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Rubrique «À LIRE AILLEURS»

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25.07.2024 à 16:00

Exposition JO2024 au musée de l'histoire de l'immigration : "Olympisme, une vision coloniale du monde ».

Le 11 juin 2024 a eu lieu au musée de l'histoire de l'histoire de l'immigration, un colloque international sous le haut patronage d'Emmanuel Macron dans le cadre de l'exposition « Olympisme, une histoire du monde » avec présence annoncée de la secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville. Nous étions un collectif de syndicalistes et militant.es associatifs à nous être rendu à la table ronde « Héritage et patrimoine des Jeux Olympiques » pour rappeler un certain nombre de réalités éludées dans cette exposition et nos doutes sur l'indépendance critique de l'institution : les animateurs du colloque ont commencé à nous hurler dessus, le micro nous a été coupé. Des personnes ont été scandalisés qu'on puisse entrer dans un musée avec une casquette, notre lecture de texte a été qualifié d'attentat militant, un fourgon de police était présent à la sortie.

Texte intégral (1922 mots)

Le 11 juin 2024 a eu lieu au musée de l'histoire de l'histoire de l'immigration, un colloque international sous le haut patronage d'Emmanuel Macron dans le cadre de l'exposition « Olympisme, une histoire du monde » avec présence annoncée de la secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville. Nous étions un collectif de syndicalistes et militant.es associatifs à nous être rendu à la table ronde « Héritage et patrimoine des Jeux Olympiques » pour rappeler un certain nombre de réalités éludées dans cette exposition et nos doutes sur l'indépendance critique de l'institution : les animateurs du colloque ont commencé à nous hurler dessus, le micro nous a été coupé. Des personnes ont été scandalisés qu'on puisse entrer dans un musée avec une casquette, notre lecture de texte a été qualifié d'attentat militant, un fourgon de police était présent à la sortie.

Enregistrement de l'intervention au colloque

Madame la secrétaire d'État à la citoyenneté et à la ville, mesdames et messieurs les intervenant.es à ce colloque au musée de l'immigration, voici quelques remarques. D'abord le titre de l'exposition « Olympisme, une histoire du monde ». Nous vous proposons de le remplacer par « Olympisme, notre vision coloniale du monde ».

Amara Dioumassy, Maxime Wagner, Jérémy Wasson, Joao Baptista Fernandez, Abdoulaye Soumahoro, Seydou Fofana.

Travailleurs de la construction, immigrés ou descendants de l'immigration post coloniale, ils ont perdu la vie sur les chantiers du Grand Paris qui ont remodelé la ville en vue des Jeux Olympiques et paralympiques 2024.

Dimanche prochain, nous commémorerons les 1 an de la mort d'Amara, suite à de graves manquements à la sécurité sur le chantier du bassin d'Austerlitz destiné à rendre la Seine baignable pour les JO. Dans quelques jours, Madame Hidalgo se baignera dans une eau teintée du sang d'Amara. Ses orphelins seront-ils pris en charge par la mairie ?

Justice et dignité pour Amara et toutes les victimes du travail

Si les athlètes racisés sont mis en valeur dans cette exposition, quid de tous les travailleurs et travailleuses immigrées, sans papiers, qui ruinent leur vie et leur santé pour rendre cet événement possible ?

Est-ce que la mort d'un ouvrier africain vaut une médaille ? Non, parce que nous vivons dans un État colonial.

Que dire de la division raciale du travail qui soumet les Noirs, les Arabes et les Turcs aux métiers les plus durs, les plus dangereux, les plus mal payés, dans des entreprises de sous-traitance dont certaines relèvent de la traite d'être humain : construction, déchets, nettoyage, restauration, sécurité privée : si ces travailleurs décident de s'arrêter, il n'y aura pas de Jeux Olympiques à Paris.

Est-ce que les donneurs d'ordre imposent aux patrons délinquants de respecter le droit du travail ? Non, parce que nous vivons dans un État colonial.

Le 17 octobre dernier, les travailleurs sans papiers et leurs soutiens ont occupé le chantier de l'Arena, et 630 sans papiers de tous les secteurs, de la restauration au nettoyage, ont entamé une grève pour leur régularisation.

Pas de papiers, pas de JO

Est-ce que tous ces salariés ont été régularisés ? Non, parce que nous vivons dans un État colonial.

Au contraire, la loi immigration réduit les conditions d'accès aux papiers, foule aux pieds le droit du sol. Cette loi ne facilite en rien les régularisations par le travail car l'arbitraire des préfets est renforcé sans aucune garantie pour les travailleurs sans papiers. Parmi ces salarié.es, il y aura ceux qui assureront votre sécurité, ceux qui laveront vos verres pendant la fête.

Est-ce que les demandeurs de titre de séjour peuvent déposer leur dossier dans le respect du droit ? Non, parce que nous vivons dans un État colonial.

Pour la construction du village des athlètes, les résidents d'un foyer d'immigrés ont été expulsés. Aujourd'hui même, un campement de familles à la rue, en majorité immigrée, se tient à Bastille ; des centaines de mineurs isolés déambulent dans les rues avec la flamme des oubliés pour demander logement et protection, loin de la flamme raciste et classiste promue par Pierre de Coubertin.

Pas de logement, pas de JO

Madame la secrétaire d'État à la ville, que répondez vous à ces jeunes et ces familles qui demandent le respect de leurs droits ? Vous ne répondez rien, parce que vous êtes un des rouages de l'État colonial.

Preuve en est, les fameux jeux olympiques populaires, destinés aux jeunes des quartiers, mais surtout pas ceux du 93, invités à quitter le département pendant la fête.

Franz Fanon définissait le fascisme comme la colonisation à l'intérieur du pays colonial. La façon dont sont traités les habitants des quartiers populaires est la preuve d'un fascisme en marche, corroboré par le dernier résultat aux élections européennes.

Suite au meurtre de Nahel par la police et aux révoltes qui ont suivi, vous avez soutenu l'expulsion des familles de révoltés des HLM. Enfants de l'immigration post coloniale, l'État leur réserve un traitement particulier, au mépris du droit fondamental au logement et à la protection des mineurs.

