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Nicolas VIVANT

Directeur de la stratégie numérique de la ville d’Échirolles

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08.12.2023 à 18:25

État de l'Open Source en France (2023)

Nicolas Vivant

Au moins deux publications récentes permettent de faire un état de l'open source et des logiciels libres en France. Elles ont été dévoilées dans le cadre du salon « Open Source Experience » de Paris, les 6 et 7 décembre 2023.
L'enquête « Open Source Monitor France 2023 »
Réalisée par le cabinet Markess by Exaegis à l'initiative du CNLL, de Numeum et du pôle Systematic Paris-Region cette enquête rend compte de l'usage de l'open source au sein des entreprises et du secteur public. Publiée sous la forme d'une (...)

- Pensées furtives
Texte intégral (1416 mots)

Au moins deux publications récentes permettent de faire un état de l'open source et des logiciels libres en France. Elles ont été dévoilées dans le cadre du salon « Open Source Experience » de Paris, les 6 et 7 décembre 2023.

L'enquête « Open Source Monitor France 2023 »

Réalisée par le cabinet Markess by Exaegis à l'initiative du CNLL, de Numeum et du pôle Systematic Paris-Region cette enquête rend compte de l'usage de l'open source au sein des entreprises et du secteur public. Publiée sous la forme d'une présentation en format PDF, elle fournit de nombreux chiffres intéressants. Ceux-ci, par exemple, ont été repris dans différents articles en ligne :

L'enquête complète peut être téléchargée depuis le site de Numeum.

Open Source et Logiciels Libres : perspectives et visions des acteurs de l'Open Source

Réalisé par OpenStudio, ce livre blanc repose sur des entretiens avec différents acteurs de l'open source et des logiciels libres. La ville d'Échirolles a eu le plaisir de contribuer à ce travail, téléchargeable en suivant ce lien.

J'y ai appris des choses, et noté quelques déclarations intéressantes (à mon sens), que je compile ci-dessous :

Page 23 :

« Selon Nordine Benkeltoum, 71 % des développeurs de logiciels libres sont européens contre seulement 13 % de nord-américains. »

Page 40 :

« le marché de l'open source s'élevait à plus de 25 milliards d'euros en 2022, dont 5,9 milliards d'euros pour la France qui se positionne comme le leader européen de l'open source, légèrement devant le Royaume-Uni (5,5 milliards d'euros) et l'Allemagne (5,2 milliards d'euros). »

Page 43 :

« cette volonté de sortir des outils des GAFAM s'explique majoritairement par le besoin de protéger les données de leurs entreprises (57 %) (...) l'envie de soutenir l'économie française (44%) et d'intégrer la souveraineté dans leur politique RSE (Responsabilité sociétale des entreprises) globale (42 %). Beaucoup d'entrepreneurs anticipent également avec raison les évolutions de la législation européenne sur ce sujet (37 %). »

Page 50 (interview de François Nollen, SNCF) :

« Une stratégie open source ne signifie pas forcément qu'on fait tout en interne et qu'on n'a besoin de personne, plutôt qu'on a davantage d'options et moins de choix imposés par la technologie ou les fournisseurs. »

Page 53 (Pierre-Yves Gibello, OW2) :

« J'ai du mal à croire qu'on puisse faire reposer sa sécurité sur quelque chose d'opaque, dont on ne maîtrise pas le fonctionnement, dont on ne connaît pas les composants, dont les vulnérabilités sont inconnues. Moi j'aurais peur si je n'avais pas les plans du système de sécurité qui me protège. L'argument qui fait valoir que mes ennemis n'ont pas non plus les plans n'est pas pour me rassurer, cela n'a pas de sens. »

Page 63 :

« Open source n'est pas synonyme de gratuité (...) il y a toujours un coût de maintenance, de mise à jour, de support, de développement personnalisé, etc. »

...oui, comme pour les logiciels propriétaires, donc. Sur ce sujet, j'ai écrit cela.

Page 66 :

« Parmi les interlocuteurs que nous avons interrogés, la plupart argumentent en faveur d'une vision business de l'open source (...). Certains au contraire s'inquiètent d'une intrusion trop forte du business dans le monde de l'open source, et craignent que ce modèle perde complètement ses principes de base. »

(C'est l'un des intérêts de ce livre, qui donne la parole aux deux mondes).

