16.08.2025 à 14:17
15 août : appel des familles d’otages à la grève générale en Israël.
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Texte intégral (612 mots)
C’est historique. La crise provoquée dans la population judéo-israélienne par la dynamique génocidaire de la guerre contre Gaza voit les familles d’otages appeler à la grève générale contre Netanyahou et son gouvernement, en conjuguant l’exigence de libération des otages – qui n’est pas seulement un sujet vital et horrible pour ces familles, mais qui renvoie à la définition fondatrice d’Israël comme refuge contre l’antisémitisme – et à l’arrêt du massacre et de la famine organisée à Gaza.
Au même moment, le ministre « de la Sécurité nationale », le fasciste Itamar Ben Gvir, est allé se filmer menaçant Marwan Barghouti dans sa cellule, en lui criant que tant qu’il tuerait des femmes et des enfants, lui, Ben Gvir, le combattrait ! En réalité, le ministre fasciste, dopé par Trump et Poutine et enivré par le projet de Netanyahou d’occuper Gaza-ville, a peur de cet homme enfermé qui, dans des conditions démocratiques, serait probablement élu contre le Hamas dans un Etat palestinien !
Histadrout, la centrale syndicale israélienne, sollicitée, a refusé d’appeler à la grève. Ceci n’est pas seulement une attitude d’appareil bureaucratique, mais renvoie à ses liens organiques avec l’Etat israélien. Car justement : si cet Etat est un refuge pour les Juifs, la libération des otages doit passer devant, mais si cet Etat est un mécano colonial destructeur, il n’est plus un refuge. C’est le devenir, c’est la nature de l’Etat qui sont en cause : son statut de refuge et son caractère d’Etat de droit sont liés et exigent la reconnaissance pleine et entière de tous les droits nationaux et démocratiques des Palestiniens (le retour et/ou la prise en compte de la situation des réfugiés, depuis 1947, y compris), son caractère colonial niant l’existence de la nation palestinienne conduit à la destruction de son caractère de refuge pour les juifs. C’est le choix …
Nous reproduisons ci-dessous le communiqué du RAAR, Réseau d’Actions contre l’Antisémitisme et tous les Racismes :
« Le 17 août prochain le forum des familles des otages appelle à une grève générale contre la décision de Netanyahou de conquérir l’ensemble de la bande de Gaza.
Le projet de Netanyahou est une catastrophe supplémentaire annoncée pour la population de Gaza, menacée par de nouveaux dangers mortels. Mais aussi pour les otages encore aux mains du Hamas dans des conditions ignobles.
Au massacre à Gaza, avec son cortège de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, s’ajoute maintenant la famine qui tue notamment des dizaines d’enfants, en raison des obstacles maintenus par le gouvernement israélien à l’entrée massive de l’aide humanitaire nécessaire.
Pour hâter la fin de cette guerre, l’action de la population israélienne est indispensable. Le 17 août peut être un moment important de la mobilisation populaire.
Le RAAR apporte son soutien à la grève générale du 17 août et à l’action du camp de la paix, particulièrement du mouvement Standing Together qui multiplie les actions de protestation et invite au refus de cette guerre injustifiable.
Il appelle l’ensemble des organisations opposées à la guerre en cours à Gaza à la solidarité avec ce mouvement de grève. »
16.08.2025 à 12:09
L’Axe Trump/Poutine contre les peuples européens.
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Lire la suite (483 mots)
Trump et Poutine, de bout en bout aux conditions de Poutine, se sont donc réunis … et n’ont officiellement rien décidé. Les deux bandits ont un problème : ils n’ont ni détruit l’Ukraine, ni asservi l’Europe. En Serbie, la population affronte les nervis de leur « ordre » mondial, en ce moment même.
Trump avait pourtant dit qu’il ferait les gros yeux en cas d’absence d’accord, mais en fait il a été (comme toujours) d’accord avec Poutine pour qu’il n’y ait pas d’accord. Il s’est déclaré « super-content » – content aussi de sa conversation téléphonique, dans l’avion, avec Loukachenko !
Ce non-accord, l’Ukraine est cependant sommée de le respecter ! Comme prévu, Trump déclare que la balle est maintenant chez elle. C’est hélas le cas de le dire : les bombardements s’intensifient. Toutefois, la double pénétration russe sur deux axes, au Nord de Pokrovsk, semble avoir été jugulée : ce n’était pas l’enfoncement russe du front du Donbass mais une opération pour le communiqué à la veille du sommet.
Poutine a menacé l’Ukraine et toute l’Europe en leur disant qu’elles n’ont pas intérêt à perturber le « processus de paix » qui vient de commencer !
Lavrov a joué les décontractés avec un teeshirt affichant CCCP (URSS), alors que dans toute l’Alaska, et pas qu’à Anchorage, des manifestations, massives à l’échelle de cet Etat et bien entendu reliées au mouvement No King contre Trump, se déroulaient contre les deux brigands et pour l’Ukraine.
Plus clairement que jamais, l’Axe Trump/Poutine, entente impérialiste américano-russe, est dirigé contre l’Europe, sous l’œil attentiste mais intéressé de la Chine. C’est là la principale portée politique de ce « sommet » pour qui veut aider la lutte et l’ émancipation de celles et de ceux d’en bas : toute attaque, maintenant, visant à empêcher la mise en mouvement des peuples d’Europe et à battre la résistance ukrainienne, se situe directement dans le cadre de l’Axe réactionnaire mondial des fascistes 2.0 Trump et Poutine.
Anchorage :

15.08.2025 à 18:58
La révolution se cherche en Serbie. Sans aucun doute, les deux gangsters vont en parler ce soir.
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Texte intégral (4962 mots)
Quand Trump et Poutine ont annoncé leur sommet, Netanyahou a annoncé qu’il allait occuper Gaza-ville. Et la nuit précédant le sommet, Vucic, président poutinien (et néanmoins candidat à l’UE) de la Serbie, a fait le choix de l’affrontement.
Nous publions ici « en vrac » vu l’urgence :
1°) les résumés et analyses de nos amis du site Samizdat2, Robert, Karel et Jean-Pierre.
2°) un billet bien senti de Veronika Zorn, intervenante sur les réseaux sociaux.
3°) Un message de l’écrivain serbe Tomislav Markovic communiqué par l’ami Vincent Mespoulet.
1)
Serbie. « Attaque contre l’État ou attaque de l’État contre le peuple » – résumé de la manifestation du 13 aout
le 15 août 202
Publié le 14 août 2025
Hier soir, des manifestations de masse ont eu lieu dans toute la Serbie en réponse à une attaque menée par des militants du SNS (Parti progressiste serbe de Vucic ndt.) contre des citoyens qui avaient manifesté la veille à Vrbas et à Bačka Palanka. Émeutes, violences et poursuites ont éclaté. Le gouvernement dénonce une attaque contre l’État, tandis que les citoyens accusent la police de soutenir le parti au pouvoir.
Le scénario des manifestations dans toutes les villes était le même. Après le rassemblement initial, les citoyens ont défilé devant les comités locaux du Parti progressiste serbe, où les attendaient militants et cordons de police.
Une soirée de violence a suivi. Le ministre de l’Intérieur, Ivica Dačić, a déclaré hier soir qu’il s’agissait d’une attaque contre l’État, contre les citoyens qui ont des opinions politiques différentes des manifestants et contre la police.
« De nombreux citoyens ont été blessés, dont six policiers. Ceux qui se dirigeaient vers les locaux du Parti progressiste serbe, les bloqueurs (étudiants) et les manifestants ont attaqué sans raison les citoyens et la police », a déclaré le ministre Dacic, selon le ministère de l’Intérieur.
Durant la nuit, des voitures ont également été vandalisées près des bureaux du Parti progressiste serbe, notamment des véhicules sans plaques d’immatriculation. On ignore pour l’instant l’auteur des dégâts.
À Novi Sad, les locaux du SNS ont été incendiés, une arme a été saisie
La situation dans cette ville était particulièrement préoccupante tout au long de la soirée. Des tirs pyrotechniques ont eu lieu depuis les locaux du Parti progressiste serbe, des pierres et d’autres objets ont été lancés. Des citoyens ont brisé les vitres des locaux du SNS. À un moment donné, un homme est sorti des lieux avec une arme à feu avec laquelle, selon les citoyens, il aurait tiré en l’air.
La situation à Novi Sad était tendue.
