
  • Encourager les efforts (sans comparaison).
  • Reconnaître les difficultés des élèves, leurs points de vue, c’est-à-dire prendre en compte ce qu’ils ressentent quand ça ne va pas, s’adapter à eux (éviter par ex des remarques comme « mais si c’est facile tu verras », dire cela à un élève en difficulté ne va pas l’aider).
  • Eviter des formulations contrôlante comme «il faut», « tu dois», en préférant des expressions qui ouvrent des possibilités d’actions comme « tu pourrais », «il est possible de…». Cela peut paraître très simple mais vous n’avez pas idée comme cela peut faire une grande différence. 
  • Fournir des explications claires, sensées, cohérentes, prosocialement utiles, surtout sur les règles et les normes (le contraire du SNU quoi).
  • Ne pas condamner la prise d’initiative.
  • Privilégier un modèle horizontal, autogouverné.

En résumé : 

Je reparlerai de tout cela dans la 4ème partie, mais il me semble important ici de rappeler que parfois ce sont des petites choses, ou le fait de ne plus faire certaines choses, qui peuvent permettre d’avancer.

Ne doutez pas de votre puissance d’action, surtout quand on voit ce que des enseignants parviennent à faire dans leur classe. Car si on est toutes et tous capable de ressortir des souvenirs de ce qui ne va pas à l’école, on est aussi nombreu·ses·x à pouvoir se remémorer de profs incroyables, qui ne collaient pas forcément avec la figure typique de l’enseignant tel qu’on se le représente, mais nous ont tellement apporté, voire sauvé pour certains. Ces profs qui font confiance à leurs élèves, les écoutent, ne sont pas du tout dans la course à la performance, proposent de nouvelles possibilités qu’on ne soupçonnait pas, nourrissent notre créativité et notre curiosité.

Perso, j’ai eu la chance de pouvoir en rencontrer quelques-uns durant ma propre scolarité. Sans eux, je pense que je n’aurais pu me reconstruire via mes précédentes expériences scolaires.

Merci à elles/eux, vous êtes une source d’inspiration et de motivation intarissable.

Pour aller + loin sur ces contextes contrôlant VS favorisant l’autonomie, on explique tout ça dans notre livre à disposition ici (les tableaux résumés en image ci-dessus sont issus du livre. Vous y trouverez toutes les références scientifiques des expériences et études, ainsi que des modèles alternatifs d’éducation) : 

📖 En toute puissance, manuel d’autodétermination radicale

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Publié le 03.03.2024 à 15:01

🎥 Cette école qui détruit – Le harcèlement scolaire, partie 2

Précédemment, nous avons tenté de tracer un diaporama de ce qu’est le harcèlement scolaire, quel est son ampleur, qui sont les personnes les plus ciblées, quelles en sont les conséquences ?

La vidéo sur Youtube : 

La vidéo sur Peertube : 

La vidéo sur Vimeo : 

 

Ce faisant, nous sommes demeurés en surface : nous n’avons pas encore creusé la question des causes et facteurs alimentant ces harcèlements.

Les phénomènes de harcèlement sont souvent abordés en portant focus sur les harceleurs et la personne harcelée, voire éventuellement les témoins (les autres élèves), sans tenir compte, ou si peu, du rôle de l’environnement social. Or, cela est central : le harcèlement scolaire a des ramifications bien plus large qu’il n’y paraît, alimenté par des préjugés généraux et par des contextes contrôlants dans les écoles, surtout au collège. Ces contextes contrôlants, c’est-à-dire quand l’école devient compétitive, avec des rapports enseignants/élèves très verticaux, accroissent les tensions, renforcent les logiques de dominations entre pairs : dominer l’autre, en le dévalorisant pour se valoriser soi ; le punir, parce qu’il ne conforme pas à la norme et menace le statut quo.

Dans certains cas, ce sont directement les adultes qui participent à augmenter, voire à déclencher des harcèlements entre élèves, avec notamment ce qu’on nomme les humiliations scolaires, phénomène connexe au harcèlement scolaire.

Ces contextes contrôlants que nous allons approfondir dans cette partie ne renforcent pas seulement les tensions dans les écoles, mais tout autant sapent les besoins des élèves, leur estime personnelle, leur motivation pour les apprentissages, etc. Si vous connaissez déjà nos réalisations sur le Hacking Social, vous avez sans doute déjà deviné que nous allons parler d’autodétermination 😉

📖 En toute puissance, manuel d’autodétermination radicale

Dans la troisième partie, nous aborderons les fausses « bonnes » solutions pour lutter contre les harcèlements scolaires, et vous le verrez, on en aura des choses à démystifier.

D’ici là, prenez soin de vous !

 


Bibliographie


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Documents vidéo


  • « Prof Richard Ryan on Motivation and wellness in school: Research from self-determination theory», EducationMelbourne 2023
  • «Eric Debarbieux – Améliorer le climat scolaire pour la réussite de tous les élèves », INSPÉ Lille HdF, 2020
  • « Harcèlement scolaire : la faute aux adultes ? », Envoyé Spécial, 2023
  • « Harcelée pendant toute ma scolarité » – La Maison des maternelles, 2021
  • « Harcèlement scolaire ces parents dénoncent l’inaction de certains rectorats et chefs d’établissements », BFMTV, 2023
  • « Harcèlement scolaire le papa de Nicolas sort du silence», C à vous, 2023
  • « Harcèlement scolaire ; après le suicide de Nicolas une lettre du rectorat fait scandale », France Info, 2023
  • « Campagne Non au harcèlement – Le harcèlement, si on n’en parle pas, ça ne s’arrête pas », 2015
  • « École : en finir avec le harcèlement », de Gicqueau & Oultaf, 2023

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Publié le 08.02.2024 à 11:26

Résultats d’une large enquête sur les personnes trans !

Dans la série de Meta de Choc, je vous avais parlé d’une vaste enquête, l’US Transgender Survey 2015 (https://transequality.org/sites/default/files/docs/usts/USTS-Full-Report-Dec17.pdf) qui offrait une photo complète des personnes trans aux États-Unis, via un large échantillon de plus de 25 000 répondants. Bonne nouvelle : les données de la collecte 2022 commencent à sortir ! Elles sont disponibles ici https://transequality.org/sites/default/files/2024-02/2022%20USTS%20Early%20Insights%20Report_FINAL.pdf

 

Le début de la série de Meta de Choc en question : 

La question de la transidentité a beaucoup fait parlé ces dernières années, avec un backlash réactionnaire très fort et autres paniques morales sous couvert notamment « d’inquiétudes » pour la vie des personnes concernées. Comme si ces dernières se condamnaient à une vie de souffrance, qu’elles avaient tort de transitionner et qu’il fallait tout faire pour les en dissuader, etc.

Aux États-Unis, cela a donné lieu à des reculs massifs sur les droits des personnes trans https://www.slate.fr/story/243254/etats-unis-recul-droits-personnes-trans-parti-republicain-conservateurs-menaces-propositions-loi) ; au Royaume-Uni, la transphobie est devenue le moteur des luttes contre les personnes LGBT+ (le pays ayant dégringolé à la 17place dans le classement de l’ILGA sur les droits LGBT+ et la lutte contre les LGBTphobies, alors qu’il était 1er jusqu’en 2015 https://rainbow-europe.org/country-ranking) ; de même pour d’autres pays européens comme en Pologne, Hongrie, Roumanie, etc.

Sur cette période, de nombreuses désinformations ont pu être diffusées, ainsi que des études bidon (rejetées par les milieux académiques) prétendant par exemple que le taux de regrets des personnes trans ayant transitionné étaient si haut qu’on allait tout droit vers la catastrophe.

En France, le traitement médiatique n’est pas toujours à la hauteur (https://transidentites.ajlgbt.info/), et certaines personnalités comme les signataires du mouvement femellistes (Stern, Moutot, Sophie Robert ou encore la psychanalyste Caroline Eliacheff) participent à répandre ces désinformations sur la toile et dans les médias https://www.arretsurimages.net/articles/planning-familial-les-anti-trans-cautions-progressistes-des-reacs).

C’est donc avec un grand intérêt qu’on peut accueillir ces 1ers résultats de l’US Trans Survey 2022, car elle a cette spécificité unique de condenser des données sur plus de 90 000 personnes concernées. À ma connaissance, c’est la plus vaste enquête de ce type disponible à ce jour.

L’étude complète n’est pas encore publiée, mais je vous propose de vous traduire certains résultats qui viennent de paraître, car ils peuvent aider grandement aider à changer les idées reçues fausses et autres préjugés faisant beaucoup de torts à tout le monde, y compris ceux qui les portent. Vous pouvez retrouver l’aperçu de cette enquête ici : https://ustranssurvey.org/

Parmi ces 90 000 répondants, on y trouve des hommes trans, femmes trans, personnes non-binaires et personnes s’adonnant au travestissement.

Par rapport à l’enquête de 2015, on ne remarque pas de nettes différences dans la répartition de ces différentes identités. Il n’y a pas une augmentation et une sur-représentativité des hommes trans comme si le phénomène explosait.

Je le précise, car c’est l’un des arguments des militants anti-trans, l’idée que des « femmes » seraient « poussées » à davantage transitionner uniquement pour fuir la misogynie.

Notons que 17 % des répondants sont des parents trans, facette encore trop souvent invisibilisée et dont il serait important de parler davantage, car cela peut susciter des discriminations particulières et mettre en lumière des obstacles à la parentalité.

Pour rappel, en France, la PMA n’a pas ouverte aux personnes trans qui en ont été exclus https://www.liberation.fr/societe/familles/exclusion-des-hommes-trans-de-la-pma-pour-toutes-le-conseil-constitutionnel-juge-la-loi-conforme-20220708_BNCFRJPCOZGT3NAZLBUDEQ4O6Q/ ! .

Il est important de rappeler aussi qu’il aura fallu attendre 2016 pour la France cesse la stérilisation forcée des personnes trans, et ce, parce que la Cour européenne l’a condamnée pour cette pratique : https://tetu.com/2017/04/10/france-condamnee-sterilisation-imposee-aux-personnes-trans/

Niveau santé, 66 % déclarent être en bonne santé, 25 % dans un état « passable » et 9 % se disent en « mauvaise santé ». Concernant la mauvaise santé, il est possible que cela soit en grande partie due à une détresse psychologique, car dans l’étude 44 % des répondants disent avoir éprouvé une telle détresse au cours des 30 derniers jours.

Nous y verrons sans doute plus clair avec les données complètes. Mais on peut déjà avoir un indice de l’un des facteurs de cette détresse [on l’évoque plus tard quand on parlera de discrimination et de rejet familial].

Concernant la satisfaction de vie [donnée importante, car c’est l’une des prétendues raisons « d’inquiétude » des militants anti-trans], 94 % expriment être plus satisfait dans leur vie depuis qu’iels ont transitionné !

3 % ne déclarent pas de différence entre l’avant et l’après, 1 % se disent un peu moins satisfaits et 2 % beaucoup moins satisfaits.

Concernant plus spécifiquement la transition médicale, 98 % des personnes qui ont une thérapie hormonale déclarent être plus satisfaits dans la vie grâce au traitement.

1 % se déclarent ne pas voir de changement, et moins de 1 % expriment un insatisfaction.

Pour les personnes ayant recours à la chirurgie, même chose, puisque 97 % se déclarent plus satisfaits par rapport à leur vie pré-transition, 1 % déclarent ne pas y voir de changement en termes de satisfaction, moins de 2 % déclarent être moins satisfaits dans leur vie.

Encore des données qui viennent renforcer ce que d’autres études avaient déjà rapporté, par exemple : https://academic.oup.com/jsm/article-abstract/15/4/582/6980345?redirectedFrom=fulltext

Les transitions améliorent la satisfaction des personnes dans leur vie. L’inverse est très faible : moins de 2 % ici, et on parle là « d’insatisfaction », non pas de regret quant à la transition, taux qui peut être encore plus faible ; il faudra sans doute attendre l’étude complète pour affiner ce résultat.

Donc oui, des personnes insatisfaites, il y en a, avec regrets aussi, mais cela est très faible, moins de 2 % ! Et je vous rappelle que l’enquête interroge ici 90 000 personnes concernées.

Va-t-on enfin arrêter de brandir ce pseudo « argument » que transitionner mène à un grave risque d’insatisfactions et de regrets ? Que cela va détruire leur vie ?

Allez-vous vraiment empêcher les individus de transitionner, tout du moins rendre difficile leur transition, quand 98 % qui ont pu bénéficier d’hormones, et 97 % qui ont pu bénéficier de chirurgie, déclarent une amélioration dans leur vie ?

Au niveau des conditions matérielles et professionnelles, 34 % des personnes trans vivent dans la pauvreté.

11 % des personnes interrogées ont perdu leur emploi en raison de leur identité et expression de genre [licenciées, forcées à la démission, etc.].

Concernant justement les discriminations et rejets, 4 % des répondants se sont vu refuser d’avoir accès aux toilettes [dans les espaces publics, au travail, à l’école] en raison de leur identité et expression de genre.

30 % des répondants déclarent avoir été verbalement harcelé au cours des 12 derniers mois, 39 % déclarent avoir subi du cyberharcèlement.

Face à ces violences, les personnes trans n’ont pas confiance en la police, même quand ils ont besoin d’eux : une grande majorité [73 %] déclarent se sentir mal à l’aise à l’idée de faire appel à eux.

On peut ainsi deviner que l’une des conséquences à cela, c’est que la plupart des violences que subissent les personnes trans ne sont pas déclarées et traitées par les forces de l’ordre et par la justice.

