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UN ODIEUX CONNARD

Julien HERVIEUX

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21.10.2024 à 10:49

Fantôme, l’homme en slip du Bengale – Partie 2

Un odieux connard

Dans un précédent article, je me permettais de partager avec vous cette fabuleuse découverte qu’était la bédé Fantôme, l’homme masqué du Bengale. Vous y découvriez les aventures palpitantes d’un homme certes […]
Texte intégral (4242 mots)

Dans un précédent article, je me permettais de partager avec vous cette fabuleuse découverte qu’était la bédé Fantôme, l’homme masqué du Bengale. Vous y découvriez les aventures palpitantes d’un homme certes masqué, mais surtout en slip, qui poursuivait des braqueurs pour ensuite les laisser partir pour cause de mariage (si, si). Oui, Fantôme a un sens de la justice bien à lui. Et c’est pour cela qu’on l’aime.

Aussi, permettez-moi de poursuivre, car dans cette bédé, il n’y avait pas une aventure mais bien plusieurs. Oui : nous sommes gâtés.

Passons donc à la prochaine odyssée du slip le plus moite de la jungle : Révolte au Bengale.

L’armée crée un « mouvement d’opposition ». Mouvement principalement opéré par des chars d’assaut, donc.

Panique au Bengale : l’armée se soulève et commence à tout cramer, comme l’indiquent les flammes dans la case. Le docteur Lua nouvellement élu est, pardonnez mon jargon technico-politique, « dans la grosse merde ». Mais alors, comment réagit-il à la nouvelle de ses officiers qui sortent de leurs casernes avec soldats et tanks en hurlant « à bas la démocratie » ?

Il les manipule fort, puisqu’ils sont quand même en train de tout péter, hein.

Eh bien, en déclarant très sobrement « L’armée me cause du souci. »

Si vous avez à la main un mug alors que vous lisez ces lignes, videz-le, tendez-le vers votre écran et déclarez d’une voix forte « Pour l’euphémisme de l’année, docteur Lua, je vous remets cette coupe« . Vous me direz « Ce n’est pas une coupe, c’est un mug ». Oui, et figurez-vous que ce n’est pas un « souci », c’est un coup d’état. Donc pas d’inquiétude, on reste dans le thème.

Heureusement, pour sauver la démocratie, le docteur Lua sait vers qui se tourner : Fantôme.

Pour les dialogues, ne cherchez pas, ça n’a tout simplement aucun sens.

Fantôme, qui était donc tranquillement dans sa petite salle du trône personnelle à attendre le client.

Notez qu’aller chercher un type assis sur un trône pour aller sauver la démocratie, c’est, disons, cocasse. J’imagine bien les deux gardes du fond apprenant que c’est leur patron qu’on vient quérir pour sauver le résultat des urnes.

« Attendez m’sieur Fantôme, c’est quoi cette histoire de démocratie ? On a le droit de vote ici ? Il y a des élections pour votre poste bientôt ?
– N’y prête pas attention, Mamadou. C’est une histoire pour gens qui savent lire.
– Mais ? Je m’appelle Frédéric et… attendez, vous ne seriez pas juste une espèce de gros facho ?
– Qu’est-ce qui t’as mis sur la piste ? Les bottes Hugo Boss ? Les crânes sculptés sur mon trône ? »

Bon, on va dire que tout le monde est un peu tête en l’air au Bengale (oui, moi aussi, j’aime les euphémismes ; maintenant, reposez ce mug, je me sens insulté).

Le Président Lua en premier, donc, puisque pour lutter contre le méchant général Libu, il compte sur Fantôme. En deux-deux, notre héros se retrouve ainsi face au nouveau chef du Bengale. À qui Fantôme annonce qu’il va tenter d’arrêter le méchant. Le docteur Lua pose donc une question cruciale :

« Je ne voudrais pas que ce pays finisse par entendre le bruit des bottes. Enfin d’autres que les miennes. Pas plus. Enfin, j’me comprends, merde. »

Fantôme aurait répondu « Non, je vais me planter comme une grosse buse », c’eut été plus étonnant. Et pourtant, vu le niveau de l’interrogation, c’eut aussi été mérité. Passons cependant pour aller droit à la question qui vous brûle tous les lèvres : comment un mec seul et en slip peut-il arrêter toute une armée en train de mettre la capitale à feu et à sang ?