Tard hier soir, Ivica Dačić (ministre de l’intérieur) s’est également exprimé à cette occasion, déclarant que la personne en question était un enseigne (sous-officier) de l’armée serbe et qu’il était prétendument « en mission officielle pour sécuriser une personne protégée ».
« Lors de cette attaque, il y avait un risque de pertes humaines. Un homme qui portait sur lui une arme officielle conformément à la loi, l’adjudant de l’armée serbe Vladimir Brkušanin, a été grièvement blessé. S’il n’avait pas sorti son pistolet officiel et ne l’avait pas utilisé, je suis sûr que lui et tous les autres auraient subi de graves conséquences, voire perdu des vies humaines », a déclaré Dačić dans une interview accordée à « TV Informer ».
On ne sait pas quelle personne protégée est impliquée, mais Dačić a annoncé qu’il tiendrait une nouvelle conférence de presse aujourd’hui.
Le directeur de l’Agence de sécurité militaire, le lieutenant-général Đuro Jovanović, a déclaré aujourd’hui lors d’une conférence que « des membres de l’armée serbe du détachement de police militaire à vocation spéciale Cobra ont été attaqués alors qu’ils accomplissaient leurs tâches et obligations habituelles pour sécuriser une personne. Au cours de l’attaque contre des membres de l’armée, par des inconnus, avec des matraques, des fusées éclairantes et autres engins pyrotechniques, sept membres de l’armée serbe ont été blessés dont quatre souffrent de blessures physiques graves. Lors de cet incident malheureux, des membres de l’armée serbe ont averti à plusieurs reprises le groupe d’attaquants inconnus qu’ils étaient des fonctionnaires autorisés, qu’ils étaient membres de l’armée, mais les attaquants n’ont pas voulu abandonner, ils ont poursuivi leurs attaques », a déclaré Jovanović.
Vučić qui était à Pioneer Park, a annoncé un « nettoyage »
« À 10h15, je me suis retrouvé devant le Parlement, en bordure de Ćacilendi, car ils ont annoncé une attaque. Je suis donc venu ici pour être avec la population », a posté Vučić sur Instagram. Parmi les personnes présentes se trouvaient un grand nombre d’hommes arrivés peu avant dont le frère du président, Andrej Vučić.
Jusqu’à présent, Andrej Vučić n’est jamais apparu de cette manière lors de manifestations, du moins le public n’en était pas averti.
Dans un discours , Vučić a déclaré qu’il y avait eu une attaque bien organisée à Novi Sad, « et quand les manifestants ont rencontré une résistance dans la rue Stražilovska, ils sont retournés sur le campus (de l’Université de Novi Sad) pour récupérer les poteaux », a déclaré Vučić.
« Nous n’avons même jamais envisagé d’envoyer l’armée, et ce n’est pas nécessaire. Il n’y aura pas de guerre civile. Je les invite à s’asseoir et à discuter », a déclaré Vučić, ajoutant : « En ce moment, nous prenons des mesures. Les rues de Belgrade et bientôt de Novi Sad sont débarrassées des voyous. Il n’y aura aucune pitié pour les voyous et les hooligans », a-t-il affirmé.
Les étudiants bloqueurs : le gouvernement voulait provoquer une guerre civile
Les étudiants bloqueurs ont annoncé sur les réseaux sociaux tard hier soir que le gouvernement voulait provoquer une guerre civile avec des conflits la nuit dernière.
« Le régime a depuis longtemps identifié les coupables : les étudiants et les citoyens. Les dirigeants de l’État ne se cachent plus derrière des discours de dialogue ; le président a annoncé une purge. La police a une fois de plus protégé les fidèles du régime qui jetaient des pierres et tiraient des feux d’artifice sur les manifestants. Ils sont même allés à la rencontre de la population avec des armes à feu », ont écrit les étudiants bloqueurs sur Instagram. « Ils ne les laisseront pas continuer à détruire des vies humaines. »

Manifestations en Serbie le 13/8 au soir
Des manifestations sont organisées ce soir dans plus de 20 localités en Serbie, dont cinq à Belgrade seulement, suite à l’attaque perpétrée hier soir contre des citoyens à Vrbas et Bački Petrovac. MASINA est sur place ; suivez-nous sur notre site web et sur les réseaux sociaux pour les dernières informations.
Les étudiants bloqueurs ont appelé tous les citoyens serbes à manifester dès 20 heures, suite aux événements survenus hier à Vrbas, Bačka Palanka et Bački Petrovac. Le début de la manifestation a été marqué par des tensions liées aux contre-manifestations des partisans du Parti progressiste serbe.
20.13
Des rassemblements ont commencé dans toute la Serbie
Des citoyens se rassemblent à divers endroits en Serbie. Le carrefour près de la Faculté de droit de Belgrade est bloqué, tout comme le rond-point près de la municipalité de Novi Beograd.
Après la réunion et un bref blocage du rond-point près de la municipalité de Novi Beograd, les citoyens se sont dirigés vers les locaux du SNS.
Selon nos journalistes sur place, les partisans du SNS se rassemblent également en grand nombre.
20.23
Dragoslav Ljubicic arrêté
Dragoslav Ljubičić, administrateur du syndicat EPS Nezavisnost et secrétaire général du SDS, a été arrêté.
20.29
Contre-manifestations du SNS
Selon N1, des manifestations citoyennes ont lieu ce soir à Gornji Milanovac, Smederevo, Kragujevac et Čačak, et les partisans du Parti progressiste serbe organisent des contre-rassemblements devant les bureaux du parti.
20 h 38
Les émeutes ont commencé.
À Novi Sad, des militants du SNS lancent des engins pyrotechniques sur les habitants devant les bureaux du Parti progressiste serbe. Des tensions persistent également à Belgrade, Čačak et Kraljevo.
Émeutes à Novi Sad.
22h00
Affrontements avec la gendarmerie à Novi Beograd
À Novi Beograd, des affrontements ont eu lieu entre la gendarmerie et des citoyens, dont un journaliste de Mašina. Des gaz lacrymogènes ont été tirés et des conteneurs ont été renversés.
La situation est également tendue dans d’autres quartiers de la ville.
Nouvelle Belgrade
23 h 00
Dacic : « Une attaque horrible contre l’État »
Le ministre de l’Intérieur Ivica Dačić s’est adressé aux citoyens serbes et a déclaré que plusieurs citoyens et policiers avaient été blessés lors des incidents survenus ce soir à travers la Serbie.
« Une attaque horrible a été perpétrée contre l’État et contre les citoyens. De nombreux citoyens et policiers ont été blessés. Les manifestants ont attaqué les policiers et les citoyens sans raison », a déclaré Dačić.
Dačić a ajouté que la police a sauvé la vie des citoyens et la leur ce soir, et il les a félicités « pour tout ce qu’ils font pour préserver l’ordre public et la paix ».
Le ministre a appelé tout le monde à se retirer des rues.
Des gaz lacrymogènes ont été lancés à New Belgrade.
23 h 16
VJT : « La violence dans les rues de la capitale ne doit pas rester impunie »
Le Parquet supérieur de Belgrade (VJP) a ordonné à la police d’identifier toutes les personnes qui ont attaqué les policiers qui sécurisaient des rassemblements de citoyens non enregistrés dans la capitale ce soir.
« Les personnes qui ont fait usage de la force contre des policiers seront poursuivies pour l’infraction pénale de comportement violent lors d’un événement sportif ou d’un rassemblement public en vertu de l’article 344a du Code pénal », a déclaré le VJP dans un communiqué.
Le Parquet supérieur de Belgrade réitère une fois de plus que la violence dans les rues de la capitale ne doit pas rester impunie, surtout lorsqu’elle est commise contre les autorités chargées de garantir l’ordre public et la paix.
La gendarmerie s’en prend aux citoyens.
23 h 24
La gendarmerie frappe des citoyens dans le centre-ville de Belgrade, une personne arrêtée
Des membres de la gendarmerie interviennent dans le centre-ville et frappent les citoyens à coups de matraque.
Selon nos informations, un jeune homme a été interpellé et blessé.
Arrestation dans le centre de Belgrade.
23 h 37
Allégations concernant des armes à feu à Novi Sad
Comme l’ont raconté les habitants de Novi Sad à N1, dans cette ville, un militant du SNS (parti progressiste serbe de Vucic) aurait pointé une arme sur les citoyens et tiré un coup de feu en l’air.
Plusieurs citoyens ont été blessés lors d’affrontements avec des membres du SNS.
