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11.09.2025 à 08:40

La Roue Libre : un collectif paysan contre la dépendance industrielle

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La revalorisation des savoirs et du faire paysan au sein d’une conception systémique de l’écologie, voilà le projet de La Roue Libre. Reportage de Francesco Paolo Panei sur cette vision alternative de la ferme. « La France est passée de 1,6 million de fermes en 1970 à 400 000 aujourd’hui » En un demi-siècle, la France a […]

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Texte intégral (3902 mots)

La revalorisation des savoirs et du faire paysan au sein d’une conception systémique de l’écologie, voilà le projet de La Roue Libre. Reportage de Francesco Paolo Panei sur cette vision alternative de la ferme.

« La France est passée de 1,6 million de fermes en 1970 à 400 000 aujourd’hui »

En un demi-siècle, la France a perdu 75 % de ses fermes, passant d’environ 1,6 million en 1970 à 400 000 aujourd’hui. Au milieu de cette décroissance, de nouveaux espaces agricoles voient encore le jour : des lieux impulsés par des collectifs de jeunes aux parcours multiples, rassemblé·es autour d’un projet commun.

La Roue Libre, ferme installée à La Chabanne, dans les montagnes bourbonnaises, s’inscrit dans cette dynamique. Comme le raconte Laurine, initiatrice du projet, l’objectif principal est de promouvoir l’autonomie alimentaire de la région. Derrière cette démarche se trouve un collectif composé de 40 “paysan.nes militant.es, engagé·es pour l’autonomie territoriale et la justice écologique et sociale”, comme indiqué également sur leurs réseaux sociaux.

Crédit Photo ©Marlene Gräf/Partagé avec toutes autorisations

En juin dernier, le collectif a organisé deux journées Portes Ouvertes où l’on a eu l’occasion de rencontrer les habitant.e.s du lieu, de découvrir leurs  activités agricoles et de goûter leurs produits. Tout cela a été articulé avec des conférences, spectacles, débats et concerts.

Ce choix, inhabituel pour les Portes Ouvertes d’une ferme, est en cohérence avec le projet de la Roue Libre qui vise à faire exister une réalité bien concrète : un projet où la production agricole s’inscrit dans une perspective sociale et écologique, et où l’élément clé est la mise en commun des compétences et des connaissances nécessaires à sa réalisation.

La souveraineté alimentaire du territoire via l’autonomie agricole

L’autonomie est un mot-clé de l’activité de La Roue Libre. C’est dans une logique de souveraineté alimentaire territoriale que la ferme adopte une position militante : produire, grâce à des pratiques agroécologiques, des aliments destinés aux marchés locaux afin de les affranchir de l’agro-industrie et de la grande distribution.

Cela avec l’objectif de garder une production à taille humaine et, surtout, avec une faible consommation d’énergie. L’autonomie énergétique est, en effet, un enjeu central et clivant de la vision politique de la Roue Libre et ces premières journées Portes Ouvertes étaient articulées autour de cette thématique.

« bien que le nombre de fermes en France ait fortement diminué, la consommation énergétique du secteur agricole n’a pas cessé d’augmenter ».

Crédit Photo ©Marlene Gräf/Partagé avec toutes autorisations

L’un des points de départ de la discussion est parti du constat suivant : bien que le nombre de fermes en France ait fortement diminué, la consommation énergétique du secteur agricole n’a pas cessé d’augmenter.

Ce phénomène s’explique par des décennies de politiques européennes qui ont favorisé la mécanisation et la numérisation de l’agriculture, aujourd’hui centralisée dans des véritables industries agricoles qui font une taille moyenne de 69 hectares. On est donc face à un monde agricole peuplé par beaucoup moins d’acteurs et où la production est concentrée sur d’énormes surfaces énergivores.

Le choix de la thématique des Portes Ouvertes est à la fois affirmé et vise à prendre clairement position face au regard de certain·es voisin·es, qui perçoivent La Roue Libre comme l’émergence inquiétante d’une force productive méfiante à l’égard des méthodes agricoles conventionnelles et comme un retour trop idéalisé à des pratiques anciennes.

Crédit Photo ©Marlene Gräf/Partagé avec toutes autorisations

« Notre volonté, insistent Laurine et ses camarades, n’est pas de sortir du système, mais de proposer un modèle alternatif de production. » Dans ce modèle, on s’oppose à l’idée que le progrès technologique et l’industrialisation des fermes soient concrètement des éléments de progrès.

Bien que la technologie agricole ait sans aucun doute progressé, automatisant de nombreuses tâches traditionnelles et pénibles, le monde agricole a vécu une véritable régression concernant les savoirs et les compétences. Déléguant de plus en plus toutes sortes d’activités aux machines, les paysan.ne.s ont progressivement perdu la maîtrise de leurs connaissances et de leurs outils.

Par exemple, lorsqu’une panne survient, le manque de compétences techniques oblige les agriculteurs à faire appel à des techniciens spécialisés, ce qui alourdit encore le coût déjà élevé de ces équipements.

De plus, les outils préfabriqués, pour des raisons d’optimisation, tendent à être uniformes sur le marché et s’adaptent difficilement à la morphologie territoriale et humaine d’un lieu donné. Cette modalité d’usage génère une dépendance vis-à-vis du secteur industriel et empêche, de fait, l’autonomie des paysan.ne.s.

Crédit Photo ©Marlene Gräf/Partagé avec toutes autorisations

Partant de ce constat, l’association Atelier Paysan, invitée lors des journées Portes Ouvertes, œuvre depuis quinze ans pour promouvoir l’autonomie technique dans les fermes grâce à la fabrication d’outils agricoles adaptés et auto-construits.

À travers des formations en métallurgie, menuiserie, mécanique, micro-électricité, l’Atelier Paysan cherche à redonner aux agriculteurs et agricultrices les savoir-faire nécessaires pour construire des machines « à taille humaine », librement choisies et adaptables à leur réalité quotidienne. L’objectif principal, comme le souligne François, représentant de l’association, est d’instituer une véritable éducation populaire où l’on apprend de façon participative à « reprendre la terre aux machines« , rompant ainsi avec une dépendance réelle à la technologie pour mieux la remettre au service de l’humain.

La surveillance et l’analyse du discours institutionnel sur l’autonomie

Les Portes Ouvertes ont ainsi été organisées pour informer le public en matière d’autonomie énergétique dans la région. Cet enjeu est d’autant crucial que le discours écologique peut masquer des intérêts industriels sous couvert de transition « verte » et d’une nécessité stratégique d’atteindre une autonomie face aux grands groupes géopolitiques mondiaux.

C’est pourquoi une information critique, fondée sur une démarche interrogative, s’inscrit pleinement dans une approche visant à renforcer la conscience sur ces sujets et, au fond, sa capacité à prendre des décisions en toute autonomie.

Crédit Photo ©Marlene Gräf/Partagé avec toutes autorisations

La mine de lithium à Échassiers : l’électrification n’est pas une solution miracle 

Depuis des décennies, l’électrification des machines est un axe central de la transition écologique. Cependant, l’extraction des matériaux nécessaires à leur production se fait majoritairement à l’étranger, notamment dans les pays du Sud global. Ce sujet est d’ailleurs porté au sein de La Roue Libre par le collectif Stop Mines 03, basé à Échassiers (Allier), où la construction d’une méga-mine de lithium est prévue par l’entreprise Imerys.

