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26.05.2025 à 08:31

Le handicap psychiatrique, l’un des derniers impensés de notre société ?

admin

Parmi les 12 millions de personnes directement concernées en France par le handicap, 3 millions vivent avec des troubles psychiques sévères. Stigmatisation, préjugés, pénurie d’aidant·e·s, déni pur et simple de leurs troubles, ces pathologies donnent l’impression d’être taboues. Et l’État n’y prête guère attention, malgré le dispositif d’Allocation Adulte Handicapé (AAH). Témoignage. Comme le signale Marie-Jeanne Richard, présidente de l’Unafam (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou.. Read More

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Texte intégral (2256 mots)

Parmi les 12 millions de personnes directement concernées en France par le handicap, 3 millions vivent avec des troubles psychiques sévères. Stigmatisation, préjugés, pénurie d’aidant·e·s, déni pur et simple de leurs troubles, ces pathologies donnent l’impression d’être taboues. Et l’État n’y prête guère attention, malgré le dispositif d’Allocation Adulte Handicapé (AAH). Témoignage.

Comme le signale Marie-Jeanne Richard, présidente de l’Unafam (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques), lors du baromètre 2022 de cette association, « le sujet des troubles psychiques et de leur prise en charge [reste] très confidentiel ». Et pourtant, ajoute-elle, « la situation des personnes concernées et de leurs aidants s’est dégradée cette année. La psychiatrie est en hypertension, faisant de l’accès et du maintien dans les soins un parcours du combattant » – avec, notamment, de très longues errances médicales, et d’interminables retards de diagnostic. Elle conclut : « Quant au handicap psychique, c’est celui dont on ne prononce pas le nom ! » Et en effet, j’en sais quelque chose : souffrant de trouble borderline, il m’est souvent arrivé de devoir prétexter un autre souci de santé -grippe, gastro, etc-, quand je n’étais pas en capacité de me rendre au travail, par crainte, généralement fondée, de me faire dire que « ça n’est pas une vraie maladie », que « j’aurais pu faire un effort », voire qu’une crise psychotique ou dépressive serait un simple « caprice ».

Comme le rapporte la journaliste Lætitia Delhon dans son article Le handicap, première cause de discrimination1, les handicapé·e·s doivent encore subir, dans nos sociétés, « un traitement médiatique souvent sommaire, partial et paresseux », prenant pour exemple « tel sportif devient ce héros qui a su « dépasser » son handicap, telle action se révèle « magnifique » parce que « inclusive », etc. Mais, dit-elle, rares sont « les analyses de fond sur ce sujet social pourtant majeur, qui interroge la citoyenneté, l’altérité et la solidarité ». Et, pourtant, en juillet 2021, un établissement girondin accueillant des personnes polyhandicapées annonce que trois d’entre elles, d’une trentaine d’années, « sont mortes faute de soins […] elles ont péri par manque de personnel pour s’occuper d’elles ». Elle en conclut : « Quoi de commun entre un individu malvoyant, un autre sourd, une personne atteinte d’un handicap moteur, une autre souffrant de troubles psychiques ou d’autisme ? Rien, en dehors des discriminations structurelles qu’elles subissent ». En effet, les handicapé·e·s sont surreprésenté·e·s parmi les non-diplômés : -29 %, contre 13 %- ou les chômeurs -15 %, contre 8 % ; « Leur niveau de vie est inférieur à celui de l’ensemble de la population [et] selon le rapport annuel du défenseur des droits publié en juillet, le handicap constitue le premier motif de discrimination ».

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Photo de Macko Dràgàn (Montréal)

Une vie à l’AAH

« Toutes ces personnes sont assujetties à un cadre légal empli de centaines de dispositifs créés selon un objectif officiel d’adapter la société aux besoins des personnes », nous dit encore L. Dehlon. Et j’ai justement rencontré Xavier à la terrasse de la librairie des Parleuses. Souffrant d’une pathologie psychique -il est bipolaire-, il est donc allocataire, comme moi et 1,2 million de personnes, de l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Le revenu minimum reversé par l’Etat français aux gens reconnus par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) au sein des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) des Maisons de l’autonomie (MDA) -oui, notre pays étant ce qu’il est, il y aura beaucoup de sigles ici.

L’histoire de Xavier avec l’AAH, qu’il touche depuis ses 19 ans, est longue, et son lien avec les souffrances psys également : « A 7 ans, premières pensées morbides, à 12, première tentative de suicide… » Il a donc fort conscience que ce genre de pathologie, « c’est le parent pauvre du handicap, la maladie invisible. Et qu’il faut invisibiliser dans ta vie professionnelle, sinon tu vas te retrouver stigmatisé comme tire-au-flanc ». Il ajoute : « Moi, dans ma bipolarité, je n’ai jamais pu tenir un métier plus de 6, 9 mois… Il y a tout l’aspect, comment dire, d’inadaptation en soi du bipolaire, ou du borderline dans ton cas, à un système capitaliste qui n’est pas du tout conçu pour son absence de linéarité ».

Au moment de la validation du dossier, la Maison de l’autonomie promet pourtant des postes aménagés, ou un accompagnement ; qu’en est-il ? « Mon cul, t’as rien, que dalle, zéro aménagement de poste, zéro accompagnement social, rien. T’es laissé dans le désert ». Un désert où l’on se retrouve seul, et où le reste de la société, minimisant les troubles, ajoute de la souffrance à la souffrance déjà ressentie en affirmant que « les maladies mentales, ça n’existe pas, ça arrive à tout le monde de pas être bien » -mais cela arrive-il à tout le monde de se scarifier lors d’une crise dont on ne garde aucun souvenir ? De vomir de douleur ? De ne pouvoir bouger de son canapé, pleurant sans discontinuer pendant des jours, des semaines ? Mais les gens « n’ont pas conscience de ça. Comme les SEGPA quand on était gosses, t’es le fou du bus, le cassos… »

En outre, « Je suis toujours comme un oiseau sur la branche, à ne pas savoir de quoi va être fait le lendemain, à me dire que s’il y a le moindre petit détail dans mon dossier qui ne va plus, qu’ils se rendent compte que j’ai eu un revenu de 5 ans avant, mais que je l’avais pas déclaré, ça y est, on te coupe l’AAH ». Sachant qu’en outre, « t’as pas le droit d’être bien, en fait. En réalité, t’as pas le droit d’avoir des moments dans ta vie où il y a une sorte de rémission dans tes malheurs liés à ta maladie. Il faut toujours montrer que t’es à la limite de la possibilité de la crise ». Le travail à temps plein d’un « malade psy » : être malade psy justement, et quand tu iras mieux, l’État te laissera en rase campagne. Ainsi, l’allocataire psy de l’AAH se retrouve véritablement dans une précarité totale, « victime des aléas de sa maladie au jour le jour », dont une des causes peut être l’insécurité financière, il ne faut pas l’oublier, « une insécurité absolument liée à nos conditions matérielles d’existence -si on ne nous les assure pas, chez nous, ça prend des proportions énormes ». Avec, de plus, un paradoxe : « Si grâce à la relative stabilité matérielle permise par L’AAH -même si c’est sous le seuil de pauvreté-, tu vas mieux, ils décident de te l’enlever. Et effectivement, là, tu redeviens une chair à hospitalisation en HP [Hôpital Psychiatrique]».

Xavier, anarchiste convaincu, inscrit à la CNT, veut participer à la société, cotiser, pour les conquis sociaux, pour la retraite, « histoire de pouvoir gueuler dans la rue quand ils veulent y toucher ». Mais « quand je me mets à travailler, je prends un risque. Quand je déclare des revenus sur trois mois, je prends le risque que les six mois d’après, je n’aie plus rien parce que si mon emploi s’arrête, l’AAH le temps qu’elle soit en route, je risque de me retrouver dans le vide. Mais je prends ce risque parce que je me dis qu’effectivement, l’AAH c’est une chance énorme, mais ça ne peut pas être mon seul moyen de survie ».

« Compenser des besoins », une violence normative

Jimmy Behague, président de la Neurodiversité-France, dans un billet de blog daté du 11 février 2025 (date du 20e anniversaire de cette loi), et titré : « La loi de 2005 sur le handicap, l’illusion de la justice », revient sur ce qui est selon lui la genèse de tous ces dysfonctionnements, en visant une loi « érigée en modèle alors qu’elle demeure une partie du problème ». « Toutes les lois en France concernant le handicap, écrit-il, absolument toutes, reposent sur une philosophie particulière qui est celle de la compensation des besoins. Par philosophie, j’entends ici un ensemble de principes moraux, politiques, culturels articulés en vue d’une même fin. La compensation des besoins serait la ligne directrice pour annihiler les discriminations et permettre aux personnes handicapées de participer à la vie de la Cité de manière autonome ». Ce qui pose problème.

Il affirme ainsi, très justement : « Nous pourrions collectivement nous interroger sur cette notion car, finalement, on ne l’applique qu’à certains publics dont les personnes en situation de handicap. Pourtant des personnes dorment dehors et l’on ne compense pas leur besoin de logement, des familles ne peuvent pas prendre trois repas par jour et on ne compense pas leur besoin de se nourrir, des personnes n’ont pas de travail et on ne compense pas leur besoin d’emploi, et beaucoup de personnes sont pauvres et on ne compense pas leur besoin d’argent ou du moins pas de manière à les empêcher de rester pauvres. Du reste, on ne compense finalement pas non plus les besoins des personnes en situation de handicap, on compense ce qu’on pense être leurs besoins ».

En d’autres termes : pour notre société, s’il n’y a aucun problème à ce qu’un SDF dorme dans la rue ou qu’une famille monoparentale crève la dalle, les handicapé·e·s représentent elles et eux en quelque sorte une anomalie qu’il s’agit de corriger. Et que cela se fasse par le biais d’une compensation financière -bienvenue, il ne s’agit pas de le nier- ne doit pas nous faire oublier que l’immense partie des structures sociales demeurent non-adaptées -et n’ont de toute façon pas vocation à l’être. Jimmy Behague cite le livre « De chair et de fer », de Charlotte Puiseux où elle raconte « à quel point la société voulait remettre droit son corps différent, rectifier au prix de douleurs atroces ce qui était hors normes sans apport quelconque pour sa santé ». L’intégration des personnes handicapées dans notre société capitaliste menée au forceps, ressemble ainsi bien plus à une rééducation, ou à une mise sous tutelle -toujours conditionnelle, et sur la base de critères arbitraires- sous couvert d’inclusivité des personnes n’entrant pas dans une norme psychique et/ou physique tout aussi arbitraire.