Rédaction de Masina traduction Google revue pour Réseau Bastille.
2) Le billet de Veronika Zorn :
Il y a un immense moment de gauche actuellement sur le continent européen et hélas un moment qui n’intéresse pas du tout les démocraties européennes, ni chez nos dirigeants qui reçoivent le président nationaliste, pro-russe et corrompu Aleksandar Vučić, comme l’a fait Emmanuel Macron, ni même et c’est presque plus grave, dans les partis de gauche.
Car oui, une révolution a lieu en Serbie depuis des mois, tellement féconde en leçons d’organisation autonome, menée par les étudiants, mais riche du soutien d’une grande partie de la population, et la répression s’intensifie aujourd’hui, car le pouvoir se sent pousser des ailes en raison de toutes nos lâchetés qui se comptent en argent des mines de lithium et en contrats d’armement.
Les fascistes flairent toujours le moment propice pour eux. Comme Netanyahou a annoncé son intention d’envahir Gaza juste avant le sommet Trump-Poutine, afin que son action soit au moins tacitement reconnue par les deux fascismes voraces qui se partagent leur sphère d’influence en Alaska sous couvert de discuter de la paix en Ukraine (l’Europe pour Poutine, le Moyen-Orient pour Trump), ainsi Vučić a aussi compris qu’il avait les mains libres.
Le scénario est limpide, sauf pour notre gauche qui s’aveugle. Répression en Serbie et déstabilisation de la Bosnie qui bouillonne. Les Serbes de Bosnie alignent les provocations, aiguillonnés et soutenus par Orban, dont le patron moscovite lui a donné pour mission de semer le chaos chez ses voisins. Le risque de reprise d’une guerre dans les Balkans est réel, ce qui entraînerait immanquablement les voisins serbes et croates dans le conflit et renforcerait les tendances réactionnaires qui pourrissent les deux pays, dont les nationalismes sont toujours vivaces.
Donc rien de la part de la gauche européenne : pas un soutien, pas une alerte. Même pour les chantres de la lutte contre la haine anti-musulmane, qui devraient pourtant s’intéresser de très près à cette question, alors que la Bosnie contient la seule communauté musulmane autonome avec une représentation politique en Europe (l’Albanie a accepté la vassalisation à Meloni et le Kosovo est tenu par les États-Unis), dont l’équilibre est crucial, car le pays fait partie, comme la Syrie, des terres de djihad dans l’imaginaire takfiriste.
Un embrasement des Balkans serait l’événement rêvé pour les chantres de la suprématie chrétienne, afin de justifier et d’intensifier des politiques islamophobes. Mais encore une fois, rien : l’hypocrisie totale, la bêtise et l’aveuglement volontaire devant l’effet domino qui menace de se mettre en branle avec le démembrement de l’Ukraine.
3) Le message de Tomislav Markovic :
[Tomislav Marković, né en 1976, vit et travaille à Belgrade. Il écrit notamment de la poésie, de la prose et des essais, et a notamment publié Vreme smrti i razonode (2009) et un recueil de poésie, Čovek zeva posle rata (2014). Des traductions de ses textes ont été publiées dans plusieurs langues dont l’albanais, le slovène, l’anglais et le hongrois. Il est auteur de la maison d’édition Partizanska knjiga depuis 2016.]
Tomislav Marković : La guerre est revenue à la maison
L’ancien président de la Serbie, Aleksandar Vučić, a laissé tomber ses gants et renoué avec son radicalisme originel. Le mécontentement populaire persiste depuis novembre dernier. Même les mois d’été, pourtant calmes, n’ont pas apaisé la colère générale contre le régime progressiste criminel. La cote du Parti progressiste serbe est en baisse. Un climat s’est créé qui envoie clairement à Vučić le message qu’il est une antiquité. Ses actions contre les étudiants et les citoyens rebelles non seulement n’ont pas porté leurs fruits, mais n’ont fait qu’intensifier la résistance générale. En bref, Vučić et les bandits progressistes ont expiré. Nous les avons trop longtemps tolérés. Il est temps qu’ils quittent la scène politique et se retrouvent là où ils doivent être : en détention, purgeant de lourdes peines de prison.
Vučić et ses militants progressistes n’ont jamais reculé devant la violence, mais ces derniers jours, ils ont radicalement augmenté leur niveau de violence, tentant de provoquer des conflits civils, voire la guerre. Une telle évolution est tout à fait logique : les radicaux ne connaissent pas d’autres méthodes d’action politique que la violence, qui est leur essence même depuis leur apparition au début des années 1990.
La phalange de Vučić
Des images de violence brutale et flagrante ont inondé les médias et les réseaux sociaux. Des groupes « progressistes » sillonnent la Serbie et attaquent les manifestants – à Bački Petrovac, Bačka Palanka, Vrbas, Novi Sad, Belgrade… Des hommes masqués, musclés et tatoués, la plupart le visage couvert, armés de couteaux, de pieds-de-biche, de matraques en bois à pointes métalliques, de pierres, d’engins pyrotechniques, de bouteilles d’eau et d’œufs congelés, et de divers autres objets contondants pour fracasser les têtes – ils se disposent là où leur chef leur ordonne de le faire et attaquent les manifestants pacifiques.
Les phalanges de Vučić se rassemblent dans les locaux du SNS, d’où ils tirent des engins pyrotechniques dangereux sur les manifestations de citoyens rebelles. Ils se positionnent également dans la rue, stratégiquement, à proximité des manifestations, et de là, ils bombardent les citoyens, parmi lesquels se trouvent de nombreuses femmes et des enfants mineurs, de tirs de mortiers, de jets de bouteilles, de pierres, de clés anglaises et de divers objets métalliques. Ils poursuivent les manifestants dans les rues et les frappent.
À Bački Petrovac, des hordes de voyous ont attaqué les organisateurs d’une exposition sur les manifestations. À Novi Sad, plusieurs centaines de voyous « progressistes » ont peint les façades des immeubles du drapeau tricolore serbe et ont frappé les habitants qui protestaient contre la dégradation de leurs immeubles. À Vrbas, ils ont bombardé les manifestants de projectiles préparés à l’avance, principalement des bouteilles congelées et autres objets similaires, qu’ils avaient préalablement préparés et conservés dans un camion frigorifique garé près des locaux du parti. À Novi Sad, ils ont tiré sur les manifestants avec des engins pyrotechniques interdits et les ont agressés à plusieurs reprises. Et ainsi de suite.
Troupes SA avancées
L’armée personnelle de Vučić, composée de soi-disant « loyalistes », est en réalité la lie de la société serbe, une bande de bashi-bozuk rassemblés autour du Parti radical serbe depuis des décennies. Dans les années 1990, ils se sont engagés dans des formations paramilitaires et sont allés en Croatie et en Bosnie pour massacrer et piller. Aujourd’hui, ils s’en prennent physiquement à leur propre peuple. Ils n’ont pas encore commencé à utiliser des snipers, comme leurs prédécesseurs, mais l’un d’eux a sorti une arme et a ouvert le feu devant les bureaux du parti à Novi Sad.
Les phalanges hooliganes de Vučić sont composées de criminels de toutes sortes : trafiquants de drogue, voyous, meurtriers ayant purgé leur peine, usuriers, délinquants, brutes, individus suspects qui ont trouvé refuge au sein du parti au pouvoir, c’est-à-dire dans leur environnement naturel. Les citoyens en ont reconnu beaucoup sur les réseaux sociaux ; il s’agit le plus souvent de personnes issues du milieu criminel. Des responsables du parti sont parfois présents à leurs côtés, ce qui peut paraître étrange à première vue, mais est en réalité logique. Les cadres « progressistes » sont par vocation des voyous, des racailles, et c’est précisément à cause de leurs traits sociopathes qu’ils se sont retrouvés dans l’administration publique et au sein du parti.
Vučić a créé sa propre version des troupes SA, la Sturmabteilung, les divisions d’assaut. Tout comme les premières phalanges SA frappaient les opposants aux nazis dans les rues des villes allemandes, et parfois les tuaient, les successeurs actuels de la Sturmabteilung traquent et tabassent les opposants aux progressistes dans les rues des villes serbes. Autrement dit, Vučić est revenu à son radicalisme d’origine et suit les modèles de sa jeunesse criminelle. N’oublions jamais qu’il était un haut responsable du Parti radical serbe criminel, l’adjudant de Šešelj, qu’il a visité les positions serbes pendant le siège de Sarajevo, qu’il a menacé de tuer cent musulmans pour un Serbe, qu’il a participé à la persécution et à la déportation des Croates de Serbie, ainsi qu’à la saisie de leurs biens.