80 % des répondants [et 60 % des 16/17 ans] qui ont fait leur coming out durant leur scolarité déclarent avoir subi plusieurs formes de mauvais traitements ou d’expériences négatives à l’école : harcèlements psychologiques, physiques, en ligne, refus des enseignants de respecter leur identité, refus qu’ils puissent s’habiller selon leur genre, etc.

Pour rappel, les mineurs trans sont parmi ceux les plus à risques de mauvais traitement à l’école : iels ont 5 fois plus de risque de subir du harcèlement scolaire ! J’aimerais ajouter que cela peut toucher aussi les mineurs trans n’ayant pas fait leur coming out, voire n’ayant pas encore parvenu à faire leur coming in, ou même des mineurs cis perçus comme trans.

La moitié des répondants [48 %] qui ont consulté un médecin au cours des 12 derniers rapportent des expériences négatives en raison de leur identité de genre : refus de soin, mégenrage, langage abusif, brutalité, etc.

Concernant le soutien familial, 67 % déclarent qu’une partie ou la totalité de leur famille proche [parents, frères, sœurs, etc.] les ont soutenus. 22 % déclarent que leur famille n’est ni favorable ni défavorable, et 12 % défavorable.

 

Mais ce soutien change en fonction de l’âge.

On remarque que les mineurs trans sont les plus négativement touchés par un manque de soutien de leur famille : 44 % déclarent avoir l’appui d’une partie de leur famille, 28 % déclarent que leur famille ne se prononce pas en faveur ou en défaveur, et 29 % déclarent que leur famille proche n’est pas favorable.

Autrement dit, plus de la moitié des mineurs trans [56 %] n’ont pas de véritable soutien de la part de leur famille immédiate.

Concernant la famille élargie [grands-parents, oncles, tantes, cousins, etc..], 58 % déclarent que leur famille les soutient, 32 % déclarent qu’elle est ni favorable ni défavorable, et 10 % les déclarent défavorables.

Concernant les mineurs trans, 48 % déclarent un soutien de leur famille élargie [un peu plus que la famille proche donc], 23 % déclarent que celle-ci n’est pas favorable, et 29 % déclarent qu’elle n’est ni favorable ni défavorable.

Il semble au vu de ces données que la famille proche serait susceptible d’un moindre soutien des mineurs trans que la famille élargie. À confirmer avec des données plus complètes.

11 % des répondants déclarent qu’un membre de leur famille a déjà été violent avec eux en raison de son identité de genre, et 8 % ont été expulsés de leur maison par leurs parents/tuteurs pour ces raisons.

Je termine là pour le résumé des résultats. Je précise que je n’ai pas tout développé, je vous laisse consulter le document complet. De plus, ce document n’est qu’un résumé précoce en attendant l’enquête complète qui paraîtra prochainement.

Quand ce sera le cas, je viendrai sans doute faire une nouvelle synthèse.

D’ici là, prenez soin de vous, et surtout prenons soin de nos enfants, car ce sont eux les plus touchés par ces idéologies anti-trans.

 

L’article Résultats d’une large enquête sur les personnes trans ! est apparu en premier sur Hacking social.


Publié le 29.01.2024 à 15:33

🎥 Le harcèlement scolaire, c’est quoi ?

Le harcèlement scolaire est un phénomène qui n’a rien de nouveau, et bien qu’on en parle davantage, on ne prend pas toujours le temps d’essayer de mieux le comprendre, ce qui peut contribuer à maintenir de nombreux malentendus ou à promouvoir des solutions qui loin de l’enrayer peuvent au contraire l’aggraver.

Sur youtube

Sur Viméo :

C’est pourquoi j’ai décidé de vous proposer cette série, afin de dresser un panorama de ce que l’on sait du harcèlement scolaire, via la littérature scientifique et autres données ; de tenter de saisir les racines de ces violences, ce qui contribue à l’alimenter ou à le diminuer ; d’évoquer et de mettre à l’épreuve quelques possibles solutions que l’on entend si souvent politiquement et médiatiquement mais qui pourtant, nous le verrons, ne sont pas du tout appropriées ; enfin, de proposer des pistes plus pertinentes, appuyées par des expériences de terrain et étayées par la littérature scientifique, et peuvent contribuer à mettre à des violences qui dépassent largement le simple cadre de l’école.

Dans cette première partie, nous allons tenter de dessiner un panorama général : comment définir le harcèlement scolaire ? Quelle est son ampleur ? Qui sont concernés ? Quelles sont les conséquences ?

Rendez-vous mi-février pour la seconde partie où nous attarderons sur les facteurs alimentant le harcèlement scolaire, ainsi que sur le rôle de l’équipe éducative.


Nos motivations


Vu qu’on s’embarque pendant au moins deux mois dans une nouvelle série de 4 épisodes, je profite de la sortie de la 1re partie pour expliquer mes motivations : pourquoi me suis-je lancée sur une telle thématique ?

Car oui, vous le savez sans doute, en tant que vulgarisatrice j’accorde une grande importance à être au clair sur mes ressorts personnels et finalités (comme pour toutes nos productions).

Plusieurs choses à dire donc (ne cherchez pas un ordre hiérarchique dans l’ordre de mes motifs).

Déjà, j’ai moi-même été concernée au collège (surtout en 6ème, puis ponctuellement jusqu’à la 3ème). Je ne vais pas développer, ce n’est pas ici le propos, et car j’en ai déjà parlé dans cette émission  :

S’ajoute à cela le fait que j’ai été prof, et surtout le fait que je suis aujourd’hui maman d’une enfant au collège qui heureusement n’a pas subi de harcèlement.

Par contre moi et Viciss avons été particulièrement refroidis de découvrir le collège avec un nouveau regard, avec une structure qui ne favorise pas toujours les comportements prosociaux, pouvant même parfois alimenter des tensions fortes entre élèves.

Je me sens donc triplement concernée selon ces trois perspectives (en tant qu’ancienne cible, ancien prof, puis parent).

Mais surtout, le harcèlement scolaire s’articule dans les visées propres au Hacking social, soit l’autodétermination.

En effet, le harcèlement scolaire s’oppose à l’autodeter, souvent alimenté par les contextes contrôlants de l’école, s’agençant dans des rapports de dominations plus vastes, touchant toute la société.

Pour le dire encore autrement, vous découvrirez avec les deux prochaines parties que nous ne nous sommes pas tant éloignés de la série sur l’autoritarisme.

La structure (=le contexte de l’école, l’environnement social, les normes) est déterminante quant à l’amplification ou à la réduction des harcèlements, et ce n’est pas un problème entre enfants, les adultes sont directement impliqués.

Dans certains cas, ce sont les adultes qui activent ou alimentent les harcèlements entre élèves, via un phénomène tout aussi grave, mais qui est encore trop tabou de nos jours : l’humiliation scolaire (ce que nous verrons aussi dans la prochaine partie).

Tout ça pour dire qu’on ne pourra pas lutter contre les harcèlements sans interroger le rôle de la structure, la question des contextes contrôlants VS les contextes favorables à l’autonomie (spoiler : ce sont ces derniers contextes qui font diminuer les violences à l’école, à l’inverse des contextes contrôlants).

Et évidemment j’ai eu à cœur de faire cette série pour les personnes ciblées, pour celles qui le sont encore, en essayant autant que je le pouvais de mettre en avant les pistes que nous avons à portée, via des expérimentations concrètes, de terrains (dans les pays scandinaves par ex), des données, la littérature scientifique (que nous verrons dans le dernier épisode).

Je sais que c’est un sujet hautement sensible, difficile, et je comprends d’ailleurs tout à fait les personnes qui ne voudront pas voir cette série, car trop insupportable quant à ce qu’elle contient, en termes de témoignages notamment.

Sachez néanmoins que j’ai essayé de prendre cela en compte autant que possible, via ma propre expérience en tant qu’ancienne cible, en tant que maman. Je ne vous cacherai pas parfois j’ai pleuré durant le montage, quand j’écoutais des extraits, certaines choses d’ailleurs m’étant d’ailleurs tellement insupportable que j’ai préféré ne pas trop l’illustrer, tout autant pour moi que pour vous. J’ai essayé de filtrer les choses pour ne rien perdre du contenu, mais en évitant autant que possible de heurter les anciennes personnes qui ont connu cela et pour qui cela résonne encore très fortement.

J’espère que cette série sera utile, que cela n’heurtera pas certains d’entre vous, surtout quand on évoquera les facteurs aggravants. N’oubliez pas qu’ici il s’agit de remettre en cause des structures, non des individus, non une profession, non une catégorie quelconque.

Nous sommes tou·tes·s concerné·e·s, même si on a jamais connu de harcèlements, et on peut individuellement et collectivement beaucoup !

Je termine en précisant quelques documents.

Je continuerai à vous partager au fur et à mesure d’autres ressources, on aura de nombreuses occasions d’en rediscuter.

En attendant, prenez bien soin de vous !

 


Sources


Musiques

  • « Wandering », Final Fantasy X, Nobuo Uematsu,Masashi Hamauzu, Junya Nakano, 2001
  • « Stealth », « Sanctuary », Assassin’s Creed 2, Jesper Kyd, 2009
  • « IRC Fantasy », « The Other One», « Fuck Society», « Eye on me », « Empty Box», « Consumat Survivor »,  « Divinity», Mr. Robot (vol.1-7), Mac Quayle,2015-2019
  • « Fagan Corners», Daredevil Season 3, John Paesano, 2018
  • « Realase», Hotline Miami, M|O|O|N, 2015
  • « Phantom», Gravity Ghost, Ben Prunty, 2015
  • « A larger consciousness», « Leaves of Quartz», Subnautica Below Zero, Ben Prunty, 2021

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Documents vidéo

  • « Harcèlement scolaire, la colère d’un père », 28 février 2023, TF1 info
  • « On ne parle de harcèlement scolaire que quand il y a un suicide », Arrêt sur Images, 9 juin 2023
  • « Harcèlement, ils ont tenté de la brûler vive », France TV, 20 février 2022
  • « Voici la nouvelle campagne contre le harcèlement scolaire », 2023
  • « Campagne Non au harcèlement – Le harcèlement, si on n’en parle pas, ça ne s’arrête pas », 2015
  • « Harceleur interpellé en plein cours à Alforville », 19 septembre 2023, BFMTV
  • « Edito de Pascal Praud – Harcèlement : un collégien interpelé en plein cours », 20 septembre 2023, CNews
  • « L’heure des pros », 20-09-2023, CNews
  • « Harcèlement scolaire – Des mecs menaçaient de me brûler ! », Pierre Bonneyrat, Libération 2023
  • « École : en finir avec le harcèlement », de Gicqueau & Oultaf, 2023
  • « Sénat en action – Cyberharcèlement, nouveau fléau », Public Sénat, 2022
  • « Harcèlement : comment aider les ados », France 3, 9 avril 2023
  • « « On a tous connu ça »: contre le harcèlement scolaire », Erwann Le Hö, BFMTV, Septembre 2023

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Publié le 22.01.2024 à 10:15

★ [AM6] Neutraliser l’autodétermination à faire du mal

Dernier chapitre sur l’autodétermination à faire du mal ! Aujourd’hui on démystifie les préjugés sur l’altruisme, nous explorons les solutions possibles pour éviter les motivations à faire du mal ou les transformer.

Cet article est la suite et fin de :

La totalité de ce présent dossier est disponible en epub : autodetermaltot


9. Comment empêcher les escalades vers les comportements préjudiciables ?


 

★ Se débarrasser des préjugés sur le prosocial/l’altruisme/la compassion/l’empathie

Personne n’est à l’abri des préjugés sur ces termes : j’ai beau travailler sur ces sujets depuis des lustres, la première image que m’envoie mon cerveau quand je pense à l’altruisme c’est l’image de l’infirmière au chevet de son patient, avec toute son esthétique stéréotypée du soin et de la douceur. Si je ne pousse pas un peu la réflexion, j’applique à ces termes un champ extrêmement limité.

La vérité c’est que de l’empathie et du prosocial, on en trouve dans les conceptions, les fins, les comportements les plus éloignés de cette représentation, et ce n’est pas forcément un acte de soin au premier degré ou directement visible.

Par exemple, cette vidéo et son contenu sont pourtant d’une empathie et d’une prosocialité incroyable :

À travers l’horreur et la création de ce contexte épouvantable, l’auteur du mod pose une situation apparaissant désespérée, angoissante, bref il n’y a que le pire et on n’en attend que le pire et l’impossible. Or il y a un retournement. Je ne vais pas le révéler parce que ça casserait l’histoire si vous n’avez pas encore vu la vidéo, tout ce que je peux dire c’est que l’œuvre en devient incroyablement prosociale en donnant de la force aux personnes. Et comme à son habitude, Feldup nous propose ce voyage, avec une démonstration d’empathie et de prise de perspective admirable. On n’en ressort pas avec des cauchemars, mais avec de l’espoir.

Et ce n’est clairement pas le seul contenu qui part de situations épouvantables pour montrer des voies alternatives d’espoir, de résistance, de comportements prosociaux : je pense à Clive Barker qui à partir d’univers réellement insoutenables, décrivant des scènes d’une extrême violence et perversité, persiste à toujours y opposer un personnage lumineux qui résistera par sa simple prosocialité et changera souvent la donne1.

L’esthétique du soin et de la gentille infirmière n’est absolument pas présente, ici c’est l’horreur, et pourtant ce sont des œuvres qui sont des démonstrations de comment on écrit et conçoit des histoires aux fins prosociales, comment on lutte contre l’enfer, comment on génère de l’espoir. Pour moi, c’est un acte altruiste que de mener ces œuvres ainsi.

