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17.11.2025 à 17:12

Le corps sensible, terrain de résistance

dev

Dojos autogérés, génération écoféministe et Aïkido

- 17 novembre / , ,
Texte intégral (6527 mots)

Il est entendu que la séparation nature/culture qui fonde l'occident autorise le ravage d'à peu près tout, renfrogne l'expérience et lamine les intériorités. Mais qu'est-ce que cela pourrait bien vouloir dire que de s'extraire de ses représentations et de son emprise ? Il existe évidemment tout un marché des breloques New Age qui se réchauffent au micro-onde mais la parodie ne fait jamais que reconduire l'artificialité. Manon Soavi enseigne les arts martiaux, elle est l'autrice de Le maître anarchiste Itsuo Tsuda. Depuis sa pratique et sa fréquentation de dojos autogérés qu'elle assimile davantage à des ZAD urbaines qu'à des centre de bien-être, elle propose de renouer avec le sensible et les forces vitales, soit ce qui est écrasé par le capitalisme mais qui peut justement permettre d'y résister.

« Nous ne défendons pas la nature. Nous sommes la nature qui se défend » [1]. Dans les pas des écoféministes et de penseurs comme Descola, les luttes écologistes effectuent ici un renversement brisant le dualisme Nature/Culture. Or l'exploitation de la nature et la gestion violente du monde par nos sociétés occidentales repose sur ce dualisme, sur cette séparation pratique et intellectuelle d'une « nature » opposée à une « culture ».

Ce système s'ancre dans l'opposition fondatrice du corps et de l'esprit. L'esprit y étant vu supérieur, comme le « chef », et le corps « simple exécutant ». La gravité de ce postulat tient au fait qu'il détruit l'unité de l'humain en lui-même. C'est le premier pas vers la mise à distance. Pour voir la « nature » comme « morte » – et non plus la sentir – ainsi que l'exige l'exploitation, il faut se couper d'elle, donc de notre sensation interne, vivante, ce qui amène à une forme de dissociation. C'est donc dans le rapport avec notre corps et dans la manière dont est structurée sa relation aux autres que prend racine et se continue le système d'oppression et d'exploitation.

Comme les écoféministes l'analysent, colonialisme, patriarcat et écocide sont les manifestations de ce même paradigme et il ne suffit pas d'en combattre les effets pour en venir à bout. Il faut « désactiver son cœur » [2] cette dichotomie artificielle Corps/Esprit, Nature/Culture. Pour cela nous avons besoin d'approches nous permettant de nous réunifier à nous-même.

Car en réalité le cerveau seul ne pense pas, tout le corps pense. De même l'humain seul n'existe pas, nous sommes des holobiontes « jamais seuls » comme le dit le microbiologiste M.A Selosse [3]. Alors pour vraiment subvertir nos mécanismes internes et se réunifier il faut aussi passer par le corps. Se rendre sensible à son rythme biologique, à ses cycles, à ses besoins propres et enfin, écouter sa révolte. Car les corps se rebellent, bien que la réponse des spécialistes de tout bord soit de tenter de les faire « rentrer dans le rang ». Si la santé mentale est si préoccupante, si tant de personnes sont sous anxiolytiques, ce sont bien les symptômes d'une société qui nous rend malade, qui détruit la vie en nous.

En effet, au-delà des dégâts de l'industrialisation, de la pollution et de l'oppression sur les corps, il y a ceux causés par le régime disciplinaire subi par les êtres pour les faire entrer dans le moule de la rentabilité. La codification des comportements, des gestes quotidiens dès le plus jeune âge agissent comme dispositif d'autocontrôle. Encodant un rapport au monde, une manière normée de vivre, de sentir et d'agir.

Je pratique et j'enseigne au sein d'une École [4] issue du travail du philosophe japonais Itsuo Tsuda qui proposa un chemin de « bifurcation » puissant. C'est par ma propre expérience et par la transmission que j'ai reçue que je sais que l'approche par le corps, alliée à une pensée radicale, permet une réunification de l'humain en lui-même et en la nature. Tsuda a la particularité d'avoir articulé une pensée de sensibilité anarchiste, des pratiques du corps émancipatrices et une compréhension subtile de la philosophie chinoise du Tao [5]. Des outils précieux que j'ai à cœur de partager.

Avec un couteau on peut couper du pain ou bien tuer son voisin

Les pratiques du corps proposées par Itsuo Tsuda ne sont en rien des avatars du New Age. Il ne s'agit pas de parodier des spiritualités ou des pratiques ésotériques dans des stages coûteux. Dans les dojos qui les proposent leurs fonctionnements autogérés et leurs aspirations philosophiques les rendent plus proches de la ZAD urbaine que du centre de bien-être.

Il faut se rappeler que dans les années 1970, les philosophies et pratiques d'Asie soutenaient les jeunes générations au sein des révoltes et des luttes, répondant à leur aspiration à vivre pleinement et non à « exécuter la vie ». La terrible plasticité du néo-libéralisme, qui corrompt tout ce qui le menace, les a métamorphosées en marché du bien-être et développement personnel engendrant des milliards de dollars annuels de bénéfices. Accompagné par ses discours bien rodés : performer son bonheur, obtenir la meilleure version de soi-même, dégager des ondes positives, et autres stupidités insupportables.

Dans cette « société du spectacle » [6], chacun est censé gérer son épanouissement, son corps et son capital santé comme un business plan. Le Yoga évoque des femmes blanches et minces avec des thés détox. Le Zen est le nom d'une carte client et d'un tarif ferroviaire. Les arts martiaux sont devenus synonymes de sports de combats virils, revendiqués par les masculinistes.

C'est pourquoi Itsuo Tsuda rappelait qu'« avec un couteau on peut couper du pain ou bien tuer son voisin », tout dépend de son orientation. Certaines militantes radicaux ne s'y sont pas trompés en voyant dans ces pratiques ancestrales des outils de soin et d'émancipation par le corps. La militante Angela Davis [7] qui parle d'un radical selfcare et du soin collectif de soi. L'activiste Starhawk [8] qui a lié soin, spiritualité radicale et organisation collective de lutte. Ou encore Frantz Fanon [9] qui dénonça ce que le colonialisme fait aux corps et entraîne comme névroses pour les colonisés.

Mais au-delà de l'importance du corps dans les processus collectifs de résistance, pour vraiment comprendre la puissance de ces approches il faut se replacer du point de vue d'un monde « non-séparé ». Pour l'occident l'art, l'industrie, la religion, le sport, la cuisine, la loi, n'ont aucun rapport. Les activités artistiques, spirituelles ou corporelles sont séparées des problématiques de justice sociale, d'écologie, de politique. Séparées des processus vivants, ne restent que des gestes dictés par la rentabilité et des artefacts culturels abstraits.

A l'inverse rien n'est séparé, n'existe en soi, dans les équilibres organiques des civilisations non-occidentales. Les objets, les rites, les gestes, sont liés, ils participent au développement de la puissance vitale. Les corps bougent pour vivre la joie, la souffrance, les cycles, la guerre. Les peuples autochtones ont une connaissance d'eux-même et de leur milieu au sens « métabolique ». De la même manière qu'ils sentent/écoutent une multitude d'informations issues du milieu, pour leurs corps, ils prêtent attention à chaque signaux. Une perception fine qui les guident en permanence.

