09.11.2025 à 22:27
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Pour le 120ème anniversaire de la loi de séparation des Églises et de l’État du 7 décembre 1905, les éditions Syllepse publient « De la séparation des Eglises et de l’Ecole – Allemagne, France, Grande Bretagne, Italie », de Benoît Mély.
Présentation de Robert Duguet
Cet abrégé est composé à partir de l’édition complète intitulée : « La Question de la Séparation des églises et de l’École dans quelques pays européens : Allemagne, France, Grande Bretagne, Italie. Mise en perspective historique ». Cette thèse de doctorat d’État sera, compte tenu de sa qualité, soutenue à titre posthume en Sorbonne en 2004, ce qui s’est produit deux fois dans l’histoire de l’Université. L’auteur, professeur et syndicaliste révolutionnaire, devait brutalement décéder à l’âge de 52 ans durant la grande grève de défense des retraites de 2003, dans laquelle, comme syndicaliste révolutionnaire, il fut très actif. L’édition complète de la thèse a été publiée en 2004 grâce aux Éditions Page deux, collection Cahiers libres à Lausanne.
Pourquoi cette publication ? En raison du fait que l’auteur envisageait de faire une édition touchant un public plus large qu’une thèse universitaire. Estimant que son travail est le meilleur de ce que j’ai pu lire sur l’histoire de la laïcité en Europe, j’ai composé cet abrégé, assemblant les textes essentiels. Mély, c’est un travail rigoureux et scientifique, écrit dans un style littéraire concis et clair, une méthode à transmettre aux générations à venir, dans une période historique, celle du néo-libéralisme, et de la remise en cause de la laïcité à l’échelle du monde. Lui qui s’était engagé dans le comité pour la défense de Salman Rushdie et qui, dans l’affaire Talisma Nasreen, sera à la pointe du combat contre l’obscurantisme et l’oppression des femmes : il participe à la rédaction collective du premier ouvrage en France destiné aux élèves sur la vie et l’œuvre de Taslima Nasreen. Il déclare alors que la laïcité est désormais devenue un combat mondial.
Au moment où nous nous préparons à célébrer le 120ème anniversaire de la loi de séparation de l’Église et de l’État du 9 décembre 1905, depuis la disparition de l’auteur, la situation est loin de s’être améliorée…
Que dirait Benoît face au régime impérial de Poutine ? Dans la guerre commencée par la Russie contre les droits nationaux du peuple ukrainien, l’opposition démocratique russe publie des témoignages où l’on voit le patriarche de Moscou Tikhov, représentant de la hiérarchie orthodoxe, confesseur de Vladimir Poutine, haranguant ses affidés à l’ombre d’un canon de 155, légitimant la guerre et bénissant les avions qui partent bombarder l’Ukraine, maudissant l’Occident et les valeurs issues de la Révolution Française, prophétisant l’Apocalypse nucléaire.
Que dirait-il face au retour de Trump à la Maison Blanche, appuyé sur le fondamentalisme religieux américain ? Nous faire revenir au modèle théocratique ? L’insurrection et la prise du Capitole le 6 janvier 2021 s’est appuyée sur ce courant politico-religieux puissant, sous-estimé dans la conscience démocratique aux USA. On a vu des banderoles au nom de « Jésus 2020 » et des insurgés pénétrant dans le Sénat sous l’oriflamme du nationalisme chrétien, le plantant à côté du drapeau américain. Des parlementaires comme Lauren Boebert et Marjorie Taylor Greene, ont déclaré qu’ils rejetaient la séparation de l’Église et de l’État. Ils soulignent d’ailleurs – contrairement à la législation française – que cette dernière ne figure pas dans la constitution américaine. En juillet 2024, Trump s’adresse aux fondamentalistes chrétiens pour solliciter leurs votes et déclare : « Dans quatre ans, vous n’aurez plus à voter. Nous aurons tellement bien travaillé que vous n’aurez pas à voter, mes beaux chrétiens ».
Les négationnistes de la Révolution française ne sont pas seulement Russes ou Américains. Le chanoine du Latran Nicolas Sarkozy avait repris l’offensive contre la loi de séparation, considérant que le prêtre avait une fonction plus importante que l’instituteur laïque. Macron se définit comme le fils spirituel de Paul Ricoeur, ce philosophe catholique qui eut une jeunesse pétainiste. En qualité de chef d’État, il s’est rendu à la Conférence des évêques de France, au collège des Bernardins à Paris, le lundi 9 avril 2018 pour déclarer :« Nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Église et l’État s’est abîmé, et qu’il vous importe à vous comme à moi de le réparer. » Lors de l’inauguration de Notre Dame de Paris le 7 décembre 2024, il plastronne aux côtés de Donald Trump et redonne à la France son rang de « fille aînée de l’Église » en énumérant la liste des Rois de droit divin de son histoire incluant Napoléon 1er et Charles de Gaulle dans cette lignée. De cette liste est absent Louis XVI bien sûr ! Pour lui la Révolution Française est un accident de l’histoire, il en est le négationniste. Macron réaffirme le principe monarchique, rétabli et revendiqué par De Gaulle le père fondateur, pour qui le pouvoir vient du ciel vers la terre, et non de la souveraineté du peuple pour la conquête du ciel.