Bref, l’altruisme pourrait se nicher dans toutes les esthétiques, comme une fin, des structures et mécaniques cachées. Y a des comportements bourrins, indifférents, bizarres, qui n’ont absolument pas le look et le style qu’on attribuerait à l’altruisme et qui sont pourtant factuellement plus prosociaux qu’un discours ou une personne travaillant à se maquiller d’une esthétique altruiste.

Donc il y a mettre à la cave tous ces préjugés :

— être prosocial n’est pas réservé au féminin, les femmes n’ont pas une « nature » qui les porte à porter plus soin à autrui, pas plus que les hommes auraient un handicap insurmontable à cela. C’est une capacité à se mettre à la place de l’autre, comprendre ce qui se passe et chercher à remédier à sa souffrance ou participer à son bonheur par les moyens et actions qu’on peut faire.

— L’altruisme, la compassion ou la prosocialité ne sont pas que des notions religieuses ou nécessitant d’être croyant. Certes, c’est un commandement ou une attente qui est transmise par de nombreuses religions, mais dans les faits, on voit bien que cela ne suffit pas à transformer les personnes à l’être factuellement. Les guerres, les tueries et massacres au nom de la religion nous montrent bien que cette compassion et altruisme peuvent être compartimentés à l’endogroupe, qu’importe le discours universel de départ. Tout contenu intellectuel et/ou spirituel à ce sujet ne suffit pas à générer l’action altruiste elle-même, il y a généralement à se rappeler que c’est avant tout une chose qui ne peut être faite que dans l’acte lui-même : un discours altruiste ne demande pas aux autres d’être altruiste, il apaise directement les souffrances, donne directement de l’espoir ou de l’énergie, il reconnecte au monde, à tout le monde.

— En cela, l’altruisme n’est pas un discours d’influence, une esthétique, un ton ou un style : c’est quelque chose qui se mesure dans les actes, et à travers les actes. Et il ne s’agit pas uniquement de sauver une vie de la noyade, de panser une blessure, etc. Une œuvre peut faire se sentir mieux les personnes, un échange peut rebooster, l’ambiance d’un lieu peut nous restaurer, une discussion franche et difficile peut percer un abcès qui s’infectait. Une personne peut avoir été extrêmement prosociale dans ses actes sans avoir sauvé littéralement une vie – en nous faisant vibrer par sa musique, par sa passion, par sa sympathie, par ses compétences, par ses rires, etc. Restaurer les besoins des autres passe aussi par des petites choses très simples. Il suffit de faire la liste de ce qui nous a apporté du bien être dans une journée pour voir qu’il y a des quantités d’actes prosociaux qui nous ont été importants et qui n’ont pas eu besoin d’être héroïques.

— Être prosocial, ce n’est pas être émotif/dans la sensiblerie, mais davantage être dans l’action stratégique : là encore ce sont nos représentations stéréotypées et leur esthétique limitée qui parlent. Certes l’empathie affective nous fait sentir la douleur de l’autre et peut troubler via une forte émotion, mais ce n’est généralement pas elle qui nous conduira à aider, au contraire parfois elle peut être un frein à aider, voire tellement insupportable à ressentir qu’on coupera toute empathie pour celui qui souffre. L’empathie cognitive demande une forte réflexion sur les facteurs en jeu et un esprit de stratégie pour trouver un plan pour résoudre la situation. La compassion est une motivation, ainsi dans les témoignages des sauveteurs2, ils se voient littéralement agir d’une façon qu’ils n’avaient pas planifiée ou qu’ils n’auraient pu croire possible à faire.

— En cela, être prosocial n’est pas être irrationnel, illogique, bête puisque cela peut être une façon de régler un problème compliqué, une situation difficile ou s’opposer à quelque chose de dangereux. Certains y voient de la bêtise, car les altruistes peuvent se mettre en danger pour l’autre, ou y perdre leur intérêt/leur position tranquille, le calcul semble irrationnel. Mais à lire les témoignages, certains n’ont absolument pas peur de l’adrénaline et des sensations fortes, et ce n’est donc pas un blocage pour eux d’avoir un jour pris d’office des enfants capturés par un troupeau de nazis (Eichmann était présent), puis les réprimander comme du poisson pourri3.

Parfois cela prend l’allure d’une professionnalité stratégique qui les amènent à aimer résoudre des problèmes compliqués et ils persistent encore et encore pour atteindre leurs fins prosociales. L’acte altruiste peut être palpitant en soi pour des tas de raisons, et les risques et enjeux rajoutent un défi potentiellement motivant pour les personnes : comme la fin est prosociale, que cela coche à leurs valeurs et à du sens existentiel, on sent une force gigantesque qui traverse de part en part ces histoires. En quoi il serait irrationnel ou bête d’engager toutes ces forces à une action, un défi qu’ils peuvent réussir et qui sera socialement très utile ? Je pense qu’on se sent beaucoup plus irrationnel et bête quand on n’arrive pas à agir pour aider alors qu’on aurait pu (je plaide coupable) : ce n’est pas un bon calcul, c’est une faillite de ses compétences.

— Être prosocial n’est pas être naïf, se laisser manipuler, n’est pas une technique de manipulation : certains peuvent croire qu’aider autrui c’est être naïf sur le genre humain, parce qu’on n’aura rien en retour, aucune gratitude ou sympathie à faire ça, voire qu’on sera plus exploité par la suite, l’autre se servant de nos forces à loisir. Mais c’est se tromper sur les motivations qui conduisent à ces actes : les personnes ne font pas ça pour avoir des récompenses sociales, pour faire marcher la loi de réciprocité et avoir quelque chose en retour. Il n’y a pas d’attentes posées sur les autres : ils font ça parce qu’ils estiment que c’est juste de le faire, parce qu’ils peuvent le faire, parce que c’est la bonne chose à faire selon eux. Et comme on l’a vu plus haut, aussi parce qu’il peut y avoir des motivations intrinsèques à l’acte, que ce soit la satisfaction de résoudre un problème compliqué, l’adrénaline, le fait de vivre des aventures plus intenses, l’échange social, etc. Tant pis pour les conséquences négatives du moment. Les sauveteurs et résistants sont même allés jusqu’à continuer à cacher leurs actes bien après la guerre, ce qui démontre qu’ils n’en attendaient aucune reconnaissance glorifiante particulière.

D’autres diraient que tout acte de prosocialité est une technique de manipulation pour faire marcher cette loi de réciprocité, obtenir de l’autre en retour : annulons cette vision limitée de l’altruisme qui se limite à flatter les égos et à cirer les pompes, être prosocial peut justement être totalement l’inverse comme avoir le courage de discuter des choses fâcheuses pour les régler.

— La prosocialité n’est pas à confondre avec un moralisme dogmatique, une pureté morale. Il ne s’agit pas de jouer au chevalier blanc qui n’a jamais rien fait de mal, ou qui va décréter de ce qui est bon de ce qui n’est pas bon, juger les mauvais et donner des points positifs aux bons, s’attaquer aux mauvais et marcher au rythme des bienveillants. L’altruisme demande souvent de marcher dans des zones grises, illégales, désobéissantes : quelqu’un de rigide et intransigeant dans ses principes ne pourra pas agir de façon prosociale, puisqu’il y aura toujours un critère immoral ou s’opposant aux règles et normes qu’il refusera d’emprunter. Une pureté morale, de stricte honnêteté, rend aussi aveugle à la totalité des possibilités prosociales : dans les témoignages de non-résistants4 durant la guerre, je me rappelle d’un médecin qui était choqué que son hôpital refuse de soigner les juifs, mais dans le même temps disait qu’il ne pouvait rien faire, et il refusait ces patients. Il ne voyait même pas les possibilités de désobéissance, comme mentir sur les identités des soignés, s’organiser avec les autres pour secrètement les soigner, ne pas respecter la politique discriminante, etc. Une morale trop rigide empêche paradoxalement de se comporter d’une façon éthique.

La compassion demande souvent de mentir, de marcher dans des stratégies illégales ou sournoises, d’élever la voix, de se comporter de façon hors norme : la pureté morale est souvent un frein à l’altruisme.

— Et enfin, la prosocialité, l’empathie cognitive, l’altruisme ne sont pas inaccessibles y compris lorsqu’on a des troubles affectant la sociabilité : par exemple, croire que ce serait inaccessible est lié notamment à une mauvaise interprétation des troubles du spectre autistique ainsi que d’autres troubles affectant la sociabilité. Or on l’a vu, il n’y a pas besoin d’une empathie affective (=sentir automatiquement la douleur de l’autre) pour aider autrui, pour comprendre ce qu’il vit. Pour tous, ça demande une réflexion, une compréhension des facteurs en jeu afin de savoir ce qu’on peut faire d’efficace pour aider. Tout le monde est sans cesse en apprentissage, certes différent, ne serait-ce que parce que le monde change, que les situations et environnements sociaux qu’on côtoie sont différents. Bref, il y a à rappeler que cela s’apprend, y compris pour des profils neurotypiques sans troubles particuliers.

Quoiqu’il en soit, les motivations prosociales ou celles antisociales sont une part déterminante dans nos conceptions, elles orientent les design, que l’on construise une miche de pain, une expérience scientifique, une politique nationale ou un film : soyons vraiment au clair avec nous-mêmes, nos besoins, nos intentions et nos motivations, sinon il est possible de perdre le fil qui nous connecte aux autres et que l’on se mette à créer quelque chose qui les desserve, autant que nous-même. C’est ce qu’on va explorer maintenant, avec le fait de sciemment viser une autodétermination prosociale inclusive.

★ Viser l’autodétermination prosociale inclusive (de soi, des autres, des environnements sociaux, des politiques, etc.)

Même si le postulat initial de la théorie de l’autodétermination (que le mal ne peut être internalisé au point de devenir totalement autodéterminé) s’avérerait à modérer, il n’empêche que toutes ses autres recherches n’en sont néanmoins pas invalides, par conséquent ses conseils persistent et sont excellents pour prévenir les comportements préjudiciables (rappelez-vous, on a cité précédemment que les styles autonomisant faisaient baisser le harcèlement à l’école par exemple, tout en augmentant le bonheur et les motivations des élèves).

L’ajustement qu’il y aurait à faire serait de systématiquement ajouter aux conseils de la théorie de l’autodétermination, la précision qu’ils doivent porter sur une prosocialité inclusive et non une prosocialité exclusive à un endogroupe. Lorsque la SDT conseille à un environnement social d’apprendre à connaître et comprendre les personnes qui y exercent, ça vaut pour tous : on ne se préoccupe pas que d’être solidaire avec celui qui est comme nous au même poste, de la même couleur, du même âge ou du même genre que nous. Tout le monde compte, tout le monde est intéressant, tout le monde est précieux. L’environnement social est un système qui a besoin du bien-être de tous pour arriver à ses fins, ainsi, la solidarité avec l’agent de ménage, l’élève quand on est prof, le nouveau venu à la religion différente, tout cela compte : quand un élément du système social n’est pas entendu quant aux précieuses informations qu’il donne, sous prétexte qu’il ne serait pas fiable (car on préjuge de lui à cause de sa position sociale, son âge, son origine), cela est une erreur professionnelle qui conduira à terme à des problèmes. Même hors racisme et tendances à la discrimination, trop souvent la seule confraternité se fait entre pairs et d’une façon sordide : dans En Toute Puissance je rapportais l’exemple de personnels soignant harceleurs ou abuseurs qui étaient très largement protégés par les collègues. Les stagiaires ou patients qui tentaient d’alerter sur les énormes problèmes que cela générait n’étaient pas pris au sérieux, parfois étaient à leur tour harcelés. Résultat, les problèmes persistaient, augmentaient, la situation devenait de plus en plus grave, les actes préjudiciables allaient encore plus loin.

Cette attitude n’est pas un soin à la proximité sociale puisque laisser un harceleur continuer à agresser, ce n’est absolument pas l’aider à faire bien son métier. C’est une façon de faire persister un statu quo qui permet de laisser la situation figée. On ne le fait pas forcément volontairement, cette inaction peut prendre source dans la peur de représailles, la peur de perdre son emploi, la peur que la structure change et qu’on perde des avantages, la peur d’être rejeté, la peur d’être perçu comme anormal, etc. Certains environnements sociaux ont des politiques générales et des conditions affreuses qui participent à cette peur et force à une mentalité de statu quo des problèmes. Ceci dit, on peut quand même tenter de résister, de désobéir aux normes qui excluent injustement des gens et qui participent à mal travailler en cassant l’esprit collectif que demandent quasi tous les environnements de travail. Il s’agit d’agir quand même, même si on est terrifié : c’est ce qu’on nomme le courage.

Il existe donc une confraternité sordide visant le statu quo (y compris concernant des problèmes de l’environnement) et à l’inverse une solidarité professionnelle inclusive qui se connecte à tous et a le courage de régler les problèmes et de faire évoluer l’environnement social vers le mieux. Cette solidarité, on la voit déjà à la facilité de communiquer : les gens se lient d’amitié qu’importe leur statut, ils échangent avec respect et écoute mutuelle, s’intéressant et apprenant les uns des autres.

Dans une entreprise saine que j’ai connue, qu’importe la fonction, on avait des discussions profondes entre pairs, avec les clients, avec des gens d’autres services, avec des boss. Ainsi quand il y avait un problème, on se disait directement les choses et on cherchait un moyen de le régler sans léser l’autre, d’une façon où l’on puisse fonctionner bien ensemble, d’une façon qui ne casse pas ses liens.

