ACCÈS LIBRE
26.07.2025 à 08:32
Anne-Laure Pineau
« Si je meurs, je veux que ce soit une mort retentissante. […] Je veux que le monde entier en entende parler. Je veux des images qui ne peuvent pas être enterrées dans l’espace ou le temps. »
La veille, la réalisatrice iranienne Sepideh Farsi lui avait appris que le documentaire dont elle est l’héroïne, Put Your Soul on Your Hand and Walk serait projeté au festival de Cannes dans la sélection parallèle de l’Acid (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion). « Fatima, c’était l’acuité de la jeunesse, l’intransigeance, détaille la réalisatrice. Après le 7 octobre [2023], son style plein de couleurs vives et de joie s’était teinté d’une esthétique du désastre… mais elle savait accrocher son regard sur un détail. Faire un plan large tout en restant à une échelle humaine, c’est à mon sens la caractéristique des plus grand·es photojournalistes. » Fatima Hassouna fait partie des 200 journalistes et employé·es de médias tué·es depuis le 7 octobre 2023 à Gaza.
Les guerres ont longtemps été déclenchées et menées par les hommes. Pensées et documentées par les hommes. Depuis toujours, les femmes ont tenté des incursions, utilisant la ruse et le travestissement pour combattre et mourir sous les drapeaux. La Britannique Dorothy Lawrence, les États-Uniennes Lee Curtis, Margaret Bourke-White, Lee Miller ou Martha Gellhorn, l’Allemande Gerda Taro… Les premières correspondantes de guerre et les suivantes ont dû agir comme des soldates de fortune : slalomer entre les frilosités de leur direction pour arracher le droit de raconter les champs de bataille, quitte à être sanctionnées ou invisibilisées. Leurs héritières couvrent désormais la plupart des conflits en cours, à Gaza, à Haïti, en Ukraine, au Soudan, au Myanmar ou dans les territoires contrôlés par les cartels, au Mexique, en Colombie ou au Venezuela.
La féminisation grandissante du reportage de guerre se constate dans les festivals de journalisme. Visa pour l’image, à Perpignan, décerne depuis 2020 le prix Françoise-Demulder
La Belge Colette Braeckman, 79 ans, a longtemps été la seule femme sur le terrain. Ce qui l’a poussée à agir en dehors de « la meute » comme la profession appelle les journalistes qui couvrent de façon similaire l’actualité chaude. « Quand Indira Gandhhi a été assassinée en 1984, je suis allée au Pendjab pour rencontrer les insurgés sikhs. Les grands reporters qui étaient dans le même hôtel que moi avaient loué des jeeps estampillées “PRESS”. J’étais seule, j’ai mis un foulard et j’ai pris un bus avec les gens normaux, j’ai passé les barrages, je suis arrivée dans un sanctuaire où personne ne m’attendait. J’ai fait mes interviews tranquillement avant de reprendre mon bus. Dans mon souvenir, les jeeps n’avaient pas pu entrer », raconte la téméraire journaliste qui était encore sur le terrain, au Kivu (République démocratique du Congo) en février 2025.
Colette Braeckman a une prédilection pour les territoires ravagés par la colonisation, le Congo en particulier. Elle a documenté le viol comme arme de guerre et fut la première à pointer la responsabilité de la France dans le génocide rwandais
Selon Kiran Nasih, la fondatrice de CFWIJ, l’arrivée massive des femmes dans la couverture de la guerre a permis d’accéder à une meilleure compréhension de ses effets dévastateurs sur le long terme. Le champ de bataille, c’est la tranchée et les checkpoints, mais aussi les ravages sur les civil·es. Recueillir le témoignage de victimes de violences sexuelles est une tâche que les femmes accomplissent plus facilement que leurs collègues masculins, pour des raisons culturelles, ou plus généralement de pudeur. Ainsi, la journaliste indépendante Leïla Miñano, raconte qu’en pleine interview, une Rwandaise victime de viol par un Casque bleu, avait cessé de parler et quitté la pièce quand le photographe – un homme blanc – y était entré. Dans une grande partie des pays du monde, « la guerre recouvre des dimensions que seules les femmes peuvent narrer », conclut Kiran Nasih.
La première fois que la journaliste indépendante Laurène Daycard s’est rendue sur une zone de guerre, c’était en 2016 dans le Kurdistan Iranien. Selon elle, être une femme fut un énorme avantage. « J’ai travaillé sur l’auto-immolation des femmes dans un hôpital pour grand·es brûlé·es. Il s’agissait en fait de suicides, qui s’inscrivaient dans une mécanique féminicidaire. » Une expérience qui donnera le ton de sa carrière : documenter les violences de genre, des féminicides conjugaux en France à l’esclavage sexuel des femmes yézidies en Syrie, en passant par le viol comme arme de guerre en Ukraine. « Je ne travaillerais pas sur ces sujets si je n’étais pas une femme, assure-t-elle. Il faut bien qu’un moteur interne soit activé pour te donner le courage de travailler sur ces terrains de douleur. »
Dans le cadre de son analyse sur les violences faites aux femmes, Laurène Daycard a travaillé avec l’association Reporters sans frontières (RSF) pour élaborer un rapport sur le journalisme à l’ère #MeToo
Grâce aux informations remontées du terrain à l’occasion de l’écriture de ce rapport, l’association a également réalisé que son matériel de protection – casques et gilets pare-balles – n’était pas adapté à toutes les morphologies. Depuis, l’association a envoyé des équipements pour les reportrices en Ukraine comme au Liban. À Gaza, RSF, en lien avec l’association Arab Reporters for Investigative Journalism (ARIJ), a également créé des espaces de travail réservés spécifiquement aux femmes journalistes.
Plus exposées à la précarité que leurs confrères
Les femmes que nous avons interviewées nous rapportent des histoires similaires : la difficulté d’obtenir des lettres de mission pour partir sur un terrain dangereux car les rédacteur·ices en chef se sentent davantage « responsables » ou « culpabilisé·es », ou encore l’embarras à demander une prise en charge de frais ou d’assurance parce que les femmes sont socialement moins formées à la négociation.
Afin d’assurer le maintien de ses missions (et de ses revenus ouvrant le droit à un congé maternité), la journaliste indépendante Édith Bouvier a choisi de dissimuler sa grossesse à ses employeurs. Elle qui arpente le Moyen-Orient depuis 2007 et qui a survécu à une attaque de missile à Homs, en Syrie, au cours de laquelle un confrère et une consœur ont été tué·es et plusieurs autres blessé·es
Ce concept de troisième genre auquel sont souvent renvoyées les grandes reportrices – elles ne seraient ni hommes ni femmes –, Leïla Miñano le connaît bien. En 2010, dans les ruines de Port-au-Prince à Haïti, un confrère lui lance : « Toi, tu n’es pas vraiment une fille. » Depuis, elle a couvert les printemps arabes (2011) et la guerre civile en Thaïlande (2014). « Des environnements très masculins où tu te dis que ton genre peut te desservir. Alors tu fais tout pour ne pas correspondre aux clichés féminins : tu fais attention à comment tu t’habilles, comment tu te comportes. Dans cette ambiance d’équipe de foot, tu tentes d’être un camarade comme un autre. » Comme ses consœurs, la journaliste n’a jamais senti sur le terrain peser sur elle la menace supplémentaire des violences de genre… sauf une fois, place Tahrir, épicentre des manifestations contre le régime égyptien, en 2012. « C’était quelques semaines avant la chute du régime de Moubarak, raconte Leïla Miñano. Au début, tout se passait bien, et puis il y a eu comme un changement d’atmosphère sur la place. Des militantes, puis des journalistes étrangères ont commencé à être visées dans la foule, dénudées et violées en réunion. De journalistes, nous sommes redevenues des femmes. Les rédactions se sont mises à flipper et nous ont conseillé de rester à l’abri. » Une injustice et une perte de revenus importante pour les journalistes indépendantes. « On a regardé nos confrères masculins continuer de se rendre place Tahrir… et nous avons décidé d’y aller quand même. » Les jeunes femmes organisent alors leur propre sécurité : elles scotchent leurs vêtements et sous-vêtements avec du gaffer et sortent en groupe.