Les acquis de ce travail sont nombreux, je vais résumer quatre points que je juge essentiels :
L’étude s’achève à la date de 1914, l’auteur écrit :
« La guerre représente en effet, dans ce domaine comme dans tant d’autres, un tournant majeur. La « religion de la patrie » renverse et piétine avec fureur toutes les barrières qui l’entravaient précédemment. La haine de l’adversaire étouffe dans chaque camp une tradition du libre examen à l’égard du discours de l’autorité politique qu’on aurait pu croire mieux établie. En France, l’Union sacrée réconcilie dans le soutien à la même cause guerrière les Églises et la grande majorité des partis et organisations laïques, tant il importe de faire savoir aux croyants que « la mort chrétiennement acceptée assure au soldat le salut de son âme ». L’Église catholique française retrouve ainsi sur le champ de bataille une fonction politique qu’elle avait perdue dans la société civile depuis des décennies : la réhabilitation de l’aumônier militaire, qui promet le salut à ceux qui vont tuer et peut-être mourir, non seulement suspend, mais abolit de fait la séparation des Églises et de l’État… »
Sans doute la loi de 1905 continue-t-elle de régir les relations de l’État français et de l’Église. Mais l’esprit dans lequel elle s’applique a changé. Le rétablissement des relations diplomatiques avec le Vatican (1921), l’accommodement concernant les associations cultuelles (1924), et, plus significativement encore, le renoncement, non seulement par la droite nationale, mais par le Cartel des Gauches, à l’extension des lois laïques aux trois départements d’Alsace-Moselle (1924-1926), balisent la voie sinon d’un « pacte laïque », du moins d’une réconciliation progressive d’une « laïcité de gouvernement » et de l’Église en France. »
On n’en finirait pas d’énumérer les attaques anti-laïques exercées par tous les gouvernements de la Vème République. Les régimes bonapartistes de notre histoire ont tous cherché à mettre en cage l’exigence de la liberté absolue de pensée et son expression par « les organes de transmission du savoir », la formule est de Victor Hugo qualifiant la fonction de l’École laïque. Benoît Mély énonce dans ses conclusions ce retour aujourd’hui du religieux dans l’espace public. Il ajoute : « …sera-t-il de courte durée ou non ? On peut regarder avec anxiété l’avenir ». La situation actuelle répond, c’est une affaire qui est loin de se terminer.
On ne peut qu’encourager à lire cet abrégé, il y a tous les arguments permettant de répondre aux falsificateurs de la laïcité. Ceux-ci sont légion.
RD, novembre 2025.
Découvrir ou commander l’ouvrage sur le site des éditions Syllepse.
08.11.2025 à 23:31
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Le 5 octobre 2025, s’est tenu à Paris un « meeting international contre la guerre » affichant le mot d’ordre « Pas un centime, pas une arme, pas un homme pour la guerre », faisant suite à une « conférence internationale de 150 délégués ». 13 représentants « de Palestine, d’Ukraine, de Russie, des Etats-Unis, de Grande-Bretagne, d’Italie et de France » y ont formé la tribune. Avec en invités d’honneur un militant palestinien de Standing Together et la présidente israélienne de B’Tselem, les intervenants comportaient notamment un représentant de Potere al Popolo d’Italie (petite coalition populisto-campiste), Medea Benjamin, figure américaine prorusse et pro-iranienne, les anglais John Rees (autre figure du campisme anti-ukrainien) et Zara Sultana sur laquelle nous allons revenir, une émigrée russe, Liza Smirnova, et un ukrainien, Andréï Konovalov, et les députés LFI Jérome Legavre, membre du POI, et Arnaud Le Gall, responsable aux relations internationales de LFI.
Ce meeting, incontestablement réussi (4000 participants), était depuis plusieurs mois au cœur de l’action du POI (Parti Ouvrier Indépendant), aujourd’hui noyau dirigeant de LFI, qui a fourni le gros du public. Des organisations satellites, comme l’actuelle Libre Pensée, ont mobilisé pour sa réalisation, ainsi que certaines structures syndicales notamment de FO : ainsi, l’UD FO de Haute-Loire annonce avoir fait monter un car de 38 militants, heureux d’avoir réclamé « le cessez-le-feu en Ukraine », et d’avoir centré leurs slogans contre les budgets d’armement européens. Dans la salle, des contingents de secteurs CGT liés à la stalinienne FSM (Fédération Syndicale Mondiale) étaient également présents.