Malgré leur potentiel comme alternative aux combustibles fossiles, la durabilité des batteries électriques est limitée par leur fabrication, en particulier par l’extraction du lithium des roches. Des informations quantitatives sont disponibles dans les documents d’Imerys ou d’autres articles comme celui de Celia Izoard sur Reporterre.

Ici, l’attention est portée sur l’analyse méthodologique qui a été présentée concernant les conditions et les conséquences de chaque étape de l’extraction du lithium. En effet, la faible proportion de lithium nécessite un effort logistique considérable, impliquant des procédés mécaniques et chimiques gourmands en énergie et susceptibles de générer des déchets toxiques. Même si l’on extrait le lithium sous une forme directement utilisable, la fabrication des batteries dépend d’autres matériaux rares, comme le cobalt, dont l’exploitation en République démocratique du Congo est connue pour ses conditions de travail désastreuses.

Crédit Photo ©Marlene Gräf/Partagé avec toutes autorisations

Finalement, même si l’industrie du lithium et des batteries favorise une transition électrique, elle contribue potentiellement à des usages croissants contraires aux objectifs de durabilité, tel l’exemple des SUV électriques récemment rapporté par le WWF.

Les limites de l’agrivoltaisme

Un autre enjeu récent est l’installation de panneaux photovoltaïques sur des terrains agricoles, censée créer une synergie innovante entre production alimentaire et production électrique. À ce sujet, un porte-parole de l’Association Nationale Photorévoltée a méthodiquement souligné les implications de chaque aspect du projet.

Cela implique, tout d’abord, une artificialisation partielle du sol pour l’installation des panneaux. Bien que cette couverture soit qualifiée de partielle, elle modifie tout de même l’exposition au soleil et aux précipitations du terrain.

Ces changements ont des répercussions sur les cycles biologiques des cultures et sur le niveau d’humidité des sols sous-jacents, avec des effets encore inconnus sur la biodiversité locale. Par ailleurs, durant les périodes les plus chaudes, la température sous les panneaux augmente, rendant le travail agricole difficile à supporter.

De plus, le transfert de l’énergie produite requiert soit la réalisation de tranchées, soit un raccordement aérien au réseau national, ce qui implique, dans tous les cas, la construction d’infrastructures supplémentaires.

Crédit Photo ©Marlene Gräf/Partagé avec toutes autorisations

Dans les deux cas

Dans les deux cas, la volonté des intervenants n’a pas été de prendre a priori position contre tel ou tel projet. Au contraire, le plus grand soin a été apporté à l’analyse et à la documentation des conséquences, dans le but de former le public et de lui permettre de se forger une opinion critique à ce sujet.

Dans les deux cas, la question de fond reste donc la même : une fois ces aspects mis en lumière, la finalité réelle de ces projets est‑elle vraiment celle qui est affichée ?

La méthodologie d’une écologie systémique

« le projet de la Roue Libre n’est pas de s’opposer au progrès,

mais plutôt d’analyser en quoi ce qu’on présente comme le progrès s’avère finalement contraire aux objectifs d’autonomie et de durabilité »

À la lumière de ces observations, il apparaît plus clairement que le projet de la Roue Libre n’est pas de s’opposer au progrès, mais plutôt d’analyser de façon critique en quoi ce qu’on présente comme le progrès, en pratique, s’avère finalement contraire aux objectifs d’autonomie et de durabilité d’une structure de production agricole.

Cela étant dit, ce qui est proposé relève d’un véritable processus de choix conscient : décider quels éléments intégrer et lesquels écarter. Si l’exemple de l’Atelier Paysan met en évidence à quel point les compétences technico‑scientifiques jouent un rôle essentiel, les journées Portes Ouvertes sont, plus généralement, porteuses d’une véritable démarche méthodologique pour réaliser ce choix.

Crédit Photo ©Marlene Gräf/Partagé avec toutes autorisations

Laurine, qui avant de devenir maraîchère a soutenu une thèse en biologie évolutive et génétique, sait bien que la science, en effet, n’est pas seulement un ensemble de connaissances: c’est avant tout une méthode pour se questionner et acquérir les savoirs nécessaires afin d’ y répondre. Plus généralement, elle n’impose pas une vérité, mais propose une démarche pour la chercher. Il est crucial dans cette démarche de considérer chaque élément dans son contexte et de prendre conscience des interactions avec les autres éléments du système.

« Une ferme, bien qu’il s’agisse d’une réalité locale, s’inscrit finalement dans un système bien plus vaste »

Une ferme, bien qu’il s’agisse d’une réalité locale, s’inscrit finalement dans un système bien plus vaste. Son activité de production génère inévitablement des effets directs et indirects au‑delà de son cadre immédiat. Cette activité modifie la structure et l’usage des territoires et influence les dynamiques sociales, déplace les équilibres économiques, redéfinit les rapports entre les communautés et leur environnement. Ainsi, une ferme s’inscrit dans une complexité d’interactions, où transformations écologiques et choix humains s’entrelacent et se répondent.

Crédit Photo ©Marlene Gräf/Partagé avec toutes autorisations

Dans cette perspective systémique, l’écologie ne se réduit pas à une simple certification de culture biologique, mais consiste à replacer ces pratiques dans leur contexte social et économique. C’est se poser des questions avec une rigueur et une méthode justement scientifique : si un légume n’est pas cher, on se demande dans quelles conditions ont travaillé les personnes qui l’ont fait pousser; si l’on achète un produit qui demande beaucoup d’eau, comme le maïs, on réfléchit à la gestion des ressources en eau nécessaires à sa culture ; ou encore, quand on introduit de nouvelles machines agricoles électriques, on interroge l’origine et l’extraction des matériaux qui les composent.

À la fin de ces journées

À la fin de ces journées, au‑delà de la tristesse inévitable du départ, il reste un fort sentiment d’espoir. La Roue Libre, ainsi que d’autres collectifs paysans de la Montagne bourbonnaise comme la ferme de La Martinière, incarnent une alternative fondée sur le partage des savoirs et des compétences. Ces lieux, qui promeuvent une écologie critique centrée sur les enjeux socio-économiques du travail agricole, démontrent comment une dimension collective et locale peut concrétiser cette proposition alternative.

Crédit Photo ©Marlene Gräf/Partagé avec toutes autorisations

Une alternative qui prend en compte les besoins matériels des personnes sans reléguer au second plan le respect et la protection de l’écosystème. Une alternative à échelle humaine qui, tout en se concentrant sur des objectifs précis, garde une vision consciente des autres éléments du système et encourage une information critique, point de départ pour construire un réseau de connaissances profond et solide.

Une alternative où les savoirs scientifiques, au lieu d’être uniquement associés à un progrès technologique plus proche des intérêts économiques des industriels que des besoins réels des paysan·nes, sont envisagés comme des outils au service d’objectifs d’autonomie alimentaire et énergétique.

Enfin, une alternative dont la clé réside dans le partage de savoirs et de compétences diverses, qui s’articulent et se complètent pour atteindre un objectif commun.