« Un encart dans Télérama, et tu vas voir le coup d’état. »

AVEC UNE CAMPAGNE DE PRESSE.

Mais comment n’y a-t-on pas pensé plus tôt ? C’était pourtant évident ! Deux articles intitulés « La guerre, c’est pas bien ! », une quinzaine de tweets plus ou moins mous avec le hashtag #PrayForBengale, et zou, l’armée va se retirer, c’est sûr ! Visiblement, entre le fait qu’on va chercher un type sur son trône pour faire barrage à l’extrême-droite et le fait qu’il ne lutte qu’avec de la com’ et des tweets foireux, plus le temps passe, plus je pense que sous le masque de Fantôme se cache Emmanuel Macron.

Si j’étais le docteur Lua, je commencerais à surveiller fort mon assemblée : c’est un coup à la retrouver toute dissoute. Notez d’ailleurs qu’il fait une tête qui signifie « Est-ce que je viens bien d’entendre ce coprolithe verbal ? »

Heureusement pour le lecteur, la campagne de presse ne sert à rien et Fantôme est obligé d’aller coller ses phalanges sur d’autres phalanges (mais pas les mêmes) pour mieux convaincre l’armée de rentrer dans ses casernes. Mais bon, vite fait : en deux pages, Fantôme localise le camp du méchant, neutralise les gardes à coups de mandales, puis fait prisonnier le vilain putschiste avant de le fourrer dans une voiture. Pour d’obscures raisons, tout du long, Fantôme promène le docteur Lua avec lui, tant les missions commandos, c’est plus facile avec le Président qui se trouve deux mètres derrière vous.

En tout cas, c’est la victoire, et ça fanfaronne grave à bord du véhicule qui ramène le méchant.

Fantôme conduit au milieu de la jungle sans jamais regarder la route, il est comme ça. Oh, et il est tantôt côté conducteur, tantôt côté passager si vous regardez bien.

Alors, je ne sais pas vous, mais quand Fantôme pointe son gros doigt en lançant « la démocratie est sauvée », disons que j’ai l’impression qu’il est plus en train de menacer la mère du vilain que de saluer la victoire de la liberté. Idem, lorsqu’il rit, le dessinateur a oublié de le faire sourire. Résultat, on a un Fantôme qui a l’air plus proche de la colline du crack que du défilé de la victoire bengalais.

Mais bon, l’heure de la paix est revenue, hein. Et pour votre information, c’est midi douze.

Cependant, la montre du méchant Libu doit retarder, puisqu’il en est encore aux menaces. Va-t-il se calmer ? Comment ? Vite !

Ce « Mais… » avant « Pas de pitié ! » était particulièrement nécessaire.

 

Notez comme Libu se met soudain à paniquer lorsqu’on mentionne le juge. Je pense que le véritable dialogue a sauté à l’impression.

« Ben pourquoi tu réagis comme ça Libu ?
– C’est-à-dire… qu’un juge quoi ! Jusqu’ici, j’étais prisonnier d’un type en slip avec des bottes de nazi, coincé dans une bagnole qu’il venait d’arrêter au fin fond de la jungle… je pensais que j’allais soit A) être exécuté froidement, soit B) être violé chaudement, soit C) un savant mélange des deux dans un ordre encore à déterminer Mais là, un juge, merde alors ! Si ça se trouve, il va me faire un rappel à la loi ou un stage de citoyenneté ! Pitié, Fantôme : repensez aux autres options ! »

La démocratie est sauvée, Libu est condamné à 6 mois de prison avec sursis, et ainsi s’achève cette palpitante aventure.

Passons à l’histoire suivante, Le Désert de la mort (ça fait peur !) qui débute à New York, comme son nom ne l’indique pas. Voici donc la première page.

D’ailleurs, avec quel argent font-ils les magasins ? Fantôme, c’est un métier ?

Notez que Fantôme, comme toujours, a une tenue très discrète avec ses quinze couches de vêtements alors que les gens autour de lui sont en t-shirt. Qui pourrait penser qu’il est suspect ? Fantôme, tu es vraiment trop fort !

