06.12.2025 à 00:30
Livia Stahl
Cécile Cée est plasticienne, photographe, mais aussi autrice de l'ouvrage Ce que Cécile sait – journal de sortie d'inceste (Marabout, 2024). À sa sortie d'amnésie traumatique, elle réalise à 38 ans qu'elle a été victime d'inceste dans son enfance. Depuis, elle n'a de cesse de se documenter et de militer pour que l'inceste sorte du silence et soit dénoncé tel qu'il est : un système omniprésent. De quoi parle-t-on quand on parle d'inceste ? Qui est concerné ? « Ce qu'on appelle couramment (…)
- CQFD n°247 (décembre 2025) / Maïda Chavak, Le dossier
Cécile Cée est plasticienne, photographe, mais aussi autrice de l'ouvrage Ce que Cécile sait – journal de sortie d'inceste (Marabout, 2024). À sa sortie d'amnésie traumatique, elle réalise à 38 ans qu'elle a été victime d'inceste dans son enfance. Depuis, elle n'a de cesse de se documenter et de militer pour que l'inceste sorte du silence et soit dénoncé tel qu'il est : un système omniprésent.
De quoi parle-t-on quand on parle d'inceste ? Qui est concerné ?
« Ce qu'on appelle couramment “inceste”, ce sont les agressions sexuelles ou les viols commis en famille. C'est un phénomène massif. En France malheureusement, les enquêtes ne permettent pas d'aboutir à un chiffre réaliste de l'étendue des personnes concernées [voir encadré]. Le droit ne reconnaît d'ailleurs pas de “délit d'inceste” en tant que tel : il pénalise les agressions et les viols, dont le caractère incestueux ne serait qu'une “circonstance aggravante”. Et c'est un problème.
« C'est un environnement dans lequel tu sens qu'une agression peut arriver à tout moment. Tu ne peux jamais te reposer et te sentir en sécurité »
En effet, la réalité de l'inceste dépasse largement les agressions physiques. L'anthropologue Dorothée Dussy parle à ce titre de “système inceste”. Il ne s'agit jamais d'une histoire entre deux individus : un père et une fille, ou un frère et une sœur. L'inceste, c'est un système de relations entre les membres d'une famille, qui se caractérise par des mécanismes de domination bien spécifiques. Et au-delà de la famille, l'inceste est aussi une idéologie au fondement de notre société patriarcale, véhiculée par une “culture de l'inceste” qui va légitimer les agressions sexuelles à l'encontre des enfants, protéger les agresseurs, et punir celles et ceux qui veulent le dénoncer1. »
On entend aussi parler de « climat incestuel », une notion moins connue et plus difficile à saisir que des faits d'agression objectivement observables. Peux-tu en donner une définition ?
« L'incestuel, ce n'est pas un “climat” qui serait “dans l'air”. C'est un fonctionnement familial fondé sur l'intrusion permanente des membres les plus hauts dans la hiérarchie du foyer dans l'intimité des plus vulnérables. La Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) donne douze critères indicatifs2 qui permettent de le repérer [voir encadré]. Mais la liste n'est pas exhaustive. Dans les critères souvent donnés de l'incestuel, il y a l'absence ou la non-utilisation de verrou aux portes des w.c. et salle de bain, l'habitude d'entrer dans la chambre de chacun à tout moment ou celle pour les enfants de dormir avec les parents et inversement. Ça peut être l'exhibition, le naturisme en famille, l'attention excessive portée au physique ou à la sexualité des jeunes, la promiscuité.
« L'atteinte à la filiation, c'est un continuum dans lequel les parents n'exercent pas leur rôle de cadre »
Mais ça peut être aussi le fait de lire les journaux intimes des enfants, voire de les lire publiquement à table. Ou des parents qui répètent à leurs enfants que ces derniers “peuvent tout leur dire”, au point que les enfants le ressentent comme une injonction à ne pas avoir de jardin secret. Ces intrusions dans l'intimité physique et psychique des enfants sont délétères pour leur construction. »
Contrairement à ce qu'on entend dans la vulgarisation autour de l'inceste, le « climat » incestuel, ce n'est donc pas « l'inceste sans passage à l'acte ». L'incestuel est une matérialisation en tant que telle de l'inceste, au même titre que le sont les viols et les agressions.
« En effet. Les victimes d'inceste, y compris dans les familles où il n'y a pas eu de passage à l'acte physique, présentent des traumatismes cérébraux comparables à ceux de victimes de terrain de guerre, de victimes d'attentat, ou à ceux d'enfants battus. On observe à l'IRM certaines régions de leur cerveau qui sont anormalement développées. L'incestuel dans lequel grandit un enfant le contraint à être en vigilance permanente. C'est un environnement dans lequel tu sens qu'une agression peut arriver à tout moment. Comme dans les films d'horreur, quand tu sais que quelque chose va arriver mais que tu ne sais pas quand : tu ne peux jamais te reposer et te sentir en sécurité. Et puis tu ressens l'intention de l'agresseur. Par exemple, quand mon père était violent, je le voyais changer de visage, son nez paraissait s'allonger. Cette intention de l'agresseur est centrale dans le trauma des victimes d'inceste3. »
Le « climat incestuel », les agressions et les viols sont les manifestations du même « système inceste ». Quels en sont les mécanismes communs ?