Alors, quelles solutions ? Pour Xavier, ça ne fait pas un pli : « Le salaire inconditionnel, évidemment. Dans une société qui produit énormément de richesses comme la nôtre, dans une nation qui est une des plus grosses productrices de richesses, de biens, de services, de tout ce que tu veux, c’est irrémédiable ». « Un salaire inconditionnel qui permette de sortir de la précarité permanente, de l’instabilité financière qui mine l’envie de faire -que ce soit d’ailleurs du bénévolat ou du travail salarié, ou autre ». Et, bien sûr, l’anarchie comme mode de vie pour tous et toutes, inclusif et bienveillant. On a hâte.

Par Mačko Dràgàn

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1 Le Monde Diplomatique, octobre 2022

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22.05.2025 à 11:26

Vous aussi, devenez actionnaires (d’un service public d’information)

admin

Chaque mois, nous donnons à un service public, plus ou moins bien géré. Et chaque mois également, bien malgré nous, nous engraissons une feignasse d’actionnaire. Alors, si vous conciliez le meilleur des deux mondes, en devenant vous-même un actionnaire pas feignasse d’un service public de qualité ? « Mouais, le journal dubitatif (quoique) est une revue bimestrielle française reconnue publication d’information politique et générale et basée à Nice. Anarchiste, elle traite.. Read More

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Texte intégral (921 mots)

Chaque mois, nous donnons à un service public, plus ou moins bien géré. Et chaque mois également, bien malgré nous, nous engraissons une feignasse d’actionnaire. Alors, si vous conciliez le meilleur des deux mondes, en devenant vous-même un actionnaire pas feignasse d’un service public de qualité ?

« Mouais, le journal dubitatif (quoique) est une revue bimestrielle française reconnue publication d’information politique et générale et basée à Nice. Anarchiste, elle traite de questions sociales et écologiques au niveau local, national et international », nous dit un autre service public d’information à soutenir, Wikipedia, récemment attaqué par toute l’extrême-droite, de Musk à Fourest, comme étant « wokipedia ».

Ceci est hélas symptomatique de l’air du temps : il ne fait pas bon de vouloir « donner la parole à ceux qui ne l’ont pas forcément.. Avec une subjectivité assumée ! » -du moins, quand cette subjectivité a le cœur à gauche et tourné vers Gaza.

Votre Mouais, dont vous lisez tous les deux mois sur papier ou toutes les semaines en accès libre en ligne des coups de griffes, témoignages de luttes, enquêtes en terrain hostile ciotto-estrosiste, reportages en Palestine & ailleurs et autre entretiens savoureux avec Ludivine Bantigny, Guillaume Meurice, Leane Alestra, Francis Dupuis-Déri ou encore Maïa Mazaurette, tire donc lui aussi un peu la langue, et aura bien besoin d’une ration supplémentaire de croquettes pour tenir sur la durée.

Notre équipe vient donc vers vous avec une proposition unique : devenir adhérent, pour quelque euros par mois (prix libre), d’un service public d’information de qualité car géré par des anarchistes, les personnes les plus fiables qui soient, l’histoire humaine peut suffisamment en témoigner.

Ce faisant, vous pourrez continuer à nous lire gratuitement en ligne sans culpabiliser, et en plus, cerise sur la pâtée du chat, les 10 premières personnes recevrons en cadeau la bande dessinée Chro-nique l’Agro-industrie, de Coyotte et aux éditions Mouais, chroniques douce-amères de la vie d’une jeune maraîchère emplie d’utopie punk et confrontée aux parfois brutales réalités du monde agricole.

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En outre, ceci vous accordera :

· Zéro possibilité d’influer sur notre ligne éditoriale, ce qui, si vous n’êtes pas Vincent Bolloré et nous vous le souhaitons, vous remplira de joie ;

· Un retour sur investissement de 3000 % à peu près, calculé au prorata de votre bonheur de soutenir chaque mois une presse fière et libre.

C’est par ici ➡ https://www.helloasso.com/associations/association-pour-la-reconnaissance-des-medias-alternatifs-arma/formulaires/1

(et la possibilité de vous abonner au papier est toujours disponible bien sûr, ici même : https://mouais.org/abonnements2025/)

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09.05.2025 à 10:07

« Peut-on aimer un pays / Qui n’est même pas un pays ? ». Carnets de Palestine #3

admin

Durant un mois, le photographe niçois Olivier Baudouin est en résidence artistique à Bethléem, dans les Territoires palestiniens occupés, au sud de Jérusalem. Retrouvez chaque semaine son carnet de bord, au cœur de la vie qui s’obstine à être. Épisode 3 : « Il y a une chose qui m’a toujours troublé, c’est cette douceur qui émane des gens d’Ici, je ne la retrouve pas ailleurs ». Bethléem – Hébron.. Read More

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Texte intégral (3857 mots)

Durant un mois, le photographe niçois Olivier Baudouin est en résidence artistique à Bethléem, dans les Territoires palestiniens occupés, au sud de Jérusalem. Retrouvez chaque semaine son carnet de bord, au cœur de la vie qui s’obstine à être. Épisode 3 : « Il y a une chose qui m’a toujours troublé, c’est cette douceur qui émane des gens d’Ici, je ne la retrouve pas ailleurs ».

Bethléem – Hébron – Bethléem

Nous avons rendez-vous au lieu de départ des taxis collectifs pour Hébron. Mariam vient avec moi. Elle arrive chargée de sacs tout en portant sa fille de 2 ans et demie qui dort dans ses bras. Le taximan veut faire payer sa petite (dans ses bras), elle refuse catégoriquement, nous sommes maintenant installés dans le taxi 8 places voisin, qui a accepté l’enfant sans contrepartie financière. Je n’ai pas le temps de m’asseoir à côté de Mariam que l’on me demande d’aller plus devant pour laisser rentrer une autre maman avec son fils. Le but est de cacher un peu les enfants de la vue des soldats israéliens le long du trajet.

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Merchandising Palestinien – Bethléem

Je suis sur la rangée à trois places de devant, une jeune femme y est déjà installée, il reste une place libre, on attend encore un passager pour partir. Ce sera une passagère, je dois la laisser entrer pour ne pas me retrouver entre les deux femmes, il est préférable de limiter les contacts entre nous. C’est les habitudes sociales de base Ici.

Je me renseigne sur le tarif du trajet et j’apprends qu’il va dépendre de la présence ou non de barrages de l’armée israélienne et des détours engendrés. Cela peut varier du simple au double. Autant le temps de trajet que son prix.

Par la fenêtre je regarde défiler le paysage. Ce qui retient mon attention c’est les entrées de colonies sécurisées par des barrières à contrôle automatique, les guérites blindées des soldats à intervalles réguliers, les arrêts de bus réservés aux Israéliens gardés également par des soldats. Mais surtout les travaux colossaux pour élargir la route et faciliter ainsi les trajets entre Jérusalem et les colonies de Cisjordanie. Il n’y a aucun doute sur la façon dont est investi l’argent dans ce pays : faciliter la vie des Israéliens, entraver celle des Palestiniens et investir dans des armes pour les tuer. Quelques miettes pour qu’ils ne crèvent pas totalement, mais quand-même suffisamment pour qu’ils rêvent de partir, au lieu d’être finalement tués ou emprisonnés dans la vie réelle.

Ce n’est pas un tableau sombre, c’est la réalité crue.

À l’arrivée nous payons le tarif « trajet court et rapide », il n’y a pas eu de barrage.

Nous commençons par aller dans une association qui s’appelle « Association d’échanges culturels Hébron-France », qui comme beaucoup d’ONG sur place, fait un travail remarquable.

Je rencontre Chantal, la fondatrice, elle vit Ici depuis les années 90, elle est mariée à un Palestinien. Dans sa famille c’est le « bordel administratif », elle est française et n’a pas de nationalité Palestinienne, son mari c’est le contraire, ses enfants, ça dépend, elle a une voiture immatriculée en Israël qu’elle peut conduire, mais pas son mari, mais sa fille oui, mais depuis quelques temps son mari peut aussi. Mais lui a quand-même une voiture Palestinienne (c’est plus sûr) qu’elle peut également conduire, mais pas en dehors d’Hébron, puis pour finir des assurances spécifiques à chaque véhicule pour correspondre aux standards Israéliens et Palestiniens, qui bien-sûr, ne sont pas les mêmes… J’ai l’impression qu’Ici il faut consulter un conseiller juridique à chaque fois que l’on souhaite prendre la route …

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Sortie d’école – Près du camp de réfugiés d’Aïda

Depuis qu’elle a arrêté son activité en 2017 et pour maintenir la légalité de sa vie Ici, elle fait des aller-retours réguliers entre la France et la Palestine. Cela pour pouvoir renouveler son visa par tranches de 3 mois car elle n’a jamais réussi à avoir la nationalité Palestinienne. Elle vit constamment avec un visa « visiteur » Israélien.

Cet après-midi elle nous raccompagnera à Bethléem avec sa voiture immatriculée en Israël. Elle y fera la présentation de son livre fraîchement édité qui a pour titre « De Paris à Hébron » et pour sous-titre : « Identités plurielles ».

Hébron est la plus grande ville des territoires occupés de Cisjordanie. En réalité c’est Jérusalem, mais les Palestiniens de ce côté du mur n’y ont accès que sous conditions. Mais quasiment plus du tout depuis le 7 octobre.

Bon bref, vous l’avez compris. Ici tout est compliqué, barré, entravé, piégé et violent.

Mais dans cette ville, cela prend des proportions particulièrement concrètes. En son cœur est niché le tombeau des Patriarches. C’est là qu’est enterré Abraham ou Ibrahim, suivant que vous soyez juif, chrétien ou musulman. Depuis l’accroissement des immigrations liées au projet de création d’un état national juif, soit depuis le début du 20ème siècle, les tensions autour du lieu ont augmenté. Les colonies juives se mêlent aux habitations palestiniennes dans la vieille ville dont une partie est totalement colonisée, d’autres secteurs, pour assurer la sécurité des colons, sont vidées de leurs habitants et les commerces sont fermés. Pour que les Palestiniens puissent quand-même circuler dans la vieille ville, des grillages métalliques chapeautes des rues vidées de leur substance pour éviter aux passants arabes et aux touristes de recevoir des ordures ou des pierres ou tout autre objet de la part des colons depuis les étages supérieurs.

Ça pose des bases sans équivoque entre les deux communautés ! Ils souffrent plus qu’ailleurs et depuis plus longtemps, alors j’ai l’impression que les effets délétères de la situation actuelle, impactent moins fortement cette ville. Cela fait longtemps que ses habitants se sont organisés pour vivre au mieux. C’est sûrement à Hébron que l’on trouve le plus d’usines, de manufactures et d’ateliers. On y fabrique beaucoup de choses. On essaie de se passer de l’occupant du mieux qu’on le peut en créant des emplois sur place.