– Francesco Paolo Panei

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10.09.2025 à 06:00

Le féminisme est indissociable de la lutte des classes

Elena Meilune

On entend parfois que le féminisme serait un outil du capitalisme, voire une fabrication de la bourgeoisie pour mieux soumettre les peuples : une idée fondée sur une profonde confusion historique et politique.. Le féminisme, loin d’être un cheval de Troie libéral, est né d’une nécessité vitale d’émancipation – y compris contre l’oppression capitaliste. L’un […]

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On entend parfois que le féminisme serait un outil du capitalisme, voire une fabrication de la bourgeoisie pour mieux soumettre les peuples : une idée fondée sur une profonde confusion historique et politique.. Le féminisme, loin d’être un cheval de Troie libéral, est né d’une nécessité vitale d’émancipation – y compris contre l’oppression capitaliste.

L’un des arguments récurrents des masculinistes* consiste à dire que l’accès des femmes au travail aurait permis au capitalisme de doubler le volume de sa main-d’œuvre exploitable. Cette idée, réductrice, nie les fondements d’un féminisme qui a toujours articulé oppression de genre et oppression de classe. Les courants féministes marxistes, matérialistes et intersectionnels dénoncent depuis des décennies la double exploitation des femmes, à la fois en tant que femmes et en tant que membres des classes populaires. Il ne s’agit donc pas d’un détournement libéral du féminisme, mais d’une critique profonde de l’ordre patriarcal et capitaliste.

Ce ne sont pas les luttes qui instrumentalisent le capitalisme, mais l’inverse. Si le néolibéralisme récupère certaines revendications pour les vider de leur sens et les intégrer dans sa logique de marché, cela ne disqualifie pas pour autant leur légitimité. Bien au contraire, cela prouve leur puissance subversive.

* Le masculinisme est une idéologie et un ensemble de pratiques, conscientes ou non, qui visent à préserver et restaurer les privilèges patriarcaux. Il peut s’exprimer de manière explicite à travers des discours anti-féministes ou, plus insidieusement, sous couvert d’un discours égalitariste ou proféministe. Dans tous les cas, il maintient l’ordre patriarcal au détriment des personnes sexisées — c’est-à-dire toutes celles qui subissent des oppressions liées au genre assigné ou à l’orientation sexuelle.

Le droit au travail : une conquête féministe face à la dépendance

Historiquement, ce sont d’abord les femmes des classes populaires qui ont revendiqué le droit de travailler pour gagner leur autonomie financière et échapper à la dépendance conjugale. Jusqu’en 1965 en France, une femme mariée avait un statut juridique comparable à celui d’un enfant. Elle ne pouvait ni ouvrir un compte bancaire, ni exercer un emploi sans l’autorisation de son mari. Jusqu’en 1970, elle ne détenait pas l’autorité parentale, et le viol conjugal ne sera reconnu par la loi qu’en 1990. Pendant longtemps, les femmes ne pouvaient pas facilement divorcer, et les violences conjugales restaient impunies ou invisibilisées.

Dans ce contexte, refuser aux femmes le droit de travailler sous prétexte de ne pas « nourrir le capitalisme » revient à les renvoyer à l’enfermement domestique et à une dépendance économique souvent violente. Cette posture n’a rien d’anticapitaliste : elle est profondément réactionnaire et misogyne. Par ailleurs, assigner les femmes à un rôle de mères au foyer, c’est aussi renforcer l’invisibilité de l’exploitation domestique gratuite, qui reste centrale dans l’économie capitaliste.

Le travail salarié est aliénant – c’est une critique justifiée du système capitaliste – mais c’est précisément la raison pour laquelle les féministes de gauche se battent pour un travail digne, choisi, rémunéré équitablement et compatible avec la vie personnelle, pour toutes et tous.

Non, ce n’est pas le féminisme qui a appauvri les ménages

Certains affirment que l’entrée massive des femmes sur le marché du travail aurait conduit à une situation où deux salaires ne suffisent plus pour vivre. Ce diagnostic fait totalement fausse route. Si un salaire masculin suffisait autrefois, c’est parce que : les salaires étaient mieux répartis, la part des salaires dans la richesse produite était plus élevée (75 % dans les années 1980, contre moins de 65 % aujourd’hui), l’immobilier n’était pas encore soumis à une spéculation galopante et les services publics étaient plus solides et accessibles.

Ce n’est donc pas l’émancipation des femmes qui a affaibli les foyers, mais le capitalisme néolibéral, à travers les politiques fiscales en faveur des plus riches, la dérégulation du marché du travail, et l’érosion délibérée des protections collectives.

Le travail invisible des femmes, pilier caché du capitalisme

Le capitalisme repose depuis toujours sur le travail gratuit ou sous-payé des femmes. Ce sont elles qui assurent l’immense majorité du travail domestique, éducatif et de soin – non reconnu, non rémunéré, et pourtant essentiel à la reproduction de la force de travail. 80 % du travail domestique dans le monde est effectué par les femmes. Selon l’ONU Femmes, la valeur du travail non rémunéré réalisé par les femmes représente jusqu’à 40 % du PIB de certains pays. Par ailleurs, elles sont surreprésentées dans les secteurs les plus précaires : nettoyage, aide à la personne, textile, restauration, grande distribution…

Les femmes sont les premières victimes du capitalisme mondialisé, et ce sont elles qui, dans l’ombre, soutiennent les fondations de l’économie. On ne peut pas critiquer le capitalisme tout en négligeant cette réalité centrale.

Le féminisme libéral : une récupération, pas la norme

Au fil du temps, le capitalisme a appris à neutraliser les luttes en les récupérant. Il existe une version édulcorée du féminisme, souvent promue par des marques ou des figures publiques, qui met en avant des slogans d’« empowerment » tout en exploitant des ouvrières à l’autre bout du monde.

Ce féminisme d’affichage, souvent porté par des femmes privilégiées notamment blanches et bourgeoises, ne remet pas en cause les structures de domination. Il se contente d’intégrer quelques femmes dans un système injuste. Mais cette récupération n’est pas une trahison du féminisme. Elle prouve à quel point ses idées sont puissantes, au point d’inquiéter les structures dominantes qui cherchent à les vider de leur radicalité.

Un féminisme anticapitaliste, ancré dans l’histoire des luttes

Dès la fin du XIXe siècle, plusieurs figures majeures du mouvement ouvrier ont posé les bases d’un féminisme profondément anticapitaliste. Rosa Luxemburg (1871–1919), théoricienne marxiste, révolutionnaire et antimilitariste, incarne de façon exemplaire la convergence entre féminisme et lutte des classes. Elle fut l’une des premières femmes à s’imposer dans un espace politique entièrement dominé par les hommes, sans jamais se plier aux injonctions de silence ou d’effacement.

Bien qu’elle ne se soit pas revendiquée « féministe » au sens restreint, elle a toujours soutenu activement l’émancipation des femmes, tout en critiquant les courants féministes bourgeois, aveugles aux réalités des femmes prolétaires. Pour Luxemburg, la libération des femmes, comme celle du prolétariat, nécessitait une transformation radicale de l’ordre social.