La police au service des criminels
Tandis que les unités d’assaut « progressistes » saccagent et blessent les citoyens rebelles, la police et la gendarmerie observent la scène avec calme. Non seulement elles ne font rien pour protéger les personnes attaquées des criminels, mais elles subissent elles-mêmes la violence des paramilitaires « progressistes ». À Vrbas, on a pu assister à des scènes étranges : les troupes d’assaut de Vučić tirent sur les policiers et les gendarmes avec divers projectiles, et ces derniers encaissent calmement les coups, bien qu’ils soient en tenue anti-émeute complète et obligés de se défendre et de défendre les autres.
La police travaille en étroite collaboration avec les paramilitaires du parti et les protège lorsqu’ils se rassemblent dans les locaux du parti. Les gendarmes encerclent la zone pour empêcher les manifestants d’approcher. Tandis que les phalangistes frappent les citoyens, la police fait semblant d’être muette, puis arrête ceux qui ont été agressés et battus, et laisse les violents tranquilles. Il ne lui vient jamais à l’esprit de poursuivre les émeutiers et les casseurs. La Sturmabteilung de Vučić est au-dessus des lois, plus puissante que la police ; les criminels du parti sont sous la protection spéciale des soi-disant forces de l’ordre. En réalité, la police n’existe plus en Serbie ; il s’agit d’un groupe armé en uniforme qui ne protège ni les lois, ni l’ordre, ni la vie ni les biens des citoyens, mais fonctionne exclusivement comme la police du parti, défendant la bande de bandits qui a usurpé le pouvoir et l’État.
C’est tellement bizarre qu’il faut l’expliquer aux enfants d’âge préscolaire. Dans chaque communauté, il y a des individus sociopathes, des meurtriers potentiels, des voleurs et des bandits. C’est pourquoi la communauté s’organise, collecte des fonds et emploie un groupe de personnes pour défendre les autres contre ces maniaques. Ce groupe s’appelle la police. Or, en Serbie, ce groupe, financé par les citoyens, ne protège absolument pas les citoyens, ne fait pas son travail, mais travaille pour les criminels, et la plupart des policiers le font gratuitement. Voilà où nous en sommes après deux siècles de tentatives pour créer un État. Après tout, l’État n’est peut-être pas fait pour tout le monde.
Des décennies de mal et de méfaits
Le gang qui a déclenché quatre guerres dans les années 1990, sévi dans le quartier, commis de nombreux crimes de guerre, détruit tout ce qui lui tombait sous la main, semé le malheur de millions de personnes et bâti sa carrière sur ce sujet, veut maintenant lancer une opération similaire sur son territoire. Ne pouvant plus exporter la guerre hors des frontières de la Serbie, les radicaux de tous bords veulent écraser un peu leur propre peuple. Ils ont déjà écrasé tout le monde et sont désormais hors de leur portée. L’opinion publique semble quelque peu décontenancée, ce qui est d’ailleurs étrange. Des fauteurs de guerre et des criminels de guerre provoquent le déclenchement d’une guerre civile, ce qui est logique, le mot lui-même est éloquent, il n’y a pas de quoi s’étonner.
Toutes les horreurs qui frappent la Serbie ces derniers temps sont la conséquence d’un passé non surmonté, de mensonges, de malveillance, d’aveuglements, de notre incapacité à affronter nos propres crimes et à sortir du cercle vicieux du mal et de la perversité dans lequel nous sommes tombés après la Huitième Session. Depuis près de quatre décennies, nous nourrissons et nourrissons des criminels de guerre, des profiteurs, des instigateurs, étouffés par une frénésie nationaliste, laissant les pires racailles et criminels nous piéger.
Depuis des décennies, la majorité de la population vote pour divers radicaux, progressistes, populistes et autres dérives d’une idéologie inhumaine et sanguinaire. Cette troupe de bandits a occupé toutes les institutions serbes pendant des décennies, a tué notre Premier ministre Zoran Djindjic, qui tentait de changer les choses, et nous a replongés dans l’obscurité totale après une brève période d’espoir. Les forces dites démocratiques ont relativisé le passé, refusé d’affronter les crimes, cohabité, fait des déclarations de réconciliation avec les socialistes et nous ont tous ridiculisés.
Les conséquences des péchés oubliés
Les profiteurs de guerre n’ont jamais été privés de leurs biens pillés, les criminels politiques n’ont pas été épurés, la « loi de lustration » (d’épuration) n’a jamais été appliquée, et le SPS et le SRS n’ont pas été interdits, grâce à Koštunica, un homme qui a assuré la continuité de l’ère et du régime Milošević. Tout cela n’est que la conséquence de ces péchés anciens, pour la plupart oubliés.
La grande majorité agit comme une folle, nie le génocide de Srebrenica, n’a jamais entendu dire que Sarajevo était assiégée, n’a aucune idée que la moitié des Albanais du Kosovo ont été expulsés du Kosovo, ne sait rien des camions frigorifiques, n’a aucune idée des fosses communes, ne se soucie pas des camps de concentration, des villages brûlés, des villes détruites ou des années de massacres et d’oppression de nos voisins les plus proches.
Et maintenant, toute cette dissimulation du mal, ces accords avec les criminels, cette tolérance envers le pire du monde, ont pris fin. Le sang coule désormais dans les villes serbes, et non plus en Croatie, en Bosnie et au Kosovo. La guerre revient. Elle est ramenée par les mêmes criminels, parce qu’ils sont restés impunis, parce qu’ils ont été récompensés pour leurs crimes par cette société brisée.
15.08.2025 à 13:14
Face au sommet des brigands, le communiqué de la honte de J.L. Mélenchon.
aplutsoc2
Texte intégral (2066 mots)
Le billet de blog de Jean-Luc Mélenchon du 14 août 2025 sur le sommet Trump/Poutine du lendemain en Alaska est un modèle de crapulerie, de mensonge et d’ignorance crasse, et mérite à ce titre un petit commentaire, porteur de leçon politique.
D’aucuns auraient encore, peut-être, pu imaginer que J.L. Mélenchon allait dénoncer ce sommet de brigands et aurait appelé à les combattre du point de vue des peuples, ukrainien et palestinien notamment, comme le dit le clair communiqué des autochtones Inuits et Aléoutes d’Alaska. Impossible de faire sérieusement croire que c’est ce qu’il fait là. Pour lui si ce sommet inaugure un monde « cruel », c’est bien mérité pour « l’Europe » et il va falloir que « la France », sous sa direction comme chacun sait, prenne toute sa place dans cette cruauté : tel est son programme.
Ignorance crasse, mensonge et crapulerie se concentrent notamment dans la phrase suivante :
« Les dirigeants de l’Union européenne ont accepté le scénario conclu en 2008 à Budapest en faveur de l’annexion par l’OTAN de l’Ukraine et de la Géorgie, véritable déclaration de guerre à la Russie. »
Mensonge : comme l’écrit un camarade qui était alors journaliste ukrainien, « à son avis, qu’est-ce qu’il s’est passé en 2008 au juste ? Pour moi, c’est l’un des points les plus délirants des campistes, parce qu’il se trouve que je couvrais le sommet en tant que journaliste à l’époque, et je me souviens de la plus noire dépression chez les « euroatlantistes » qui m’entouraient. Pendant des mois entiers, ils avaient espéré qu’on leur octroierait un « plan d’actions pour l’adhésion » à l’OTAN, au lieu de quoi on leur a dit un truc gentil genre « oui, il faut absolument qu’on se revoit un de ces jours, peut-être un café après les vacances de Noël ? Je suis débordé en ce moment, et plus tard on déménage à l’étranger, mais tu as raison on doit bien sûr boire un coup éventuellement ». Après quoi, j’ai haussé les épaules, n’étant pas vraiment fan de l’OTAN, et tout le monde est passé à autre chose. »
Lors de ce sommet de l’OTAN, c’est en fait la demande d’adhésion de la Géorgie et celle de l’Ukraine qui ont été ajournées à la Saint-Glinglin. Le mensonge s’élève au niveau de la crapulerie quand Mélenchon écrit « annexion par l’OTAN » : exactement le langage de Poutine and co !