Dans une brochure produite pour la circonstance, l’UD FO de Haute-Loire dit se réclamer de la tradition du grand militant ouvrier syndicaliste révolutionnaire Pierre Monatte, originaire de ce département, fondateur de La Vie Ouvrière devenue le journal de la CGT, puis, en 1925, de La Révolution Prolétarienne, et qui démissionna du CCN de la CGT à l’automne 1914 pour protester contre la guerre et l’union sacrée. Remarquons toutefois qu’il y est noté que Monatte eut des « contacts réguliers avec des membres de la résistance syndicale » en 1940-1944 : c’est donc bien que, parfois …
Car « la guerre » est une catégorie d’une grande généralité, dont on peut seulement dire qu’assurément, elle désigne un fait social très désagréable. Et « la guerre à la guerre » est une formule tout aussi générale.
Arrêter la guerre en pleine guerre peut avoir des contenus et des effets très différents, y compris en matière de massacres et de vies brisées : stopper le massacre devenant de plus en plus génocidaire à Gaza quand il était temps, avant qu’une grande partie du mal ne soit fait, eût demandé des moyens militaires, et inversement, imposer un cessez-le-feu à l’Ukraine s’appuierait sur les moyens militaires … russes, aidés du désarmement de l’Ukraine par Trump, et permettrait l’achèvement du génocide en cours dans les parties occupées du pays.
Le meeting du POI-LFI tout en criant « stop au génocide » à Gaza, a été organisé par des forces qui n’ont jamais envisagé la question des moyens militaires pour le stopper, et qui, par contre, veulent ouvertement stopper « la guerre » en Ukraine par un arrêt des combats accordant à Poutine les territoires qu’il tient aujourd’hui.
De tels paradoxes ont probablement échappé, surtout dans l’ambiance d’un meeting, à la plupart des participants, dont il n’y a pas à douter qu’ils étaient motivés par un sincère désir de paix et même d’émancipation des peuples et des opprimés.
Il n’empêche que l’on peut dire d’eux ce que Lénine, adversaire impitoyable de l’union sacrée avec les classes capitalistes dans la guerre comme dans la paix, disait en 1914 de ceux qu’il appelait les « social-pacifistes » : qu’ils n’arrêteraient pas cette guerre impérialiste en appelant au cessez-le-feu, mais en préparant sa transformation en guerre civile révolutionnaire.
Quelques jours après ce meeting, Zarah Sultana, dirigeante du mouvement britannique Your Party, qui y est intervenue, lançait un appel remarquable et remarqué à l’arrêt de toute livraison d’armes à l’Ukraine, au nom de « la paix », parce que « la guerre » ce n’est pas bien. Un tel appel, de la part de la codirigeante de ce qui passe en Grande-Bretagne pour l’alternative de gauche au Labour party, a un poids médiatique, social et diplomatique incontestable dans le sens de l’exposition du peuple ukrainien, des militaires et, massivement, des civils sans défense de tous les âges, aux bombardements, à l’agression et à l’occupation impérialistes russes. Zarah Sultana, sur la base d’une représentation du monde dans laquelle « l’Occident » tend à s’identifier au capital et en fait à prendre sa place, dit avoir fait à Paris deux très belles rencontres qui ont achevé de la décider à partir en croisade pour le désarmement de l’Ukraine : celles de la russe Liza Smirnova et de l’ ukrainien Andreï Konovalov.
La déclaration de Zarah Sultana était, assurément, une belle « prise de guerre » pour le soi-disant « camp de la paix » dont la politique conduit à la défaite ukrainienne et à l’exposition des peuples européens à la double menace militaire de Poutine et de Trump.
Mais elle a suscité une réaction, digne, belle et ferme, une réaction d’une personne à peu prés inconnue, mais qui, telle une petite pierre faisant dans l’eau des ronds et des vagues de plus en plus larges et de plus en plus grandes, est en train de devenir une épine dans la propagande si simple et si jolie en apparence pour « la paix », qui expose les peuples désarmés à la guerre des puissants surarmés.
Galina Rymbu est une féministe, libertaire, poétesse, LGBT, maman, d’origine moldo-roumano-ukrainienne, de nationalité russe, émigrée depuis huit ans en Ukraine car elle était de plus en plus persécutée en Russie, notamment suite à son poème Mon vagin – « Je suis un vagin. Et je porte la paix. Pourtant, pour certains, je suis un vagin dangereux, un vagin combatif. » Elle raconte cela, d’une manière ferme et pudique, pour se présenter au début de la lettre ouverte qu’elle a adressé à Zarah Sultana, en russe et en anglais, et dont des traductions françaises sont disponibles sur Europe Solidaire Sans Frontières et Réseau Bastille.