Dans la même période, Clara Zetkin (1857–1933), figure centrale du féminisme socialiste allemand, milite également pour une articulation étroite entre lutte des classes et lutte féministe. Elle est à l’origine, avec d’autres militantes socialistes, de la Journée internationale des droits des femmes (8 mars), née d’une convergence de luttes féministes et ouvrières sur plusieurs continents. Pour elle, les droits des femmes ne pouvaient être séparés du combat anticapitaliste global.

Alexandra Kollontaï (1872–1952), quant à elle, s’illustre au sein de la révolution russe comme l’une des premières femmes ministres d’un gouvernement dans l’histoire. Elle plaide pour la socialisation du travail domestique, la création de cantines collectives, de crèches, et l’égalité dans les sphères politique, économique et intime. Elle dénonce à la fois l’oppression patriarcale et l’idéologie bourgeoise, défendant une vision matérialiste du féminisme, centrée sur les besoins concrets des femmes travailleuses.

En France, Louise Michel (1830–1905), figure majeure de la Commune de Paris, avait dès la fin du XIXe siècle articulé lutte féministe, anticléricalisme, éducation populaire et critique virulente du capitalisme bourgeois. Elle incarne un féminisme révolutionnaire, profondément ancré dans les luttes sociales et les mouvements insurrectionnels.

À partir des années 1970, des penseuses comme Silvia Federici (née en 1942), Christine Delphy (née en 1941) et Maria Mies (1931–2023) approfondissent cette critique en montrant que l’économie capitaliste repose sur une infrastructure invisible : le travail domestique gratuit, effectué principalement par les femmes. Elles démontrent que ce travail de reproduction sociale (soin, ménage, éducation, soutien émotionnel) est une condition sine qua non du fonctionnement du système capitaliste, tout en étant nié, invisibilisé, et non rémunéré.

Pour ces féministes, l’émancipation passe par la socialisation du travail de care – le travail de soin et de reproduction sociale, le renforcement des services publics, la répartition équitable des tâches et la revalorisation salariale et symbolique des métiers du soin.

Le féminisme marxiste ne se satisfait donc pas d’une simple égalité dans l’exploitation. Il réclame une transformation structurelle des rapports de production et de reproduction. Ces pensées féministes ne visent pas seulement l’accès des femmes aux droits ou au marché du travail, mais une transformation radicale de la société, du travail, de la répartition des richesses et du pouvoir.

Le patriarcat : une structure antérieure au capitalisme

Certains courants marxistes ont longtemps soutenu que le féminisme était une lutte secondaire et que la révolution prolétarienne suffirait à abolir les inégalités de genre, comme si l’émancipation des femmes était une conséquence automatique de la fin du capitalisme, comme si toutes les inégalités découlaient de celui-ci. Historiquement, cela ne correspond pas aux faits. Des études archéologiques montrent qu’une division sexiste des tâches s’est mise en place dès le Néolithique, avec la sédentarisation et la naissance de l’agriculture, période qui a posé les bases du patriarcat.

Une révolution prolétarienne peut créer les conditions matérielles pour davantage d’égalité, mais elle ne les garantit pas d’emblée, car les normes sociales, les structures patriarcales, les rapports intimes et les institutions familiales peuvent perdurer.

Les débats contemporains, notamment autour de l’intersectionnalité, montrent que les oppressions de classe, de genre et de race sont imbriquées, et qu’elles ne peuvent être résolues séparément. Le féminisme et la lutte contre l’exploitation capitaliste sont donc profondément liés : les oppressions de classe et de genre s’entretiennent mutuellement. Une révolution qui n’aborde pas les deux ne peut pas être pleinement émancipatrice. Voilà pourquoi les mouvements féministes contemporains insistent sur l’intersectionnalité : la justice sociale exige une remise en cause simultanée de toutes les formes de domination. Le féminisme n’est pas un combat accessoire, mais un volet essentiel de la lutte pour une société plus égalitaire.

Intersectionnalité : refuser le féminisme blanc et bourgeois

Le féminisme est anticapitaliste dès qu’il se préoccupe de toutes les femmes, pas seulement des élites. Le féminisme intersectionnel, défendu par bell hooks, Angela Davis, ou Kimberlé Crenshaw, lie inextricablement genre, classe et race.

Ces penseuses ont démontré que l’émancipation féminine ne peut pas être détachée des autres luttes sociales : contre le racisme, l’impérialisme, la précarité, l’exploitation néocoloniale ou les violences économiques. Le féminisme n’est pas une idéologie homogène : il existe des féminismes populaires, noirs, queer, écoféministes, décoloniaux, syndicalistes… tous porteurs de critiques radicales du capitalisme.

Si toutes ces luttes (féminisme, antiracisme, anticapitalisme, écologie…) sont complémentaires et indissociables, c’est parce qu’elles ont toutes pour point commun de vouloir abolir les rapports de domination et les oppressions.

Contre les fantasmes réactionnaires et les contresens philosophiques

Certaines critiques du féminisme mobilisent la figure de l’animal laborans développée par Hannah Arendt dans son ouvrage Condition de l’homme moderne (1961). Arendt y critique la modernité pour avoir réduit l’humain à un être exclusivement tourné vers la production et la consommation, au détriment de l’action politique et de la créativité, ce qui appauvrit la liberté humaine. Mais utiliser ce concept pour accuser le féminisme de transformer les femmes en « forces productives » est un contresens total.

Le féminisme, au contraire, combat la réduction des femmes à des rôles utilitaristes, qu’ils soient domestiques ou salariés. Il dénonce précisément leur assignation au travail reproductif non rémunéré, leurs conditions de travail précarisées et leur exclusion des sphères de décision, de création, de représentation.

En ce sens, le féminisme rejoint pleinement la critique d’Arendt, car il vise à donner aux femmes la liberté d’être, d’agir, de créer, de s’exprimer dans toutes les sphères de la vie publique, et non de les enfermer dans des fonctions économiques.

En parallèle, certains masculinistes vont jusqu’à qualifier le féminisme de « projet fasciste bourgeois ». Or les régimes fascistes, historiquement, ont toujours réassigné les femmes à leur rôle traditionnel de mères, exclues de la vie publique. Le féminisme, à l’inverse, s’oppose aux idéologies autoritaires, à la militarisation, à la hiérarchie et au culte de la soumission.

Il ne vise ni à détruire la famille, ni à « abolir le peuple », mais à libérer les personnes sexisées de l’oppression patriarcale et économique. Il est incompatible avec le fascisme, car il défend l’égalité, la justice sociale et les droits fondamentaux pour toutes et tous.

Le féminisme ne trahit pas la lutte des classes, il l’enrichit

Le féminisme ne détruit pas, il construit. Il ne divise pas, il démasque les hiérarchies qui minent le vivre-ensemble. Il ne trahit pas la lutte des classes : il l’enrichit. Le vrai projet destructeur est celui du capitalisme patriarcal, qui exploite, divise, précarise, et instrumentalise même les causes sociales pour mieux les neutraliser.

En dénonçant la double exploitation des femmes – par le patriarcat et le capitalisme – le féminisme propose un horizon de transformation globale : celui d’un monde plus juste, plus solidaire, plus égalitaire. Il ne s’agit pas seulement d’offrir aux femmes une place dans un système injuste, mais de remettre en cause ce système à la racine.

