LePartisan.info À propos Podcasts Fil web Écologie BLOGS Revues Médias
🖋 Lionel Dricot
Développeur, cycliste et auteur de nouvelles.

PLOUM.net


▸ les 10 dernières parutions

14.11.2025 à 01:00

Soutenez Ploum, achetez un livre !

Ploum

Texte intégral (1822 mots)

Soutenez Ploum, achetez un livre !

Je sais que vous allez être fortement sollicités pour les dons durant la période qui vient. Mais je sais que vous allez certainement devoir trouver des cadeaux en urgence. Je vous propose un échange : vous soutenez Ploum et, en échange, je vous aide à trouver les cadeaux que vous allez offrir durant les fêtes !

Car je n’ai pas besoin de dons ni de soutien financier. Non, j’ai besoin que vous achetiez mon livre Bikepunk avant la fin de l’année.

Pourquoi j’ai besoin de vendre Bikepunk ?

Les critiques sur mon roman Bikepunk ont été très positives. Inspirant même des réflexions philosophiques.

Mais ce qui m’a le plus marqué, c’est l’engouement des lecteurs et des lectrices. J’ai reçu des dizaines de messages parfois accompagnés de photos de voyage à vélo inspirés par la lecture du livre. J’ai reçu des témoignages de personnes ayant acheté un vélo suite à leur lecture. Le livre a donc un effet dont je n’osais rêver : il encourage la pratique du vélo. Cela me donne envie qu’il ait une diffusion encore plus large.

Dans le monde de l’édition francophone, un livre a une première vie comme « grand format ». Il coûte aux alentours de 20€. S’il se vend bien, il sera édité un an ou deux plus tard au format poche, sur du papier de moins bonne qualité, avec moins de fioritures dans la mise en page et pour un prix généralement en dessous de 10€.

Ce format poche permet au livre de devenir accessible à un lectorat beaucoup plus large, à plus de librairies, de bibliothèque. Bref, je rêve que Bikepunk soit édité au format poche.

La bonne nouvelle, c’est que les discussions en ce sens sont en cours. Mais le critère majeur qui influence l’éditeur poche est le nombre de ventes durant sa première année. Et c’est là que vous pouvez vraiment m’aider et me soutenir : en achetant un exemplaire de Bikepunk « grand format » pour vous ou pour offrir avant la fin de l’année. Chaque exemplaire vendu accroît la probabilité de voir le livre sortir au format poche.

Alors oui, le grand format est plus cher. Mais dans le cas de Bikepunk, je vous garantis que la couverture de Bruno Leyval et la mise en page en font un magnifique objet à offrir. À quelqu’un d’autre ou à vous-même.

Commandez à l’avance !

En achetant Bikepunk, vous faites la promotion du vélo, vous avez un cadeau de moins à trouver, vous me soutenez, mais vous soutenez également les éditions PVH, qui éditent de la littérature sous licence libre ! Et je peux vous assurer que ce n’est pas évident tous les jours. Chaque livre vendu fait réellement la différence pour un petit éditeur qui doit gérer les « retours » (à savoir être forcé de racheter les invendus des librairies quand ces dernières veulent faire de la place dans leur stock, le monde du livre est une jungle !)

L’année passée, je vous avais proposé une petite sélection de livres à offrir.

Cette sélection est toujours valable, mais notez les dernières sorties PVH dont le roman Rush de Thierry Crouzet, le très mystérieux roman de fantasy écrit à 10 mains : Le bastion des dégradés et, traduit pour la première fois en français, le classique de la SF italienne Bloodbusters, par le génial Francesco Verso. Je n’ai encore lu aucun des trois, mais, connaissant personnellement tous les auteurs et ayant entendu certains bruits de couloir, je suis très impatient.