Par exemple chez les Kogi de la Sierra Nevada les bains quotidiens dans la rivière sont des « nettoyages intérieurs » aussi importants que de discuter en collectif. Mieux c'est ce qui permettra la qualité de la discussion collective. Au Japon, maître Noguchi travaillait sans relâche, ne dormant que 4h par nuit. Il récupérait grâce à une inspiration lente « descendant le long de la colonne vertébrale » provoquant une légère sudation de la zone et la disparition de la fatigue. Rien de mystique dans ces exemples mais des « connaissances sur soi » que nous n'aurions pas dû perdre et que nous pouvons redévelopper pour vivre plus autonome.

La philosophie d'Itsuo Tsuda se place dans cet autre paradigme, où tout est interdépendant. Trois aspects structurent son approche : la philosophie du Non-faire, les pratiques du corps et les dojos. A eux trois ils apportent des éléments concrets extrêmement puissants pour donner voix au chapitre à la nature qui se défend en nous et nous montre un chemin différent.

Saboter le cartésianisme : Le Non-faire

Plonger dans un monde d'interdépendance nécessite de contrer le maléfice qui nous dissocie : « Je pense donc je suis ». Le cartésianisme n'est pas mauvais en lui-même, mais quand ce mode de penser régit tout notre espace intérieur, entache toutes nos actions, il devient une autoroute mentale dont nous ne trouvons plus la sortie. La volonté règne en dictateur : nous croyons qu'il suffit de penser pour créer, de vouloir pour pouvoir, de savoir pour dominer. On se crispe vers de petits buts, l'argent, la carrière, les connaissances, le sommeil, la sécurité, la santé... Le plan est de tout maîtriser mais on passe au travers de la partition complexe de la nature de notre corps. Et tout devient compliqué : on ne veut pas être timide ? On rougit. On veut retenir un rendez-vous ? On oublie. On veut dormir ? C'est l'insomnie.

D'autant que plus le corps se plie aux impératifs sociaux, aux normes et aux injonctions, plus il bloque ses besoins propres. Il s'insensibilise ou devient hypersensible et cela entraîne une perte des capacités d'attention, de perception et de sensibilité. La sensation est l'activité vitale nous assurant la prise sur la réalité. Sans elle nous ne sommes plus que pures abstractions. Sentir est le socle du commun comme le défendait aussi l'écologue Kinji Imanishi qui disait « je sens donc je suis » [10].

Pour retrouver la sensation il faut quitter l'autoroute, arrêter l'emballement mental, « placer un obstacle sur la voie » comme l'écrit Ursula Le Guin. C'est-à-dire provoquer un effondrement de la logique afin de laisser émerger un autre état. Envisager une philosophie du Non-faire fait vaciller notre rationalité qui ne peut imaginer une action sans intention.

Le Non-faire, 無爲Wu-wei, est une approche très ancienne en Asie, issue d'une observation profonde de la réalité et des interactions. C'est agir avec les forces et les liens en présence, y compris dans le combat ou l'opposition. C'est un régime d'activité [11] efficace, précisément par l'absence d'intentionnalité.

Ariel Salleh décrit un mode d'agir tout à fait semblable au Non-faire en soulignant que beaucoup de femmes agissent d'une manière adapté à la pensée écologique. Non pas car elles seraient par essence plus proches de la « nature », mais de part les activités de maintien de la vie qu'elles effectuent en majorité, elles perdent moins le contact avec le fonctionnement du vivant. Même en Occident la cuisine, la lessive, le maternage, le soin des personnes dépendantes, autant d'activités où l'on doit se saisir des situations « par un balayage concentrique, plutôt que de manière directe, l'objet étant appréhendé de manière kaléidoscopique à partir de plusieurs points tangentiels. [Prenant en compte que le] savoir ne repose pas sur la seule apparence ou les propriétés visuelles formelles, mais vient du toucher ou même d'une modalité kinesthésique plus diffuse. » [12]

Le philosophe chinois Tchouang-tseu estimait que la conscience pouvait, par un acte critique, reconnaître son assujettissement à l'intentionnalité. Et acquérir le pouvoir d'être intentionnelle ou non, de vouloir ou de ne pas vouloir.
[13] En orient il existe un certain nombre de techniques pour hacker son cerveau, pour court-circuiter la volonté afin de laisser la place à cette intelligence plus profonde et reliée. Les pratiques comme le zen, la calligraphie, les arts martiaux, etc., provoquent, grâce aux techniques du corps, l'abandon de la pensée calculante afin de laisser surgir le Non-faire.

Deux archétypes illustrent ces conceptions : L'ingénieur qui calcule les risques et les bénéfices. En virtualisant les situations, il les voit comme équivalentes. Une maison, un hôpital, une école seront équivalents quels que soient les lieux et les gens. Il pense depuis l'extérieur et n'est pas concerné par les situations. Il fait des choix justifiables, ce qui lui permettra de se dédouaner si besoin.

De l'autre il y a la posture du samouraï, qui ne peut s'appuyer que sur sa capacité à sentir une situation. Son corps doit agir avant tout traitement mental, au risque de le payer de sa vie. Il cherche à vider son esprit pour « connaître ce qu'on n'entend pas » comme l'exprimait le célèbre sabreur Miyamoto Musashi [14]. Pour lui, réagir à ce qui est apparu est ordinaire, il doit percevoir avant même que les signes précurseurs ne surviennent.

C'est en fait la posture de toutes les sociétés non-occidentales qui ne cherchent pas un refuge dans l'illusion de la stabilité. Elles n'ignorent pas les dangers mais les assument, sans renoncement ni insouciance, dans l'intranquillité propre à la fragilité du vivant.

De manière a priori déroutante Itsuo Tsuda disait que « savoir bien traiter le bébé est le summum des arts martiaux » [15]. C'est qu'avec un bébé tout est question de sensation et non d'argument ! Seule la fusion de sensibilité, une communication par le corps, permet aux parents de sentir les besoins du bébé. Cela fait appel à toutes nos capacités intuitives profondes. C'est pourquoi il est si difficile d'être enfant et parent dans ce monde où rien ne permet le lien, la communication, l'épanouissement des corps. On est invité à faire famille comme on gère une entreprise, ce qui est une catastrophe.

Comme les artisans japonais qui coproduisent les objets avec les matières vivantes, le fer, la terre, l'eau, le feu. L'artisan est reconnaissant de la tournure inattendue que prend sa création. Alors l'acte n'est plus le résultat d'UNE volonté, d'UN sujet. C'est une multiplicité qui s'exprime dans le Non-faire. Cette philosophie est une attitude dans la vie et une façon d'agir, qui ne peut venir que si on lâche prise sur l'obsession de la rationalité et sur l'illusion de contrôle. Qu'on accepte d'être plus traversé par l'action que maître de celle-ci. Tsuda propose à travers les pratiques du corps d'entrer petit à petit dans cette manière de faire.