Leur dépendance à Israël et au tourisme est moins prononcée ici qu’à Bethléem. Et en effet, ça se voit, dans les rues il y a une énergie bouillonnante. Et je ressens ici une atmosphère moins lourde qu’à Bethléem. Alors qu’avant le 7 octobre c’était le contraire. On sort des locaux de l’association, elle est proche de l’université toute neuve de la ville qui semble n’être fréquentée que par des femmes. Ce n’est pas la première fois que je le constate, c’est pareil sur les autres campus. Très peu d’hommes font des études Ici. Mais les études des femmes sont souvent interrompues par le mariage. C’est une sorte de course entre finir ses études ou se marier. Car une fois l’union « sacrée » prononcée la vie d’une femme dépend de son mari. Si ce dernier est « cool » elle peut continuer ses études, sinon c’est enfant(s) et foyer. L’époux est tenu de fournir l’argent et son épouse de garantir le bon fonctionnement de la maison.

C’est un peu triste, mais pour beaucoup de femmes que je vois là devant l’université, leurs études seront surtout destinées à un enrichissement personnel. Une minorité se construira une carrière professionnelle.

D’une façon générale la liberté des femmes dépend d’un homme. Une femme qui est freinée par un père ou un mari ne pourra rien faire d’autre que les tâches qui lui sont « naturellement » dévolues par les codes en vigueur… Par contre, si elles ont le « feu vert » de leur père ou mari, elles seront respectées dans leur choix par le reste de la société.

Puis j’en parle avec une autre, elle ne confirme pas du tout cela. Elle pense que cela dépend plutôt des familles et aussi des villages ou des villes desquelles viennent les femmes. Qu’il est très difficile de généraliser quoi que ce soit sur ce sujet. La société Palestinienne est variée et complexe. Elle, elle finira ses études et travaillera. Personne ne l’en empêchera.

En mars 2023, j’avais participé à un événement pour la journée internationale des droits des femmes en Palestine. Je me rappelle plus particulièrement d’un constat évoqué par des participantes, qui disaient que tant que durera l’occupation, il n’y aura pas d’avancée réelle pour leurs droits.

L’immersion dans la ville conforte ma première impression décrite plus haut. La vie bat son plein.

Puis, une fois dans le centre historique, je repasse devant un commerce où j’avais vu quelques années plus tôt un homme mourir à cause des soldats. Il n’avait pas supporté l’expulsion de force de son commerce par l’armée et avait fait une crise cardiaque. L’armée avait empêché les secouristes Palestiniens de venir le secourir, soi-disant par sécurité, mais n’avaient pas non plus demandé à leurs propres secouristes de venir prendre soin de lui. Il a fini par succomber. Maintenant ce lieu est réhabilité, une organisation Palestinienne l’occupe. Juste en face il y a un accès à la colonie. Il est fortement gardé. Un véhicule blindé de l’armée y pénètre devant nous. C’est une apparition assez lugubre.

Nous faisons quelques mètres supplémentaires et les rues vides à grillage en couvre-chef se déroulent devant nous. C’est celles qui longent la colonie. Une sorte de demi no man’s land. On peut passer, mais ni commercer ou habiter.

Il y a aussi une rue bloquée par un checkpoint mais habitée par des Palestiniens. C’est-à-dire que les habitants pour rentrer ou sortir de leur rue doivent montrer leurs papiers. La rue est interdite à tout visiteur. Chaque enfant qui va ou rentre de l’école est contrôlé par un soldat. L’horizon de sa rue c’est des grillages, des tourniqués contrôlés électriquement et des caméras.

L’administration des rues du vieux Hébron est aussi compliquée que le « bordel administratif » de Chantal.

Tout cela est à l’image de cette incroyable situation Israélo-Palestinienne.

Mariam, sa fille, Chantal, sa fille (plus grande que celle de Mariam) et moi prenons la route de Bethléem dans la voiture immatriculée en Israël. Celle avec plaque Palestinienne, n’est pas adaptée à ce trajet.

Quand on arrive j’apprends qu’il y a eu une incursion de l’armée à Bethléem. La ville est restée paralysée pendant que les Israéliens procédaient à des arrestations. Nous étions à Hébron à ce moment-là.

Maintenant la vie a repris presque normalement.

200 shekels

Illustration 3

Sortie d’école – Hébron à l’arrière plan un checkpoint qui barre la rue

Je me prépare à sortir, je vérifie combien j’ai d’argent. Je n’ai rien de plus petit que 200 shekels (50 €). Plus aucune pièce, plus de petites coupures.

C’est un peu emmerdant, car la première chose que je fais en sortant, c’est de prendre un café sur la place de la Mangeoire. C’est entre 1 et 3 shekels.

Je sors, on verra bien, de toute façon, je n’ai pas le choix.

Avant qu’il ne me serve, j’explique à mon fournisseur préféré de café que je n’ai pas plus petit que mon billet. Il me donne le précieux breuvage et m’explique que je paierai la prochaine fois les 3 shekels.

Chaque matin, je reste un moment, là, entre la mosquée d’Omar et la basilique de la Nativité. Je regarde la vie autour de moi, j’en ai besoin.

Puis je quitte le lieu, j’ai rendez-vous à Alrowwad je dois marcher trente minutes, c’est au cœur du camp de réfugiés d’Aïda, en périphérie de la ville, collé au mur en béton.

La marche ça creuse, quand je rentre dans le camp, je vois une petite boutique qui vend des fruits et des légumes. Je suis très tenté par des bananes. Ici elles sont plus petites, délicieuses et produites sur place. Avant qu’il ne me serve, je lui parle de mon gros billet. Il me sert quand-même, me donne le prix (4,50 shekels) et me dit de payer la prochaine fois. Mais on ne se connait pas, je lui dis « Are you sure ? » il répond « Yes ».

Je repars avec les fruits, sans les avoir payés.

Après le travail de résidence, je sors d’Alrowwad. Des jeunes sont entassés dans une voiture, ils écoutent de la musique à fond. Ça résonne dans tous les murs du camp. Ils ont tous des têtes patibulaires. Mais je sais que ce n’est qu’une apparence. Un m’appelle, je me dirige vers eux. À ce moment un gamin me fonce dessus avec son vélo et fait un dérapage devant moi pour me faire peur, il se fait instantanément remettre en place par les jeunes avant que je n’aie le temps de le faire moi-même.

Une conversation surréaliste s’engage, je commence à les connaître ces échanges où je ne comprends pas l’Arabe et eux ne comprennent pas l’Anglais. Je suis toujours étonné de voir comment, malgré cela, on se comprend parfaitement.

L’un d’eux est coiffeur, je n’avais pas vu sa boutique juste à côté. Il me fait comprendre que je suis coiffé comme un balai. Je suis bien conscient qu’il a raison.

Je pénètre dans son salon et 10 minutes plus tard je suis refait, barbe et cheveux. Me voilà looké Palestinien. Je lui explique qu’avec une coupe pareille je serai marié avant d’être sorti du camp. Une fois qu’il a compris (grâce à mon traducteur de téléphone) il éclate de rire.

Je lui demande le prix, il me répond : « Free » je lui explique que ce n’est pas possible. Il répond, plus ou moins, « as you want ». Je lui tends mon billet de 200 et par un échange de regards il comprend que je ne vais pas payer ça. Il prend mon billet et disparaît et je comprends à son regard qu’il va revenir.

Et en effet, trois minutes plus tard il revient avec 4 billets de 50.

Je connais le prix habituel, c’est 15 shekels. Par un autre échange de regard, il comprend que je ne vais pas payer 50. Soudain je me rappelle du marchand de bananes de ce matin en bas du camp, je lui dois 4,50. Je retrouve le vieux monsieur, il me reconnait immédiatement, sans mots je lui tends le billet de 50, il me rend 45,50, je le remercie sincèrement pour sa confiance. Il me répond une expression en Arabe qui plus ou moins veut dire, « ça va, c’est pas grave, tout va bien ».

Je remonte voir mon coiffeur et lui tend 25 shekels. On s’assoit, il m’apporte un café et un sandwich falafel. Ses copains avec la gueule patibulaire avaient anticipé les choses et donc ont acheté le kit minimum de convivialité et d’accueil. Nous avons beaucoup rigolé, mais là où vraiment j’ai cru qu’ils allaient étouffer de rire, c’est quand je leur ai dit que je ne croyais pas en dieu !

Sur le chemin de retour vers le centre de Bethléem, je vois clairement que le regard des femmes sur moi a changé. Il est fort ce coiffeur !

Le lendemain matin, je demande mon café sur la place de la Mangeoire. Je prends mon café et tends 6 shekels.

La boucle est bouclée.

Helen

Illustration 4

Une des rues désertes d’Hébron

Il y a une chose qui m’a toujours troublé, c’est cette douceur qui émane des gens d’Ici, je ne la retrouve pas ailleurs.

En France, je suis capable de reconnaître un Arabe du Proche-Orient grâce à cette douceur si particulière. Je ne pourrais pas dire si c’est une personne qui vient de Syrie, de Jordanie, du Liban ou de Palestine, mais je sais que cette personne vient de ce coin du monde.

D’ailleurs, j’avais été touché par le texte de Mona Cholet, celui qui parle de leur douceur. Il s’appelle : « Peut-on aimer un pays / Qui n’est même pas un pays ? » Je pense, que comme moi, elle l’a ressentie.

Certaines personnes en sont un concentré.

Helen, quand elle parle, je ne ressens aucune dureté

Pas l’ombre d’un mot de travers

Elle m’explique qu’avec son père, quand elle était toute petite, elle allait ramasser le raisin à Jérusalem

Maintenant elle ne peut plus passer, « Ils » ont construit un mur et pris les terres de sa famille.

Alors pour avoir un laisser passer elle doit maintenant contourner Jérusalem pour rejoindre Qalandia près de Ramallah.

C’est là qu « ’ils » peuvent lui donner un papier. Prendre un rendez-vous ne sert à rien, ils annulent sans prévenir. Il faut y aller le matin et attendre des heures, des fois pour rien. Dans ce cas il faut revenir un autre jour.

Une fois qu’elle a ce papier, elle peut télécharger une application, puis, sous condition avoir l’autorisation d’aller à Jérusalem, comme ça en passant elle pourra voir les terres volées de ses aïeux. Regarder les grappes se dessécher.

Avec une voix très douce et très posée, elle me raconte ses études à l’Université de Jérusalem. Son projet de ne jamais quitter la Palestine. De devenir une femme qui vit et travaille Ici.

Elle me sourit.

Quand elle parle Français sa voix est encore plus douce.