Nouveautés PVH dans la collection Asynchrone
Nouveautés PVH dans la collection Asynchrone

Un gros truc qui aide vraiment PVH, c’est de commander le plus tôt possible. Que ce soit en librairie ou via le site, il y a souvent des retards de distribution indépendants de PVH. Surtout en période de fête. Du coup, le mieux est de commander maintenant sur le site ou d’envoyer un email à votre libraire pour commander le plus vite possible (ce qui vous évite les frais de port).

Je sais que je me répète…

Pour certains d’entre vous, ça sent la répétition, limite la vente forcée insistante. Je m’en excuse. Mais ce qui semble évident pour quelqu’un qui lit chacun de mes billets ne l’est pas spécialement pour tout le monde. Comme le prouve cette anecdote vécue lors d’un festival récent.

Une personne passe devant moi puis s’arrête devant le carton portant le nom « Ploum ».

— Tu es Ploum ?
— Oui
(la personne sort son téléphone, lance un navigateur et se rend sur mon blog)
— Je veux dire, tu es le ploum qui écrit ce blog ?
— Oui, c’est moi.
— Génial ! Ça fait 20 ans que je lis régulièrement tes articles. Un peu moins maintenant à cause des enfants, mais j’aime beaucoup. Tu fais quoi à un stand de dédicaces ?
— Je dédicace mes romans.
— Ah bon, tu as écrit des romans ! C’est nouveau ?
— À peu près 5 ans.

La moralité de cette histoire, c’est que beaucoup de lecteurs de ce blog ne savent pas ou n’ont pas prêté beaucoup attention au fait que j’écris des romans. Et c’est tout à fait normal, voire souhaitable, de ne pas être au courant de tous mes billets !

Alors, une fois n’est pas coutume, j’aimerais insister là-dessus parce que j’ai besoin de vous. À la fois pour acheter le livre et en faire la promotion autour de vous voire chez votre libraire, en postant une critique sur votre blog ou sur Babelio.

Lorsqu’on n’a ni l’envie ni les moyens de s’offrir des affiches dans le métro parisien, lorsqu’on refuse de financer Bolloré pour apparaître dans le top 10 des points Relay, lorsqu’on n’imprime pas 100.000 exemplaires (dont la moitié seront détruits après un an) pour inonder les présentoirs des librairies, vendre un livre est une véritable gageure !

Mais heureusement, je peux compter sur vous. Alors, un énorme merci pour votre soutien !

Bikepunk dans un sapin de Noël avec une boule vélo et une boule machine à écrire
Bikepunk dans un sapin de Noël avec une boule vélo et une boule machine à écrire

Et si vous avez déjà Bikepunk, pourquoi ne pas tester mes autres livres ?

Bikepunk suspendu

Paradoxalement, je sais que c’est souvent celles et ceux qui ont les fins de mois les plus difficiles qui sont les plus enclins à contribuer aux campagnes de dons des associations, à aider les autres. Je sais également que mettre 20€ dans un livre n’est pas toujours facile. En fait, je me sens incroyablement mal face à des personnes qui hésitent à acheter le livre pour des raisons de budget. J’essaye alors le plus souvent de les convaincre de ne pas l’acheter et de télécharger à la place la version epub pirate (et entièrement légale) ou de l’emprunter. Bref, je suis très mauvais vendeur et c’est une des raisons pour lesquelles je tiens tant à ce que Bikepunk soit édité au format poche : pour qu’il soit moins cher !

J’insiste donc sur un point : cette demande de soutien ne s’adresse qu’à celles et ceux qui peuvent confortablement dépenser 20€ dans un livre ou un cadeau.

Pour les autres, j’ai décidé de « suspendre » 10 exemplaires du livre. Pour bénéficier d’un exemplaire suspendu, il suffit de m’écrire à l’adresse suspendu(at)bikepunk.fr. Pas besoin de vous justifier. Je vous fais confiance et je vous garantis que votre demande restera confidentielle. Malheureusement, je ne peux pas offrir les frais de port, ceux-ci resteront donc à votre charge.

Merci encore et toutes mes excuses pour cet encart publicitaire dans votre flux et bonnes lectures !