Des pratiques du corps émancipatrices

Une compréhension intellectuelle n'étant pas suffisante Itsuo Tsuda proposait le Katsugen undo et l'Aïkido, qu'il avait pratiqués respectivement vingt et dix ans au Japon. Ces pratiques permettent, à l'instar des corps-territoire [16] des féministes autochtones d'Amérique latine de « vivre et expérimenter un rapport différent au corps, un corps comme puissance, terrain de résistance à toute forme d'oppression et d'exploitation. » [17]

Katsugen undo : le paradigme de la génération

La philosophe Émilie Hache [18] décrit comment les sociétés industrielles extractivistes ne manifestent plus aucun souci de la génération, c'est-à-dire des capacités de reproduction des conditions d'existence terrestre. Remplacée par l'idée de Providence avec un monde créé une fois pour toutes, n'ayant plus besoin d'être perpétué au quotidien.

A l'inverse dans ce qu'elle nomme le « paradigme de la génération » le monde a besoin d'être maintenu dans l'existence par tous ceux qui le composent. La génération étant un phénomène social total, concernant la perpétuation des humains, du clan, des relations avec les ancêtres et les vivants parmi lesquels on vit. Ce paradigme imprégnait toutes les sociétés jusqu'à son remplacement, en Europe, par la vision chrétienne de la Providence suivi par l'idée de Production.

De même, nos sociétés ne manifestent plus aucun souci pour le soin des capacités vitales de ()génération du corps humain. La vision mécaniste d'un corps parcellisé, nous porte à penser qu'on peut user son corps comme on use un vélo. De temps en temps il faut resserrer les freins et changer des pièces. Sauf que les processus biologiques et la métabolisation ne répondent pas du tout comme ces procédés mécaniques, auxquels on les a trop souvent comparés. Les processus vitaux se régénèrent et retrouvent leur équilibre au quotidien si on leur en laisse la latitude. A la place le mouvement involontaire du corps est tellement refoulé, bloqué, qu'il se rigidifie, entraînant des difficultés à réagir, à garder l'équilibre, à récupérer des fatigues.

Nous finissons par être un peu comme ces chiens qu'on avait dressés pour qu'ils n'effectuent plus leurs « tours dans leurs paniers » avant de dormir. Les chercheurs réussirent certes à supprimer ces mouvements jugés « inutiles » mais ils constatèrent par la suite que ces animaux développèrent de multiples problèmes : troubles du comportement, agressivité, maladies [19].

Ainsi dressé le corps perd la sensibilité et la souplesse qui permet la réactivité. On imagine que ceux qui ne sont jamais malades sont en bonne santé. Pourtant si le corps ne sent pas qu'il y a un problème, ses capacités de rétablissement ne sont pas stimulées, sans réaction, la situation empire.

A l'inverse, si le corps est tout le temps perturbé cela révèle évidemment d'un déséquilibre profond, que peut-être une médecine pourra aider. Bien que parfois ce soit aussi l'expression de la rébellion d'un corps qui refuse de continuer à endurer ce que la volonté estime nécessaire. L'équilibre du corps c'est quand il est suffisamment sensible et que face à un stimulus néfaste, il résiste, en vient à bout et se remet en ordre.

La pratique du Katsugen Undo proposé par Itsuo Tsuda [20] s'inscrit dans ce paradigme de la génération. C'est une sorte de gymnastique de l'involontaire qui permet d'entraîner le système extrapyramidal pour le rendre plus sensible. Il stimule l'activité de régularisation organique, qui permet l'équilibre du corps. Ce mouvement involontaire n'est que l'expression de l'activité du vivant en nous. Le laisser s'exprimer c'est prendre soin de nos ressources internes. Cela n'exclut évidemment pas d'avoir parfois besoin d'aide, que ce soit sous la forme d'une tisane ou d'un médecin.

Tsuda insistait sur le fait qu'il ne s'agissait pas de thérapie mais d'un outil d'autonomie, un « soin collectif de soi » selon l'expression d'Angela Davis, puisqu'il n'y a pas de spécialiste et que les gens s'auto-organisent. Sur le temps long, la sensation de nos états internes s'affinent comme notre perception des autres qui devient plus nette. Alors au delà des mots et des conventions, on redécouvre nos capacités de coordination, d'écoute, ce qui nous aide à mieux saisir le monde dans sa globalité et à sortir du système d'oppression généralisé.

Aïkido : eau qui court ne porte point d'ordure

L'autre moyen de sensibilisation du corps utilisé par Itsuo Tsuda est l'Aïkido. Un art qui n'a rien en commun avec la version sport de combat aujourd'hui très répandue. Afin d'éviter tout amalgame je rappelle que si, en effet, les arts martiaux ont été utilisés à des fins d'oppression par des mouvements nationalistes ou d'extrême droite ce n'est pas leur définition. Ils ont aussi servi à de nombreuses occasions à défendre les opprimés bien que je ne puisse par développer le sujet ici.

L'Aïkido ce n'est pas se battre sur un tatami, écraser les autres, etc. C'est plutôt retrouver des capacités de mouvement, de souplesse, de sensibilité, de réaction. Un point important avant de continuer : il ne faut pas confondre la sensibilité avec la sensiblerie. On peut être sensible, attentif à ses besoins, à ses limites, et être très endurant. Une endurance qui ait la robustesse du vivant et ne cherche pas l'optimisation de la performance. Comme le principe yin du Tao, souple, sensible, robuste, le bambou plie mais ne rompt pas et l'eau vient à bout de la roche. La robustesse du corps passe par l'écoute des rythmes internes de la régénération par la transformation permanente.

On peut aussi dire que l'Aïkido c'est une étude, par le corps, des possibilités de relationner avec les autres, malgré et avec le conflit. Le conflit – qui doit être distingué de l'affrontement et de l'agression – fait partie de la vie. Le rêve de son élimination est un cauchemar de dictature, tout autant que celui d'éliminer toute résistance par l'impuissance apprise comme le vivent les femmes. Un processus encodé dans la chair et qu'Elsa Dorlin nomme la « fabrique des corps désarmés. » [21] D'où l'importance de l'appel de Françoise d'Eaubonne invitant les femmes à redécouvrir les « attitudes ignorées, refoulées, qui nous font si peur, les plus simples positions combatives du corps. » [22]

Dans l'orientation d'Itsuo Tsuda c'est la respiration qui est l'élément essentiel de l'Aïkido. Concrètement la respiration gomme les limites de l'individualité car nous respirons grâce aux mitochondries, des bactéries qui vivent en symbiose dans nos cellules. Ces bactéries réalisent la respiration dans les cellules animales et végétales. La respiration est un commun que nous échangeons avec tous les autres vivants à chaque bouffée d'air.

Les aspects ritualisés de la séance – saluts, méditations, calme, mouvements lents, pratique individuelle – nous aident à revenir en nous-même, à respirer mieux et ce faisant nous renouons avec la nature sensible. Itsuo Tsuda citait souvent l'ancien proverbe « Eau qui court ne porte point d'ordure » afin de faire comprendre qu'il s'agissait de se dépouiller des idées toutes faites qui nous encombrent et sûrement pas d'ajouter de nouvelles « cordes à son arc » pour vendre une recette miracle.

L'Aïkido est aussi un art du toucher, qui est un sens vital. Comme l'explique le neuroscientifique Francis Mcglone « le toucher est tout aussi indispensable que l'air que nous respirons et la nourriture que nous mangeons. [...] Le risque de mort prématurée dû à la consommation de tabac, au diabète, ou bien à la pollution est d'environ 40%. Celui dû à la solitude est de 45%. Mais personne n'a encore vraiment réalisé que ce qui manque aux gens seuls c'est précisément les contacts physiques » [23].