« L'inceste, c'est d'abord un abus de la confiance des enfants qui permet une atteinte à la filiation. Pour être un être humain complet, on a besoin d'un corps, on a besoin d'être nourri et d'être soigné. Mais on a aussi besoin de sens, de s'inscrire dans une chaîne de filiation, une généalogie qui nous situe dans le temps et nous donne une identité, nous constitue en tant qu'être humain. La première chose à laquelle l'inceste va porter atteinte, c'est à ce sens-là. Il va construire un monde dans lequel on n'est plus la fille de son père mais où on devient son amante, où on n'est plus le frère de son frère mais où on devient son objet sexuel. Ça fait exploser le cerveau de la victime, qui ne peut plus se raccrocher à un socle commun de repères dans la société parce qu'elle grandit dans un environnement où il y a inversion des rôles. C'est ce qu'on appelle le “monde à l'envers”. Ce qui devrait être la génération du dessus n'est plus la génération du dessus. Dans les arbres généalogiques de familles incestueuses, on ne sait d'ailleurs plus très bien qui est qui, on se trompe tout le temps.
Cette atteinte à la filiation recouvre des réalités variables. Ce sont les filles qui accouchent de leur père, dont l'enfant est élevé par sa grand-mère, que tout le monde va considérer comme sa véritable mère. C'est Molière qui épouse sa belle-fille, Yves Montant qui viole la sienne. Mais c'est aussi, au bout de l'éventail et de manière très banalisée, la confusion des places dans la famille : la parentification des enfants qui s'occupent de leurs frères et sœurs ou de leurs parents, ou les confidences entre adultes et enfants sur leurs vies affectives et sexuelles respectives. C'est un continuum dans lequel les parents n'exercent pas leur rôle de cadre. »
Dans l'inceste, cette confusion des rôles dans la famille s'accompagne aussi d'une chosification des enfants par les adultes. En quoi cela consiste ?
« Dans les familles incestueuses, les enfants ne s'appartiennent pas eux-mêmes : ils appartiennent à la famille, au clan. Cette manière fusionnelle d'être ensemble va justifier les intrusions dans l'intimité physique et psychique des enfants, le fait qu'il n'y ait pas de barrière. C'est comme si quelque part, tu dois ton intimité à ta famille, tu dois tout lui partager. Tu en viens à ne plus te sentir autorisé·e à penser par toi-même. Tu dois penser comme tes parents, comme le clan. Il n'y a pas de récits individuels, seulement un récit collectif.
« Pour les membres de la famille, entendre qu'il y a inceste, c'est impossible, parce que ça remet en cause leur propre appartenance au clan, donc leurs fondations, mais aussi leur identité »
C'est ainsi que très souvent, dans les familles incestueuses, il y a un “roman familial” auquel tout le monde doit adhérer. Une fiction, un narratif, qui permet de dire les secrets de famille sans vraiment en parler. Tout le monde sait mais personne ne veut le voir. L'inceste est là : c'est l'éléphant au milieu de la pièce. Et en même temps, personne ne le nomme. C'est le gaslighting4 permanent. »
Pour identifier les situations de climat incestuel, la Ciivise reprend les critères non-exhaustifs proposés par (notamment) Brigitte Moltrecht, dans l'article collectif « Climat incestuel : proposition d'objectivation des critères de définition à partir de jeunes orientés en institut thérapeutiques, éducatif et pédagogique » (2019).
– la non-autorisation à penser par soi-même
– l'intrusion dans l'intimité
– la confusion des places
– les confidences concernant la vie affective et sexuelle
– la proximité physique excessive
– l'attention excessive au corps du jeune
– la promiscuité
– l'attention excessive à la sexualité du jeune
– la sexualité par procuration
– le non-respect d'un lieu intime pour la toilette du jeune
– l'exhibition
– le fait de dormir dans la chambre parentale
Ce magma de l'incestuel, non seulement il est difficile d'en prendre conscience, mais il paraît aussi impossible d'en sortir. Comment cela se passe lorsqu'une victime le dénonce dans sa famille et tente de provoquer une prise de conscience collective ?
« Sortir de cette logique fusionnelle, sectaire en réalité, semble en effet impossible. La culpabilité est trop forte. On a l'impression d'abandonner ses parents, d'être un mauvais fils ou une mauvaise fille. C'est pour cela que c'est une aberration de ne pas pénaliser l'inceste entre adultes : comme le disait Christine Angot, si tu couches avec ton père à 25 ans, c'est précisément parce que tu n'arrives pas à sortir de l'inceste, la majorité légale n'y change rien.