L’ignorance crasse du politicien gaulois borné qui mélange les capitales européennes apparaît, elle, dans sa localisation à « Budapest » (Hongrie), alors que ce sommet de l’OTAN s’est tenu à Bucarest (Roumanie). Y aurait-il là un écho inconscient du mémorandum de Budapest, ce traité international toujours passé sous silence par les menteurs qui prétendent que l’OTAN avait et a pour rôle d’ « annexer » l’Europe orientale, traité par lequel l’Ukraine a cédé son arsenal nucléaire, alors le troisième du monde, à la Russie, sur injonction de l’OTAN et de l’UE confortant la Russie, avec en échange la solennelle garantie de ses frontières ? C’était en 1994 …
Mélenchon poursuit en assenant que Poutine a « gagné la guerre » – c’est clair, c’est là la méthode Coué performative pour que la réalité se conforme à son souhait le plus profond :
« Poutine a gagné la guerre parce que l’Ukraine ne peut la gagner sans un engagement des USA d’une ampleur qui n’est plus à l’ordre du jour. Pour cause de Chine. Les USA ne peuvent donc pas se tirer d’affaires en vainqueurs. Ils devront accepter qu’une nouvelle carte de l’Europe soit dessinée. »
Admirons à nouveau le mensonge sans doute mêlé d’ignorance de cette dernière phrase : les USA seraient soi-disant contraints d’accepter une nouvelle carte de l’Europe, alors que Trump et Vance l’appellent de leurs vœux ! Hé oui, Mélenchon comme tous les campistes poutinien fait aussi le jeu de l’impérialisme américain à l’âge de l’Axe Trump/Poutine !
Poursuivons :
« Pour finir, l’Europe politique y aura donc laissé sa peau. Elle a prouvé qu’elle n’existe pas et n’en a ni la volonté ni les moyens. Plus que jamais ce sera l’Europe allemande. C’est-à-dire le néant. »
Là encore, larmes de crocodiles : qu’il n’y ait aucune forme d’union des peuples européens contre Trump et Poutine est le combat actuel d’un Mélenchon. Une telle union suppose d’autres gouvernements, des gouvernements démocratiques, et se fera nécessairement avec l’Allemagne. Assimiler l’Allemagne au « néant » revient à vouloir – avec Trump et avec Poutine – que l’Europe soit le « néant ».
Après l’Europe comme ennemi, Mélenchon concentre son tir contre l’Ukraine, qui pour lui a perdu, doit avoir perdu :
« Mais surtout parce que son système politique tient à un fil. Tout concourt à l’effondrement : avoir interdit les syndicats et les partis d’opposition, avoir maintenu Zelenski en place alors que son mandat présidentiel est fini, avoir tenté de sauver les corrompus qui pillent l’effort de guerre, les désertions massives, tout cela a brisé le lien unissant le système Zelenski à son peuple en guerre. »
Mensonge, ignorance crasse et crapulerie là encore : au moment même ou ces lignes infâmes sont publiées, et où les perroquets répètent les mensonges du Chef, tel Aurélien Taché , sur les « syndicats interdits », les camarades de « Soyons comme nous sommes » (1), l’association syndicale des personnels de santé menée notamment par des femmes, tenaient leur conférence à Odessa malgré les bombes russes – photo ci-dessous d’une réunion précédente de ce mouvement, communiquée par le camarade Patrick Le Tréhondat, du RESU. Les syndicats existent et combattent en Ukraine et aucun parti politique n’est interdit – les clientèles liées à la Russie n’étaient aps des partis.
Au RESU, nous sommes en contact avec les syndicalistes, les étudiants et les féministes d’Ukraine qui mènent la lutte ET contre l’invasion ET contre la corruption et viennent de réaliser la « révolution des pancartes » qui a bloqué Zelensky à propos de la corruption. Nous sommes, nous, avec eux, parce qu’avec eux nous sommes contre l’invasion !
Se joignant à Poutine, aidant Poutine à faire reprendre son exigence colonialiste par les Etats-Unis, Mélenchon veut la peau de Zelensky (qu’il orthographie Zelenski, à la russe !) :
« Le départ de Zelenski est la condition de l’accord. Tout simplement parce que son mandat est fini et que je ne crois pas la Russie capable de signer quoique ce soit avec quelqu’un bientôt remplacé par un autre qui pourrait tout remettre en cause. »
Non seulement il exige le départ de Zelensky et veut des « élections » sous influence, mais il appelle de ses vœux le déplacement des frontières européennes au profit de la Russie, en accord avec Trump et Vance, tout en signalant au passage à quel point les revendications des nationalités européennes lui sont odieuses, et ce n’est pas nouveau :
« Je note pour mémoire à cette occasion : sur cette base les appétits de bouts d’Ukraine en Pologne et en Hongrie seront rallumés. Dès lors, d’une façon ou d’une autre, la question des frontières va revenir plus forte que jamais. Nous avions proposé une conférence des frontières sous l’égide de l’OSCE en 2016. On me fit le procès stupide de m’accuser de vouloir les changer. J’argumentais qu’elles le feraient sans nous. Et que mieux valait prendre les devants en organisant la discussion que de subir les guerres que ce genre de situation déclenche. On a vu depuis comment l’Ecosse, la Catalogne, la Flandre aujourd’hui belge ont posé un problème. »
Aucun procès ici : Mélenchon confirme que sa position sur les frontières en Europe a toujours été celle de Poutine. Elle est aujourd’hui partagée à Washington.
La place politique qu’assume ici J.L. Mélenchon est celle du digne héritier de ceux qui, en 1956 appelaient à écraser Budapest sous les chars et qui faisaient de même en 1968 contre Prague : stalinisme. Mais cette place, il entend l’assumer au compte du dérisoire impérialisme français :
« Un gouvernement insoumis aura les mains libres pour engager tout autre chose, tout autrement pour que la France puisse déployer son offre de non-alignement altermondialiste. Une tout autre Europe peut être en vue. »
Une Europe aux frontières remodelées par Trump, Vance et Poutine, traitant en prime l’Allemagne de « néant » : dans la vassalisation de l’Europe menée par l’Axe Trump/Poutine, Mélenchon prétend ménager la place de la France, qui serait « non-alignée », ce qui veut dire aujourd’hui : ni contre Poutine, ni contre Trump.
Tout ce billet de J.L. Mélenchon est une trahison consciente du programme du Nouveau Front Populaire sur l’Ukraine et pour une politique étrangère démocratique. Mais il créé en même temps les conditions pour n’être jamais en position de pouvoir pour appliquer ce petit programme de sous-impérialisme en talonnette : cette France « insoumise » et « non-alignée » dans le monde « cruel » et « multipolaire » des Trump et des Poutine serait, beaucoup plus efficacement du point de vue impérialiste français, dirigée par l’union des droites Retailleau/Bardella/Le Pen !
La leçon politique à en tirer en France ?
Que l’unité contre le budget Bayrou, la V° République et l’union des droites, doit se faire et se fera, et qu’elle doit se faire en battant politiquement le principal obstacle, et donc le principal atout du pouvoir en place, qu’est aujourd’hui la direction de LFI avec J.L. Mélenchon au premier chef. Elle se fera, et nous mettrons LFI dans l’unité, parce que dans la défensive se développant en offensive sociale à laquelle elles vont être acculées, les larges masses auront besoin d’unité et de démocratie, et sentent et sentiront instinctivement que le soutien de Mélenchon à Poutine, lié à son autoritarisme, est devenu un obstacle pour se défendre et pour aller de l’avant.
VP.
(1) une autre fois, nous parlerons des délicates questions de traduction de ce sigle !

La conférence syndicale des infirmières le 15 août 2025 à Odessa :

15.08.2025 à 10:45
Discussion à propos de la Russie.
aplutsoc2
Texte intégral (4453 mots)
Dans le présent article, je discute les positions d’un secteur de l’opposition russe de gauche qui me semble être ce qui, en Russie et dans l’émigration, est le plus proche des idées convenues qui, souvent, en « Occident » ou dans « le Sud », dominent au sein de l’« extrême-gauche » ou de la « gauche radicale » (les formules géopolitiques globalisantes telle que « l’Occident » ou « le Sud » font d’ailleurs partie de ces représentations idéologiques communes).