Par Olivier Baudoin (olivierbaudoin.com/)

Le carnet de bord sera également disponible dans notre version papier, à retrouver tous les deux mois dans votre boîte aux lettres : https://mouais.org/abonnements2025/

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25.04.2025 à 12:31

« Il y a un retour en force du masculinisme, on est retournés 30 ans en arrière »

admin

L’évolution générationnelle des rapports aux questions LGBTQIA+ et féministes est complexe, notamment en ces heures de « backlash » et de trumpisme triomphant. Nous en avons parlé en octobre dernier à Montréal avec Francis Dupuis-Déri, chercheur politiste franco-canadien et professeur à l’université du Québec, spécialiste des mouvements sociaux, de l’antiféminisme et de l’anarchisme. Par Mačko Dràgàn. Le terme « backlash » vient de l’ouvrage de la journaliste américaine Susan Faludi, « Backlash... Read More

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Texte intégral (2376 mots)

L’évolution générationnelle des rapports aux questions LGBTQIA+ et féministes est complexe, notamment en ces heures de « backlash » et de trumpisme triomphant. Nous en avons parlé en octobre dernier à Montréal avec Francis Dupuis-Déri, chercheur politiste franco-canadien et professeur à l’université du Québec, spécialiste des mouvements sociaux, de l’antiféminisme et de l’anarchisme. Par Mačko Dràgàn.

Illustration 1Le terme « backlash » vient de l’ouvrage de la journaliste américaine Susan Faludi, « Backlash. The Undeclared War Against American Women », qui lui a valu le prix Pulitzer en 1991. On peut le traduire en français par “retour de bâton”, et il est le plus généralement utilisé pour désigner la “réaction violente d’une partie de la société face aux progrès des droits des femmes” (1) mais aussi des diverses minorités.

A la terrasse d’un petit café bohème comme il en existe tant à Montréal, dans la fraîcheur de l’hiver qui pointe, après avoir discuté d’une manif’ où je m’étais rendu la veille, un rassemblement de soutien à deux jeunes activistes écolos maintenus en détention et jugés suite à une action pourtant non-violente, nous rentrons dans le vif du sujet.

« Là, il y a un gros backlash sur le féminisme, me dit Francis. Un gros retour en force de la pensée masculiniste partout ». « Ce n’est pas pareil dans tous les pays mais, pour le cas de la France, ce n’est pas nouveau. En 2006, il y avait déjà Éric Zemmour avec Le premier sexe, un brûlot anti-féministe. Il y a eu aussi les groupes de pères divorcés qui avaient escaladé les grues -et qui avaient été aussitôt reçus par des ministres ». Pour rappel, ces pères, inspirés par le mouvement étasunien des Fathers of justice, demandaient « la résidence alternée de plein droit si les deux parents demandent la garde et la déjudiciarisation des conflits familiaux » –soit la mise sous le tapis des violences masculinistes intra-familiales. « Déjà, à ce moment-là, poursuit Francis, c’était croisé avec des mobilisations anti-genre ». Puis il y eut, en 2013, les mobilisations contre le « mariage pour tous », à l’initiative notamment d’associations familiales catholiques, et où la moyenne d’âge, il faut bien le dire, était assez élevée, quoique de jeunes collectifs identitaires soient déjà présents. « Les forces anti-féministes et anti-diversité de genre et sexuelle étaient croisées. Et c’est ce qu’on voit encore aujourd’hui. Par exemple, l’organisation de Zemmour, Reconquête, est alliée aux organisations « Parents vigilants » et « Maman louve ». Tout ça est ouvertement transphobe, homophobe, et anti-féministe. Il y a alliance, et j’ai l’impression que c’est assez récent ».

Comment « recrutent »-ils ? « Ils ont su évoluer, notamment via des influenceuses, des influenceurs, pour adapter leur discours à l’air du temps ». Car il est plus compliqué d’être frontalement sexiste aujourd’hui ? « Oui et non. Je pense qu’il y a les deux. Par exemple, l’extrême droite de parti, ça fait un bon bout de temps qu’elle joue la carte : Si vous laissez passer l’immigration, ça va transformer la France en république islamiste, avec la charia, et les femmes et les minorités de genre vont perdre leurs droits. C’est pour ça, entre autres raisons, qu’il y a des communautés gays qui votent R.N, ainsi que des femmes, en pensant que c’est une protection pour les autres ». Une façon, donc, comme le fait le collectif « féministe identitaire » Némésis, récemment salué par Bruno Retailleau qui a dit « partager leur combat », de détourner les luttes féministes et LGBTQIA+ pour en faire une arme contre les musulmans (principalement).

Mais une autre partie de l’extrême-droite continue d’assumer très frontalement son anti-féminisme. « Entre autres sur le web, des influenceurs qui disent que puisque les hommes sont castrés, efféminés, il faut qu’ils reprennent leur place dans la famille, dans le couple, dans la société, et qui donnent des conseils de séduction, de vie ». « Ils associent la masculinité à des normes conventionnelles comme les armes à feu, la viande, la chasse, et la muscu. Cette tendance-là n’est pas dans un camouflage : ils peuvent attaquer directement les féministes ». Et ils sont très implantés dans les sphères du pouvoir, tel Nick Fuentes, ami de Musk et Trump, qui a salué la réélection de son chef avec une vidéo à destination des femmes -il frappera une féministe quelques jours plus tard- où il affirmait : « Les hommes gagnent de nouveau ! Nous allons vous garder à terre pour toujours. Vous ne contrôlerez jamais vos propres corps ! »

Ont-ils une audience ? « Il y a des influenceurs qui sont de vrais losers, avec quelques centaines ou quelques milliers de personnes qui les suivent, d’autres des dizaines de milliers, voire plus. Il y a une diversité de voix, qui crée une sorte de chorale. Donc là-dedans, il y a des voix qui portent plus que d’autres, évidemment ». Je le questionne sur TiboInShape, qui a récemment pris à Squeezie -qui, soit dit en passant, bien qu’hétéro, assume en public un style totalement queer– le titre de youtubeur le plus suivi de France, et qui, s’il se défend d’être d’extrême-droite malgré son amour de la patrie, de l’armée et du drapeau, témoigne d’un discours fondamentalement viriliste. « Ce sont des personnes très écoutées chez les adolescents. Il y a vraiment un danger dans le fait que ce virilisme larvé -ou pas larvé d’ailleurs-, se répande ».

Un danger qui se manifeste de plusieurs façons. « En premier lieu, et c’est confirmé par des agences institutionnelles, les stéréotypes et les préjugés sexistes et misogynes sont en augmentation chez les jeunes hommes en France ». Et donc, « ce n’est pas juste une question de bataille des idées, de savoir si on débat ou on débat pas : ceux que l’on appelle les influenceurs, ils ont donc une influence réelle dans la vie de certains hommes qui sont en relation avec certaines femmes, et ça peut pourrir la vie de ces femmes directement », car, « s’ils n’en font pas nécessairement l’apologie explicite, tout leur texte sous-tend qu’un vrai homme c’est un homme actif, agressif, compétitif, voire qui use de la force et de la violence ».

Je lui cite le rapport publié en novembre 2023 par l’Observatoire des inégalités : « Entre 2003 et 2023, la proportion de Français déclarant n’être “pas du tout racistes” a été multipliée par deux en 20 ans, passant de 30 % à 60 %. Par ailleurs, il y a trois fois moins de Français qui estiment qu’il y a des “races supérieures” : 5 % aujourd’hui contre 14 % il y a 20 ans » (2) Même chose pour l’acceptation de l’homosexualité. Mais, en apparence paradoxalement, les manifestations de xénophobie violente augmentent, ce qui fait tirer la conclusion d’une frange réactionnaire minoritaire, mais plus active.

« Oui, opine Francis, et c’est tout-à-fait ce que je constate avec d’autres, notamment la sociologue Mélissa Blais [Militante féministe, doctorante en sociologie à l’UQAM, NDLR] avec qui je travaille beaucoup, et des groupes comme le GRIS-Québec [Groupe de recherche et d’intervention sociale de Montréal, NDLR], qui fait des interventions sur la diversité de genre et sexuelle dans les écoles ». « Ils disent que la société n’avance pas comme un bloc homogène. En fait, il y a des éléments qui avancent et d’autres qui reculent, si on pense en termes « progressistes » et « réactionnaires ». Et, tu as tout-à-fait raison, c’est la même chose qui est constatée en atelier : par exemple, chez les jeunes, le GRIS, quand il va dans des écoles, fait remplir un formulaire par rapport à leur préférences sexuelles, ou à leur auto-identification de genre et de préférences. Et, depuis 5-7 ans, on n’a jamais eu autant de filles -les garçons, c’est plus compliqué-, mais de filles ouvertes à la diversité de genre et sexuelle. Soit qu’elles le sont elles-mêmes en disant bi ou homo ou polyamoureuse, soit qu’elles disent qu’elles en connaissent, que ça ne les dérange pas, qu’elles sont contentes d’avoir des amis comme ça ».

Il s’agit donc, ici, d’une progression positive chez les jeunes générations. Mais « le GRIS dit aussi, par ailleurs, que cela fait 3 ans qu’ils n’ont jamais reçu autant de haine au visage pendant les formations, principalement de la part des jeunes hommes, le pire âge étant 15 ans. Ils vont dans des écoles, et disent : on a l’impression qu’on est retournés 30 ans en arrière ». Ce qu’avait d’ailleurs souligné Le Monde dans un article d’avril 2024, titré « Les jeunes femmes sont de plus en plus progressistes, tandis que les hommes du même âge penchent du côté conservateur », et qui commençait ainsi : « La guerre des générations n’est pas celle que l’on croit. Elle n’a pas lieu entre les plus de 50 ans étiquetés « boomeurs » et les moins de 25 ans, mais au sein de la jeunesse elle-même, entre les deux sexes » (3).

Une progression, et un recul. Moins de réactionnaires fanatiques, mais beaucoup plus virulents, car animés d’un sentiment -faussé- de minorité dû aux évolutions sociétales. Mais, tempère Francis, « il ne faut pas oublier que dans les années 80, début des années 90, à peu près tous les groupes de musique rock-pop avaient au moins un membre, y compris les Boys Band, qui était androgyne -souvent le bassiste… Et il y avait Prince, Boy George, David Bowie… Et ça, c’était avant Judith Butler, avant les théories queer ! »

Illustration 2

A nouveau donc, les choses sont plus complexes qu’on ne pourrait le penser. Mais, me dit-il pour conclure, « je pense qu’effectivement, du point de vue de l’Amérique du Nord, c’est sûr que si on est un conservateur et qu’on suit l’actualité, on a reçu Black Lives Matter, les mobilisations des autochtones, les vagues MeToo, le mouvement de la jeunesse pour le climat, les revendications pour la diversité de genre et sexuelle…. Depuis une dizaine d’années, au niveau du front électoral, c’est pas super pour les forces progressistes, mais sur ces fronts de lutte-là, c’est encore vif. Et pour un réac’, ça fait beaucoup ! » Ce qui explique aussi l’agressivité de certains courants réactionnaires, renforcés par une dynamique médiatique reprise des États-Unis, avec pour modèle le FoxNews de la famille Murdoch.

