
01.12.2025 à 17:41
admn_iris
Alors que la COP30 de Belém marque le dixième anniversaire de l’Accord de Paris, son bilan apparaît contrasté. Si plusieurs avancées ont été actées – mécanisme de transition juste, nouveaux objectifs d’adaptation, engagements sur l’intégrité de l’information ou encore progrès en matière de genre – la conférence a également manqué d’ambition sur des enjeux centraux comme la sortie des énergies fossiles, la déforestation ou la clarté des financements. Entre signaux positifs et occasions manquées, la COP30 reflète un multilatéralisme profondément fragmenté, où les dynamiques nationales et les pressions d’acteurs puissants continuent de limiter la portée réelle des négociations climatiques. Le point avec Mathilde Jourde, chercheuse à l’IRIS, en charge du Programme Climat, environnement, sécurité. Quel bilan peut-on dresser de la COP30 ? Sur quels sujets pouvons-nous constater des avancées, et sur lesquels la COP30 a-t-elle manqué d’ambition ou de résultats ? Pour rappel, la COP30 de Belém, qui s’est achevée avec un jour de retard le 22 novembre dernier, s’est déroulée dans un contexte particulièrement complexe. Alors qu’elle marque le 10ᵉ anniversaire de l’Accord de Paris, cette édition se tient à une époque où le multilatéralisme se fragmente et où la coopération internationale est mise à rude épreuve. Les tensions se multiplient à différents niveaux : politique (montée des extrêmes), sociale (polarisation), économique (crises récurrentes), militaire (hausse des conflits de haute intensité) et climatique (reculs et attaques contre les avancées environnementales). Dans ce contexte de polycrises, la COP30 avait la lourde responsabilité de démontrer que la lutte mondiale contre le changement climatique peut résister à ces défis. Il est donc essentiel, tout en restant critique, de prendre en compte ce contexte lorsqu’on analyse les avancées et les limites de cette COP, qui est, malgré tout, parvenue à trouver un accord final, appelé la « Décision Mutirão ». On peut donc relever […]
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Alors que la COP30 de Belém marque le dixième anniversaire de l’Accord de Paris, son bilan apparaît contrasté. Si plusieurs avancées ont été actées – mécanisme de transition juste, nouveaux objectifs d’adaptation, engagements sur l’intégrité de l’information ou encore progrès en matière de genre – la conférence a également manqué d’ambition sur des enjeux centraux comme la sortie des énergies fossiles, la déforestation ou la clarté des financements. Entre signaux positifs et occasions manquées, la COP30 reflète un multilatéralisme profondément fragmenté, où les dynamiques nationales et les pressions d’acteurs puissants continuent de limiter la portée réelle des négociations climatiques. Le point avec Mathilde Jourde, chercheuse à l’IRIS, en charge du Programme Climat, environnement, sécurité.
Quel bilan peut-on dresser de la COP30 ? Sur quels sujets pouvons-nous constater des avancées, et sur lesquels la COP30 a-t-elle manqué d’ambition ou de résultats ?
Pour rappel, la COP30 de Belém, qui s’est achevée avec un jour de retard le 22 novembre dernier, s’est déroulée dans un contexte particulièrement complexe. Alors qu’elle marque le 10ᵉ anniversaire de l’Accord de Paris, cette édition se tient à une époque où le multilatéralisme se fragmente et où la coopération internationale est mise à rude épreuve. Les tensions se multiplient à différents niveaux : politique (montée des extrêmes), sociale (polarisation), économique (crises récurrentes), militaire (hausse des conflits de haute intensité) et climatique (reculs et attaques contre les avancées environnementales). Dans ce contexte de polycrises, la COP30 avait la lourde responsabilité de démontrer que la lutte mondiale contre le changement climatique peut résister à ces défis. Il est donc essentiel, tout en restant critique, de prendre en compte ce contexte lorsqu’on analyse les avancées et les limites de cette COP, qui est, malgré tout, parvenue à trouver un accord final, appelé la « Décision Mutirão ».
On peut donc relever plusieurs avancées notables de cette COP30. Contrairement aux éditions précédentes, la COP30 a adopté une approche plus transversale, là où la COP29 s’était concentrée sur le financement et la COP28 sur les pertes et dommages. Dans l’accord final, on observe pour la première fois l’adoption d’un Mécanisme de transition juste, une revendication de longue date de la société civile. Ce mécanisme vise à s’assurer que les transitions énergétique et écologique ne pénalisent pas certaines catégories de populations. Par ailleurs, un nouvel objectif de financement de l’adaptation a été adopté, invitant les pays à tripler leurs financements d’ici 2035 par rapport à 2025, dans le cadre des 300 milliards de dollars annuels convenus à la COP29. En dehors de l’accord final, d’autres sujets ont également progressé. Les discussions sur la désinformation climatique ont abouti à un accord sur l’intégrité de l’information climatique, signé par 12 États. Des avancées significatives ont aussi été réalisées sur la question du genre, avec l’adoption du Plan d’action Genre de Belém, qui guidera l’intégration de la justice de genre dans l’action climatique dans les années à venir.
Souligner les avancées de la COP30 ne signifie pas ignorer les lacunes importantes et les déceptions constatées. Certains sujets sont restés bloqués et n’ont connu aucune évolution. Ainsi, aucune avancée significative n’a été faite concernant la sortie progressive des énergies fossiles, alors que le président Lula avait plaidé dès l’ouverture de la COP pour l’adoption d’une feuille de route sur ce sujet, très attendu après l’absence totale de discussions à ce propos lors de la COP29. La mesure figurait d’ailleurs dans une version du projet de texte, mais a finalement disparu de la version finale, malgré le soutien de près de 90 pays. La question de la déforestation, pourtant annoncée comme enjeu phare de la COP, n’a pas non plus progressé significativement. Par ailleurs, en dépit de l’objectif de tripler les financements de l’adaptation, les discussions sur le financement sont restées décevantes. Cet objectif reste flou et difficilement applicable (absence de montants précis, manque d’échéances, report de l’horizon à 2035 au lieu de 2030), ce qui affaiblit son efficacité réelle. Enfin, seuls 120 pays ont soumis leur contribution nationale déterminée (CDN) – le plan d’action climatique des États. Parmi eux, certains ont réussi à la remettre juste à temps, comme l’Union européenne, qui l’a soumise quelques jours avant le début de la COP, ou le Mexique, qui l’a déposée pendant la conférence. En revanche, certains États se sont abstenus de la soumettre, à l’instar de l’Inde.
Cette COP représente donc une évolution mitigée, entre une déception certaine et, en même temps, un certain soulagement, compte tenu des reculs qu’elle aurait pu connaître dans le contexte actuel.
Bien que les 197 parties signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) soient des acteurs étatiques, de quelle manière la COP30 inclut-elle également des acteurs non étatiques ?