Ce n’était pas de la pseudobienvaillance où l’on feint la gentillesse : on pouvait tout à fait se crier dessus parfois, s’énerver, être en conflit, mais toujours on essayait de reconnecter des liens plus sains, on s’expliquait et s’écoutait mutuellement pour résoudre le problème. Résultat, on bossait à merveille, dans une ambiance fun, mémorable, et même dans des situations très stressantes, on arrivait à passer de bons moments ensemble, car on pouvait compter les uns sur les autres.

Et vous savez quoi ? J’ai aussi connu ce lien fort dans un environnement social professionnel catastrophique, mais qui ne pouvait se faire qu’à travers une résistance et une désobéissance. Même si c’était rendu impossible à certains moments, car les harceleurs nous empêchaient de parler entre nous et cherchaient à nous mettre dans la terreur et la compétition, j’ai vu des désobéissants surmonter les tyrannies en cachant de la nourriture de l’entreprise pour les donner aux SDF, j’ai vu des gens gruger le système pour rendre gratuit des repas à d’autres. On peut tenter de construire un environnement social inclusif, même quand tout s’y oppose, ça peut même devenir une quête prioritaire. Mais effectivement, ça demande du courage et implique d’oublier ses peurs pour se jeter dans l’action. Le résultat, et je l’ai vu dans tous les environnements sociaux inclusifs ou dans ces situations de solidarité dans la désobéissance, c’est que la vie prend un sens incroyable, il n’y a aucun remords et regrets, ces gens et ces groupes construisent un milliard de bons et forts souvenirs, c’est existentiellement puissant.

Cela ne veut pas dire qu’il y a un bonheur constant, un bonheur bébête. Dans cette entreprise inclusive où je ne passais qu’en coup de vent (je n’y étais pas en CDI), j’avais une collègue extrêmement sociable qui cherchait activement à se lier d’amitié avec tout le monde. Elle avait convié une agente de sécurité extérieure à notre pause, on avait passé je ne sais combien de temps à écouter ses histoires incroyables avec son métier, on avait tous admiré son courage, c’était génial, parce qu’on n’imaginait pas qu’il se vivait ce genre de choses autour de notre lieu habituel de travail et elle le racontait magnifiquement. Les racistes de l’équipe n’étaient pas là parce qu’elle était métisse.

Un jour, on apprend que cette jeune agente de sécurité de moins de 25 ans, mère d’un enfant, est morte dans un accident de la route. La journée est au deuil, on ne parle que de cet évènement tragique, injuste, on ne parle que d’elle, on partage notre tristesse, on pense à la famille, à l’enfant, on est dévasté.

Oui, nouer des liens forts, c’est aussi être dévasté de tristesse quand la mort frappe si injustement. Mais on a pu l’honorer dans nos mémoires, on a pu lui faire entendre notre admiration de son vivant et reconnaître son courage, sa bravoure, son humour, sa bonne humeur, on a pu la connaître et s’y lier. Les collègues ont pu porter à sa famille cet hommage, la raconter, honorer la personne exceptionnelle qu’elle était.

Si elle avait été dans une entreprise exclusive, on n’aurait même pas connu son existence, son histoire, tout aurait été abstrait et insensé, vide de sens, vide de savoir quoi faire, indifférent, froid. Non seulement le drame injuste et terrible aurait frappé, mais personne dans ce contexte n’aurait pris la mesure de la merveilleuse vie perdue, personne n’aurait pu avoir appris d’elle et l’honorer, personne n’aurait pu faire en sorte que sa vie compte dans ce lieu professionnel, malgré l’horreur du drame.

Se connecter à l’autre, d’une façon prosociale inclusive, c’est à mon sens pas simplement vivre des moments super sympas, j’y vois personnellement un travail d’être vivant qui sait qu’il va mourir un jour et que seuls les souvenirs de connexion aux autres lui survivront dans la vie : de tous les gens décédés que j’ai connus de façon proche ou distante, ceux qui vivent dans ma mémoire et dont je tente de transmettre ou honorer l’héritage sont ceux où cette connexion riche mutuelle s’est faite. Et cette connexion prosociale inclusive peut se faire à travers nos œuvres, notre travail, nos façons d’être et de faire.

On refuse parfois de nourrir ces connexions à cause des visions du monde dont on a parlé en début de dossier : l’homme serait mauvais, donc or de question de l’aider, la vie c’est la jungle donc écraser l’autre est ma victoire, etc. Donc on ne se connecte pas à l’autre, parce qu’on a trop souffert, parce qu’on a peur de souffrir ou de stresser. Par prévention ou parce qu’on veut continuer à utiliser l’autre comme un objet à notre service et que l’humaniser nous ferait avoir des remords désagréables, on refuse la connexion sociale.

Que ces visions soient ponctuelles, liées à des situations particulières, évidemment que cela se comprend. On a tous été désespérés à un moment. Mais pragmatiquement pourquoi se gâcher la vie en supprimant sciemment toutes les possibilités de liens sympas avec les autres, d’apport mutuel, de souvenirs incroyables ? Oui c’est une prise de risque de se connecter à quelqu’un qu’on ne connaît pas, d’écouter et de sentir ses émotions, ce n’est parfois pas agréable l’empathie affective, mais de là à supprimer un pan gigantesque de possibilités de la vie juste par prévention ou pour gagner plus d’argent ou de privilèges ? Pourquoi supprimer tout un pan de richesses d’informations, de connaissances, d’histoires à disposition ? Pourquoi supprimer ces capacités qui nous aident à résoudre des problèmes complexes et à faire évoluer des structures tout aussi complexes ? Pourquoi cette joie de tout détruire surpasse cette joie de construire quelque chose qui résonnera au-delà de notre mort et pas comme un cauchemar pour les autres ? Je doute que les croyants en l’homme mauvais ou stupide soit encore ici à lire ce dossier d’une personne autrice qui ne porte pas leur même croyance, mais si vous êtes encore là, sachez que même par égoïsme, agir de façon prosociale inclusive est un bien meilleur calcul pour avancer dans l’existence, pour avoir moins de problèmes et plus de bons souvenirs.

Insistons donc sur le terme prosocial inclusif, ne soyons pas autodéterminateurs et sympas uniquement avec les gens nous ressemblant en terme de position sociale, d’âge, de genre, d’origine, etc., parce que le sens complet de nos vies, voire de l’existence en dépend : si on persiste à porter ces œillères de l’unique identification, cet unique point de vue de l’endogroupe, on sera aveugle au fonctionnement réel des environnements sociaux (qui ont toujours une part collectiviste et très variée), aveugle à la vie elle-même d’humain qui est factuellement riche d’opportunités et de connexions à d’autres. Un travail antisocial et exclusif est un poison dont personne, au fond, ne veut et donc qui ne sera pas « récompensé » à terme. Quand bien même l’arnaque peut durer un temps et que la gloire peut pleuvoir sur des histoires antisociales exclusives, à terme l’illusion peut disparaître et les faits destructifs se révéler dans toutes leurs horreurs, leur indignité, et ne provoquer qu’un héritage de honte, de culpabilité, de cauchemars dont personne ne veut. Ces gens-là auront peut-être réussi par domination à préserver leurs privilèges matériels, leurs positions sociales, mais ils auront perdu la possibilité d’exister pleinement à travers des connexions satisfaisantes, et pour certains, ils ne seront même pas conscients de tout ce qu’ils ont raté.

Ci-dessous, voici tous les conseils de la théorie de l’autodétermination pour soutenir les besoins fondamentaux (autonomie, compétence, proximité sociale), il y a juste à se rappeler qu’être un environnement social autodéterminateur inclusif nécessite d’appliquer ces conseils y compris à des personnes différentes de nous, et d’éviter les modes contrôlants/autoritaires ou pseudolibre/pseudoprogressiste, y compris sur des personnes différentes. Et tout ceci, pour être prosocial, devrait viser le bien-être commun et pas seulement de soi, d’un seul groupe ou d’une seule identité sociale.

À noter que j’ai parlé plus longuement dans En toute puissance, avec des expériences, études et exemples d’environnements sociaux autodéterminateurs. Vous trouverez encore plus de recherches dans l’ouvrage de Deci et Ryan, Self-determination theory (2017). Ainsi, ceci n’est pas une liste d’injonctions ou d’obligations morales, mais plutôt des conclusions de recherches qui ont démontré leur efficacité ou inefficacité :

★ Désobéir en visant l’autodétermination prosociale inclusive

Toujours dans En toute puissance, j’ai raccroché la théorie à la notion de désobéissance altruiste : empêcher l’autodétermination à faire du mal de régner dans un environnement social, empêcher que les préjudices adviennent, voire refuser d’obéir à des ordres destructeurs, sont des moyens prosociaux d’action. On peut désobéir aux normes antisociales, aux ordres préjudiciables à autrui, on peut stratégiquement démanteler des systèmes préjudiciables. J’ai également fait une liste rapide de comment désobéir de façon altruiste ici :

★ Comment désobéir de façon altruiste ? Quelques listes

On peut aussi s’inspirer des personnalités altruistes étudiées par les Oliner5 qui sauvaient des cibles du nazisme, leur porter secours : l’élément à retenir est que ces personnes avaient tout simplement eu une personne dans leur vie qui avait été un modèle de cohérence et de prosocialité, et c’est ça qui leur a donné la force de s’opposer à des comportements horribles (y compris de leur endogroupe, il y a des témoignages allemands dans leur étude). Ensuite, ces personnes ayant bénéficiés de ces modèles ont sauté dans l’action comme dans un train en marche, avec un courage qu’elles ne comprenaient pas elles-mêmes. Si on n’a pas eu la chance d’avoir ce modèle prosocial dans nos vies, eh bien leur témoignage est là pour nous accompagner. À noter qu’évidemment ce n’est pas la seule source de témoignages de courage, d’altruisme et de désobéissance prosociale, il y en a bien d’autres et je ne les connais certainement pas toutes.

Si on est cible de ce mal, il ne faut pas hésiter à se nourrir des histoires militantes passées et les façons dont de mêmes personnes oppressées se sont battues et ont réussi à faire changer des choses. Nous n’avons pas besoin de modèle exactement pareil que nous pour nous faire comprendre et nous faire sentir ensemble contre l’adversité : j’écoutais récemment Daryl Davis (un afro-américain qui a réussi à aider des suprémacistes blancs à quitter le KKK ou des mouvements néonazis et d’abandonner leurs idéologies préjudiciables) qui lui s’est un jour identifié à une femme juive qu’il a vu dans un reportage se faire molester par des nazis. C’était la première fois qu’il pleurait devant un reportage tant il se reconnaissait dans la situation (il s’est fait molester à 10 ans par d’autres enfants et adultes sans autre raison que sa couleur de peau).

Les personnes discriminées, bien qu’elles soient différemment discriminées selon les époques, les contextes et selon les différents contenus des préjugés, ont des expériences communes d’humiliation, de rejet, d’ostracisation, de difficultés voire d’empêchement d’accéder aux mêmes droits que les non-discriminés. Les genres et les types de personnes ciblées changent, mais les mécaniques de l’horreur sont souvent les mêmes. On peut donc s’identifier et apprendre des choses de tout le monde et à travers différentes époques.

★ Multi-identification prosociale et inclusive ?

On l’a vu, le cumul des identités prévient d’être autodéterminé à faire du mal. Il ne s’agit pas juste de vivre dans un milieu à forte mixité : j’ai connu des racistes entourées de plein de personnes différentes, travaillant dans le même endroit, mais ils n’en apprenaient rien, car d’emblée ils refusaient de s’entendre avec l’autre de par son origine ethnique, ils ne voulaient pas même connaître un minimum la personne, parfois même pas son prénom. Donc même si un environnement est inclusif et est plein d’opportunités joyeuses de mélange social, les racistes feront en sorte de se blinder pour ne surtout pas absorber une quelconque joie au contact amical avec des personnes non-blanches. Pour certains, on ne peut pas les influencer, même en leur offrant sur un plateau d’argent un environnement social joyeux, qui fonctionne bien, où la mixité est littéralement un plus parce qu’il y a des discussions passionnantes sur les milles et une façon de vivre, où il y a plus de compassion générale parce que tout le monde – conscient d’être différent de l’autre – , fait l’effort de le comprendre et d’être compréhensible.

J’ai vu des racistes qui étaient immergés dans ces endroits joyeux depuis plus longtemps que moi pourtant, et ils persistaient à rester dans un coin à bouder et à éviter toute joie avec les gens différents d’eux, alors qu’ils étaient tout le temps invités à participer et qu’on leur apportait tout autant de compassion qu’aux autres. Et ça n’était pas du tout lié à un problème de timidité ou de difficulté à sociabiliser, car ces racistes pouvaient être tout à fait capables d’extraversion et de prosociabilité avec d’autres hommes blancs : ils refusaient de sociabiliser joyeusement à égal avec les non-blancs, les LGBT et les femmes, ils estimaient inférieures toutes ces personnes. Donc avant de pouvoir ouvrir le potentiel à cumuler diverses identifications inclusives, notamment par la vie auprès de plein de gens différents, il y a déjà à déverrouiller leurs verrous rigides.

★ La discussion intragroupe contre les verrous rigides ?

La discussion sur les identités sociales, les stéréotypes, l’échange intra et intergroupe peut aider selon les stratégies qui sont mises en place, ou au contraire encourager à des pratiques discriminatoires.

