27.02.2024 à 11:46
Captain Roman, ma nouvelle chaîne Youtube
Romain Mielcarek
J’ai lancé au mois de janvier une nouvelle chaîne Youtube, baptisée Captain Roman.
Le projet : utiliser le jeu vidéo comme support pour faire de la vulgarisation sur les questions militaires, internationales et les conflits armés. Dans chaque épisode, nous partons d’un jeu pour développer une thématique, dans un dialogue avec l’un des développeurs et un professionnel, opérationnel ou expert.
Le premier épisode est disponible ici :
07.09.2023 à 13:28
[Coup de gueule] AMX-10RCR, canardé, mais pas enchaîné
Romain Mielcarek
Texte intégral (3315 mots)
Dans son édition du 23 août, le Canard Enchaîné publiait un article intitulé « Les Ukrainiens ont du mal à se débrouiller avec les AMX de Macron ». Blindé d’approximations et d’erreurs, il a agacé de nombreux militaires et connaisseurs de la machine. Moi aussi, il m’a picoté. Car si le papier est signé « O. B.-K. et C. L. », les initiales de deux journalistes de la rédaction, il s’avère que c’est moi l’auteur des principales informations… et qu’elles ont été littéralement saccagées. [Mon article à moi est disponible à la lecture à la fin de ce post]
Pour comprendre le contexte d’un tel article, il faut plonger dans les particularités éditoriales de ce journal. Au Canard, les journalistes rémunérés à la pige (qu’on appelle vulgairement des indépendants) signent « Jérôme Canard ». Nous sommes des dizaines derrière ce sobriquet. Il faut faire ses preuves, parfois pendant des années, pour mériter le droit de voir son nom figurer dans les colonnes du journal. Même si vous apportez un énorme scoop. Personnellement, je trouve cela un peu anachronique, mais pourquoi pas. Ici, non seulement la mention de Jérôme Canard a été supprimée… Mais en plus les signataires ne sont auteurs que d’approximations et d’erreurs.
L’idée de ce papier m’est venue d’un reportage d’un collègue, Stéphane Siohan, correspondant en Ukraine pour Libération. Un soldat lui confie sa déception devant un équipement manquant. J’ai alors le sentiment que les Français communiquent beaucoup pour donner l’impression d’être à la hauteur des attentes en termes de livraisons d’armes à l’Ukraine… Mais qu’ils n’ont pas grand chose à proposer. Alors ils enjolivent pas mal, par exemple en présentant les AMX-10RCR comme des « chars », ce qui est factuellement faux et qui crée des malentendus avec les Ukrainiens. Pour creuser mon sujet, j’ai accumulé plusieurs documents confidentiels, consulté 9 industriels et militaires ayant travaillé sur absolument tous les aspects de cet engin blindé de reconnaissance (service aux différents postes, conception, doctrine, suivi, maintenance…), j’ai eu des réponses officielles de deux entreprises produisant l’engin ou des équipements, d’un élu qui a rencontré les utilisateurs ukrainiens (et qui était pourtant fâché avec le Canard mais a accepté de me répondre) et du cabinet du ministre des Armées qui a répondu point par point à mes questions. J’ai même eu un accrochage avec la communication de l’Elysée qui a estimé que mes questions étaient « fumeuses ».
C’est comme cela qu’on a une information. Avec de la rigueur, de la précision et en multipliant les sources, pour s’assurer de ne rien louper. Ici, en plus des brouilleurs, absents, j’ai découvert qu’il y avait d’autres lacunes, comme des pneus de rechange en nombre insuffisant, des éléments de maintenance manquants et un manque de solution pour les systèmes de communication radio. Il y a parfois de bonnes explications d’ailleurs. Mais cela confirme mon instinct de départ : la communication politique française entraine des malentendus chez les opérateurs ukrainiens.
De la maladresse à la faute
Il y avait donc tout pour faire un papier de qualité. Et c’est pour cela que, pour une fois, je réagis publiquement et un peu longuement. Les pigistes ont l’habitude de petites incivilités. Des primes oubliées, des salaires qui trainent, des titres coupés à la truelle. Par exemple, un papier du Canard commandé pour « 500-600 euros » finalement payé 450. « Ils font chier à la compta, je vais regarder ça. » Je n’ai jamais touché le complément. Ca peut arriver. Nous avons tous appris à avoir l’échine souple. Mais ici, au delà des petites bourdes (des grades mauvais, des phrases à moi transformées en citations de sources, des petites incompréhensions techniques…), il y a surtout trois points qui sont juste factuellement faux. Et qui trompent le lecteur.