Le premier article, d’Alexeï Sakhnine et Liza Smirnova, intitulé Les gauches et l’opposition anti-Poutine, tente d’expliquer la propre faiblesse de leur courant et de dessiner, sinon une stratégie, du moins une orientation. Il est paru en français sur le site de LFI, l’Insoumission, le 5 juillet, et en russe (sans doute sa version originale) sur le site oppositionnel russe Рабкор (« correspondances ouvrières »). Ce site a été fondé et longtemps animé par Boris Kagarlitsky, qui est actuellement un détenu politique dont la libération doit être exigée, comme tous les autres prisonniers politiques, inconditionnellement.
Le second article porte justement la signature de B. Kagarlitsky et contient des éléments d’analyse économique que l’on rencontre souvent chez lui, et il est cosigné avec Alexeï Sakhnine – c’est en soi un évènement qu’un article soit cosigné par un actuel prisonnier politique en Russie, Kagarlitsky, et par un émigré, Sakhnine. Il est paru dans Le Monde Diplomatique d’août 2025 sous le titre L’éventualité d’une détente avec Washington divise les élites russes. Pourquoi M. Poutine est-il inflexible ? Nous le reproduisons ci-dessous.
Les deux articles couvrent donc des questions différentes mais s’éclairent l’un par l’autre car ils se recoupent non seulement dans leurs conceptions fondamentales mais dans la ligne politique qu’ils dessinent.
Présentons rapidement les auteurs. Boris Kagarlitsky est une figure historique de l’opposition de gauche se définissant comme socialiste et révolutionnaire, à la fin de l’URSS puis en Russie, connu en Occident par des traductions de ses ouvrages sur le capitalisme mondialisé ou l’intelligentsia russe. Alexeï Sakhnine et Liza Smirnova furent deux des trois opposants russes (le troisième est Andreï Rudoï) qui ont pu quitter la Russie pour la France en octobre 2022 où ils ont été accueillis par J.L. Mélenchon qui les présente comme ses amis politiques russes, voire comme sa caution anti-Poutine (« vous voyez bien que j’ai des amis russes anti-Poutine »).
Concernant l’Ukraine, tant Kagarlitsky que Sakhnine ont soutenu l’occupation de la Crimée et l’agression russe dans le Donbass en 2014. En février 2022 et depuis, ils se sont opposés à l’ « opération militaire spéciale » d’invasion de toute l’Ukraine – à la différence du dirigeant du « Front populaire russe », Sergueï Oudaltsov, qui cesse à ce moment-là d’être présenté comme l’ « ami de Mélenchon » en Russie. L’arrestation de B. Kagarlitsky fin 2023 eut lieu en même temps que celle d’Igor Girkin, criminel de guerre et personnage clef de l’occupation d’une partie du Donbass en 2014, idole d’une partie de la droite national-tsariste, et que Kagarlitsky soutenait depuis 2014 « depuis la gauche ». Ce dernier fut ensuite libéré puis arrêté à nouveau.
* * *
Sakhnine et Smirnova constatent leur propre faiblesse, en tant que courant politique, en Russie : « Avant la guerre, la gauche anticapitaliste en Russie n’a pas réussi à s’organiser en une force politique autonome. » Outre l’apathie attribuée aux masses russes et la répression, l’explication qu’ils avancent de ce fait est que cette dite « gauche anticapitaliste » s’alignait soit derrière le KPRF, le PC russe qui est en fait une composante du pouvoir poutinien (eux écrivent que sa direction était – mais on devrait dire « est » – « profondément imbriquée » avec le pouvoir), soit derrière l’opposition libérale dont la figure la plus connue était Alexeï Navalny, ce qui, selon eux, « repoussait la majorité pauvre » et sapait l’identité politique de la « gauche anticapitaliste ».
Pourtant, Navalny est devenu très populaire, conviennent-ils, quand il a abordé via la corruption les questions de justice sociale : ils parlent, entre guillemets, d’un « virage à gauche » de celui-ci, mais n’envisagent pas pour autant que la « gauche anticapitaliste » puisse ou eut pu s’engager dans une opposition radicale à Poutine sur le plan de la démocratie.
Depuis le 24 février 2022, l’opposition n’aurait selon eux pas dépassé cette « classe moyenne » libérale qui serait un repoussoir pour les larges masses car elle évoque pour elles le terrible accroissement des inégalités des années 1990, la répression faisant le reste. Ni le Mouvement Féministe Antiguerre, ni les anarchistes, ni les nationalités non russes opprimées dans la Fédération de Russie (qui n’a de fédérale que le nom), ni les luttes syndicales, ni bien sûr les combattants clandestins liés à l’Ukraine, ne sont mentionnés.
Pourtant, le mécontentement est là, disent-ils : malgré la pression conformiste les sondages le disent, et le fait qu’après une période de hausse des salaires (affirmation discutable qui demanderait à être examinée en détail en distinguant régions et branches économiques), voire de « keynésianisme militaire » (affirmation plus discutable encore …), les salaires réels reculent à présent, ce qui produira des luttes.
A juste titre, les nombreux déserteurs et le mécontentement parmi les soldats sont signalés comme autant de foyers possibles de luttes sociales et politiques, mais l’opposition libérale émigrée est accusée de ne voir dans les anciens soldats que des délinquants dangereux (ceci aussi demanderait à être discuté car le danger physique et social, notamment à l’encontre des femmes, représenté par les soldats de retour, est un énorme problème bien réel).
De fait, plus que Poutine, la cible de cet article est l’émigration russe anti-guerre, critiquée dans le prolongement de la dénonciation de l’opposition libérale d’avant 2022, et avec elle tous les opposants à Poutine se situant sur le terrain de la démocratie et de la défense des libertés. Voici un passage clef :
« La veuve de Navalny souligne que l’opposition comptait auparavant sur le soutien de l’administration américaine, mais qu’elle espère désormais l’aide de l’Union européenne. Cela s’inscrit parfaitement dans le discours des autorités russes, qui dépeint l’opposition comme un élément de la machine militaro-politique d’un ennemi extérieur. La position actuelle de l’opposition libérale confirme ce constat et incite les Russes à s’unir autour du gouvernement actuel. »
Les auteurs réalisent-ils qu’ici, ils justifient la position de Poutine contre l’opposition libérale émigrée en expliquant qu’en effet, cette opposition est alignée sur « l’Occident », OTAN puis (car Trump est là, bien qu’ils n’en parlent pas), Union Européenne ?
De fait, leur attaque contre l’opposition libérale est identique dans ses termes à celle du régime poutinien, et motive leur position d’hostilité à toute unité pour la défense des libertés démocratiques contre ce régime – les termes « démocratie », « liberté », « libertés démocratiques », sont d’ailleurs totalement absents de leur vocabulaire politique et n’apparaissent que lorsqu’il s’agit d’attaquer les « libéraux » vendus à « l’Occident » et tout opposant de gauche qui serait tenté de réaliser un front unique démocratique avec eux.
Tous mis dans le même sac alors que leurs positions sont beaucoup plus diverses et nuancées, les opposants démocratiques et « libéraux » sont fondamentalement accusés de s’être alignés sur les « autorités ukrainiennes et leurs alliés occidentaux ». Les positions ainsi dénoncées sont les suivantes : « retour aux frontières de 1991, démantèlement du régime en Russie par les forces des vainqueurs et de leurs alliés, et paiement de réparations par chaque Russe. »
En creux, nous voyons donc ici que pour cette « gauche anticapitaliste » russe autoproclamée à l’ombre de LFI en France, les frontières ukrainiennes ne sont pas légitimes, et la chute de Poutine en combinaison avec une défaite militaire de celui-ci en Ukraine n’est pas, n’a jamais été, une option. Quant à l’argument selon lequel les réparations devraient être payées par « chaque Russe », il sert à faire peur dans les chaumières et fait fi des textes et propositions nombreux de militants de gauche ukrainiens – et russes – visant à faire payer les oligarques et seulement eux.
Sur le site Рабкор, cet article est illustré d’un montage mettant en vis-à-vis, en opposition, la figure de Lénine et celle de Navalny :

Forte symbolique, dont on ne sait si elle est involontaire ou assumée : l’ennemi apparent n’est pas Poutine, mais sa victime la plus célèbre, mis en opposition avec Lénine. Lénine, pourtant, avait affirmé une orientation politique contre le pouvoir russe dans la guerre, avec la plupart des opposants dès 1904 dans la guerre russo-japonaise, et quasi seul en 1914 : le défaitisme révolutionnaire. De même qu’ils excluent tout combat mettant en avant les mots d’ordre de défense de la démocratie et des libertés, qui pourraient produire à leurs yeux des alliances impures, de même Sakhnine et Smirnova excluent tout défaitisme révolutionnaire envers l’Ukraine. Ils ne parlent d’ailleurs jamais d’invasion de l’Ukraine, mais d’une « guerre en Ukraine » ou d’une guerre menée par « l’Occident » contre la Russie – comme Poutine là encore.