On a pu constater une mobilisation importante de la société civile. Après plusieurs COP durant lesquelles elle avait été freinée, soit pour des raisons sanitaires liées à la Covid-19, soit par manque de droits et de libertés d’expression, cette COP a permis de réunir des mouvements divers venus du monde entier, notamment à l’occasion du Sommet des peuples. La société civile s’est mobilisée pour défendre une ambition forte face aux changements climatiques, en particulier contre les acteurs qui cherchent à la limiter.
Début novembre, les peuples autochtones ont été placés au cœur de l’agenda politique du président brésilien Lula, qui s’est engagé à mieux intégrer les populations autochtones et la société civile dans les négociations. Théoriquement, les peuples autochtones n’avaient jamais été aussi nombreux à être représentés lors d’une COP. Cependant, cette intégration reste en grande partie symbolique, voire un effet d’annonce, puisque les représentants autochtones n’étaient pas autorisés à accéder à la zone bleue, réservée aux négociateurs officiels. Cela a entraîné plusieurs incidents : par exemple, le 11 novembre, plusieurs dizaines de manifestants ont forcé l’entrée de la « zone bleue », le périmètre ultra-sécurisé de la COP30, provoquant des heurts avec la sécurité de la conférence. La société civile s’est également mobilisée en organisant des manifestations dans les rues de Belém. Cette marche, qui s’inscrit dans la tradition des conférences climat de l’ONU, avait été interdite à trois reprises lors des éditions précédentes.
La mobilisation d’acteurs non étatiques, ou subnationaux, permet notamment de parer au manque d’ambition et d’actions des certains gouvernements. Les États-Unis, par exemple, n’ont pas envoyé de délégation officielle à la COP cette année – ce qui n’est pas nécessairement une mauvaise chose, car cela a permis à la conférence de ne pas être confrontée à des actions anti-climat, comme cela avait été le cas en 2017. Pour autant, afin de marquer leur non-alignement et leur opposition à la politique climatique de l’administration Trump II, le gouverneur de Californie s’est rendu à la COP30. Une centaine de responsables américains locaux (gouverneurs, maires et autres élus) étaient d’ailleurs présents pour montrer leur soutien au multilatéralisme climatique et afficher leur opposition à la politique climatique américaine actuelle.
Quels processus permettraient de rendre ces réunions plus efficaces et mieux adaptées face à la fragmentation du multilatéralisme ?
Face aux insuffisances et à la lenteur de l’évolution de certains sujets dans les COP, beaucoup adoptent une attitude blasée et associent les COP à des discours défaitistes. Il convient toutefois de relativiser les critiques affirmant que les COP « ne servent à rien ». Ces conférences doivent être considérées pour ce qu’elles sont : des événements diplomatiques qui mettent en lumière les dynamiques nationales. En effet, si les COP semblent peu ambitieuses, c’est principalement parce qu’elles reflètent le manque d’ambition réel au niveau national ainsi que les divisions préexistantes entre États. Il est donc nécessaire de réfléchir à des améliorations de leur fonctionnement, afin qu’elles puissent mieux se prémunir contre les mêmes obstacles rencontrés à l’échelle nationale.
Par exemple, limiter la présence des lobbyistes, déjà très actifs au niveau national et dont le nombre a nettement augmenté depuis les premières COP. En effet, la COP30 a battu un record en termes de mobilisation des lobbyistes des énergies fossiles. Plus de 1 600 d’entre eux ont été autorisés à participer, soit une hausse de 12 % par rapport à la COP29, ce qui correspond à un participant sur 25. Parmi les multinationales représentées figurent des géants pétroliers et gaziers comme ExxonMobil, BP, TotalEnergies ou Petrobras. Selon Mediapart, cinq employés de Total, dont son dirigeant Patrick Pouyanné, ont notamment été accrédités à la COP30 dans la délégation française, avec un accès aux « zones bleues », espaces normalement réservés aux négociateurs. Face à l’absence d’avancées concrètes sur la question des énergies fossiles et à la non-mention de toute mesure visant leur sortie progressive, on peut légitimement s’interroger sur les pressions effectives de ces groupes sur les négociations. Limiter la présence de ces acteurs pourrait donc contribuer à rendre ces conférences plus efficaces et à favoriser une mise en œuvre concrète de l’Accord de Paris.
Par ailleurs, certains acteurs contournent déjà les blocages propres au fonctionnement des COP et trouvent des alternatives pour avancer sur certains enjeux essentiels, à travers un multilatéralisme renouvelé. En ce sens, le « minilatéralisme » permet notamment de coopérer mais avec un nombre plus restreint de parties prenantes. Par exemple, bien que les énergies fossiles n’aient pas été mentionnées dans le texte final, d’autres initiatives positives ont été lancées par les pays volontaires pour limiter les énergies fossiles. Une initiative volontaire a été proposée : l’« Accélérateur mondial de mise en œuvre », qui fera l’objet de plusieurs sessions de travail en 2026, avant la remise d’un rapport à la COP31, qui se tiendra en Turquie sous présidence australienne. Cette initiative est portée par la Colombie, signataire en 2023 du Traité de non-prolifération des énergies fossiles. La présidence brésilienne également a proposé l’élaboration d’une feuille de route pour une sortie effective des énergies fossiles.
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01.12.2025 à 14:55
stagiairedecomm@iris-france.org
Adopté le 17 juillet 1998, le Statut de Rome est à l’origine de la création de la Cour pénale internationale (CPI) en 2002. Celle-ci incarne un véritable espoir de justice pénale internationale et vise à sanctionner les individus responsables de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ou de génocide. Elle est toutefois fréquemment critiquée pour une application du droit perçue comme à géométrie variable, souvent au bénéfice des États occidentaux. Récemment, la CPI a inculpé des dirigeants israéliens, mais aussi des dirigeants du Hamas, provoquant de vives critiques et sanctions de la part des États-Unis. Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump ne cesse d’accentuer la pression et appliquer des sanctions à l’encontre des juges de la CPI. L’Europe, pour sa part, se trouve confrontée à un dilemme : préserver son alliance stratégique avec les États-Unis ou défendre les principes auxquels elle croit et donc sa propre crédibilité. L’Europe doit réagir en résistant aux intimidations américaines et participer activement à la pérennité du système de justice pénale internationale.
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Adopté le 17 juillet 1998, le Statut de Rome est à l’origine de la création de la Cour pénale internationale (CPI) en 2002. Celle-ci incarne un véritable espoir de justice pénale internationale et vise à sanctionner les individus responsables de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ou de génocide.
Elle est toutefois fréquemment critiquée pour une application du droit perçue comme à géométrie variable, souvent au bénéfice des États occidentaux. Récemment, la CPI a inculpé des dirigeants israéliens, mais aussi des dirigeants du Hamas, provoquant de vives critiques et sanctions de la part des États-Unis. Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump ne cesse d’accentuer la pression et appliquer des sanctions à l’encontre des juges de la CPI.
L’Europe, pour sa part, se trouve confrontée à un dilemme : préserver son alliance stratégique avec les États-Unis ou défendre les principes auxquels elle croit et donc sa propre crédibilité. L’Europe doit réagir en résistant aux intimidations américaines et participer activement à la pérennité du système de justice pénale internationale.