Cet épisode exceptionnel révèle un aspect important du grand reportage : l’esprit de corps. Kiran Nasih rappelle que les journalistes qui travaillent en zones de guerre sont équipé·es, formé·es et préparé·es psychologiquement ; elles et ils travaillent au sein d’équipes autrement plus soudées que des journalistes au sein d’une rédaction. Une sorte de no man’s land égalitaire. « Notre consœur Marie Colvin, du Sunday Times, affirmait souvent que la guerre apportait avec elle une curieuse égalité professionnelle. En Tchétchénie et en Syrie, elle était saluée pour sa bravoure
Édith Bouvier a également vécu des attaques sexistes en dehors du terrain. Condamnée, avec sa camarade Céline Martelet, pour financement du terrorisme après avoir envoyé de l’argent dans le but de faire sortir des enfants et adolescent·es de Syrie en 2016 et 2017. Elles ont le sentiment d’avoir été clouées au pilori parce qu’elles étaient des femmes. « Personne ne nous a appelées pour avoir notre version des faits. » Après le jugement, les deux grandes reportrices ont été victimes de cyberharcèlement. « Je parlais d’aider des enfants et je recevais des messages sur les réseaux sociaux “suceuse”, “mal baisée” et des appels au meurtre sur Instagram », se souvient Édith Bouvier.
C’est parce qu’elle voulait documenter la guerre que Maurine Mercier a choisi, en 2016, de quitter le service public suisse, où elle était cantonnée à la présentation d’émissions. « Je ne suis pas attirée par la violence, mais je n’aime pas l’idée que, sous prétexte qu’on a peur, il ne faudrait pas couvrir des situations essentielles », explique-t-elle. Pendant sept ans, elle documente la vie en Tunisie et en Libye. Cela fait plus de trois ans désormais que la quadragénaire vit la guerre auprès des Ukrainien·nes – elle a reçu à deux reprises le prix Bayeux Calvados-Normandie catégorie radio pour son travail à Boutcha
Ne parlez pas de surexposition aux risques des grandes reportrices à la photojournaliste états-unienne Natalie Keyssar sous peine de déclencher sa colère. « Quand les bombes pleuvent sur toi, elles ne regardent pas ton genre ! Je travaille au quotidien avec la peur. Mais pour ce qui est des violences de genre, j’ai davantage peur dans les maisons des ultrariches aux États-Unis qu’auprès des caïds au Venezuela, où il existe une certaine culture du respect des femmes », nous explique celle qui reste hantée par le meurtre de sa consœur Kim Wall
Comme les Françaises Ghislaine Dupont et Camille Lepage, la Nord-Irlandaise Lyra McKee, la Palestino-États-Unienne Shireen Abu Akleh et l’Ukrainienne Victoria Rochtchyna, toutes tuées dans l’exercice de leur métier ces dernières années, les grandes reportrices continueront de risquer leur vie pour informer. « Quand j’ai commencé, nous ne formions pas 10 % des troupes, se souvient Colette Braeckman. Si aujourd’hui nous sommes beaucoup plus nombreuses, une partie de moi se pose la question : est-ce la victoire des jeunes femmes qui ont le feu du métier ou est-ce que les hommes ne préfèrent pas désormais rester aux manettes des journaux plutôt que de persister dans un métier si dangereux et si mal payé ? »
26.07.2025 à 08:19
Marie Barbier
C’est un projet de loi qui aurait dû être voté au printemps 2025, mais auquel se sont opposés des milliers de manifestant·es hongrois·es : à l’initiative du Premier ministre d’extrême droite Viktor Orbán, ouvertement copié sur le modèle russe, le texte visait à sanctionner des ONG et médias « violant ou critiquant » les valeurs inscrites dans la Constitution, notamment « la primauté du mariage, de la famille et des sexes biologiques ». À la clé, de lourdes amendes et une interdiction d’activité en cas de récidive.
Ce ne sont pas seulement les velléités de censure par le pouvoir politique, comme en Hongrie, qui menacent les médias : les élites économiques y voient aussi un moyen de servir leurs intérêts, à l’image de Jeff Bezos, milliardaire fondateur d’Amazon et propriétaire du Washington Post depuis 2013. À l’automne 2024, le prestigieux quotidien a refusé de se positionner dans la campagne présidentielle états-unienne. Une première depuis 1960. C’est que Bezos ne voulait pas se mettre à dos le candidat donné gagnant, Donald Trump. Business is business. « Nous allons tous mourir dans le noir et Jeff Bezos a éteint la lumière », avait résumé un lecteur du Post, en référence à la célèbre devise du journal, « la démocratie meurt dans l’obscurité ».
Dans un monde où les canaux d’information se sont multipliés comme jamais, où l’intelligence artificielle ouvre des perspectives dystopiques, où les Gafam et la culture des réseaux sociaux ont bousculé les instances – entreprises de presse établies, journalistes dûment identifié·es – qui autrefois hiérarchisaient et délivraient les nouvelles du monde, quelle sorte de « lumière » les médias indépendants peuvent-ils produire ? Comment peuvent-ils se faire le relais de ces voix minoritaires qui bousculent, voire révolutionnent une certaine perception de l’ordre social ?
En France, face aux tentatives d’un Vincent Bolloré ou d’un Pierre-Édouard Stérin – deux milliardaires français qui investissent dans les médias en assumant ouvertement de les mettre au service d’un projet idéologique d’extrême droite –, face au retour massif de la propagande assumée, il faut « tenir la digue », selon l’expression qu’emploie Marine Turchi, l’une des invité·es de ce numéro. S’en tenir aux faits ; assumer en toute transparence un regard politique sur le monde ; donner forme, non à la voix des puissant·es (qui résonne de toute façon beaucoup trop fort), mais aux chuchotements, aux nombreuses questions, aux récits abîmés ou enthousiastes, aux réflexions et utopies de celles et ceux dont la parole est rare. Cette ligne, celle d’un média indépendant marqué à gauche, nous la posions il y a cinq ans dans le manifeste de La Déferlante, que nous republions dans une version actualisée en ouverture de ce numéro.
L’envie d’aller creuser dans les interstices, d’inventer un autre rapport à l’information s’inscrit dans un héritage historique auquel nous souscrivons, et dont la journaliste Marie Kirschen fait le récit sur deux siècles. Cette volonté d’informer autrement fonde aussi une géographie des résistances, dont nous avons dressé la carte.
Partout, chaque jour, les alternatives féministes s’organisent. Des médias se créent en France qui nous donnent de l’espoir, qu’il s’agisse du journal papier Parti des femmes, publié deux fois par mois par un collectif de bénévoles, ou du nouveau média en ligne Problématik, construit par des personnes queers et marginalisées.