Ce féminisme-là ne se contente pas d’égalité formelle : il réclame la justice réelle. Il ne se limite pas à intégrer les femmes dans le monde tel qu’il est, mais cherche à transformer le monde dans l’intérêt de toutes et tous.

Elena Meilune


Photo de couverture : Louise Michel. Wikimedia.

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09.09.2025 à 06:00

Burn-out militant : ces activistes qui s’épuisent en silence

Mr M.

Selon le rapport sur la santé des professionnels de santé, un tiers des salariés français (34 %) ont signalé avoir vécu un burn-out. Le burn-out se décline côté engagement, et a donné naissance au terme « burn-out militant », une forme d’épuisement physique et psychique, qui frappe celles et ceux qui luttent pour transformer la société. […]

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Texte intégral (5006 mots)

Selon le rapport sur la santé des professionnels de santé, un tiers des salariés français (34 %) ont signalé avoir vécu un burn-out. Le burn-out se décline côté engagement, et a donné naissance au terme « burn-out militant », une forme d’épuisement physique et psychique, qui frappe celles et ceux qui luttent pour transformer la société. Un phénomène dénoncé par les militantes et autrices Sarah Durieux et Victoria Berni-André, dans leurs ouvrages, Militer à tout prix (2025) et Vivant·es et dignes (2024), publiés chez Hors d’atteinte.

Simon Cottin-Marx, sociologue spécialiste du monde associatif, souligne sa particularité : contrairement au burn-out professionnel classique, il naît d’un engagement volontaire où « le pacte implicite de désintéressement » pousse les activistes à ignorer leurs limites. Ce phénomène prend une dimension accrue dans les milieux militants, selon un sondage réalisé par Empreinte Humaine et OpinionWay en 2022.

Travailler dans un milieu engagé : burn-out assuré ?

La culture du sacrifice exposée dans l’article Le burn-out militant. Réflexions pour ne pas être consumé par le feu militant, identifiée par Cher Weixia Chen et Paul Gorski dans leurs travaux sur les activistes états-uniens, joue un rôle clé. Leur concept d’« éthique de la souffrance » décrit une dynamique où l’abnégation devient une norme, rendant suspecte toute préoccupation pour son bien-être.

Yazid, qui a travaillé pour un média engagé, raconte : « j’avais en moi la volonté de tout donner pour la cause, surenchérie par la culture interne de la structure, qui poussait à être vachement dans l’action, la débrouille, l’idée de ne rien lâcher. Je me suis lentement éteint pour ce job, jusqu’à l’épuisement total, avec une bonne dose de dépression et d’anxiété. J’ai mis beaucoup de temps à m’en remettre et je n’ai pas pu en parler pendant plusieurs mois. »

Après avoir quitté le navire, Yazid a ressenti un grand sentiment d’échec, et s’est confronté à des difficultés professionnelles, arrivant à cette conclusion : « tous mes amis qui travaillent dans des milieux engagés en souffrent. »

Un mal systémique

Cet épuisement est aussi profondément traversé par des rapports de domination. Tous les militants n’ont pas les mêmes ressources pour affronter la charge militante : certaines peuvent s’appuyer sur un réseau, un capital culturel, voire un capital économique ou immobilier. D’autres, n’ont ni héritage, ni sécurité affective, psychique ou familiale suffisante pour « tenir ».

Dans les collectifs, les plus exposés à la répression, à la précarité économique et à la charge émotionnelle sont souvent aussi celles et ceux qui cumulent les oppressions systémiques. Cela pose une question politique : qui peut militer sans se mettre en danger ?

À ce titre, le burn-out militant est un révélateur des inégalités internes à nos luttes. Ce n’est pas un « mal universel», mais un phénomène différencié, où certains tiennent parce qu’ils et elles ont des amortisseurs, pendant que d’autres tombent.

Pourtant, Marie-Laure Guislain, autrice et performeuse (source), défend :

« ce n’est pas le fait de militer qui nous mène au burn-out, c’est la façon dont on milite et dont on reproduit le système capitaliste néolibéral à l’intérieur de nos collectifs. » 

Sans surprise, toute organisation, aussi militante et engagée soit-elle, prend racine au sein de notre système capitaliste. Marie-Laure Guislain, autrice et performeuse, y voit l’influence toxique du néolibéralisme : « On reproduit malgré nous les schémas de productivité et d’urgence qu’on combat », affirme-t-elle dans la revue Silence, d’autant plus que bon nombre des personnes qui évoluent en associations, ONG ou toute autre structure militante ont parfois fait un passage en entreprise, avec un management violent. 

Elsa, qui travaille dans une entreprise vertueuse, en est le parfait exemple. Issue d’un parcours élitiste avec un master à Science-po, elle a fait un passage dans une grande enseigne de l’agroalimentaire pendant sept ans. Elle raconte, amère : « il y a des choses que j’ai gardées du management très hiérarchique de cette enseigne et je n’en suis pas très fière ». Par exemple, en arrivant dans sa nouvelle entreprise, Elsa eu beaucoup de mal à tutoyer, « je serrais la main à tout le monde ».

Au-delà d’un ethos très « corporate », Elsa avait intériorisé la culture de la performance dominatrice : « J’avais été habituée à tirer la couverture de mon côté alors que dans cette nouvelle structure, la culture était bienveillante, et on n’hésitait pas à se féliciter les autres à coup de « bravo à untel », ce que j’ai encore du mal à faire ».

Le sentiment d’urgence était, lui aussi, totalement intériorisé : « je disais tout le temps à mes collègues que tout était pour hier ». On lui a beaucoup reproché sa façon de parler aussi, qui était trop offensive. « J’ai une fois été prise entre quatre yeux et on m’a dit : “tu ne nous parles vraiment pas bien”. »

L’idéologie de la surperformance, vraiment ?

Dans son document publié sur HAL open science, Le burn-out militant. Mouvements : des idées et des luttes, 2023, Simon Cottin-Marx pointent six causes organisationnelles identifiées par Christina Maslach et Mary Gomes, adaptées au militantisme :

« L’État apparait souvent comme une réponse aux défaillances de marché. Mais, si l’État est lui-même défaillant, y a -t – il une réponse possible dans la société ? Cette réponse peut passer par l’action associative. »

D’abord et sans conteste, une surcharge de travail qui est systémique : l’État ne fait pas son travail et délègue, sans trop de moyens (et de moins en moins), une charge de travail énorme aux associations et autres structures militantes. Forcément, se joue là les mêmes biais d’une structure managériale classique qui cherche à broyer les individus à moindre cout pour augmenter la marge : objectifs démesurés et manque de moyens. 

Yann, qui a travaillé pour différentes associations et tiers-lieux décrit ce phénomène : « Pour un festival écologique, j’ai bossé jusqu’à 21h tous les soirs pendant plusieurs mois. On a envie que tout se passe bien, alors on donne tout pour un salaire au SMIC, parce qu’on a une deadline, et que le monde brûle ». Peu de temps avant le festival, Yann s’est cassé le coude, et n’a pas pris le temps nécessaire pour se reposer à cause de cet événement à venir : « Clairement, la pression, elle venait d’une seule personne, qui osait nous dire “qui prend son jour férié cette semaine ?” »

Lila, qui a fait de la communication pour un écolieu dénonce : « On m’en demandait toujours plus alors que je travaillais un jour par semaine, cette journée m’en valait 4 en termes de fatigue et de charge de travail. » Quant à Elsa, citée plus haut, elle dénonce également : « il y a eu une fusion d’entreprises au sein de ma boite, au final, pendant cette période de transition, j’en ai vraiment bavé. J’ai travaillé de 8 h à 20 h pendant plusieurs mois, tout ça sans que ma paye évolue. » 

Reconversion : retour à la réalité ?