Jetteriez vous à la rue une famille de blancs d'un quartier de centre ville si l'un des enfants commettait un délit ? Non, parce que vous êtes un rouage de l'État colonial.

La répression qui s'est abattue sur Nahel et ses semblables, s'abat aujourd'hui sur toutes les voix dissonantes. Ce matin, Kamel Brahmi, le secrétaire de la CGT 93, est passé au tribunal suite à un rassemblement du secteur de l'éducation qui dénonçait dans une banderole les 8 milliards d'euros dépensés dans les JO alors que les enfants des quartiers populaires n'ont pas de chauffage à l'école. Amnesty international s'inquiète du niveau de répression et de la brutalité de la police en France. On ne compte plus les atteintes au droit fondamental de se rassembler ou de manifester sur le sujet des JO.

Est-ce que ces critiques inquiètent votre ministre de tutelle, auquel est aussi rattaché ce musée de l'immigration, Gérald Darmanin ? Non, parce que la police française est une police coloniale.

Pour s'en convaincre, regardons les colonies : la flamme olympique ne passera pas par la Kanaky : pour mater la contestation liée au dégel du corps électoral, géré par la loyaliste Sonia Backes, qui vous a précédée sur le poste de secrétaire d'État à la citoyenneté, le raid, la CRS 8 et le GIGN ont été déployés, l'état d'urgence décrété comme en Algérie, des manifestants sont abattus. Des kanak sont traités de cafards par des milices armées. L'opération militaire de décasage à Mayotte, le racisme environnemental en Guadeloupe avec le chlordécone, l'inégal accès à l'eau, montrent que nous sommes encore au temps des colonies.

Indépendance de la Kanaky

Le 7 juillet prochain, 30 000 forces de police seront affectées dans la capitale pour assurer la sécurité des JO. Ce sera aussi la date du second tour des législatives. Il est probable qu'elles soient utilisées pour mater des protestations à l'annonce des résultats. Quid de la démocratie en France ?

Le soutien inconditionnel de la France à l'État colonial et génocidaire d'Israël est marquée par le refus d'entendre les appels au boycott des JO qui fleurissent sur les réseaux sociaux et dans les manifestations.

Boycott Israël ! Solidarité avec les athlètes et le peuple palestinien !

Animateurs de l'exposition, vous avez montré que l'histoire des JO est marquée par les mouvements sociaux et la situation politique. Si les critiques fusent jusqu'à l'édition chinoise de 2008, vous ne faites aucune mention des nombreuses contestations qui émaillent les JO de Paris 2024, et encore moins quand elles relèvent directement de la dénonciation du colonialisme français. On peut interroger votre indépendance critique pour une exposition qui promeut à la fois la Macronie et le CIO à travers les prêts du musée de Lausanne.

Est-ce parce que, en plus d'être sous la tutelle du ministère de l'intérieur, vous avez pour administratrice une proche de Bolloré et de la sphère politico médiatique d'extrême droite qu'il finance avec les millions du continent africain ?

Si cette dame trouve le bâtiment dans lequel nous nous trouvons – je cite – magnifique, elle ne déconstruit en aucune façon les fresques colonialistes qui le décorent. Ce musée est la lessiveuse du colonialisme d'État et du fascisme en marche, et vous faites partie du système.

Dans ce contexte, faut-il s'étonner que l'extrême droite soit aux portes du pouvoir ?

Justice pour Amara et toutes les victimes au travail

Pas de papiers pas de JO

Pas de logement pas de JO

Vive la Palestine, Vive la kanaky,

Il est fini le temps des colonies

24.07.2024 à 12:13

Contre-Cérémonie d'ouverture des JOP

C'est pourquoi nous, 82 organisations, organisons la veille, jeudi 25 juillet, notre Contre Cérémonie d'Ouverture place de la République de Paris à partir de 18h. Afin de donner la parole aux personnes qui ont été déplacées, violentées, réprimées par ces JOP !

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C'est pourquoi nous, 82 organisations, organisons la veille, jeudi 25 juillet, notre Contre Cérémonie d'Ouverture place de la République de Paris à partir de 18h. Afin de donner la parole aux personnes qui ont été déplacées, violentées, réprimées par ces JOP !

Le 26 Juillet aura lieu sur la Seine la très attendue Cérémonie d'Ouverture des Jeux de Paris 2024. Une fête qui sera le paroxysme d'un « capitalisme de fête » où tout le monde doit se réjouir pendant que les saccages (économique, sociale, écologique et démocratique) causées par l'organisation des JOP seront totalement invisibilisées.

C'est pourquoi nous, 82 organisations, organisons la veille, jeudi 25 juillet, notre Contre Cérémonie d'Ouverture place de la République de Paris à partir de 18h. Afin de donner la parole aux personnes qui ont été déplacées, violentées, réprimées par ces JOP !

Ce rassemblement sera aussi l'occasion par notre présence massive de montrer que ces Jeux sont tout sauf « populaires » et qu'à l'heure où notre planète brûle et le fascisme monte, il est fini de jouer.

23.07.2024 à 11:00

Sur la révolte en cours au Bangladesh

Les manifestations étudiantes au Bangladesh ont rapidement fait irruption dans l'actualité mondiale suite à la tournure émeutière prise par celles-ci le 15 juillet, et d'autres événements notables telles que les nombreuses images de policiers mis en difficulté, une évasion massive provoquée dans une prison du pays, ou le nombre monstre de manifestant.e.s dans la rue malgré une répression déjà meurtrière. Petit tour de vue par rapport à ce que l'on a pu trouver dans la presse et sur les réseaux, au soir du 21 juillet...

Texte intégral (2269 mots)

Les manifestations étudiantes au Bangladesh ont rapidement fait irruption dans l'actualité mondiale suite à la tournure émeutière prise par celles-ci le 15 juillet, et d'autres événements notables telles que les nombreuses images de policiers mis en difficulté, une évasion massive provoquée dans une prison du pays, ou le nombre monstre de manifestant.e.s dans la rue malgré une répression déjà meurtrière. Petit tour de vue par rapport à ce que l'on a pu trouver dans la presse et sur les réseaux, au soir du 21 juillet...