Je suis Ploum et je viens de publier Bikepunk, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, achetez mes livres (si possible chez votre libraire) !

Recevez directement par mail mes écrits en français et en anglais. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser mon flux RSS francophone ou le flux RSS complet.

PDF

07.11.2025 à 01:00

La guerre que mènent les robots ascientifiques contre la solitude intellectuelle

Ploum

Texte intégral (1428 mots)

La guerre que mènent les robots ascientifiques contre la solitude intellectuelle

On entend souvent que l’IA a des avantages et des inconvénients, mais que c’est un changement de paradigme, qu’il faut l’accepter. Qu’on ne peut pas « refuser en bloc ». Pourtant, le refus en bloc a bien eu lieu avec, par exemple, les NFTs. Et c’était, à mon avis, à raison parce que les NFT n’apportaient rien.

Je prétends que la frénésie d’IA n’est pas du tout un changement de paradigme. C’est même le contraire.

Oui, je le prétends haut et fort, ce qu’on nous vend avec l’IA n’est guère plus utile que les NFT. Tous les « nouveaux usages » sont, dans l’immense majorité, parfaitement stupides, voire hyper dangereux. Et les cas qui seraient potentiellement utiles ne sont tout simplement pas rentables. Si l’internet mobile a été un réel changement de paradigme, les IA ne le sont pas.

Ce que nous voulons entendre

Ce qu’on nous vend comme de l’IA n’est, en réalité, rien de plus qu’un robot conversationnel programmé pour nous faire plaisir. Pour dire ce qu’on veut entendre. Comme le dit Tattierantula dans un fil Mastodon : « Au plus on a étudié le domaine, au plus on est susceptible de tomber dans le piège du robot conversationnel. Tout comme un roboticien se sent désolé pour un aspi-robot coincé dans un coin. »

Non, le robot conversationnel n’est pas un truc qui va « changer nos paradigmes ». Oui, un truc peut être à la mode et être complètement con. Non, on ne doit pas être nécessairement « subtil », « mesuré » ou « ouvert à la nouveauté ». Virgile Andreani l’a superbement illustré avec ce pouet sur Mastodon :

Qu'on le veuille ou non, l'astrologie est là pour rester. Certains de nos étudiant·es l'utilisent déjà : ça n'aurait donc pas de sens de lutter contre. Comment en faire un usage responsable et éthique ? Découvrez dès maintenant notre formation aux enjeux de l'astrologie dans un monde qui change, dispensée par des experts indépendants reconnus mondialement : le chef de Astrology Inc, celui de OpenAstrology, et Jean-Michel. Cette formation de trois heures délivrera le diplôme reconnu de Maître Astrologue Ingénieur en Osselets, et offrira aussi un accès exclusif à l'ensemble de vos étudiant·es, employé·es, chômeur·euses, retraité·es, familles, aux Astrology Factories construites sur l'ensemble du territoire avec vos impôts. Tou·tes ensemble vers un futur sous le signe de l'astrologie qui nous permettra sûrement un jour de répondre aux grandes questions de l'humanité comme comprendre comment être plus rationnels ! 🛸✨🔮

J’insiste sur ce point important : les robots conversationnels sont littéralement programmés pour répondre ce que nous voulons lire. Il n’y a aucune notion de « vérité » ou de « réel » dans l’entraînement des IA. Ce sont donc, par essence, des outils ascientifiques. La comparaison avec l’astrologie est parfaitement apte. Et on peut trouver une utilité aux robots conversationnels de la même manière qu’on peut trouver une utilité à jouer au tarot pour lancer une conversation ou imaginer la suite d’une histoire sur laquelle nous bloquons. Ou jouer à pile ou face une décision qui nous fait hésiter.

Même les opposants aux LLMs concèdent que « cela peut avoir une grande utilité, par exemple en médecine ». C’est entièrement faux. Les premiers résultats sont catastrophiques : une perte rapide d’expérience chez les spécialistes utilisant l’IA, une incapacité pour les jeunes générations de se former. Un outil qui n’a aucun fondement épistémologique de vérité ne peut, par définition, pas être utile pour un scientifique.

