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Rubrique «À LIRE AILLEURS»

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09.05.2024 à 09:00

La Shoah après gaza

« Chaque jour est empoisonné par la conscience que, pendant que nous menons notre vie, des centaines de gens ordinaires comme nous sont assassinés ou forcés d'assister au meurtre de leurs enfants. » Article paru sur Lundi Matin.

Texte intégral (950 mots)

« Chaque jour est empoisonné par la conscience que, pendant que nous menons notre vie, des centaines de gens ordinaires comme nous sont assassinés ou forcés d'assister au meurtre de leurs enfants. » Article paru sur Lundi Matin.

En 1977, un an avant de se suicider, l'écrivain autrichien Jean Améry découvre des articles de presse faisant état de la torture systématique des prisonniers arabes dans les prisons israéliennes. Arrêté en Belgique en 1943 alors qu'il distribuait des tracts antinazis, Améry avait lui-même été sauvagement torturé par la Gestapo, puis déporté à Auschwitz. Il a réussi à survivre, mais n'a jamais pu considérer ses tourments comme appartenant au passé. Il a insisté sur le fait que ceux qui sont torturés le restent et que leur traumatisme est irrévocable. Comme beaucoup de survivants des camps de la mort nazis, Améry en est venu à ressentir un « lien existentiel » avec Israël dans les années 1960. Il a attaqué de manière obsessionnelle les critiques de gauche de l'État juif en les qualifiant de « irréfléchis et sans scrupules », et a peut-être été l'un des premiers à affirmer, habituellement amplifié maintenant par les dirigeants et les partisans d'Israël, que les antisémites virulents se déguisent en anti-impérialistes vertueux et en antisionistes. Pourtant, les rapports « certes sommaires » faisant état de torture dans les prisons israéliennes ont incité Améry à réfléchir aux limites de sa solidarité avec l'État juif. Dans l'un des derniers essais qu'il a publiés, il écrit : « J'appelle de toute urgence tous les Juifs qui veulent être des êtres humains à se joindre à moi dans la condamnation radicale de la torture systématique. Là où commence la barbarie, même les engagements existentiels doivent prendre fin.

Améry a été particulièrement troublé par l'apothéose en 1977 de Menachem Begin en tant que Premier ministre d'Israël. Begin, qui avait organisé l'attentat à la bombe de 1946 contre l'hôtel King David à Jérusalem, au cours duquel 91 personnes furent tuées, fut le premier des représentants francs du suprémacisme juif qui continuent de diriger Israël. Il fut également le premier à invoquer régulièrement Hitler, l'Holocauste et la Bible tout en attaquant les Arabes et en construisant des colonies dans les territoires occupés. Dans ses premières années, l'État d'Israël entretenait une relation ambivalente avec la Shoah et ses victimes. Le premier Premier ministre israélien, David Ben Gourion, considérait initialement les survivants de la Shoah comme des « débris humains », affirmant qu'ils avaient survécu uniquement parce qu'ils avaient été « méchants, durs et égoïstes ». C'est Begin, le rival de Ben Gourion, un démagogue polonais, qui a fait du meurtre de six millions de Juifs une préoccupation nationale intense et une nouvelle base pour l'identité d'Israël. L'establishment israélien a commencé à produire et à diffuser une version très particulière de la Shoah qui pourrait être utilisée pour légitimer un sionisme militant et expansionniste.

Améry a pris note de la nouvelle rhétorique et s'est montré catégorique quant à ses conséquences destructrices pour les Juifs vivant hors d'Israël. Que Begin, « avec la Torah dans les bras et recourant aux promesses bibliques », parle ouvertement du vol de terres palestiniennes « serait à lui seul une raison suffisante », écrit-il, « pour que les Juifs de la diaspora revoient leurs relations avec Israël ». Améry a supplié les dirigeants israéliens de « reconnaître que votre liberté ne peut être obtenue qu'avec votre cousin palestinien, et non contre lui ».