Page 67 (François Desmier, MAIF) :

« Je pense qu'il faut se méfier “du tampon open source” qui est parfois galvaudé, mais cela ne veut pas dire qu'il faut arrêter d'en faire, de l'utiliser, bien au contraire, il faut continuer avec une vraie éthique. Ce qui me rend pessimiste c'est cet “open source washing” de certaines entreprises qui malheureusement ne sert pas la cause. »

Page 72 :

« seule une volonté politique forte aura la capacité de diriger l'IA dans le giron de l'open source, avec la mise en avant de « vraies » solutions ouvertes de machine learning et deep learning. (...) d'un point de vue éthique, l'Europe a tout intérêt à favoriser l'open source dans le développement de l'IA. L'Open source est associé à la transparence, alors que l'on reproche souvent à l'IA ses risques de biais et son inexplicabilité. »

Page 75 :

« Même Google a reconnu malgré elle que l'open source allait dépasser les modèles d'IA génératives propriétaires dans un document interne dont la fuite a fait couler beaucoup d'encre en mai 2023. »

Page 80 (et c'est valable aussi pour les collectivités) :

« une entreprise qui met en place une véritable politique open source - qui par essence est un modèle qui entre dans le scope de la RSE - aura un argument solide pour convaincre un talent de choisir son entreprise. »

Page 114 (Pierre-Yves Gibello, OW2) :

« On dit que le l'open source est compliqué à cause de la multitude de licences (...) mais en vérité, elles sont rangées dans de grandes catégories plutôt claires. A contrario, dans les licences propriétaires il n'y en a pas deux pareilles, même entre deux versions d'un même logiciel, les licences ne sont pas toujours les mêmes et elles ne sont pas non plus forcément compatibles entre elles. »

Page 121 (Jean-Luc Dorel, commission européenne) :

« Les modèles de développement basés sur l'argent public sont peu adaptés pour créer des compétiteurs à Google. (...) il faut développer une autre approche (...), des communautés de développeurs qui, additionnées les uns aux autres, représentent une force de frappe en termes de valeur, en termes de puissance de production de logiciels qui peuvent "concurrencer" ces grandes sociétés. »

Page 122 :

« Les efforts portées par les collectivités en matière d'open source devraient peut-être être valorisés par le biais de certifications ou encore d'une communication publique, etc. Une implication plus forte de l'État serait envisageable à ce niveau car l'adoption de logiciels propriétaires au sein de l'administration centrale discrédite pour le moment les efforts de migration vers le libre. »

Page 129 (Pierre Baudracco, BlueMind/CNLL) :

« Les GAFAM (...) font de l'open source, là où ils n'ont pas d'intérêt financier, et parfois justement pour concurrencer des solutions émergentes et reprendre le dessus. Donc c'est discutable d'en faire de réels acteurs de l'open source ».

Page 132 (Simon Rossi, formateur sur les modèles ouverts) :

« tous les systèmes de surveillance de masse qui se basent sur de l'intelligence artificielle, on le doit en partie à des briques ouvertes en open source. Il faut en avoir conscience, l'ouverture ce n'est pas que le bien, cela dépend dans quel environnement on s'inscrit. »

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11.11.2023 à 19:19

Visioconférence et streaming libres

Nicolas Vivant

Lors de la réunion du collectif « Alpes Numérique Libre » du 26 mai 2023, Échirolles a expérimenté pour la première fois la prise de parole d'une intervenante en visioconférence pendant une diffusion en direct dans la salle du conseil municipal.
Décrite dans un article précédent, notre configuration repose sur des logiciels libres : OBS Studio est utilisé pour la diffusion sur notre plateforme Peertube.
Pour les visioconférences, nous avons fait le choix de BigBlueButton. Utilisable depuis un (...)

- Tips, ruses, etc.
Texte intégral (859 mots)

Lors de la réunion du collectif « Alpes Numérique Libre » du 26 mai 2023, Échirolles a expérimenté pour la première fois la prise de parole d'une intervenante en visioconférence pendant une diffusion en direct dans la salle du conseil municipal.

Décrite dans un article précédent, notre configuration repose sur des logiciels libres : OBS Studio est utilisé pour la diffusion sur notre plateforme Peertube.

Pour les visioconférences, nous avons fait le choix de BigBlueButton. Utilisable depuis un navigateur web, ses fonctionnalités de vote, de gestion de la parole et des présentations semblent adaptées pour une participation à distance en conseil municipal. Pour ce faire, un certain nombre de points sont incontournables :

  1. les participantes et participants doivent pouvoir se voir, dans la visioconférence et dans la salle ;
  2. ils doivent pouvoir s'entendre et interagir de façon fluide ;
  3. une présentation, réalisée en salle ou à distance doit être également visible par toutes et tous ;
  4. tout cela doit être accessible dans la diffusion en ligne, en direct et en rediffusion.