1) L’AMX-10RCR « présente en sus un très gros problème structurel. Son blindage de 10mm est en papier crépon« , écrivent mes chers camarades signataires.
► La correction de cette erreur a été ignorée par les collègues du Canard.C’est faux. Ce n’est pas un problème structurel. L’AMX-10RCR est prévu pour être léger car c’est un engin de reconnaissance, qui devait à l’origine pouvoir traverser des cours d’eau. Les dernières versions, renforcées pour résister notamment à des engins explosifs improvisés, ne flottent plus aussi bien. N’empêche que ce ne sont pas des machines prévues pour encaisser des coups, surtout de chars. Ecrire cela, c’est montrer que l’on a rien compris au problème. C’est d’autant plus débile que j’avais déjà corrigé cette bêtise dans une version intermédiaire que j’avais relue.
Ecrire cela, c’est aussi montrer à toutes mes sources que je n’ai rien compris de ce qu’elles m’ont raconté.
2) « Seule consolation : le canon de 105mm expédie des pruneaux à 3 km grâce à un système de visée télémétrique aux petits oignons. Une merveille. Quand le char veut bien rouler. »
► Les deux signataires de l’article n’ont tellement rien bité au sujet qu’ils arrivent ici à qualifier l’AMX-10RCR… de char. Le canon de cet engin n’est pas une « consolation ». Il n’est pas adapté à la manière dont les Ukrainiens ont essayé de l’utiliser, pour faire de l’artillerie à courte portée. Et là idem. J’avais signalé cette erreur. Mais pourquoi s’emmerder à écouter les remarques du mec qui a fait le boulot, hein ?
3) « L’Elysée prétend que l’annonce de la fourniture des AMX français n’avait qu’un but : forcer la main aux Germains pour qu’ils acceptent de filer des Leopard à Zelensky. Ca a marché. »
► Ca a marché ? Comment peut-on affirmer cela ? C’est le narratif de l’Elysée. Il me parait pour le moins discutable. Dans un grand élan de cocorico, on peut essayer de se persuader que les Allemands sont trop cons pour avoir leur propre politique étrangère, ou encore pour savoir ce qu’est un putain de char (!!!). Mais en l’occurrence, Berlin n’a pas attendu l’exemple français pour, inspirée, fournir des appuis à l’Ukraine. Pour affirmer cela, il faudrait au moins des preuves. Des échanges avec des sources allemandes. Quelque chose qui permette de confirmer cette assertion. A minima, il faut le dire au conditionnel et le nuancer.
Histoire de se faire une idée d’à quel point l’Allemagne a besoin du leadership français pour oser donner de l’armement à l’Ukraine, il suffit de regarder le top 10 des fournisseurs. Ces chiffres ont leurs limites : beaucoup d’estimations, des volumes pas toujours très transparents, le brouillard classique de la guerre. Mais ils donnent un ordre de grandeur. On note qu’au passage, on oublie les livraisons de chars des Européens de l’Est, notamment les Polonais, qui en avaient livré plus de 200… depuis un an ; on oublie les Challenger 2 britanniques et les autres fournisseurs de Leopard 2, notamment la Suède, pays de 10 millions d’habitants qui a livré plus que la France.

La France arrive en 15ème position des fournisseurs de moyens militaires, selon le suivi du Kiel Institute for the World Economy.
Sur un autre système critique, l’Allemagne a livré une batterie sol-air Patriot un mois avant que les Français et les Italiens ne fournissent un SAMP/T.
Ce n’est pas un jugement de valeur, ni un reproche. Ce sont juste des faits.
Et alors ?
Bon, les collègues du Canard sont des dindes. C’est pas bien grave, après tout. Mais j’avoue ne pas trop encaisser qu’on s’approprie mon travail, qui était sourcé, maîtrisé, carré… pour en faire un gros tas de n’importe quoi. Le journal saccage sa réputation, déjà pas bien glorieuse sur les sujets militaires. Ca, c’est leur problème. Mais ici, il saccage aussi la mienne. Plusieurs de mes sources ont réagi au post de cet article sur X/Twitter. Sur le réseau social, le Canard a même eu le droit à une « community note » pour préciser un propos approximatif. Il faut dire que le community manager, maladroit, a repris une citation ajoutée par mes chers confrères d’un officier qui visiblement ne connait pas grand chose au sujet, pour faire une remarque aussi couillon.

Evidemment que face à un char il est vite hors jeu. Il faudrait être parfaitement con pour aller face à un char avec un AMX-10RCR.