Comme l'inceste suppose une dissolution de l'individu dans le clan, commencer à raconter sa propre histoire, en contrevenant au narratif familial selon lequel “tout va bien”, c'est fragiliser tout l'édifice. Pour les membres de la famille, entendre qu'il y a inceste, c'est impossible, parce que ça remet en cause leur propre appartenance au clan, donc leurs fondations, mais aussi leur identité. Mon père incestueux a beaucoup plus de valeur pour le clan que ma propre parole. Et ce même si c'est une personne “problématique” que chacun reconnaît comme telle. Finalement, tout le monde s'entend pour se dire que “ce n'est pas si grave”, que la victime exagère. Ça leur permet de justifier leurs propres aveuglements, leurs errances, leur non-protection des enfants. Ça leur permet aussi de ne pas voir leurs propres actes incestueux. En effet, il n'existe pas de dichotomie gentille victime/méchant bourreau. Dans l'inceste, tout le monde est colonisé. Pour le comprendre et s'en défaire, un long travail thérapeutique est nécessaire. C'est bien plus simple d'être dans le déni, et d'exclure les victimes de la famille, progressivement considérées comme responsables du chaos. »
Les hommes (pères, oncles, frères, cousins) sont largement surreprésentés parmi les agresseurs incestuels déclarés (il est question de 96 % d'agresseurs, dont 33 % de pères). Quelle est la place des femmes, et en particulier des mères dans le système inceste ?
« Elle est centrale. Dans les régimes de domination, y compris coloniaux ou patriarcaux, le maintien de l'ordre repose sur des intermédiaires subalternes auxquels le système accorde des privilèges marginaux pour assurer sa propre reproduction. Les mères jouent ce rôle. Il existe des mères qui vont protéger leur enfant de l'inceste, mais elles restent une minorité. La plupart des mères ne vont pas croire les victimes d'inceste, être dans l'indécision, atténuer leurs propos, oublier les détails pour, au final, défendre les incesteurs. Ces mères qui ne protègent pas, ou tardivement, sont malheureusement elles-mêmes prises dans ce système de domination sociale qui valorise l'inceste. Bien souvent, elles ont aussi été victimes d'inceste ou d'incestuel, se sont construites avec et ne l'ont pas remis en cause. Pour elles, croire l'enfant et agir en conséquence, c'est donc prendre le risque de s'effondrer psychiquement. Ma mère, par exemple, m'a dit : “Tu n'as aucune idée de ce que c'est que la violence. Mais moi je n'ai pas porté plainte.” Donc elle sait mieux que moi, et si elle n'a rien fait, alors je ne devrais rien faire non plus. Et puis, à 80 ans, qu'est-ce qu'elle va faire ? Elle a passé toute sa vie avec un conjoint violent. Elle ne peut pas tout remettre en cause. »
Penser la responsabilité des femmes dans la perpétuation du système inceste n'est pas chose aisée lorsqu'on est féministe. Pourquoi cela reste fondamental pour comprendre ce qu'est l'inceste ?
« Les mouvements féministes défendent à juste titre les femmes qui, notamment à cause des ravages de la psychanalyse freudienne5, ont longtemps et sont encore considérées comme responsables de tous les traumas des enfants6. Bien sûr, elles ont raison de le faire. Et de rappeler que “les agresseurs sexuels sont des hommes”. Ce qui est globalement vrai pour les agressions entre adultes. Mais je pense que ça ne prend pas en compte l'inceste maternel, qui peut exister sous la forme de “nursing7 pathologique”. On n'a absolument pas les chiffres, parce que socialement on n'est pas prêts à l'entendre. Et qu'en tant que féministe, on est beaucoup dans un discours de misandrie, auquel j'ai moi-même adhéré, mais que je questionne aujourd'hui parce que je pense que c'est une erreur stratégique : il permet de rester dans cette “culture du monstre” qui nous empêche de voir l'inceste comme un système présent en chacun de nous, y compris chez les femmes, y compris chez les victimes. Au contraire, la seule manière de lutter contre l'inceste, c'est de reconnaître d'abord en nous le parfait petit agent de la culture de l'inceste. »
Quelles sont les pistes pour en sortir d'après toi ?
« La prison à outrance n'a aucun sens, à part celui de sacrifier les prétendues brebis galeuses, et qui permet le maintien du système. Mais je ne pense pas qu'il faille pour autant renoncer à l'idée de loi et de sanction. En effet, pour dénoncer l'inceste, il faut un rapport à la loi. Parce que dans les familles incestueuses, il y a justement une négociation permanente face à la loi : “On peut faire ce qui est interdit, et c'est pas grave”. Ce n'est pas parce que la justice est au service de l'ordre dominant qu'il ne faut pas s'en emparer pour en faire autre chose. Quant à la sanction, toutes les psychologues travaillant auprès des agresseur·ses que j'ai entendues disent qu'elle est importante, parce qu'elle permet à un moment donné de dire “Stop” à la personne qui agresse, lui faire réfléchir à ce qu'elle a fait, et l'accompagner avec des soins. Ce qui implique de repenser entièrement les sanctions et l'accompagnement.