La personne sollicitée par le mouvement, par l'interaction des partenaires, renoue avec cette communication, infralangagière, du toucher. Cela participe au réveil intérieur qui n'est autre qu'un processus complexe et multidimensionnel de prise de pouvoir par soi-même, sur soi-même.

Des dojos urbains

Les dojos, autogérés et indépendants, sont l'outil articulant en profondeur émancipation individuelle et collective. Ces lieux ne sont ni des gymnases, ni des clubs privés. Il n'y a ni chef, ni hiérarchie, ni client, ni employés, juste des personnes qui s'organisent ensemble. Bien que chacun vive de son côté et à sa façon, il y a coopération des individus pour décider par et pour eux-mêmes des moyens de libération. Ces dojos deviennent donc des lieux d'expérimentation, d'éducation populaire, d'apprentissage autonome, de décroissance.

Ces dojos sont aussi importants pour faire l'expérience d'autres rapports, ici et maintenant. Les dispositifs concrets comme la ville avec ses murs, ses relations à l'espace et au temps, ses modes de circulation, de travail, de commerce, induisent une certaine manière de sentir, de penser et d'agir. Il nous faut donc des espaces concrets différents. L'espace du dojo affecte les sens par la dimension sensible, kinesthésique, presque esthétique du lieu. L'ambiance, la lumière, le vide, agissent un peu comme par « capillarité » vers d'autres manières de sentir, de penser et d'agir.

Ce sont aussi des lieux quotidiens qui échappent à l'utilitarisme et à la logique de rentabilité. En ayant des séances tous les jours, tôt le matin et certains soirs, la journée, l'espace est laissé vide. « Inutile » puisqu'aucune autre activité ne vient troubler l'atmosphère. Comme des failles dans les villes, où le temps et le fonctionnement fou du monde sont suspendus.

Ces dojos, réunis sous le nom d'École Itsuo Tsuda, continuent aujourd'hui à proposer cette philosophie du Non-faire et ces pratiques du corps. Je travaille, au côté de mon père Régis Soavi, qui a connu Itsuo Tsuda et enseigne depuis cinquante ans. Nous cheminons, avec les personnes qui font vivre ces dojos, chaque jour.

Faire alliance avec le vivant en nous

De plus en plus nombreux sont ceux et celles qui concourent aux « humanités écologiques » cette vaste alliance de disciplines qui va de l'histoire de l'environnement, aux études littéraires et culturelles, en passant par l'anthropologie, l'art ou la géographie. Toutes et tous participant à réinventer notre façon d'être avec et dans le monde.

Je crois pour ma part que ces « humanités écologiques » nécessitent aussi le retour du sensible et la réunificaiton d'avec nous-même. Le poète Fernando Pessoa [24] dénonce que la condition essentielle pour être un « homme pratique », c'est l'absence de sensibilité. En effet l'agir colonial et écocidaire se déploie sur le terrain de la séparation et de l'insensibilité d'avec notre corps-territoire.

C'est pourquoi j'appelle à faire alliance avec les forces vitales qui nous constituent pour retisser les liens sensibles et déployer d'autres rapports aux cycles organiques qui nous régulent et à travers cela retrouver le fonctionnement du vivant, circulaire, complexe, multiple et robuste. Un non-agir loin de l'action volontariste qui peut s'expérimenter dans son corps et en collectif avec des lieux de pratique, autogérés. Ceux-ci permettant de vivre, avec les moyens du bord, d'autres rapport sans attendre « le grand soir ».

Mon but n'est pas de recruter pour ma « chapelle » mais de participer à changer en profondeur nos relations au monde en montrant que les pratiques du corps – si elles s'inscrivent dans des pensées émancipatrices et ne sont pas dépolitisées – sont des outils puissants qui touchent à ce qui est encodé à un niveau profond.

Pour maintenir le cap et éviter les récupérations à nous d'avoir la rigueur et la radicalité des sœurs Angela et Fania Davis, qui auront le dernier mot de cet article : « Le Self-care et la guérison, l'attention portée au corps et à la dimension spirituelle, tout cela fait désormais partie des luttes radicales pour la justice sociale. » [25]

Manon Soavi


[2] Isis Labeau-Caberia « 'La tête ne nous sauvera pas' #1 : L'Occident est une cosmovision, la 'raison' en est le mythe fondateur », 04/07/2023, https://isislabeaucaberia.substack.com/p/la-tete-ne-nous-sauvera-pas-part

[3] Marc-André Selosse, Jamais seul, Acte sud, 2017.

[4] L'École Itsuo Tsuda réunit des dojos qui travaillent avec Régis Soavi, lui-même élève d'Itsuo Tsuda. Ces dojos sont autogérés et existent dans plusieurs villes d'Europe.

[5] Pour aller plus loin sur son parcours, voir mon livre Le maître anarchiste, Itsuo Tsuda, ed. L'originel, 2022.

[6] Guy Debord La société du spectacle, édition Buchet-Chastel, 1967.

[7] « Radical selfcare : Angela Davis », chaîne YouTube Afropunk, 2018.

[8] Voir par exemple Starhawk, Rêver l'obscur, éditions Cambourakis, 2015.

[9] Voir par exemple Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre, 1961, éditions La Découverte, 2002.

[10] Voir Kinji Imanishi, Comment la nature fait science, éd. Wildprojet, 2022.

[11] Selon l'expression de Jean-Françoise Billeter analysant Tchouang-tseu.

[12] Ariel Salleh, Pour une politique écoféministe. Comment réussir la révolution écologique éditions Wildproject et Le passager clandestin, 2024, p. 246.

[13] Jean-François Billeter, Études sur Tchouang-tseu, édition Allia, 2004, p. 61.

[14] Kenji Tokitsu Miyamoto Musashi édition DésIris, 1998, p.265.

[15] Itsuo Tsuda, La Voie du dépouillement, le Courrier du livre, 1975, p.174-175.

[16] Concept élaboré par les féministes issue des populations autochtones de Colombie et du Guatemala.

[17] Mara Montanaro Théories féministes voyageuses. Internationalisme et coalitions depuis les luttes latino-américaines, Les éditions de la rue Dorion, 2023.

[18] Émilie Hache, De la génération. Enquête sur sa disparition et son remplacement par la production, édition La découverte, 2024.

[19] Miguel Benasayag, Cerveau augmenté, homme diminué, La découverte, 2016, pp. 143-144.

[20] Qu'il traduisit par Mouvement régénérateur.

[21] Elsa Dorlin, Se défendre. Une philosophie de la violence, éditions La découverte, 2017.

[22] Françoise D'Eaubonne, Contre-violence. Ou la Résistance à l'État. éditions Cambourakis, 2023.

[23] Francis Mcglone, interrogé dans le documentaire de D.Kaden Le pouvoir des caresses, Allemagne, 2020, Arte.

[24] Fernando Pessoa Le Livre de l'intranquillité, Christian Bourgois éditeur, première édition 1988.

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17.11.2025 à 17:12

Quatre nouveaux livres aux éditions lundimatin

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Loading rooms - Justine Lextrait La fabrique de l'enfance - Sébastien Charbonnier La Société réticulaire - Ian Alan Paul Dix sports pour trouver l'ouverture - Fred Bozzi

- 17 novembre / ,
Texte intégral (1772 mots)

En plus de nos éditions en ligne hebdomadaires et de la revue papier, lundimatin publie désormais des livres disponibles dans toutes les bonnes librairies et en ligne sur cette page.