Trouver la solution nous a pris un peu de temps, et c'est pourquoi il me semble utile de la partager.

Se voir

Dans OBS, nous disposons déjà des images de la salle. L'utilisation de la fonctionnalité « caméra virtuelle » du logiciel va permettre de transformer ce flux en caméra, et de l'envoyer dans BigBlueButton. Il convient d'activer la fonction, puis d'utiliser son navigateur (Firefox, chez nous) sur la même machine pour rejoindre la visioconférence. Une caméra « OBS » est alors proposée, il suffit de l'activer et le flux vidéo est automatiquement transmis dans la réunion. Le son de la salle, en revanche, sera transmis par un autre moyen. Il ne faut donc pas l'activer.

Une capture de la fenêtre de visioconférence dans une scène OBS dédiée permet de diffuser l'image de la visioconférence quand c'est utile. Dans la salle, un PC connecté dans la visioconférence permettra de retransmettre les images sur un écran ou un vidéoprojecteur, toujours sans le son et avec un minium de délai (moins d'une seconde).

S'entendre

C'est là que les choses se compliquent. Dans notre conseil municipal, les élu·e·s parlent dans des micros et s'entendent dans les bas parleurs de ces mêmes micros. Un système intégré à la console de gestion permet d'éliminer l'écho, de telle sorte qu'un micro activé ne reprend pas le son diffusé dans les bas parleurs. Dans le cas contraire, un larsen ne manquerait pas de se produire. Le problème est le même pour une intervention dans la salle en visioconférence : l'écho doit absolument être éliminé.

Nous avons donc utilisé la console de gestion des micros pour gérer le son de la visioconférence. Un PC dédié, sous Zorin OS, est connecté dans le salon via le navigateur Firefox. Il reçoit le son des micros depuis la console, et le renvoie dans la console pour que les interventions depuis BigBlueButton soient audibles dans la salle via les bas parleurs. Ce ce que décrit la partie encadrée en rouge ci-dessous.


Autre initiative intéressante : l'utilisation d'un serveur RTMP qui nous permet de contourner une limitation d'OBS, qui ne peut diffuser qu'un seul flux à la fois (deux, en fait, si on considère la fonction de caméra virtuelle comme un flux à part entière). Installé sur notre serveur de visioconférence BigBlueButton, il permet de diffuser sur un nombre indéfini de plate-formes (un article à part sera dédié à la configuration de RTMP). À Échirolles, nous diffusons sur Facebook, la page de la ville étant plutôt bien suivie, et sur notre serveur Peertube pour une meilleure qualité et une meilleure intégration sur notre site web (Drupal).

Ainsi, les habitant·e·s qui ne disposent pas (ou ne souhaitent pas disposer) d'un compte Facebook peuvent assister au conseil en ligne, sans contrainte, algorithme ou publicité intempestive.

L'ensemble des vidéos d'Échirolles peuvent être consultées sur notre compte Peertube : https://video.echirolles.fr.

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02.08.2023 à 19:10

Et donc hop, je m'enfuis !

Nicolas Vivant

Je viens de traduire un article de Ploum qui rejoint ce que je vis, de regarder une vidéo puis de lire un article d'Henri Lœvenbruck, et je me suis dit qu'il était temps.
Comme eux, j'ai vécu des années de dissonante cognitive permanente. Au nom de la facilité, de la simplicité et de la gratuité, les grandes sociétés technologiques pillent ce que nous disons, ce que nous aimons, que que nous faisons... ce que nous sommes. C'est devenu inacceptable pour moi, je n'en peux plus. Je ne veux pas d'un monde (...)

- Pensées furtives
Texte intégral (701 mots)

Je viens de traduire un article de Ploum qui rejoint ce que je vis, de regarder une vidéo puis de lire un article d'Henri Lœvenbruck, et je me suis dit qu'il était temps.

Comme eux, j'ai vécu des années de dissonante cognitive permanente. Au nom de la facilité, de la simplicité et de la gratuité, les grandes sociétés technologiques pillent ce que nous disons, ce que nous aimons, que que nous faisons... ce que nous sommes. C'est devenu inacceptable pour moi, je n'en peux plus. Je ne veux pas d'un monde qui repose sur ce système.