Dans ce texte important, d’une forte tenue, Galina Rymbu, après s’être présentée et avoir dit à Zarah Sultana et son respect et sa consternation, lâche une série de « révélations » – pour qui ne connait pas la « gauche » avec guillemets et celle sans guillemets, la vraie, de Russie et d’Ukraine – sur les groupes que représentaient les intervenants Smirnova et Konovalov, à savoir le « mouvement » La paix par en bas (Mir Snizu) censé unir des Russes et des Ukrainiens, en relation avec la Gauche post-soviétique, quelque peu connue sous son sigle anglais, PSL (Post Sovietic Left), au grand meeting du POI-LFI. Elle va d’abord droit au pire :
« … ces organisations utilisent cyniquement des militants issus de ce qu’on appelle les « mouvements masculins », les incels [Involontary Celibate] et les masculinistes radicaux dans leur « lutte politique », les présentant aux politiciens et camarades de gauche européens comme des « opposants et dissidents ukrainiens ». Elles mobilisent ces militants pour des rassemblements dans les villes de l’UE et préparent des programmes à long terme de collaboration politique avec les mouvements masculinistes et misogynes radicaux de la diaspora. Sous prétexte de dénoncer les « violations des droits des hommes ukrainiens », ces militants propagent diverses théories du complot, affirmant par exemple publiquement que la guerre de la Russie contre l’Ukraine a en réalité été fomentée par des « femmes » dans le but d’« organiser un androcide », et diffusant des récits racistes répugnants selon lesquels l’Ukraine n’est pas réellement gouvernée par des Ukrainiens, mais par d’autres « peuples rusés », », des « Juifs » et des « nains répugnants ».
Les dirigeants de ces groupes, tels que Sergey Khorolsky, qui coopèrent avec PSL et Mir Snizu, appellent publiquement et ouvertement à la violence physique et sexuelle contre les femmes et les filles, et incitent à la haine contre les réfugiés ukrainiens, les qualifiant cyniquement d’ « êtres sous-humains » qui ont quitté l’Ukraine non pas pour échapper aux bombardements, mais pour « coucher avec des migrants, des Arabes et des musulmans », qu’ils méprisent également. Dans le même temps, ils (y compris Andrey Konovalov lui-même) produisent des caricatures antisémites cruelles et humiliantes de Zelensky et de journalistes ukrainiens libéraux ayant une identité culturelle juive. Leurs opinions politiques représentent une combinaison de discours néofascistes et d’extrême droite, de théories du complot et de méthodes interdites pour promouvoir leur programme misogyne et anti-ukrainien, qui va bien au-delà de ce qui est acceptable, même dans le domaine de la critique politique sévère. »
Andreï Konovalov a été présenté, au meeting du 5 octobre, comme un « déserteur ukrainien ». Il a obtenu l’un des grands moments d’applaudissements du meeting, galvanisé par les équipes militantes POI-LFI, lorsqu’il a comparé le « régime ukrainien » à Israël martyrisant les Palestiniens. L’Ukraine est juive, voulait dire cet antisémite, applaudi par une salle se croyant « internationaliste » : y a-t-il pire pornographie ?
Il n’est pas un déserteur ukrainien, ayant quitté l’Ukraine en 2021, et n’ayant jamais été, vu son âge, mobilisable (il fallait avoir 27 ans à cette date, et 25 aujourd’hui). L’exhibition de ce personnage dans ce meeting fut donc un mensonge.
Il faut lire toute la lettre ouverte de Galina Rymbu, dont je ne saurai restituer ici l’ardeur et la puissance. Elle a été précédée d’un autre texte, en russe et en anglais, dont une traduction française partielle est disponible sur un blog de Mediapart, Rien en commun, beaucoup plus détaillé sur les liaisons pour le moins dangereuses, toxiques, et finalement fascistes, qui apparaissent en arrière-plan des « russes et ukrainiens » mis en exergue à l’échelle européenne par le POI-LFI, et présentées comme références à Your Party en Grande-Bretagne, et aussi au Bundnis Sarah Wagenknecht et à des secteurs de Die Lincke en Allemagne – l’absence d’orateurs d’Allemagne au meeting du 5 octobre peut sans doute s’expliquer d’ailleurs par le fait que la principale force politique du réseau que tente d’organiser à l’échelle européenne le POI-LFI, dans la « gauche » populisto-souverainiste et néo-poutinienne, est ici le mouvement de Sarah Wagenknecht, en tant que tel non présentable à ce jour dans un meeting « internationaliste » en France.