Amiot cite par exemple les recherches de Smith et Postmes qui consistent à réunir des gens d’un même endogroupe et à discuter d’un exogroupe, ou encore d’un stéréotype qu’ils partagent sur un groupe. Toutes ces études montrent que seuls, les individus n’ont pas une pensée qui fait beaucoup consensus6 : ils ont des idées diverses pas très marquées. Mais lorsque ces idées sont issues d’une discussion en groupe, des consensus se forment, pour le meilleur et pour le pire :

Dans l’exp de Smith et Postmes (2011), les chercheurs ont réuni des Anglais pour discuter des immigrants, les questions étaient sans valence particulière: « selon vous, à quoi ressemblent les immigrants en tant que groupe de personnes ? Que font-ils ? Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Quelle est leur relation avec le peuple britannique ? » , puis ils devaient rapporter les 5 grandes idées qui avaient émergées de leur discussion ou réflexion. Soit ils devaient mener la réflexion en groupe, soit seuls. Malheureusement, les stéréotypes négatifs ont remporté les faveurs, mais on voit qu’en groupe, il y a eu des consensus encore plus forts sur ces stéréotypes négatifs :

Mais cette mécanique « les idées qui émergent en groupe sont plus fortes » fonctionne aussi lorsque la discussion porte sur le fait de diminuer un stéréotype négatif. Dans cette autre expérience (Smith et Postmes 2011), il s’agissait du stéréotype que les femmes seraient plus nulles en math.

Quand on demande au groupe d’hommes de discuter de « pourquoi le stéréotype est vrai », leur performance augmente, mais si on leur demande l’inverse, leur performance diminue. Et pour les femmes, c’est l’effet inverse, discuter de pourquoi le stéréotype qui pèse sur leur épaule est faux, en groupe, fait augmenter leurs performances en maths. Et à l’inverse, leur demander de discuter de pourquoi le stéréotype est vrai fait baisser leur performance.

Le stéréotype sur un exogroupe fonctionne comme une sorte de sort magique attribuant un bonus pour l’endogroupe, on voit donc pourquoi des groupes discriminants tiennent à conserver leurs stéréotypes, car ce sont des croyances qui leur servent réellement à dominer dans un jeu à somme nulle.

Personnellement je ne souscris pas à l’usage de stéréotypes pour renverser la vapeur et se sentir dominant à son tour, et ce n’est d’ailleurs pas ce que conseillent ces chercheurs. Par contre, dans les groupes discriminés que j’ai connus et était identifiée, groupes très proximaux (un cercle de proches restreints, d’amis, de collègues de travail) on se retrouvait souvent à inventer des gloires secrètes d’endogroupe, parfois totalement absurdes, mais empuissantantes mutuellement, des private jokes secrètes ou des histoires dont seuls nous avions connaissance.

Dans un autre article de recherche de Thomas, Smith, McGarty Postmes (2010), face aux groupes ayant des idéologies commandant de la violence envers des exogroupes, les chercheurs conseillent d’être hautement stratégique pour réussir à organiser des discussions des membres de ces groupes (car ils sont fermés à la rencontre, même si ce n’est qu’entre eux). Ensuite, il ne s’agit pas de les faire se sentir inférieurs à ceux qu’ils estimaient inférieurs, mais de saper le consensus autour des contenus antisociaux en soulignant bien à quel point, dans leur groupe, il y a des divergences et que personne n’arrive à être d’accord. Vous pouvez en savoir plus ici :

https://www.researchgate.net/publication/47707346_Nice_and_Nasty_The_Formation_of_Prosocial_and_Hostile_Social_Movements

★ Prise de perspective, compétences socio-émotionnelles, gestion du stress, apprentissage de la compassion : un travail pour les autoritaires ?

Amiot intègre la discrimination dans les comportements préjudiciables et on sait que les profils les plus à préjugés sont les autoritaires de droite (RWA) et (SDO7). La littérature sur les autoritaires et les recherches récentes dévoilent de façon assez répétée leur difficulté à être empathiques (les RWA restreignent leur empathie et leur agréabilité à leur endogroupe, les SDO sont désagréables et manquent d’empathie avec tout le monde). Cela s’avère être lié également à diverses incapacités à faire face au stress, dont on trouve des preuves neurologiques8. Ainsi, il ne me semble pas inutile de penser qu’il y a un besoin de travailler avec eux sur le fait de :

— développer des compétences socio-émotionnelles (qui permettent de mieux gérer les émotions donc de savoir mieux réguler son stress d’une façon non (auto)destructive),

— de développer leur capacité à la prise de perspective (l’empathie cognitive permet de voir et chercher à comprendre une situation de souffrance, mais la distance permet d’aider à réguler les émotions négatives que ça provoque),

— de développer leur capacité à la compassion (= reconnaître la souffrance, être motivé à aider),

— de leur apprendre à gérer et réguler le stress. Lepage (2017) conseille par exemple des exercices de cohérence cardiaque.

On a détaillé en partie la question des compétences socio-émotionnelles, la compassion dans En toute puissance, mais vous pouvez aussi vous renseigner avec l’ouvrage de Moira Mikolajczak « les compétences émotionnelles ».

Ceci étant dit, il s’agit d’être réaliste sur nous-mêmes dans la situation : on oublie parfois qu’on est préjugé sur la base de notre âge, de notre genre, de notre couleur de peau, de notre classe sociale, etc. Si vous êtes cible, vous risquez de ne pas pouvoir aider celui qui vous préjuge, transmettre tout ce qui a été cité précédemment, puisqu’il vous verra avec méfiance. Dans les études sur la personnalité autoritaire par exemple, des potentiels fascistes avaient refusé de parler à des chercheurs dont le nom était à consonance juive.

Lorsque vous ferez face à un autoritaire, il va se fermer totalement à vous, car il préjuge de vous, donc le contact sera rendu impossible, quelles que soient la virtuosité et la sympathie dont vous faites preuve. N’allez pas y voir un échec de votre part : c’est l’autre qui verrouille la situation, c’est lui qui la ferme avec son propre trousseau de clefs, et vous n’avez pas accès à ces clefs. Cela prend énormément de temps et demande beaucoup d’événements variés pour que l’individu décide un jour d’utiliser ses propres clefs et jeter ces cadenas inutiles.

★ Quand le mal est fait : le travail de prise de conscience et de responsabilisation

Quand le mal est fait, les stratégies existantes pour éviter la récidive recoupent un peu tout ce qu’on a vu : plusieurs psys spécialisés dans la criminalité de profils à trouble9 ou de génocidaire10, disaient qu’une fois le trouble pris en charge (s’il y en a), il s’agit progressivement de faire assumer la gravité/responsabilité de l’acte, de faire prendre conscience de toute sa portée et d’accompagner la forte culpabilité qui émerge à la prise de conscience. On a vu ce parcours lorsqu’on a parlé de Stangl, puisque l’écoute de Gitta Sereny a été comme une psychothérapie accélérée, elle a planté des graines de prises de conscience. Elle l’a fait tout simplement en posant des questions sur la déshumanisation de Stangl, en l’interrogeant sur pourquoi il ne voyait pas ses cibles comme humaines, ce qui avait commencé à réveiller une violente culpabilité. L’accompagnement de la culpabilité est nécessaire surtout lorsqu’on parle d’actes graves, car la prise de conscience peut conduire certains à se suicider, ou dans un cas comme Stangl, le corps ne suit pas. Il ne s’agit pas d’être bienveillant et cautionner les actes de la personne, mais au contraire de répondre à un besoin de justice concernant les victimes ou les survivants : les victimes recherchent souvent la prise de conscience et le vécu avec le poids de ces actes chez leurs oppresseurs, car intuitivement ils savent que c’est la seule chose qui les fera ne plus jamais refaire ce qu’ils ont fait, que ce sera la pire des punitions, bien plus qu’une mort dans l’illusion cruelle de n’avoir rien fait de mal, voire d’avoir fait le bien.

En justice transformatrice (une alternative à la justice) on trouve tout un protocole de responsabilisation11.

Toutes les étapes du processus de responsabilisation ; de bas en haut « identifier les comportements », « accepter que le mal que l’on a fait » ; « chercher des modèles récurrents dans ces comportements » ; désapprentissage des vieux comportements » ; « apprentissage de nouveaux comportements » Source : Creative Interventions, https://www.creative-interventions.org/tools/toolkit/

Là encore les acteurs qui se chargent des auteurs de crime vont d’abord travailler à cette prise de conscience qui peut parfois prendre du temps12, cela passe par le fait de faire intervenir des ex-auteurs de crime partageant leur expérience de prise de conscience et de responsabilisation, faire de l’éducation populaire sur les relations ou tout autre thème concerné par l’acte, reconnecter avec des identités sociales prosociales des endogroupes13, parler beaucoup de scénarios prosociaux alternatifs qui auraient pu être pris, etc. On en a parlé ici sur le site14 et aussi dans En toute puissance15.

★ Des politiques autodéterminatrices, prosociales et inclusives, une sécurité prosociale inclusive

Et enfin, cette question est également une question politique : si les règles du jeu social incitent à l’autodétermination à faire du mal, il est logique qu’elle advienne. Si les règles punissent les actes prosociaux, il est évident qu’ils auront du mal à advenir. La politique structure nos jeux sociaux, celles distantes comme plus proximales (celles d’environnements sociaux comme l’école, une entreprise, une association…). La structure de règles, de normes, de valeurs doit être cohérente avec le but qu’on donne à l’organisation : il est totalement incohérent pour une entreprise dont le cœur du métier est de prendre soin des personnes (par exemple un epahd) que d’imposer des règles et conditions qui empêchent d’exercer le métier (pas assez de soignants, restriction d’un certain nombre de couches par patient, etc), qui valorisent les comportements préjudiciables (se débarrasser au plus rapidement des soins, imposer les couches à des personnes non incontinentes, etc.), puis ensuite s’étonner que des profils autodéterminés à faire du mal soit de plus en plus fréquents dans ces environnements, ou que des gens auparavant prosociaux deviennent de plus en plus maltraitants. Une politique antisociale produit des comportements antisociaux, et ce n’est pas parce qu’elle les habille avec les apparats de la bienveillance que c’est moins antisocial pour autant. Les discours prosociaux n’ont strictement aucune valeur s’ils ne sont pas suivis d’actes prosociaux.

Le fait de vouloir une politique réellement prosociale à l’œuvre dans un environnement demande le courage de changer la structure à travers ses règles et normes, de s’en sentir responsable en tant qu’environnement social : récemment la question du harcèlement a été mise en lumière à cause d’événements dramatiques et il a été demandé aux écoles d’informer sur le sujet, à la dernière minute. Rien que cette mesure témoigne d’à quel point la responsabilité de la politique de l’environnement social est niée dans le phénomène, puisque cette mesure dit implicitement que c’est la faute des élèves, que l’école et sa structure politique n’y sont pour rien. Or, il y a eu des problèmes politiques graves, par exemple les refus des diverses instances de direction d’écouter l’alerte répétée des parents. Avant d’établir les fautes sur les autres individus sans grand pouvoir, l’environnement social, parce qu’il est lieu de pouvoir et de forte influence, devrait se responsabiliser, changer, montrer l’exemple des efforts à faire pour régler les problèmes. C’est très ironique, mais souvent on remarque que des dominants en appellent à la responsabilité, aux efforts, mais eux n’en font aucun pour vraiment régler les problèmes à travers la structure qu’il gère, parce qu’ils tirent un fort intérêt au statu quo.

Il y a besoin de politique de sécurité prosociale inclusive, mais la prosocialité est vue comme une faiblesse insécurisante et laxiste, la sécurité n’est envisagée que via le prisme de la surveillance, du contrôle et de la punition. Or cette pseudosécurité par la surveillance, le contrôle et la punition, sont les meilleurs moyens de rendre insécurisant un environnement, de susciter les motivations autodéterminées à faire du mal. On se sent en sécurité quand on est connecté à tous les autres, qu’on peut compter sur tout le monde : c’est cela que je nomme sécurité prosociale.

Il y a donc tout un travail politique et culturel au sujet des représentations de ces notions de sécurité, d’insécurité et d’actions qui y sont associées. Et plus les crises augmentent, plus les valeurs risquent d’être renversées, ainsi la prosocialité (notamment envers des exogroupes) pourra être perçue comme une ignominie qui mérite d’être punie par exemple.

Ceci étant dit, ces questions politiques ne consistent pas à changer les représentations de la majorité de la population : comme nos élections sont basées sur le nombre de votes, on a tendance à croire que si une partie importante de la population est en faveur d’un comportement préjudiciable, tout est foutu, on arrivera jamais à renverser la vapeur. Or le changement social, qu’il aille vers des politiques prosociales ou préjudiciables pour des groupes, n’est pas forcément impulsé par une grosse majorité, c’est souvent le fait de minorités numériques qui vont travailler à influencer les changements, ce n’est qu’ensuite que la majorité se transforme, à travers le temps.

Ainsi, je voudrais conclure que si vous vous sentez seul dans votre militance, dans vos espoirs de changements positifs prosociaux, dans votre autodétermination prosociale, n’y voyez pas là un signe d’échec ou de mauvais présages concernant l’avenir : d’une part, l’autodétermination n’est pas quelque chose de répandu, donc on ne peut pas attendre de l’autre qu’il partage une aussi forte motivation que nous, c’est ainsi, et ça n’empêche pas d’avancer ensemble quand même. D’autre part, le pouvoir d’agir n’a pas nécessairement besoin d’une masse de soutien, mais davantage d’une puissance stratégique bien renseignée, de moyens innovants, d’astuce, d’actions. Tous les mouvements qui ont eu un impact à un moment donné avaient fait preuve d’une créativité stratégique très précise, très renseignée sur le terrain, sur les gens, les limites et les possibilités. C’était aussi des pouvoirs d’actions qui n’étaient pas sous l’angle d’une seule perspective/une seule façon d’agir, mais par des tas de mouvements avançant avec des stratégies différentes, voire des objets de lutte ou de souhaits différents : il y a à accepter que mille et une façons de faire s’exercent. Si le but est assez similaire, plus il y aura une multiplicité d’action à dispositions, plus les gens se sentiront pouvoir faire quelque chose, s’identifieront à l’un ou à l’autre.