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28.11.2025 à 11:19
stagiairedecomm@iris-france.org
Gaza devient-elle un conflit oublié ? L’attention médiatique semble s’en être détourné depuis la signature du cessez-le-feu, alors même que celui-ci n’est pas appliqué, qu’Israël continue de bloquer l’aide humanitaire et que le Hamas n’a toujours pas été désarmé. Si les otages israéliens ont été libérés, la question des prisonniers palestiniens demeure irrésolue ; le nettoyage ethnique se poursuit en Cisjordanie et la gestion de Gaza, où la situation reste catastrophique, est totalement incertaine. Loin d’être durable, cette situation ne peut que conduire à une reprise de la violence et à une guerre appelée à ressurgir, faisant peser un danger tout aussi réel sur les équilibres au Moyen Orient…
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Gaza devient-elle un conflit oublié ? L’attention médiatique semble s’en être détourné depuis la signature du cessez-le-feu, alors même que celui-ci n’est pas appliqué, qu’Israël continue de bloquer l’aide humanitaire et que le Hamas n’a toujours pas été désarmé. Si les otages israéliens ont été libérés, la question des prisonniers palestiniens demeure irrésolue ; le nettoyage ethnique se poursuit en Cisjordanie et la gestion de Gaza, où la situation reste catastrophique, est totalement incertaine. Loin d’être durable, cette situation ne peut que conduire à une reprise de la violence et à une guerre appelée à ressurgir, faisant peser un danger tout aussi réel sur les équilibres au Moyen Orient…
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28.11.2025 à 09:06
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Après quasiment 14 années de guerre et 70 ans de dictature, la Syrie se trouve confrontée à deux défis majeurs : la recomposition politique d’un territoire fragmenté entre identités ethniques, religieuses et projets politiques concurrents, et la reconstruction d’un pays dévasté, dont les infrastructures, l’économie et la cohésion sociale ont été méthodiquement détruites. Dans ce paysage fracturé, où chaque acteur tente de consolider ses positions avant l’émergence d’un ordre post-Assad encore incertain, la question énergétique n’est pas centrale, mais révélatrice des rapports de force entre Damas, les Kurdes syriens et les puissances extérieures. Dans ce paysage mouvant, une question centrale émerge : le pétrole du Rojava, région kurde du Nord-Est de la Syrie qui, depuis 2012, s’est dotée d’une administration autonome, peut-il garantir aux Kurdes de Syrieune place durable dans la Syrie post-Assad, ou n’est-il qu’un instrument de survie au sein d’un État en voie de recentralisation ?
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Après quasiment 14 années de guerre et 70 ans de dictature, la Syrie se trouve confrontée à deux défis majeurs : la recomposition politique d’un territoire fragmenté entre identités ethniques, religieuses et projets politiques concurrents, et la reconstruction d’un pays dévasté, dont les infrastructures, l’économie et la cohésion sociale ont été méthodiquement détruites. Dans ce paysage fracturé, où chaque acteur tente de consolider ses positions avant l’émergence d’un ordre post-Assad encore incertain, la question énergétique n’est pas centrale, mais révélatrice des rapports de force entre Damas, les Kurdes syriens et les puissances extérieures.
Dans ce paysage mouvant, une question centrale émerge : le pétrole du Rojava, région kurde du Nord-Est de la Syrie qui, depuis 2012, s’est dotée d’une administration autonome, peut-il garantir aux Kurdes de Syrie
une place durable dans la Syrie post-Assad, ou n’est-il qu’un instrument de survie au sein d’un État en voie de recentralisation ?
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27.11.2025 à 18:14
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Le 23 novembre dernier, Israël a de nouveau frappé au-delà de ses frontières, visant cette fois-ci la banlieue sud de Beyrouth et tuant le chef militaire du Hezbollah, Haytham Ali Tabatabaï. Menée dans un secteur densément peuplé, l’attaque a fait cinq morts et 28 blessés selon le gouvernement libanais. Malgré un cessez-le-feu conclu il y a tout juste un an, le 27 novembre 2024, la frontière israélo-libanaise – longue de 79 km – demeure une ligne de tension depuis la création de l’État d’Israël en 1948. L’existence persistante du Hezbollah, milice chiite au cœur des équilibres politico-sécuritaires du Liban, fournit ainsi un motif récurrent pour les opérations extraterritoriales israéliennes. Alors que le Liban traverse une crise économique sans précédent et que son système politique, fragmenté par une mosaïque confessionnelle sociale, peine à affirmer son autorité, quelles capacités réelles le gouvernement possède-t-il pour répondre à ces violations répétées ? Quelles perspectives stratégiques se dessinent pour Israël, mais aussi pour les acteurs régionaux et internationaux – États-Unis, France, pays du Golfe – traditionnellement engagés dans la stabilisation du théâtre sécuritaire régional ? Le point avec Thomas Sarthou, analyste en stratégie internationale, diplômé d’IRIS Sup’. Quelle est l’attitude et quelles sont les capacités actuelles du gouvernement libanais contre les opérations illégales d’Israël ? Depuis la signature de cessez-le-feu entre Israël et le Liban le 27 novembre 2024, les violations israéliennes répétées suscitent une condamnation unanime de la part de la classe politique libanaise. Au sein du nouvel exécutif, au pouvoir depuis le 9 janvier dernier, les critiques les plus fermes à l’encontre de la stratégie du voisin israélien viennent directement du président de la République Joseph Aoun. Ce dernier a été le premier officiel libanais à réagir après les frappes, condamnant un pays qui « refuse d’appliquer les résolutions internationales » pour mettre un terme […]
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Le 23 novembre dernier, Israël a de nouveau frappé au-delà de ses frontières, visant cette fois-ci la banlieue sud de Beyrouth et tuant le chef militaire du Hezbollah, Haytham Ali Tabatabaï. Menée dans un secteur densément peuplé, l’attaque a fait cinq morts et 28 blessés selon le gouvernement libanais. Malgré un cessez-le-feu conclu il y a tout juste un an, le 27 novembre 2024, la frontière israélo-libanaise – longue de 79 km – demeure une ligne de tension depuis la création de l’État d’Israël en 1948. L’existence persistante du Hezbollah, milice chiite au cœur des équilibres politico-sécuritaires du Liban, fournit ainsi un motif récurrent pour les opérations extraterritoriales israéliennes. Alors que le Liban traverse une crise économique sans précédent et que son système politique, fragmenté par une mosaïque confessionnelle sociale, peine à affirmer son autorité, quelles capacités réelles le gouvernement possède-t-il pour répondre à ces violations répétées ? Quelles perspectives stratégiques se dessinent pour Israël, mais aussi pour les acteurs régionaux et internationaux – États-Unis, France, pays du Golfe – traditionnellement engagés dans la stabilisation du théâtre sécuritaire régional ? Le point avec Thomas Sarthou, analyste en stratégie internationale, diplômé d’IRIS Sup’.
Quelle est l’attitude et quelles sont les capacités actuelles du gouvernement libanais contre les opérations illégales d’Israël ?