Aux masculinistes et LGBTphobes qui défendent une prétendue liberté d’expression, aux obsédé·es du point médian et de la lutte contre le « wokisme », nous opposons des témoignages, des vies, des luttes laissées dans l’ombre. Nous faisons nôtres les mots de l’historienne Michelle Perrot qui entendait « dissiper les ombres et créer un peu plus de clarté ». L’information est plus que jamais une lutte obstinée contre la nuit.
24.07.2025 à 16:45
Clothilde Mraffko
« J’ai 31 ans, je suis journaliste, productrice et réalisatrice. J’ai une licence d’anglais et un master en journalisme. Je suis veuve et mère d’une petite fille.
Avant le génocide, je vivais dans le quartier de Tel al-Hawa, dans la ville de Gaza, au nord de la bande de Gaza. Notre maison familiale a été détruite. J’ai été déplacée sept fois ces dix-huit derniers mois. Nous n’avons pas de carburant : un litre d’essence coûte 180 dollars, alors qu’avant on le payait deux dollars. Il n’y a pas non plus d’argent liquide et les banques ne fonctionnent pas. Je vais donc en retirer chez des commerçants qui sont en réalité des profiteurs de guerre et, chaque fois, je perds la moitié de la somme à cause des frais qu’ils appliquent. On doit se battre pour tout, absolument tout…
La nuit, le son des explosions résonne plus fort. Nous dormons à peine. J’ai des pertes de mémoire à cause de la faim – j’ai perdu près de 14 kilos. Je suis sans cesse à la recherche de nourriture, de farine. Il n’y a pas non plus de gaz pour cuisiner. Aujourd’hui, par exemple, je n’avais pas de pain, donc ma fille a mangé un concombre en guise de petit-déjeuner. Nous vivons dans un environnement inhumain. Nous subissons un génocide.
Les antennes de communication ont été détruites et j’ai aussi du mal à trouver une connexion internet décente pour mon travail. Pour vous envoyer ces messages ou pour faire parvenir hors de Gaza les vidéos que j’ai filmées, je dois aller dans un bureau qui offre une bonne connexion. On y va aussi pour avoir des nouvelles de nos proches, c’est important. On manque de matériel, beaucoup de journalistes ont perdu leur équipement en fuyant les bombes ou dans la destruction de leurs maisons. On travaille avec le strict minimum.
« C’est extrêmement important pour moi que les gens du monde entier soient en empathie avec les Palestinien·nes. »
Mes collègues masculins sont de vrais soutiens. Ils admirent que je sois revenue sur le terrain après que mon mari a été tué, alors que j’ai une petite fille à charge. Elle n’avait que 11 mois quand son père est mort. Je n’ai pas eu d’espace pour vivre ce deuil. J’ai allaité ma fille pendant 17 mois et cela m’a abîmé la santé. Mais je n’avais pas le choix : il n’y avait plus de nourriture sur les marchés à Rafah. J’avais aussi peur de la laisser pour aller sur le terrain, d’être tuée et qu’elle se retrouve seule. Personne ne devrait avoir à vivre ça.
Les gens souffrent, ils veulent que nous, journalistes gazaoui·es, soyons leurs porte-voix. Depuis que le génocide a commencé, on ne voit plus le Hamas dans les rues. Le problème que nous rencontrons, c’est que les gens ont de plus en plus peur de passer du temps à nos côtés car nous sommes très souvent tué·es. Israël nous traque et nous cible : nous avons déjà perdu 220 consœurs et confrères.
Avant le génocide, tout était beaucoup plus facile. Et pourtant, à l’époque, on se plaignait du siège qui restreignait drastiquement notre liberté de mouvement. Je travaillais sur des projets documentaires, notamment sur les sites historiques à Gaza. Nous devions obtenir une permission du Hamas pour filmer autour de la zone frontalière avec Israël ou pour faire voler un drone. Parfois, la permission n’arrivait pas à temps, mais c’était surmontable. À cause du siège et des restrictions imposées par l’armée israélienne, nous n’avions pas toujours le matériel adéquat pour les tournages – se procurer une batterie de caméra pouvait prendre un mois. À l’époque, sous occupation, nous avions toujours des craintes pour notre vie. Nous avons subi plusieurs guerres, mais rien qui ressemble à ce qui se passe depuis le 7 octobre 2023. Aujourd’hui, je filme des blessé⋅es, la famine, la malnutrition chez les enfants, le manque de médicaments, la destruction totale des infrastructures, du système de santé, de l’éducation… Tout s’est complètement effondré, tout !
Avant, j’étais une passeuse d’histoires. Maintenant, je suis devenue moi-même une protagoniste de ces histoires. C’est extrêmement important pour moi que, dans le monde entier, les gens soient en empathie avec les Palestinien·nes – en particulier avec les Gazaoui·es –, et qu’ils comprennent mieux ce que cela signifie de vivre un génocide. Mon regard est une fenêtre sur Gaza. »
Ces propos ont été recueillis le 16 juillet 2025, entre Paris et Gaza ville, par messages vocaux.
17.07.2025 à 17:09
Anne Roy
Depuis l’automne 2022 et l’émergence du mouvement Femmes, vie, liberté, le pouvoir iranien n’a eu de cesse d’intimider, violenter, enfermer ou tuer toutes celles et ceux qui réclamaient la fin de l’apartheid de genre et la chute du régime religieux.
En tant que militante féministe, que vous inspirent les bombardements israéliens puis étasuniens sur l’Iran ?
La guerre est toujours une infamie, d’autant plus quand elle est illégale – et ces bombardements qui ne relèvent pas d’une situation de légitime défense contreviennent à [l’article 33 de] la charte des Nations unies adoptée en 1945.
De la mort de civil·es ne peut rien jaillir de souhaitable pour un pays, contrairement à ce que semble penser Donald Trump. Faire la guerre, c’est renoncer à l’idée selon laquelle les rapports entre les sociétés peuvent se résoudre par la loi et par le droit.
La guerre crée une situation de chaos dans laquelle s’engouffrent des régimes répressifs comme la République islamique d’Iran. Au nom du combat contre un ennemi extérieur, les dictatures traquent un prétendu « ennemi intérieur », confisquant chaque jour des libertés et criminalisant les voix contestataires. Dans les semaines qui ont suivi les bombardements de juin dernier, par exemple, un très grand nombre de réfugié⋅es afghan⋅es [plus de 500 000] ont été expulsé⋅es d’Iran après avoir été accusé⋅es de collaboration avec l’ennemi.
Le régime s’en est aussi pris doublement aux militantes féministes qui luttent contre la ségrégation de genre en Iran. Lorsque la prison d’Evin à Téhéran – où elles étaient détenues pour avoir participé au mouvement social et culturel Femme, vie, liberté – a été bombardée par l’armée israélienne, elles ont été transférées vers la prison politique de Qarchak (à 50 kilomètres au sud de Téhéran), où les conditions de vie sont encore plus dures. Je pense particulièrement à l’écrivaine Golkhoo Irae, emprisonnée pour avoir écrit sur la lapidation, et à deux militantes kurdes pour les droits des femmes et des enfants, Pakhshan Azizi et Varisheh Moradi, toutes deux condamnées à mort.
« La société iranienne n’a besoin ni de maître religieux ni de libérateurs. Elle a besoin d’alliés sincères. »
En France, le président Emmanuel Macron défend « le droit d’Israël à se protéger » face à la « menace » que représente le nucléaire iranien, tandis qu’en Allemagne le chancelier Friedrich Merz a déclaré à propos des frappes : « C’est le sale boulot qu’Israël fait pour nous tous. » Que vous inspirent les réactions des diplomaties européennes ?