Galina Rymbu a bien connu Liza Smirnova dans sa jeunesse en Russie, et celle-ci n’est pas du tout à mettre sur le même plan, a priori, qu’un Konovalev. Le problème est que le groupe politique auquel elle appartient met systématiquement en avant ce type de personnage. Le vrai dirigeant de ce groupe, Alexeï Shakhnine, a soutenu l’annexion de la Crimée en 2014 et travaillé avec le groupe néostalinien d’Ukraine, Borotba. En 2014-2015, j’ai sans doute été le militant français qui est allé le plus au fond dans la démythification de Borotba, groupe en fin de compte, malgré une histoire complexe, managé par le FSB, notamment dans mes articles de blog sur Mediapart Villages Potemkine pour militants occidentaux et Un complément sur Borotba. Plusieurs informations données par Galina Rymbu se recoupent parfaitement avec ce que j’étais parvenu à mettre au jour dans ces deux articles. Les connexions allant jusqu’à de purs fascistes et masculinistes datent de cette époque.
Depuis, Alexeï Shaknine s’est opposé à l’invasion généralisée de l’Ukraine du 24 février 2022, mais pas du tout du point de vue du droit de l’Ukraine à exister à l’encontre d’une puissance impérialiste, plutôt seulement en tant que fuite en avant militariste et autoritaire de Poutine. En octobre 2022, il a pu sortir de Russie aux côtés de Liza Smirnova et d’un autre militant, à ma connaissance non-membre de PSL, et ouvertement stalinien quant à lui, Andreï Roudoï. Ils ont été accueillis par Jean-Luc Mélenchon – voir mon article Regardez comme ils sont beaux, nos opposants russes … et ne nous embêtez pas avec les Ukrainiens, et le point de vue de Hanna Perekhoda.
C’est autour d’Alexeï Shaknine et Liza Smirnova, et d’un militant russe précédemment émigré, Andreï Demidov, que s’est constitué le groupe qui a finalement choisi de s’affirmer sous le nom de « Gauche post-soviétique » -en lui-même, ce nom vaut tout un programme. Et c’est avec le soutien politique et logistique assidu de LFI, du POI, de Jean-Luc Mélenchon et de Sophia Chikirou, qu’il a organisé des initiatives de petite taille, mais de dimension européenne, « contre la guerre » présentée comme guerre entre l’OTAN et la Russie, provoquée par l’OTAN..
La « gauche post-soviétique » n’a aucune existence politique effective ailleurs qu’en Occident et auprès du POI-LFI, de Your party, Potere al Popolo et Sara Wagenknecht. Mais elle a un parrainage russe, celui de Boris Kagarlitsky, actuellement emprisonné sous Poutine, co-signataire avec Alexeï Shaknine d’un article sur la Russie paru en français dans le Monde Diplomatique en août 2025 que j’avais discuté sur le fond.
Le faux déserteur Konovalov apparaît, à partir de 2023, comme un « défenseur des droits humains en Ukraine », introduit auprès du Conseil de l’Europe, probablement par Sophia Chikirou, puis à l’Assemblée nationale française, puis à l’ONU. Aucune et aucun militant de la gauche ukrainienne qui existe, vit, parle, pense et se bat, n’a jamais eu connaissance de cet individu, et pour cause. Est-ce ce type de personnage qui pond des notes à J.L. Mélenchon lui faisant croire à l’interdiction des syndicats en Ukraine ?
Galina Rymbu signale aussi la proximité entre Shakhnine et le groupe PSL, qui se présente justement comme « conseiller de Mélenchon », et Victor Sydorchenko, ancien « responsable jeune » du CPU, le PC ukrainien raciste, homophobe et antisémite, proche de Borotba selon G. Rymbu, organisateur en 2014 de l’ « Anti-Maïdan » à Kharkiv où ses hommes ont brutalisé des manifestants et manqué briser le crane du grand écrivain Serhiy Zadan, puis directeur des services de communication d’une grande usine de Kharkiv, où des grèves ont éclaté contre la direction, dont il faisait partie. Lors de l’invasion il quitte l’Ukraine et réapparait en Occident comme « partisan de la paix ». A ce titre, c’est le « Parti des Travailleurs » qui le découvre, ou plutôt auquel « on » le fait découvrir, et il prend la parole au meeting « contre la guerre et l’exploitation » de ce parti, le 21 mars 2025.