Cinq ans plus tard, insistant sur le fait que les Arabes étaient les nouveaux nazis et Yasser Arafat le nouveau Hitler, Begin attaqua le Liban. Au moment où Ronald Reagan l'accusait d'avoir perpétré un « holocauste » et lui ordonnait d'y mettre fin, les Forces de défense israéliennes ( FDI ) avaient tué des dizaines de milliers de Palestiniens et de Libanais et détruit de grandes parties de Beyrouth. Dans son roman Kapo (1993), l'auteur juif serbe Aleksandar Tišma rend compte du dégoût que de nombreux survivants de la Shoah ont ressenti face aux images venues du Liban : « Les Juifs, ses parents, les fils et petits-fils de ses contemporains, les anciens détenus du camps, se tenaient dans des tourelles de char et traversaient, drapeaux agités, des colonies non défendues, à travers la chair humaine, la déchirant avec des balles de mitrailleuse, rassemblant les survivants dans des camps clôturés de barbelés.

A lire en entier sur Lundi Matin

08.05.2024 à 19:30

Kermesse anti-JO dimanche 19 mai

Salut ! On t'invite à une kermesse contre les JO !

Lire la suite (414 mots)

Salut ! On t'invite à une kermesse contre les JO !

Viens manger des beignets, chambouler Tony Estanguet, t'entraîner à éteindre la flamme olympique avec de supers pistolets à eau, et rencontrer d'autres personnes VNR contre les JO et toute la merde qui va avec.

On a toustes une raison de détester les JO. De Paris à Rio, d'Athènes à Tokyo, il y a déjà bien trop de flics dans nos quartiers, de caméras à nos coins de rues, de QRcodes et de portails sécurisés.

Nous, on a pas besoin de caméras algorithmiques pour jouer, ni de construire des stades en béton, ni de milliards d'euros pour faire la fête. Pas besoin de 20 000 militaires dans nos rues ni de milliers de keufs. Pas besoin non plus de drapeaux, d'équipes nationales ni de compétition. D'ailleurs on aime rien de tout ça ! Pas besoin de « place nette XXL » pour s'amuser, de déplacer les personnes à la rue hors de Paris, ni d'expulser les squats (on pense à nos camarades de l'île-St-Denis, et aux squats de Montreuil et de Vitry expulsés récemment).

On a besoin d'espace pour se rencontrer et de la rue pour lutter, zbeuler, chiller. Et on a besoin de toi sur la place pas nette de Place des fête dimanche 19 mai à 16h pour la super kermesse AntiJO !

PS : si tu veux rammener de la nourriture à partager hésites pas !

08.05.2024 à 18:00

Projection et cantine à la Pagaille samedi en soutien à la lutte pour le territoire mapuche

Rendez-vous le samedi 11 mai à la Pagaille (15 rue Ernest Renan à Ivry) pour une après-midi en soutien aux mapuches.

Texte intégral (506 mots)

Rendez-vous le samedi 11 mai à la Pagaille (15 rue Ernest Renan à Ivry) pour une après-midi en soutien aux mapuches.

Ce samedi à la Pagaille projection d'un film sur l'occupation du Ministère de l'Intérieur argentin par un groupe de femmes autochtones pour dénoncer les discriminations, crimes et « terricide » que leurs communautés subissent. 🔥🔥 Suivi d'un débat avec une des protagonistes de la lutte ! 🔥🔥On vous attend nombreux.ses !
🟡Les collectifs Abya Yala Ivry, Paris et la cantine de la Pagaille.
🎥Teaser du film : https://filmar.ch/films/la-rebelion-de-las-flores/

En collaboration avec les collectifs Abya Yala d'Ivry et de Paris, et Terre et Liberté pour Arauco.

Mapuche signifie gens (che) de la terre (mapu). Le territoire des Mapuche est le Wallmapu, dans l'actuelle Patagonie argentine et chilienne.

Au programme :

  • 12h - 14h30 : cantine de soutien à prix libre. En soutien au prisonnier politique mapuche Matias Santana et au transport de la visite de Llanka Millán !
  • 15h : Projection du film La rébellion des fleurs. Synopsis : En 2019, durant onze jours, 23 femmes indigènes venues de toute l'Argentine occupent pacifiquement le Ministère de l'Intérieur. Elles dénoncent le terricide, les assassinats et les nombreux crimes impunis que subissent leurs communautés. Malgré l'indifférence gouvernementale et médiatique, elles se battent pour dénoncer un système basé sur l'oppression, pour se faire entendre et montrer leur force et leur résilience.
  • 16h30 : échange avec Llanka Millán, artiviste mapuche, (seconde protagoniste) et fille de Moira Millán, « guerrière » mapuche qui a dénoncé le « TERRICIDE » en occupant pacifiquement le Ministère de l'Intérieur à Buenos Aires avec un mouvement de femmes indigènes.