J'ai découvert Internet avant le Web. À l'époque, je passais énormément de temps sur un réseau (décentralisé) de discussion en ligne appelé IRC. J'ai fini par m'y investir en tant qu'opérateur, puis (co-)administrateur de plusieurs serveurs. J'y ai rencontré des tas de gens intéressants, que je côtoie toujours 30 sans plus tard. C'était en 1993 et cela illustre à quel point, dans mon esprit, Internet et lien social sont intimement liés.

Autant dire que, bien des années plus tard, quand les réseaux sociaux sont nés, je me suis précipité. J'ai traîné sur Orkut, sur Second Life et puis, comme beaucoup, j'ai échoué sur Facebook et sur Twitter, et j'y suis resté. Les jeunes ont déserté Facebook, devenu infréquentable quand nous, parents, avons débarqué (et qu'est-ce que je les comprends). Le réseau est devenu ennuyeux, pénible, je n'y mets plus que rarement les pieds. Twitter, lieu de toutes les influences, de toutes les batailles idéologiques, a été envahi par la publicité, les commentaires oiseux et les informations qui n'en sont pas. Le lien social est devenu secondaire, voire inexistant. Un cloaque.

Aujourd'hui, je sais qu'un autre réseau existe, qui ne souffre pas de ces maux. Il a toujours existé, d'ailleurs. Il y a toujours eu des alternatives auxquelles je me suis toujours intéressé. Aujourd'hui, sur Mastodon, le nombre et la qualité des échanges étanchent sans problème ma soif de débattre, d'apprendre et de partager. Un peu comme si l'Internet que j'ai connu à ses/mes débuts avait évolué dans ses outils mais pas dans sa mentalité.

Henri Lœvenbruck, dans l'entretien que je viens de regarder, fait le parallèle entre quitter Twitter et arrêter de fumer. C'est simple, dit-il, pour arrêter il suffit d'arrêter. Il n'a pas tort. Et donc je ferme tous ces comptes aujourd'hui. Mais le manque, bordel, le manque, le symptôme ultime qu'on est vraiment accro et qu'il faut se sortir de là. Pour la clope, j'ai résolu la question avec la cigarette électronique. Pour Facebook, pas de souci, je n'y vais quasiment plus depuis des années.

Pour Twitter, il y a Mastodon. J'y suis, et j'y suis bien.
Et donc hop, je m'enfuis.

Ajout du 29 octobre 2023 : Ploum,cité en début d'article, a fait de même et s'en explique sur son blog.

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01.08.2023 à 16:24

Diviser le Web

Nicolas Vivant

Ce texte est une traduction d'un article de Tim Berners Lee, inventeur du Web, intitulé « Marking the Web's 35th Birthday : An Open Letter » publié sur Medium.
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Un fossé de plus en plus profond sépare le web moderne. D'un côté, le web commercial, envahi par les monopoles et adulé par les médias. Un web qui n'a qu'un seul objectif : nous faire cliquer. Il mesure les clics, optimise les clics, génère des clics. Il recueille autant d'informations que possible sur nous et bombarde chaque seconde de notre (...)

- Articles traduits
Texte intégral (1316 mots)
Ce texte est une traduction d'un article de Tim Berners Lee, inventeur du Web, intitulé « Marking the Web's 35th Birthday : An Open Letter » publié sur Medium.
***

Un fossé de plus en plus profond sépare le web moderne. D'un côté, le web commercial, envahi par les monopoles et adulé par les médias. Un web qui n'a qu'un seul objectif : nous faire cliquer. Il mesure les clics, optimise les clics, génère des clics. Il recueille autant d'informations que possible sur nous et bombarde chaque seconde de notre vie de publicités, de bips, de notifications, de vibrations, de LED clignotantes, de musique de fond et de titres fluorescents.

Un web qui se résume à Idiocracy dans un paysage de Blade Runner, une dystopie cyberpunk complète.

Et puis il y a le web technophile. Les personnes qui installent des bloqueurs de publicité ou des navigateurs alternatifs. Ceux qui essaient des réseaux alternatifs tels que Mastodon ou, Dieu m'en garde, Gemini. Les personnes qui se moquent du web moderne en construisant de vraies pages en HTML et sans JavaScript.

Entre ces deux extrêmes, le fossé se creuse. Vous devez choisir votre camp. Lorsque vous naviguez sur le « web classique », il est de plus en plus souvent nécessaire de désactiver au moins une partie de vos bloqueurs pour accéder au contenu.

