12.11.2025 à 11:29
zabrahams
ACIER ? Un échange avec Marina Mesure, eurodéputée insoumise, me propose un sujet de satisfaction en même temps qu’un intérêt intellectuel. Marina est rapporteuse pour l’intergroupe « La Gauche » sur le train de mesures proposées par la Commission européenne. Une fois n’est pas coutume, la Commission européenne a proposé des mesures réellement protectionnistes dans le domaine de l’acier. Elle propose de réduire de près de 50 % les quotas d’acier autorisés sur le marché de l’Union européenne et d’appliquer des droits de douane de 50 % au-delà de ces quotas. Selon la Commission, avec ce nouveau dispositif, seul un peu plus de 10 % du marché resteront ouverts à la concurrence internationale. En d’autres termes, le marché européen de l’acier devient un marché domestique. Cela valait l’alerte. Car au total, les Insoumis retrouvent dans ce texte la plupart des mesures qu’ils ont été seuls à porter pendant des années au Parlement européen. Pourquoi seuls ? Parce que nos propositions sur le « protectionnisme solidaire » butent sur un fait : elles sont contraires aux règles de la « concurrence libre et non faussée ». Et sur celles du libre-échange mondial contenu aussi dans le Traité de Lisbonne. Le changement de pied de la Commission européenne sur ce sujet de l’acier commence à enregistrer en Europe la fin de la séquence néolibérale, comme aux États-Unis, et à cause d’eux.
Le moment historique planétaire se concentre sur la faillite constatée du néolibéralisme qui laisse toutes les droites du monde sans projet de référence. L’arrêt de mort de ce système ne date pas de Trump. Joe Biden d’abord en grande discrétion et avec de beaux emballages de mots avait ouvert la séquence. Son conseiller économique avait tonné : « la baisse des salaires et les petits droits de douane ont ruiné notre classe moyenne et nos travailleurs ». Un plan de subventionnement « vert » des entreprises capitalistes nord-américaines avait suivi. Trump a multiplié par cent le volume sonore et traduit le nouveau projet en une batterie de droits de douane exorbitants qui désorganisent le système mondial des échanges et amplifie les causes de la crise financière mondiale qui s’avance.
En Europe aussi donc, la muraille libre échangisme vacille. Il y a, en partant de là, une logique de situation. Quand la politique de l’offre est rendue impossible, l’alternative ramène à la politique des besoins comme nous en faisons le cadre de notre programme économique. Je le vérifie en retrouvant dans la proposition de la commission celle qu’avait soutenu l’an passé Marina Mesure. Ça a l’air technique, mais vous allez voir combien c’est politique et prometteur. C’est la création d’une règle : « Fondu et coulé ». Elle permettra de définir l’origine d’un produit sidérurgique selon le pays dans lequel le minerai aura été liquéfié et transformé en alliage. Cela permet d’éviter le contournement des quotas. Une mesure contre les exportateurs en passant par des pays tiers où l’acier subit une transformation mineure, avant d’être réexporté sous un nouveau drapeau en Europe sans payer de droits de douane. Mais protéger la production ne peut suffire. Il faut la rendre écologiquement comme économiquement soutenable. Nous voulons donc compléter le dispositif pour le rendre plus efficace en appelant notamment à revenir sur les règles régissant le prix de l’électricité pour les industries, en vue de la décarbonation de l’un des secteurs industriels les plus émetteurs en CO2.
ARRÊT DE TRAVAIL ? Le PS était à l’heure d’un nouveau reniement dimanche soir tard à l’Assemblée nationale. Les parlementaires Insoumis en étaient sidérés. Des bornes hier impensables venaient d’être franchies par le PS. Ils proposaient un amendement hallucinant au texte de loi sur la sécurité sociale. Il s’agissait de donner le pouvoir au médecin de prescrire du télétravail au lieu d’un congé maladie. Une telle proposition ne s’appuie évidemment sur aucune réalité. On est malade ou on ne l’est pas. C’est tout ce que peut constater scientifiquement un médecin généraliste ou les médecins du travail. Ils sont hors d’état d’apprécier la pénibilité d’une tâche pour un malade. Ni la possibilité de transposition de cette tache dans du télétravail, ni si le télétravail existe dans l’entreprise. Dans ces conditions, on comprend que la mesure proposée est surtout destinée à intimider les salariés malades. La députée socialiste Thiébault-Martinez (Seine-et-Marne) l’a même pris comme argument d’une « belle façon de lutter contre l’absentéisme ». Depuis son changement d’alliance, le PS, comme souvent les nouveaux convertis, fait du zèle dans la lignée anti-sociale du libéralisme qu’il assume désormais. Franchement ? Je ne le croyais pas quand on me l’a dit ! Mais j’ai vu l’amendement 681 rectifié par madame Runnel (PS Rhône) et le groupe socialiste. J’ai vu la photo du panneau des votes électroniques. C’est vrai. Ils l’ont fait ! C’est tellement nul, violent et hors-sol