08.05.2024 à 15:00

Village antifasciste - Samedi 11 mai Place du Panthéon 14h

🔴⚫ NE LAISSONS PAS PARIS AUXONAZIS !
Le samedi 11 mai, rassemblons-nous sur la place du Panthéon à partir de 14h pour tenir un village antifasciste contre la manifestation du C9M et plus largement contre les attaques de l'extrême droite en France et dans le monde, sur tous les fronts, des groupuscule d'extrême droite jusqu'au tournant autoritaire et raciste de l'État néolibéral.

Texte intégral (926 mots)

🔴⚫ NE LAISSONS PAS PARIS AUXONAZIS !
Le samedi 11 mai, rassemblons-nous sur la place du Panthéon à partir de 14h pour tenir un village antifasciste contre la manifestation du C9M et plus largement contre les attaques de l'extrême droite en France et dans le monde, sur tous les fronts, des groupuscule d'extrême droite jusqu'au tournant autoritaire et raciste de l'État néolibéral.

Au programme (prévisionnel) :

  • 14h : Hommage antifasciste aux Manouchian
  • 14h30-15h30 : Vietnam, Algérie, Palestine : passé et futur des guerres populaires de libération nationale
  • 15h45-16h45 : Fascisation de l'État et criminalisation des mobilisations
  • 17h-18h : Offensive transphobe et instrumentalisation raciste des luttes féministes
  • 18h15 : Discours de clôture

Le samedi 11 mai aura lieu à Paris la manifestation du C9M (comité du 9 mai) en hommage à Sébastien Deuzieu militant du groupuscule d'extrême droite Œuvre Française, mort en 1994 après une course-poursuite avec la police.
Chaque année, cette manifestation organisée par des militants du GUD (Group Union Défense) rassemble plusieurs centaines d'individus qui défilent en portant des drapeaux néofascistes et en scandant des slogans racistes et identitaires. L'année dernière des images de la manifestation ont circulé dans les médias et créé la polémique, montrant des hommes cagoulés, armés de gants coqués, arborant des croix celtiques, symbole de la suprématie de la race blanche, et menaçant de mort les journalistes.

Cette année, pour ses 30 ans, la manifestation du 11 mai s'inscrit dans un agenda important pour l'extrême droite car elle aura lieu un mois avant le premier tour des élections européennes et pourra servir de démonstration de force des néofascistes et identitaires qui investissent de plus en plus les institutions européennes et donnent le ton aux partis d'extrême droite comme le Rassemblement National.
L'année dernière, le préfet de Paris avait publiquement annoncé sa volonté de ne pas interdire la manifestation, malgré les agressions régulièrement dénoncées par les riverains.

Dans un contexte où les institutions assument de plus en plus clairement leur tournant autoritaire, alors même qu'une manifestation contre le racisme qui a eu lieu le dimanche 21 avril a été interdite par la préfecture (décision annulée par la justice car contraire à la liberté de manifester), que des meetings de partis politiques sont interdits, que des militant·es sont convoqués par la police et poursuivis par la justice pour leur soutien à la Palestine, qu'un syndicaliste CGT s'est vu condamner à un an de prison avec sursis pour un tract, il y a fort à parier que la manifestation néonazie du C9M soit quant à elle purement et simplement autorisée.
Nous refusons d'attendre après une improbable décision de la préfecture pour s'opposer à une manifestation néonazie dans nos rues.

De nombreux collectifs, syndicats, partis et organisations politiques se joignent aujourd'hui à en un large front antifasciste pour appeler à un événement inédit.
Le samedi 11 mai, rassemblons-nous sur la place du Panthéon à partir de 14h pour tenir un village antifasciste contre la manifestation du C9M et plus largement contre les attaques de l'extrême droite en France et dans le monde, sur tous les fronts, des groupuscules d'extrême droite jusqu'au tournant autoritaire et raciste de l'État néolibéral.
Au programme : stands, discussions avec de nombreux·ses intervenant·es sur les différents enjeux de la lutte antifasciste et un hommage aux Manouchian, cette fois-ci entre camarades de lutte, sans récupération par les macronistes ou le RN.