A lire : Francis Dupuis-Déri, Les antiféminismes. Analyse d’un discours réactionnaire, Les éditions du Temue-ménage, 2015

Francis Dupuis-Déri, La crise de la masculinité. Autopsie d’un mythe tenace, Les éditions du Remue-ménage, 2018

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(1) https://www.tilt.fr/articles/le-backlash-cest-quoi-taide-comprendre-ce-terme

(2) https://www.francetvinfo.fr/societe/racisme/discriminations-une-societe-francaise-moins-raciste-moins-sexiste-et-moins-homophobe-mais-toujours-violente-dans-son-intolerance-selon-l-observatoire-des-inegalites_6212925.html

(3) https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/04/04/partout-un-fosse-potentiellement-dramatique-se-creuse-entre-les-jeunes-femmes-et-les-jeunes-hommes_6225866_3232.html

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19.04.2025 à 15:37

« De l’amour, dans de ce merdier, c’est précieux ». Carnets de Palestine #2

admin

Durant un mois, le photographe niçois Olivier Baudouin sera en résidence artistique à Bethléem, dans les Territoires palestiniens occupés, au sud de Jérusalem. Retrouvez donc, chaque semaine, pour Mouais, son carnet de bord, au cœur de la vie qui s’obstine à être. Épisode 2 : « La judéophobie n’a pas disparu et on a pris en option une extension, elle s’appelle : islamophobie ».        Mercredi 9 avril 2025 Visite.. Read More

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Texte intégral (3993 mots)

Durant un mois, le photographe niçois Olivier Baudouin sera en résidence artistique à Bethléem, dans les Territoires palestiniens occupés, au sud de Jérusalem. Retrouvez donc, chaque semaine, pour Mouais, son carnet de bord, au cœur de la vie qui s’obstine à être. Épisode 2 : « La judéophobie n’a pas disparu et on a pris en option une extension, elle s’appelle : islamophobie ».

       Mercredi 9 avril 2025

Visite pittoresque

Illustration 1

Une représentation du « grignotage » de la Palestine sur un mur du camp de réfugiés d’Aïda

J’ai rendez-vous à midi dans un village au sud-ouest de Bethléem. Amira me contacte dès le matin pour me dire de ne pas venir avant le départ des soldats Israéliens qui procèdent à des arrestations ce matin dans le village voisin par lequel passera le taxi collectif que je dois emprunter pour la retrouver.

Vers 11 heures elle me confirme que « la voie est libre ». Clairement, en plus des incertitudes liées aux points de contrôle mis en place par l’armée israélienne, s’ajoute l’évitement de leurs « interventions » imprévisibles. C’est le quotidien de chaque habitant Ici. La peur des soldats et d’une façon générale de l’occupation sur tous ses aspects est constamment au centre de la vie palestinienne.

Pratiquement toutes les décisions que prennent les gens Ici doivent être adaptées à des contraintes imposées par une population qui les envahis consciencieusement.… Il n’y a aucun doute sur le fait que tout est fait pour les dissuader de vivre en Palestine, dans le but de les remplacer progressivement.

Je n’arrive pas à collecter l’ensemble des techniques utilisées par l’occupant. Mais la force d’Israël est de ne pas connaître le laxisme. Contrairement aux Palestiniens qui pratiquent le « inch’Allah » comme base de prise de décisions. C’est un peu simpliste et schématique, j’en conviens, mais, bon, quand même… En même temps, ont-il d’autres choix ? La voie de la violence se retourne toujours contre eux. La voie de la discussion et de la négociation n’aboutit jamais, voire se retourne contre eux également. Alors, la soumission est la voie la plus pragmatique. Mais elle est délétère pour l’équilibre psychologique. C’est bien ça que j’observe avec une immense tristesse.

Amira me parle des petites techniques qu’utilisent ses concitoyens pour arnaquer les autres dès qu’ils en ont le pouvoir. Certains s’enrichissent en surtaxant les autorisations données par Israël. Ce précieux sésame qui permet d’aller travailler de « l’autre côté ». Ces derniers ont des maisons plus jolies que les autres, tout le monde sait pourquoi.

Puis elle me montre la piscine publique du village détruite par les Israéliens. Les Palestiniens l’avaient construite pour avoir des moments de jeu et de plaisir et pour lutter contre les canicules estivales. Ce n’a pas été du goût des occupants. Le prétexte ? Cela menace la sécurité de la colonies voisine, elle-même construite illégalement.

Elle me montre la route d’Hébron devenue interdite depuis que la colonie s’est agrandie. Maintenant pour aller à Hébron il faut d’abord aller à Bethléem (en sens inverse du trajet normal) puis emprunter l’itinéraire autorisé par l’armée qui repasse à quelques centaines de mètres de son village pour aboutir enfin à Hébron. La durée et le tarif du trajet ont évidemment doublé.

Amira a peur que ses enfants fassent des bêtises et se fassent arrêter. Elle essaie de les protéger le plus qu‘elle peut. Elle s’inquiète constamment pour eux. Elle a de bonnes raisons de craindre ça pour ses deux garçons. Un de ses cousins, âgé alors de 16 ans, a passé 18 ans en prison pour avoir été soupçonné de jets de pierres à des soldats pendant la deuxième intifada. Personne ne la vu faire, mais comme autour de lui ça tirait, il a été mis dans le lot. 18 ans de cellule pour un jet de pierres supposé à des soldats en armure et armés. Il est sorti

depuis 2 ou 3 ans et ne doit pas quitter la ville où il habite plus que la journée. S’il ne respecte pas la règle, il retourne en prison. Il est actuellement dans une situation précaire. Et cela probablement pour le reste de sa vie. Son cas n’est pas isolé. Il concerne une génération devenue adulte dans les années 2020.

       Du vendredi 11 au dimanche 13 avril

Résidence cryptée sous surveillance ?

Illustration 2

Résidence Artistique. Premiers essais avec Ayet Roumi

J’ai rendez-vous à Alrowwad pour rencontrer l’équipe avec laquelle je vais travailler. Ce lieu est situé dans le camp de réfugiés d’Aïda en périphérie de Bethléem. C’est une ONG qui propose des activités ludiques, culturelles, sociales, artisanales … Aux habitants du camp. En France ça ressemblerait à une MJC de quartier. Je connais son fondateur depuis 15 ans, on est amis et on se fait confiance, alors il fait en sorte de rendre mon projet réalisable. Je lui ai expliqué que je souhaite organiser une résidence avec des artistes du camp de réfugiés. Comme je le fais d’ordinaire avec des artistes en France. Je lui explique comment fonctionne mon système de photographie en temps réel, le rapport naturel qu’il a avec la danse et la musique. Je souhaite qu’il y ait une sortie de résidence montrée en duplex en France.

Mon souhait est que l’on voie autre chose des Palestiniens que les images classiquement véhiculées à leur sujet. Je sais à quel point, en dehors de la situation tragique qu’ils vivent, les Palestiniens sont exactement les mêmes humains que n’importe où sur terre.

Puis notre souhait commun est de poursuivre ce travail en Europe par la suite. On tombe d’accord sur la date du 25 avril pour la sortie de résidence. Ce sera à 20h30 en Palestine, soit 19h30 en France.

Aujourd’hui c’est la rencontre avec Mohammad qui va superviser l’opération et les artistes. Je prends d’abord tout le temps nécessaire pour lui expliquer le projet dans les détails et les besoins qui en découlent. Il me demande également si l’on peut organiser un nouveau Marathon Photo comme celui que l’on avait fait ensemble le 6 octobre 2023 à Bethléem avec Alrowwad, l’Alliance Française et la municipalité. On va bientôt se mettre d’accord pour une date située fin août, début septembre. Affaire à suivre.

Quelques jours plus tard je rencontre enfin les artistes. Pour cette première réunion on ne travaillera pas encore, on fera simplement connaissance. Les échanges se font exclusivement en Anglais. Personne n’est parfaitement bilingue, les dialogues sont très amusant et riches d’explication appuyées, voire caricaturales, mais toujours soulignées de gestes. Bien que nos cultures soient très différentes et que notre rapport à la pratique artistique soit plutôt éloigné, il en ressort beaucoup de choses intéressantes. Les idées de fusent et les projets s’alignent. Le 11 avril commence le premier test en condition réelle. L’équipe artistique est composée d’Ayat Roumi qui est danseuse, de cinq musiciens puis moi et mon installation de photographie en temps réel.

Mes premières impressions sont très positives, la dabkeh semble bien fonctionner avec mes projections, la danseuse trouve une source d’inspiration dans cette installation. Par contre j’ai beaucoup de soucis techniques avec les transmission wifi entre mon appareil photo et l’ordinateur. Les transmissions sont anormalement longues. Le menu de mon appareil gèle à plusieurs reprises. Pourtant j’ai tout vérifié chez moi le matin avant de venir. Tout était parfait. Mais pas ici. Pour la deuxième séance de travail, c’est encore pire. Je laisse tomber le processus de photo en temps réel et prends le temps de parler avec l’équipe. Nous convenons d’un fil conducteur

ensemble. Bien que la performance prévue le 25 avril soit basée sur l’improvisation, nous avons besoin de connaître l’histoire qui sert de ciment au groupe. Mais surtout, un peu comme des musiciens, nous devons accorder nos instruments, connaître nos sensibilités et surtout comprendre ce que fait l’autre. Pour savoir comment « être » avec « l’autre ».

Une fois la séance terminée je me pose beaucoup de questions au sujet de la panne. Je rentre à la maison, branche tout pour trouver la raison du dysfonctionnement … et … tout fonctionne parfaitement.

Alors je développe une hypothèse. Alrowwad est au cœur d’un camp de réfugiés. À Deshah camp situé dans la commune voisine on met des croix rouges sur les maisons puis on les détruit. À Jénine ou Naplouse également. Si tout simplement le centre était surveillé et que toute activité en wifi l’était voire serait hackée ? Ça pourrait expliquer les délais long de transmission et le gel de mon appareil. Mon système de transmission est basé sur un réseau ouvert et sans mot de passe pour facilité le transfert des photos. Je décide de modifier le protocole de transfère de mes images vers l’ordinateur et l’écran. Il sera dorénavant validé par un mot de passe et l’émission de données sera cryptée.

Le lendemain je retourne à Alrowwad pour vérifier comment se comporte maintenant mon système et … miracle … ça fonctionne parfaitement … Ce n’est pas une preuve que mon hypothèse est la bonne, mais quand-même ça me laisse perplexe. Prochain rendez-vous avec Ayat vendredi !

       Lundi 14 avril

Peace Center.

J’ai rendez-vous avec Rima et Yasser, ils m’ont invité à manger. Le Peace Center est l’endroit où j’avais organisé le premier Marathon Photo de Bethléem le 6 octobre 2023. Il est situé au milieu de la place de la Mangeoire entre la mosquée d’Omar et la basilique de la Nativité. C’est le lieu le plus touristique de Bethléem. Donc clairement il est au-dessus de la possibilité d’un vendeur ambulant de me me laisser tranquillement attendre mes copains. Je connais par cœur tous les magnets religieux de Bethléem, les cafés avec ou sans cardamome, les pâtisseries, les meilleurs chauffeurs de taxi pour aller à la Mer Morte, à Mar Saba ou dans les Sherperds’ Field, ou bien encore pour aller visiter la Grotte du Lait (c’est là qu’est mon logement).