Les frappes israéliennes et américaines n’ont pas eu d’effet réel sur le programme nucléaire iranien : les installations ne sont pas anéanties. En revanche, le fait de les cibler a fait courir aux populations et à l’environnement un risque de pollution très important. C’est normalement interdit par les traités de non-prolifération.
Les dirigeant⋅es européen⋅nes ont accepté le principe de cette guerre en exprimant leur solidarité avec les États agresseurs. Les États-Unis et Israël sont allés jusqu’à dire que les bombes permettaient au peuple iranien de s’émanciper. Cela revient à cracher sur Femmes, vie, liberté, le mouvement le plus fédérateur que le pays ait connu dans son histoire. Le peuple iranien demande non pas qu’on le bombarde, mais qu’on soutienne le projet politique pensé depuis la rue et les prisons de tout le pays : la liberté, l’égalité entre les citoyen·nes, la fin de l’apartheid de genre, le droit de vivre dignement de son travail, d’accéder à la liberté. La société iranienne n’a besoin ni de maîtres religieux ni de libérateurs : elle a besoin d’alliés sincères.
Que peuvent les mouvements féministes face à ces événements ?
La guerre et, dans son sillage, la militarisation de la société renforcent le pouvoir masculin : les forces de sécurité fidèles au régime islamique multiplient les contrôles sur la voie publique. Le risque d’arrestation ou de violences est particulièrement important pour les femmes qui mènent des actions de désobéissance civile contre le voile obligatoire. La guerre s’accompagne aussi d’une glorification de la violence et de la destruction. Or, le féminisme, c’est précisément le refus que la violence régule les rapports sociaux. Les féministes iraniennes ont toujours dénoncé les lois patriarcales qui placent leur corps sous contrôle. Qu’il s’agisse de l’obligation de porter le voile, de voir des petites filles mariées de force ou encore de faire des enfants.
En tant que féministes et défenseur⋅euses des droits humains, il nous faut continuer à nous battre contre l’apartheid de genre, tel qu’il se pratique en Iran, afin qu’il apparaisse comme un crime dans les traités internationaux. Nous devons lutter pour que les criminels de guerre soient jugés devant des juridictions internationales, et continuer à plaider la force du droit, plutôt que la loi du plus fort.
26.06.2025 à 17:13
Sarah Boucault
Dans la grande famille des agresseurs sexuels, les enfants sont nombreux. En 2024, ils représentaient un quart des auteurs de viols, selon la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, et un tiers des auteurs d’agressions sexuelles.
Comme l’a mentionné Thierry Ziliotto, chef du bureau des études statistiques à la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse durant les auditions, le pourcentage d’enfants mis en cause pour infraction sexuelle a augmenté de 77 % entre 2017 et 2024. Un chiffre à mettre en lien avec la hausse globale de la judiciarisation des affaires depuis #MeToo. Les mis en cause sont à une écrasante majorité des garçons (93 %), issus de tous les milieux sociaux ; ils ont souvent moins de 14 ans et sont donc plus jeunes que les auteurs d’autres infractions. Un tiers sont eux-mêmes victimes de violences sexuelles.
Lire aussi : « Inceste commis par des mineurs, le grand déni »
Quarante et un·e expert·es, principalement des psychologues et des psychiatres, ont défilé au pupitre durant ces deux journées, mis en commun leurs connaissances et répondu aux questions d’un public d’acteur·ices du secteur socio-éducatif, de la justice, de la santé, de l’éducation, du milieu associatif et de quelques journalistes. S’il faut saluer cette initiative sans précédent, on peut regretter que l’approche de ces violences soit d’abord individualisante : « Dans les années 1980, l’auteur de violences sexuelles était soit un monstre, soit un malade mental. Nous avons à cette époque, et cela se ressent lors de ces auditions, énormément psychologisé les violences sexuelles alors qu’il s’agit d’une question politique », reconnaît Anne-Hélène Moncany.
Or ces violences sont directement liées aux normes sociales de genre. « Certains garçons pensent qu’ils ont un droit acquis à la sexualité, et pendant l’adolescence, il y a une pression sociale pour la performer », abonde ainsi Mathilde Coulanges, psychologue au Criavs de Toulouse. Des biais que l’on retrouve également chez les professionnel·les (éducateur.ices, animateur.ices…) qui accompagnent les enfants auteurs, comme le souligne Delphine Rahib, chercheuse en santé publique : au même titre que l’ensemble de la population « un professionnel sur cinq a été victime de violences sexuelles. On ne peut pas amener quelqu’un plus loin que là où on est soi-même, il ne faut pas l’oublier dans la réflexion. »
Autre sujet délaissé lors de ces deux journées d’auditions : la question de l’inceste commis par des enfants, qui n’a été abordée que dans peu d’interventions. Or, comme nous l’avons déjà documenté, la famille est le lieu privilégié de l’apprentissage et de la reproduction des rapports de domination. Selon le ministère de la Justice, 14 % des agressions sexuelles commises par des enfants relèvent de l’inceste, mais cette proportion est probablement sous-évaluée pour deux raisons : la définition légale de l’inceste n’inclut ni les cousin·es, ni les enfants qui, sans être du même sang, jouent dans la famille un rôle de frère ou de sœur. Par ailleurs, ces violences font rarement l’objet de plaintes devant la justice. « Mon hypothèse, avance Anne-Hélène Moncany, est que l’inceste commis par les mineurs est un impensé au sein de l’impensé, que ce soit dans la population générale aussi bien que chez les professionnel·les. »
« Nous avons, par le passé, beaucoup psychologisé les violences sexuelles alors qu’il s’agit d’une question politique »
Anne-Hélène Moncany, psychiatre
Malgré tout, les intervenant·es présent·es au ministère de la Santé ont tenté de dessiner des pistes de solution : davantage d’informations sur les violences sexuelles commises par les enfants dans le carnet de santé, à destination des parents. Des cours d’éducation sexuelle pour eux comme pour leurs enfants. À ce titre, l’importance du programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Évars), qui devrait être mis en place à la rentrée 2025 dans tous les établissements scolaires publics, a été soulignée. « Prévenir les violences sexuelles demande d’agir sur les représentations […] avec des récits, des discours, des productions culturelles qui insistent sur les réalités sociales des violences sexuelles », a conclu l’anthropologue Corentin Legras sous un tonnerre d’applaudissements.
Un rapport tiré de ces auditions sera remis au gouvernement en septembre 2025. « Nous aimerions qu’il soit porté au niveau interministériel avec des préconisations pour la Santé, la Justice, l’Intérieur, l’Éducation nationale, détaille Anne-Hélène Moncany. Un comité de suivi sera mis en place, afin qu’il ne reste pas au fond d’un tiroir. »
19.06.2025 à 17:40
La Déferlante
Des homosexuel·les condamné·es à des peines de prison ou interdit·es de se marier, des personnes trans exclues de l’armée, des compétitions sportives ou dans l’impossibilité
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Premier roman, roman d’apprentissage, l’ouvrage de Nelly Slim est l’histoire d’une reconstruction. La narratrice va et vient entre les souvenirs de son enfance dans un milieu bourgeois occidentalisé à Tunis et la vie d’immigrée qu’elle mène maintenant à Paris, sa ville d’adoption. Des souvenirs troubles surnagent – une agression sexuelle, une fascination amoureuse pour son amie Zeinab – et se mêlent au vécu douloureux de l’exil et du racisme : « Je suis du Sud faible et navrant et je ne peux me hisser à la hauteur de la France qu’en apprenant à consommer comme eux, à rire comme eux, à parler comme eux, à user du mépris poli et du sourire crasse. » Peu à peu, suivant l’exemple des mammifères des fonds marins dont les fantômes peuplent son récit, la narratrice se reconstruit, et trouve des repères qui prennent les traits d’une femme dont elle est désormais amoureuse.