J’ai immédiatement signalé ma stupeur et ma colère à mes deux collègues signataires de l’article (dont une que je ne connais ni d’Eve, ni d’Adam), ainsi qu’à un rédacteur en chef. Aucune excuse, même si l’un des signataires reconnait vaguement « une erreur ». Réponse du patron : « Je trouve votre réquisitoire sévère. » Lui, il l’a trouvé bon le papier. Il l’a même gardé sous le coude plusieurs semaines pour avoir une info forte à sortir une semaine un peu chiche. Même avec le détail de mes explications, personne ne voit rien à corriger ou à améliorer. Tout va bien et est parfaitement normal. Du journalisme de qualité, là où moi, je vois une série de fautes graves. Le rapport à la rigueur, c’est assez subjectif.
C’était ma quatrième collaboration avec ce journal. La première, avait déjà été signée par un autre journaliste. Déjà un oups. « La faute aux secrétaires de rédaction », m’avait-il alors dit. Les deux autres n’avaient finalement pas été publiées, du fait d’un surplus d’actu. Au regard du travail, le tarif n’ayant pas été correctement négocié dès le départ, la question du prix ayant été encore, et encore repoussée, je réclame pour ce quatrième papier plus que les 600 euros annoncés (avant même de voir le carnage). Au regard du travail, du nombre et de la qualité des sources, je me dis que ça mériterait un peu plus que d’habitude. On ne reviendra jamais vers moi. A force de relances, je finis par avoir une fin de non recevoir. Ce sera 600 et puis c’est tout.
Ces fautes que je relève ici, sont récurrentes. Nous sommes plusieurs dizaines de pigistes à échanger sur nos difficultés avec ce journal. Rares sont ceux à oser ruer dans les brancards, car si le Canard maltraite ses pigistes, le fait est qu’il paie plutôt bien, pour des formats que l’on ne peut pas toujours vendre ailleurs. Et puis ça reste une belle marque, prestigieuse, que le public admire sans toujours bien savoir ce qui se passe en coulisses et sans toujours pouvoir repérer ce type de fautes. Du coup, même ceux qui se font massacrer leur travail ou usurper leurs signatures régulièrement, parfois depuis des années, n’osent rien dire. La peur de se faire blacklister ou de perdre une précieuse source de revenus.
Je ne suis qu’un collaborateur récent et occasionnel de ce journal. Je ne me sens aucune légitimité à donner des conseils aux autres. Mais à titre personnel, je ne supporte pas des comportements pareils. Je préfère encore gagner moins et remplacer mon IPA par un monaco, voir pire, fumer du Honduras, plutôt que d’encaisser un tel manque de professionnalisme et de respect.
Il ne fallait pas toucher à mon travail.
Pour ceux que cela intéresse, je vous invite à lire mon article à moi, qui aurait pu être publié dans le Canard. N’hésitez pas à me faire vos retours et à corriger ce qui me paraitra toujours à moi, malgré le boulot, perfectible.
Le papier, le vrai, daté du 7 août 2023 :
Ukraine : l’AMX-10RCR, la DS de l’armée française sans les options
Mauvaise surprise pour les Ukrainiens lorsqu’ils ont réceptionné sur le front leur quarantaine d’AMX-10RCR : les Français ont oublié de leur mettre les systèmes de brouilleurs antimissiles « LIRE ». A leurs visiteurs, ils expriment poliment leur interrogation : si on les a formés avec cet équipement au camp de Carpiagne, c’est qu’il doit bien servir à quelque chose. On leur a même traduit les notices !
Ressemblant à une grosse lampe, installée sur le dessus de l’engin, le « LIRE » doit brouiller le signal de missiles antichars. Il met une dizaine de minutes à chauffer, ce qui le rend particulièrement repérable la nuit avec des capteurs thermiques. Une fois éteint, il faut une demi-heure pour qu’il refroidisse : les soldats sont prévenus de ne surtout pas poser leurs fesses dessus. « C’est de la merde, se remémore un militaire français en relisant ces instructions. Qui nous a vendu ça ? »
Au cabinet du ministre des Armées, on rejette toute erreur dans la livraison : « C’est une technologie dépassée par rapport aux missiles actuels qui ne font plus partie de la configuration opérationnelle actuelle de nos AMX-10RCR. » En effet, à Carpiagne, on a montré aux Ukrainiens un sympathique brouilleur conçu pour neutraliser des tirs de 9K111 Fagot soviétique… dans les années 1970-1980.