Quant au dialogue, à base de : « On y va si tu veux, non en fait ça me fait chier, bon allons-y« , je crois qu’il ne manque qu’une bulle de pensée avec « *soupir* Quelle connasse. » pour que le tableau soit complet. Fantôme vit au fin fond du Bengale et passe ses journées sur un trône avec des crânes : vous pensez bien qu’aller chez Pimkie, ça lui brise un peu les roudoudous.

S’ensuit alors la scène que voici, et qui n’a foutrement aucun sens. En gros, non loin de notre héros le type en noir ci-dessous aborde le type en tenue à carreaux en pleine rue en lui disant tout de go « Je veux voir ton chef ». Et voici ce qu’il se déroule

« OH BEN DIANA QUELLE SURPRISE BEN ÇA ALORS ? »

Notez déjà que le « chef » trainait juste à côté. Et que sitôt qu’il débarque… comment dire ?

Lecteurs, n’oubliez pas : quand vous demandez à voir quelqu’un, attendez qu’on vous introduise auprès de lui et qu’il vous demande le motif du rendez-vous pour lui sauter à la gorge en hurlant « PAS DE QUESTIONS, COMPRIS ? ». C’est bien naturel.

Mieux encore, alors qu’une baston éclate à un mètre d’eux et que l’un des forbans atterrit dans les bras de Fantôme (dont le vrai nom est « Kit », en référence au fait qu’il lui manque clairement des pièces), que fait Diana ? Elle hurle ? Elle panique ? Elle l’aide ?

Non, elle aperçoit une copine et donc pendant que ça se savate, ça donne du :

« Oh ben Carol ?
– Bonjour Diana !
– On se fait la bise ?
– Allez ! Smouac, smouac ! Tiens, je t’ai présenté mon mari ?
– Ah ben non, dis ? »

MAIS ? IL Y A DES GENS QUI SE COLLENT DES POINGS DANS LA GUEULE JUSTE À CÔTÉ DE VOUS !

Mais chez Fantôme, les femmes sont ainsi : elles ne sont là que pour se plaindre, parler mariage, faire les magasins et claquer la bise aux copines. Mes lectrices, qui connaissent la rudesse d’une vie où il n’y a que ces quatre actions possibles, approuveront (ou alors elles se plaindront, cf action 1). Soyez fortes, les filles.

Toujours est-il que pendant que ces dames parlent mariage et s’en plaignent dans un magasin entre deux bises, Fantôme, lui, trouve cette baston louche. Et en enquêtant, remonte la piste de ces gangsters, qui forcent un pilote d’essai local à utiliser les avions militaires qu’il teste… pour livrer leurs marchandises aux trafiquants. Ni une, ni deux, Fantôme se déguise en journaliste pour se rendre sur place.

J’en déduis que les caisses contiennent l’intrigue.

Bon, déjà, notez que quand Fantôme se déguise, c’est juste sa tenue-pas-du-tout-suspecte habituelle. Ensuite, dans l’armée, on ne transporte pas des caisses avec des camions, mais avec des tanks, principalement pour faire chier Greta Thunberg (l’armée est comme ça). Enfin, l’armée n’en a rien à foutre de ce qu’elle charge dans ses propres avions et n’ouvre rien : elle charge du, je cite, « n’importe quoi« . Et en bordel s’il vous plait.

Deux cases, rien ne va. C’est formidable.

Note pour moi-même : penser à appeler l’armée lorsque je voudrai déménager. Apparemment, ils sont très serviables (sauf si on est Greta Thunberg, concentrez-vous un peu). Si vous en doutez, voilà ce qu’il se passe lorsque le pilote menacé opère.

L’avion change de taille à chaque case, accessoirement. Je vous laisse profitez de la distance entre lui et le sol lorsqu’ils disent « 100 mètres ! », puis la taille d’un humain comparé à l’appareil.

Voilà : ils sont deux, mais quand l’un des deux déclare « Dis donc, tu voudrais pas qu’on se pose au milieu du désert sans aucune explication et qu’on décharge toutes nos marchandises à deux ?« , l’autre dit « Ah mais oui mec, pas de problème« . Et l’armée qui voit son prototype d’avion secret se poser n’importe où se contente de dire « Bon ben oké alors. »

Serviables, on vous dit !