→ Nelly Slim, Entre ici et avant il y a la mer, éd. Hystériques et associées, 2025. 15 euros.
Une jeune femme raconte son enfance dans des lettres à sa thérapeute. Elle y convoque l’Algérie, son père, les femmes de sa famille, la violence qui traverse leurs relations, et questionne la complexité de cet attachement teinté de violences. Premier roman de la poétesse Meryem Alqamar, Insolations est un livre âpre et percutant, écrit dans une langue lumineuse. Déjà publié aux éditions du Commun en 2022, il vient de ressortir en format poche aux éditions Cambourakis.
→ Meryem Alqamar, Insolations, Cambourakis, 2025. 10 euros.
Dans un monde sans héritiers masculins, la paix passe par le mariage de la princesse. Le roi organise donc un tournoi, mais, cette fois, les prétendantes sont toutes des femmes. Solène Kate signe une fantasy saphique, poétique et romantique qui renverse les codes et questionne les normes de genre à travers une aventure aussi palpitante qu’engagée.
♞ → Solène Kate, Le Trône des héritières, Books on demand, 2023. 20 euros.
Déjà connue pour son travail sur les enfants trans, l’historienne canadienne Jules Gill-Peterson s’intéresse cette fois à l’histoire de la transmisogynie, dans le contexte particulier des empires coloniaux. Du continent américain aux Philippines, en passant par l’Europe et l’Inde, elle démontre que la transmisogynie constitue une forme de violence spécifique dirigée contre des catégories de population qui ne se définissent d’ailleurs pas forcément comme trans, au sens occidental et moderne du terme. Elle développe le concept de « transféminisation » pour décrire les processus politiques par lesquels certaines formes de féminités, souvent racialisées, sont les cibles des droites et des extrême droites. Préfacé par Mihena Alsharif, autrice et anthropologue, cet ouvrage apparaît comme un des livres majeurs de l’année 2025 sur les transidentités.
→ Jules Gill-Peterson, Une brève histoire de la transmysoginie. Pour une lecture anti-impérialistes de la transféminité, trad. Mihena Alsharif (et préface) et Nesma Merhoum, Shed publishing, 2025. 19 euros.
Où sont les représentations lesbiennes dans la société ? Dans ce court essai à la première personne, la photographe Marie Docher (également autrice d’Et l’amour aussi, La Déferlante Éditions, 2023) propose une réflexion sur l’invisibilisation des lesbiennes dans le domaine de l’art et de la photographie. En s’appuyant sur l’exemple de plusieurs artistes (la peintre Rosa Bonheur, la photographe Berenice Abbott ou encore la danseuse Loïe Fuller), elle explique comment des relations lesbiennes ont été ni plus ni moins effacées de notre matrimoine. Le livre s’interroge également sur le lesbian gaze dans l’art et offre à ses lecteur·ices un texte inédit de la photographe états-unienne Joan E. Biren, pour qui « la création d’images […] est un moyen pour les lesbiennes de se donner du pouvoir ». Amen.
→ Marie Docher, Pourquoi les lesbiennes sont invisibles, Seuil, coll. « Libelle », 2025. 4,90 euros.
Certains conseils doivent être pris au sérieux. « Tu dis qu’il n’y a pas de mots pour décrire ce temps […]. Mais souviens-toi. Fais un effort pour te souvenir. Ou à défaut invente », écrit Monique Wittig dans Les Guérillères. De cette exhortation, Hélène Giannecchini a fait une méthode, une éthique.
L’histoire des personnes queers est emplie de silences, leurs vies sont oblitérées. OK. Mais la fiction, l’imagination et un talent indéniable à faire vivre les archives peuvent réparer certains oublis. C’est tout le projet d’Un désir démesuré d’amitié : sauver de l’ombre des vies intimes minoritaires pour les inscrire dans un grand récit collectif et émancipateur. De photos d’inconnu·es aux clichés de la photographe états-unienne Donna Gottschalk, en passant par le témoignage bouleversant d’un malade du sida (Jean Dumargue), Hélène Giannecchini dresse un monument à la mémoire d’existences cachées dans les plis de l’histoire. Un monument qui célèbre, ce faisant, la puissance politique de l’amitié et des liens indestructibles de la famille qu’on s’est choisie.
→ Hélène Giannecchini, Un désir démesuré d’amitié, Seuil, 2024. 21 euros.
« Nous sommes gouines, parce que nous voulons le respect, nous voulons l’égalité des droits, mais sans avoir à nous fondre dans le moule hétéropatriarcal. » Se réappropriant ce qui est, au départ, une insulte lesbophobe, les autrices de cet ouvrage collectif – Marie Kirschen, Maëlle Le Corre, Amandine Agić, Meryem Alqamar, No Anger, Marcia Burnier, Noémie Grunenwald, Erika Nomeni – proposent de penser les identités lesbiennes contemporaines et disent en creux la complexité des vécus.
→ Marie Kirschen et Maëlle Le Corre (dir.), Gouines, Points, 2024. 9,90 euros.
« On ne naît pas pédé, on le devient. » Comment faire pour comprendre qui on est quand les autres vous ont déjà assigné à une identité sans votre accord ? Comment se réapproprier une insulte avant même d’avoir compris sa propre sexualité ? Cet ouvrage collectif dans lequel on retrouve – entre autres – le journaliste et essayiste Adrien Naselli, le militant LGBTQIA+ Ruben Tayupo ou le photographe Nanténé Traoré, offre une pluralité de récits et de réflexions sur les identités gays.
→ Florent Manelli (dir.), Pédés, Points, 2023. 9,90 euros.
Avec l’exposition intitulée All about love – un clin d’œil à l’ouvrage de bell hooks publié en 2001 – l’artiste états-unienne Mickalene Thomas propose d’explorer la question de l’amour. Parmi les œuvres présentées : des tableaux monumentaux, composés de couleurs éclatantes, qui mêlent photographie, collage, peinture et incrustations de strass. L’artiste revisite également avec un regard féministe, noir et queer, les classiques de la peinture occidentale : le male gaze et le regard occidental qui les traversent sont ici partout subvertis. Le célèbre Déjeuner sur l’herbe devient Déjeuner sur l’herbe : trois femmes noires. Dans ces œuvres, les personnages ne sont pas des objets de désir, mais des êtres vivants et désirants. Une œuvre queer profondément politique et émancipatrice.
→ All about love, Mickalene Thomas, jusqu’au 9 novembre 2025 aux Abattoirs, Musée – Frac Occitanie à Toulouse.
Alors que l’actualité montre à quel point la guerre culturelle qui fait rage est aussi une bataille sémantique, il nous a paru important que La Déferlante propose à ses lecteur·ices des définitions de concepts clés pour appréhender l’époque dans une perspective féministe intersectionnelle. Queer, panique morale, théorie du genre : toutes les définitions sont en accès libre sur notre site internet, qui sera alimenté au fil des numéros pour faciliter la compréhension des concepts mobilisés dans chaque dossier.