Et répondre avec une anecdote où « ça a fonctionné » est justement le contraire de la méthode scientifique.

La disparition du sentiment de solitude

La seule réelle utilité de cette IA serait donc d’offrir une oreille attentive à celleux qui se sentent seul·e·s. Sur ce sujet, un très long article d’Huber Guillaud sur les IAs utilisées comme compagnon de discussion.

Une idée m’a frappée dans ce texte : le fait que les chatbots font disparaître le sentiment de solitude tout comme les mobiles et leurs notifications ont fait disparaître le sentiment d’ennui, ennui pourtant fondamental pour reposer le cerveau.

Mais ce sont les sentiments qui ont disparu ! Exactement comme la coca coupe le sentiment de faim sans pour autant apporter la moindre valeur nutritive. Pour cette raison, elle est massivement utilisée par les pauvres.

Et c’est exactement la même chose pour les usages professionnels, voire scientifiques, de l’IA. Ce papier de Duc Cuong Nguyen et Catherine Whelch insiste sur ce point. Les LLMs sont des outils conversationnels tellement convaincants que même les scientifiques ont l’impression de parler avec d’autres scientifiques compétents. Ils se font alors complètement induire en erreur, car ils ont l’impression d’avoir enfin une oreille attentive qui les comprend.

Pour caricaturer, la hype autour du « prompt engineering » a convaincu une génération de managers et de politiciens qu’il suffit de dire « Tu es un chercheur de génie qui vient de recevoir le prix Nobel de médecine pour avoir guéri le cancer. Explique-moi en cinq phrases ta découverte » pour que ChatGPT nous donne réellement le remède contre le cancer. Et les scientifiques, dont les financements dépendent des politiciens et des managers du privé, sont forcés d’aller dans ce sens, parfois sans s’en rendre compte. Voire, pire, en commençant à réellement apprécier les interactions avec les LLMs, ce que Hamilton Mann compare au syndrome de Stockholm.

La lutte contre l’intellectualisme

La réflexion intellectuelle nécessaire à toute quête scientifique nécessite de longs temps de solitude. Ce que Cal Newport appelle « Deep Work ». Il est nécessaire de s’abstraire des conventions sociales, du charisme humain capable de faire passer des vessies pour des lanternes et de se retrouver seul. Seul face aux données reflétant la réalité, seul face aux longs enchainements logiques.

Les robots générationnels ne sont donc pas un changement de paradigme. Comme les notifications et l’obligation de connexion permanente, ils ne sont qu’un outil de plus pour tenter d’envahir nos réflexions et notre solitude. Ils ne sont qu’une arme de plus dans la guerre que le consumérisme mène contre l’intellectualisme.

Je suis Ploum et je viens de publier Bikepunk, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, achetez mes livres (si possible chez votre libraire) !

Recevez directement par mail mes écrits en français et en anglais. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser mon flux RSS francophone ou le flux RSS complet.

PDF

01.11.2025 à 01:00

Quand éclatera la bulle IA…

Ploum

Texte intégral (1657 mots)

Quand éclatera la bulle IA…

Comme le souligne Ed Zitron, toute la bulle actuelle est basée sur 7 ou 8 entreprises qui s’échangent des promesses de s’échanger des milliards d’euros lorsque tous les habitants de la planète dépenseront en moyenne 100€ par mois pour utiliser ChatGPT. Ce qui, pour éviter une cascade de faillites, doit arriver dans les 4 ans au plus tard.

Spoiler : cela n’arrivera jamais.

(oui, Gee m’a convaincu que le spoiler, ce n’était finalement pas si mal et que si spoiler gâche réellement une œuvre, c’est que l’œuvre est merdique)

Tout le monde est en train de perdre une fortune à investir dans une infrastructure IA que personne ne veut payer pour utiliser.