Le PT (ex-POID) est depuis leur scission en 2015 le frère ennemi, et finalement siamois, du POI. Il condamne « l’opportunisme » de celui-ci en se tenant en dehors de LFI, tout en ayant la même ligne internationale et donc globale, si ce n’est qu’il est un peu plus prochinois (la Chine « Etat ouvrier » …) là où le POI serait plus directement néo-poutinien. Et donc, les mêmes forces qui pourraient avoir placé un Konovalov auprès de LFI pour jouer le faux déserteur ukrainien au meeting du 5 octobre, pourraient avoir placé un Sydorchenko au meeting du PT, faisant applaudir un agent provocateur notoire qui a directement organisé des milices anti-ouvrières comme un bel et magnifique « internationaliste ». Déchéance, pornographie …
Mais le plus affolant, quoi que pas étonnant quand on connaît la pourriture des réseaux guébistes qui semble affleurer derrière toute cette « gauche pacifiste », est la liaison rapprochée entre de supposés pacifistes et d’authentiques masculinistes préconisant la soumission physique des femmes :
« Les rassemblements « anti-guerre » organisés par PSL en novembre-décembre 2024 ont été couverts par des médias russophones, germanophones et ukrainiens. Ils ont été présentés comme une série d’actions de rue à Berlin, Paris et Cologne « contre la dictature en Ukraine » et « contre les exactions du TTsK » [les services de recrutement ukrainiens]. Une série d’actions coordonnées à Dublin a également été synchronisée avec ces événements. L’une des actions berlinoises (17 octobre 2024) et plusieurs actions à Dublin ont été programmées pour coïncider avec la Journée internationale des hommes. L’organisateur du rassemblement berlinois pour le compte du PSL était Andrey Konovalov. Parmi les autres co-organisateurs notables de l’événement figurait Sergey Khorolsky, l’un des leaders de la « manosphère » russophone. » (Galina Rymbu , Rien en commun).
Galina Rymbu poursuit en donnant des éléments précis sur le « groupe de Dublin », directement relié à Moscou, et notamment sur Sergey Khorolsky, cette figure de la « manosphère » qui produit des vidéos désignant nommément des femmes à punir, notamment parmi les réfugiées ukrainiennes, et qualifie le « régime de Zelensky » de complot judéo-féministe ayant vocation à exterminer la jeunesse masculine (et c’est pourquoi il faut d’urgence stopper la guerre pour faire sa place à la Russie, bien sûr !). Sergey Khorolsky n’est membre ni de PSL, ni de Mir Snizu, mais il y a bel et bien, à ce jour, une sorte de front unique entre eux, avec des petits rassemblements où ils apparaissent ensemble, comme ici.
J’ajoute que la combinaison entre les « organes » russes, les secteurs soi-disant « communistes » et « nationalistes » partisans de « la paix » sous l’égide du « monde russe », et les fascistes masculinistes, conduit à s’interroger sur la possibilité de connexions vers les milieux masculinistes MAGA d’outre-Atlantique. Charlie Kirk, la veille de son assassinat, travaillait à l’organisation de l’internationale masculiniste. Le relais a été repris depuis par d’autres, dont son rival de droite Nick Fuentes, sponsorisé lui aussi par le présentateur télé pote de Trump, et qui avait interviewé Poutine en pleine guerre, Tucker Carlson.
Je n’ai pas tout dit dans cet article – ni tout ce qu’expose Galina Rymbu, ni tout ce que nous savons mais qui demande vérification. Je n’ai pas fait d’amalgame : le POI-LFI et le PT ne sont pas des formations fascistes ou masculinistes. Etablir l’existence de telles liaisons est une terrible accusation politique qui n’est pas un amalgame et n’en justifie aucun. Il est d’ailleurs important que ces informations, qui sont déjà du domaine public quoi que non encore médiatisées, soient explicitées par des militantes et des militants du mouvement ouvrier, féministe et internationaliste avant tout, et que l’on évite le sensationnalisme douteux. Car c’est très grave.
Et c’est également honteux. Car, répétons-le, quelle pornographie que de voir des courants politiques se réclamant de la révolution socialiste, se prétendant héritiers de Trotsky, des participants sincères et en réalité trompés, un dirigeant politique issu de cette histoire se prenant aujourd’hui pour le sauveur de la nation qu’il ne sera jamais et c’est tant mieux car il n’est pas de sauveur suprême … tous applaudissant des bandits, des menteurs, des flics et des … masculinistes ! Quelle pornographie !
Pour terminer, il faut dire une chose très fermement. Nul hasard si ce sont des femmes qui ont fini de lever le voile sur ce reliquat du fumier stalinien issu du XX° siècle et qui empeste le XXI°. Nul hasard. Et vu ce qu’elles dévoilent, elles sont menacées. Que Galina Rymbu et ses amies et camarades sachent que tout militant antifasciste qui sait ce qu’est cet adversaire doit trouver en eux des défenseuses et des défenseurs.
Vincent Présumey, le 07/11/25.
08.11.2025 à 11:54
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La copie du gouvernement concernant le budget de la Sécurité sociale est à l’image de toute la politique d’Emmanuel Macron.
Une politique de classe qui épargne les plus riches et tape les salarié·es, les malades et les retraité·es : doublement des franchises médicales, nouvelles franchises pour aller chez le dentiste ou bénéficier de béquilles, attaques sur les arrêts de travail, les malades en ALD, les apprentis, les chèques vacances et les tickets restaurants.