Dans les milieux agro-écologiques, l’herbe n’y est pas toujours plus verte qu’ailleurs. Olivier et Fatoumata, paysans herboristes depuis peu, témoignent des difficultés rencontrées. D’abord, l’accès au foncier dans une région gangrénée par la spéculation immobilière a été un premier défi à relever, quand des propriétaires peu scrupuleux font des plus-values énormes sur des biens. Fortement aidés pour la rénovation de leur ferme par les primes rénov’, ils ont ensuite relevé le défi d’une création d’entreprise agricole, avec de rares jours de repos, et sans pouvoir prendre de vacances.

Photo de Helena Lopes. Pexels.

Les éternels bénévoles ou le travail dissimulé

Parmi ces personnes engagées, on retrouve aussi les éternels bénévoles, qui arpentent les chantiers participatifs à droite à gauche, qui vaquent de stages non rémunérés en services civiques payés 600 euros par mois.

Ben, 29 ans, qui a évolué dans le milieu de la permaculture et de la cuisine végétal, s’emballe : « J’ai d’abord commencé par quelques petits jobs alimentaires, mais je rêvais vraiment de voyager et d’aller sur des projets en permaculture en Europe où je pouvais cueillir et cuisiner ». Après une licence en anthropologie dans laquelle il ne se reconnait pas vraiment, il abdique et se rend à l’évidence : « J’ai envie d’être dehors les mains dans la terre et de faire du bien, de cuisiner avec la nature ». Pour cela, nombreux sont ceux qui empruntent les chemins du Woofing. Certains hôtes utilisent malheureusement ce type d’échange pour exploiter gratuitement des travailleurs, renforçant la concurrence déloyale avec les personnes employés du secteur, et les précarisant davantage encore.   

Après plusieurs expériences sur des lieux autour de la spiritualité, dans des environnements au confort limité, Ben s’installe « en résidence dans certains lieux » , où il peine à trouver du travail dans son secteur :

« J’en étais à un point où je participais à tous les projets bénévoles possibles dans l’espoir de pouvoir trouver un travail rémunéré. »

Ce type de trajectoire est révélateur d’un autre angle mort du burn-out militant : l’absence de rétribution réelle dans les sphères associatives et alternatives pousse les personnes sans capital économique à enchaîner les tâches ingrates, les missions précaires, et les sacrifices personnels, dans l’espoir de « percer » dans des milieux qui valorisent le don de soi… mais où l’ascension reste souvent réservée à celles et ceux qui peuvent se permettre de ne pas être payés pendant un temps, ou de travailler « par passion ».

Toujours en quête du sacro-saint salaire, Ben a effectué différents stages non rémunérés à la petite semaine sur Paris, des heures en restauration ultra-tendues pour ajouter une corde à son arc. « Mais rien n’y fait, je patauge, avec une charge mentale toujours plus présente malgré de nombreux temps morts : j’ai la tête toujours pleine de pensées négatives quant à mon avenir professionnel, je désespère un peu, et j’aimerais vraiment être rémunérée très vite. C’est épuisant d’être dans l’attente d’être payée pour mon travail un jour. » S’articulent alors ici les derniers critères scientifique du burn-out militant, à savoir inefficacité et récompenses insuffisantes dans un contexte où les victoires sont rares. 

Si le burn-out militant touche de nombreuses personnes engagées, certaines sont bien plus vulnérables que d’autres face à ses conséquences. Le manque de statut, l’absence de contrat de travail, la difficulté à se faire rémunérer ou reconnaître, pèsent bien plus lourd quand on n’a pas de coussin financier ni de soutien social solide.

Les personnes racisées, issues des classes populaires, migrantes ou sans statut stable, ou encore anciennement incarcérées, sont souvent à la fois les plus mobilisées et les plus exposées. Et dans certains cas, la répression étatique — surveillance, contrôles, gardes à vue, intimidations policières — ajoute un niveau d’épuisement et de mise en danger supplémentaire, rarement pris en compte dans les collectifs militants les plus institutionnels.

Témoignages et mobilisations : l’alerte des concernés

Selon un article du Monde, les femmes sont davantage concernées par le burn-out et d’autant plus par le burn-out militant. Elles seraient en effet deux fois plus concernées par le burn-out que les hommes selon Santé publique France, tandis que la souffrance psychique liée au travail est deux fois plus élevée chez elles. 

Et tout cela s’explique fort bien : Le système patriarcale demande aux femmes en conjugalité hétéro d’effectuer une double journée, via les tâches domestiques et familiales (environ 70 % gérées par les femmes), en plus de leur emploi, ce qui accroît la charge mentale et le risque d’épuisement, selon un article du Monde

Les femmes subissent également davantage de discriminations sexistes, de harcèlement et occupent moins souvent des postes de direction, ce qui alimente le stress et la frustration, selon le Monde.  Enfin, elles sont surreprésentées dans les métiers du social, du care et de l’associatif, des milieux plus précaires les uns que les autres, puisqu’elles composent 92% des aides-soignants 88% infirmiers par exemple. 

Le burn-out des militants marginalisés

Le burn-out est un poison pour les personnes sexisées (personnes LGBTQIA+ et les femmes cisgenres hétérosexuelles), les personnes précaires, les personnes racisées, non-valides, marginalisées, etc. En fait, la surcharge émotionnelle liée à l’engagement pour des causes sociales, souvent dans des contextes de violence ou de discriminations répétées, créent les conditions parfaites du burn-out. 

Le manque de moyens, la pression à « tout faire » pour la cause, et la difficulté à poser des limites, conditions d’autant plus difficiles dans une société où on apprend aux personnes dominées socialement à ne pas dire non, de même que la dimension collective, le plus souvent accompagné d’une forte charge mentale et d’une exposition à la violence symbolique ou réelle, accroît le risque d’épuisement.

Le collectif Féministes contre le cyber-harcèlement a lancé en 2019 le hashtag #PayeTonBurnOutMilitant après avoir abandonné ses permanences d’écoute. « On palliait les carences de l’État, mais à quel prix ? », interroge Laure Salmona, cofondatrice dans un article pour le média Usbek & Rica. Anaïs Bourdet, créatrice de Paye ta Shnek, a quant à elle stoppé son combat contre le harcèlement de rue après sept ans d’activisme épuisant.

Une responsabilité collective, pas une « fragilité » individuelle

Le burn-out de ces militants ne peut être compris uniquement comme un problème individuel ou une mauvaise gestion des émotions. Il s’inscrit dans une répartition structurellement inégalitaire du travail militant, profondément déterminée socialement, qui fait écho à la division sexuelle, classiste, validiste et raciale du travail.