Parce qu’à part deux ou trois managers lobotomisés par les écoles de commerce et tout fiers de poster sur LinkedIn des textes générés qu’ils n’ont même pas lus, ChatGPT est loin d’être la révolution promise. C’est juste ce qu’on veut nous faire croire. Cela fait partie du marketing !

Tout comme on veut nous faire croire qu’avoir une app pour tout nous simplifie la vie alors que si on réfléchit rationnellement, le coût cognitif de l’app est souvent supérieur à l’alternative, mais encore faut-il qu’alternative il y ait.

Et ce n’est pas un hasard si je parle d’apps pour illustrer la bulle IA.

La saturation du smartphone

Parce que les apps ont été promues à grand renfort de marketing pour promouvoir indirectement la vente de smartphone. Qu’une gigantesque industrie s’est formée sur le fait que le marché des smartphones était en pleine croissance. Et si la bulle n’a pas explosé, un autre phénomène est arrivé très récemment : la saturation.

Tout le monde a un smartphone. Celleux qui n’en ont pas n’en veulent pas en conscience. Celleux qui en ont vont le remplacer de moins en moins souvent, car les nouveaux modèles n’apportent plus rien et, au contraire, retirent des fonctions (combien s’accrochent à un vieux modèle pour garder un jack audio ?). L’industrie a fini sa croissance et va se stabiliser dans un renouvellement de l’existant.

Si j’étais méchant, je dirais que le marché du dumbphone a un plus fort potentiel de croissance que celui du smartphone.

Toutes les petites sociétés et les services qui se sont fait convaincre de « développer une app » ne l’ont fait que pour promouvoir la vente de smartphone et, désormais, cela ne sert plus à rien. Elles se retrouvent à devoir gérer trois clientèles différentes : Android, iPhone et celleux sans aucun des deux. Bref, vous pouvez arrêter de « promouvoir vos apps », cela ne vous rapportera rien d’autre que du travail et des coûts supplémentaires. Que cela vous serve de leçon à l’heure où vous « investissez dans l’IA ».

Spoiler : personne n’a compris la leçon.

Croissance, Ô Croissance !

Mais le capitalisme a besoin de croissance ou, au moins, la croyance d’une croissance future.

C’est exactement ce que promet l’IA et la raison pour laquelle nous sommes gavés de marketing pour l’IA partout, que les nouveaux téléphones ont des « puces IA » et que toutes les apps se mettent à jour pour nous forcer à utiliser l’IA.

Par rapport à l’explosion du mobile, j’observe néanmoins une différence flagrante, fondamentale.

Beaucoup de gens « normaux » n’aiment pas. Les mêmes qui étaient fascinés par les premiers smartphones, qui étaient fascinés par les réponses de ChatGPT sont furieux d’avoir une IA dans Whatsapp ou dans leur brosse à dents. Celleux qui croient le plus en l’IA ne sont pas celleux qui l’utilisent le plus (ce qui était le cas du smartphone), mais celleux qui pensent que d’autres vont l’utiliser !

Mais ces autres ne l’utilisent finalement que très peu. Et ce n’est pas une réflexion éthique ou écologique ou politique.

C’est juste que ça les emmerde. Que même avec du matraquage marketing incessant, ils ont l’impression que ça complique leur vie plutôt que la simplifier. J’observe de plus en plus de gens refuser de faire des mises à jour, tenter de faire durer le plus longtemps possible un appareil pour éviter d’avoir à racheter le nouveau avec des écrans tactiles à la place des boutons. Ce que j’expliquais déjà en 2023.

Nous avons atteint un point de saturation technologique.

Lorsque vous refusez l’IA ou que vous demandez un bouton physique pour régler le volume de la radio dans votre nouvelle voiture, les vendeurs et le marketing se contentent de vous classer dans la catégorie des « ignares qui ne comprennent rien à la technologie » (dans laquelle ils me classent dès que j’ouvre la bouche, et ça m’amuse beaucoup d’être pris pour un ignare technologique).