Restez informé·es sur les pages des différentes organisations participant au village antifasciste, nous ne sommes pas à l'abri de rebondissements et d'une éventuelle tentative d'interdiction par la préfecture !

Les signataires de l'appel : AFA-Paris Banlieue, AG féministe Paris-Banlieue, Association des Ami.e.s de Maurice Rajsfus, Attac France, CGT-Paris, CNT-RP, la France Insoumise, FSU Paris, FTCR, Les Inverti-es, Jeune Garde Paris, MIRA, MNL75, NPA, L'Offensive, Parti de Gauche, Peuple révolté, Pour une Écologie Populaire et Sociale (PEPS), Raccoon Kai Boxing Club, Saccage 2024, SAMBA, Samidoun, Tolbiac-FC, Tsedek !, Union Communiste Libertaire, Union Syndicale Lycéenne, Union Syndicale Solidaires Paris, Urgence notre police assassine, Urgence Palestine.

08.05.2024 à 13:12

8 Mai 1945 : Massacre de Sétif, Guelma et Kherrata

Le jour même où la France est libérée, elle réaffirme dans le sang sa domination coloniale en Algérie : 45.000 morts à Sétif, Guelma, Kherrata et dans tout le Constantinois...

Texte intégral (3572 mots)

Le jour même où la France est libérée, elle réaffirme dans le sang sa domination coloniale en Algérie : 45.000 morts à Sétif, Guelma, Kherrata et dans tout le Constantinois...

Jour de liesse ? Fête de la libération ? Pas pour tout le monde...

Le 8 mai 1945 signifie la fin du nazisme. Il correspond aussi à l'un des moments les plus sanglants de l'histoire nationale. La répression colonialiste venait d'y faire ses premiers accrocs face à une population farouchement déterminée à se promouvoir aux nobles idéaux de paix et d'indépendance.

Faim, famine, chômage et misère semblaient résumer la condition sociale de la population musulmane algérienne colonisée par la France, population surtout agricole souvent déplacée car les colons s'étaient saisis des meilleures terres, et de plus dans une période de guerre, de sécheresse et de récoltes décimées par les acarides. « Des hommes souffrent de la faim et demandent la justice... Leur faim est injuste. » écrivait Albert Camus début 1945 dans Combat.

Le 8 mai 1945 fut un mardi pas comme les autres en Algérie. Les gens massacrés ne l'étaient pas pour diversité d'avis, mais à cause d'un idéal. La liberté. Ailleurs, il fut célébré dans les interstices de la capitulation de l'état-major allemand. La fin de la Seconde Guerre mondiale, où pourtant 150.000 Algériens s'étaient engagés dans l'armée aux côtés de de Gaulle. Ce fut la fin d'une guerre. Cela pour les Européens. Mais pour d'autres, en Algérie, à Sétif, Guelma, Kherrata, Constantine et un peu partout, ce fut la fête dans l'atrocité d'une colonisation et d'un impérialisme qui ne venait en ce 8 mai qu'annoncer le plan de redressement des volontés farouches et éprises de ce saut libertaire.

Sétif
Fontaine Ain El Fouara

Sétif, mardi 8 mai 1945

Pacifiques, dépités et désarmés, les paisibles manifestants scandaient des slogans de paix et de liberté

Dès 8 heures du matin, une foule estimée aux environs de 10.000 personnes était rassemblée devant la mosquée de la gare. Puis elle entamait son élan rue des États-Unis pour se diriger vers le centre-ville, rue Georges Clémenceau... Pacifiques, dépités et désarmés, les paisibles manifestants scandaient des slogans de paix et de liberté. « Indépendance », « Libérez Messali Hadj », « L'Algérie est à nous ». Ils s'étaient donnés pour consigne de faire sortir pour la première fois le drapeau algérien. La riposte fut sanglante.