En parallèle, je pense qu'on doit faire de la “prévention de l'inceste” au sens le plus basique que celui de la prévention des risques. L'inceste est un risque, il faut donc s'y former aussi concrètement que contre les risques d'incendie : avec de la sensibilisation, avec des simulations de cas où on apprend qu'une personne est victime d'inceste et où on doit réagir, etc. Et regarder en priorité là où le risque d'inceste est le plus accru : là où il y a potentiellement le plus de vulnérabilité face à la domination adulte. Donc chez les enfants racisés, chez les personnes en situation de handicap, chez les enfants trans, bref, prendre en compte toutes les oppressions spécifiques. Et viser en priorité les lieux qui accueillent des enfants : maternités, crèches, hôpitaux, écoles, où l'on sait qu'il y a beaucoup de pédocriminalité. Ça veut dire mettre en place des politiques antiracistes, antitransphobie, antivalidiste, donc des moyens matériels, au service d'une approche véritablement intersectionnelle. »
Quel pourcentage de la population est concerné par les violences sexuelles dans l'enfance ? Difficile à dire. Les enquêtes se font sur base déclarative, ce qui comporte un premier biais : de nombreuses victimes ne se considèrent pas comme telles, soit parce qu'elles minimisent ce qui leur est arrivé (culture de l'inceste bonjour), soit parce qu'elles ont été victimes de faits commis dans la jeune enfance et en sont amnésiques. Les personnes interrogées ont entre 15 et 59 ans, ce qui exclut les enfants et les personnes âgées. Aussi, les enquêtes ne prennent pas en compte les nourrissons et les personnes décédées, ce qui n'est pas négligeable quand on sait que les violences sexuelles conduisent à des comportements dangereux qui peuvent entraîner la mort, ou à des suicides. Autre biais : comme les enquêtes sont réalisées par téléphone, elles n'interrogent pas les personnes qui n'en ont pas ou qui sont à la rue, pourtant surreprésentées chez les victimes. Enfin, les enquêtes ne visent bien souvent que les violences sexuelles commises par les adultes et non entre mineurs. Le Conseil de l'Europe aboutit bien au chiffre d'une personne sur cinq victime de violences sexuelles dans l'enfance. Mais c'est largement sous-représenté. Et bien sûr, ça ne prend jamais en compte l'incestuel…
1 Lire page 9, « Survivre deux fois : l'inceste et le naufrage judiciaire ».
2 Lire le rapport de la Ciivise, « Violences sexuelles faites aux enfants : “On vous croit” », novembre 2023.
3 Lire Muriel Salmona, Le livre noir des violences sexuelles, Dunod, 2018.
4 Le gaslighting est une forme de manipulation mentale qui consiste à nier une information, à la déformer ou à la présenter sous un autre jour, afin que la victime doute de sa propre perception de la réalité, de sa mémoire et de sa santé mentale.
5 Lire page 6, « Témoignage : que dit-on de l'inceste en fac de psycho ? ».
6 Lire page 9, op. cit.
7 Ensemble des soins d'hygiène et de confort.
06.12.2025 à 00:30
Malo
Louison est prof de français et en reprise d'études en troisième année de licence de psychologie clinique. Elle anime aussi le compte Instagram Aventreouvert, dans lequel elle a déjà dénoncé les errements des enseignements qu'elle suit à l'Université Aix-Marseille, en ce qu'ils participent à nier l'inceste comme fait social et réel, tout en formant les psychologues de demain. Témoignage. « Le traitement qui est fait des violences sexuelles commises sur les enfants et plus particulièrement (…)
- CQFD n°247 (décembre 2025) / Maïda Chavak, Le dossier
Louison est prof de français et en reprise d'études en troisième année de licence de psychologie clinique. Elle anime aussi le compte Instagram Aventreouvert, dans lequel elle a déjà dénoncé les errements des enseignements qu'elle suit à l'Université Aix-Marseille, en ce qu'ils participent à nier l'inceste comme fait social et réel, tout en formant les psychologues de demain. Témoignage.
« Le traitement qui est fait des violences sexuelles commises sur les enfants et plus particulièrement de l'inceste est catastrophique dans ma fac, mais aussi dans de nombreuses universités françaises. À Aix-Marseille Université (AMU), la psychanalyse est totalement hégémonique et se résume principalement à Freud et Lacan. Les étudiants qui ont choisi la psychologie clinique comme spécialité seront plus tard au contact des victimes d'inceste ; or il n'y a pas de cours sur le trauma simple et encore moins sur le trauma complexe1. C'est totalement absent des enseignements.
Le complexe d'Œdipe et la théorie du fantasme sont au centre de l'apprentissage, passant sous silence les violences réelles commises sur les enfants.