Mais, à un moment, ces ignares vont devenir une masse importante. Ces non-consommateurs vont commencer à peser, économiquement, politiquement.

L’espoir des ignares technologiques

L’économie de la merdification (ou « crapitalism » comme l’appelle Charlie Stross) est, sans le vouloir, en train de promouvoir la décroissance et le low-tech !

Chaque système contient en lui les germes de la révolution qui le renversera.

Du moins, je l’espère…

La bulle du web 2.0 a éclaté en laissant en place une énorme infrastructure sur laquelle ont pu prospérer quelques survivants (Amazon, Google) et quelques nouveaux venus (Facebook, Netflix) qui se sont littéralement approprié les restes.

Parfois, une bulle ne laisse rien derrière elle, comme celle des subprimes en 2008.

Qu’en sera-t-il de la bulle IA dans laquelle nous sommes ? Les datacenters construits seront rapidement obsolètes. La destruction sera énorme.

Mais ces data centers nécessitent de l’électricité. Beaucoup d’électricité. Et pour une grande partie, une électricité renouvelable, car c’est la moins chère à l’heure actuelle.

Mon pari est donc que l’éclatement de la bulle IA va créer une offre d’électricité sans précédent. Celle-ci va devenir presque gratuite et, dans certains cas, elle aura même un prix négatif (parce qu’une fois les batteries pleines, il faut bien évacuer la production excédentaire).

Et si l’électricité est gratuite, il devient de plus en plus difficile de justifier de brûler du pétrole. La fin de la bulle IA pourrait également sonner la fin d’une bulle pétrolière qui dure depuis 70 ans.

Comme le dit Charlie Stross, on y est peut–être déjà :

Ça paraît un peu utopiste et, au moment de l’éclatement, ça ne va pas être joli à voir. Ça peut commencer demain comme dans 10 ans. La transition risque de durer plus qu’une poignée d’années. Mais, clairement, c’est un changement civilisationnel qui s’amorce…

On n’y arrivera pas sans douleur. La récession économique va alimenter tous les délires fascistes disposant d’une infrastructure d’espionnage dont l’officier de la Stasi le plus fou n’aurait jamais pu rêver. Mais ptêtre qu’au bout du tunnel, on se dirigera vers ce que Tristan Nitot a décrit dans sa novelette « Vélorutopia ». Il prétend s’inspirer, entre autres, de Bikepunk. Mais je crois qu’il dit ça pour me flatter.

EDIT 9 novembre : ajout du lien de Charlie Stross que j’avais oublié.

Je suis Ploum et je viens de publier Bikepunk, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, achetez mes livres (si possible chez votre libraire) !

Recevez directement par mail mes écrits en français et en anglais. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser mon flux RSS francophone ou le flux RSS complet.

PDF

27.10.2025 à 01:00

Qu’est-ce que l’outil va faire de moi ?

Ploum

Texte intégral (1678 mots)

Qu’est-ce que l’outil va faire de moi ?

Je ne peux résister à vous partager cet extrait issu de « L’odyssée du pingouin cannibale », de l’inénarrable Yann Kerninon, philosophe et punk rocker anarchocycliste :

Quand on m’envie d’écrire des livres et d’être un philosophe, j’ai toujours envie de répondre « allez vous faire foutre ». Dans une interview télévisée, le philosophe Kostas Axelos affirmait que ce n’était jamais le penseur qui faisait la pensée, mais bien toujours la pensée qui faisait le penseur. Il ajoutait qu’il aurait bien aimé qu’il en soit autrement. Au journaliste étonné qui lui demandait pourquoi, il répondit avec un léger sourire : « Parce que c’est la source d’une grande souffrance. »

Cette idée que la pensée fait le penseur est poussée encore plus loin par Marcello Vitali-Rosati dans son excellent « Éloge du bug ». Dans cet ouvrage, que je recommande chaudement, Marcello critique la dualité platonicienne qui imprègne la pensée occidentale depuis 2000 ans. Il y aurait les penseurs et les petites mains, les dirigeants et les obéissants, le virtuel et le réel. Ce dénigrement de la matérialité aurait été poussé à son paroxysme par les GAFAM qui tentent de cacher toute l’infrastructure sur laquelle elles s’appuient. Nous avons nos données dans « le cloud », nous cliquons pour passer une commande et, magiquement, le paquet arrive à notre porte le lendemain.