Je vous passe les détails, mais notre héros aidé de ses fidèles récitatifs « Et… », « Or… » & co va rapidement distribuer de la mandale à tout ce petit monde et récupérer le chargement avant de remettre les criminels à la police. Ne lui reste plus qu’à retrouver sa femme Diana pour des dialogues d’anthologie.

Pffff, ces femmes, alors !

« Encore ?
– Hé oui.
– Mais te revoilà !
– Oui. »

On dirait des dialogues du Grand Détournement. Qu’est-ce que tu crois qu’il va te répondre quand tu lui dis « Mais te revoilà ! » ? « Ben non en fait, je suis juste un chapeau particulièrement loquace. » ? Diana peut donc s’en retourner à ses magasins, Kit peut continuer à répondre à toutes les questions par « Oui ! » même quand la question est « Mais combien de slips as-tu, en fait, on a l’impression de toujours te voir avec le même ?« .

Ainsi s’achève « Le Désert de la mort », où il y a vaguement eu du désert, aucun mort, et notre héros peut se préparer à sa nouvelle aventure : infiltrer un navire que des trafiquants veulent attaquer. Comme je ne suis pas bégueule, je vous propose immédiatement une image du très habile déguisement de notre héros qui lui permet de passer inaperçu aux yeux de l’équipage.

TRIÉ SUR LE VOLET ON VOUS DIT !

Et si vous vous posez la question : non, personne à bord ne trouvera quoi que ce soit de suspect à ce type qui porte un masque de braqueur dégueulasse en permanence.

Alors, j’insiste : la prochaine fois que quelqu’un vous dira qu’avant, on lisait quand même des trucs moins cons qu’aujourd’hui, n’hésitez pas à lui glisser dans les mains Fantôme, l’homme masqué du Bengale !

Vous vous ferez un ennemi à vie, mais avoir raison, ça n’a pas de prix.

Bon, sur ce, je vous laisse : je crois que j’ai trouvé mon smiley pour le second tour des prochaines élections.

Je pense que ça servira plus souvent qu’on ne l’aimerait.

 

09.10.2024 à 18:02

L’art du discours

Un odieux connard

La vie est emplie de moments douloureux. De ceux qui vous tourmentent bien des années après qu’ils se soient conclus, lorsque votre cerveau dans un instant d’égarement décide d’aller effleurer […]
Texte intégral (3083 mots)

La vie est emplie de moments douloureux. De ceux qui vous tourmentent bien des années après qu’ils se soient conclus, lorsque votre cerveau dans un instant d’égarement décide d’aller effleurer les cicatrices de votre âme. Alors que vous étiez occupé à tout autre chose, voilà que, ah ! Vous revivez cette humiliation que vous pensiez pourtant derrière vous ; vous entendez encore cette mauvaise réplique qui vous coûta tant ; ou bien vous vous remémorez des moments qui ont été mais jamais plus ne seront, et voilà vos poumons qui s’emplissent d’une mélancolie que vous n’expulserez de votre corps alangui qu’en un long soupir.

Oui, l’existence a son lot de peines et de difficultés.

Alors, bon sang, quel est le con qui a un beau jour décidé d’y ajouter le discours ? Pourquoi ? Qu’avons-nous fait pour mériter cela ? Si Satan existe, a-t-il un micro et un Powerpoint ?

Parlons donc de cette tradition honteuse, qui procure autosatisfaction à qui le prononce, et souffrances sans fin à toutes les oreilles à portée d’audition.

« Bonjour, je sais que vous êtes tous venus pour quelque chose, mais j’ai décidé de squatter le micro durant 20mn pour vous retarder sans aucune raison en vous expliquant pourquoi vous avez bien raison d’être venus pour quelque chose. Merci. »

Le discours

Le discours est une forme de communication qui repose sur le principe suivant : alors que tout le monde est heureux, ou tout simplement occupé, voici que soudain, un individu se lève. Il annonce alors d’une voix forte : « Je vais faire un discours », ce qui signifie que tout le monde doit instantanément arrêter de faire ce qu’il faisait (parler, boire, manger, chercher un remède contre le cancer) pour à la place, se coltiner un exposé sur un sujet qu’il n’a généralement pas choisi. Celui qui écoute le discours est appelé « l’auditeur » ou « le public ». Celui qui le prononce est généralement appelé « l’orateur », ou plus sobrement « le mec qui brise les roupettes à la tribune ».