Publié en intégralité sur dingueries, avec de possibles mises à jour dans les jours à venir.

« Va-t'en Hasina », « Allez-vous dialoguer avec des cadavres ? » – tags à Dacca le 19 juillet

Le déclencheur : le retour de quotas controversés

Par une décision de la Cour suprême en juin, le gouvernement de la Première ministre Sheikh Hasina a rétabli le système de quotas dans les emplois publics, qui avait été suspendu en 2018 suite à la pression de manifestations. Ce système prévoit que 30 % des quotas limités soient réservés aux membres de la famille des héros de la guerre d'indépendance du Pakistan de 1971, laissant seulement 44 % des emplois basés sur le « mérite », c'est-à-dire les résultats aux concours. Les manifestant.e.s anti-quota revendiquent que seuls persistent les quotas pour les minorités ethniques et les personnes handicapées, qui leur réservent six pourcent des emplois gouvernementaux. Dans un contexte d'accès à l'emploi très difficile pour les jeunes, les emplois publics sont l'un des secteurs les mieux payés et les plus prisés du pays.

Une manifestation a lieu dès le 6 juin, lendemain de l'annonce de la Cour Suprême. Puis, au début du mois de juillet, des milliers d'étudiant.e.s de toutes les universités ont spontanément envahi les rues de Dacca, Chittagong et d'autres villes du pays. De l'université de Dacca à Jahangirnagar, en passant par Rangpur et Cumilla, les jeunes ont organisé des sit-in sur les principales avenues de la capitale qui compte 30 millions d'habitants. Le mouvement s'est rapidement étendu à d'autres villes, des universités de l'intérieur du pays s'y sont jointes ainsi que des lycées. Les étudiant.e.s refusent toute affiliation aux différents partis politiques, allant parfois jusqu'à demander l'exclusion de tout parti ou organisation étudiante liée à un parti, bien que toutes les organisations étudiantes, partis d'opposition et certains syndicats prennent part au mouvement. Récemment, le mouvement s'est aussi étendu aux habitant.e.s de certains quartiers et aux parents d'étudiant.e.s. Des manifestations ont eu lieu quasiment tous les jours du mois de juillet ; le 10 juillet les étudiant.e.s avaient par exemple bloqué un axe majeur de la capitale ainsi qu'une place aux abords d'un commissariat, occupant cette dernière pendant plusieurs jours.

Les manifestations ont tourné à l'émeute à partir du lundi 15 juillet. Dans de nombreuses universités du pays, des étudiant.e.s de la Ligue Chhatra, aile étudiant du parti au pouvoir la Ligue Awami, ont attaqué les étudiant.e.s anti-quota, souvent avec la collaboration de la police. Des affrontements ont eu lieu un peu partout à coup de jets de pierres, de bâtons et de barres de fer, les étudiant.e.s anti-quota usant du nombre pour repousser les attaquant.e.s. A la suite, les affrontements ont continué un peu partout dans la capitale : les manifestant.e.s y ont par exemple bloqué un axe majeur pendant plus de quatre heures, près de l'ambassade des États-Unis, y affrontant les forces de police – un bilan donnera plus de 15 flics blessé.e.s dans la seule capitale, 6 manifestant.e.s tué.e.s et plus de 500 autres blessé.e.s.

Des voitures incendiées sur une avenue de Dacca

Suite à des déclarations très mal accueillies de la première ministre en début de semaine, les manifestations ont continué à s'intensifier.

La police fortement prise pour cible...

Depuis, les manifestant.e.s continuent de prendre la rue chaque jour, en dépit des interdictions et déploiement de force de la police, affrontant ceux-ci durant de nombreuses heures un peu partout dans le pays tout en bloquant des axes routiers et ferroviaires majeurs (on dénombrera par exemple plus de 26 points de blocage à Dacca dès le 16 juillet). De nombreuses voitures et motos sont incendiées dans toutes les rues, même après la promulgation du couvre-feu, avec par exemple une rame de métro incendiée le 20 juillet à Dacca. Quelques jours plus tôt, le mercredi, c'était un péage qui était incendié, suivi d'une station de métro entière ravagée par les flammes le jeudi, de 26 bus le vendredi ou encore de trains le dimanche.

A de nombreuses reprises, les manifestant.e.s ont pu prendre le dessus sur les policiers, poursuivant ceux-ci dans les rues jusqu'à les faire retourner au poulailler, faisant de nombreux blessés parmi leurs rangs. On décompterait ainsi 15 flics blessés le mardi 16 (dont un mort à Rangpur), 104 policiers blessés le jeudi 18, 150 envoyés à l'hôpital le vendredi 19 (et 150 autres légèrement blessés). Deux flics auraient été battus à mort le vendredi. Samedi 20 juillet, la police de Dacca annonce un flic mort et 267 autres blessés. Le lendemain, 4 nouveaux policiers sont tués à Narsingdi et plus de 70 blessés.

Un officier de police est battu par la foule lors d'un affrontement entre les partisans anti-quotas, la police et les partisans de la Ligue Awami dans le quartier de Rampura à Dacca, au Bangladesh, le 18 juillet 2024.

Le jeudi 18, des manifestant.e.s vont ainsi poursuivre des policiers en fuite jusqu'à ce que ceux-ci se réfugient dans les bureaux à Dacca de la télévision publique Bangladesh Television. Iels vont alors mettre le feu au bâtiment, ainsi qu'à des dizaines de véhicules garés devant et dans l'enceinte, forçant la télévision à passer hors ligne le lendemain d'une allocution de la première ministre. Le même jour, des hélicoptères avaient dû aller secourir une soixantaine de flics coincés sur le toit du bâtiment de l'Université Canadienne, une université privée où d'intenses affrontements avaient eu lieu et où les manifestant.e.s avaient pris l'avantage.

On décompte aussi 50 kiosques de polices (des points de contrôle pour la circulation) incendiés rien que le jeudi et de nombreux autres à chaque manifestation successive, de nombreux véhicules de flics vandalisés voir incendiés, plusieurs postes de police incendiés ou vandalisés. Des blindés des flics et paramilitaires sont attaqués de toute part, forcés de fuir. L'un est incendié quelques minutes après que des dizaines de flics s'en soient échappés le jeudi 18. Le même jour, un véhicule de police qui venait de foncer dans la foule est complètement ravagé de tous les côtés, le policier à l'intérieur est tabassé et caillassé.