Dans de nombreux collectifs, ce sont massivement les personnes les moins privilégiées en termes d’oppressions systémiques qui assurent :

  • le travail logistique (organisation d’événements, préparation matérielle, rédaction de comptes-rendus),

  • la charge émotionnelle (écoute, médiation, gestion des conflits, soutien aux membres en difficulté),

  • la charge organisationnelle (prise d’initiatives, gestion des urgences, maintien du lien entre membres).

Pendant ce temps, d’autres s’arrogent un accès au confort, au repos, aux loisirs, à la légèreté, sans culpabilité. Ils peuvent se permettre de :

  • décliner une réunion en invoquant leur « besoin de repos »,

  • ne pas répondre aux messages urgents parce qu’ils sont « en week-end »,

  • prendre du temps pour leurs hobbies créatifs, sportifs ou intellectuels,

  • se désengager temporairement sans que cela ne mette le collectif en péril.

Autrement dit, certains peuvent militer quand ça les arrange, tandis que d’autres militants ne peuvent pas se permettre d’arrêter, parce qu’elles savent que si elles lâchent, personne ne prendra leur place. Le repos, chez elles, devient une forme de culpabilité ou de luxe inaccessible.

Ce déséquilibre crée une exploitation invisible mais systémique, où les personnes marginalisées, sont à la fois en première ligne et en arrière-plan.

Comme dans le monde du travail, cette inégalité repose sur un privilège structurel, souvent non conscientisé mais bien réel : les militants privilégiés par les systèmes de domination, même sincères, peuvent s’accorder du répit parce qu’ils savent que des personnes dominées socialement assureront la continuité.

Ce système, même dans les luttes les plus progressistes, reproduit les rapports de domination, en les maquillant sous des idéaux de solidarité ou d’engagement désintéressé. Le burn-out des militants n’est donc pas un « effet secondaire » du militantisme : il est le produit direct d’une répartition injuste du travail, du soin et du sacrifice.

Photo de Ehimetalor Akhere Unuabona sur Unsplash

Vers une révolution des pratiques

Face à l’épuisement, il ne suffit pas de promouvoir des techniques de gestion du stress ou de suggérer des « pauses bien-être ». Le burn-out militant n’est pas un problème individuel à soigner, mais un symptôme collectif, le signal d’un militantisme organisé selon des logiques extractivistes, où certaines personnes donnent jusqu’à se briser pendant que d’autres peuvent s’économiser.

Sur le site Les Impactrices, le sociologue Simon Cottin-Marx insiste sur la nécessité de repenser l’organisation du travail militant pour éviter que l’engagement ne devienne un piège sacrificiel. De son côté, Marie-Laure Guislain appelle à une « désobéissance joyeuse » aux injonctions néolibérales, en refusant les logiques de performance, d’urgence et d’auto-sacrifice.

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Mais cela implique bien plus que de « mieux s’écouter ». Cela suppose de repolitiser radicalement la question du repos, de la charge mentale et de l’invisibilisation du travail, en particulier celui des personnes sexisées, racisées, précaires, en situation de handicap, marginalisées. Des pistes concrètes émergent :

  • Redistribuer réellement le travail militant : cela signifie rendre visibles les tâches logistiques, émotionnelles et de coordination souvent portées par les personnes marginalisées, et organiser leur répartition de manière équitable — pas en fonction des envies ou disponibilités des plus privilégiés, mais dans une logique de justice collective.

  • Responsabiliser les militants privilégiés : refuser qu’ils se retranchent derrière des discours sur l’épuisement personnel ou la distance émotionnelle pour échapper aux tâches ingrates. Être allié, c’est aussi prendre en charge une part du care, de la logistique, de l’écoute — sans attendre qu’on vous le demande.

  • Instaurer des pratiques structurelles de soin collectif : cellules d’écoute, médiations externes, débriefings émotionnels, congés militants… Pas pour « amortir » la violence du système, mais pour empêcher qu’elle ne se reproduise à l’intérieur même de nos luttes.

Une révolution des pratiques implique aussi de reconnaître les rapports de pouvoir au sein même de nos espaces militants. Qui peut faire du bénévolat à temps plein ? Qui peut se permettre de s’épuiser sans s’effondrer financièrement ? Qui accède aux subventions, aux postes stratégiques, à la visibilité médiatique ? Et à l’inverse, qui prend tous les risques pour très peu de reconnaissance ?

Ces écarts ne relèvent pas du hasard : le classisme, le validisme, le racisme et le patriarcat ne s’arrêtent pas aux portes des collectifs. Les déconstruire suppose de penser aussi les privilèges dans la répartition du travail militant, et pas seulement les inégalités de genre.

La charge militante est une charge politique

Comme le résume Camille Wernaers, journaliste féministe, « les injustices qu’on combat finissent par nous rattraper ». Si nos collectifs ne s’interrogent pas sur leur propre fonctionnement, les luttes s’épuiseront avec celles et ceux qui les portent. Reconnaître la charge militante comme une charge politique, c’est cesser de faire peser le poids du monde sur quelques épaules, toujours les mêmes.

Ce n’est pas une question de bonne volonté, mais de transformation structurelle. Cette révolution des pratiques, c’est cela que s’attellent à transmettre Sarah Durieux et Victoria Berni-André. Peut-être que c’est là que la gauche a encore une carte à jouer : la capacité à se remettre en question — non pas théoriquement, mais concrètement.

–  Maureen Damman


Photo de couverture de Clem Onojeghuo sur Unsplash

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08.09.2025 à 15:00

Les 10% les plus riches responsables de 2/3 du réchauffement climatique

Mr M.

Le constat n’est pas nouveau : à mesure que la planète s’embrase, l’injustice climatique se creuse. Les plus pauvres, qui contribuent le moins au dérèglement climatique, en subissent les conséquences les plus graves, tandis qu’une minorité fortunée continue de mener des modes de vie luxueux et fortement émetteurs, tout en pouvant se protéger des conséquences […]

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Texte intégral (2167 mots)

Le constat n’est pas nouveau : à mesure que la planète s’embrase, l’injustice climatique se creuse. Les plus pauvres, qui contribuent le moins au dérèglement climatique, en subissent les conséquences les plus graves, tandis qu’une minorité fortunée continue de mener des modes de vie luxueux et fortement émetteurs, tout en pouvant se protéger des conséquences sociales et climatiques. Une nouvelle étude parue dans Nature Climate Change donne une ampleur chiffrée inédite à cette injustice. 

Au cours des deux dernières décennies, les catastrophes liées au changement climatique — sécheresses, incendies, inondations — ont causé en moyenne 143 milliards de dollars de dégâts chaque année à travers le monde. Face à cette facture climatique toujours plus salée, une question s’impose dans le débat public et médiatique : qui doit payer ?

À l’échelle internationale, mais aussi à l’intérieur de chaque État, le partage des responsabilités fait l’objet de discussions croissantes; et celles-ci pourront s’appuyer sur la nouvelle étude parue dans Nature Climate Change. Pour la première fois, des chercheurs ont quantifié la responsabilité des plus riches dans l’intensification des événements climatiques extrêmes.