Lorsqu’un étudiant me dit que son téléphone se connecte à un satellite, lorsqu’un politicien s’étonne que les câbles sous-marins existent encore, lorsqu’un usager associe « wifi » et internet, ce n’est pas de la simple ignorance comme je l’ai toujours cru. C’est en réalité le résultat de décennies de lavage de cerveau et de marketing pour tenter de nous faire oublier la matérialité, pour tenter de nous convaincre que nous sommes tous des « décideurs » à qui obéit un génie magique.

Marcello fait le parallèle avec le génie d’Aladdin. Car, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, Aladdin est inculte. Il veut « des beaux vêtements » mais n’a aucune idée de ce qui fait que des vêtements sont beaux ou non. Il ne pose aucun choix. Il est sous la coupe totale du génie qui prend l’entièreté des décisions. Il croit être le maître, il est le jouet du génie.

Je me permets même de pousser l’analogie en faisant appel aux habits neufs de l’empereur : lorsqu’Aladdin sera complètement dépendant du génie, celui-ci lui fournira des habits « invisibles » en le convainquant que ce sont les plus beaux. Ce processus est désormais connu sous le nom de « merdification ».

Le néoplatonicisme de Plotin voulait que l’écrit ne soit qu’une tâche vulgaire, subalterne de la pensée.

Avec ChatGPT et consorts, la Silicon Valley a inventé le néo-néoplatonicisme. La pensée elle-même devient vulgaire, subalterne à l’idée. Le grand entrepreneur a l’ébauche d’une idée, plutôt un désir intuitif. Charge aux sous-fifres de le réaliser ou, pour le moins, de créer une campagne marketing pour modifier la réalité, pour convaincre que ce désir est réel, génial, souhaitable et réaliste. Que son auteur mérite les lauriers. C’est ce que j’ai appelé « la mystification de la Grande Idée ».

Mais ce n’est pas le penseur qui fait la pensée. C’est la pensée qui fait le penseur.

Ce n’est pas la pensée qui fait l’écrit, c’est l’écrit qui fait la pensée.

L’acte d’écriture est physique, matériel. L’utilisation d’un outil ou d’un autre va grandement affecter l’écrit et, par conséquent, la pensée et donc le penseur lui-même. Sur ce sujet, je ne peux que vous recommander chaudement « La mécanique du texte » de Thierry Crouzet. L’absence de cette référence m’a d’ailleurs sauté aux yeux dans « Éloge du bug », car les deux livres sont très complémentaires.

Si toute cette réflexion semble pour le moins abstraite, j’en ai fait l’expérience de première main. En écrivant à la machine à écrire, bien entendu, comme c’est le cas pour mon roman Bikepunk.

Mais le changement le plus profond que j’ai vécu est probablement lié à ce blog.

Il y a 3 ans, j’ai enfin réussi à quitter Wordpress pour faire un blog statique que je génère avec mon propre script.

De manière amusante, Marcello Vitali-Rosati vient de faire un cheminement identique.

Mais ce n’est pas un long processus réflexif qui m’a amené à cela. C’est le fait d’être saoulé par la complexité de Wordpress, de me rendre compte que j’avais perdu le plaisir d’écrire et que je le retrouvais sur le réseau Gemini. J’ai mis en place des choses sans en comprendre les tenants et les aboutissants. J’ai expérimenté. J’ai été confronté à des centaines de microdécisions que je ne soupçonnais pas. J’ai appris énormément sur le HTML en développant Offpunk et je l’ai appliqué sur ce blog. Pour être honnête, je me suis rendu compte que j’avais oublié qu’il était possible de faire une simple page HTML sans JavaScript, sans un thème CSS fait par un professionnel. Et pourtant, une fois en ligne, je n’ai reçu que des éloges sur un site pourtant minimal.