Depuis la signature de cessez-le-feu entre Israël et le Liban le 27 novembre 2024, les violations israéliennes répétées suscitent une condamnation unanime de la part de la classe politique libanaise. Au sein du nouvel exécutif, au pouvoir depuis le 9 janvier dernier, les critiques les plus fermes à l’encontre de la stratégie du voisin israélien viennent directement du président de la République Joseph Aoun. Ce dernier a été le premier officiel libanais à réagir après les frappes, condamnant un pays qui « refuse d’appliquer les résolutions internationales » pour mettre un terme à l’escalade et appelant la communauté internationale à intervenir « avec force et sérieux ».
Au-delà de ces appels répétés à la communauté internationale, l’État libanais souffre d’une incapacité structurelle à imposer sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire et à faire cesser les agressions israéliennes. Alors que l’accord de cessation des hostilités signé il y a tout juste un an prévoyait un retrait total des forces israéliennes du Sud-Liban, Tel-Aviv maintient cinq positions – qu’il qualifie lui-même de « stratégiques ». De plus, Israël multiplie les frappes sur des cibles liées au Hezbollah, de la zone frontalière du Sud en passant par la banlieue sud de Beyrouth, la Bekaa (Est du pays), jusqu’au Nord du Liban. Cette incapacité de Beyrouth à y répondre repose sur deux facteurs majeurs.
Premièrement, la faiblesse de son institution militaire. Sous-dotée en équipements et en effectifs, cette dernière souffre de l’une des « pires crises économiques de l’histoire moderne » selon la Banque mondiale. Alors que l’inflation est galopante depuis 2019, un soldat gagne en moyenne 60 dollars et doit donc souvent, pour subvenir à ses besoins, trouver un deuxième emploi. Ce déficit capacitaire chronique rend l’armée libanaise structurellement dépendante de l’aide étrangère, notamment celle des États-Unis dont les intérêts dans la région ne sont pas forcément en adéquation avec le développement d’une armée libanaise forte à la frontière israélienne.
Deuxièmement, l’État libanais ne peut actuellement se prévaloir d’un climat régional favorable pour le soutenir dans l’expression de sa souveraineté. Joseph Aoun le sait d’autant mieux qu’il a fallu le plébiscite de cinq puissances régionales et internationales pour qu’il accède à la fonction suprême, après deux années de vacance présidentielle[1]. Or, les membres du « Quintette », à savoir les États-Unis, la France, l’Arabie saoudite, l’Égypte et le Qatar, ont diminué leur soutien.
Les capitales arabes demeurent dans l’expectative face un hubris israélien toujours plus affirmé dans la région. Riyad et Doha conditionnent toujours leur aide économique pour reconstruire le Liban à des avancées significatives sur le dossier du désarmement du Hezbollah et à des mesures concrètes pour mettre un terme au trafic de captagon qui transit de la Syrie au Golfe, en passant par le Liban. L’Égypte, qui bénéficie de l’atout diplomatique de discuter à la fois avec Israël, l’État libanais et le Hezbollah, tente actuellement d’amorcer une dynamique régionale – comme le montre la visite de son ministre des Affaires étrangères à Beyrouth deux jours après l’attaque. Mais son poids économique et politique demeure trop faible pour en espérer un quelconque élan significatif.
Quant à la France, qui co-préside avec les États-Unis le comité chargé de surveiller la mise en application du cessez-le-feu, elle perd de plus en plus sa crédibilité à mesure qu’Israël poursuit ses violations. C’est ce qu’a notamment indiqué Joseph Aoun à la conseillère d’Emmanuel Macron, Anne-Claire Legendre, début novembre : le « soutien moral » affiché par la France ne suffit plus. Car, si la diplomatie française se montre aux avant-postes sur tout une série de dossiers majeurs (organisation de conférences pour soutenir l’armée et pour la reconstruction, réformes en vue de mettre en place un programme avec le Fonds monétaire international (FMI), relations entre Damas et Beyrouth) les décisions fortes se prennent à Washington, non à Paris. Un exemple récent éclaire bien cette situation : la décision du prolongement du mandat de la Finul cet été. Alors que la France liait le retrait de la force onusienne au contrôle effectif de l’ensemble du territoire libanais par l’État, les États-Unis de Donald Trump ont obtenu un retrait sine qua non dès l’année prochaine.
Finalement, Washington dicte le tempo et s’impatiente sur le dossier du désarmement. L’administration Trump a fixé comme date butoir la fin d’année pour saisir l’arsenal du mouvement chiite et propose de parrainer des discussions bilatérales entre Tel-Aviv et Beyrouth. La semaine dernière les États-Unis ont annulé toute une série de rendez-vous entre officiels américains et l’actuel chef de l’armée libanaise, le général Rodolphe Haykal. Reprenant la rhétorique israélienne, ils reprochent à l’armée libanaise ne pas être assez active dans le démantèlement de la milice.
Justement, quelles sont les dernières avancées de ce processus et qu’en est-il des capacités militaires actuelles du Hezbollah ? Comment cette dynamique est-elle perçue au Liban ? Pourrait-elle aggraver sa stabilité interne ?
Il est très difficile, au vu des informations dont nous disposons, d’évaluer l’ampleur des capacités militaires du Hezbollah. Une chose est certaine, le mouvement chiite a été durement touché par la guerre de haute intensité de 66 jours que lui a livré Israël entre mai et novembre 2024. Sur le plan militaire, c’est incontestablement une défaite pour le Hezbollah, qui était jusqu’alors le seul acteur de la région à revendiquer un succès militaire face à Israël en 2006. Cette défaite a atteint son apogée avec l’attaque dite des « bipeurs » du 17 septembre 2024 et la mort de son charismatique[2] secrétaire général, Hassan Nasrallah, 10 jours plus tard. Elle s’est traduite, sur le plan politique, par une diminution de son influence et par la nomination du général Joseph Aoun à la présidence.
Ce que montre cependant la dernière attaque israélienne qui a tué Haytham Ali Tabatabaï, haut-commandant de la force d’élite du Hezbollah, c’est que la chaine de commandement de la milice n’a pas été totalement décimée. Certains observateurs notent même que la quasi-totalité des officiers et sous-officiers qui ont été assassinés durant la guerre ont été remplacés. Cependant, les allégations de médias israéliens et américains selon lesquelles la milice continue de se renforcer sont à manier avec précaution. D’un point de vue strictement matériel, la chute du régime Assad en Syrie – qui servait auparavant de hub pour acheminer les armes – et les restrictions sur le port de Beyrouth mises en place par les nouvelles autorités libanaises, rendent difficile l’approvisionnement.
En ce qui concerne les avancées liées au désarmement du groupe, les chiffres sont également sujets à caution. Selon les déclarations des autorités libanaises, plus de 90 % des infrastructures liées au Hezbollah ont été démantelées au Sud du fleuve Litani (qui traverse le Sud-Liban d’Ouest en Est). D’après ces mêmes autorités, les opérations se seraient faites en coopération avec la milice. La Finul, qui a pour mission depuis 1978 « d’aider le gouvernement libanais à assurer la restauration de son autorité effective », corrobore ces informations et, dans son dernier rapport, salue les progrès accomplis par l’armée libanaise sur le désarmement. Cependant, la question centrale n’est pas tant de savoir si le processus de désarmement progresse mais quelle doit être sa portée.