Bref j’ai une tête de pigeon, c’est assez chiant. Mais au fur et à mesure que le temps passe, les vendeurs commencent à m’intégrer dans le paysage et à me lâcher.

Illustration 3

Un commerce entre Bethléem et Desheh

J’ai bien compris la logique, on est touriste, le vendeur doit prendre un max d’argent à la personne qu’il ne reverra jamais. Le problème avec moi, c’est qu’il me revoient tous les jours. Ceux que j’ai envoyé balader car ils devenaient insupportables ne me parlent plus, les autres moins agressifs je leur achète un café ou bien une pâtisserie, et maintenant que je rentre dans le paysage, les prix baissent.

C’est sûrement à cause de Pâques, mais je trouve que justement il y a pas mal de touristes. Et « les affaires » ne marchent pas si mal. J’ai compris maintenant, que l’essentiel de la crise économique que vivent les Palestiniens vient principalement du fait qu’Israël leur a fortement réduit la possibilité de venir travailler de leur côté du mur. Le manque à gagner est énorme en Palestine.

Illustration 4

Une boutique Palestinienne à Bethléem – Je suis toujours fasciné par le merchandising de ce pays

Le notion d’occupation est loin d’être réduite à la question des colonies. Elles sont surtout la partie visible d’un processus bien plus profond. L’occupation est d’abord dans la tête de tout le monde, la nôtre comprise. Chez nous c’est le bourrage de crâne au sujet d’Israël et de la Palestine. On ne nous laisse pas penser librement sur ce sujet. On criminalise le soutien à la Palestine ou la critique d’Israël.

Quand je rentre dans mon pays, je le ressens très bien. C’est à gerber ! Et le pire c’est l’usage sans modération du mot « antisémite ». Ici ça n’a aucun sens. Car les Palestiniens sont des sémites, ils utilisent la langue Arabe qui est une lange sémite comme l’Hébreu. Les juifs du début de notre ère étaient les Palestiniens d’aujourd’hui, devenus depuis chrétiens ou musulmans. Quand on les interroge sur leur côté « Arabe » ils trouvent que les Arabes sont plus à l’est. Plutôt vers l’Arabie Saoudite ou le Yémen. Exactement ce que disent les juifs. Bref en France je pense qu’on confond « antisémitisme » avec « judéophobie ». Notre tête est très bien colonisée… Et surtout très à côté de la plaque.

Puis il y a l’eau, l’électricité, l’essence, les fruits, les légumes et la monnaie qui sont fournis par Israël. Et beaucoup de choses encore. Puis surtout, le travail bien rémunéré. C’est comme cela que le contrôle s’opère. À Gaza, avant la guerre, à part les colonies, tout le processus d’occupation opérait. La rhétorique utilisée par Israël est de nous faire croire que l’occupation n’existe pas à Gaza, car, ils ont démantelé les « installations ».

Rima et Yasser arrivent dans leur belle voiture neuve hybride de marque Japonaise. Ils m’avaient proposé de me conduire chez eux en voiture. Nous arrivons dans une superbe maison. Elle surplombe la région, on voit Jérusalem et la Jordanie devant laquelle on aperçoit un « trou » géant. On ne la voit pas, mais on sait que la Mer Morte est là, tout au fond. C’est le point terrestre le plus bas du monde, situé à 430 mètres d’altitude négative. Pour faire court, on a passé la journée à discuter. Beaucoup de sujets profonds. Des conversations que j’ai de plus en plus de mal à avoir en France. Nous sommes tellement clivés que souvent la communication est impossible. Je vais m’attarder sur deux sujets abordés ce jour.

Yasser me raconte comment sa famille s’est retrouvée dans le camp de réfugiés de Desheh après la Nakba. On peut le voir de sa maison qui surplombe le camp. C’est ici qu’Israël fait des croix rouges et rase ensuite, et cela, en ce moment même. Puis l’exil à l’étranger (en Europe) et le retour dans cette magnifique demeure. Une partie de sa famille et de celle de Rima vit encore au sein du camp. On parle du sionisme et de son projet délétère pour les Palestiniens. Je lui explique ma position sur cette question. Vu depuis l’Europe et d’un Français qui a une partie de sa famille juive.

« Je ne suis pas antisioniste, du moins, je ne peux pas être contre la volonté d’un peuple de se sentir en sécurité quelque part. Le projet sioniste au départ est plutôt légitime et compréhensible à la fin du 19ème siècle dans un contexte d’hystérie en Europe au sujet des juifs. Par contre, très rapidement ce projet « dérape », dès la déclaration Balfour en 1917. Personnellement je considère que c’est à ce moment là que le ver à été déposé dans la pomme. La collusion entre le projet sioniste et les volontés expansionnistes et colonialistes de l’Europe ont posé les graines de la situation d’aujourd’hui. Le sionisme a grandi avec l’impérialisme et le capitalisme. Ils sont devenus inséparables. Chacun nourrissant l’autre, dans une forme d’osmose. Personnellement, ce que je déteste, c’est pas le sionisme, c’est ses « copains » … Aujourd’hui Israël dépend totalement de ses alliés en occident, cela révèle sa grande fragilité et d’une certaine façon son artificialité. »

Ce qui est incroyable, c’est que c’est plus facile d’aborder ce sujet avec des Palestiniens victimes réelles du sionisme qu’avec des Français. Et finalement des Palestiniens comprennent mon point de vue plus facilement que des personnes en Europe qui prennent des positions simplistes et clivantes sur la question. Maintenant l’hystérie en France (voire au-delà) n’a finalement pas réellement changé de « camp » notre société continue à être « antisémite » puisque les cibles principales maintenant sont les musulmans et les Arabes qui sont en grande partie des peuples sémites.

La judéophobie n’a pas disparu et on a pris en option une extension, elle s’appelle : islamophobie.

On a un problème avec ça … On n’est pas sortis du bois ! On a tellement déformé le concept, que de ne simplement pas soutenir le projet d’Israël rend de facto antisémite, juifs (de gauche) compris. Ce serait à mourir de rire si ce n’était pas si grave.

Puis on a aussi parlé de religion. J’ai exposé ma non-croyance à des croyants. On a parlé de spiritualité et de pratiques religieuses. On est finalement pas si éloignés. Personnellement je distingue la notion de la croyance et de sa pratique, de la notion « divine » ou spirituelle. Pour une raison simple, il y a trois religions monothéistes pour le même dieu. Il n’y a aucune raison factuelle pour qu’une seule ait raison.

Comme chacune a des pratiques différentes, je suis bien obligé de les dissocier de la divinité ou de la spiritualité. Et de considérer les pratiques religieuses plus proches de pratiques sociales que divines. Cela renforce la notion de communauté en premier lieu. La religion fait son job, elle relie. Mais sépare des autres groupes également. Je les ressens comme des « moyens » pour approcher du sentiment divin. Chacune à sa façon. Sauf que ce sentiment profond de la présence de dieu, je l’ai. En étant non-croyant et non pratiquant. Mon « dieu » à moi n’a rien à voir avec celui représenté par les religions. Il est bien plus profond et ne s’appelle pas dieu. Mais par commodité de communication je suis d’accord d’utiliser ce mot. Je comprends au cours de la discussion que le judaïsme et l’islam se rejoignent sur l’absence d’explication de dieu. Il est ! Point ! Il n’a même pas réellement de nom. Il est cette dimension qui échappe à notre intelligibilité et nous rend modestes. Et là au final on se rejoint.

J’aime ces moments de compréhension où en apparence beaucoup de choses nous séparent et pourtant on prend le temps de trouver l’endroit où l’on est ensemble. Même si ça prend la journée ! Ça fait du bien à tout le monde. Parce qu’on avance dans nos propres réflexions et que ça crée de l’amour entre nous.

Au milieu de ce merdier, c’est très précieux.

Par Olivier Baudoin (olivierbaudoin.com/)

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16.04.2025 à 15:01

« Faire baisser les yeux aux racistes » sur la Côte d’Azur

admin

Après de multiples agressions et injures racistes de la part de ses voisins pendant quatre ans, Carolle Amorrich, décoratrice d’intérieur à Grasse (06), décide de porter plainte. Ce reportage raconte son combat, jusqu’à son procès -victorieux !-, mais aussi celui de toutes les personnes victimes de discriminations venues la soutenir pour répliquer au racisme virulent de la Côte d’Azur. Après de multiples agressions et injures racistes de la part de.. Read More

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Texte intégral (525 mots)

Après de multiples agressions et injures racistes de la part de ses voisins pendant quatre ans, Carolle Amorrich, décoratrice d’intérieur à Grasse (06), décide de porter plainte. Ce reportage raconte son combat, jusqu’à son procès -victorieux !-, mais aussi celui de toutes les personnes victimes de discriminations venues la soutenir pour répliquer au racisme virulent de la Côte d’Azur.

Après de multiples agressions et injures racistes de la part de ses voisins pendant quatre ans, Carolle Amorrich, décoratrice d’intérieur à Grasse (06), décide de porter plainte. Quarante fois elle se rend au commissariat. La police et la justice n’ont daigné réagir que très tardivement et il y a finalement eu un procès ce jeudi 3 avril 2025. L’accusée est reconnue coupable : deux mois de prison avec sursis, 6 000 euros d’amende et affichage en mairie du jugement.

Notre reportage raconte le combat de Carolle, mais aussi du collectif Contre attaque antiraciste et des personnes victimes de discriminations venues soutenir Carolle pour répliquer au racisme virulent de la Côte d’Azur.

Des membres locaux de la France insoumise comme Leïla Tonnerre, native de Grasse, mais aussi Raphaël Arnault et Manuel Bompard, se sont mobilisés pour « faire baisser les yeux aux racistes » selon l’expression du député insoumis du Vaucluse.