La plupart du temps, je ne m'en préoccupe plus. Le lien sur lequel j'ai cliqué ne s'ouvre pas ou est bloqué ? Oui, je bloque probablement un JavaScript tiers important. Non, je m'en fiche. De toute façon, j'ai trop de choses à lire en une journée. Plus de temps pour autre chose. J'utilise actuellement kagi.com comme principal moteur de recherche sur le web. Et kagi.com est doté d'une fonctionnalité intéressante, un « filtre non commercial » (ce qui est quelque peu ironique étant donné que Kagi est, lui-même, un moteur de recherche commercial). Cela signifie qu'il essaiera de dé-prioriser les contenus hautement commerciaux. Je peux aussi dé-prioriser manuellement certains domaines. Comme facebook.com ou linkedin.com. Si vous y publiez quelque chose, j'ai moins de chances de vous lire. Je n'ai même pas parlé des quelques fois où j'utilise marginalia.nu.

Il se passe quelque chose d'étrange : ce n'est pas seulement une partie du web qui disparaît pour moi. Comme je bloque complètement Google Analytics, tous les domaines Facebook et tous les outils d'analyse que je peux, je disparais aussi pour eux. Je ne les vois pas et ils ne me voient pas !

Pensez-y ! Tout ce « web des MBA, des designers et des spécialistes du marketing » est désormais optimisé grâce à des statistiques décrivant des personnes qui ne bloquent pas les statistiques (et des robots qui se font passer pour ces personnes). Chaque jour, je me sens un peu plus déconnecté de cette partie du web.

En cas de besoin, traiter avec ces sites web est tellement éprouvant pour les nerfs que j'ai souvent recours à... un appel téléphonique ou un simple courriel. J'ai signé mon contrat de téléphonie mobile en échangeant des courriels avec une personne réelle parce que l'inscription ne fonctionnait pas. Je téléphone pour réserver des hôtels lorsqu'il n'est pas facile de le faire dans l'interface web ou si la création d'un compte est nécessaire. Je déteste parler au téléphone, mais cela me fait gagner beaucoup de temps et de stress. Je me rends également dans les magasins à pied ou à vélo au lieu de commander en ligne. Cela me permet d'obtenir des conseils et d'échanger des articles défectueux sans devoir passer par la poste.

Malgré la rupture avec ce qui semble être « le Web », je n'ai jamais reçu autant d'e-mails commentant mes articles de blog. J'ai rarement eu autant de conversations en ligne intéressantes que sur Mastodon. J'ai des dizaines de contenus vraiment intéressants à lire chaque jour dans mes flux RSS, sur Gemini, sur Hacker News, sur Mastodon. Et, chose incroyable, beaucoup d'entre eux se trouvent sur des blogs très minimalistes et utilisables. Ce qui est amusant, c'est que lorsque des utilisateurs non-technologues voient mon blog ou ceux que je lis, ils me disent spontanément à quel point ils sont beaux et utilisables. C'est un peu comme si toutes ces couches de JavaScript et de css flashy avaient été utilisées contre l'utilisabilité, contre eux. Contre nous. C'est un peu comme si les vrais utilisateurs ne s'étaient jamais souciés des « designs cool » et n'avaient voulu que quelque chose de simple.

On a l'impression que tout le monde choisit son camp. Il n'est plus possible de rester au milieu. Soit vous consacrez tous vos cycles de CPU à l'exécution de JavaScript qui vous suit à la trace, soit vous vous éloignez des grands monopoles. Soit vous êtes payé pour construire d'énormes panneaux publicitaires au-dessus d'un énième framework, soit vous fabriquez du HTML à la main.

Peut-être que le web n'est pas en train de mourir. Peut-être qu'il est seulement en train de se diviser en deux.

Vous connaissez ce fameux « dark web » dont les journalistes raffolent ? (à ma demande, un journaliste m'a expliqué un jour ce que signifiait pour lui le « dark web », à savoir « les sites web qui ne sont pas facilement accessibles par une recherche Google »). Eh bien, j'ai parfois l'impression de faire partie de ce « dark web ». Pas pour acheter de la drogue ou engager des tueurs à gages. Non ! C'est seulement pour avoir un endroit où je peux discuter sans être espionné et interrompu par des publicités.

Mais, de plus en plus, je me sens de moins en moins comme un étranger.

Ce n'est pas moi. Ce sont les gens qui vivent pour et par la publicité qui sont les étrangers. Ce sont eux qui détruisent tout ce qu'ils touchent, y compris la planète. Ce sont des malades psychiques et je ne veux plus les voir dans ma vie. Sommes-nous en train de nous séparer de ces obsédés du clic ? Bon débarras ! Amusez-vous bien avec eux.

Mais si vous voulez quitter le navire, c'est le moment de revenir à la simplicité du web. Bienvenue à bord !

***

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