Pourtant, profitant du jour du marché hebdomadaire, ce 8 mai 1945, les organisateurs avaient rappelé aux paysans venus des villages de déposer tout ce qui pouvait être une arme (couteau, hâche, faux...). Derrière les drapeaux des alliés, c'étaient les écoliers et les jeunes scouts qui étaient au premier rang suivis des porteurs de la gerbe de fleurs, et les militants suivaient juste derrière pour éviter tout débordement de la masse paysanne.

A la vue d'un drapeau algérien vert et blanc, qui avait été déployé en cours de route, les policiers avaient jailli du barrage et avaient attaqué la foule pour s'emparer du drapeau. Un militant avait expliqué que le drapeau étant sacré, il est impossible de le remiser une fois sorti. Le maire socialiste de la ville supplie de ne pas tirer. Mais c'est à ce moment que tout dérape quand un inspecteur tire, tue celui qui portait ce drapeau à ce moment-là et deux coups de feu en soutien de la part d'Européens partent du café de France. Dans la panique provoquée par les premiers coups de feu, à d'autres fenêtres des Européens tirent à leur tour sur la foule.

« On a tiré sur un jeune scout » ! Ce jeune « scout » fut le premier martyr de ces incidents : Saâl Bouzid, 22 ans, venait par son souffle d'indiquer sur la voie du sacrifice la voie de la liberté. K. Z., âgé alors de 16 ans, affirme non sans amertume à ce propos : « Il gisait mourant par-devant le terrain qui sert actuellement d'assiette foncière au siège de la wilaya. Nous l'avons transporté jusqu'au docteur Mostefaï... et puis... » L' émotion l'étouffe et l'empêche de continuer...

Bien que la panique ait gagné l'ensemble des manifestants, un militant avait sonné le clairon pour que la gerbe de fleurs soit déposée. Cela se passait à 10 heures du matin. Le car de la gendarmerie ayant eu du retard était arrivé en fonçant en direction des manifestants fauchant les présents.

Surgit alors la préparation du massacre des Algériens. Une milice d'Européens est formée à qui on donne des armes ; l'armée, la police et la gendarmerie sont déployées... C'est une véritable chasse à toutes personnes musulmanes.

Le 9 mai, à Sétif, ce sont 35 Algériens qui ont été abattus parce qu'ils ne savaient pas qu'un couvre feu avait été établi. Le rapport du commissaire divisionnaire, M. Bergé, expliquait que chaque mouvement jugé suspect provoquait le tir : « les musulmans ne peuvent circuler sauf s'ils portent un brassard blanc délivré par les autorités et justifications d'un emploi dans un service public. »

Guelma, mardi 8 mai 1945

A Guelma, à 16 heures, un rassemblement s'était organisé hors de la ville. Les militants des Amis du Manifeste et de la Liberté (AML) attendaient, en fait, les instructions venant de Annaba. A 17 heures le cortège s'était ébranlé avec les pancartes célébrant la victoire des alliés ainsi que leurs drapeaux entourant un drapeau algérien. Arrivé à l'actuelle rue du 8 mai, le cortège avait été arrêté par le sous préfet Achiary. Il ne restait plus que 500 mètres pour atteindre le monument aux morts.

Le sous préfet, Achiary - futur chef de l'OAS créé à Madrid en 1961 -, hors de lui avait intimé l'ordre de jeter les pancartes, drapeaux et banderoles. Un socialiste nommé Fauqueux avait râlé auprès du sous préfet : « Monsieur le sous préfet est ce qu'il y a ici la France ou pas ? ». C'est alors, comme un coup de fouet, Achiary saisit le revolver dont il s'est armé, entre dans la foule droit sur le porte drapeau et tire. Son escorte ouvre le feu sur le cortège qui s'enfuit, découvrant dans son reflux le corps du jeune Boumaza. A Guelma ce jour-là il y a déjà 4 Algériens tués, mais aucun Européen.

Le 9 mai, à Guelma, la milice dirigée par Achiary avait tenu sa première séance au cours de laquelle l'adjoint Garrivet proposait : « Nous allons étudier la liste des personnes à juger. Commençons par nos anciens élèves ». Une perquisition au local des AML a permis de saisir les listes nominatives des responsables et militants, tous considérés comme suspects, qui seront incarcérés, souvent torturés, et exécutés par fournées entières.