que les ministres macronistes eux-mêmes ont suivi les députés de gauche. Ils ont donné un avis défavorable à cause des discriminations et la confusion que cette idée provoque à propos du sens de l’arrêt maladie. Tous les LFI ont voté contre l’amendement PS ainsi que EELV, et le PCF. Tous les PS, tous les LR, tous les RN ont voté pour l’amendement PS. Heureusement, l’Assemblée n’a pas adopté. Pourtant l’alerte doit fonctionner. La députée insoumise A.B.C (Anaïs Belouassa-Cherifi) de Lyon a immédiatement interpellé le maire de sa ville pour lui demander s’il soutenait cette proposition de ses alliés socialistes. Car l’amendement PS était précisément présenté par son numéro deux au Conseil municipal. À Lyon, les salariés malades devront s’en souvenir au moment du vote. Ils peuvent dissuader le PS de recommencer ce genre d’agression contre leur droit à l’arrêt maladie. Dans toutes les mairies, il faut poser la question, car les inventeurs de la loi El Khomri revenus à la ligne sociale-libérale sont capables de tout « expérimenter » d’une manière ou d’une autre au niveau local. Ça s’est déjà vu…
ANTISÉMITISME. Le caractère injurieux des propos de Raphaël Enthoven contre La France insoumise en la traitant de passionnément antisémite a été reconnu noir sur blanc par un jugement. Mais le juge a relaxé le polémiste de la punition prévue par la loi contre l’injure publique. Ce droit d’injurier impunément, en accusant sans preuve d’un crime, c’est nouveau ! D’habitude, la loi s’applique quand les faits incriminés sont établis. Pas dans ce cas. Deux arguments interviennent, selon le juge. D’une part, Raphaël Enthoven serait un être à part. Du fait de son métier et de son audience, évidemment. Le condamner parce qu’il nous injurie suffirait à attenter à la liberté d’expression dans notre pays. D’autre part, une condamnation risquerait de dissuader d’éventuelles autres personnes d’user de cette liberté. Ici, c’est la liberté d’injurier qui est reconnue et protégée. Car l’antisémitisme était censé être un crime.
À vrai dire, on commençait à s’en douter : antisémite est devenu une injure usuelle vu le nombre de personnes qui ont été qualifiées d’antisémites par les amis de Benjamin Netanyahu. C’est même devenu un club assez huppé où figurent le pape François, le secrétaire général de l’ONU, le président Macron, Zorhan Mamdani maire de New York depuis peu, la totalité des Insoumis et des millions de Français qui condamnent le génocide à Gaza et souhaitent des punitions contre Netanyahu. Le mot « antisémite » devient donc avec ce jugement une injure ordinaire pas davantage punissable que « bachibouzouk, moule à gaufre », et autres dans les tirades du capitaine Haddock. Comme les autres injures communes, « antisémite » fonctionne à son tour hors du sens littéral. Et comme il n’y a plus besoin de preuve pour en incriminer quelqu’un depuis le jugement Enthoven, on peut conclure qu’on doit pouvoir traiter d’antisémite n’importe qui, même sans aucune raison. La preuve, ceux qui traitent d’antisémite (un crime) les gens qui sont antisionistes (une divergence d’analyse politique). Et par extension dans toutes les situations rageantes. Par exemple, si la machine à café du bureau ne marche pas, si l’on se tape sur les doigts avec un marteau, si une voiture vous asperge en passant dans une flaque d’eau.
Beaucoup d’amis ont été très tristes et terriblement déçus par ce jugement. Moi aussi. D’autant qu’aussitôt beaucoup de fascistes se sont chargés de donner à cette sentence une signification qu’elle n’a pas du tout. Non, le jugement n’a pas dit que « LFI est passionnément antisémite » comme l’a dit l’intellectuelle Aurore Berger, disciple de la pensée Enthoven. Car l’injure a bel et bien été reconnue dans le jugement. Et sa gravité tout autant. Mais quand notre dignité a-t-elle été prise en compte par le jugement comme le réclame aussi la loi ? Elle compte moins que le droit à l’injure de Raphaël Enthoven. Il y a circonstance atténuante. Car comment le juge aurait-il pu imaginer qu’aussitôt des centaines de tweets la reprendraient pour nous nuire en toute impunité ? Comment pouvait-il deviner à quel point la garantie de la relaxe permettrait à la fachosphère de multiplier par millier l’injure publique que nous voulions voir exemplairement interdire venant d’un intellectuel notoirement connu et polémiste reconnu ? Et comment le juge aurait-il pu soupçonner que la relaxe serait la seule information retenue dans tous les médias ? Comment pouvait-il imaginer que l’avocat d’Enthoven publierait aussitôt chez Grasset un livre sous le titre injurieux « Passionnément antisémite ». Il paradera donc bientôt sans droit de réponse sur les plateaux de France info et de CNews et vice-versa ! Non, cela dépasse sans doute l’entendement. Mais le juge pourra être ravi pourtant de constater la vigueur de la liberté d’injurier rendue possible par sa décision. Cela relève le niveau « du debâât public » comme le souhaite Raphaël Enthoven.