Mon processus de blogging s’est complètement modifié. Je me suis remis à Vim après m’être remis pleinement à Debian. Mes écrits s’en sont ressentis. J’ai été invité à parler de minimalisme numérique, de low-tech.

Mais je n’ai pas rejoint Gemini parce que je me sentais un minimaliste numérique dans l’âme. Je n’ai pas quitté Wordpress par amour de la low-tech. Je n’ai pas créé Offpunk parce que je suis un guru de la ligne de commande.

C’est exactement le contraire ! Gemini m’a illuminé sur une manière de voir et de vivre un minimalisme numérique. Programmer ce blog m’a fait comprendre l’intérêt de la low-tech. Créer Offpunk et l’utiliser ont fait de moi un adepte de la ligne de commande.

La pensée fait le penseur ! L’outil fait le créateur ! Le logiciel libre fait le hacker ! La plateforme fait l’idéologie ! Le vélo fait la condition physique !

Peut-être que nous devrions arrêter de nous poser la question « Qu’est-ce que cet outil peut faire pour moi ? » et la remplacer par « Qu’est-ce que cet outil va faire de moi ? ».

Car si la pensée fait le penseur, le réseau social propriétaire fait le fasciste, le robot conversationnel fait l’abruti naïf, le slide PowerPoint fait le décideur crétin.

Qu’est-ce que cet outil va faire de moi ?

En énonçant cette question à haute voix, je soupçonne que nous verrons d’un autre œil l’utilisation de certains outils, surtout ceux qui sont « plus faciles » ou « que tout le monde utilise ».

Qu’est-ce que cet outil va faire de moi ?

En regardant autour de nous, il y a finalement peu d’outils dont la réponse à cette question est rassurante.

Je suis Ploum et je viens de publier Bikepunk, une fable écolo-cycliste entièrement tapée sur une machine à écrire mécanique. Pour me soutenir, achetez mes livres (si possible chez votre libraire) !

Recevez directement par mail mes écrits en français et en anglais. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser mon flux RSS francophone ou le flux RSS complet.

PDF
10 / 10
 Persos A à L
Carmine
Mona CHOLLET
Anna COLIN-LEBEDEV
Julien DEVAUREIX
Cory DOCTOROW
Lionel DRICOT (PLOUM)
EDUC.POP.FR
Marc ENDEWELD
Michel GOYA
Hubert GUILLAUD
Gérard FILOCHE
Alain GRANDJEAN
Hacking-Social
Samuel HAYAT
Dana HILLIOT
François HOUSTE
Tagrawla INEQQIQI
Infiltrés (les)
Clément JEANNEAU
Paul JORION
Michel LEPESANT
 
 Persos M à Z
Henri MALER
Christophe MASUTTI
Jean-Luc MÉLENCHON
MONDE DIPLO (Blogs persos)
Richard MONVOISIN
Corinne MOREL-DARLEUX
Timothée PARRIQUE
Thomas PIKETTY
VisionsCarto
Yannis YOULOUNTAS
Michaël ZEMMOUR
LePartisan.info
 
  Numérique
Blog Binaire
Christophe DESCHAMPS
Louis DERRAC
Olivier ERTZSCHEID
Olivier EZRATY
Framablog
Tristan NITOT
Francis PISANI
Irénée RÉGNAULD
Nicolas VIVANT
 
  Collectifs
Arguments
Bondy Blog
Dérivation
Économistes Atterrés
Dissidences
Mr Mondialisation
Palim Psao
Paris-Luttes.info
ROJAVA Info
 
  Créatifs / Art / Fiction
Nicole ESTEROLLE
Julien HERVIEUX
Alessandro PIGNOCCHI
Laura VAZQUEZ
XKCD
🌓