→ Retrouvez toutes nos définitions en libre accès
Dim 29 juin 2025, 18h
Majestic Bastille, Paris
Tonnerre, le ciné-club d’Elvire Duvelle-Charles, dont La Déferlante est partenaire, propose une projection en avant-première du film d’Alice Douard, Des preuves d’amour, dans le cadre de la dixième édition du Festival du film de fesses. La projection sera suivie d’une rencontre avec la réalisatrice.
→ Informations pratiques et réservations
Sam 19 et dim 20 juillet 2025
Le Tanu, Manche (50)
La Déferlante tiendra un stand lors du Festival des pluies de juillet. Vous y retrouverez nos revues, nos livres et nos goodies. Le dimanche 20 juillet, à 14h45, Anne-Laure Pineau, journaliste et membre du comité éditorial de La Déferlante, discutera avec le politiste Éric Neveu dans le cadre d’une rencontre intitulée : Informer est un sport de combat.
12.06.2025 à 15:42
Élie Hervé
Depuis plusieurs semaines, Charlotte Rose Siddle, 55 ans, peine à sortir de chez elle : « J’ai une voix grave, et je crains que cela ne trahisse que je suis une femme trans. J’ai peur en permanence d’être attaquée : c’est épuisant. » En avril dernier, la Cour suprême britannique (équivalent de la Cour de cassation en France) rendait un avis de 87 pages donnant raison aux collectifs antitrans.
Les collectifs antitrans – parmi lesquels For Women Scotland, connu pour bénéficier du soutien médiatique et financier de J. K. Rowling, l’autrice de la saga Harry Potter – ont immédiatement crié victoire. Pourtant, si cette décision fait craindre une multiplication des agressions transphobes, elle n’a pas force de loi, et son application reste à la discrétion du législateur.
Selon Jules Buet, membre du groupe régional LGBTQIA+ de Unite the Union, le plus important syndicat britannique, le risque d’agression est d’autant plus important qu’il existe dans l’opinion un préjugé transphobe voulant qu’on peut facilement savoir qu’une personne est trans. « C’est assez peu probable que la police vienne vérifier les parties génitales des personnes trans, explique-t-il. Mais il est tout à fait possible qu’un policier se serve de cette décision pour agresser sexuellement une femme cisgenre. Il lui suffira de dire qu’elle est trans pour que la palpation soit faite par un homme et non par sa collègue femme. »
En outre, cette décision ne s’applique que dans certains lieux publics et dans certaines organisations, et ne remet pas en cause les droits administratifs déjà acquis par les personnes trans. « Par exemple, si je me marie, je serai considérée comme femme aux yeux de la loi, mais je devrais peut-être utiliser les toilettes pour hommes », explique jane fae [elle tient à ce qu’on écrive son nom sans majuscule], directrice de l’organisation Trans Actuel UK, qui lutte contre la transphobie et la désinformation. La militante s’inquiète surtout du bruit médiatique entretenu par les collectifs antitrans : « Cette décision n’interdit rien, elle se contente d’exclure. Mais beaucoup de personnes s’autorisent à nous discriminer parce qu’elles pensent qu’elles ont désormais le droit d’intervenir pour interdire certains lieux aux femmes trans. Et ça, c’est très grave. »
L’interdiction d’accès à certains lieux ne pourrait en effet être justifiée que sur la base de stéréotypes de genre, un « délit de faciès » selon la militante transféministe Jes Jester, pour qui « cette décision […] crée un précédent ». Car, dans la confusion provoquée par la décision de la Cour suprême et sa médiatisation, certaines structures (entreprises, hôpitaux…) pourraient aménager leur règlement intérieur, avec le risque d’exclure davantage les personnes trans. Mais Jes Jester tempère : « Malgré les efforts des associations transphobes, tout cela n’est pas encore inscrit dans la loi : on peut donc encore agir. »
« Beaucoup de personnes s’autorisent maintenant à intervenir pour interdire aux femmes trans l’accès à certains lieux. »
jane fae, directrice de l’association Trans Actuel UK
Depuis plusieurs semaines, les associations trans du Royaume-Uni connaissent un élan de solidarité sans précédent. Le 19 avril, plusieurs milliers de personnes se réunissaient dans les rues de Londres pour défendre les droits des personnes trans. En réponse à l’implication de J. K. Rowling dans les campagnes transphobes, des citoyen·nes se sont également mis·es à boycotter le merchandising Harry Potter. « Beaucoup de personnes qui, en temps normal, ne nous auraient jamais apporté leur soutien sont venues nous proposer de l’aide, rapporte Jes Jester. Maintenant qu’on a l’attention du grand public, on va s’en saisir pour sensibiliser. »
L’affaire résonne désormais au-delà des frontières du Royaume-Uni, passé récemment de la 16e à la 22e place des pays les plus favorables aux personnes LGBTQIA+ en Europe, selon le classement de l’ONG Inga-Europe. De son côté, l’ancienne juge Victoria McCloud, première magistrate trans du pays, a engagé une action devant la Cour européenne des droits de l’homme pour invalider la décision de la Cour suprême britannique.
05.06.2025 à 17:22
La Déferlante
Très investi ces trois dernières années dans la protection des cliniques accueillant des personnes en transition de genre, le FBI appelle désormais les États-unien·nes à dénoncer les médecins pratiquant des actes chirurgicaux de réassignation de genre sur des enfants. Ces opérations, peu fréquentes en réalité, sont stigmatisées par l’administration Trump qui tente de les faire passer pour des mutilations.
→ Lire l’article (en anglais) sur le site The Dissident
Dossiers impossibles à remplir sans aide extérieure, délais de réponse interminables, non-reconnaissance de handicaps pourtant avérés : les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), créées en 2005 pour regrouper et simplifier les démarches des usager·es, sont devenues le cauchemar des personnes handicapées et de leurs familles.
→ Lire l’enquête sur le site de Mediapart
L’essor des locations Airbnb met sous pression les employées de ménage qui y travaillent. Prestations minutées, manque de matériel, transport de charges lourdes, menace de commentaires négatifs : ces femmes, souvent âgées et/ou issues de l’immigration récente, travaillent parfois jusqu’à 60 heures par semaine pour un tarif horaire inférieur au smic.
→ Lire l’article sur le site du Monde
Cette semaine, une plaque commémorative a été apposée devant l’église Saint-Nizier à Lyon, en souvenir de son occupation par des travailleuses du sexe qui, en 1975, protestaient contre la répression policière. Premier mouvement d’ampleur des prostituées en France, cette lutte marque le début de leur mobilisation politique.
→ Lire l’article sur Libération
Avez-vous déjà entendu parler de shifting, de rêve lucide ou de rêverie compulsive ? Dans un documentaire tout en poésie, la réalisatrice Jeanne Mayer suit Charlotte, qui s’immerge dans l’univers de Harry Potter grâce à l’auto-hypnose ; Elona, qui s’adonne à des rêveries compulsives quasi addictives, ou encore Raphaëlle, qui s’évade grâce au rêve lucide. Interviews de psychiatres à l’appui, le film montre comment ces pratiques spectaculaires, popularisées en partie grâce à TikTok, peuvent, lorsque les injonctions sociales ou patriarcales pèsent trop fortement sur les épaules de ces adolescentes, devenir libératrices.
La rêverie peut aussi se muer en projet collectif, comme le montre la séquence de l’atelier avec l’écrivaine et plasticienne Sabrina Calvo, qui propose aux trois protagonistes de mettre en commun leurs échappées mentales.