Ici, deux lectures de l’accord de cessez-le-feu de novembre 2024 s’opposent. La première, partagée par Washington, Tel-Aviv et certains acteurs de la scène politique libanaise, considère que le démantèlement doit se faire « en commençant par la zone sud du Litani » (art. 7.a) et que, par conséquent, il vise à terme l’entièreté du territoire libanais. En face, le Hezbollah et ses alliés rétorquent que la résolution onusienne 1701 sur laquelle se base l’accord n’implique que le sud du pays. Le gouvernement libanais a finalement tranché la question. Le 5 septembre dernier, il a chargé l’armée d’établir un plan en cinq étapes débutant par le sud et visant à s’étendre au reste du pays. Cette décision a provoqué le mécontentement des ministres chiites du gouvernement qui ont décidé de quitter la réunion avant la déclaration finale.
Ainsi, tant au sein de la population que de la classe politique, le principe selon lequel le monopole des armes doit revenir à l’État fait l’unanimité. Le Hezbollah et ses partisans ne rejettent pas le démantèlement en soi, mais ses modalités. Ils critiquent la façon dont est actuellement abordée la question du désarmement par le gouvernement : elle ne doit pas constituer une « réponse à des exigences étrangères ou à un chantage israélien » mais plutôt être incluse dans un « consensus sur une stratégie globale de sécurité, de défense et de protection de la souveraineté nationale». De l’autre côté du spectre politique, certains partis chrétiens frontalement opposés au Hezbollah – et récemment auréolés de leur victoire aux élections municipales – plaident pour un désarmement immédiat, global et sans dialogue.
Dans ce climat de polarisation politique, les lignes de fracture confessionnelles ne tardent jamais à réapparaître. Joseph Aoun l’a bien compris et il tente d’incarner une position centrale et de compromis. Dans son adresse à la Nation la veille du 82ᵉ anniversaire de l’indépendance ce 21 novembre – prononcé exceptionnellement au Sud-Liban – il a renvoyé dos à dos les deux camps et a expliqué vouloir défendre « les intérêts de la patrie et de tout le peuple ». Mais, face à l’incapacité de l’État à protéger efficacement ses citoyens des agressions israéliennes, ce discours apparaît de plus en plus fragile.
Une escalade israélienne dans le sud du Liban est-elle possible dans un futur proche ?
Depuis le 7 octobre 2023, Tel-Aviv mène une stratégie régionale d’escalade. Celle-ci peut être observée dans la réponse asymétrique à Gaza et vis-à-vis des territoires palestiniens occupés, mais également en Syrie, en Iran et dans les récentes attaques ayant visé le Qatar. Au Liban, un seuil supplémentaire serait franchi si Israël décidait d’à nouveau bombarder massivement le pays et ses infrastructures ou de faire avancer ses troupes au sol comme cela a été le cas en 2024. L’hypothèse n’est pas exclue par les dirigeants libanais. Ce 25 novembre, le Premier ministre libanais a déclaré que son pays était en situation de « guerre d’usure unilatérale » et qu’il prenait toutes les « précautions pour faire face à toute escalade et à ses conséquences humanitaires, sociales ou autres ».
C’est d’ailleurs ce que menacent explicitement de faire les dirigeants israéliens. Ce 26 novembre, le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a averti que Tsahal interviendra « avec force » au Liban si le Hezbollah n’est pas désarmé « d’ici la fin de l’année ». Il est cependant difficile d’affirmer que Tel-Aviv est prêt à s’engager dans un nouveau conflit de haute intensité au Liban, notamment au sol. Après l’annonce récente du lancement par Tsahal d’une vaste opération en Cisjordanie, l’ouverture d’un troisième front simultané peut s’avérer difficile à gérer pour une institution militaire déjà épuisée par plus de deux années de guerre.
À cet égard, il faudra surveiller attentivement l’attitude des États-Unis qui, pour l’instant, adoptent une position relativement conciliante vis-à-vis de la politique belliciste de Benyamin Netanyahou au Liban. Quels seraient les intérêts américains à laisser Israël envahir le Sud-Liban ? L’administration Trump, dans sa stratégie d’apporter une stabilité favorable aux affaires dans la région, semble désormais plutôt se tourner vers la Syrie. Joseph Aoun le sait bien et, dans son adresse à la Nation, il a averti les Libanais que « le monde était sur le point de se lasser de nous ».
Quels seraient ceux d’Israël ? Tel-Aviv défend que les cinq positions qu’il conserve dans le Sud du Liban sont « stratégiques ». Mais cela fait bien longtemps que la possession de points en hauteur n’offre plus l’avantage décisif qu’elle représentait autrefois, comme le montre l’usage massif des drones par Tsahal au Liban. L’occupation israélienne actuelle joue plutôt un rôle de levier de pression sur le gouvernement libanais. La création d’une zone tampon au sud pourrait servir de monnaie d’échange pour négocier une paix asymétrique – à l’instar de ce que tente de faire Israël en Syrie en occupant le Golan et ses alentours.
En somme, une escalade ne peut être exclue : elle reste suspendue aux choix d’Israël et à l’attitude des États-Unis, dans un contexte où le Liban n’a que très peu de prise sur les dynamiques qui le traversent.
[1] Lors de la session de vote, un aréopage de délégations diplomatiques trônait symboliquement au-dessus des parlementaires libanais, leur présence servant implicitement de caution à l’élection du futur président.
[2] Au sens wébérien, c’est-à-dire détenteur d’une autorité fondée sur la personnalité et le prestige.
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27.11.2025 à 14:21
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Le changement climatique cristallise la tension entre l’histoire du vivant et l’histoire du politique. En perturbant l’équilibre énergétique qui avait caractérisé l’Holocène, l’humanité a quitté la zone de stabilité qui avait permis l’essor des civilisations. Ce n’est pas la planète qui est en danger, mais la capacité des sociétés humaines à maintenir des conditions de vie stables dans un système Terre devenu instable. À mesure que s’intensifie le réchauffement, le climat cesse d’être un paramètre environnemental pour devenir une force structurante. Cette contrainte délimite les marges de manœuvre énergétiques, économiques et sécuritaires des États et recompose l’ordre international. Cette note fait partie de la série de papier « Géopolitique des limites planétaires ». Déja paru : Géopolitique des limites planétaires : l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère
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Le changement climatique cristallise la tension entre l’histoire du vivant et l’histoire du politique. En perturbant l’équilibre énergétique qui avait caractérisé l’Holocène, l’humanité a quitté la zone de stabilité qui avait permis l’essor des civilisations. Ce n’est pas la planète qui est en danger, mais la capacité des sociétés humaines à maintenir des conditions de vie stables dans un système Terre devenu instable. À mesure que s’intensifie le réchauffement, le climat cesse d’être un paramètre environnemental pour devenir une force structurante. Cette contrainte délimite les marges de manœuvre énergétiques, économiques et sécuritaires des États et recompose l’ordre international.