Je pense par exemple aux années 60 aux États-Unis, notamment l’histoire que j’ai rapportée16 sur la révolution d’une institution de nonnes : le changement de politique proximale dans ce petit monde était lié à des tas de changements distaux. C’était une conjugaison à la fois d’évolution de pratiques catholiques, de présence de luttes pour les droits civiques des Afro-Américains, d’évolution des techniques en psycho amenée par Rogers, et encore des tas et des tas de courants contre-culturels dans la musique et l’art. Tout a infusé à ce moment-là pour changer quantité de choses sur des plans totalement différents. Ainsi je conclurais qu’encore une fois, je pense que pour résoudre les problèmes, il y a besoin de tout, tout à la fois, tout le temps, ainsi chacun est libre de se mettre où il sent qu’il pourra faire au mieux, au plus efficace, au plus adapté, pour démanteler les autodéterminations à faire du mal, à créer et renforcer les autodéterminations prosociales.


Notes de bas de page


Vous pouvez retrouver l’intégralité des sources ici : [AMX] Bibliographie du dossier sur l’autodétermination à faire du mal 

3 Giorgio Perlasca, cité dans « Un si fragile vernis d’humanité » – Michel Terestchenko 2005

5 Oliner (1988) The altruistic personality

6Lorsqu’on rassemble leurs idées élaborées seuls, on trouve peu d’idées communes.

8 Lepage (2017) ; Lepage, Bègue, Zerhouni, Dambrun (2020)

9 Je précise que c’est donc tout de même très différent de nos autodéterminés à faire du mal, car ici la pathologie a eu un rôle important soit dans le passage à l’acte, soit dans le contenu de l’acte parfois issu d’un délire. Bodon-Bruzel Magali (2015): L’homme qui voulait cuire sa mère

10 Sironi Françoise (2020) Comment devient-on tortionnaire ?

11 https://www.hacking-social.com/2021/02/08/jr7-justice-transformatrice-le-processus-de-responsabilisation/ ; Beyond Survival, Strategies and Stories from the Transformative Justice Movement édité par Ejeris Dixon et Leah Lakshmi Piepzna-Samarasinha, 2020 ; Creative Interventions, https://www.creative-interventions.org/tools/toolkit/

12 Par exemple ici https://www.hacking-social.com/2021/02/01/jr6-la-justice-transformatrice-en-action-abus-sexuels-a-hollow-water/ on parlait de cas d’agressions sexuelles incestueuses, il a fallu un an de travail pour éveiller leur conscience, mais ils ont réussi. Vous pouvez voir le documentaire ici : Hollow water, un documentaire de Bonnie Dickie, 2000 https://www.nfb.ca/film/hollow_water/  

13 Dans le cas de la famille incestueuse, faire intervenir les anciens autochtones qui leur ont parlé de leur culture et de ses valeurs.

14 https://www.hacking-social.com/2021/02/08/jr7-justice-transformatrice-le-processus-de-responsabilisation/ ; Le processus est détaillé aussi ici : Beyond Survival, Strategies and Stories from the Transformative Justice Movement édité par Ejeris Dixon et Leah Lakshmi Piepzna-Samarasinha, 2020

L’article ★ [AM6] Neutraliser l’autodétermination à faire du mal est apparu en premier sur Hacking social.


Publié le 15.01.2024 à 10:18

♦ [AM5] Pourquoi certains résistent aux normes de groupe prônant la violence sur autrui ?

Précédemment, nous avions vu les facteurs amplifiant notre internalisation de normes de groupe violentes ; aujourd’hui on voit l’inverse, à savoir la résistance aux normes de groupe qui prônent la violence sur autrui.

Cet article est la suite de :

La totalité de ce présent dossier est disponible en epub : autodetermaltot


Contrer le mal : l’identification sociale à des normes sociales multiples et divergentes


Si certains de nos endogroupes approuvent des normes préjudiciables mais que d’autres s’y opposent, les individus percevront que tout une gamme de comportements est possible et pourra donc remettre en cause les normes préjudiciables.

Généralement les personnes ont accès à des multiples normes sociales (religieuses, politiques, nationales, familiales1) et cette situation rend plus difficile l’intériorisation de normes préjudiciables.

Le changement de contexte peut aussi faire changer de normes : lorsque des individus (par exemple, le personnel militaire) passent d’un contexte dans lequel la norme encourage à blesser et tuer un exogroupe, à un contexte post-conflit dans lequel ces actes préjudiciables sont considérés comme immoraux et injustes, il y a changement de ces normes2.

C’est comme si nous avions une constellation de relations passées, présentes et futures, liées à de multiples identités sociales. Être membre de multiples groupes nous permet d’aller au-delà des processus de catégorisations rigides3. Comme les normes divergent selon les groupes, la personne peut bloquer l’intériorisation des normes préjudiciables à autrui, parce qu’elle considère une humanité unique à chacun, fait de multiples appartenances et façons d’être4. La personne est libérée de l’imposition rigide de caractéristiques prédéterminées.

La personne fait en quelque sorte un tri de tout ces contenus reçus de toute part et la recherche montre5qu’elle est plus encline à accepter de nouveaux groupes et identités sociales qui ont des aspects compatibles à leurs identités préexistantes. Ainsi, si dans la famille l’altruisme est une valeur importante qui a été internalisée, il est possible que la personne s’oriente davantage vers un groupe dont l’activité est d’aider plutôt que de détruire. Et cumuler ces groupes partageant cette similitude devrait diminuer la probabilité de rejoindre le groupe qui promeut la malveillance.

Amiot explique que face à ces personnes, un dictateur qui voudrait imposer son projet destructeur devrait travailler à éroder les normes préexistantes promouvant la compassion et le soin à autrui, pour construire et promulguer une norme nouvelle et divergente qui soutient la discrimination et la violence.

C’est un constat partagé par d’autres spécialistes du génocide comme Semelin (2005), qui souligne que toute les politiques et normes sociales consistant à punir ou à empêcher vivement et publiquement les actes d’aide envers autrui comme des signes pré-génocidaires. Si aider une personne à survivre devient un crime, c’est que l’aidé a déjà été déshumanisé, objectivé ou vu comme une menace inhumaine, ce qui est correspond aux idéologies génocidaires.

Noter que cela passe par le fait de s’attaquer à des comportements prosociaux pour les redéfinir comme mauvais : c’est actuellement ce qui se passe avec les migrants, y compris d’un point de vue structurel.

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006147789/2005-03-01/

Les aidants sont condamné :

Aide aux migrants : le militant Cédric Herrou condamné à quatre mois de prison avec sursis en appel – France Bleu

Inversement, plus les normes d’égalité, les droits de l’homme et les valeurs humanitaires sont propagées, plus la promulgation de nouvelles normes de discrimination et de violence peut devenir de plus en plus difficile à promouvoir pour les nouveaux chefs de groupe (Pinker, 2011).

Par exemple, Zemmour a fait scandale6, y compris dans des partis d’extrême droite, quand il a fustigé l’obsession de l’inclusion en école ordinaire des élèves avec handicap, pour préférer les écarter des autres élèves. Tous les autres partis y ont vu un appel à la ségrégation, ce qui l’a poussé à modérer ses propos, mais il a tout de même dit « On a décidé que c’était mieux de mettre tout le monde ensemble. Moi, je pense que non » en justifiant cette séparation par le fait que ce serait un moyen de mieux s’en occuper.


Contrer le mal  : l’identification inclusive et superordonnée


Si la personne s’identifie d’abord comme un être humain (une identification superordonnée7) et ce de façon inclusive, sans nier leurs différences (les personnes de toutes les nations et ethnies sont aussi des humains), cela permet de réduire l’adoption de normes préjudiciables à autrui. L’identification à l’être humain peut donc encourager le respect des intérêts et des perspectives des différents sous-groupes.

À noter qu’il ne s’agit pas ici d’être « color blind », autrement dit se dire « ne pas voir les couleurs », car ce discours est associé à un racisme moderne qui rejette l’existence des injustices, donc qui refuse toute lutte contre la discrimination car il n’y en aurait pas de problèmes selon eux. Une étude8 montre que ces individus color blind n’ont effectivement aucune motivation à diminuer les préjugés.

Ici Color blind n’a rien à voir avec le fait d’être daltonien, mais de réfuter l’existence du racisme structurel et des préjugés. Ishihara 9 – Color blindness – Wikipedia

Pour que cette identification à l’être humain ne soit pas préjudiciable, elle nécessite de reconnaître les différences entre les groupes, de ne pas nier leur caractéristiques uniques9

Amiot dit qu’imposer une telle identité superordonnée exclusive à tous les membres des autres groupes de manière rigide10, sans reconnaître leurs propres luttes11 et leurs expériences de discrimination12, s’est avéré brouiller les frontières entre les groupes et démotiver l’action collective13: dans ces conditions, la grande identification à l’humain échoue à diminuer les discriminations ou à participer à les combattre.

Dans le cadre de la théorie de l’autodétermination, Amiot dit qu’on peut s’attendre à ce qu’une identification à l’humain, de façon inclusive et consciente des discriminations ou des différences, amène à combler le besoin de proximité sociale, parce que ces personnes peuvent alors se connecter à toutes sortes de personnes (contrairement à ceux dont l’identification est liée à un seul groupe prédominant et qui donc sont limités aux seuls membres du groupe).

Et qui dit besoin davantage satisfait ou au contraire plus frustré, dit qualité de motivation différente. C’est ce que nous allons observer à présent en regardant comment se présenteraient les différentes motivations autonomes à commettre des préjudices.


Les différentes motivations autodéterminées à faire du mal


Le mécanisme d’internalisation des comportements préjudiciables est varié selon les différentes motivation des individus. Pour rappel voici le schéma qui montre les différentes motivations selon la théorie de l’autodétermination :

La motivation intrinsèque

On est motivé intrinsèquement par les comportements et activités qui nous procurent une satisfaction par eux-mêmes : on joue au jeu vidéo parce qu’on aime le jeu vidéo, on est motivé intrinsèquement par notre métier créatif car on adore créer, on va nager parce qu’on aime le contact de l’eau, etc.

On est souvent à motivation intrinsèque pour nos passions, nos loisirs, nos jeux, nos sports préférés et généralement des activités pour lesquels on ressent directement un plaisir et/ou un flow :

Résumé des caractéristiques du flow

C’est une motivation très puissante parce que l’environnement social n’a pas besoin de la susciter chez autrui. Un enfant peut avoir une motivation intrinsèque à tel jeu sans que personne ne soit intervenu. Mais cette motivation est également très fragile : on sait que les individus perdent leur motivation intrinsèque aux activités scolaires à travers le cursus, notamment parce que leur besoin est sapé à travers les formes contrôlantes d’apprentissage. La seule exception est au Québec (voir vidéo de Ryan ci-dessous), avec une rapide remontée à la fin du cursus, parce que les élèves ont soudain beaucoup de choix, leur besoin d’autonomie est comblé.

Peut-on donc avoir une motivation intrinsèque à faire du mal, et ce qu’importe ce qu’un groupe en dit ?

Il y a peu d’études à ce sujet, mais Amiot cite par exemple, que les individus pratiquant la chasse (dans un contexte où cela ne répond pas à des besoins de se nourrir ou de se défendre d’une menace, mais bien à une activité de loisir) ont une motivation intrinsèque au fait de tuer les animaux14. On pourrait donc avoir du plaisir à tuer en l’absence de tout avantage pour l’endogroupe, sans même que cela concerne une expression de son identité sociale, c’est juste qu’on aimerait intrinsèquement cette activité de tuer.

Ceci étant dit, j’ai l’impression que cette motivation intrinsèque est davantage lié aux caractéristiques de la situation qui peut être à flow : dans les études sur le flow, beaucoup de comportements « immoraux » comme le vol, le banditisme ou ayant des fins morbides non nécessaires (la chasse et la pêche pratiqué comme loisir), sont à flow en raison du défi et de la compétence optimisé qu’elle procure. Il en va de même pour les activités dangereuses pour la vie des personnes la pratiquant (étude sur l’escalade), tous les sports extrême par exemple. Les personnes ne sont pas motivées à se faire du mal ou à saisir les opportunités de souffrance, mais plutôt motivées par les compétences face au défi, au fait que ce soit structuré comme un jeu.

On peut très bien le voir et l’expérimenter soi-même dans le jeu vidéo ou ces situations immorales peuvent être pratiquées mais sans leurs vrais fins, à savoir les morts, la souffrance ou les conséquences sur autrui. Ainsi j’avoue être moins convaincue lorsqu’Amiot justifie qu’il peut y avoir une motivation intrinsèque à faire du mal (chasse, pêche, banditisme) voire à s’infliger du mal (prise de drogues) avec des activités potentiellement à flow, possiblement motivante également dans un cadre de recherche d’hédonisme, de sensations fortes et d’adrénaline. Cela ne veut pas dire que je justifie là qu’il serait bon de pratiquer ces activités, mais que les motivations intrinsèques me semblent porter sur autre chose que le fait de faire du mal ou se faire du mal. Il me semble que la motivation prend source sur le « jeu » qu’il représente, avec toutes ses phases demandant des compétences ou capacités, des choix, une proximité sociale qui peut combler des besoins, et ce, malgré des conséquences négatives. On le voit d’ailleurs dans les expériences de Rigby (2011) : si on propose un jeu aux personnes et qu’on augmente le niveau de gore, cela ne les motivent pas plus, ce n’est pas la violence du jeu qui attire, mais bien le reste, à savoir l’exercice d’une compétence dans un défi adapté, qui au passage comble leur besoin d’autonomie, de compétence et de proximité sociale si le jeu a des aspects sociaux.