Des manifestants courent dans plusieurs sens au milieu de nuages de gaz lacrymogène, un manifestant au premier plan (habillé d'un foulard rouge cachant le bas de son visage) lance un projectile.

Dès le 16 juillet, le poste de police de la zone du Laboratoire Scientifique était vandalisé, celui de Jatrabari le 17, puis c'est au tour du bureau du commissaire adjoint de la police routière de Rampura de prendre feu le 18. Le lendemain, le commissariat de Rampura était lui aussi pris d'assaut pendant deux heures, où les manifestant.e.s ont vandalisé un fourgon de police, incendié une moto, et mis en fuite les flics. Le même jour, c'était le bâtiment du PBI (Police Bureau of Investigation, une unité spéciale chargée d'enquêter sur les crimes) qui partait en fumée à Dacca. Dans la nuit suivante, du vendredi au samedi, des milliers de personnes ont assiégé une base de la police à Rangpur, incendiant aussi dans la journée le poste de police de Tahjat, le bureau de la Branche Détective de la police (impliquée dans de nombreux meurtres policiers dans le pays), le bureau du commissaire adjoint ou encore pillant et incendiant les véhicules policiers qui étaient garés devant un commissariat. Dans la journée du samedi, des milliers d'autres ont attaqué l'immeuble de la police routière à Narayangani, incendiant une partie de celui-ci et forçant 34 policiers retranchés dedans à se faire évacuer par hélicoptère. Dans la même journée, le commissariat de Mohammadpur (Dacca) est encerclé, le poste de police de Jalalabad est incendié à Sylhet (une ville au nord-est du pays), les domiciles privés de policiers sont fouillés et attaqués.

23.07.2024 à 10:00

Ni petrole ni nucléaire

Sans bruit les nouvelles voitures creusent le désastre écologique
Sans bruit les feux qui leur répondent doivent couver sous la glace
en attendant voici quelques amuses-gueules efficaces
Assemblage non-exhaustif d'actions contre la voiture électrique !

Texte intégral (691 mots)

Sans bruit les nouvelles voitures creusent le désastre écologique
Sans bruit les feux qui leur répondent doivent couver sous la glace
en attendant voici quelques amuses-gueules efficaces
Assemblage non-exhaustif d'actions contre la voiture électrique !

En 2021, une loi « Climat et résilience » impose la mise en place des ZFE (zones à faible émission) en France, qui devaient s'instaurer progressivement dès le début de l'année 2022. C'est une mesure qu'on retrouve partout en Europe devant le nouveau slogan illusoire de la décarbonation, axe prioritaire de la « transition écologique » du capitalisme, pour réconforter d'un côté la classe moyenne et son éco-anxiété, de l'autre les industriels qui misent sur l'électrique pour redorer leur courbe de croissance. Que ce soient les géants de l'énergie Total et EDF, les industries automobiles Tesla et Ionity, ou bien les start-up qui pullulent comme Powerdot, Electra, ZePlug 1, Driveco ou FastNed, tous s'arrachent ce nouveau marché qui est le plus concurrentiel d'Europe 2. En 2023, le gouvernement français annonce 200 millions d'euros supplémentaires pour accélérer le déploiement des bornes de recharge pour rester premier dans la course. Mais pourtant, les politiques hésitent devant le casse-tête que cela représente avec le spectre qu'une révolte sociale Gilet Jaune reparte de cette discrimination au transport. Comment faire des contrôles sans tripler les radars et agents verbalisateurs, comment légiférer sur les zones d'exclusion alors que la main d'œuvre du bâtiment ou des services à la personne n'aura pas les moyens de changer de véhicule en temps voulu ? L'objectif est bien de sortir, dans un premier temps, les vieux diesels de la circulation des centres-villes, dans la même logique de gentrification qui dégage les plus précaires à l'extérieur des villes.
Nous avons recueilli ici quelques actions qui prennent position contre cette restructuration en cours.
Ces prochaines années, l'économie française base sa pleine santé sur le marché de la « transition » énergétique, qui n'est que le nom de la nouvelle accumulation capitaliste. Et nous saluons ce qui peut essayer d'entraver l'essor toujours renouvelé du capitalisme sous nos regards déconfis.
Pour faire passer cette énorme opération économique, les gouvernements et les entreprises se targuent d'écologie en promouvant un marché à bas carbone. Mais c'est seulement une autre manière de détruire. Il faut des terres rares donc des mines. Il faut de l'électricité, donc du nucléaire et toujours plus de charbon, et des énergies renouvelables qui s'additionnent. La course aux matières premières, qu'elles soient en France, en Europe ou ailleurs, est en marche depuis bien longtemps. Et toujours autant de déchets, sur les ruines que produisent ces industries.
Non pas que nous défendions le pétrole, mais la voiture électrique est ce sur quoi mise le marché pour se reproduire et créer indéfiniment de nouveaux besoins. Et ce n'est pas le capitalisme qu'ils soit en transition ou pas qui sauvera ce qui nous entoure, ni ces bornes qui ne rechargent que la fuite en avant.

21.07.2024 à 18:30

Retour et perspectives de la séquence électorale - AG Antifa Paname

Texte de retour et de perspectives sur la séquence électorale et les premiers mois de l'AG Antifa à Paris

Texte intégral (2017 mots)

Texte de retour et de perspectives sur la séquence électorale et les premiers mois de l'AG Antifa à Paris

Retour et perspectives de la séquence électorale.

Dimanche 9 juin dernier, après la montée en flèche du RN aux dernières élections européennes, Macron décide de dissoudre l'Assemblée nationale et déroule le tapis rouge aux héritiers de la collaboration et du fascisme à la demande de Jordan Bardella. La stupeur et l'effroi s'emparent d'une partie de la population face à l'accélération de la menace d'un gouvernement RN. À cette annonce se succèdent à Paris trois soirs de rassemblements Place de la République suivis de manifestations sauvages, parfois combatives et offensives.