Pour prendre correctement en charge les victimes de violences, les psychologues doivent donc faire des formations complémentaires payantes après l'obtention de leur diplôme, et c'est bien évidemment au bon vouloir de chacun. Pire, le complexe d'Œdipe et la théorie du fantasme sont au centre de l'apprentissage, passant sous silence les violences réelles commises sur les enfants. Jamais les chiffres sur l'inceste ou les conséquences de ces violences ne sont évoqués. Finalement, l'université est un prolongement de ce qui se passe au sein de la société : négation de l'inceste et mauvais traitement des victimes. »
« Pour faire court, Freud commence par faire l'hypothèse que les “hystériques” auraient été victimes de violences sexuelles dans l'enfance (c'est la “théorie de la séduction”). Les symptômes à l'âge adulte seraient donc causés par un traumatisme “refoulé”, lié au passé. Mais il renonce finalement à cette théorie pour mettre au premier plan celle du fantasme quand il s'aperçoit qu'il ne parvient pas à soigner les malades et que les cas d'inceste, notamment d'inceste paternel, sont trop fréquents. En 1897, dans une lettre à un pair2, il écrit : “Une telle généralisation des actes pervers commis envers des enfants semblait peu croyable.”
« Une telle généralisation des actes pervers commis envers des enfants semblait peu croyable »
Cette réalité était difficilement acceptable, y compris pour Freud qui a lui-même grandi dans une famille incestueuse avec un père agresseur… Il élabore alors la théorie du complexe d'Œdipe, selon laquelle les symptômes seraient causés non par une violence réelle, mais par un fantasme incestueux chez l'enfant, plus précisément par un refoulement issu d'un conflit entre désir sexuel incestueux et interdiction de ce désir. Freud écrit, dans Ma vie et la psychanalyse (1925) : “Je dus cependant reconnaître que ces scènes de séduction n'avaient jamais eu lieu, qu'elles n'étaient que des fantasmes imaginés par mes patients […] les symptômes névrotiques ne se reliaient pas directement à des événements réels, mais à des fantasmes de désir”… L'inceste serait donc du côté de l'enfant et non de l'adulte, et du côté du fantasme et non de la réalité. Il y a un double renversement. Et c'est le point de départ de nos apprentissages à l'université… »
« L'année dernière, une prof nous a carrément dit qu'il n'y avait aucune différence entre les personnes traumatisées par l'inceste réellement subi et celles (prétendument) traumatisées par leurs propres fantasmes… Et plusieurs profs ont déjà manifesté ouvertement leur réticence vis-à-vis du signalement lorsque l'on est face à un enfant qui révèle des violences, sous prétexte qu'il pourrait ne s'agir que de “fantasmes”.
Les conséquences de la théorie du complexe d'Œdipe sont donc bien concrètes, et dramatiques pour les victimes. Et la doctrine en est complètement imbibée, au point que de nombreux professionnels continuent de s'en réclamer, et qu'elle est encore aujourd'hui enseignée à de futurs praticiens. Cela conduit à une absence de formation sur le psychotrauma et à une négation des violences réelles subies par les enfants, en particulier au sein de la famille, en plus d'une impunité offerte aux agresseurs.
L'idée n'est pas de supprimer la psychanalyse des enseignements, mais de trouver un meilleur équilibre, de favoriser l'esprit critique et de ne pas rester bloqués sur des théories permettant de nier l'inceste commis sur les enfants. La psychologie ne se résume pas à la psychanalyse et la psychanalyse ne se résume pas non plus à Freud ou Lacan, et encore moins au complexe d'Œdipe. Il faut une mise à jour des enseignements pour permettre aux futurs psychologues de prendre correctement en charge les victimes d'inceste, qui sont innombrables et dont le vécu est déjà suffisamment nié par l'ensemble de la société. »
1 Le « trauma simple » est causé par un événement unique (agression, accident…) quand le « trauma complexe » est dû à la répétition de violences dans le temps, entraînant des conséquences psychiques multiples et plus vastes.
2 Voir celle du 21 septembre 1897, dans Enquête aux archives Freud, Jeffrey Masson (L'instant présent, 2012).
06.12.2025 à 00:30
Paul Berger
Reda M., reconnu victime des effondrements de la rue d'Aubagne, a été expulsé de France après un mois et demi en centre de rétention à Marseille. L'occasion de faire le point sur l'application d'un texte législatif censé protéger les victimes de marchands de sommeil, quel que soit leur statut administratif. Un silence assourdissant enveloppe l'assemblée devant la « dent creuse » de la rue d'Aubagne, à Marseille. Le 5 novembre au matin, une centaine de personnes s'est rassemblée pour (…)
- CQFD n°247 (décembre 2025) / Actualités, Étienne Savoye
Reda M., reconnu victime des effondrements de la rue d'Aubagne, a été expulsé de France après un mois et demi en centre de rétention à Marseille. L'occasion de faire le point sur l'application d'un texte législatif censé protéger les victimes de marchands de sommeil, quel que soit leur statut administratif.