Cela étant posé, passons aux origines de la bête.

Le discours dans l’histoire.

La recherche historique et archéologique quant aux sources de cette tradition en est encore à ses balbutiements. En effet, malgré des moyens conséquents, aucun professionnel n’a jamais retrouvé de témoignage dans lequel quelqu’un s’exclame : « Chouette, un discours ! ». En revanche, on trouve dès les temps les plus anciens des traces de déclarations dont l’ensemble aurait pu tenir en deux lignes. Ne venez pas me dire que c’est faux : c’est le cas des plus grands discours de l’histoire. Si je vous dis Martin Luther King, vous pensez sûrement à son « I have a dream », mais notez qu’à part ça, vous n’en avez pas retenu grand chose. Allez, une ou deux phrases de plus si vous avez bûché, mais c’est bien tout.

Le discours est par ailleurs d’un intérêt limité, puisque par définition, il exige que personne n’interrompe l’orateur. Celui-ci peut donc développer son sujet dans le sens qu’il veut et raconter absolument n’importe quoi, personne ne pourra le contredire. Ainsi, il aura toujours raison pour son auditoire, même s’il a tort. Se montrer pour raconter n’importe quoi, et le tout avec le sourire : le discours est, selon certains archéologues, l’ancêtre d’Instagram.

Dans les deux cas, le monde s’en passerait bien.

Les différents types de discours

Le discours militaire

Popularisé par de nombreux films, il s’agit là d’une harangue durant laquelle un général ou autre meneur d’hommes va se pointer devant sa troupe pour lui expliquer d’une voix forte pourquoi il convient de se mettre sur la gueule avec ceux d’en face sans poser de questions. Ce que les films montrent moins, c’est que quand tu es en l’an mil devant 12 000 pinpins, tu as beau gueuler comme un putois, seuls les deux premiers rangs t’entendent. Le reste se contente donc de répéter « Plus fort ! » « On n’entend rien ! » et tout le monde finit par s’énerver. Ce qui, en soi, est la bonne attitude à avoir avant d’aller planter son épée longue dans le type d’en face qui n’est pas d’accord sur le bon roi/dieu/poste-frontière à respecter (biffez les mentions inutiles). C’est peut-être là le seul véritable discours constructif : il rend tout le monde grognon à un moment où il s’agit de l’être.

Le discours politique

Pour des raisons mystérieuses, il existe encore des gens qui décident de se déplacer pour se rendre à des meetings politiques, grandes messes où un type va venir présenter pourquoi il a raison et tous les autres ont tort, et fera descendre de la tribune toute personne qui tenterait le même exercice en sens inverse. Un meeting politique se déroule généralement comme suit :

  • Un type monte sur scène pour dire au public pourquoi il a raison d’être là
  • Un autre type monte sur scène pour dire au public pourquoi il a raison d’être là
  • Un dernier type, la vedette du moment (généralement le candidat de la campagne en cours) monte sur scène dire au public de voter pour lui

Sachant que le public est déjà convaincu (sinon il ne serait pas là), personne n’a la moindre idée d’à quoi cela sert. On me rétorquera « à montrer qu’il y a du monde derrière le candidat », mais tout le monde sait bien qu’à la fin, le parti derrière le candidat annoncera de toute manière un chiffre de participation imaginaire, qui sera entre 2 et 10 fois celui des autres observateurs.

Certes, le discours politique peut contenir des annonces importantes, qui, elles, retiendront l’attention. Mais alors pourquoi ne pas juste faire les annonces et retirer le discours autour ? Pourquoi doit-on se taper une heure du Président qui cause à 20h pour qu’il annonce en fait ce qui tenait en trois tweets ? Est-il payé à la minute ? Pense-t-il que nous tenir la jambe tel un démarcheur devant Monoprix nous fait plaisir ? S’il avait une heure à tuer, n’avait-il rien de mieux à faire ? Mystère.

Rappelons cette grande règle :

« Si tu as quelque chose à dire, dis-le. Si tu préfères tourner autour du pot façon « Une grande réforme va tomber cet été, écoutez une heure de discours pour savoir laquelle », vous n’êtes pas un homme politique : vous êtes un rédacteur de presse en ligne. »

Rappelons que jamais personne ne s’est exclamé « Flûte, ce discours était trop court ». Sauf, bien sûr, les conseillers politiques de dictateurs communistes encore en train d’applaudir les mains en sang 30mn après la fin d’une explication de dix heures qui pouvait se résumer à « Vos gueules, y a rien à manger« .