→ Dreams. Shifting, rêve lucide, rêverie compulsive de Jeanne Mayer, 53 minutes, Talweg Production. Disponible sur france.tv jusqu’au 20 novembre 2025.
Fermetures d’antennes départementales, baisse des subventions, retraits d’agréments… le Planning familial vit actuellement une situation particulièrement difficile qui menace la pérennité de son action en faveur de la santé sexuelle des personnes sur l’ensemble du territoire. Une campagne numérique est en préparation pour le 16 juin, mais on peut d’ores et déjà signer une tribune de soutien qui paraîtra dans la presse.
→ Je signe la tribune de soutien au Planning familial
Sam 7 Juin 2025
Point Fort d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis)
De 11h à 19h, La Déferlante tiendra un stand dans le cadre du Festival Mediapart. Vous y retrouverez nos revues, nos livres, nos goodies et pourrez rencontrer notre équipe. Le festival propose des tables rondes, un concert, un quiz de Miskin Télé, le tout en présence d’autres médias indépendants. L’évènement est complet mais une liste d’attente est ouverte.
Sam 19 Juin 2025
Librairie La Belle Aventure, Poitiers
Emmanuelle Josse, corédactrice en chef de La Déferlante, donne rendez-vous aux lectrices à 18h pour parler du dernier numéro de la revue dont le dossier s’intitule : « Pour une éducation qui libère ».
28.05.2025 à 17:56
Coline Clavaud-Mégevand
« Nous voulions que la presse s’approprie notre vécu, on a le sentiment qu’il a été effacé. » Gabriel Trouvé, membre du collectif de victimes de Joël Le Scouarnec,
Comme le procès des viols de Mazan, qui s’est tenu à l’automne 2024 à Avignon, celui de Joël Le Scouarnec ne peut être évoqué sans égrener des chiffres effrayants : 299 victimes identifiées – la plupart mineures –, un accusé poursuivi pour les 111 viols et 188 agressions sexuelles commises sur une période de vingt-cinq ans, des faits intégralement consignés dans des « carnets noirs » versés au dossier d’instruction… Pourtant, dans les médias comme sur les réseaux sociaux, la couverture des audiences n’a pas été proportionnelle aux enjeux. Le site Arrêt sur images rappelle ainsi que la salle de presse du palais de justice de Vannes, aménagée en prévision d’un afflux de journalistes, a été fermée au bout de quelques jours. Dans le même temps, les chaînes d’information en continu ont peu, voire pas couvert le procès : « un silence assourdissant », selon les mots des victimes cités par le magazine Elle.
Juliette Campion, journaliste pour Franceinfo.fr, a couvert les deux procès et avance une explication : « Les faits de Mazan étaient beaucoup plus ramassés [dans le temps et sur le territoire], spectaculaires et faciles à suivre pour le public. » Par ailleurs, « il n’y avait qu’une seule victime face à 51 accusés très identifiés », tandis que devant la cour criminelle de Vannes se présentaient « un homme terne, qui parle peu » et de très nombreuses victimes et avocat·es. Résultat : dans un monde médiatique qui « a besoin de personnaliser », les victimes de Joël Le Scouarnec « sont restées une foule », regrette Hugo Lemonier, journaliste indépendant qui a suivi l’affaire pour Mediapart. « Pourtant, l’immense majorité d’entre elles avaient fait le choix d’audiences publiques, souligne-t-il, et certain·es étaient prêt·es à parler à la presse. Mais pas toujours dans l’immédiat, et pas pour tout raconter. Il aurait fallu accepter ces conditions. »
Giuseppina Sapio, maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris 8 s’intéresse à la « médiagénie » des procès pour violences sexuelles. « Les victimes de Le Scouarnec, analyse-t-elle, étaient des enfants, dont la parole est remise en cause dans notre société. Ils et elles sont de surcroît devenu·es adultes, ce qui empêche les médias de puiser dans le registre empathique habituel. » À l’inverse, selon elle, « la forte médiatisation de Mazan était d’abord due à la figure de Gisèle Pelicot, qui se présente avec les conditions de la respectabilité – une femme blanche, de classe supérieure, qui incarne aussi une forme de “féminisme à la française” ». La chercheuse rappelle également que les violences exercées par les médecins sont peu souvent traitées par les médias, plus familiers de celles qui s’exercent dans la sphère domestique.
Juliette Campion tient malgré tout à rendre hommage au travail de la presse locale et au fait que de nombreuses rédactions nationales se sont régulièrement déplacées. « Il ne faut pas non plus oublier nos conditions de travail, indique-t-elle. Ce genre de procès est très lourd à suivre, et, à Franceinfo.fr, nous ne sommes que trois journalistes et une alternante à suivre la justice, donc notre mobilisation est déjà très importante sur cette affaire. » Hugo Lemonier salue également le « choix très fort » de Mediapart de l’avoir embauché en tant qu’indépendant pour suivre la quasi-totalité de ce procès-fleuve. « Mais en réalité, on devrait être six ou sept par rédaction pour bien faire le travail. Ce procès est peut-être trop grand pour les médias tels qu’ils sont organisés aujourd’hui. »
« La forte médiatisation de Mazan était d’abord due à la figure de Gisèle Pelicot : une femme blanche, de classe supérieure »
Giuseppina Sapio, professeure à Paris 8
L’absence de réactions des institutions, notamment médicales, et de la classe politique n’a pas non plus joué en faveur de la médiatisation du procès. « Nous sommes contre la concurrence victimaire, insiste Gabriel Trouvé du collectif de victimes de Joël Le Scouarnec, mais on constate que l’affaire Bétharram a focalisé l’attention. C’est regrettable que l’information soit produite en silo, sans analyse systémique ni liens entre les affaires, alors qu’on parle ici des mêmes choses : les violences patriarcales, la pédocriminalité. »
Juliette Campion estime qu’il est important de sortir de la logique « des comptes rendus d’audience qui s’empilent » pour « écrire sur les autres enjeux : l’omerta, l’inceste, les failles de l’institution médicale… » Un travail de fond qui n’est pas fait non plus par les responsables politiques, selon Hugo Lemonier : « L’affaire est publique depuis 2019. Quand le procès s’ouvre six ans plus tard, on n’a pas eu une commission d’enquête parlementaire, pas un rapport du ministère de la Santé… Les institutions attendent que les victimes renoncent à l’anonymat et aillent au combat pour réagir, et les médias reproduisent cette logique. C’est donc sur les seules épaules des victimes qu’on fait reposer le changement social. »
Pour aller plus loin :
Hugo Lemonier, Piégés. Dans le « journal intime » du Dr Le Scouarnec, Nouveau Monde Éditions, 2025.
22.05.2025 à 13:04
La Déferlante
Dans un « parti pris », la journaliste spécialiste des questions d’éducation Mathilde Mathieu partage sa stupeur à l’écoute de l’audition de François Bayrou à l’Assemblée nationale dans l’affaire Bétharram, le 14 mai dernier. Le Premier ministre continue à défendre les vertus éducatives de la gifle et ne propose aucun plan concret pour lutter contre les violences du #MeToo scolaire, lancé par d’anciens élèves d’institutions catholiques d’excellence.
→ à lire sur le site de Mediapart
À la faveur des exonérations gouvernementales, le nombre d’apprenti·es est passé d’environ 300 000 à près d’un million depuis le début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Mais, alors que l’État vient de décider la baisse de leur rémunération et que les accidents du travail les concernant se multiplient, l’apprentissage apparaît de plus en plus nettement comme un cadeau fait aux entreprises, sur le dos des jeunes des classes populaires.