Nous connaissons tous les avantages que procure la publication en ligne. La diffusion des idées y est quasi instantanée, presque libre et peu coûteuse. Nous savons aussi tout ce que nous y perdons en terme d'attention, de ressassement et de disposition à penser. Partager et déployer une sensibilité commune et fine au monde demande de la patience et du temps. Comme disait un ami, le travail d'éditeur est un travail d'artificier.

Nous faisons le choix de publier peu d'ouvrage mais nous avons l'exigence que chacun soit, à nos yeux du moins, décisif et déterminant.

Amies libraires, nos livres sont diffusés par Hobo et distribués par Makassar. On ne les trouve pas sur Amazon. Pour plus d'informations : editions@lundi.am


Fred Bozzi

Dix sports pour trouver l'ouverture

Ping-pong, Rugby, Perche, Danse, Tennis, Boxe, Football, Marche, Volley-ball, Décathlon

18 €
978-2-494-35506-4
268 p. | sorti le 17 octobre

Voir la présentation du livre et en lire un extrait par ici.


Ian Alan Paul

La société réticulaire

(Postface Frédéric Neyrat)

16 €
978-2-494355-08-8
224 p. | sorti le 17 octobre

Voir la présentation du livre et en lire un extrait par ici.


Justine Lextrait

Loading rooms
16 €
978-2-494-35509-5
134 p. | sorti le 15 novembre

Parution : 15 novembre 2025
Voir la présentation du livre et en lire un extrait ici.


Sébastien Charbonnier

La fabrique de l'enfance

Anthropologie de la comédie adulte

16 €
978-2-494355-07-1
248 p. | sorti le 15 novembre

Parution : 15 novembre 2025
Voir la présentation du livre et en lire un extrait ici.


Leïla Chaix

OK CHAOS
13 €
978-2-494-355504-0
144 p. | sorti le Novembre 2023

Voir la présentation du livre ici.


Monchoachi

Retour à la parole sauvage

Postface Jean-Christophe Goddard

16 €
978-2-494-35502-6
274 p. | sorti le Mai 2023

Voir la présentation du livre ici.


Lettres sur la peste
Précédées de la domestication du monde

Olivier Cheval
(En coédition avec La Découverte - Distribution Éditis)
128 pages | 15 euros | 9782348076909
Voir la présentation du livre ici.

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17.11.2025 à 17:06

« À propos de semis et de récoltes »

dev

Du Chiapas à la Palestine

- 17 novembre / , ,
Texte intégral (5682 mots)

À l'occasion de l'anniversaire de la formation politico-militaire de l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) ce 17 novembre 2025, et en complément de l'article « À 42 ans de se formation : ¡Viva EZLN ! », nous proposons quelques considérations croisées depuis la situation passée et présente de la Palestine et du mouvement zapatiste au Chiapas, relatives à la « question du génocide ».

En septembre 2021, l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) alertait le monde, avec la publication du communiqué « Le Chiapas au bord de la guerre civile… » [1], sur la dégradation constante de la situation au Chiapas - et ce, renforcée par la présidence de la gauche institutionnelle mexicaine, sous la bannière du Mouvement pour la régénération nationale (MORENA, parti d'Andres Manuel Lopez Obrador et de Claudia Sheinbaum, successivement au pouvoir depuis 2018). Ce n'était pas la première fois que le mouvement zapatiste interpellait « le peuple du Mexique et les peuples du monde » à condamner la violence paramilitaire, militaire, gouvernementale et criminelle, ainsi que la constante stratégie contre-insurrectionnelle à laquelle ces différents groupes contribuent.

Depuis, les conflits armés, territoriaux et agraires, les vols et viols, arrestations et séquestrations [2], les assassinats, la fabrique de coupables et les disparitions n'ont pas cessé [3]. Bien au contraire, la complicité entre le crime désorganisé - les autorités politiques des 3 niveaux de gouvernement du Mexique, de plusieurs partis confondus - et le crime organisé - les cartels et « narcos » - continue de garantir une impunité structurelle à la brutalité qui affecte les populations originaires et les gens ordinaires qui vivent et luttent au Mexique, défendant leurs conditions d'existence, le territoire et les cultures. Par ailleurs, la porosité entre les groupes criminels, les mauvais gouvernements et les industries capitalistes nationales et transnationales - qui imposent des megaprojets inutiles et nuisibles soutenus par la politique moréniste de la « Quatrième Transformation » [4] - tend à intensifier un dangereux désordre belliqueux où la vie, humaine et extra-humaine, est constamment menacée par la quête insatiable du pouvoir et de l'argent.

En octobre 2024, l'EZLN interrompait l'annonce des Rencontres internationales des résistances et des rébellions 2024-2025 (sur le thème : « La Tempête et le Jour d'Apres ») [5], alertant sur les agressions, l'intimidation avec des « armes longues de haut calibre » et les menaces, notamment de « viol envers les femmes », subies par les villages zapatistes du Caracol de Jerusalen « avec le soutien des autorités municipales d'Ocosingo et du gouvernement de l'Etat du Chiapas » (Parti Vert Écologiste du Mexique - PVEM et MORENA, respectivement) [6]. Par ailleurs, les zapatistes indiquent que les « mauvais gouvernements » se sont engagés à « remettre aux agresseurs les papiers accréditant leur propriété sur les terres spoliées ». Ce violent conflit de « papiers », corollaire de la logique propriétaire de la modernité capitaliste, résulte de la politique contre-insurrectionnelle du « mauvais gouvernement » de Claudia Sheinbaum qui, s'appuyant notamment sur le programme démagogique et populiste « Sembrando Vida » initié par son prédécesseur, attise les conflits agraires et territoriaux en poussant les populations paysannes de la région à agresser les zapatistes pour « les déloger des terres qu'ils occupent et travaillent de manière pacifique depuis plus de 30 ans ». Les autorités politiques municipale, étatique et fédérale, qui sont les responsables intellectuels de ces agressions, auraient passé un « accord » avec les agresseurs, sous la pression du crime organisé, pour « donner un caractère « légal » à cette spoliation ». Ici on retrouve, de façon exemplaire, les trois acteurs de l'instabilité existentielle de celles et ceux « d'en bas » qui, au Mexique, vivent pacifiquement et luttent pour la défense du territoire, des cultures et de la vie. Le village zapatiste agressé avait finalement été contraint de se déplacer.

Depuis trois décennies, les communautés zapatistes et l'EZLN, qui est une armée d'autodéfense à visée principalement dissuasive, affrontent pacifiquement diverses et récurrentes attaques. L'effort zapatiste du refus de la lutte armée, privilégiant « le dialogue et les accords » avec leurs agresseurs et la mobilisation du soutien de la société civile nationale et internationale et de ses réseaux de solidarité, est l'une de ces nombreuses forces.