Le discours politique consiste principalement à annoncer des lois qui existent déjà, avant de jurer qu’on va prendre des mesures dont on ne parlera plus jamais.

Discours de mariage

S’il est un événement qui demande patience et maîtrise de soi pour ne pas utiliser sa chaise comme arme contondante envers le tout venant, c’est bien le mariage. En effet, c’est un moment riche en discours, qui ont pour particularité d’emmerder absolument tout le monde :

  • Les mariés, qui en ont déjà eu une palanquée et aimeraient bien bouffer en paix
  • Les invités, qui eux aussi, aimeraient pouvoir reprendre leurs activités plutôt que de devoir faire semblant de sourire devant le propos d’un tonton bourré
  • L’ensemble des gens qui ne sont pas au courant des 15 blagues que seuls l’orateur et les mariés peuvent comprendre

Raison pour laquelle il aurait pu les garder pour lui, mais visiblement, il a préféré les partager sans aucune explication, et par contre, s’est emmerdé à accompagner le tout d’un Powerpoint. Alors que comme le dit le proverbe « Seules deux choses viennent accompagnées d’un Powerpoint : les gens chiants et Satan ». Or, Satan n’ayant pas été invité, vous savez à quelle catégorie appartient le larron qui glousse seul en faisant défiler des photos floues plus ou moins gênantes accompagnées de commentaires sibyllins.

Discours d’inauguration

Le discours d’inauguration a cela de commun avec tous les autres : personne n’en à rien à carrer. Tout le monde est venu pour le truc à inaugurer et/ou pour la bouffe. Chaque minute passée à discourir fait donc de vous un obstacle entre le but de la soirée et le public, et chaque mot qui sort de votre gorge vous rend un peu plus détestable. Pourquoi passer des heures à écrire un texte qui par définition, va emmerder tout le monde ? Contentez-vous de dire merci aux organisateurs, de résumer en deux phrases le but de la soirée, puis d’annoncer « le buffet est ouvert ». Vous serez alors le héros du peuple, bien plus qu’en 30mn de figures de style sans intérêt.

Accessoirement, n’oubliez jamais que le public qui est là est venu parce qu’il est intéressé. Inutile, donc, de lui expliquer pourquoi c’est intéressant.

Discours d’acteur

Le discours d’acteur a déjà été couvert ici, et rappelons-le, consiste généralement à un numéro d’hypocrisie des plus brillants.

Merci de nous épargner, donc.

Ici, un type avec yacht et jet privé nous parle du changement climatique.

Discours de « Pourquoi je quitte ce réseau social »

Comme disait l’autre : ce n’est pas un aéroport, inutile de nous faire une annonce quand tu t’en vas.

Passons maintenant, si jamais vous aviez à faire un discours, à quelques règles essentielles qui pourraient vous sauver la vie, et vous éviter de passer pour l’un de ces buveurs d’âmes qui aspirent toute joie de vivre en vous à chaque fois qu’on les voit passer à la feuille suivante de leur discours (car oui, dans la salle, on se fait chier et on compte en espérant silencieusement toujours que ce soit la dernière feuille).

Les règles du bon discours

Avant tout discours, il convient de lire ces quelques règles. Si vous n’avez pas le temps de les lire, ne demandez pas à autrui le temps de vous écouter.

Avoir un truc à dire

Juste devant le moustique tigre et le frelon asiatique, le type qui répète juste ce qui a été dit plus tôt est le principal nuisible qui parvient à s’infiltrer dans les salles de réunion en France. Il attend généralement que tous les sujets aient été abordés et qu’il soit enfin temps de partir pour s’exclamer qu’il aimerait revenir sur le point numéro 1. De préférence, en l’abordant d’une manière déjà faite.