→ Lire l’article sur le site du magazine Frustration
Agrégé d’éducation physique et sportive (EPS) et docteur en sciences de l’éducation, Raffi Nakas décrit comment l’enseignement du sport à l’école agit comme un révélateur des hiérarchies de classe et de genre. Mais permet également une nouvelle répartition du pouvoir à la faveur d’élèves en difficulté dans d’autres matières.
→ Lire sur le site de The Conversation
Lorsqu’elles étaient enfants ou adolescentes, entre les années 1930 et 1960, Édith, Michèle, Éveline et Marie-Christine ont été enfermées dans des maisons de correction pour jeunes filles, tenues par la congrégation de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur. Dans le documentaire Mauvaises Filles, elles témoignent du traitement qu’elles y ont subi, notamment des violences sexistes et sexuelles. Financés par l’État français, ces établissements catholiques accueillaient au moins jusqu’aux années 1970, des jeunes filles que la société considérait comme « perdues » : filles-mères, victimes de viols ou délinquantes. En mars 2025, la présidente de l’association des victimes du Bon Pasteur déclarait à Libération voir dans l’affaire Bétharram une « chance à saisir » pour relancer une plainte collective.
→ Émérance Dubas, Mauvaises filles, Les Films de l’œil sauvage, 71 minutes, 2022. Disponible en VOD.
Guillaume Daudin et Stéphane Jourdain, tous deux pères et journalistes, cherchent à comprendre l’effarant décalage entre l’image des prétendus « nouveaux pères », qui circule partout dans les médias, au cinéma comme dans la littérature, et la réalité statistique : selon l’enquête Insee (2010) sur laquelle s’appuient les deux auteurs, les femmes assurent encore 71 % des tâches ménagères et 65 % des tâches parentales. Pour expliquer ce décalage, ils vont à la rencontre de militantes, de chercheuses, d’hommes politiques, et interrogent leurs propres pères et leurs compagnes. Leur investigation s’achève en Suède, un pays érigé en modèle du partage des tâches où – spoiler – les inégalités persistent aussi.
→ Guillaume Daudin et Stéphane Jourdain (texte), Antoine Grimée (dessin), L’Arnaque des nouveaux pères, Glénat, 2024. 20,50 euros.
Militante écologiste dès les années 1970, membre du Mouvement de libération des femmes (MLF), Christiane Rochefort a très tôt, dans ses livres, dénoncé l’inceste et pris le parti des enfants. Dans cet essai aux allures de pamphlet, elle s’insurge de l’éducation que la société capitaliste donne aux plus jeunes, qui vise à en faire des êtres dociles et productifs. Une fois « adultés », ils reproduiront ces mécaniques d’oppression dont ils ont été victimes. Le plus ébouriffant dans cet ouvrage, c’est qu’il semble avoir été écrit hier, tant il résonne avec les débats de 2025 autour de la domination adulte. Une preuve supplémentaire que les luttes, aussi nouvelles qu’elles paraissent, s’inscrivent toujours dans une généalogie.
→ Christiane Rochefort, Les Enfants d’abord, Grasset, 1976. 15,90 euros.
En 2017 et en 2018, l’ancien ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer a déposé deux plaintes contre le syndicat SUD éducation 93 : la première pour diffamation pour l’emploi de l’expression de « racisme d’État », la seconde pour discrimination à la suite de l’organisation d’un atelier réservé aux personnes racisées. « Pourquoi l’emploi de certains termes est-il si tabou qu’il nécessite […] une forme de répression jamais vue auparavant dans l’institution scolaire ? » s’interrogent les militant·es du syndicat dans ce manuel collectif publié en 2023. Elles et ils y partagent les outils proposés lors de ces stages de pédagogie antiraciste pour comprendre les racines du racisme à l’école, en parler avec les élèves et intégrer l’antiracisme aux méthodes d’apprentissage.
→ SUD Éducation 93 (collectif), Entrer en pédagogie antiraciste. D’une lutte syndicale à des pratiques émancipatrices, Shed Publishing, 2023. 25 euros.
Ancienne professeure de français devenue documentariste radio, Delphine Saltel est l’autrice de plusieurs séries et podcasts sur l’éducation. Le tout dernier, produit par Arte Radio, s’intéresse aux mécaniques de ségrégation sociale à l’œuvre dans les parcours scolaires et aux effets à long terme de la désertion de l’enseignement public par les classes culturellement et économiquement privilégiées. Prenant pour fil rouge un entretien passionnant avec le sociologue Marco Oberti, elle démontre de manière extrêmement convaincante que le choix de l’école privée, s’il est une promesse d’ascension sociale (rarement tenue) pour les familles des classes populaires, est, pour la bourgeoisie, une manière de maintenir sa domination sociale.
→ « Reste dans ta classe », de Delphine Saltel, 53 minutes, 2024, à écouter sur Arte Radio.
Alors que l’actualité montre à quel point la guerre culturelle qui fait rage est aussi une bataille sémantique, il nous a paru important que La Déferlante propose à ses lecteur·ices des définitions de concepts clés pour appréhender l’époque dans une perspective féministe intersectionnelle. Évars, infantisme, panique morale : toutes les définitions sont en accès libre sur notre site internet, qui sera alimenté au fil des numéros pour faciliter la compréhension des concepts mobilisés dans chaque dossier.
On ignore encore aujourd’hui combien de femmes, en France, sont décédées des suites d’un avortement avant sa dépénalisation en 1975. Un collectif d’artistes, d’universitaires et de militantes féministes demande que leur soit érigé, à elles aussi, un monument aux mortes.
L’association féministe Safe Place qui lutte depuis sept ans contre toutes les formes de domination, rencontre actuellement des difficultés financières. Pour sauver puis pérenniser son activité, elle lance une campagne : objectif 1 000 nouvelles adhésions.
Sam 24 Mai — Dim 25 Mai 2025
Villa Gillet, Lyon (4e arrondissement)
Dans le cadre du festival Littérature Live, Emmanuelle Josse, corédactrice en chef de La Déferlante, modérera une rencontre entre les autrices Irene Solà et Louise Chennevière le samedi à 15h. Le dimanche à 17h30, elle animera une conversation entre la poétesse Rim Battal et la violoncelliste Lola Malique.
→ Plus d’informations sur le programme
Sam 7 Juin 2025, 19h
Le Point Fort d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis)
La Déferlante tiendra un stand dans le cadre de la nouvelle édition du Festival Mediapart. Vous y retrouverez nos revues, nos livres, nos goodies et pourrez échanger avec notre équipe. Le festival, gratuit mais sur réservation, propose par ailleurs des tables rondes, un concert et un quiz de Miskin Télé.
Jeu 19 juin 2025, à 18h
Librairie La bonne Aventure, Poitiers
Emmanuelle Josse, cofondatrice et corédactrice en chef de notre média, rencontrera les lectrices autour du numéro 18 « Pour une éducation qui libère ».
→ Informations à suivre sur le site de la librairie
Sam 19 — Dim 20 juillet 2025
Festival Les Pluies de juillet, Le Tanu, (Manche)
Nous serons présentes tout un week-end dans ce festival normand qui promeut l’écologie, les féminismes et les luttes sociales. Anne-Laure Pineau, journaliste et membre du comité éditorial de La Déferlante, participera à une table ronde sur le rôle de la désinformation dans la montée des populismes. Sur notre stand, vous retrouverez nos revues, nos livres et nos goodies, et vous pourrez rencontrer le reste de l’équipe