La dernière partie de l’article de Sakhnine et Smirnova est intitulée « Stratégie » : à l’encontre de toute unité pour la défense des libertés et de tout défaitisme pro-ukrainien, c’est une orientation « pacifiste » qui est mise en avant. On s’en fout, expliquent-ils, que ce soit la Russie ou que ce soit « l’Occident » qui gagne la guerre : dans ce propos, l’Ukraine a disparu !
Sourds à toute explication à ce sujet (car ils n’ont pas manqué d’en entendre) nos auteurs sont comme des social-patriotes français qui, en 1956, se disaient indifférents au fait que la France ou le peuple algérien gagne la guerre car seule « la paix » comptait, ou comme certains démocrates libéraux pacifistes américains disant la même chose un peu plus tard à propos du Vietnam …
Trump apparait, et n’apparait que, dans la péroraison finale sur la nécessité de sortir la « gauche russe » des « salles où se réunit le parti occidental de la guerre » pour mener la prétendue lutte anti-guerre « contre l’extrême-droite » (qui elle aussi apparaît là, et pas quand il était question de Poutine) dans le monde en général. Trump est pourtant le meilleur collaborateur de Poutine contre l’Ukraine : ce fait fondamental, qui ne cadre pas avec la vision du monde simpliste qui sous-tend cette fausse « stratégie », est donc ignoré.
Les « Ukrainiens » apparaissent pourtant au passage, faisant l’objet d’un appel à se rassembler avec les Russes « contre la guerre » (un tel appel, en Ukraine, reviendrait à appeler à collaborer avec l’occupant). Tel serait le but de la campagne « La paix par en bas » qui a organisé un forum à Cologne fin 2024. Quelques dizaines de manifestants à Cologne, Paris et Berlin, sous le parrainage de la néo-poutinienne dirigeante de LFI Sophia Chikirou, le gros des participants fournis par le POI français, et un courant anarchiste appelant à ce que tous les soldats du monde désertent mais se plaignant de cette mainmise, sans oublier le soutien du World Socialist Web Site si équivoquement policier, telle est l’action exemplaire ici préconisée …
Il est bien évident, ceci dit, que c’est l’aspiration à la paix, à ce que le massacre des couches les plus jeunes et les plus pauvres prenne fin, qui constitue en Russie la base de toute perspective aujourd’hui. Mais toute force politique qui entend combattre « le capitalisme » dans sa forme réelle russe, à savoir l’oligarchie poutinienne, doit rendre cette aspiration efficace en la conjuguant à l’objectif de chasser Poutine et au soutien au combat anti-impérial, et anti-impérialiste, du peuple ukrainien, et des peuples non russes de Russie.
En Russie, le pacifisme efficace conduit à l’objectif de battre et chasser Poutine et au soutien à la résistance ukrainienne armée et non armée. Ces objectifs sont évidemment absents chez la « Gauche post-soviétique », nom que se donne le groupe des auteurs de ce texte, qui semble un nom plus exact que celui de « gauche anticapitaliste ». Scinder l’aspiration à la paix de son débouché politique et de sa pointe révolutionnaire défaitiste, c’est faire du pacifisme l’acceptation plus ou moins protestataire du régime existant.
La volonté des auteurs de soutien aux aspirations pacifistes qui sont certainement, de manière plus ou moins claire, celles de la majorité des Russes, et aux luttes sociales dans le monde du travail, volonté dont la sincérité ne fait pas de doute, de même que leur volonté également de donner une perspective à la révolte de bien des soldats, tout cela ne peut aboutir, car ils le coupent eux-mêmes des revendications démocratiques (la liberté et la démocratie !), politiques (chasser Poutine) et du défaitisme révolutionnaire en Russie par rapport à l’Ukraine.
Le contraste est frappant avec l’Ukraine où la gauche « post-soviétique » a de fait disparu car elle était poststalinienne ou prorusse, laissant le champ aux militants de gauche qui se sont engagés pleinement dans la lutte contre l’invasion impérialiste à visée génocidaire de leur pays, au plus tard le 24 février 2022 au petit matin, et sans ambigüité. La nouvelle gauche ukrainienne, qui est en partie engagée dans l’armée, peut bien avoir des éléments de vocabulaire communs, hérités du XX° siècle, avec l’extrême-gauche ou la gauche radicale traditionnelles, mais elle n’est plus « post-soviétique ». Anti-autoritaires, syndicalistes, artistes, féministes, LGBT, militant.e.s du Sotsialnyi Rukh, de divers groupes, socialistes démocratiques, socialistes nationalistes et anarcho-nationalistes, anarcho-écolos et autres, forment en Ukraine des courants vivants et nouveaux. La gauche radicale et écologiste d’Europe centrale et de Scandinavie leur fait de plus en plus échos et, par le RESU/ENSU, un combat est mené pour faire connaître leur existence et leurs importantes contributions pratiques et théoriques ailleurs dans le monde.
C’est de cela dont les militants russes antipoutiniens et anticapitalistes ont besoin de se rapprocher. Inversement, l’invocation d’une sorte de cordon ombilical « post-soviétique » signifie le refus d’aller de l’avant. Qu’on le veuille ou non, elle porte la nostalgie, sinon de l’ère stalinienne, du moins de l’ère brejnévienne, au motif du trauma des années 1990 où ce sont les forces sociales oligarchiques qui grandissaient sous Brejnev – Gazprom ! – qui ont siphonné toutes les richesses du pays.
Si la question nationale a fait sortir la grande majorité de nos camarades ukrainiens de toute vision nostalgique du temps de l’étatisme et d’une supposée protection sociale généralisée, parce qu’ils appartiennent à une nation opprimée et menacée, cela est beaucoup plus difficile à des militants russes, là aussi en raison de la question nationale, car ils ont intégré les réflexes et les habitus de la domination sous le voile de l’innocence – ainsi, Sakhnine et Smirnova parlent encore des « peuples frères » sans comprendre que cette expression pour les Ukrainiens comme pour les Iakoutes ou les Géorgiens veut dire le knout, les enlèvements, les viols et la non-reconnaissance comme sujets existants. Et LFI ou le POI agissent comme des « soutiens » qui les empêchent de se libérer du vieux carcan : les voilà, les forces « occidentales » mortifères envers eux !
* * *
A la différence du précédent article, celui de Kagarlitsky et Sakhnine dans le Monde Diplomatique semble vouloir mettre au centre de son analyse les rapports nouveaux inaugurés par Donald Trump avec la Russie. L’article souligne qu’avant février 2022 et les sanctions « occidentales », 35% du commerce extérieur russe se faisait avec l’UE et seulement 17,5% avec la Chine, et que la très grande majorité (ce trait remonte d’ailleurs au début des années 2000) des investissements directs russes à l’étranger se situaient en Europe (70% sans même compter les centres financiers offshore, Chypre, le Luxembourg et les Pays-Bas, où il s’agit, ajouterais-je, de capitaux « fluides », allant vers l’Europe mais pas seulement). En 2024, la Chine est montée à 34% des exportations russes, dont celles des secteurs dits de pointe. Et là, un peu comme une surprise inattendue semble-t-il, arrive Trump, la réconciliation avec les Etats-Unis et l’offre d’une étreinte économique soudaine – en fait, Poutine est lié à Trump de longue date et a misé sur son élection.