Il en va de même du discours : si quelqu’un a déjà tenu le propos que vous avez préparé avant vous, dites-le, pliez vos petits papiers, et rangez-les dans votre poche. Car si vous décidez de dire « Zut, le type avant moi a déjà tout dit, tant pis, je le redis », vous pourriez voir lesdits petits papiers se retrouvés insérés dans des endroits beaucoup plus rigolos de votre personne. Ainsi, quelqu’un qui lance « Tout a été dit, je n’y reviens pas » sera toujours un héros pour l’auditoire. Alors que celui qui décide de dire « J’avais préparé un discours, je le fais quand même » ne mérite qu’une lapidation immédiate, de préférence, avec les petits fours les plus proches s’il s’agit d’une inauguration.

Durer peu de temps

Un sage a un jour dit « Une pièce de théâtre qui dure deux heures, c’est du théâtre. Au-delà, c’est de la culturrrre ». Il en va de même du discours : si la salle doit écouter votre voix moins de trois minutes, c’est que vous allez à l’essentiel. Si c’est au-delà, c’est que vous donnez un concert. Si vous ne chantez pas, alors sachez que toute la salle vous hait de toute son âme et espère secrètement qu’une porte de Boeing va tomber du ciel pour en finir avec vous, là, maintenant.

Se chronométrer

« Désolé, j’ai débordé, je n’avais pas pris le temps de me chronométrer ! » dit le connard qui vient de parler largement plus longtemps que prévu. Eh bien mon bon, la règle est simple : si tu n’as pas pris le temps de t’écouter toi-même seul à la maison, pourquoi autrui devrait-il prendre le temps de t’écouter lors d’un événement où il a autre chose à faire ?

Avoir un minimum d’empathie

L’auditoire vient-il de se taper quinze autres discours ? A-t-il l’air de se faire chier au point de commencer à sérieusement envisager de regarder une série sur Disney+ (un signe qui ne trompe pas) ? Dans ce cas, ayez un minimum de pitié, et laissez tomber. Si au contraire, vous avez décidé de leur parler de l’empathie et de l’importance du vivre-ensemble, mais que vous ne commencez pas par les gens en face de vous, prière de prendre votre gueule et de la faire condamner chez le serrurier le plus proche. Pensez aussi à votre auditoire sur le thème évoqué : est-il intéressé ? Est-ce que la moitié des présents en a quelque chose à carrer de savoir à quel jeu tu jouais avec le marié lors de vos soirées binouzes ? Probablement pas : va t’assoir, garnement.

Pas de Powerpoint.

Il n’y a rien à ajouter de plus. Si vous vous demandez « Pourquoi ? », sachez que tout le monde vous hait.

« Laissez-moi vous lire très lentement mon Powerpoint. Alors, diapo 1/130… »

Vous savez tout. Je conclurai sur cette dernière règle essentielle : avez-vous vraiment besoin de faire un discours ? N’oubliez jamais que le héros de la salle sera toujours celui qui devait en faire un et annonce que ce ne sera pas le cas. Alors, pourquoi le discours existe-t-il ?

Nul ne le sait.

Mais ce qui est certain, c’est que le type qui l’a inventé était un monstre.

24.09.2024 à 10:10

Albert Roche sort en librairie

Un odieux connard

Peuple ! Étant à l’instant même sous la menace de mon éditeur (il a pris mes réserves de brandy en otage), me voici condamné à vous parler d’une sortie mienne, […]
Lire la suite (335 mots)

Peuple !

Étant à l’instant même sous la menace de mon éditeur (il a pris mes réserves de brandy en otage), me voici condamné à vous parler d’une sortie mienne, puisque j’en suis le scénariste, qui arrive ce 25 septembre 2024 en libraire : une bande dessinée dédiée à Albert Roche, le petit chasseur alpin qu’il ne valait mieux pas trop emmerder. Je précise de suite qu’on n’est pas sur le ton du Petit Théâtre, c’est un poil plus sérieux, puisqu’il s’agit d’une nouvelle collection chez Grand Angle dédiée aux héros de ce calibre.

Si ça vous tente, que vous avez besoin d’une idée cadeau, ou que vous voulez juste me donner tout votre argent, voilà la bête :

Comme c’est beau !

 

Avec Éric Stalner au dessin.

Vous avez donc une excellente raison d’aller saluer votre libraire préféré, avant de ressortir de sa boutique avec un peu moins de deniers et encore un peu plus de choses à lire en retard (on vous connait).

La bande-annonce officielle :

Bonne lecture, bon peuple !

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🌓