La sonnette d'alarme est tirée de toute part et la menace agitée du « fascisme aux portes du pouvoir » est utilisée pour justifier l'union électorale des forces progressistes et républicaines. Oublions le rôle historiquement contre-révolutionnaire de la gauche, nous serions dans le même camp : celui de la démocratie, de la République, du Nouveau Front Populaire.

Face au sentiment d'urgence et saisis par la nécessité de faire entendre une autre voix face aux chantres de la compromission, il nous est paru primordial de relancer l'Assemblée antifasciste. Relancer, car cette assemblée n'est pas nouvelle. Lancée en janvier dernier, alors que des groupes fascistes prenaient la rue suite aux évènements de Crépol, l'AG antifasciste s'était alors organisée dans la séquence de la loi immigration puis contre un meeting de Marion Maréchal et Zemmour pendant les élections européennes.

Il s'agissait cette fois-ci de faire exister une force antifasciste auto-organisée dans une perspective d'interventions, sans se raconter d'histoires quant au devenir prétendument émancipateur d'un cartel électoral de gauche. La victoire à la Pyrrhus de la gauche aux élections législatives n'est pas et ne sera jamais la nôtre. Non seulement elle se fait dans le cadre d'une percée historique du RN mais aussi, elle n'est finalement qu'un retour du parti qui a créé les CRA, tué Rémi Fraisse et réprimé le mouvement contre la loi travail. On ne peut donc pas attendre de la gauche d'endiguer une tendance historique réactionnaire, autoritaire et fascisante qui trouve son origine dans la crise du capitalisme et de sa mondialisation. En revanche, nous n'en attendons que le renforcement de l'autorité de l'État et du contrôle par ses institutions.

De l'autre côté, il s'agissait également de ne pas laisser la lutte antifasciste à des spécialistes et de refuser le mot d'ordre martelé durant toute la séquence électorale appelant a être « la rue du front populaire ». Cette stratégie conduit à empêcher les tentatives de débordements comme lors de la manifestation du 15 juin dernier par des pratiques policières - en empêchant activement des personnes qui cassent ou en restant volontairement à distance. La rue du NFP cherche à conserver l'hégémonie de l'antifascisme, quitte à se dissocier de camarades.

Après la dissolution de l'Assemblée nationale, l'AG antifasciste s'est tenue à quatre reprises. La première assemblée a fait salle comble, plus de 400 personnes étaient présentes. Les suivantes ont réunies environ 200 personnes. Ces AG ont permis de révéler des conflits et d'affirmer des ruptures qui ont débouché sur plusieurs initiatives.

À la manifestation du 15 juin nous avons appelé à rejoindre le cortège de tête antifasciste. Nous avons par la suite organisé une manif-action contre la librairie Vincent. Organisée par le comité action de l'assemblée et appelée publiquement, l'action a permis à une cinquantaine de camarades d'atteindre la cible et de la redécorer sans aucune interpellation. L'attaque de cet espace de diffusion raciste, antisémite et réactionnaire a été une réussite de cette séquence.

Dans la semaine précédant le soir des résultats des élections législatives nous avons appelé à former un cortège solidaire combatif et autonome pour déborder le dispositif classique du discours de la gauche et les directives de leurs chefs, et à se déverser en nombre dans les rues parisiennes.

Malgré les tentatives de briser la classique nasse policière par des affrontements, des feux et une attaque de la caserne militaire de la Place de la République, l'ambiance restait à la célébration d'une victoire qui nous laisse un goût particulièrement amer. Quelle est cette victoire ? Les éternelles pitreries des partis de gauche, pendant que le gouvernement assume les affaires courantes et applique l'infâme loi Immigration par décret.

Que pouvons nous tirer de cette séquence de lutte ?

L'organisation collective et publique ne fait plus partie des pratiques qui vont d'elles-mêmes à Paris. Le bilan provisoire nous le montre : la constitution de la force que nous cherchons ne se fait pas en un jour, ni même en quelques semaines. Une des réussites de l'AG est notamment d'avoir mis en mouvement nombres de camarades isolées ou non-organisés. Nous pensons qu'il est crucial de faire vivre cet espace sur le temps long pour amplifier cette dynamique.

L'organisation collective ne s'arrête d'ailleurs pas aux assemblées publiques. Les rendez-vous où l'on se retrouve pour tracter, pour faire une banderole ensemble, pour élaborer du discours participent - tout autant que des actions ponctuelles - à la constitution d'une force politique.

Des comités locaux se sont mis en place à partir de cette assemblée. La métropole parisienne atomise nos forces dans la capitale et sa banlieue. Réduire l'échelle peut permettre d'agir plus efficacement, de nous rencontrer plus aisément mais aussi de ramener l'antifascisme dans notre quotidien et pas simplement lors d'évènements exceptionnels.

Le sérieux de la tâche qui se présente à nous peut paraître titanesque, et nous enfermer dans tous les discours défaitistes, légitimer toutes les compromissions et incohérences.

Nous faisons le pari inverse d'une organisation par nous-mêmes, solidaire et offensive. Il ne tient qu'à nous de faire advenir un monde désirable et de détruire ce qui nous nuit. N'attendons pas et commençons dès aujourd'hui.

Retrouvons nous dès maintenant dans les comités locaux et aux prochaines AG !

20.07.2024 à 09:00

20 juillet 2001 : Carlo Giuliani est tué par la police au contre-sommet du G8 de Gênes

Cet article revient sur le déroulé du contre-sommet du G8 de Gênes.
En pleine période altermondialiste ce contre-sommet marqua un tournant tant dans la répression de ce genre d'événement que dans l'histoire du mouvement.

Texte intégral (6328 mots)

Cet article revient sur le déroulé du contre-sommet du G8 de Gênes.
En pleine période altermondialiste ce contre-sommet marqua un tournant tant dans la répression de ce genre d'événement que dans l'histoire du mouvement.

Le contexte

En novembre 1999, à Seattle (USA) le sommet de l'Organisation mondiale du commerce est annoncé comme « historique ». Il doit sceller la puissance du capitalisme sur l'URSS tombée quelques années plus tôt. Mais le sommet officiel est très largement perturbé par des manifestant·e·s varié·e·s mais offensifs. C'est le début d'une nouvelle séquence de lutte qu'on appellera plus tard altermondialiste. Hétérogènes, ces manifestant·e·s s'opposent à l'ultralibéralisme, au changement climatique, à la spéculation financière et à la dette des pays émergents, et pour certains au capitalisme tout simplement. Un slogan relativement partagé de l'époque est « un autre monde est possible ».