Selon les auteurs, ceci produit une crise dans les « élites russes » car réapparait le risque, souligné par un sous-titre du Monde Diplomatique, de devenir ou redevenir (spectre des années 1990 ?) un « appendice de l’Occident ». Des secteurs conséquents veulent préserver les gains de la guerre, à savoir le rapprochement avec la Chine : aucun sous-titre n’évoque le fait que la Russie pourrait devenir un « appendice de la Chine », c’est uniquement le fait d’être un appendice de « l’Occident » qui serait à déplorer pour les auteurs comme pour le Diplo …
La crise se traduirait au plan idéologique : les « anti-impérialistes » entendant unir Russie et « Sud global » en une « majorité mondiale » contre « l’Occident » seraient méfiants envers Trump, les Etats-Unis et leurs capitaux avides de s’investir, et c’est de ce côté que Kagarlitsky signale les personnages ayant le plus de positions de pouvoir, à savoir le directeur du Conseil de politique étrangère et de la défense, Sergueï Karaganov, et le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, avec eux le Club Valdaï, alors que dans l’autre camp on aurait notamment l’oligarque Constantin Maloféiev et l’idéologue Alexandre Douguine, pour qui l’Occident doit certes être combattu sous sa forme actuelle, mais pour être sauvé et retrouver, avec l’aide de la Russie, sa vraie tradition. Sont également cités dans ce « camp » là Mme Lvova-Belova (qui, par ailleurs, rappelons-le, dirige les enlèvements d’enfants en Ukraine pour la russification), et le ministre de la Défense Belooussov.
Voilà, notons-le, de bien curieux « occidentalistes » pour qui le redressement du dit « Occident » passe largement par sa destruction. Les auteurs soulignent d’ailleurs que les deux « camps » sont d’accord sur la nécessité de vaincre l’Ukraine ; que les thèses des uns et des autres étaient jusque là mélangées et que c’est maintenant, depuis la main tendue de Trump, qu’elles se sépareraient nettement, bien que, y revient la conclusion, l’affrontement des proaméricains et des prochinois soit « pour l’instant seulement rhétorique », ce qui relativise fortement la thèse de l’article …
Tout cela est fort intéressant, mais est relié à une occultation, un refoulement ou un non-dit : à aucun moment la Russie n’est envisagée comme étant elle-même une puissance impérialiste, au même titre que les Etats-Unis et que la Chine, et même une puissance impérialiste de premier rang, avec ces deux partenaires-concurrents-rivaux, par rapport aux autres impérialismes, européens, Japon, « BRICS+ ».
De même, comme c’était déjà le cas dans l’article sur « la gauche » russe de Sakhnine et Smirnova, les dimensions fascistes de l’idéologie et de la pratique du régime poutinien sont occultées. Il ne s’agit pas seulement, pour lui, de dominer l’Ukraine, mais d’éliminer les Ukrainiens par la mort ou la russification. L’impérialisme contemporain, capitaliste, et l’idéologie impériale bloquant la constitution de la Russie en nation citoyenne démocratique, font corps dans cette orientation fasciste (rashiste, disent les Ukrainiens), totalement occultée par nos auteurs qui partagent les préjugés et les non-dits de la « nation » dominante russe.
Dans une certaine mesure, cette tentative de théoriser une bipartition de l’oligarchie et de l’intelligentsia russe entre proaméricains et prochinois fait penser au clivage qui avait structuré le monde intellectuel russe et celui des agents étatiques (qui se recoupent conflictuellement), au XIX° siècle, entre occidentalistes et slavophiles. Mais avec une inversion : Kagarlitsky et Sakhnine attribuent le « messianisme », via Douguine, aux proaméricains, alors qu’au XIX° siècle c’étaient les slavophiles les messianistes et les occidentalistes les rationalistes (de ces derniers, il n’y en a plus guère !).
En fait, pour un Douguine, il ne s’agit pas du tout d’une ouverture sur l’Amérique ou sur l’Europe, mais d’une domination de l’Europe et de l’Asie assortie d’une collaboration avec l’extrême droite européenne et américaine, très ancienne chez lui, qui est par exemple un copain de David Duke, du Ku-Klux-Klan. La méfiance envers la Chine, soupçonnée de pouvoir être un allié de revers de « l’Occident » en général ou de l’Europe, n’est pas du tout une idée nouvelle chez Douguine, pour qui « l’Eurasie » dominée par la Russie devrait englober le Tibet, le Xin Jiang et la Mongolie en envoyant la Chine vers les mers du Sud.
Que Kagarlitsky tente de présenter Douguine comme un proaméricain ne manque à vrai dire pas de sel, lui qui s’était retrouvé avec lui en 2014 pour aller célébrer en Crimée son annexion officielle !
Si l’on envisage la Russie comme une puissance impérialiste autonome, ce que ne font pas, ce que ne veulent surtout pas faire nos auteurs, alors on comprend qu’elle joue avec les deux autres pôles, économiquement beaucoup plus puissants qu’elle, sa propre puissance reposant sur les facteurs militaires, l’étendue territoriale et les matières premières, pour tirer son épingle du jeu, mais que ce n’est pas facile.
Globalement, Trump a pour l’heure échoué à décoller la Russie de la Chine, et c’est là un des enjeux potentiels du sommet d’aujourd’hui en Alaska. Mais le premier enjeu est l’Ukraine et, avec elle, la vassalisation de l’Europe : tant Trump que Xi Jinping veulent bien, au moment présent, d’une domination impérialiste russe sur la moitié de l’Europe. En même temps, les capitaux chinois cherchent des champs d’expansion en Sibérie, Asie centrale et Russie. Et pas seulement les capitaux, mais de possibles colons. Les contradictions sont donc très vives.
Ceci n’est pas ni une révélation, ni une nouveauté que l’effet Trump viendrait seulement de faire apparaître, et doit s’analyser en relation avec la question des formes de la guerre mondiale qui se profile, et se profilerait d’autant plus vite et dangereusement qu’Ukraine et Europe seraient asservies – et ce dernier point constitue aujourd’hui l’accord central de toutes les « élites russes » avec leur chef Poutine et avec Trump : voila ce qu’occulte l’affirmation selon laquelle le clivage entre vassaux de Washington et vassaux de Beijing se dessinerait en Russie, comme si celle-ci était déjà un pays dominé voire partagé par les autres impérialismes …
Dans leur article se voulant stratégique, Sakhnine et Smirnova disent vouloir rejeter la non-indépendance des « anticapitalistes », dénonçant les alignements, surtout envers les libéraux et le supposé « Occident », mais aussi envers le KPRF. Mais tout horizon est bouché à ces « postsoviétiques » grands-russes par leur refus de la perspective de renverser Poutine avec l’Ukraine et pour la démocratie. Mais alors, il est permis de se demander si un « clivage des élites » entre prochinois « anti-impérialistes » voulant fédérer le « Sud global », et les soi-disant proaméricains (… à la Douguine !), ne pourrait pas être leur divine surprise. Ce serait bien là le pire des alignements, prolongeant en les aggravant les précédents …
Vincent Présumey, le 15 août 2025.
Lien vers l’article en français de Sakhine et Smirnova.
Article de Kagarlitsky et Sakhnine :
15.08.2025 à 06:45
Alaska : non au sommet des brigands !
aplutsoc2
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Les assassins vont se réunir.
Depuis quelques heures en ce matin du 15 août 2025 les manifestants protestent à Anchorage, Alaska, avec le réseau Stand up Alaska et les organisations syndicales (photo).
Voici le communiqué des organisations autochtones inuites et aléoutes d’Alaska :
Aucun accord avec les criminels de guerre sur le sol alaskien
Alors que le président Donald Trump s’apprête à rencontrer le président russe Vladimir Poutine en Alaska le 15 août pour discuter de la crise ukrainienne, le Mouvement autochtone se tient aux côtés des Alaskiens et de ceux qui, à travers le pays, condamnent toute tentative de légitimer les crimes de guerre russes sur le territoire alaskien.
L’Alaska connaît le coût de l’impérialisme russe. Pendant plus d’un siècle, les colonisateurs russes ont volé et exploité des terres, décimé les populations autochtones d’Alaska par la violence, les maladies et l’esclavage, et anéanti des cultures par la suprématie religieuse. Aujourd’hui, nous observons la même stratégie impérialiste en Ukraine : annexion de territoires, ciblage de civils et déportation forcée de plus de 20 000 enfants ukrainiens – un crime de guerre au regard du droit international.
L’histoire de l’Alaska sous la domination russe ne nous rend pas neutres, elle fait de nous des témoins. La décision d’accueillir Poutine, un criminel de guerre, sur le sol alaskien est une trahison de notre histoire et de la clarté morale qu’exigent les souffrances de l’Ukraine et des autres peuples occupés.
Le Mouvement autochtone s’oppose à tout accord qui force l’Ukraine à céder des territoires, à récompenser l’agression ou à réduire au silence ceux dont la vie est en jeu. Nous nous opposons à la montée du fascisme et à l’occupation violente partout, que ce soit en Ukraine, en Palestine ou ici en Alaska. Aucun de nous ne sera libre tant que nous ne le serons pas tous.

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