Un silence assourdissant enveloppe l'assemblée devant la « dent creuse » de la rue d'Aubagne, à Marseille. Le 5 novembre au matin, une centaine de personnes s'est rassemblée pour commémorer le macabre anniversaire des effondrements où huit personnes ont trouvé la mort en 2018. Quinze longues minutes d'un mutisme que seul le vrombissement des scooters, le fracas de travaux au loin et le cri strident des mouettes viennent briser. Puis c'est au tour des prises de parole des familles, qui rappellent à tous l'horreur et l'injustice qui entourent ce drame.
Le Collectif du 5 novembre multiplie les démarches et interpelle Emmanuel Macron pour demander une grâce présidentielle
Mais cette année, dans la foule, une affiche passe de main en main. Le papier porte l'inscription « REDA DOIT POUVOIR RENTRER EN FRANCE », en majuscules, lettres blanches sur fond noir. « On va faire une photo, pour Reda, pour demander son retour », annonce au micro Kévin Vacher, du Collectif du 5 novembre, créé juste après les effondrements. Reda, c'est le grand absent de cette commémoration. Victime de la rue d'Aubagne, il a été expulsé de France entre le 25 et le 26 octobre, après un mois et demi passé au centre de rétention administrative du Canet, dans le 14e arrondissement de Marseille. Arrêté le 5 septembre dans une station de métro pour franchissement illégal du portique, il était sous le coup d'une interdiction du territoire français de trois ans, prononcée en mars 2023.
Il a le profil type de ceux qui passent sous les radars. Immigré tunisien âgé d'une quarantaine d'années lorsqu'il arrive sur le territoire français pour travailler, comme tant d'autres anonymes. Si, ce 5 novembre, toute l'assemblée montre sa solidarité, c'est que son histoire s'inscrit dans un récit plus grand que lui.
Sept ans plus tôt, jour pour jour, il quitte à l'aube l'appartement de Rachid, qui l'héberge depuis plusieurs semaines. Taher et Chérif, deux amis restés pour la nuit, dorment encore. Il ne les reverra plus. Tous deux périssent dans l'effondrement, devenu le symbole d'une ville minée par l'habitat délabré. Une enquête de police s'ouvre, sans s'attarder sur son cas. Après tout, son nom ne figure sur aucun bail. Viendra ensuite un procès en 2024, durant lequel il se porte partie civile et sera reconnu victime du propriétaire de l'appartement, Xavier Cachard, avocat du syndicat de copropriété et vice-président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur au moment des faits. Ce dernier, refusant la sentence – pourtant dérisoire – de quatre ans de prison dont deux ferme sous bracelet électronique, sera rejugé en appel en novembre 2026.
L'un des arguments avancés par les soutiens de Reda : une loi permettant désormais d'accorder un titre de séjour aux victimes de marchands de sommeil
De ce rendez-vous avec une justice toute relative, Reda en sera privé. Bloqué en Tunisie, sa santé est extrêmement dégradée par tous ces drames encaissés. Kévin Vacher n'en fait pas le secret : « On l'a eu au téléphone hier, son état nous inquiète beaucoup. » Atteint d'une hépatite B, Reda ne peut se soigner en Tunisie. Le Collectif du 5 novembre multiplie les démarches et interpelle Emmanuel Macron pour demander une grâce présidentielle. « Pour l'instant, l'Élysée a simplement accusé réception », précise Kévin Vacher. L'un des arguments avancés par les soutiens de Reda : une loi permettant désormais d'accorder un titre de séjour aux victimes de marchands de sommeil.
Introduite par la loi dite « Darmanin », du 26 janvier 2024, cette disposition ouvre une voie d'obtention d'un titre de séjour temporaire aux victimes de l'habitat indigne, à condition qu'elles portent plainte contre les personnes qui les contraignent à vivre dans ces conditions.
Morgane Paret est juriste pour le réseau Espace qui accompagne les professionnels de l'accueil et du conseil aux personnes étrangères. Pour elle, c'est indéniable : la disposition est utile. « À Marseille, où de nombreux logements sont insalubres, c'est un outil qui nous aide. » Mais la juriste nuance aussitôt et pointe les obstacles que l'administration multiplie. « La préfecture n'indique pas les documents nécessaires pour faire cette demande de titre. Sur son site, le formulaire adapté n'est pas disponible. »
« Actuellement à Marseille on a huit mois à un an de retard sur les dossiers de renouvellement des titres »
Une autre avocate spécialisée, également contactée, dénonce des obstructions similaires de la préfecture des Bouches-du-Rhône. Pour l'un de ses clients, un homme visé par une obligation de quitter le territoire, elle a dû saisir le tribunal administratif pour obtenir un récépissé. Une procédure devenue presque banale selon Morgane Paret. Bien souvent, les demandes se heurtent également à une obstruction passive : la longueur des délais. « Actuellement à Marseille, on a huit mois à un an de retard sur les dossiers de renouvellement des titres. Normalement quatre mois sans réponse de l'administration constituent un refus implicite », rappelle la juriste.