À peine un an plus tard, en septembre 2025, le village de Belen situé dans la région rurale du Caracol 8 « Dolorès Hidalgo » (dont Ocosingo est la municipalité officielle), subit aussi une spoliation institutionnelle et criminelle, base des conflits territoriaux et armés qui affectent la région. Alors que ce territoire a été libéré par le soulèvement armé de 1994 et que les communautés bases d'appui de l'EZLN y vivent pacifiquement, travaillant la terre légalement depuis 1996, les zapatistes y dénoncent la préparation du « choc, [de] l'affrontement et [de] la guerre » par les autorités des trois niveaux de gouvernement [7]. Face à ces provocations, intimidations armées et actions violentes, le mouvement zapatiste annonce qu'il a décidé de « se retirer pour planifier la défense nécessaire ». Privilégiant toujours la puissance des mots à la force des armes, les zapatistes rappellent : « Notre tentative de recherche de dialogue n'a pas abouti. Nous avons souvent dit que nous ne voulons pas la guerre. Ce que nous voulons c'est la vie en commun ».

Chaque 1er janvier, en commémoration des zapatistes tombé•es au combat à l'aube de l'année 1994 et du chemin parcouru depuis, l'EZLN fait une démonstration militaire. A cette occasion, le commandement zapatiste réaffirme sa disposition à l'usage de la parole, plutôt que des armes. Si les miliciens et miliciennes, insurgé•es zapatistes de l'EZLN y défilent sans armes, munis de bâton au rythme chorégraphié de la cadence militaire, l'EZLN reste une armée équipée et entraînée. Ces dernières années, face à la dégradation de la situation au Chiapas, le commandement de l'EZLN a souvent insisté sur son rôle armé au sein du mouvement zapatiste, largement civil.

La teneur des mots et la gravité de la situation subie par les peuples zapatistes nous oblige à agir de façon stratégique, créative et performative, au gré des diverses modalités jugées pertinentes, pour garantir la pérennité du mouvement dans les territoires autonomes du Chiapas. Si ce contexte est loin d'être inédit, son intensité actuelle est néanmoins très préoccupante. Voici les derniers mots écrits en majuscule dans le communiqué original des « gouvernements en commun », adressés « aux peuples du Mexique et du monde, aux compañeros et compañeras du Congrès National Indigène, à la société civile nationale et internationale, aux organisations des droits humains, aux médias alternatifs, à la presse nationale et internationale » : « Prenez soin de vous. Nous nous reverrons peut-être ou peut-être pas. Il se peut que la fois où nous nous sommes vus lors des dernières rencontres ait été la dernière. Nous resterons attentifs et en contact et vous maintiendrons informés. Pourvu qu'à cette rencontre au « Semillero » vous nous ayez compris concernant tout ce que nous avons dit. C'est à dire la recherche de la vie en commun. Frères et sœurs du Mexique et du monde, voilà ce qu'il y a, le plan du néolibéralisme au Mexique à notre encontre. Comme nous l'avons bien dit à la rencontre au « Semillero » : aujourd'hui c'est la Palestine, demain ce sera nous. »

Alors que l'on a souvent eu tendance à vanter, et à raison, les précieux apports théoriques et pratiques du mouvement zapatiste pour nos réflexions et nos actions, ces fameuses « graines rebelles », il nous a semblé important de consacrer quelques lignes à la situation difficile vécue au Chiapas par les zapatistes. Le cheminement zapatiste, dont la construction civile de l'autonomie est au cœur, n'est pas exempt des considérables et violentes entraves auxquels les résistances et les rebellions, dans le monde, doivent faire face. Cette violence qui affecte les peuples zapatistes, s'exerce aussi sur l'ensemble des populations originaires et gens ordinaires du Chiapas, du Mexique, d'Abya Yala et du monde, c'est à dire, dans « chaque partie du tout » - bien que différemment en fonction des territoires, des assignations « de classe, de race et de sexe », et des positions dans la pyramide globale. Depuis octobre 2023, l'EZLN publie fréquemment des communiqués sur la configuration actuelle du système-monde, dont la « pyramide-mère » est le capitalisme [8], et sur l'intensification des dominations et de la guerre protéiforme et permanente qui le caractérise. La guerre d'anéantissement prémédité et d'extermination massive en Palestine en est une sanglante démonstration. Bien avant l'actuelle et continue férocité israélienne, le mouvement zapatiste exprimait déjà sa complicité et sa solidarité avec la Palestine. En janvier 2009, lors d'une prise de parole à un séminaire intitulé « À propos de semis et de récoltes », le sous-commandant Marcos réagissait à la guerre de conquête israélienne en Palestine : « Peut-être que notre pensée est trop simple et qu'il nous manque des nuances et des subtilités si nécessaires, toujours, dans les analyses mais, pour nous, Zapatistes, à Gaza, il y a une armée qui est en train d'assassiner un peuple sans défense. Qui, en bas et à gauche peut rester sans rien dire ? » [9].

Face au dépeuplement génocidaire et aux destructions écocidaires subis par la population et les territoires palestiniens, il est nécessaire et vital de soutenir la résistance palestinienne, de manifester une solidarité matérielle, interculturelle et transfrontière, ainsi qu'une détermination active. En ces temps sombres, nous partageons aussi un regard inquiet orienté vers le territoire autonome et les peuples zapatistes au Sud-Est du Mexique. Les mots zapatistes résonnent : « Aujourd'hui c'est la Palestine, demain ce sera nous ».

Pour compléter et amplifier ces quelques considérations croisées, nous avons choisit de partager un texte de John Ross daté de 2003, publié pour la première fois en janvier 2004 dans le journal mexicain Ojarasca et re-publié en novembre 2025 dans le journal Desinformemonos [10], presque 22 ans plus tard. La version proposée est une traduction en français de la dernière publication mentionnée.

Il ne s'agit nullement d'appuyer une symétrie fallacieuse, d'autant qu'il est évident que cet article est daté, et nous ne partageons pas nécessairement l'ensemble du propos de son auteur. Mais il nous a semblé essentiel de rétablir les ponts entre les mondes en croisant les regards, pour interroger les similitudes et les spécificités, et approfondir notre compréhension de la situation passée et actuelle au Chiapas et en Palestine. C'est aussi, modestement, une invitation à situer et à repenser la « question du génocide » laquelle, bien que particulièrement connotée par les atrocités nazis du siècle dernier, n'en reste pas moins une notion transhistorique. « Génocide », ce n'est pas seulement un concept pour les lointains débats historiques et juridiques, c'est une blessure dans le cœur et la chair, un souvenir douloureux et un effrayant présent que connaissent, chacun avec son histoire mais aussi en commun, les peuples du Chiapas et de la Palestine. La mort et l'oubli qui lui sont caractéristiques, ont marqué la mémoire et la résistance de nombreux peuples du monde. Veillons à ce qu'il ne soit plus jamais un lendemain.

La destruction des cultures est un génocide

Comme chaque année, la campagne de recrutement de volontaires pour travailler dans les oliveraies en Palestine recommence, « dans l'une des saisons les plus difficiles dont on se souvienne ». Baqa, qui signifie littéralement « rester », est « un hommage à la force morale des Palestiniens et à leur défi, de rester sur leurs terres et de cultiver leurs fruits, alors que leurs terres ont été soumises à une campagne atroce d'attaques de colons, de vols de terres, d'épuration ethnique et de spoliation inacceptables », peut-on lire sur une carte publiée sur Instagram par l'Union des comités agricoles (UAWC) le 9 octobre 2025 [11] [ndt. Ajout de la rédaction de Desinformemonos].