En Europe, quelques contre-sommets significatifs sont organisés comme celui de Prague en septembre 2000 contre le Fonds monétaire international. Un mois avant Gênes, lors d'un sommet de l'Union européenne à Göteborg en Suède, un policier tire sur un manifestant et le blesse gravement. Le contre-sommet de Gênes arrive donc dans un contexte de montée en puissance de la contestation des règles du jeu des puissants. C'est tout à la fois une critique écologique, économique et politique des institutions qui (dé)régulent et gèrent le monde. Pour saisir aussi l'ambiance de l'époque il est alors globalement admis que les tactiques différentes de manifestations pouvaient « cohabiter » (non sans d'interminables polémiques stériles sur la violence et la non-violence) dans les mêmes rassemblements internationaux, à condition d'annoncer la couleur avant : « black », « pink », « rouge », « vert », etc.
Grâce à l'internet naissant, les groupes peuvent se coordonner comme jamais jusqu'ici.

Le contre-sommet de Gênes arrive aussi dans un contexte national particulier. En Italie, la répression contre les militants de la gauche radicale n'est pas encore un lointain souvenir et les années sanglantes du long Mai rampant ne se sont pas totalement estompées. [1]
Quelques mois avant le G8, Berlusconi arrive pour la première fois au pouvoir avec une coalition regroupant aussi de petits partis fascistes. Le sommet de Gênes semble être le parfait terrain pour un affrontement entre la gauche radicale italienne et la droite extrême de Berlusconi.

Dans les semaines qui précèdent le sommet, la tension monte en Italie et à Gênes en particulier. Plus les jours se rapprochent et plus l'occupation policière s'intensifie au point de mécontenter grandement les habitant·e·s. Les accords de Schengen sur la libre circulation des personnes en Europe sont levés. Les gares de Gênes sont fermées. Une zone rouge est dessinée dans les rues de la ville et matérialisée par une grille métallique de plusieurs mètres de hauteur. Cette zone est réservée au sommet officiel et aux résidant·e·s. Une grande zone jaune qui prend la moitié de la ville est interdite de toutes manifestations.

G8 genova map

Quelques jours avant le sommet, des colis piégés explosent dans des casernes. Des perquisitions se multiplient et les flics fouillent et menacent les personnes qui semblent être altermondialistes. L'État italien fait savoir par la presse qu'il a commandé 200 sacs mortuaires qui sont stockés dans une morgue de la ville… La veille de l'ouverture du Genoa Social Forum [2] la tension est grande.

Le contre sommet de Gênes

Le 19 juillet se déroule une manifestation unitaire de plusieurs milliers d'altermondialistes en soutien aux migrant·e·s. La consigne de ne pas faire déborder cette manifestation en raison de la présence de nombreux sans-papiers est respectée. De gros sound systems sont dans les rues sur le mode Reclame the street. [3] L'ambiance est festive, sans trop de présence policière. Des conteneurs ont été installés en travers de certaines rues pour compléter la grille de la zone rouge. La manif est un succès.

Le 20 juillet c'est la journée annoncée comme la plus offensive. Les groupes sont libres d'exprimer la diversité des tactiques de luttes. Il y a par conséquent plusieurs manifestations et rassemblements dans la ville ce vendredi. L'idée générale qui domine c'est de s'approcher au plus près de la zone rouge et de la prendre d'assaut si cela est possible.

Quelques pôles :

Les syndicats de bases autonomes, les Cobas, manifestent tout à l'ouest de la ville, loin des affrontements à venir.

Piazza Manin est un lieu de rassemblement autorisé ce 20 juillet à Gênes. Des militants non violents (genre chrétiens de gauches) tiennent un sitting sur la place à plusieurs centaines de mètres de la zone d'exclusion. Ils et elles ont les mains peintes en blanc.

Attac et cie se retrouvent devant la grille de la zone rouge à piazza Dante pour contester de manière pacifique et symbolique. Ils se feront tout de même repousser avec des lances à eau.

Le matin, un black bloc [4] regroupant plusieurs centaines de personnes occupe les rues du centre. Le black bloc semble délaisser la zone rouge et se concentre dans la zone jaune. Corso Torino, banques et symboles du capitalisme sont systématiquement attaqués. Des rues sont dépavées et les affrontements avec la police commencent. Des voitures sont incendiées, dont des voitures de police. Les affrontements sont cependant relativement épars et la police recule de nombreuses fois. En cours de journée, le black bloc se divise en plusieurs groupes dans la ville. Certains reviennent vers le centre de convergence dans le sud de la ville, d'autre s'affrontent à la mi- journée vers la gare de Brignolle. Une partie du bloc attaque une prison dans le nord de la ville avec des molotovs, puis il avance avec la police sur les talons en direction de la piazza Manin dans l'après-midi.

Au même moment, un pink bloc [5] de plusieurs centaines de personnes avec comme slogan « ni héros, ni martyres, ni machos » se faufile dans les rues au nord de la zone rouge et parvient par surprise à s'approcher des grilles piazza Corvetto. Vers 15h, des grappins prévus à cet effet sont lancés contre les grilles et les manifestant·e· tirent sur les cordes. Malheureusement ou très heureusement [6] les maillons de la grille lâchent avant les structures. La grille reste en place et la pression des lacrymogènes et des lances à eau se fait plus forte. Ce cortège reflue lui aussi en direction de piazza Manin dans un ordre relatif.

De l'autre coté de la ville s'élance l'immense cortège des tute bianche [7] et des désobéissants. Ce sont 15 000 à 20 000 personnes, dont plusieurs milliers équipés de boucliers en plexiglas, de mousse sur les avant-bras et de casques de moto qui part du stade Carlini à plus de 3km de la zone interdite de manifestation (la fameuse zone jaune). Le cortège est massif, déterminé, les sonos des camions lancent des « sans armes, sans pierres, sans bâtons ». Le cortège se veut offensif, mais dans une logique de désobéissance civile radicale. Aussi la stratégie retenue était de repousser les policiers le plus loin possible grâce à d'immenses barrières de plexiglas mobiles qui devaient servir de tampons entre les carabinieri et les manifestant·e·s.