Répliques au racisme de la Côte d’Azur – TéléChezMoi & Mouais © Tele Chez Moi

Avec Carolle Amorrich – Habitante de Grasse

Leïla Tonnerre – La France Insoumise

Raphaël Arnault – Député La France Insoumise

Manuel Bompard – Député La France Insoumise

Zohra Briand – Collectif Contre Attaque Antiraciste

Angela Cautillo – Collectif Contre Attaque Antiraciste

Laura Bracci – Collectif Contre Attaque Antiraciste

Rosanna Lendom – Avocate au barreau de Grasse

Guerda – Habitante d’Antibes Nadia – Habitante de Grasse

Hager – Habitante de

Nice Journalistes Edwin Malboeuf Stéphane Le Dû Philémon Macko Dràgàn

Images et musiques David Mus Un reportage

Télé Chez Moi et le journal Mouais

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14.04.2025 à 20:33

Soirée Causerie Apéro Concert : Mouais le journal dubitatif, vendredi 18 avril

admin

Numéro 55 mars-avril 2025, intergénérationnel-les, chaque génération est un peuple Vendredi 18 avril à partir de 18h30, les diables bleus, 28 route de Turin, Nice

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Numéro 55 mars-avril 2025, intergénérationnel-les, chaque génération est un peuple
Vendredi 18 avril à partir de 18h30, les diables bleus, 28 route de Turin, Nice

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12.04.2025 à 13:34

«Chacun fait comme il peut avec l’inacceptable». Carnet de bord en Palestine

admin

Durant un mois, le photographe niçois Olivier Baudouin sera en résidence artistique à Bethléem, dans les Territoires palestiniens occupés, au sud de Jérusalem. Retrouvez donc, chaque semaine, pour Mouais, son carnet de bord, au cœur de la vie qui s’obstine à être. « C’est incroyable de devoir se cacher pour pouvoir parler de ce qu’il se passe réellement sur place…» Mercredi 2 avril 2025 Une rue vide de Bethléem à.. Read More

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Texte intégral (4002 mots)

Durant un mois, le photographe niçois Olivier Baudouin sera en résidence artistique à Bethléem, dans les Territoires palestiniens occupés, au sud de Jérusalem. Retrouvez donc, chaque semaine, pour Mouais, son carnet de bord, au cœur de la vie qui s’obstine à être. « C’est incroyable de devoir se cacher pour pouvoir parler de ce qu’il se passe réellement sur place…»

Mercredi 2 avril 2025

Illustration 1

Une rue vide de Bethléem à la fin du ramadan

À quel moment exactement, puis-je dire que ce voyage a commencé ? Je ne suis pas capable de répondre avec assurance et certitude. Un peu comme d’essayer de dire que les conflits dans la région du monde où je me rends ont commencé à telle ou telle période de notre histoire. Je pense qu’il est vain d’essayer d’y répondre.

Alors je décide de commencer ce récit le 2 avril 2025 à 9 heures. C’est le moment où j’ai rejoint le premier contrôle à l’aéroport de Nice.

Avant le 7 octobre 2023, deux compagnies proposaient un vol direct Nice – Tel Aviv. Depuis une seule les a maintenus, c’est la compagnie nationale de mon lieu de destination. Par soucis de commodité, d’efficacité et d’économies j’ai décidé de l’utiliser. En faisant ce choix, je savais que je subirai plus de contrôles, et ce, dès le départ en France. Je n’ai pas été déçu … Et vraiment dès ce moment, j’avais déjà un pied dans ma destination. Les agent contrôleurs sont Israéliens et comme je connais bien leur pays, la communication est fluide, tellement que je vois leur pièges se tisser autour de moi. Je les détricotes méticuleusement. C’est des malins… Mais moi aussi … Et au final, on rigole plutôt. Alors ils décident de me laisser prendre mon vol.

En rejoignant ma compagne après ce premier obstacle, elle me raconte qu’ils sont venus également la contrôler alors qu’elle patientait dans le hall de l’aéroport, ils vérifiaient la véracité de mes propos car je l’avais nommée et montrée du doigt en réponse à la question « vous êtes venu seul ? ».

Au moment de l’embarquement je revois un des agents de sécurité du premier contrôle, on échange quelques mots (presque) amicaux. Il prendra le vol suivant. Dans l’avion, je côtoie une société israélienne équipée de lunettes de luxe, de téléphones avec des housses de protection incrustées de faux diamants, je vois les kippa rangées dans la poche à Nice se placer sur les têtes. Mon voisin est très sympa, il me fait passer les petits plats, boissons et pâtisseries incluses dans le prix du billet. Le voyage est très agréable. Mais je ne peux pas empêcher d’éprouver un sentiment douloureux. J’observe toujours la même chose, comme une sorte sociopathie non diagnostiquée… Ce n’est pas ce bien-être ou ce luxe qui me dérangent, c’est le fait de le savoir construit sur la misère d’un autre et de voir des lunettes de luxe à large branches portées par des nanas sexy et élégantes qui partent dans un pays en guerre et sous occupation qui me provoque un drôle de sentiment.

Mais en même temps, cette observation peut s’étendre à l’entièreté du rapport des humains au monde. Se créer une illusion de vie parfaite dans un champ de ruine. On est des spécialistes de la chose.

Je sors de l’avion rapidement. Le long du trajet qui mène aux contrôles de papiers sont exposées les photos des otages Israéliens détenus à Gaza libérés et/ou décédés. Autour de certaines photos des objets sont déposés, probablement par des membres de leur famille ou d’amis. C’est une installation émouvante.

La remise du visa touristique prend quelques secondes. Je me retrouve devant l’aéroport, tous les contrôles franchis. Un poids tombe de mes épaules. Le voyage va pouvoir réellement commencer. Je retire veste et pull.

Il me reste un train, un tram et un bus à prendre pour arriver à Bethléem. Je ne sais pas du tout comment cela va se passer. Les points de contrôle entre Israël et la Cisjordanie sont-ils ouverts ? Je verrai…

L’étape train est rapide. En trente minutes environ je suis à Jérusalem. Je sors de la gare, il fait froid. Je remets le pull et la veste.

L’étape tram entre la gare et la porte de Damas est très simple aussi. Je n’ai pas eu besoin d’acheter de billet il restait du crédit sur ma carte du réseau de transport israélien. J’ai vraiment l’impression d’être à la « maison ».

Dernière étape : le bus pour Bethléem. Celui qui franchira la ligne verte, maintenant matérialisée par un mur en béton entre les deux entités. Je me renseigne, la réponse est simple, il fonctionne et les points de contrôle sont ouverts.

À 18h30 je sors du bus, je suis arrivé à destination. Onze heures après m’être réveillé ce matin. C’est un record, je ne suis jamais arrivé aussi vite.

Je fais à peine quelques pas en direction de la place de la Mangeoire que je rencontre un chauffeur de taxi que je connais bien, il me propose de me déposer, je dis non car j’ai envie de marcher, il insiste. Comme c’est un copain, je me dis que c’est aussi une bonne façon de m’immerger. Il me dépose à Star Street, ne veut pas de paiement et part. Je vais en premier voir la vieille dame qui m’a régulièrement accueilli pendant mes séjours, car cette fois-ci, je ne serai pas chez elle. On est très contents de se voir. Rapidement, elle m’explique que les Israéliens font des croix rouges sur des maisons dans les camps de réfugiés. Je l’interroge sur le motif. Elle ne sait pas trop, mais une maison qui a été « marquée » il y a quelques jours à été détruite par l’armée. Elle m’offre une infusion, nous parlons, elle semble aller bien. Mais elle est fatiguée, elle finit sa vie dans un conflit éternel, qui depuis quelques temps s’aggrave. Je ne sais pas comment ces gens tiennent Ici, cela me provoque un mélange de tristesse et d’admiration.

Je reprends à pied la direction de la place de la Mangeoire. C’est le nom réel de la place de la Nativité. C’est dans une mangeoire que le Christ est né !

Presque tout est fermé. Je ne sais pas encore si c’est à cause de la fin du ramadan ou à cause de la situation économique devenue catastrophique depuis le 7 octobre.

Je retrouve Wael, il va m’accompagner à mon logement. Je l’interroge sur les commerces fermés. Il confirme la deuxième hypothèse, celle de la crise économique. Puis je lui parle des croix rouges sur les maisons. Il m’explique que les Israéliens veulent effacer la notion de camps de réfugiés. Ils veulent les « ouvrir » pour les faire disparaître. Une sorte de « plan d’urbanisme » dans un territoire qui n’est pas le leur. Mais surtout pour ne plus entendre parler de « réfugiés ». Ils sont responsables de cet état de fait, alors ils veulent « l’effacer ». Le gars à la peau orange, avec son projet de Riviera, est totalement aligné avec eux.

Le contraste entre les lunettes à larges branches et les croix rouges sur les maisons me donne la nausée et cela confirme la pathologie de type sociopathie que je ressens depuis que je viens ici. Depuis que j’ai compris cela, j’ai également compris à quel point l’intégralité de la société humaine fonctionne sur le même modèle, et ce, sur tous les sujets. Celles et ceux qui tentent de faire autrement sont considérés comme des « fous » par des sociopathes en liberté.

Notre rapport à « l’autre » est faussé. Qu’on l’appelle, patriarcat, colonisation, fascisme, climato-scepticisme, peut importe, on parle de la même chose, on parle de sociopathie. Ici, simplement ça se voit plus qu’ailleurs. Et surtout, nous n’avons aucune leçon a donner, nous ne faisons pas mieux.

Je sais que le malaise que j’ai ressenti dans l’avion correspond à la conscientisation de ce cruel état de faits de mon espèce. J’en suis un membre, j’espère sincèrement faire partie de la caste des « fous ».

Samedi 5 avril

Illustration 2

Une voiture, des enfants à la fenêtre à Bethléem

Après quelques jours sur place je suis très perplexe sur tout ce que j’observe.

La colère.

Après l’histoire des croix rouges dans les camps de réfugiés, Maria me raconte que des soldats équipés d’armes et de lampes frontales sont venu la nuit dernière dans la maison voisine, ils ont fait des prisonniers et sont partis. C’était vers 2 heures du matin. Maria habite en plein cœur de Bethléem, dans la vieille ville historique. Personne ne sait pourquoi cette opération a eu lieu. Du haut de ses 88 ans, elle me parle de son stress et de sa peur.

La tristesse.

J’ai retrouvé un ancien chauffeur de taxi, il est maintenant au chômage, la compagnie a récupéré le véhicule, ils ne peuvent plus laisser autant de véhicules en circulation. Cette histoire et bien d’autres, je les entends depuis que je suis arrivé.

L’agacement.

Pour la première fois depuis que je viens ici, je suis harcelé presque constamment par des demandes d’argent. Je ne peux bien sûr pas les satisfaire. Je ne suis pas riche. Et même si je l’étais, je n’aurais pas pour autant le pouvoir de régler le problème. Mais je crois que ce qui m’agace au delà du fait de ne pas pouvoir répondre à de telles demandes, c’est d’être vu comme un riche car je suis Européen. Une sorte de cliché en miroir des nôtres. Ça a pris certaines proportions et maintenant je redoute de sortir de chez moi, car je sais que mon trajet va être pénible. Dire non et être désagréable ne correspond pas à ma personnalité.

Les blocages.