8 décembre 2003, Chiapas/Palestine. La saison est relativement abondante pour celles et ceux qui cultivent la terre en Palestine et au Chiapas, deux régions occupées. Sous la main ferme des paysans et paysannes, les ânes patients transportent la récolte vers les villages de Los Altos de Chiapas et vers ce minuscule lambeau de terre qui reste de ce qui fut autrefois la Palestine. En fait, les ânes des deux géographies sont interchangeables et les paysans et leurs familles ont tous « la couleur de la terre », comme l'a dit le sous-commandant Marcos de la caravane qui s'est rendue à Mexico pour demander au Congrès d'approuver une réforme constitutionnelle sur les droits indigènes, il y a trois hivers [ndt. La « Marche de la couleur de la Terre » est une initiative zapatiste réalisée en 2001, pour exiger au Congrès de l'Union le respect et la ratification des Accords de San Andres de 1996].

Si les distances traversent les océans et les déserts, les points communs entre les paysans de ces deux terres occupées tissent des ponts entre les cultures, les langues et même les dieux.

En septembre [2003], les piliers du commerce mondial se sont réunis dans la luxueuse station balnéaire caribéenne de Cancún pour contraindre le Sud à se soumettre aux deux fléaux que sont l'ouverture des marchés et les subventions agricoles, impositions qui pénalisent les nations pauvres et en développement, car elles ne font que creuser le fossé entre les nantis et les démunis. Le Japon, par exemple, dépense 7,50 dollars par jour pour chaque vache qui paît sur ses terres, tandis que la moitié de la population mondiale — plus de trois milliards d'êtres humains — survit avec à peine deux dollars, voire moins, par jour.

En réponse à l'arrogance de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), 12 000 paysannes et paysans se sont réunis pour manifester à Cancún. La solidarité des personnes réunies sous la bannière de La Vía Campesina, qui représente 100 millions de paysans pauvres et leurs familles dans 70 pays, était palpable.

Le suicide de Lee Kwang Hae, dirigeant coréen, a démontré si clairement son désespoir, que beaucoup de délégués ont été profondément touchés. Lorsque, insensibles à cette tragique tournure des événements, les États-Unis, l'Union européenne, le Japon et d'autres géants du commerce ont continué à faire pression avec leur proposition de domination économique de la planète, les nations pauvres et en développement ont quitté le train en marche et les négociations (et peut-être même l'OMC) se sont effondrées comme un château de cartes.

Les paysannes et paysans d'Afrique du Sud et du Brésil, d'Inde et du Kansas, de Corée et des villages mayas voisins, ont joué sur le même accord. « Nous ne permettrons pas qu'ils nous expulsent de nos terres », a déclaré l'un des compagnons de Kwang Hae lors des funérailles. Ce sentiment a souvent été exprimé à ce journaliste lors d'un récent séjour en Palestine pour la récolte automnale des olives.

La lutte pour mettre fin à l'occupation israélienne, la construction du territoire et l'élément « terre » — sans oublier les oliveraies si profondément enracinées dans ce sol rocailleux — sont au cœur de la volonté palestinienne d'accéder à la libération nationale.

Chargée d'une symbolique lourde, icône amère et ironique d'une paix fracturée, la défense des « zaytoons » ou oliviers est intimement liée à la viabilité d'une économie agricole, fondement sur lequel repose l'État palestinien lui-même. L'assaut des forces d'occupation contre ces arbres ancestraux et tortueux que les paysannes et les paysans cultivent depuis des millénaires a pour but d'écraser ce rêve et de consolider la conquête israélienne.

Depuis la création d'Israël en 1948, l'État sioniste s'est approprié et a abattu près d'un demi-million de ces oliviers, pour justifier des améliorations infrastructurelles ou sous prétexte que les arbres fournissaient une couverture aux combattants palestiniens. Il les a également clôturés afin d'étendre le « périmètre de sécurité » des 196 colonies illégales qui pillent les terres et les ressources de la bande de Cisjordanie.

Dans des villages tels que Awwarta, Bet Fariq, Yanoon et Ein Abus, dans la vallée de Naplouse, les colons israéliens de droite, généralement partisans de Meir Kahane (démagogue raciste né à Brooklyn et fondateur de la Ligue de défense juive), terrorisent les Palestiniens pendant la récolte automnale des olives sans que l'armée ou la police israéliennes n'interviennent.

À Ein Abus, un groupe d'observateurs internationaux, dont le présent journaliste (conduit par les Rabbins pour les droits de l'homme, basés en Israël), a été frappé en octobre par les colons alors qu'il tentait de vérifier la destruction par Israël de 200 oliviers palestiniens. Les victimes ont porté plainte, mais la police israélienne n'a ouvert aucune enquête.

Il n'y a pas de meilleur moyen de comprendre la lutte des agriculteurs palestiniens que de se rendre sur leurs terres face à l'occupation israélienne et de travailler côte à côte avec les villageois et leurs familles à la récolte des olives. Chaque matin, les paysans chargent leurs ânes d'échelles et de bidons et se rendent dans les petites parcelles familiales (de dix à vingt arbres), division de la terre qui est restée intacte depuis l'Empire ottoman.

Traditionnellement, les olives sont secouées de l'arbre vers les tonneaux disposés en dessous, mais dans les arbres « grands-pères », vieux de plus d'un siècle, fragiles mais toujours productifs, les olives sont ramassées à la main. À la fin de la récolte, les arbres sont taillés et les communautés cuisent du pain cérémoniel au feu de bois d'olivier. Même les noyaux d'olives sont séchés pour être utilisés comme combustible pendant les mois d'hiver, parfois enneigés.

Les après-midi froids, les hommes se réunissent pour fumer et discuter dans le pressoir local. Le volume de la récolte diminue d'année en année et la surabondance d'huile d'olive au niveau mondial a fait chuter les prix. Jusqu'à l'année dernière, le gouvernement israélien ne délivrait pas de permis d'exportation aux habitants et cette année, les permis coûtent plus cher que la transformation.

Malgré tous les barils d'huile d'olive que Saad Abdul n'a pas pu vendre et qu'il stocke dans sa cave à Awwarta, et malgré les obstacles pour les mettre sur le marché (l'Autorité palestinienne en achète une partie), il est déterminé à ne pas abandonner ses terres. Assis à table devant un humus préparé à partir de ses propres pois chiches, du pain pita fait avec son blé d'hiver, des poulets rôtis de son poulailler, du yaourt produit par ses quelques vaches et, bien sûr, sept variétés différentes d'olives, Saad jure de rester sur ses terres. Il agite alors le bras en voyant le festin, rit et dit : « C'est pour cela que nous n'abandonnerons jamais notre terre ».

La promesse de Saad de résister a trouvé un écho à Cancún, et ce même écho alimente la rébellion zapatiste au Chiapas. Lors des discussions avec le gouvernement mexicain, les journalistes ont entendu le commandant zapatiste David répondre aux représentants fédéraux qui insistaient pour qu'il dise ce que voulaient réellement les rebelles : « Nous, les indigènes, sommes des paysans et nous voulons continuer à être des paysans ».