Dans l'après-midi c'est déjà pas mal le chaos. Au nord de la zone rouge, la piazza Manin, seuls lieux autorisés pour un rassemblement et occupés par des pacifistes et des reliquats du pink bloc, se fait très violemment charger. Des personnes gisent dans des flaques de sangs. C'est un ballet d'ambulances incessant. Le black bloc qui avait traversé la place quelques minutes avant en provenance de la prison pour mineur de Marassi a continué son chemin et s'est dispersé plus loin sans oublier d'incendier nombre de voitures.

De l'autre côté, les désobéissants se font très violemment charger avec des camionnettes ou des blindés. Ils sont encore loin de la zone interdite, mais la police a décidé d'attaquer très tôt.
Dans un premier temps, le cortège encaisse. Mais sous les coups de pressions répétés (comprendre charges ultraviolentes) la tête commence à se désagréger et la colère à monter de plus en plus dans les cœurs des dizaines de milliers de manifestant·e·s. Il est clair que tenir l'assaut policier sans violence et sans pierres ne sera pas possible aujourd'hui. Alors la situation dégénère complètement.
Pendant des heures, ce sont des charges et des contres-charges. Via Tolemaide, des véhicules et une colonne de carabinieri doivent reculer dans la panique. Un militaire sort son arme de poing. Des véhicules militaires sont abandonnés, pillés puis incendiés. On verra des grenades lacrymos tirées en direction des policiers par des manifestants.

Du côté policier c'est la férocité en tous lieux. Les personnes qui ont le malheur de se retrouver à portée de matraques se font littéralement éclater. Hommes, femme, vieux ou jeunes : aucune pitié ! Des dizaines et des dizaines de personnes baignent dans leur sang, les sirènes d'ambulances sont constantes. Plusieurs personnes sont inconscientes au sol. Une sorte de « climat chilien » s'installe dans les rues. Le centre de convergence est attaqué, des blindés légers sont dans les rues. La situation en de nombreux points de la ville est incontrôlable. Depuis le matin, le bruit des hélicoptères de la police est permanent. Des centaines de personnes sont arrêtées dans la rue, ou à l'hôpital… Ces personnes sont emmenées dans des lieux réquisitionnés par la police, dont la sinistre caserne de Bolzaneto. [8]

Vers 17h, les combats de rues continuent. Déjà, des coups de feu ont été entendus. Une femme s'est fait renverser dans une charge de blindé, elle est dans le coma. La situation est confuse et le cortège principal des désobéissants a implosé dans le quartier du Corso Torino. Des membres du black block et d'autres tendances ont rejoint le cortège des désobéissants.
Lors d'une contre-charge de manifestant·e·s, une jeep des carabinieri se retrouve coincée et prise à parti par des émeutiers. À 17h26, Carlo Giuliani, génois de 23 ans, prend une balle en pleine tête tirée depuis l'arrière de la jeep. Il se fera par la suite rouler dessus par la jeep et laissé au sol piazza Alimonda. Il meurt sur le coup. [9]

Le soir, un calme relatif règne sur Gênes. Toute la ville est arrêtée, les bus sont coupés et c'est une ambiance de terreur dans la rue. Ceux et celles qui le peuvent se retrouvent au centre de convergence du Genoa Social Forum sur le front de mer. Tout le monde est choqué. Le stade Carlini où loge les tute bianche est encerclé. Des centaines de personnes passent la nuit au poste, la plupart seront copieusement tabassées et pour certaines torturées [10] par des carabinieri fascistes.
Tout le monde se demande comment la grande manifestation du lendemain va se passer.

Le 21 juillet, une manifestation unitaire monstre a lieu à Gênes. 200 000 à 300 000 personnes tentent de défiler comme elles le peuvent. En effet, la police va, dès le début, copieusement arroser le cortège de gaz lacrymogène. Un bon millier de personnes lui font face et lancent des projectiles au niveau du front de mer, là où se trouve le point de convergence des alters. Beaucoup scandent « assassini » en direction des policiers.

Puis c'est le délire. Après les provocations policières, c'est le gazage général de toute la manif et une charge extrêmement longue et brutale. La manif est coupée en deux. Une première partie continue sur le parcours officiel. L'autre moitié de la manifestation est chargée sans discontinuer avec parfois des blindés pendant de longues heures. Les manifestant·e·s de tout âge n'ont d'autres choix que de refluer. Les flics tabassent de sang-froid n'importe qui. Il y aura des centaines de blessés graves.

Le soir du 21 juillet, le centre média des altermondialistes situé dans l'école Diaz est pris d'assaut par 300 policiers qui défoncent les portes, matraquent encore sans vergogne la petite centaine de personnes présentes et détruisent méticuleusement le matériel de prise de vue et les ordinateurs.

Plusieurs dizaines d'entre elles partent sur les civières des urgences sous l'œil des caméras.
C'est une expédition punitive qui fait penser aux heures sombres des dictatures d'Amérique latine. [11]

Après le contre-sommet

Après ces jours tragiques, la tendance pour les « saigneurs du G8 » sera d'être moins ostensible. Les prochains sommets internationaux se réfugieront dans des stations de ski, des stations balnéaires (comme à Evian en 2003), de plus petites villes plus facilement contrôlables par les autorités. Les contres-sommets autorisés seront loin des centres de réunions officiels.
Cependant, l'image des « grands de ce monde » bunkerisés et en ruptures avec les populations ne se démentira jamais plus.