Kherrata, mardi 8 mai 1945

C'est aussi mardi jour de marché, et il n'y a pas de défilé prévu pour la fin de la deuxième guerre mondiale, ce 8 mai, dans ce gros village tranquille, situé au pied d'une chaîne montagneuse, à quelques dizaines de kilomètres de la Méditerranée. En fin de matinée on y apprend les tueries policières de Sétif. Les nouvelles se répandent vite parmi la population de Kherrata. Les Européens prennent peur, l'administrateur colonial leur distribue des armes et ils se planquent dans une forteresse. Tandis qu'on donne l'ordre au crieur public d'annoncer le couvre-feu, celui-ci au contraire parcourt tous les villages à l'entour en appelant la population musulmane à se rassembler à Kherrata.

Ce sont 10.000 personnes qui vont arriver durant la nuit à Kherrata. Dès l'aube du 9 mai, une grande agitation règne au centre de Kherrata grouillant de monde. Les Musulmans sachant que les Européens étaient armés, et prêts à les tuer, se sont rassemblés pour envisager comment se défendre. Certains ont coupé les lignes téléphoniques, et d'autres ont cherché des armes au tribunal et dans trois maisons, qui furent incendiées. L'administrateur colonial et le juge de paix furent tués. Les 500 Européens qui étaient dans la forteresse tirèrent alors sur la foule déchaînée qui traversait le village avec des drapeaux algériens, tandis qu'on entendait les "you-you" des femmes.

Même s'ils avaient une grande conscience révolutionnaire, beaucoup parmi les insurgés algériens ne savaient pas quoi faire. Pour savoir comment réagir, ils se sont alors rassemblés dans la montagne à Bouhoukal, mais l'armée française était déjà en marche. Le peu de monde qui avait des fusils se mit en groupes dans les gorges et à l'entrée de Kherrata pour retarder l'arrivée des gendarmes et des troupes. Mais dans cette révolte, qui allait vite être étouffée par l'armée, il n'y eu en tout et pour tout sur ce secteur que 10 morts et 4 blessés parmi les militaires et les Européens.

Vers midi, les automitrailleuses de l'armée française se mettent à tirer de loin sur les populations de Kherrata et des villages avoisinants, suivi de près par les tirs impressionnants du bateau-croiseur Duguay-Trouin sur les crêtes des monts de Babor, et l'après-midi c'est l'aviation qui bombardait les environs. Bombardements, tirs nourris et fusillades firent que plusieurs milliers d'Algériens furent massacrés. Vers 10 heures du soir, la légion étrangère franchissait les gorges et arrivait au village complètement vidé de ses habitants musulmans.

Un des plus atroces massacres coloniaux de la part de la France

Suite aux assassinats d'Algériens à Sétif et à Guelma, des groupes d'indigènes avaient, dans leur repli, riposté en tuant des Européens. S'en suit une répression extrêmement violente dans les rues et les quartiers de ces deux villes importantes, alors que la presse française parle abusivement de terrorisme algérien. Pendant une semaine, l'armée française, renforcée par des avions et des chars, se déchaîne sur les populations de la région et tue sans distinction. À la colère légitime des Algériens, la réponse du gouvernement français, dans lequel se trouve, mais oui, le PS et le PC, aux côtés de de Gaulle, ne s'est, en tout cas, pas fait attendre en mobilisant toutes les forces de police, de gendarmerie, de l'armée, en envoyant des renforts de CRS et de parchuttistes, et même en recrutant des miliciens, qui ne se gênent pas de fusiller des Algériens de tous âges et sans défense.

De Sétif, la répression sanglante s'est généralisée. Elle allait toucher tout le pays durant tout le mois de mai. L'Algérie s'embrasait sous les feux brûlants du printemps 1945. Le général Weiss, chef de la cinquième région aérienne, avait ordonné le 13 mai le bombardement de tous rassemblements des indigènes sur les routes et à proximité des villages.