La rébellion zapatiste dans les jungles et les montagnes du Chiapas trouve son origine dans cette promesse. En 1993, dix ans plus tôt, avec l'horizon de la mondialisation permise par l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), et alors que les États-Unis, le Canada et le Mexique négociaient les quotas d'importation de maïs qui excluraient les « peuples du maïs » du marché intérieur, les zapatistes ont déclaré la guerre au gouvernement néolibéral de Carlos Salinas [ndt. Carlos Salinas de Gortari est issu du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) et président du Mexique de 1988 à 1994]. Ce soulèvement, qui a eu lieu au moment même où l'ALENA entrait en vigueur, continue de faire rage au Chiapas dix ans plus tard [ndt. Cette année, plus de vingt ans plus tard, l'Armée zapatiste de libération nationale célébrait ses 42 ans de formation politico-militaire et le mouvement zapatiste les 31 ans de son apparition publique].

Tout comme la Palestine, le Chiapas est un État occupé. Bien que le président Vicente Fox confine ses soldats dans des complexes de type vietnamien sans les déployer directement à l'extérieur des communautés rebelles, l'armée mexicaine maintient 18 000 soldats dans la région, soit un pour cinq zapatistes [ndt. Vicente Fox est issu du Parti action nationale (PAN) et président du Mexique de 2000 a 2006].

Pour les Mayas, et pour les 57 peuples indiens qui comptent peut-être plus de 20 millions de citoyens et citoyennes composant le Mexique indigène, l'occupation a commencé il y a cinq siècles, lorsque Hernán Cortés a jeté l'ancre à Veracruz, le Vendredi saint de l'année 1519. Ce jour-là, la population indienne du Mexique oscillait entre 12,5 et 25 millions d'individus. Un siècle plus tard, lorsque les conquistadors européens ont effectué le premier recensement, il n'en restait plus que deux millions — un génocide qui constitue un holocauste au moins deux fois plus important que celui qui a décimé les Juifs en Europe et qui a finalement été utilisé pour justifier l'annexion de la Palestine lors de la création de l'État d'Israël.

Malgré ces holocaustes, les Indiens du Mexique et les Palestiniens n'ont toujours pas réussi à conserver un territoire.

Aujourd'hui, le sud du Mexique n'est pas seulement occupé par les militaires. L'agro-industrie transnationale, stimulée par l'ALENA et les 21 000 dollars par acre de subventions que le gouvernement américain accorde à ses propres producteurs de maïs, pousse le Mexique à importer du maïs de mauvaise qualité à moins de 20 % de son coût, ce qui chasse les paysans indigènes de leurs terres. L'émigration depuis le Chiapas est aujourd'hui la plus élevée du sud du Mexique et les paysans abandonnent leurs milpas [ndt. parcelle agricole travaillée par l'association traditionnelle et permaculturelle des cultures de maïs, de courge et d'haricot] et leurs plantations de café pour se diriger vers le nord, où des centaines d'entre eux sont morts dans le désert de l'Arizona en essayant de trouver du travail « de l'autre côté ».

Les plus de 3 000 Mexicains qui ont trouvé la mort à la frontière avec les États-Unis forment une pile de cadavres plus haute que celle des victimes des attentats terroristes du 11 septembre aux États-Unis, mais cela n'est rien comparé au nombre de Palestiniens tués pendant les deux intifadas sous l'occupation israélienne. [Et ce sont les chiffres de 2003].

Pour consolider sa domination, l'agro-industrie transnationale inonde le Mexique de maïs génétiquement modifié — peut-être quatre des six millions de tonnes que le Mexique a importées l'année dernière dans le cadre de l'ALENA. [Aujourd'hui, en 2025, nous parlons de 16 800 tonnes de maïs importé]. On trouve du maïs transgénique dans des communautés reculées de Oaxaca et de Puebla, là où le maïs a évolué en tant que culture locale il y a plusieurs millénaires. Aujourd'hui, la graine de maïs est menacée dans le lieu qui l'a vue naître.

Pour les indigènes mexicains et les Palestiniens, la destruction de ces deux cultures vitales, qui les identifient en tant que peuples, est un moyen de les effacer, ainsi que leurs noms, de la surface de la terre. Il n'y a pas d'autre façon de qualifier ce mal que de le nommer génocide.

Pour celles et ceux qui souhaiteraient actualiser et approfondir les informations et les analyses de l'article de John Ross sur la situation des paysans et paysannes de Palestine et de la culture des olives, il est possible de se référer à l'article intitulé « L'État israélien entreprend la destruction des fondements matériels ancestraux du peuple palestinien », publié le 14 novembre sur le site de Desinformemonos [12].

Entre 2003 et 2025, qu'en est-il de la « continuité dans le changement » qui spolie, détruit et dépeuple la Palestine ?

En 2009, dans le communiqué susmentionné, le sous-commandant Marcos écrivait :

« Est-ce utile de parler ? Nos cris peuvent-ils arrêter une bombe ? Notre parole sauve-t-elle la vie d'un enfant palestinien ?

Nous, nous pensons que, oui, cela sert, peut-être que nous n'arrêterons pas une bombe, peut-être que notre parole ne se transforme pas en un bouclier blindé qui empêcherait cette balle de calibre 5.56 mm ou 9 mm dont les lettres « IMI », (“Industrie Militaire Israélienne”), sont gravées sur la cartouche, d'atteindre la poitrine d'une petite fille ou d'un petit garçon palestinien, parce que peut-être notre parole arrivera à s'unir à d'autres du Mexique et du monde et peut-être qu'elle se convertira d'abord en un murmure, puis en une voix plus forte et enfin en un cri qu'on entendra à Gaza.

Nous ignorons si vous le savez, mais nous, Zapatistes de l'EZLN, savons combien il est important, au milieu de la mort et de la destruction, d'entendre des mots de soutien.

Je ne sais pas comment l'expliquer mais il se trouve que, oui, peut-être que les mots depuis très loin n'arrêtent pas les bombes, mais ils permettent d'ouvrir une brèche dans la chambre noire de la mort et d'y laisser passer une petite lumière. »

Aujourd'hui, malgré l'obscurité qui habite leur quotidien et menace leur existence, les palestiniens et les palestiniennes conservent la vigueur qui anime la résistance pour une paix durable, digne et juste, et pour une Palestine vivante et libre.

¡Viva l@s zapatistas en Chiapas !
¡Viva Palestina !

Lupa Serra
Photo de bannière : Julia A


[3] Le Centre de droits humains Fray Bartolomé de Las Casas a récemment publié un rapport intitulé « Chiapas, dans la spirale de la violence armée et criminelle » : https://www.frayba.org.mx/informe-frayba-violencia-armada-criminal

[4] Le prétentieux projet de la « Quatrième Transformation » ou « 4T » du Mouvement pour la régénération nationale (MORENA), lancé par Andres Manuel Lopez Obrador (président du Mexique de 2018 à 2024) et poursuivi par l'actuelle présidente Claudia Sheinbaum, est une politique qui vise une « transformation socio-politique et économique » du Mexique, notamment via des programmes sociaux et des projets développementalistes. A ce propos, les zapatistes écrivent : « Il est clair que la quatrième transformation est du côté des gros propriétaires et des hommes d'affaire nationaux et transnationaux. Telle est la véritable quatrième transformation. Elle n'est pas du tout pour les peuples pauvres du Mexique » (septembre 2025).

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