Cette note fait partie de la série de papier « Géopolitique des limites planétaires ». Déja paru : Géopolitique des limites planétaires : l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère
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26.11.2025 à 18:20
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Il y a quelques jours, Donald Trump présentait un nouveau « plan de paix » pour l’Ukraine, un document comprenant initialement 28 points, très semblable dans sa forme à celui obtenu pour la bande de Gaza en octobre dernier, désormais révisé à 19. Entre concessions territoriales, garanties de sécurité et rôle marginalisé de l’Europe, ce projet révèle un basculement du rapport de forces au sein du camp occidental et interroge autant la stratégie américaine que la capacité européenne à peser dans le règlement du conflit. Quel éclairage peut-on apporter sur le nouveau plan Trump, entre héritage d’Istanbul et ajustements imposés par le rapport de forces actuel ? Quelles conséquences une telle paix négociée aurait-elle pour l’Union européenne et son avenir stratégique ? Le point avec Jean de Gliniasty, directeur de recherche à l’IRIS, ancien ambassadeur de France en Russie. Entre ses potentiels succès et ses angles morts, quelle analyse peut-on livrer du plan Trump pour la paix en Ukraine ? Le plan de Donald Trump reprend les principales rubriques de l’accord avorté d’avril 2022, négocié à Istanbul par les conseillers des présidents russe et ukrainien (Vladimir Medinski et Andriy Yermak) : renonciation par Kiev au Donbass et à la Crimée, non-entrée dans l’OTAN, levée des sanctions, langue russe… On se souvient que l’accord avait achoppé sur les questions des garanties de sécurité pour l’Ukraine, les Russes voulant en faire partie, et le plafonnement des effectifs et matériels de l’armée ukrainienne, les Russes demandant une limitation à 100 000 hommes. À l’époque, l’armée ukrainienne repoussait victorieusement les forces russes et le Premier ministre britannique Boris Johnson avait incité Kiev, sans doute avec l’aval du président américain, à rejeter l’accord, surtout après le massacre de Boutcha. Le sommet entre Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine, qui devait régler les points en suspens, ne s’est donc par […]
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Il y a quelques jours, Donald Trump présentait un nouveau « plan de paix » pour l’Ukraine, un document comprenant initialement 28 points, très semblable dans sa forme à celui obtenu pour la bande de Gaza en octobre dernier, désormais révisé à 19. Entre concessions territoriales, garanties de sécurité et rôle marginalisé de l’Europe, ce projet révèle un basculement du rapport de forces au sein du camp occidental et interroge autant la stratégie américaine que la capacité européenne à peser dans le règlement du conflit. Quel éclairage peut-on apporter sur le nouveau plan Trump, entre héritage d’Istanbul et ajustements imposés par le rapport de forces actuel ? Quelles conséquences une telle paix négociée aurait-elle pour l’Union européenne et son avenir stratégique ? Le point avec Jean de Gliniasty, directeur de recherche à l’IRIS, ancien ambassadeur de France en Russie.
Entre ses potentiels succès et ses angles morts, quelle analyse peut-on livrer du plan Trump pour la paix en Ukraine ?
Le plan de Donald Trump reprend les principales rubriques de l’accord avorté d’avril 2022, négocié à Istanbul par les conseillers des présidents russe et ukrainien (Vladimir Medinski et Andriy Yermak) : renonciation par Kiev au Donbass et à la Crimée, non-entrée dans l’OTAN, levée des sanctions, langue russe… On se souvient que l’accord avait achoppé sur les questions des garanties de sécurité pour l’Ukraine, les Russes voulant en faire partie, et le plafonnement des effectifs et matériels de l’armée ukrainienne, les Russes demandant une limitation à 100 000 hommes. À l’époque, l’armée ukrainienne repoussait victorieusement les forces russes et le Premier ministre britannique Boris Johnson avait incité Kiev, sans doute avec l’aval du président américain, à rejeter l’accord, surtout après le massacre de Boutcha. Le sommet entre Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine, qui devait régler les points en suspens, ne s’est donc par tenu. Les Russes ont toujours dit que cet accord devait rester la base tout en tenant compte des réalités sur le terrain, désormais plus favorables à la Russie. C’est ce que le plan Trump en 28 points, concocté par les conseillers Steve Witkoff et Kirill Dimitriev à Miami pendant le mois d’octobre a tenté de faire. Mais les questions des garanties et des effectifs de l’armée ukrainienne restent entières, tandis que s’est ajoutée entre temps la question des acquis territoriaux russes avec l’idée difficilement acceptable pour Kiev de l’évacuation des territoires non encore occupés dans le Donbass et du gel de la ligne de démarcation à Zaporijjia et à Kherson.
Que traduit cette approche américaine dans un monde occidental fracturé ? Que révèle la situation actuelle du rapport de forces actuel entre Washington, Moscou, Kiev et les Européens ?
Donald Trump et son équipe (dont Keith Kellogg, plus favorable à l’Ukraine, vient d’être écarté) veulent se débarrasser au plus vite du conflit ukrainien et si possible tirer les bénéfices d’une paix éventuelle. Les Européens comptent peu dans son désir de normaliser les relations avec la Russie pour se consacrer au « business » et à la Chine. Mais l’Europe ne peut être écartée car elle devra intervenir dans les garanties de sécurité et dans le financement de la reconstruction de l’Ukraine dévastée. Le plan en 28 points mentionne le stationnement d’avions de chasse européens en Pologne, la participation financière de l’Europe à la reconstruction de l’Ukraine, l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne, alors même qu’elle n’a pas été consultée pour la rédaction du plan. Mais elle a tenté de faire entendre sa voix et d’améliorer un plan qu’elle juge trop défavorable à ses intérêts et à ceux de Kiev : elle demande notamment une augmentation des effectifs ukrainiens minimaux à 800 000 hommes (au lieu de 600 000 dans le plan initial) et surtout, ce qui sera inacceptable pour Moscou, une négociation du compromis territorial après la mise en vigueur du cessez-le-feu et non avant. Kiev pour sa part est sous une triple pression, celle du scandale de corruption qui affaiblit Volodymyr Zelensky, celle de la poussée russe sur le terrain et celle des États-Unis qui menacent de couper toute leur aide.
Quelles pourraient être les potentielles conséquences d’un tel plan de paix pour l’Union européenne ?
Les Européens, à la différence des épisodes précédents, ont accepté de prendre comme base le texte (russo-)américain en y apportant des amendements. Ils se résignent à une éventuelle paix plus favorable aux intérêts russes, bien qu’ils cherchent à l’améliorer à la marge, car ils savent que Kiev ne peut plus gagner la guerre et qu’eux même ne pourront pas se substituer à l’aide américaine à long terme. De même qu’ils n’ont pas su faire appliquer les accords de Minsk (qui auraient épargné à l’Ukraine bien des pertes en homme et en territoires), ils n’ont pas su se poser en médiateurs et se sont vus court-circuiter par Donald Trump. Finalement, en cas de succès de l’initiative de Donald Trump, ils seront indirectement bénéficiaires de l’amélioration globale de la situation politique, militaire et économique sur le continent.