Kateb Yacine, écrivain algérien, alors lycéen à Sétif, écrit : « C'est en 1945 que mon humanitarisme fut confronté pour la première fois au plus atroce des spectacles. J'avais vingt ans. Le choc que je ressentis devant l'impitoyable boucherie qui provoqua la mort de plusieurs milliers de musulmans, je ne l'ai jamais oublié. Là se cimente mon nationalisme. »
« Je témoigne que la manifestation du 8 mai était pacifique. En organisant une manifestation qui se voulait pacifique, on a été pris par surprise. Les dirigeants n'avaient pas prévu de réactions. Cela s'est terminé par des dizaines de milliers de victimes. À Guelma, ma mère a perdu la mémoire...
On voyait des cadavres partout, dans toutes les rues. La répression était aveugle ; c'était un grand massacre. »

Dans les localités environnantes à Sétif, Ras El Ma, Beni Azziz, El Eulma, des douars entiers furent décimés, des villages incendiés, des dechras et des familles furent brûlées vives. On raconte le martyre de la famille Kacem. Korrichi, son fils Mohamed et son frère Nouari furent torturés et tués à bout portant...
Les légionnaires prenaient les nourrissons par les pieds, les faisaient tournoyer et les jetaient contre les parois de pierre où leurs chairs s'éparpillaient sur les rochers...

L'armée française avait planifié l'extermination de milliers d'Algériens. Pour mettre à exécution leur dessein les soldats français avaient procédé au regroupement de toutes les populations avoisinant les côtes-est de Béjaïa à Bordj Mira en passant par Darguina, Souk El-Tenine et Aokas. Toutes les populations de ces régions étaient forcées de se regrouper sur les plages de Melbou. L'occupant n'avait en tête que la liquidation physique de tout ce beau monde. Des soldats armés faisaient le porte-à-porte à travers la ville de Sétif et certaines régions environnantes, et obligeaient hommes, femmes et enfants à sortir pour monter dans des camions.

Dès lors, des camions de type GMC continuaient à charger toute personne qui se trouvait sur leur passage. Le convoi prenait la direction de Kherrata. Les habitants de cette autre ville historique n'allaient pas échapper à l'embarquement qui les menait avec leurs autres concitoyens de Sétif, vers le camion de la mort. Les milliers d'Algériens furent déchargés depuis les bennes des camions au fond des gorges de Kherrata. L'horreur n'était pas terminée pour ces pauvres « bougnouls » comme aimaient les surnommer les colons français. Des hélicoptères dénommés « Bananes » survolaient les lieux du massacre pour achever les blessés. Une véritable boucherie humaine allait permettre, plus tard, aux oiseaux charognards d'investir les lieux.

Avec la venue de l'été, la chaleur monte... et l'odeur de la mort. Vers Guelma, faute de les avoir tous enterrés assez profond ou brûlés, trop de cadavres ont été jetés dans un fossé, à peine recouverts d'une pelletée de terre. Les débris humains sont transportés par camion. Le transport est effectué avec l'aide de la gendarmerie de Guelma pendant la nuit. C'est ainsi que les restes des 500 musulmans ont été amenés au lieu dit "fontaine chaude" et brûlés dans un four à chaux avec des branches d'oliviers.

Alors que l'on sait que ce sont en tout 102 Européens ou militaires qui ont été tués, et 110 blessés, à ce moment-là, en riposte aux tueries des autorités françaises, malgré un minutieux travail de recherches, il est aujourd'hui absolument impossible de savoir le nombre exact d'assassinats perpétrés par la France parmi les Algériens. Tout a été fait pour que cet énorme massacre soit le plus possible dissimulé à l'opinion publique. On peut estimer cependant qu'il y a eu à ce moment-là plusieurs dizaines de milliers de blessés algériens, pas loin de cent mille. Selon l'armée américaine cet énorme massacre de la France de de Gaulle, par l'armée française, la police et les miliciens, aurait fait 45.000 morts. C'est le chiffre, qui peut sembler peut-être vraisemblable, retenu officiellement désormais par les Algériens.

Dans la matinée du fatidique 8 mai, en guise de riposte à cette manifestation pacifique, la police ouvrit le feu... Plusieurs d'entre acteurs et témoins encore en vie sont ainsi soumis à la souffrance du souvenir et le devoir de dire ce qu'ils ont vécu, vu, entendu dire et se dire. Ils craignent pour la postérité, l'amnésie.