Le verdict est sans appel : les 10 % les plus aisés de la planète sont à l’origine de 2/3 – environ 66% – du réchauffement mondial depuis 1990, mais aussi de la majorité des vagues de chaleur, inondations et sécheresses survenues depuis.

Un impôt mondial de 2% sur les plus riches pourrait rapporter près de 250 milliards de dollars par an, selon un rapport de Gabriel Zucman, économiste, publié en 2024.

Qui paie la facture climatique ?

Au cœur de ces interrogations, la notion de justice climatique met en lumière un déséquilibre saisissant entre ceux qui causent le plus de tort à la planète… et ceux qui en subissent les pires conséquences.

Si les 10 % les plus aisés de la planète sont à l’origine de deux tiers du réchauffement mondial cumulé depuis 1990, leur responsabilité reste écrasante même à l’échelle d’une seule année : en 2019, par leurs choix de consommation et leurs investissements financiers, ils étaient responsables de près de la moitié des émissions mondiales. En parallèle, la moitié la plus pauvre de l’humanité n’en représentait qu’un dixième.

L’équipe de chercheurs de l’Institut international d’analyse des systèmes appliqués (IIASA) de Laxenburg, en Autriche, explique : 

« Dans le même temps, les régions ayant historiquement de faibles émissions et de faibles niveaux de revenus sont généralement plus fréquemment et plus gravement exposées aux impacts climatiques et disposent de ressources limitées pour l’adaptation à ces bouleversements »

Si cette injustice structurelle est désormais largement admise, un point faisait encore défaut dans le débat : la quantification précise de la responsabilité des groupes sociaux dans la survenue des événements climatiques extrêmes. C’est ce vide que vient combler leur étude, parue dans Nature Climate Change le 7 mai dernier.

« Nous établissons un lien de causalité entre l’empreinte carbone des individus les plus riches et les impacts climatiques. Nous voulions convertir des quantités abstraites, les émissions de gaz à effet de serre, en des conséquences tangibles », détaille Sarah Schöngart, première autrice de l’étude, dans les colonnes du Monde.

 

En Belgique, un travailleur occupé à temps plein gagnait en moyenne 4 076 euros brut par mois en 2022, selon Statbel.

Une inégalité enfin mesurée

Pour parvenir à ces résultats, l’équipe de recherche a croisé des données économiques détaillées avec des simulations climatiques. Objectif : reconstituer les émissions de gaz à effet de serre par tranche de revenu, à l’échelle mondiale, puis évaluer leur influence directe sur des événements extrêmes, comme les vagues de chaleur et les sécheresses.

Le modèle s’appuie sur trois composantes. D’abord, la consommation privée, qui englobe à la fois les émissions issues de l’utilisation directe des énergies fossiles et celles intégrées aux biens et services consommés. Ensuite, les dépenses publiques qui sont réparties entre les individus. Enfin, les émissions liées aux investissements détenus par chaque individu.

Les conclusions des chercheurs sont implacables : les 10 % les plus riches contribuent 6,5 fois plus au réchauffement que la moyenne mondiale. Et l’écart se creuse encore parmi les plus aisés : les 1 % les plus riches y contribuent 20 fois plus, atteignant un plafond de 76 fois plus pour les 0,1 % les plus nantis de la planète.

Majoritairement situés aux États-Unis, dans l’Union européenne, en Chine et en Inde, ces grands émetteurs ont un impact climatique transfrontalier massif. À titre d’exemple :

« la contribution des 10 % les plus riches aux États-Unis et en Chine a entraîné une multiplication par deux, voire par trois, des extrêmes de chaleur dans des régions vulnérables comme l’Amazonie, l’Asie du Sud-Est et l’Afrique du Sud-Est »

Dans chaque pays, des écarts qui se creusent

Au-delà de cette inégalité flagrante à l’échelle de la planète, les écarts sont également colossaux au sein d’un même pays ou d’une même région, d’après les calculs des scientifiques. En Europe, les 10 % les plus riches émettent 2,8 fois plus que le citoyen européen moyen, mais 8 fois plus que la moyenne mondiale. Aux États-Unis, ces chiffres atteignent 3,1 et 17 fois plus. 

« Cette inégalité relative augmente avec l’augmentation de la richesse », soulignent encore les chercheurs. Ainsi, le 1 % des Américains les plus riches émet 53 fois sa « part égale », c’est-à-dire ce que chacun devrait théoriquement émettre si les rejets de CO₂ étaient équitablement répartis. Quant au 0,1 % le plus riche, il multiplie cette part plus de 190 fois.

« En Chine, les 10 %, 1 % et 0,1 % les plus riches émettent 4, 13 et 50 fois leur part égale, ce qui montre une influence régionale importante des élites sociales », complètent-ils. L’Inde ne fait pas exception à cette dynamique : les inégalités d’émissions y sont tout aussi criantes.

Riche, mais pas forcément milliardaire

Enfin, les chercheurs ont poussé l’analyse plus loin en simulant un scénario contre-factuel : que se serait-il passé si le monde entier avait adopté le mode de vie des plus pauvres ou, au contraire, celui des plus riches ? Le résultat est édifiant. Si l’ensemble de la population mondiale avait émis autant que les 50 % les plus pauvres, le réchauffement additionnel depuis 1990 aurait été négligeable.

En revanche, si tous les habitants de la planète avaient adopté le mode de vie des 10 %, 1 % ou 0,1 % des plus riches, la température moyenne aurait grimpé de respectivement +2,9 °C, 6,7 °C ou même 12,2 °C. Un scénario apocalyptique, incompatible avec la survie de nombreux écosystèmes et des sociétés humaines.

Mais qui sont, concrètement, ces grands responsables climatiques ? Pour les identifier, les auteurs de l’étude s’appuient sur les travaux de l’économiste Lucas Chancel, qui montrait dès 2022 que les 10 % les plus riches avaient généré 48 % des émissions mondiales en 2019, contre 12 % pour la moitié la plus pauvre de l’humanité.

Loin du cliché caricatural du milliardaire en jet privé, la catégorie des 10 % les plus riches englobe près de 820 millions de personnes en 2025. Le seuil ? Un revenu brut annuel supérieur à 42 980 euros, incluant salaires et autres revenus. À titre d’exemple, selon l’Observatoire des inégalités, environ 30 % des salariés français gagnent plus que cette somme, soit près de 2 800 euros nets par mois.

Image par Mariakray de Pixabay

Vers une justice climatique fiscale ?

Au-delà de la seule quantification, « reconnaître les contributions inégales au réchauffement qui y sont associées peut éclairer les interventions politiques », espère l’équipe de scientifiques, « de même, le réchauffement attribuable aux investissements des plus riches souligne la nécessité de réaligner les flux financiers pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux ». 

Un constat d’autant plus crucial que, pour les 1 % et 0,1 % les plus riches, ce ne sont plus tant leurs habitudes de consommation que leurs portefeuilles d’investissements qui exacerbent le dérèglement climatique dans les zones les plus vulnérables.

Autant d’éléments qui viennent renforcer l’idée d’un impôt mondial sur la fortune, non pas comme mesure punitive, mais comme instrument de justice climatique, capable de réduire les profondes inégalités de responsabilité face aux impacts du réchauffement.

Aure Gemiot


Photo de couverture par itay verchik de Pixabay

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