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26.11.2025 à 17:55
Déborah Yapi
Pascal Boniface · Faire face à un monde de crises. Avec Alain Bauer | Entretiens géopo Du plan Trump proposé pour la paix en Ukraine, au conflit au Proche-Orient, jusqu’à la révolution silencieuse provoquée par l’intelligence artificielle, une même dynamique traverse notre époque : un nouveau vent géopolitique et anthropologique souffle sur le monde, bouscule nos certitudes et redéfinit les équilibres internationaux comme nos manières d’exister. Comment faire face à un monde de crises ? Le plan de paix de Trump pour l’Ukraine va-t-il sceller l’issue du conflit sans apporter une paix durable ? L’Europe a-t-elle encore une marge de manœuvre politique dans un contexte de recomposition stratégique globale ? L’IA annonce-t-elle un basculement radical de nos sociétés, jusqu’à remettre en cause la place même du travail humain ? Alain Bauer, criminologue, enseignant au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et auteur de « Déclinocène » (Fayard, 2025), nous livre son analyse de ces dynamiques contemporaines.
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Du plan Trump proposé pour la paix en Ukraine, au conflit au Proche-Orient, jusqu’à la révolution silencieuse provoquée par l’intelligence artificielle, une même dynamique traverse notre époque : un nouveau vent géopolitique et anthropologique souffle sur le monde, bouscule nos certitudes et redéfinit les équilibres internationaux comme nos manières d’exister. Comment faire face à un monde de crises ? Le plan de paix de Trump pour l’Ukraine va-t-il sceller l’issue du conflit sans apporter une paix durable ? L’Europe a-t-elle encore une marge de manœuvre politique dans un contexte de recomposition stratégique globale ? L’IA annonce-t-elle un basculement radical de nos sociétés, jusqu’à remettre en cause la place même du travail humain ? Alain Bauer, criminologue, enseignant au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et auteur de « Déclinocène » (Fayard, 2025), nous livre son analyse de ces dynamiques contemporaines.
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26.11.2025 à 17:52
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Dans cet entretien, Ousmane Ndiaye dresse le bilan des élections qui se sont déroulées auCameroun le 12 octobre 2025 et en côte d’Ivoire le 25 octobre 2025. Peut-on encore parler de véritables élections politiques ? Quand l’issue semble connue d’avance, le vote conserve-t-il encore une utilité ? Existe-t-il aujourd’hui une alternance au Cameroun et en Côte d’Ivoire ? Ces élections relèvent-elles de cette « fiction démocratique » qu’Ousmane Ndiaye décrit et dénonce souvent ?
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Dans cet entretien, Ousmane Ndiaye dresse le bilan des élections qui se sont déroulées au
Cameroun le 12 octobre 2025 et en côte d’Ivoire le 25 octobre 2025. Peut-on encore parler de véritables élections politiques ? Quand l’issue semble connue d’avance, le vote conserve-t-il encore une utilité ? Existe-t-il aujourd’hui une alternance au Cameroun et en Côte d’Ivoire ? Ces élections relèvent-elles de cette « fiction démocratique » qu’Ousmane Ndiaye décrit et dénonce souvent ?
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25.11.2025 à 18:30
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Le président de la République de Turquie, M. Recep Tayyip Erdoğan, et le Premier ministre britannique, M. Keir Starmer, ont signé, le 27 octobre 2025 à Ankara, un accord pour la vente de 20 chasseurs-bombardiers Eurofighter Typhoon. Les premières livraisons sont prévues en 2030. Le montant du contrat diffère selon M. Starmer ou le porte-parole du ministère turc de la Défense nationale. Pour le premier, il s’élève à 10,7 milliards de dollars en incluant les retombées économiques dans l’écosystème britannique, et de futures options dont les détails ne sont pas connus. Le second s’aligne sur une déclaration de BAE Systems, co-maître d’œuvre du projet, qui fait état de 5,4 milliards de livres sterling (environ 7 milliards de dollars) couvrant la construction en série de 20 avions neufs de dernière génération (Tranche 4[1]), ainsi que la vente de nacelles, de missiles air-air dont le Meteor, et de missiles air-sol Brimstone. En parallèle, la Turquie est en cours de discussions avec le Qatar et Oman pour l’achat de 24 Eurofighter d’occasion, 12 à chaque pays, ce qui porterait le nombre de ces appareils dans l’armée de l’Air turque à 44. Une option d’achat de 20 appareils neufs supplémentaires a été évoquée, mais sans qu’il soit précisé si ces avions s’ajouteront, ou se substitueront, aux 24 avions d’occasion. Pourquoi l’achat d’avions Eurofighter ? L’armée de l’air turque met en œuvre environ 250 chasseurs-bombardiers : un peu moins de 20 F-4E Phantom Terminator 2020 et 234 F-16C/D Fighting Falcon. Les F-4E sont très vieillissants (le premier vol de l’appareil a eu lieu le 27 mai 1958), même s’ils ont été modernisés par les programmes Simşek et Işik. Quant aux F-16, ils ne sont plus de la dernière génération. Ainsi, le besoin de renouvellement de cette flotte était impérieux pour freiner le déclassement de l’armée de l’Air […]
L’article Vente de 20 Eurofighter à la Turquie : contexte et conséquences industrielles et politiques est apparu en premier sur IRIS.
Le président de la République de Turquie, M. Recep Tayyip Erdoğan, et le Premier ministre britannique, M. Keir Starmer, ont signé, le 27 octobre 2025 à Ankara, un accord pour la vente de 20 chasseurs-bombardiers Eurofighter Typhoon. Les premières livraisons sont prévues en 2030.
Le montant du contrat diffère selon M. Starmer ou le porte-parole du ministère turc de la Défense nationale. Pour le premier, il s’élève à 10,7 milliards de dollars en incluant les retombées économiques dans l’écosystème britannique, et de futures options dont les détails ne sont pas connus. Le second s’aligne sur une déclaration de BAE Systems, co-maître d’œuvre du projet, qui fait état de 5,4 milliards de livres sterling (environ 7 milliards de dollars) couvrant la construction en série de 20 avions neufs de dernière génération (Tranche 4[1]), ainsi que la vente de nacelles, de missiles air-air dont le Meteor, et de missiles air-sol Brimstone.
En parallèle, la Turquie est en cours de discussions avec le Qatar et Oman pour l’achat de 24 Eurofighter d’occasion, 12 à chaque pays, ce qui porterait le nombre de ces appareils dans l’armée de l’Air turque à 44. Une option d’achat de 20 appareils neufs supplémentaires a été évoquée, mais sans qu’il soit précisé si ces avions s’ajouteront, ou se substitueront, aux 24 avions d’occasion.