Si les professionnels interrogés s'entendent sur le fait que la disposition ouvre une nouvelle voie de régularisation, tous demeurent extrêmement critiques. Morgane Paret rappelle que les personnes étrangères qui bénéficient d'un accompagnement juridique restent une minorité. « Elles portent très peu plainte en réalité », indique-t-elle.
« il n'avait aucune chance »
Car quand on vit en situation irrégulière, un homme en bleu représente plus une menace qu'un allié. Les exemples ne manquent pas. « Je me souviens d'un cas, en octobre 2024. Un monsieur se fait cambrioler dans l'appartement qu'il sous-loue. Il demande à sa voisine d'appeler la police pour qu'il puisse porter plainte et, lorsqu'ils arrivent, les agents constatent qu'il est sans-papiers et le placent en garde à vue avant de l'expulser », se remémore Bruno, militant de longue date au sein de la Cimade.
À l'évocation du dossier de Reda, Bruno est catégorique : « il n'avait aucune chance », tranche-t-il, témoin du tournant répressif inédit pris par l'État ces dernière années. Car Reda n'était pas locataire : il ne pouvait pas bénéficier de la loi sur les marchands de sommeil.
Si le militant de la Cimade se montre si catégorique, c'est qu'aujourd'hui une notion revient systématiquement dans le traitement des personnes étrangères : l'ordre public. Depuis le début de l'année 2025 et la circulaire dite « Retailleau », les préfectures ont pour consigne de durcir drastiquement le ton. Un court texte, d'à peine trois pages, qui insiste sur le caractère exceptionnel de la délivrance d'un titre de séjour. « Jusqu'à la circulaire Retailleau, on se référait à une circulaire Valls de 2012, qui était extrêmement détaillée », témoigne la juriste Morgane Paret.
Le document souligne également la notion de « menace à l'ordre public » et incite l'administration à se renseigner systématiquement lors du traitement des demandes de titre de séjour, en élargissant considérablement le champ de cette fameuse « menace ». Aujourd'hui, le fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ) est presque systématiquement consulté lors d'une demande de titre. La simple présence dans ce fichier, que ce soit pour une condamnation ou pour une simple audition en tant que témoin, suffit à refuser des demandes de papiers. « On a eu un cas à Toulon : un homme en France depuis des années s'est vu refuser son renouvellement de titre pour une conduite sans permis en 2017 », s'insurge une juriste contactée.
Autant dire qu'avec une condamnation en 2023 et aucune plainte contre son marchand de sommeil, Reda n'avait que peu de chances face à la machine répressive qu'est l'administration française. Comme tant d'autres étrangers, il est passé par le centre de rétention administrative du Canet, un établissement où les conditions de logement ont été qualifiées « d'indignes » par un rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté publié l'an dernier. Dès lors, l'État français serait-il dans l'obligation de délivrer un titre de séjour aux étrangers retenus dans les CRA qui porteraient plainte pour des conditions d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine ?
06.12.2025 à 00:30
Loïc
Loïc est prof d'histoire et de français, contractuel, dans un lycée pro des quartiers Nord de Marseille. Chaque mois, il raconte ses tribulations au sein d'une institution toute pétée. Entre sa classe et la salle des profs, face à sa hiérarchie ou devant ses élèves, il se demande : où est-ce qu'on s'est planté ? « Ennuyeux, pénible, fatigant, dur physiquement et mentalement ». Les élèves de CAP rentrent tout juste de stage. En début de cours, je leur demande d'écrire rapidement comment (…)
- CQFD n°247 (décembre 2025) / Mona Lobert, Échec scolaire
Loïc est prof d'histoire et de français, contractuel, dans un lycée pro des quartiers Nord de Marseille. Chaque mois, il raconte ses tribulations au sein d'une institution toute pétée. Entre sa classe et la salle des profs, face à sa hiérarchie ou devant ses élèves, il se demande : où est-ce qu'on s'est planté ?