La motivation à régulation intégrée

La régulation intégrée est une motivation extrêmement autodéterminée qui est rare chez les personnes, parce que c’est une motivation pour une action qui permet à la fois l’expression de soi, colle à ses valeurs, ses visions du monde et tous les buts de la personne. C’est à la fois quelque chose de très réfléchi sur tous les plans, mais aussi émotionnellement fortement congruent avec tout ce qu’on estime être, avoir besoin et ce de façon existentielle. On pourrait dire que ce sont des motivations puissantes liées au sens qu’on donne à la vie de façon extrêmement autonome. Ainsi, même si tout le monde pense le contraire autour de nous, que l’action est interdite, source d’humiliation, de dangers et menaces, on ne l’abandonnera pas, car elle compte pour nous sur tous les plans.

Par exemple ce faussaire, en plus de courir de forts risques, a travaillé jusqu’à en perdre son œil, pour sauver des enfants durant la seconde guerre mondiale :

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-pieds-sur-terre/les-pieds-sur-terre-du-lundi-21-janvier-2019-8005705

Une motivation intégrée à des actes préjudiciables serait donc parce que l’individu s’y sent exprimer son identité, les valeurs du groupe, y compris s’il n’en retire pas d’avantages. Scheepers et al. (2006a) indique que les biais endogroupe (=favoriser les membres de son endogroupe, leur attribuer plus de qualités, etc.) et la dérogation exogroupe (=tendance des membres du groupe à avoir un mauvais comportement envers les membres d’un exogroupe) servent d’expression identitaire, voire de célébration identitaire. Autrement dit, lorsqu’un homme faisant parti d’un groupe sexiste se vante d’avoir eu des attitudes dénigrantes voire violentes envers une femme, qu’il est enthousiaste de partager ceci et que son groupe le valorise, c’est une célébration identitaire. Un peu comme on fêterait par exemple l’acquisition d’un diplôme de nos proches ou une réussite quelconque qui le fait évoluer. Ici c’est l’écrasement de l’exogroupe qui est une fête.

Cette fonction de célébration identitaire explique également pourquoi des membres d’un groupe stable (c’est-à-dire ayant des conditions de vie sécurisantes et non mouvementées), de statut élevé, adoptent des comportements préjudiciables envers les exogroupes : c’est une façon d’exprimer leur identité voire de la célébrer. Ainsi un patron peut par exemple humilier son employé non pas parce qu’il croit que ça augmentera son obéissance ou sa productivité, ni même que cela le fera être plus respecté par les autres patrons, mais simplement pour exprimer son identité sociale qu’il estime supérieure tout en exprimant l’infériorité de l’employé. Un peu comme un chanteur serait satisfait de pouvoir chanter car il exprime qui il est à travers son chant, sa performance de chanteur, ici le patron à préjugés exprimerait son identité sociale estimée supérieure par l’humiliation de l’exogroupe. Et il n’en attend même pas un avantage particulier, puisque c’est à régulation intégrée, c’est totalement autonome et lié au sens de son existence, comme si au fond il se retrouvait parfaitement dans la formule « j’infériorise ou domine l’exogroupe, donc je suis ».

On est ici proche de la notion d’infrahumanisation (Leyens et al., 2001) : c’est la tendance à considérer son endogroupe comme possédant plus de qualités humaines que les membres de l’exogroupe, et c’est une tendance qui existe même lorsqu’il n’y a pas de conflits15.

A noter que c’est distinct de la déshumanisation qui là peut aller jusqu’à retirer toute humanité à l’autre, le rendre plus proches d’animaux considérés comme nuisibles (cafard etc). Les périodes pré-genocidaires sont emplis de discours déshumanisants, parce que pour pouvoir massacrer en masse, les futurs soldats au service du génocide ne doivent plus considérer l’exogroupe cible comme faisant parti du genre humain, sinon ils n’arriveraient pas à commettre les horreurs qui leur sont commandées.

L’infrahumanisation est par contre fréquente, commune et ce qu’importe les situations politiques. Lorsqu’elle advient lors d’un conflit, la croyance que leur groupe serait seul complètement humain, se considérant comme supérieur, les amène à se privilégier par rapport à l’exogroupe16 et permet aux actes préjudiciables de se produire, ces actes étant considérés par les infrahumanisateurs comme un reflet de l’ordre social naturel.

La motivation à régulation identifiée

On est à motivation identifiée lorsqu’on s’identifie au comportement, on le fait parce qu’on estime que c’est bien d’être une personne ayant ce comportement. Par exemple, on va changer la litière du chat parce qu’on s’estime être une personne responsable de son animal. On fait les choses pour continuer à être cette « bonne » personne.

Ici, on sent déjà moins d’autonomie que dans les précédentes motivations, car c’est lié à une représentation de qui on doit être, donc possiblement sous l’influence de l’extérieur et des représentations stéréotypées. Mais cela reste autonome parce que c’est la personne en toute autonomie qui fait le comportement lié à une identification : par exemple, une personne s’identifiant au « pro» et qui pour cela fait des actes d’organisation et de propreté de son bureau, le fera même si cela ne lui apporte pas plus de salaire, que c’est potentiellement ridiculisé par les autres qui le verrait comme trop maniaque. Faire un comportement lié à cette identification nous satisfait, nous comble, qu’importe si l’environnement n’est pas vraiment d’accord ou s’en fiche, on estime que c’est la bonne chose à faire pour continuer à être la personne que l’on veut être. À noter que cela peut porter sur des comportements intrinsèquement désagréables ( tel que s’occuper des poubelles, faire un travail pénible, etc.) et pourtant on le fera tout de même.

Dans un contexte de conflit, il pourrait y avoir une régulation identifiée au fait de porter préjudice à l’exogroupe : il peut être dit que cela apportera des avantages à l’endogroupe pour atteindre ces buts collectifs liés aux ressources, à la protection et au bien être du groupe. Ainsi la personne s’identifiant par exemple à quelqu’un de « responsable », « prenant soin des siens » peut adhérer à des comportements nuisant aux autres, comme la collaboration avec les nazis durant la guerre, la dénonciation des résistants, l’obéissance à des ordres préjudiciables à l’autre groupe. Par exemple le commandant de camp Stangl s’identifiait à un bon policier efficace (son ancien métier), et il a continué à travailler au mieux possible, y compris lorsque son métier consistait à participer à tuer des handicapés, des malades ou désignés comme tel : il a continué et persister à s’identifier à ses codes de « bon professionnel » même lorsque l’activité était de gérer l’extermination des prisonniers du camp. Ici, il explique comment il appliquait les savoirs de son métier précédent à la situation, tout en les compartimentant :

[Sereny] Comment pouviez-vous alors, en votre âme et conscience, vous porter volontaire pour prendre part quelconque à ce crime ?

[Stangl] C’était une question de survie – toujours de survie. Tout ce que je pouvais faire, pendant que je continuais à essayer de me tirer de là, c’était de limiter mes propres actions à un domaine dont je pouvais répondre en toute conscience. A l’école d’entraînement de la police, on nous avait appris – je me souviens, c’était le rittmeister Leitner qui disait toujours ça – que la définition du crime devait satisfaire à quatre conditions : il fallait un sujet, un objet, une action, une intention. S’il manquait un seul de ces quatre éléments, alors on avait pas affaire à un crime punissable.

Je ne vois pas comment vous pouviez appliquer ce concept à la situation.

C’est ce que j’essaie de vous expliquer : je ne pouvais vivre que si je compartimentais ma pensée. C’est par ce moyen que je pouvais appliquer la définition à ma propre situation ; si le « sujet » était le gouvernement, l’ «objet » les juifs et l’ «action » celle de gazer, alors je pouvais me dire que pour moi le quatrième élément « l’intention [qu’il appelait « libre volonté »] manquait ».

L’identification était donc pour lui compartimentée, il le dit lui-même, à noter qu’on voit aussi dans le reste de l’ouvrage du déni, de la dissociation parfois aussi, il buvait énormément, c’était un état psychique relativement catastrophique. Quand bien même la motivation identifiée apporte généralement de la satisfaction à celui qui la porte, lorsqu’elle est compartimentée, ce n’est plus vraiment le cas.

La motivation identifiée à des actes préjudiciables émerge donc dans un contexte où les exogroupes sont perçus comme menaçants les valeurs et les visions du monde du groupe17, et les menaces intergroupes (tout ce qui sera perçu à tort ou à raison comme tel) légitiment l’expression de l’hostilité et les préjugés envers les exogroupes.

Les autres motivations : introjectée, externe, amotivation

Les autres motivations ne sont pas autonomes et donc ne conduisent pas à une motivation autodéterminée à faire du mal. Cependant, cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas causer du mal avec ces motivations.

Pour la motivation externe, l’expérience de Milgram montre qu’on peut obéir de façon destructive, et ce sans punitions ou récompenses à la clef, simplement parce qu’il y a des symboles d’autorité et des ordres. Comme on l’a vu précédemment, les interprétations de ce résultat postulent cependant que c’est par identification à l’autorité que certains ne vont pas hésiter à électrocuter dangereusement la cible, il pourrait donc y avoir une motivation identifiée. Évidemment, la motivation externe qui nous conduit à faire du mal peut apparaître dans toute situation où l’on est objectivement menacé (sous la torture, avec un pistolet ou une arme sur la tempe, etc.) si on ne fait pas le comportement préjudiciable : on ne veut vraiment pas faire ça, mais la menace de mort ou de torture étant réelle, c’est une question de survie.

Par motivation introjectée, on peut faire du mal sans non plus le vouloir : l’effet spectateur montre par exemple qu’on n’aide pas une personne parce qu’on a peur d’avoir honte ou d’être mal perçu si on a un comportement différent des passants. Les pratiques de bizutage pourraient être introjectée ou identifiée, là encore on suit le groupe dans ces pratiques violentes pour ne pas en être rejeté ou pour être accepté, et cela va aussi par accepter de subir du mal. Là encore, la frontière peut être floue avec une motivation identifiée (on s’identifie au groupe faisant du mal et pas à celui qu’on fait souffrir, il peut aussi y avoir des aspects de « célébration identitaire » dans les bizutages les plus violents et pervers ).

Par amotivation à des pratiques prosociales, on laisse aussi un mal se dérouler sans intervenir, on peut être un témoin passif, protéger des agresseurs, etc. L’amotivation peut être due à un manque de connaissances, de compétences : ainsi pour remédier à ce problème, il s’agirait ici d’apprendre les pratiques prosociales qui démotiverait aussi aux pratiques antisociales par rebond. On a vu précédemment avec l’étude des colorblind qu’on peut être amotivé à lutter contre les discriminations parce qu’on ne croit pas en leur existence, ce qui mène à avoir des comportements très préjudiciables voire discriminatoires (ne pas croire les victimes, dénier leur parole, refuser l’accès aux mêmes droits, le tout soutenu par une idéologie qui dénie l’existence même des injustices).


8. Mais est ce que tout ça est vraiment une autodétermination à faire des horreurs ?


On a déjà vu que certaines expériences18 connectaient effectivement des comportements préjudiciables à des motivations autodéterminées et que les gens étaient tout à fait au clair avec ceux-ci, puisqu’il n’y avait pas de conflit mental à les effectuer, ni un problème émotionnel à le reconnaître.

Dans une autre expérience (Amiot, Sansfaçon, & Louis, 2013a), les résultats ont révélé que les participants qui ont mentionné qu’un endogroupe les encourage à adopter un comportement préjudiciable (par exemple, la prise de drogue, la diffusion de rumeurs, la discrimination) se sont avérés être plus motivés, à la fois autodéterminés et non-autodéterminés, par rapport aux participants dont les comportements nuisibles n’étaient pas pris en charge par l’un de leurs endogroupes.

Plus les participants étaient personnellement d’accord avec une norme endogroupe en faveur du comportement préjudiciable, plus leur motivation autodéterminée à s’engager dans ce comportement était forte.

Mais comment est-ce possible ? Amiot explique que le préjudice mené sur un exogroupe représente l’expression d’une norme pour protéger et défendre les intérêts de l’endogroupe, il n’est donc promulgué qu’avec l’intention que cela profite à l’endogroupe. Autrement dit, ils font du mal aux autres car ça représente du « bien » ou un « plus » pour leur groupe, selon leur idéologie et la façon dont ils catégorisent les choses. Et ils peuvent avoir un lien personnel autonome à ces activités de préjudice et de discrimination, c’est-à-dire qu’ils sont personnellement en accord avec ces activités, ils ne le font pas juste parce que le groupe l’a mis en norme ou le presserait à le faire : c’est effectivement de l’autodétermination dans ce cas.

Et on retrouve ce but de privilégier les intérêts de l’endogroupe en faisant du mal aux exogroupes à échelle politique : les politiques discriminantes telles que la ségrégation aux États-unis étaient faites pour que les blancs aient plus de privilèges que les noirs. Dans la pratique de l’esclavage, les préjugés et la déshumanisation était cultivés pour légitimer l’exploitation des personnes rendues esclaves, et ainsi le groupe blanc dominant pouvait maintenir ses privilèges, augmenter ses ressources et sa supériorité, par l’exploitation, sans avoir de mauvaise conscience à cela (puisqu’il les déshumanisait en amont). On a vu aussi précédemment que durant le génocide des Tutsis, une des motivations au quotidien des génocidaires hutus étaient de rafler toutes leurs possessions et richesses.