L’armée de l’air turque met en œuvre environ 250 chasseurs-bombardiers : un peu moins de 20 F-4E Phantom Terminator 2020 et 234 F-16C/D Fighting Falcon. Les F-4E sont très vieillissants (le premier vol de l’appareil a eu lieu le 27 mai 1958), même s’ils ont été modernisés par les programmes Simşek et Işik. Quant aux F-16, ils ne sont plus de la dernière génération. Ainsi, le besoin de renouvellement de cette flotte était impérieux pour freiner le déclassement de l’armée de l’Air turque, non seulement au sein de l’OTAN, mais surtout face à la Grèce aujourd’hui dotée du Rafale français et, dans quelques années, du F-35/JSF américain.
Les Turcs pouvaient-ils se tourner vers les États-Unis ? Ayant rejoint le programme américain F-35 en 1999 en tant que partenaire de niveau 3[2], avec l’intention d’acquérir un minimum de 100 appareils, la Turquie a été débarquée du partenariat industriel, le 17 juillet 2019, en raison de l’achat des systèmes russes de défense sol-air et antimissile S-400. Ankara avait alors décidé d’accélérer son programme d’avion de chasse national, le TF-X/Kaan, qu’elle avait lancé trois années avant, le 5 août 2016. Seulement, les déclarations les plus optimistes des industriels turcs prévoient, dans l’état actuel de la phase de développement, une livraison des premiers appareils en 2028, les échéances étant sans cesse repoussées. En outre, les premiers Kaan qui entreront en service seront dotés d’une capacité de combat minimale (une sorte de « Block 10 ») et, ce qui est un grand frein à l’autonomie stratégique recherchée par Ankara, d’un moteur qui ne sera pas encore national. Face aux délais incompressibles de montée en puissance technologique, Ankara fait pression d’une manière régulière sur Washington pour réintégrer le programme F-35, mais sans succès à ce stade, malgré un optimisme affiché des autorités politiques turques. En effet, force est de constater que, malgré les bonnes relations supposées entre les présidents Trump et Erdoğan, la relation entre la Turquie et les États-Unis n’est pas encore stabilisée : le Catsaa[3] est toujours appliqué et a pour effet de bloquer l’exportation des hélicoptères d’attaque turcs T-129 au Pakistan. Par ailleurs, les négociations en vue de l’achat de 40 F-16 Block 70 VIPER[4] par Ankara ne débouchent pas.
Alors, quels autres choix s’offraient à Ankara ? L’acquisition du Rafale n’était pas envisageable compte tenu de l’état des relations franco-turques : la confiance réciproque n’est toujours pas acquise (trop de divergences sur des sujets comme le Haut-Karabagh, la Libye et la Syrie), et Paris souhaite maintenir de bonnes relations avec Athènes dans un contexte de livraison de frégates multimissions et, en cours de discussions, de frégates de défense et d’intervention. Le Gripen suédois est un appareil de bon niveau, vendu à plusieurs pays dans le monde, mais il n’est pas un avion de 5e génération que recherche la Turquie. La Chine et la Russie restaient donc les seuls autres pays au monde en mesure proposer un avion de chasse opérationnel de 5e génération, mais il est probable que l’éviction de la Turquie du programme F-35, à la suite de l’acquisition des systèmes S-400, a dissuadé Ankara d’envisager une option d’achat ni européenne ni otanienne. L’unique solution restante restait l’Eurofighter.
L’intérêt de la Turquie pour cet avion n’est pas nouveau. Il remonte aux années 1990, au moment où il était en cours de développement et n’avait pas encore effectué son premier vol. à ce moment, les pourparlers entre Ankara et le consortium Eurofighter (Allemagne, Espagne, Royaume-Uni, Italie) étaient réguliers, mais ils ne se concrétisaient pas pour des raisons de spécificités du contrat et, surtout, de coûts d’acquisition et de maintenance. Mais le retour d’Ankara vers le consortium européen pour des discussions en vue de l’achat de cet avion n’a pas été simple : il a fallu lutter pour lever l’obstacle allemand, principalement lié aux désaccords concernant le respect de l’État de droit en Turquie. C’est chose faite depuis le 23 juillet 2025.
D’un point de vue industriel et financier, la vente d’appareils neufs à la Turquie est une aubaine pour la chaîne de production de Warton, au Royaume-Uni, aujourd’hui quasiment à l’arrêt. Plus généralement, elle est une aide au programme Eurofighter confronté à une baisse des commandes, à des coûts de maintenance et de mise à niveau élevés, et à la concurrence de plus en plus forte du Rafale. Elle permet également une rentrée financière permettant de mieux absorber les incertitudes sur le futur liées aux programmes SCAF (système de combat aérien du futur), dont font partie l’Allemagne et l’Espagne, et Tempest, un programme d’avion de combat de 6e génération lancé par le Royaume-Uni avec une implication de l’Italie.
Politiquement, il s’agit de la vente de chasseurs-bombardiers de 5e génération à la Turquie, pays non-membre de l’Union européenne, dans un contexte où le renforcement des capacités militaires des pays européens est jugé urgent et vital. Elle interroge donc sur la volonté et la capacité des pays de l’Union européenne à s’équiper avec du matériel européen et, sur ce plan, invite à réfléchir sur une participation de la Turquie au mécanisme SAFE (Security Action for Europe).
Quoi qu’il en soit, la vente des 20 Eurofighter du Royaume-Uni à la Turquie s’inscrit dans le cadre d’un processus « gagnant-gagnant ». Pour la Turquie, elle est une étape supplémentaire vers la voie de l’autonomie industrielle de défense car il est fort probable que le contrat soit assorti de transferts de technologies, surtout si, comme le sous-entendent certaines déclarations politiques, une fabrication commune des avions et une intégration de munitions nationales turques sont envisagées. Pour le Royaume-Uni, le Premier ministre travailliste ne peut que se féliciter des retombées économiques avec la création sur 20 000 emplois, selon ses déclarations. Dans tous les cas, les deux parties citent en exemple la relation stratégique turco-britannique, en mettant en avant qu’elle contribue efficacement aux renforcements des capacités de l’OTAN.
[1] Les « tranches » sont les phases d’évolution de l’appareil. Tranche 1 : développement initial avec capacités limitées au combat air-air ; Tranche 2 : aptitude aux missions multirôles avec ajout de capacités air-sol ; Tranche 3 : modernisation avec intégration de capacités avancées ; Tranche 4 : évolution de l’avion vers les exigences du combat futur (intégration avec des drones, missions en environnement complexe…). La Tranche 4 est actuellement en cours.
[2] Partenaire de niveau 1 : le Royaume-Uni seulement (influence industrielle majeure) ; partenaires de niveau 2 : l’Italie et les Pays-Bas (contribution au développement, mais d’une manière moins importante que le Royaume-Uni), partenaires de niveau 3 : l’Australie, le Danemark, la Norvège, le Canada et la Turquie (contributeurs plus modestes).
[3] Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act.
[4] Dernière version du F-16 (Block 70/72), qui permettrait à l’armée de l’Air turque d’accroître sa capacité opérationnelle en attendant la mise en service du Kaan.
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