Au nom du déficit de la Sécurité sociale et de l’augmentation des dépenses de santé, le gouvernement restreint les droits des assuré·es et détricote le service public hospitalier.
Tout est faux dans leur raisonnement.
Les dépenses de santé sont globalement stables depuis 2014 à 11,4% du PIB en dépit du vieillissement de la population.
Le déficit de la Sécurité sociale est dû à un manque de recettes.
Il y a 80 Md€ d’exonérations de cotisation sociale, soi-disant pour améliorer la compétitivité de nos entreprises. Mais cette politique est un échec : depuis les années 90 la part de l’emploi industriel a chuté de 26% à 11%, nous sommes passés d’un excèdent commercial à un déficit abyssal de 100 Md€ et enfin 5 millions de nos concitoyens sont en recherche d’emploi.
Une part croissante de ces exonérations ne sont pas compensées par le budget de l’État et donc alimente le déficit de la sécurité sociale et celui des hôpitaux qui atteint 3 Md€.
Au final, tout notre système de santé est en situation de burn out chronique : les hospitaliers, les médecins en ville ou les infirmières libérales n’en peuvent plus.
Les Français n’arrivent plus à se soigner.
Un sur trois vit dans un désert médical. Un sur quatre renonce à se soigner. 9 millions n’ont pas de médecins traitants. Pire : des patients meurent faute d’être pris en charge à temps. Un tiers des hôpitaux déclarent des « incidents graves » liés à leurs surcharges d’activité.
Une autre politique est possible autour de trois axes :
Pour financer cette politique, notre groupe parlementaire propose 21 Md€ de recettes supplémentaires : une année blanche sur les exonérations de cotisation sociale, la suppression de toute exonération au-dessus de 2 SMIC ou la hausse de la CSG sur les revenus du Capital…
Enfin, pour limiter les dépenses de santé, il faut améliorer les conditions de travail et réduire le temps de travail, engager une vraie politique de santé publique contre l’alcool et le tabac, et réduire les pollutions de l’air et de l’eau.
Hendrik DAVI
Source : L’APRES Hebdo du 05/11/2025.
07.11.2025 à 11:06
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De nombreux scrutins locaux ont eu lieu aux Etats-Unis mardi 4 novembre, le tout prenant un caractère national, et pas seulement en raison des municipales à New-York. Tous ces scrutins sans exceptions ont vu une dérouillée magistrale infligée au parti républicain. Dans le Mississipi profond, en Géorgie, en Virginie, au New Jersey, à Charlotte en Caroline du Nord, à Orlando en Floride, dans les commissions scolaires où les obscurantistes liés à la New Apostolic Reformation et aux Christian Nationalists se sont pris une raclée, partout, partout, une lame de fond à dégommé les trumpistes.
Trump a prétendu, avec sa bêtise ordinaire, que tout cela est sans signification puisque son nom à lui ne figurait pas sur les bulletins. Bien au contraire, c’est son nom que les électrices et les électeurs ont vu apparaître par transparence, et qu’ils ont récusé. Ce ne fut pas une « vague bleue » pour le parti démocrate, mais une vague anti-Trump utilisant le bulletin des « bleus » (les démocrates) comme arme anti-Trump, dans le prolongement direct des grandes vagues nationales de manifestations des 14 juin et 18 octobre pour crier « No King » et « No Kings ».
L’élection new-yorkaise a été la pointe avancée de ce mouvement général, avec cette dimension supplémentaire qu’ici, l’establishment démocrate, capitaliste, affairiste et patronal, a été directement battu lui aussi, où son représentant, le gouverneur de l’Etat Andrew Cuomo, soutenu par Trump pour faire barrage à Zohran Mamdani, a été battu par celui-ci !
Que ne lit-on pas comme bêtises à propos de Zohran Mamdani, à la hauteur de la crainte politique des possédants, des trumpistes et des capitalistes non trumpistes mais qui choisissent Trump quand il leur faut choisir !