Le contre-sommet de Gênes a été un tournant pour le mouvement altermondialiste. Jusqu'à Gênes, la dynamique était avec les contestataires. Chaque sommet était l'occasion de se rencontrer, d'échanger des tactiques et expertises et d'approfondir la lutte. Une certaine candeur quant à la possibilité de changer le monde immédiatement est tombée ces jours de manifestation. Les événements nous ont rappelé que même dans un État dit « démocratique », la police et l'armée n'hésiteront pas à tirer sur la foule pour défendre les intérêts des puissants. La forme du contre-sommet aussi sera largement questionnée par la suite. Est-il pertinent de se retrouver à l'endroit choisi par l'adversaire avec une concentration de troupe à notre désavantage ? Ne suivons-nous pas le calendrier des puissants au lieu de fixer nos propres échéances ?
Malgré ces questions pas complètement résolues, la forme du contre-sommet a perduré comme le montre l'exemple récent du sommet contre le G20 d'Hambourg ou encore celui contre le G7 dans le Pays basque.

Pour en savoir plus :

  • Lire : Gênes multitudes en marche contre l'Empire Edition Reflex conçu par samizdat.net, Paris 2002
  • Regarder : Gênes juillet 2001, les droits bafoués
  • Regarder : Carlo Giuliani, ragazzo ; Un film de Francesca Comencini, 2002
  • Regarder : Don't Clean Up The Blood de Primitivi, 2001

[1] À ce sujet, lire par exemple La Horde d'or. La grande vague révolutionnaire et créative, politique et existentielle de Nanni Balestrini et Primo Moroni, l'Éclat (pour l'édition française), Paris, 2017.

[2] Le Genoa Social Forum (GSF) est une plateforme de coordination contre le G8. Elle regroupe beaucoup de tendances de la gauche italienne ainsi que des collectifs internationaux. Elle se dit ouverte à la « diversité des tactiques », mais exclut les actions violentes telles que l'émeute. Par conséquent la mouvance anarchiste et black bloc n'est pas représentée. C'est cette coordination qui sera en contact avec les autorités italiennes pendant toute la préparation et la tenue du contre sommet.

[3] Reclame the street est un groupe activiste anglais qui « inventa » la street party ou manifestive en français.

[4] Le black bloc n'est pas un groupe homogène de personnes, mais une tactique de manifestation offensive. Les participant·e·s s'habillent tou·te·s en noir pour se rendre anonyme.

[5] Le pink bloc à Gênes avait pour but de faire tomber le mur de la zone rouge sans employer les méthodes jugées virilistes des tute bianche. Le pink bloc était festif, radical, mais non violent. Il était composé de différentes tendances, dont des anarchistes, et de pas mal d'internationaux.

[6] Ce qui était envisagé par les manifestant·e·s c'était de pénétrer dans la zone rouge puis de se retirer tranquillement. Nous avons appris quelques mois plus tard que les ordres donnés ce jour-là étaient de tirer à balle réelle sur les personnes qui franchiraient la zone rouge.

[7] Les tute bianche sont appelés comme ça, car ils portent des combinaisons blanches jetables pour symboliser les « invisibles » ; s'anonymiser comme dans un black bloc, mais aussi pour signifier qu'ils n'ont rien à voir avec celui-ci. A Gênes, les tute bianche ont décidé d'enlever leur combinaison.

[8] Bolzaneto est une caserne à l'extérieur de Gênes où ont été amené·e·s de nombreux·ses manifestant·e·s. Particulièrement les personnes venant de l'assaut contre l'école Diaz, mais pas seulement.

Parmi les violences policières de la caserne de Bolzaneto :

  • Des manifestants sommés de chanter des chants fascistes sont insultés ;
  • Plusieurs ont dû rester des heures durant, les jambes écartées les bras tendus contre le mur ;
  • La plupart des manifestant·e·s arrêté·e·s ont été frappé·e·s à coups de matraque et giflé·e·s ;
  • Plusieurs manifestant·e·s ont été menacé·e·s de viol, ont été battu·e·s à coup de saucisson ou de matraque dans les parties génitales, d'autres à coup de poing, d'autres ont eu les côtes ou les bras fracturés, ont été brûlé·e·s à la cigarette ;
  • Plusieurs filles devaient tourner nues sur elles-mêmes sous les rires des policiers ;
  • Une jeune femme s'est vu retirer son piercing vaginal, malgré ses règles, devant cinq personnes.

Marco Poggi, un infirmier, a déclaré : « J'ai vu des détenus giflés, frappés à coups de poing ou de tête contre le mur. Pour certain·e·s, c'était un vrai lynchage. J'ai assisté à des choses que je croyais inimaginables. Pendant des jours, je me suis tu, puis j'ai fait la chose la plus juste… »
Lors du procès de mars 2008, sept ans plus tard, des peines pour un total de soixante-seize ans et quatre mois à l'encontre de 44 inculpés sont requises. Les policiers, carabiniers, agents pénitentiaires et médecins sont accusés d'abus de pouvoir, de violences privées, d'injures ou encore de coups.
En 2013, la Cour de cassation ne confirme que 7 condamnations.
Le 19 juillet 2017, le chef de la police italienne, Franco Gabrielli, déclare dans le journal La Repubblica que des manifestants ont été victimes d'« actes de torture » (source Wikipédia)

[9] L'affaire est classée sans suite par la justice italienne en 2003 en abandonnant toutes les charges contre Mario Placanica, le carabinier de 24 ans qui a tiré. La Cour européenne des droits de l'homme condamne l'Italie en première instance le 25 août 2009, pour des « manquements dans l'enquête sur la mort de Carlo Giuliani » et alloue « 15 000 euros aux parents de la victime et 10 000 à sa sœur ».
La même Cour a finalement acquitté l'État italien par un jugement définitif. En mars 2011, la Cour européenne des droits de l'Homme a en effet blanchi l'Italie de toute responsabilité dans la mort de Carlo Giuliani, « Le recours à un moyen de défense potentiellement meurtrier, tels des coups de feu, était justifié », estime dans son arrêt définitif la Cour de Strasbourg.(source Wikipédia)

[10] La Cour européenne des droits de l'homme a condamné l'État italien en avril 2017 pour torture lors de ce G8, notamment pour ce qui s'est passé à Bolzaneto.

[11] 60 personnes furent gravement blessées durant l'assaut policier. Plus de 90 furent embarquées par la suite. La police a reconnu par la suite que les cocktails molotovs retrouvés avaient été apportés par la police. Des policiers seront condamnés. En octobre 2017, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné l'Italie pour cas de torture à l'école Diaz

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