« Ennuyeux, pénible, fatigant, dur physiquement et mentalement ». Les élèves de CAP rentrent tout juste de stage. En début de cours, je leur demande d'écrire rapidement comment s'est passée l'expérience. Comme à chaque fois, les mêmes réponses, à quelques exceptions près. Certains ont adoré : « Franchement meilleur stage ! J'étais tout le temps dehors et en déplacement chez les clients ! » Sur leur feuille, les autres pointent la dureté du travail : « On portait des panneaux tout le temps, j'avais hyper mal au dos et si je me plaignais, je me faisais défoncer » ; ou plus souvent encore l'ennui : « Je n'ai fait qu'observer pendant un mois. Je n'avais pas le droit de toucher les outils parce que le maître de stage n'était jamais là. Du coup, j'allais me cacher dans les toilettes ». Pour accueillir les stagiaires dans l'entreprise, aucune qualification particulière de formateur n'est attendue, ni même de connaissance fine du boulot. La fonction est bien souvent occupée par le patron de la boîte, qui n'a parfois de connaissance du métier que le volet administratif. « Le chef, il passe en coup de vent. Il juge mon travail mais il n'y connaît rien, il est toujours dans les bureaux », raconte un autre. Et les 35 heures ne sont pas toujours respectées : « Moi je bossais de 10 à 18 heures sans pause, on mangeait après ». Et quelques fois, avec des horaires de nuit à la clef : « Pendant une semaine, sur un chantier où il fallait aller vite, on finissait à 23 heures », m'explique un élève en maçonnerie. Des patrons qui exploitent des enfants donc, et n'hésitent pas à en faire des petites mains interchangeables. « Avec lui c'est simple, on est quatre stagiaires. On se réunit chaque matin et il décide qui vient et qui ne vient pas en fonction de ses besoins ! » raconte un autre jour un élève en plomberie.
Qu'en pense l'institution ? Silence radio en haut lieu. Chaque réforme du lycée professionnel encourage davantage le rapprochement entre l'école et l'entreprise avec, depuis 2023, une rémunération de quelques centaines d'euros par stage payé par l'État, pain béni pour le patronat1. Et les profs ? Si nombre d'entre eux dressent des « listes noires » d'entreprises véreuses vers lesquelles ils refusent d'envoyer leurs élèves, d'autres encouragent l'exploitation avec un discours pro-patronal. Un jour, l'un d'entre eux criait sur un élève : « Un patron il fait ce qu'il veut ! S'il ne veut pas être à l'atelier, il n'y est pas. Il vous offre du travail ! » Satisfait, il ironisait : « C'est vraiment l'air du “pédagogisme”, il faudrait écouter le besoin des élèves maintenant ». Précisément, cela empêcherait peut-être de détruire le corps et le moral des ados, au profit d'une formation attentive et émancipatrice. À son retour, un élève résume : « En fait monsieur, l'école c'est dur, mais le stage c'est pire ! Je suis content de vous revoir ! »
1 Lire « On limite la possibilité pour ces jeunes de faire des études sup' », CQFD n°227, février 2024.
06.12.2025 à 00:30
L'équipe de CQFD
Oooh ! Aaah ! Ouuuh ! Depuis qu'on a lancé l'appel à soutien, le local s'emplit régulièrement d'onomatopées ébahies. On dirait un Noël chez des ravi·es de la crèche. Certain·es ont les yeux rivés sur la page HelloAsso où les soutiens s'accumulent. D'autres recomptent les abonnements qui s'empilent sur le bureau de Vé en souriant comme des matous sous LSD. Et les plus âgé·es d'entre nous ouvrent de leurs mimines tremblantes ces enveloppes où palpitent d'adorables chèques. C'est d'ailleurs de (…)
- CQFD n°247 (décembre 2025)Oooh ! Aaah ! Ouuuh ! Depuis qu'on a lancé l'appel à soutien, le local s'emplit régulièrement d'onomatopées ébahies. On dirait un Noël chez des ravi·es de la crèche. Certain·es ont les yeux rivés sur la page HelloAsso où les soutiens s'accumulent. D'autres recomptent les abonnements qui s'empilent sur le bureau de Vé en souriant comme des matous sous LSD. Et les plus âgé·es d'entre nous ouvrent de leurs mimines tremblantes ces enveloppes où palpitent d'adorables chèques1. C'est d'ailleurs de cette dernière bande qu'a jailli le plus bruyant borborygme : une sorte de ARGHWAHOUYES éructée avec la puissance d'un brame de cerf particulièrement caliente. Ameutés par ce cri caverneux émis par le plus sage d'entre nous, on s'est rassemblé·es devant le bout de papier miraculeux. En haut à droite, on pouvait lire « 5 000 euros ». Badaboum. Trois infarctus et deux évanouissements plus tard, on a érigé un petit autel orné d'un chien rouge en pâte à sel, pour célébrer le geste de cette donatrice. Que mille tatous ivres chantent ses louanges.
Vous l'aurez compris, notre campagne de soutien de la dernière chance est bien partie. Disons que la moitié de l'objectif est atteint : on n'est pas loin de pouvoir régler toutes nos dettes. Mais comme disait Raffarin2 : « Notre route est droite mais la pente est raide ». Bref : on a encore besoin de vous pour assurer la pérennité du canard dans les temps à venir. Continuez, si vous rêvez de provoquer chez nous d'autres exclamations grandiloquentes ! Bigre ! Mazette ! Saperlipopette ! MERCI ! ! !
1 Pour les plus jeunes : les enveloppes sont des sortes de mails transitant par un obscur système appelé La Poste, tandis que les chèques sont encore utilisés pour régler des sommes d'argent chez des tribus primitives généralement installées en Lozère ou dans les tréfonds hostiles des Vosges.
2 Pour les plus jeunes : un chiraquien neuneu à gueule de phoque.