Les Ukrainiens découvrent la débrouille, façon piétaille française, si durablement éprouvée sur les pistes d’Irak et d’Afrique : en plus des brouilleurs, ils ont réalisé en rentrant chez eux qu’il n’y avait plus de radios dans les engins. « Ils ne les ont pas demandées », esquive-t-on au ministère. Les pneus qui font le charme de la bête ? Il n’y en a pas assez. Il manque même certaines pompes bien spécifiques nécessaires à l’entretien de vérins et de systèmes hydrauliques propres à son canon de 105mm de l’AMX-10RCR. Sans parler des munitions, dont le calibre n’est utilisé que par cette machine.
Coup de bluff
Depuis le début de cette affaire, la France fait tout pour entretenir les malentendus. Encore aujourd’hui, elle persiste à présenter ces engins comme des « chars ». Sauf que ce sont des engins blindés de reconnaissance. Pinaillerie sémantique d’experts ? Pas tout à fait. Un char est une machine bien spécifique qui a un rôle bien spécifique : avancer face au front. C’est lourd, car massivement blindé et équipé d’un moteur capable de propulser une telle masse en encaissant les tirs ennemis. 60 tonnes pour un Leopard 2 allemand. 65 pour un Challenger 2 anglais. L’AMX-10RCR, tout équipé, frôle péniblement les 20 tonnes.
Le gouvernement français est persuadé que son bluff a fonctionné. Si les Allemands et les autres Européens ont accepté de livrer des chars aux Ukrainiens, ce serait parce que Paris a montré l’exemple. Berlin et Londres peuvent-ils vraiment gober ça ? A force de le répéter, cela semble pourtant passer. Même les Américains se sont fait avoir. Dans des documents fuités du Pentagone début 2023 traitant de l’Ukraine, les engins de reconnaissance sont bien comptabilisés… comme des chars.
Doctrine soviétique
Faute de bien comprendre comment pratiquer cette reconnaissance à la française, les Ukrainiens, très marqués par la doctrine militaire soviétique, cherchent comment utiliser leurs AMX-10RCR. Ils en ont déjà perdu quatre. Alors ils essaient d’en faire une pièce d’artillerie mobile pour tirer à 8km. Mais les optiques et les systèmes de visées ne vont que jusqu’à 3. Surtout, le canon n’est pas du tout conçu pour un emploi intensif puisque ce blindé est sensé rester discret.
Début juillet, le sénateur Philippe Folliot (UC) visitait les Ukrainiens en compagnie d’un collègue allemand : chars Leopard allemands le matin, AMX-10RCR français l’après-midi. « J’ai eu l’impression de voir une BMW toute neuve et une vieille DS. »
09.02.2023 à 09:19
Présentation des Moujiks à Strasbourg
Romain Mielcarek
Texte intégral (3315 mots)
Je serai à la librairie Kléber de Strasbourg ce samedi 11 février pour présenter Les Moujiks, à partir de 17.00.
N’hésitez pas à me faire signer si vous êtes dans le coin, j’arriverai de bonne heure à Strasbourg.
03.02.2023 à 16:42
Les Moujiks dans Affaires sensibles
Romain Mielcarek
Texte intégral (3315 mots)
Rediffusion d’une enquête de France Inter sur l’espionnage russe en France, dans l’émission Affaires sensibles. L’occasion d’évoquer Les Moujiks et quelques unes de mes conclusions et observations sur le sujet.
Emission consultable en cliquant ici ou sur toutes les bonnes plateformes de streaming.
18.02.2021 à 15:04
Assemblée : pas de mission flash sur la Dicod
Romain Mielcarek
Lire la suite (266 mots)
Le député Bastien Lachaud (LFI) a rendu publique sa proposition de porter une mission d’information parlementaire sur le fonctionnement de la Délégation à l’information et à la communication de la défense (DICOD). Une idée finalement non retenue, l’élu regrettant par communiqué de presse le 17 février que « la commission de la défense torpille la mission flash sur la Dicod ».
Bastien Lachaud s’est très tôt saisit des dysfonctionnements de la communication des armées, notamment lors des tensions relevées par l’Association des journalistes de défense (AJD), à l’été 2020. Bien que non élu au bureau de la commission, il y est invité dans sa version « élargie », qui accueille un représentant de chaque groupe politique.
Selon un collaborateur de Françoise Dumas, présidente de la commission, ce rejet s’explique par des choix du bureau qui a décidé de privilégier d’autres sujets, plus « prioritaires ». Le détail de ces choix n’est pas encore connu et devrait être rendu public dans les semaines qui viennent. La même source remarque que des travaux parlementaires ont déjà permis de questionner la communication des armées : le rapport budgétaire sur le programme 212 (soutien de la politique de défense) dont un long paragraphe revient sur ces questions ; ainsi que le rapport à paraitre sur les civils de la défense.