Elles se regroupent sous deux rubriques, lesquelles se superposent largement. Dans l’une, Mamdani est un « antisioniste antisémite » « proche des Frères musulmans ». Dans l’autre, Mamdani est un « agent de Soros », thème antisémite classique des trumpistes notamment. Ainsi donc, un suppôt de Soros, du Hamas et des attentats du 11 septembre aurait gagné New York ! Au fait, 33% des juifs new-yorkais ont voté pour lui …
Le lieu commun selon lequel « New York n’est pas l’Amérique profonde » circule lui aussi. C’est justement le contraire : le même mouvement concerne le fin fond du Vieux Sud et New York, autrement dit la nation démocratique cherche à s’affirmer contre l’oligarchie. Et dans New York, le vote Mamdani s’est fait contre Wall Street et a été le vote des travailleurs exploités : « Les doigts meurtris à force de soulever des cartons dans les entrepôts, les paumes calleuses à force de tenir le guidon des vélos de livraison, les jointures marquées par les brûlures de cuisine : ce ne sont pas des mains qui ont été autorisées à détenir le pouvoir. Et pourtant, au cours des 12 derniers mois, vous avez osé viser plus haut. »
Ces mots sont ceux du discours de la victoire de Zohran Mamdani, un grand discours, qui commence par un hommage à Eugène Debs, le père du socialisme américain, se développe en un engagement à respecter son mandat par la mise en œuvre effective des promesses faites : blocage des loyers, gratuité des transports collectifs, épiceries communales, recrutement de milliers d’enseignants, réforme de la police municipale, et culmine en s’adressant directement à Trump pour lui dire : « Nous sommes les migrants, Nous sommes l’Amérique, vous ne passerez pas ».
Le vote à New York a bien été un vote anti-Trump se renforçant en tant que vote de classe, ce que seuls d’incurables sectaires ne peuvent comprendre. Un autre parti que le parti démocrate officiel prend forme à New York avec les 90 000 militantes et militants pro-Mamdani, dont l’assise est plus large que les DSA (Democrat Socialists of America, le parti de Sanders auquel appartient Mamdani), dont la direction, campiste au plan international, reste rivée à l’intervention dans et vers les démocrates, alors que Mamdani a déclaré que Trump est lié à deux gangsters internationaux : Poutine et Netanyahou.
Cette situation va forcément susciter la contre-attaque trumpiste. Elle ébranle de plus en plus les appareils des syndicats américains, trumpistes compris car il y en a, comme la direction des Teamsters, et plus généralement inertes : la Chicago Teachers Union appelle l’AFL-CIO à prendre l’offensive pour la défense de la démocratie, et le mouvement No Kings prépare sa marche nationale à Washington le 22 novembre. Car, oui, les choses se jouent maintenant, sans attendre les élections mid-termes et encore moins les renouvellements de conventions collectives au … 1° mai 2028 !
Agir quand il le faut ! Telles sont les vraies leçons américaines pour la lutte des classes et la défense de la démocratie valables aussi en France et ailleurs !
06.11.2025 à 23:17
aplutsoc
Présentation
Les organisations anarchistes de Russie, Bélarus, Ukraine, rejointes par d’autres groupes ou collectifs d’Europe de l’Est, s’élèvent contre les exclusives et interdictions émises à leur encontre par de nombreux anarchistes d’Occident au motif de leur engagement dans la résistance armée ukrainienne. En se croyant pacifistes ou antimilitaristes, ceux qui les excluent sont les suppôts de l’État et du pouvoir d’État dans leur forme la pire.
Document
Déclaration collective « Contre la censure des voix d’Europe de l’Est lors des événements anarchistes dans l’UE »
Disponible en d’autres langues : biélorusse, ukrainien, polonais, russe, espagnol, français
Ces dernières années, plusieurs organisations et groupes ont émergé au sein du milieu anarchiste, excluant activement les militants des Collectifs Solidaires, d’ABC-Biélorussie et de nombreuses autres organisations anarchistes et anti-autoritaires des événements publics. Ils les empêchent d’y participer et publient diverses « déclarations » condamnant leur soutien à la résistance ukrainienne face à l’invasion russe. Ce comportement repose souvent sur une interprétation erronée des positions des militants d’Europe de l’Est sur la guerre. Des anarchistes sont accusés de militariser, de soutenir la guerre et de ne pas être suffisamment critiques envers l’État ukrainien.
À notre avis, un tel comportement est indigne du mouvement anarchiste. Nous croyons en la nécessité du dialogue sur les questions controversées. Toute tentative visant à contraindre les anarchistes à tenir le « bon » discours afin que les camarades occidentaux soient disposés à les écouter et à les soutenir financièrement s’apparente à de la coercition. Nous ne considérons en aucun cas le travail des Collectifs Solidaires et d’ABC-Biélorussie comme étant pro-guerre ou soutenant le militarisme d’État. Nous condamnons catégoriquement toute tentative d’isoler les collectifs anarchistes d’Europe de l’Est sur la question de l’expansion militaire du régime russe.
Nous appelons les autres collectifs anarchistes à manifester leur solidarité avec les anarchistes qui luttent ici et maintenant contre les régimes de Poutine et de Loukachenko, les armes à la main ou avec des pierres. La résistance à l’État est impossible sans solidarité, esprit critique et dialogue sur les questions politiques complexes.
Liste des signataires de cette déclaration (si vous souhaitez être ajouté à cette liste, veuillez contacter l’une des organisations qui y figurent) :
Signatures individuelles :
Source : https://www.facebook.com/abc.belarus