Une seule crainte : c’est évidemment si cette nouvelle liberté d’injurier était réservée à certains et refusée à d’autres. La rédaction du jugement le fait craindre.
En effet, le juge ne punit pas l’injurieur Enthoven par respect pour son importance sociale à la rédaction de « Franc-Tireur » et autres hauts-lieux de l’esprit en France. Nous pensions que cela serait une circonstance aggravante qui inviterait les portes-paroles de la société à la retenue. C’est le contraire. Dorénavant, ce type d’importants se voit reconnaître le droit d’injurier sans être punis. Si Enthoven est épargné des punitions de la loi alors que son délit est reconnu par le juge c’est précisément parce qu’il est un de ces importants qui ont tous les droits dans notre société. « L’auteur des propos litigieux, de par ses activités d’essayiste, de chroniqueur de radio et de télévision, de passeur de philosophie, d’éditorialiste pour l’hebdomadaire politique Franc-Tireur, régulièrement invité par divers médias, et particulièrement suivi sur le réseau social Twitter avec près de 288 200 abonnés, est une personnalité connue du grand public pour prendre régulièrement position sur des sujets d’actualité politique dans le débat public, y compris sur un mode polémique et dans le cadre de débats avec des personnalités politiques comme il a été indiqué à l’audience ». S’il peut injurier du fait de ses 288 200 followers, que pourrait-on par exemple m’interdire pour plus de deux millions d’abonnés sur X et autant sur TikTok ? Qui peut être convaincu de la justesse de cet argument dans un pays où la justice est rendue « au nom du peuple français » et ne saurait donc mesurer les droits et libertés de chacun à l’aune de sa notoriété ou pire, de ses habitudes de violences. Par conséquent, c’est Open bar pour tout le monde ! Il suffira aux délinquants de l’injure de s’en tenir aux termes désormais légaux contre un adversaire. C’est-à-dire répéter ceux utilisés par Enthoven. J’en relève ceux d’usage facile pour un usage séparé ou en tirade : « détestable, violent, complotiste, passionnément antisémite ». Vous pourrez aussi dire, sans preuve, à qui vous voulez : « vous nous faites honte tous les jours par vos outrances, vos fake news, vos gifles, vos mains au cul, vos comportements totalitaires » Et n’oubliez pas « cons ». Les délinquants ne devront pas oublier de contextualiser : vous êtes « tellement cons qu’il n’est même pas nécessaire de vous corrompre pour que vous repreniez à la lettre le narratif du Hamas ou de Poutine. » Oui, pour les municipales ça peut être utile. En effet le juge souligne comment c’est là « une période de campagne électorale appelant dans ce domaine à une appréciation la plus large des limites admissibles de la liberté d’expression. ». J’aurais cru l’inverse par respect pour les électeurs. Encore une erreur à corriger.
Pour ma part, je penche pour ne pas faire appel de cette décision. Nous avons obtenu gain de cause : c’est bien une injure qui a été proférée contre nous. On pourra s’en réclamer le cas échéant. Bien sûr, cela nuit à la cause de la lutte contre l’antisémitisme. Mais dans le cadre de la lutte actuelle menée par les amis de Netanyahu, il est plus profitable que ce jugement reste en l’état pour montrer que cela n’a aucune importance de traiter quelqu’un d’antisémite. C’est la meilleure réplique à l’usage qui est fait de ce mot par les suprémacistes de tous poils qui insultent la terre entière avec ce mot depuis deux ans.
La liberté d’injurier est trop précieuse comme le dit le juge. Et celle-ci ne porte pas à conséquence dans ce cas. Et si votre gamin qui croit lui aussi au Père Noël demande pourquoi on peut accuser d’un crime quelqu’un sans preuve, on lui dira que ce n’est pas grave, c’est pour parler, pas davantage. Et si votre gamin du coup vous demande « Mélenchon a traité le Père Noël d’être une ordure en Macronie va-t-il être condamné pour injure lui aussi ». Qui va lui dire « pas de problème le père noël n’existe pas » ! Difficile ! Mieux vaut dire « qu’ordure » non plus n’est pas vraiment une injure. Par exemple, Frédéric Haziza a demandé si « Mélenchon est une « ordure antisémite » » à beaucoup de personnes venues sur Radio J, radio communautaire. Aucun juge, ni Arcom ne s’en est ému. Donc c’est bien la preuve de la banalisation acceptable des mots « ordure » et « antisémite ». Le juge en prend acte. Je me le tiens pour dit. Mais je le regrette. Car à mes yeux, l’antisémitisme en France n’est pas une opinion, mais un délit. J’ai toujours refusé d’assimiler le refus du sionisme à de l’antisémitisme pour éviter cette banalisation réduisant cette accusation à une simple opinion politique et aux polémiques qu’elle déchaîne. Pour qualifier le vrai antisémitisme, il reste un mot strictement équivalent : racisme. Apprenez à manier l’un et l’autre avec discernement. Racisme, ça reste encore grave.
06.11.2025 à 10:28
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