Quand on creuse, on trouve souvent que le groupe dominant ou celui qui maltraite à un intérêt matériel à exploiter le groupe cible, ne serait-ce que conserver son statut supérieur et ses privilèges. Mais est-ce qu’il est pleinement autodéterminé lorsqu’il fait ça, étant donné qu’il est dépendant d’un autre qu’il exploite, qu’il a besoin de le contrôler en permanence, de le faire parfois avec des affects négatifs de colère, de haine ? L’autonomie ne serait-elle pas d’exister sans avoir besoin d’oppresser un autre et de viser des buts communs qui ne sont pas de rafler au maximum la supériorité, les ressources, bref des aspirations extrinsèques ? L’autodétermination, n’est-ce pas être en rapport apaisé avec le maximum de gens et viser un bonheur commun ou des luttes contre l’adversité commune, plutôt que de voler ou de détruire d’une façon ou d’une autre ce que l’autre a besoin pour exister, que ce soit sa dignité, ses forces de travail, ses ressources, sa culture ? N’est-ce pas d’une lâcheté ou d’une manque de compétence considérable que de ne pas construire ses propres identités par ses propres compétences, ses actions, ses liens, sa vie, pour préférer écraser l’autre ?

À vrai dire, il y a encore peu d’études sur l’autodétermination à faire du mal et les comportements préjudiciables étudiés sont peu immoraux (dans l’étude des fans de hockey par exemple avec les insultes) ou alors les gens étudiés ne dépassent pas certaines frontières de violence.

On voyait dans cet échantillon qu’il y a peu de comportements d’agressions physiques :


Je n’ai pas vu d’étude sur l’autodétermination à faire du mal avec des mesures de l’orientation de causalité ou les aspirations extrinsèques : or on a vu que justement, quantité de comportements préjudiciables sont liés à ces deux points. Pourrait-on parler d’autodétermination à faire le mal si l’individu cochait des motivations autonomes à ses actes préjudiciables, mais pas des buts intrinsèques ou une orientation autonome ?

Ceci étant dit, je pense néanmoins qu’une orientation autonome à faire du mal est néanmoins tout à fait possible, en témoignent les études sur la créativité immorale19 : pouvoir créer, c’est avancer vers l’inconnu, chercher les nouvelles possibilités, casser les normes établies, en créer de nouvelles. Cela me semble demander une orientation autonome, parce que l’orientation contrôlée ou impersonnelle bloque totalement le champ de vision sur ce qui pourrait être fait de nouveau. Donc il est tout à fait possible que la personne soit en orientation autonome pour créer ou participer à des horreurs, pour cela elle a juste besoin de supprimer son empathie cognitive, ne pas se mettre à la place des autres qui peuvent subir les conséquences de cette création. Attention je ne parle pas ici de personnes en conflit ou en ambiguïté sur les créations à la Oppenheimer, conscient de la destructivité de la création tout en ne voyant pas d’autres solutions que d’avancer vers elle pour s’opposer à une destructivité encore plus forte, et le vivant mal parce qu’il y a une pleine conscience empathique qui est toujours là. Je pense plutôt à des cas de chercheurs et bidouilleurs très ouverts et créatifs qui se sont mis au service de projets qu’ils savaient à potentiel dérives, de plus dans un contexte idéologique contraire aux leurs, mais qui par soif de créativité, d’exploration de champ de possibilités nouvelles, n’ont pas pu résister à l’appel créatif : Cambridge analytica20 était par exemple composé de plein de profils de gauche ou n’étant pas d’extrême droite, très créatif, ouvert aux possibilités, autonomes et à motivation souvent autodéterminées avec de forts affects positifs de fascination, etc. ; et pourtant ils ont œuvré pour l’extrême droite, avec des manœuvres immorales (surveillance massive, irrespect des lois, manipulation des personnes, etc.).

Concernant les buts intrinsèques, j’ai encore moins de doutes : toutes les idéologies même les plus violentes et ayant conduit à des génocides se sont justifiés par des buts prosociaux et intrinsèques à un moment donné. Très clairement, on le voit dans les recherches : ce qui nourrit la motivation autodéterminée à faire du mal est composé de buts intrinsèques, ne serait-ce que pour s’occuper au mieux de son groupe et leur apporter du bien-être. Et cette arnaque peut fonctionner tant que l’individu est distancié des conséquences de ses actes ou tant qu’il maintient l’illusion que la cible est une sorte d’objet pas du tout humain ou nuisible. S’il se réveille et prend conscience qu’il agissait de façon horrible sur des humains et pas des objets, ce ne sera pas supportable.

Stangl était au début des entretiens avec Gitta sereny dans une franche déshumanisation :

« Serait-il exact de dire que vous en êtes venus à éprouver le sentiment que ce n’étaient pas réellement des êtres humains [les personnes dans les camps de concentration/extermination qu’il dirigeait]  ?

Un jour au Brésil, des années plus tard, j’étais en déplacement. Le train s’est arrêté à coté d’un abattoir. Le bétail dans les enclos, en entendant le train, a trotté jusqu’à la barrière et nous a fixés. Ils étaient tout prêt de ma fenêtre. Et j’ai pensé alors « regarde, ça ne te rappelle pas la Pologne ?  C’est comme ça que les gens regardaient, avec confiance, juste avant d’entrer dans les boites… » […]

Donc vous ne les sentiez pas comme des êtres humains, n’est ce pas ?

C’était une cargaison. Une cargaison. »

Il dit à un autre moment :

« voyez vous, je les ais rarement perçus comme des individus. C’était toujours une énorme masse. Quelquefois j’étais debout sur le mur et je les voyais dans le « couloir ». Mais – comment expliquer – ils étaient nus, un flot énorme qui courait conduit à coups de fouet comme…. »

Vous ne pouviez rien y changer ? Au poste que vous occupiez, ne pouviez vous pas empêcher le déshabillage, les coups de fouet, l’horreur des parcs à bestiaux ?

« Non, non, non. C’était le système. Wirth l’avait inventé. Il fonctionnait. Et parce qu’il fonctionnait, il était intangible. »

Les entretiens avec Gitta Sereny ont été comme une psychothérapie très intense en peu de temps, car elle était très douée pour écouter, et l’évocation de toute sa vie l’a rappelé à des identités personnelles et sociales qui n’étaient pas déshumanisantes ni participant à des projets horribles.

Il s’est rappelé de son identité personnelle qui était à des lieux de l’identité sociale nazie, a pris conscience qu’il aurait pu avoir une identité sociale comme celle de tisserand, de père de famille, bref une toute autre vie sans participation à des horreurs. Pour la première fois, il exprimera des regrets sincères, une prise de conscience :

«  Je n’ai jamais fait de mal à personne volontairement, moi-même. Mais j’étais là. Donc en réalité, j’ai ma part de culpabilité, oui… parce que ma faute… ma faute… ce n’est que dans ces conversations… à présent que j’ai tout dit pour la première fois. Ma faute est d’être encore là. Voilà ma faute.

Encore là ?

Je devrais être mort. Ma faute est là.

Voulez vous dire que vous auriez dû mourir ou vous auriez du avoir le courage de mourir ?

Prenez-le comme vous voulez. […] j’ai eu un sursis de vingt ans -ving années qui ont été bonnes. Mais croyez-moi aujourd’hui, je préférerais être mort… »

Gitta sereny dit que lorsqu’ils ont quitté l’entretien, il est devenu d’un coup très gai.

Stangl est mort 19 heures après ce moment, d’une crise cardiaque, l’autopsie a bien confirmé qu’il ne s’agissait pas d’un suicide. Gitta Sereny explique :

« Il avait le cœur malade et il est à peu près certain qu’il serait mort bientôt de toute façon. Mais je crois que s’il est mort à ce moment, c’est qu’il avait enfin – si brièvement que ce fut – affronté et dit la vérité »

Cet extrait est important car très rare : quand il y a prise de conscience complète de véritables horreurs, il n’y a pas pire punition pour l’individu, car c’est une vague de culpabilité, de remords, de jugements négatifs d’une intensité qu’on ne peut pas imaginer. On retrouve cela aussi dans la prise de conscience de certains tortionnaires qui, une fois leur empathie remise en place, vive un enfer.

Et c’est d’ailleurs pour cette raison que d’autres psychologues, spécialisés notamment dans le génocide disent que certains ne pourront jamais prendre conscience de leur actes car cette prise de conscience est une mise à mort intérieure totale, un enfer psychique à hauteur de la violence des actes qu’ils ont commis.

Ainsi, personnellement je ne pense qu’il ne peut pas y avoir une pleine autodétermination à une activité sans une prise de conscience complète et informée de ce qui est fait, réalisée avec toutes les capacités cognitives et empathiques de la personne et une information suffisante à disposition.

Ceci étant dit, au vu des expériences et hypothèses, oui il peut y avoir des formes d’autodétermination à faire du mal pour certains petits actes de malveillance, mais leur degré de gravité, qualitativement et quantitativement, peut ne plus être soutenable sans supprimer l’empathie, sans la compartimentation, bref sans que le psychisme supprime ce qui permet de prendre conscience de la situation dans son intégralité et dans son unité.

Ceci étant dit, tout dépend aussi comment on considère l’autodétermination : si le critère est la motivation autodéterminée (intrinsèque, intégrée et identifiée) telle que mesurée par les questionnaires, oui on peut être autodéterminé à faire du mal, nul doute qu’un tueur en série va exprimer sa motivation intrinsèque au meurtre à travers le plaisir qu’il en retire. Mais est-il vraiment libre de se déterminer ainsi lui-même lorsqu’on considère sa vie et tous les événements qui l’ont conduit jusqu’ici à être incapable de nourrir une motivation intrinsèque moins malsaine pour autrui, à apprendre des modes de vie et façons de faire qui ne reposaient pas sur l’horreur ?

Je n’ai pas de réponses à cette question qui pourrait devenir un véritable débat philosophique sur la liberté et les déterminations, mais aussi la question de l’identité sociale : faire reposer son identité principalement sur une seule identification sociale prédominante, dont les termes, règles, normes sont définis extérieurement par une idéologie qu’ils adoptent (et non qu’ils construisent), peut-on considérer cela comme réellement autonome ? D’un autre côté, je pense également que même les profils les plus dans la soumission à l’autorité sont parfois forcés de faire des choix autonomes, notamment parce que les idéologies peuvent entrer en contradiction avec les nécessités de la situation, voire être contradictoire en elle-même. J’ai l’impression qu’être restreint dans une seule identification prédominante exclusive, être soumis à une idéologie, restreint certes fortement l’autonomie, mais la vie force à tout de même l’exercer. Si je prends ce point de vue, si l’autonomie est réduite dans son amplitude et à cause du contrôle idéologique, mais qu’elle persiste un peu quand même, est-ce qu’on peut parler d’autodétermination ? Si j’en reviens à la définition la plus commune, qui est « se déterminer soi-même », je ne peux pas m’empêcher de penser qu’une unique identification sociale prédominante à disposition de l’individu donne tout de même très peu de choix et de voies à l’individu, qui devient alors très prédictible en vertu de son idéologie, comparé à quelqu’un avec de multiples identifications inclusives qui a composé un patchwork d’idées variées, remixées, donc difficilement prédictibles.

Ceci étant dit, cela m’amène à une réflexion plus pragmatique : si on adopte l’idée qu’effectivement un comportement préjudiciable peut être autodéterminé, librement mené, internalisé, qu’est-ce qu’on peut faire alors pour empêcher les escalades vers l’horreur ?

A suivre : Comment empêcher les escalades vers les comportements préjudiciables ? 


Notes de bas de page


Vous pouvez retrouver l’intégralité des sources ici : [AMX] Bibliographie du dossier sur l’autodétermination à faire du mal 

1Kulich, de Lemus, Kosakowska-Berezecka & Lorenzi- Cioldi, 2017 ; McDonald, Fielding, & Louis, 2013, 2014 ; voir aussi Louis, Amiot, Thomas & Blackwood, 2016

2Litz et al., 2009

3Hutter & Crisp, 2005

4Gergen, 2009

5Amiot et al., 2007

7Wohl & Branscombe, 2005

8Shamp (2022)

9Hornsey & Hogg, 2000 ; Staub, 2002

10Wenzel et al., 2007

11Greenaway, Louis, & Wohl, 2012

12par exemple, Greenaway et Louis, 2010

13par exemple, Greenaway et al., 2012; Greenaway, Quinn, & Louis, 2011

14 Gamborg, Jensen et Sandøe, 2018

15Haslam & Loughnan, 2014

16Vaes, Paladino, Castelli,Leyens et Giovanazzi, 2003

17 Stephan & Stephan 1996

18Amiot, Sansfaçon et Louis, 2013

19Kapoor, Kaufman (2023) Creativity and morality

20On en a parlé plus longuement ici : https://www.hacking-social.com/2022/01/31/comment-manipuler-les-elections-laffaire-cambridge-analytica/ . On peut aussi trouver ces informations dans : « Mindfuck », Christopher Wylie ; « L’affaire Cambridge Analytica », Brittany Kaiser.

L’article ♦ [AM5] Pourquoi certains résistent aux normes de groupe prônant la violence sur autrui ? est apparu en premier sur Hacking social.


 

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