02.02.2021 à 09:32
Comex contre-terrorisme du ministère des Armées : la place de l’influence
Romain Mielcarek
Texte intégral (817 mots)
La ministre des Armées et les principaux dirigeants des armées et de la direction générale du renseignement extérieur (DGSE) ont mené le 1er février 2021 leur comité exécutif sur le contre-terrorisme. L’exercice a été médiatisé avec, notamment, une diffusion en direct sur les réseaux sociaux des principaux discours. La lutte contre l’influence des djihadistes a été largement évoquée.
Florence Parly : faire face à un ennemi agile
Dans son discours, la ministre des Armées liste, parmi les grands défis de la lutte contre le terrorisme, les « champs de bataille immatériels ».
Elle précise :
« Dans les champs du cyber et de la manipulation de l’information, les groupes terroristes montent en gamme et s’adaptent. Pour faire face, le ministère des armées a investi le champ de la lutte contre le terrorisme dans toutes ses dimensions et sur tous les théâtres d’affrontement. Notre organisation se réforme en permanence pour s’adapter à cet ennemi diffus, agile, inventif. […] [Nous ne menons pas qu’] un combat intégral dans le champ de bataille physique mais aussi dans les nouveaux champs de conflictualité, le cyber et la lutte informationnelle. Car lutter contre le terrorisme, ce n’est pas seulement engager le combat à la source, les détecter et déjouer les attaques. […] Cela implique aussi, ici en France et en Europe, de se protéger des guerres d’influence et de désinformation auprès des populations, qui jouent sur les perceptions, par des conflits d’image, la manipulation des faits et d’idées savamment orchestrées sur les réseaux sociaux. Dans ce cadre, la coordination avec le ministère de l’Intérieur est essentielle. »
Général François Lecointre : les armées en première ligne
Insistant sur la nature politique de l’engagement djihadiste, le chef d’état-major des armées a intégré l’influence dans l’ensemble de la description qu’il fait des efforts militaires contre le terrorisme. Il a évoqué des « actions permanentes dans le cyber espace » qui « visent à interdire l’utilisation du cyberespace par les groupes terroristes » :
« Dans le milieu cyber, les armées ont un mandat de lutte contre la propagande terroriste menée depuis l’étranger dès lors qu’elle porte atteinte aux intérêts français. A partir de la veille des réseaux sociaux, le comcyber contribue au signalement et à la suppression de produits de propagande et cela dans un travail de coordination étroite avec l’interministériel et l’interallié. »
Grâce à « des actions d’influence au Levant comme au Sahel [et] sous l’effet de l’action cyber qui est menée en étroite collaboration avec nos alliés américains, les moyens de propagande et de recrutement adverses ont dû quitter les réseaux sociaux de masse comme Facebook et Twitter. […] Nous conduisons également des actions cyber-offensives sur les groupes terroristes, permettant le renseignement, la réduction ou la neutralisation de capacités adverses, ou la modification de leurs perceptions. […] Les armées sont menantes dans la coopération franco-américaine en ce qui concerne les opérations d’influence, en particulier sur les théâtres de nos principales opérations extérieures. »
Bernard Emié : mystérieuse DGSE
Le patron du renseignement extérieur n’a à aucun moment évoqué aucun des concepts liés aux affrontements informationnels. Mais n’a-t-il pas profité de ce discours pour mener quelques opérations, ciblant l’adversaire, souvent très attentif à ce type de prises de parole ? La DGSE, habituellement extrêmement discrète sur son travail, annonce ici haut et fort par la voix de son directeur deux actions réalisées sur des groupes djihadistes sahéliens.
La première vise le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM/JNIM), affilié à Al Qaeda. Il diffuse une vidéo datant de février 2020 dans laquelle on voit Iyad Ag Ghali, Amadou Koufa et Abdelmalek Droukdel. Ce dernier est tué quelques mois plus tard et Bernard Emié répète qu’il a pu être repéré grâce à ce type de renseignement, d’origine humaine. Le message est clair : il y a des traitres jusqu’au plus haut niveau.
La seconde, relevant du même principe, cible l’Etat islamique au grand Sahara (EIGS). Il s’agit d’une photographie d’Abdoul Hakim al-Sahraoui, cadre de premier plan. Le message est probablement le même ici. Même si les images diffusées n’ont en réalité pas été visibles sur les réseaux sociaux.
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