Parler à Sétif du 8 mai 1945 rend obligatoire la citation de noms-phares : Abdelkader Yalla, Lakhdar Taârabit, Laouamen dit Baâyou, Bouguessa Askouri, Gharzouli, Rabah Harbouche, Saâd Saâdna, Miloud Begag, Saâdi Bouras, Benattia, le Dr Hanous, le Dr Saâdane, Bachir Ibrahimi, et beaucoup d'autres que seul un travail sérieux institutionnel pourrait les lister et en faire un fronton mémorial.

Le 8 mai 1945, un des plus atroces massacres coloniaux est perpétré par cette France fraîchement libérée. Et, à Sétif en Algérie, où est organisée une manifestation pacifique indépendantiste par les militants du PPA (Parti Populaire Algérien), le gouvernement français envoie l'armée, sous le commandement du général Duval. Dans une répression violente contre la population civile, des navires de guerre tirent et l'aviation bombarde la population de Sétif. 10.000 soldats sont engagés dans une véritable opération militaire. Ils sont issus de la Légion étrangère, des tabors marocains, des tirailleurs sénégalais et algériens. En outre, des milices se forment sous l'œil bienveillant des autorités, et se livrent à une véritable chasse aux émeutiers. Le général Duval déclare que « Les troupes ont pu tuer 500 à 600 indigènes. » Le nombre de victimes est aujourd'hui estimé à au moins 30.000 morts.

Le drame est passé inaperçu dans l'opinion métropolitaine. Le quotidien communiste L'Humanité assure alors que les émeutiers étaient des sympathisants nazis ! Il faudra attendre le 27 février 2005 pour que, lors d'une visite à Sétif, M. Hubert Colin de Verdière, Ambassadeur de France à Alger, qualifie les « massacres du 8 mai 1945 de tragédie inexcusable. » Cet évènement constitue la première reconnaissance officielle de sa responsabilité par la République française.

Pourtant, en ce jour de commémoration de la liberté, de la fin du joug nazi, pas un mot ne sera dit sur ce massacre de la France coloniale. Rappellons qu'il en est d'autres (Madagascar 1947, Paris le 17 octobre 1961, Alger le 26 mars 1962...). Cette France qui fait teinter ses médailles aujourd'hui, à coup de célébrations idéologiques, continue de pratiquer le déni historique sur ses propres crimes.

Aujourd'hui seront rapellés la barbarie nazie et les crimes de Vichy.
Aujourd'hui seront oubliés les crimes coloniaux, ou encore le fait que les derniers camps de concentration en France pour Tziganes n'ont fermé qu'en 1946, que Papon n'a jamais été inquiété pour les crimes qu'il a commis en tant que préfet de la Ve République, la nôtre.

Les crimes commis par la France sont structurels. Non Nicolas, cette France-là nous ne l'aimons pas.

sources :

  • livre de Boucif Mekhaled Chroniques d'un massacre 8 mai 1945 Sétif Guelma Kherrata (1995, Syros, au nom de la mémoire)

Voir aussi sur le même sujet : Paul Aussaresse, un serviteur de l'état

08.05.2024 à 11:53

88 étudiant•es de La Sorbonne interpellé•es : rassemblement à 13h à Hôtel de Ville pour leur libération !

‼️⛓️‍💥 88 étudiant•es de La Sorbonne interpellé•es : rassemblement à 13h à Hôtel de Ville pour leur libération !

À l'issue d'une violente répression, près de 88 étudiant•es ont été interpellé•es hier soir à la Sorbonne et dans Paris, alors qu'ils occupaient un amphithéâtre contre le génocide à Gaza. Selon nos informations, ils sont détenus dans plusieurs commissariats de Paris. Nos organisations et collectifs exigent leur libération immédiate, sans aucune poursuite !

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‼️⛓️‍💥 88 étudiant•es de La Sorbonne interpellé•es : rassemblement à 13h à Hôtel de Ville pour leur libération !

À l'issue d'une violente répression, près de 88 étudiant•es ont été interpellé•es hier soir à la Sorbonne et dans Paris, alors qu'ils occupaient un amphithéâtre contre le génocide à Gaza. Selon nos informations, ils sont détenus dans plusieurs commissariats de Paris. Nos organisations et collectifs exigent leur libération immédiate, sans aucune poursuite !

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