Le samedi Ici ressemble à un lundi en Europe, c’est un jour très agité. De l’autre côté, c’est Shabbat. Le marché est bondé de monde, sa rue principale est saturée d’étales sur roulettes et de clients. Malgré cela de nombreux véhicules motorisés tentent la traversée. Cela offre le spectacle d’une « matière » qui se déforme et s’ouvre pour se refermer immédiatement après le passage. Cela se répète constamment. La circulation est pénible, autant pour les véhicules que pour les passants, sans parler les commerçants qui passent leur temps à déplacer leur marchandise. Mais tout se passe dans un certain calme. À l’extérieur du marché, les rues sont bloquées par un embouteillage à l’échelle de la ville. Bien qu’il y ait plusieurs cause à cela, mauvaise habitudes, cul collé à la voiture, amour certain pour les voitures, la principale raison qui amplifie cette relation aux véhicules à roues et à moteur, c’est la situation d’occupation de la Cisjordanie. La plupart des routes est contrôlée par Israël, obligeant les Palestiniens à emprunter des itinéraires compliqués pour éviter les colonies cela créant des trajets qui obligent les voyageurs à traverser les villes pour se déplacer d’une agglomération à l’autre. Par effet « boule de neige » il est actuellement inenvisageable d’interdire les accès aux centres historiques, les boulevard périphériques étant déjà saturés.

Au final, flâner dans les rues n’est pas une option imaginable. Car si par miracle une rue est presque vide, un scooter ou une voiture arrivera à une vitesse très très inadaptée… Avec, bien sûr, la musique à fond. Ce qui, au moins, donne la possibilité de les entendre arriver de loin.

Dimanche 6 avril

Illustration 3

Soir de fête à la fin du ramadan sur la place de la Mangeoire (là où est né le Christ) et la mosquée d’Omar au fond.

Visioconférence. Avec beaucoup de bruits de fond et de l’écho les écrans s’allument. Je suis accompagné de quatre Palestiniens, on s’adresse à un groupe de personnes situées dans le Var. C’est le groupe Attac Vars-Est qui a organisé une journée de soutien à la Palestine. On fait partie des « événements » de la journée. Une discussion directe avec la Palestine est proposée aux personnes présentes à l’Usine de la Redonne à Flayosc. Je commence. J’explique la raison pour laquelle je passe un mois à Bethléem, je partage mes premières impressions étant arrivé quelques jours plus tôt.

Puis je donne la parole aux personnes qui m’accompagnent, Mariam, Rima, Saïf et Yasser (le mari de Rima). Ils racontent leur quotidien, la dégradation des revenus, l’augmentation des tarifs, la pression de l’occupant qui augmente, les incertitudes liées aux points de contrôle qui se sont multiplié et qui ferment et ouvrent au gré de leur fantaisie. Comment les temps de trajets ont fortement augmenté et comment les incertitudes de passage sont devenues les règles de base.

La première question posée par une participante à Flayosc est : « Qu’est-ce qu’on peut faire pour vous aider ? » Mariam répond : « Ne surtout pas nous oublier ». Elle et Rima ne peuvent retenir une larme de couler. L’émotion gagne tout le monde.

Un moment de silence suit.

Puis la discussion se poursuit autour des différentes stratégies de l’occupant pour chasser les Palestiniens de chez eux. La conversation s’attarde sur une stratégie devenue courante, mais amplifiée par la crise économique. Il s’agit simplement de payer des Palestiniens pour qu’ils achètent des biens à d’autres Palestiniens puis qu’il les « revendent » ensuite à des Israéliens. Inutile de dire qu’en plus de l’aspect mafieux du procédé, cela crée une méfiance entre les Palestiniens eux-mêmes, fragilisant de fait un peu plus la société.

Après l’événement une organisatrice me contacte pour nous remercier de notre intervention. Ce moment d’échange a beaucoup ému les personnes présente à Flayosc. Compte tenu du caractère isolé du lieu, de nouvelles personnes sont venues participer et ont (re)découvert la situation. C’est incroyable de devoir se cacher pour pouvoir parler de ce qu’il se passe réellement sur place. Ce n’est pas un fait nouveau, on le sait. Celles et ceux qui s’exposent, quel qu’en soit le niveau en subissent plus ou moins les conséquences. Et ce, de partout, en Israël compris.

Illustration 4

« Captivant » sur le mur de séparation. Camp de réfugiés d’Aïda en périférie de Bethléem

Lundi 7 avril

Illustration 5

Rue vide de Bethléem le jour de la grève internationale de soutien à Gaza

Global strike Day pour Gaza – Journée de grève mondiale pour Gaza

Ce matin c’est le chant des oiseaux qui me réveille. C’est très calme, je me souviens, c’est grève aujourd’hui. Quand je sors, les rues sont désertes et silencieuses. Le vieux Bethléem m’apparaît splendide. Comme un musée et la beauté morte d’une monstration immobile !

Justement, ce jour est là pour s’en rappeler de la mort.

Ce n’est pas la première fois que je suis en Palestine un jour de grève. Ici c’est très respecté. L’engagement n’est pas une parole en l’air. Mais là c’est plus profond que d’autres fois. Plus grave aussi. Seuls les pharmacies et les boulangeries restent ouvertes. Tout, absolument tout, est fermé, presque aucune circulation, pas de taxis jaunes, pas de bus. Pas de gens. C’est impressionnant. Mais la vie reste la vie …

Je vois arriver une voiture en trombe de type Allemand qui commence par B et finit par W, elle fait une accélération sur ses roues arrières motrices, fait une pointe avec une odeur de gomme et d’essence. Puis une autre. Suivi d’une moto. L’aubaine des rues désertes est irrésistible pour les propriétaires de véhicules à jantes taille basse et à enceintes acoustiques avec caisson de basses.

À ce propos, en mars 2023, j’avais écrit ce texte :

« Le crissement des pneus de voiture / celui des trottinettes électriques, des vélos, / des scooters, des motos. / Les glissades en rond, les traces de gomme / sur l’asphalte. / Le tuning des voitures. / Toute la playlist de la variété palestinienne, / qui sort des enceintes sur-boostées des / voitures aux jantes élargies. / Des basses qui font vibrer la cage thoracique. / Le beat des klaxons incessants. / L’heure de la promenade. / La rumeur d’un centre de détention. C’est ce / que j’entends. / Les contrôles vers Israël plus légers, les / autorisations de travail facilitées. / Des enfants abattus à bout portant par des / adultes. / Le rêve de voyage, autorisé depuis Amman. / Blocus sur Jéricho, rêve impossible. / Blocus levé, passage possible vers la Jordanie. / Rêve possible. / Le prix de la traversée est supérieur à celui / de mon billet aller-retour Nice/Tel Aviv. / L’argent qui part en traces noires, en gaz / d’échappement, en fumée. / La soumission ultime. »

J’étais dégoûté de voir un tel gaspillage d’argent. Et en même temps je ne peux que le comprendre quand on vit dans une prison à ciel ouvert. Un commerçant m’alpague quand même, c’est trop tentant également… Il me fait passer par des chemins très tordu pour m’emmener dans sa boutique sans être vu. À défaut de respecter strictement la grève, il faut au moins en donner l’illusion.

Puis en rentrant chez moi j’observe que la porte de certaines boutiques n’est pas vraiment fermée à double tour, j’entends des voix à l’intérieur. Je ne peux pas m’empêcher de sourire en le constatant.

Puis je vois les messages d’un groupe dans lequel je suis. À Nice, là d’où je viens il y a deux valeureux militants au milieu de la place Masséna qui agitent le drapeau Palestinien en marque de soutien à cette journée internationale d’action. Chacun fait comme il peut avec l’inacceptable.

Texte et photo par Olivier Baudoin (olivierbaudoin.com/)

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10.04.2025 à 14:48

Projet de loi fin de vie : des risques eugénistes et validistes ?

admin

S’il semble se dégager une majorité dans la population favorable au projet de loi sur la fin de vie (92% pour selon un sondage Ifop pour l’ADMD de mai 2024), il existe également des oppositions, notamment de collectifs pour les droits des handicapés, ainsi que de médecins. Nous avons interrogé Charles-Henry Canova, cancérologue ainsi que Elisa Rojas, avocate et militante handi. Par Edwin Malboeuf Validiste et eugéniste (lire plus bas)... Read More

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Texte intégral (3078 mots)

S’il semble se dégager une majorité dans la population favorable au projet de loi sur la fin de vie (92% pour selon un sondage Ifop pour l’ADMD de mai 2024), il existe également des oppositions, notamment de collectifs pour les droits des handicapés, ainsi que de médecins. Nous avons interrogé Charles-Henry Canova, cancérologue ainsi que Elisa Rojas, avocate et militante handi.

Par Edwin Malboeuf

Validiste et eugéniste (lire plus bas). C’est ainsi qu’ Elisa Rojas, avocate et militante pour les droits des personnes handicapées, a qualifié le projet de loi sur la fin de vie. Dans une tribune parue dans Le Monde le 13 février 2025, elle s’est prononcée contre. Pourquoi ? «  Il est clair que le texte de loi sur la fin de vie relève d’une logique validiste et eugéniste dans le sens où tous les raisonnements faits pour le justifier s’appuient sur le postulat que toutes les vies ne se valent pas, qu’il est logique que les personnes malades et/ou handicapées veuillent mourir et qu’il n’y a pas, comme on le ferait pour des personnes valides, à interroger leur environnement, à questionner les véritables causes de leur désir de mort, ni à les dissuader de recourir au suicide mais qu’il faut, au contraire, leur faciliter le passage à l’acte. Sans le dire expressément, il y a aussi l’idée sous-jacente qu’au fond les personnes malades et/ou handicapées étant des poids pour la société, leur mort ne serait pas un drame mais une libération pour elles-mêmes et surtout l’ensemble de la collectivité ».

Pourtant, les partisans du projet de loi insistent sur le dernier mot laissé au patient, pour ne pas craindre d’incitation à la mort pour des patients en soins palliatifs. « Cette présentation est très hypocrite. Il y a une multitude de pressions qui pourront s’exercer sur les patients en cause, notamment sociales, familiales et médicales. Comme je l’ai dit, nous vivons dans une société qui hiérarchisent les vies et considèrent les personnes malades comme des fardeaux pour leurs proches et l’ensemble de la collectivité. Il est évident que le texte lui-même constituera une pression supplémentaire et une incitation au suicide pour les personnes malades et handicapées, notamment les plus fragilisées », détaille Elisa Rojas. Pour l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (lire précédemment) il faut à la fois mieux prendre en charge ces soins palliatifs et également pouvoir choisir librement sa mort. « Le fait de lier suicide assisté/euthanasie et soins palliatifs en affirmant qu’ils peuvent coexister, et que l’un est le prolongement de l’autre, est une manipulation grossière de la part de cette association. Provoquer la mort n’est pas un soin, puisque le soin vise, au contraire, à améliorer, maintenir et protéger la santé physique ou mentale. Mélanger les deux sujets dans le texte de loi visait, en outre, à empêcher ceux qui ont des doutes sur l’opportunité de légaliser « l’aide active à mourir » de voter contre sans risquer de mettre en péril le financement des soins palliatifs. Il s’agissait ni plus ni moins d’un chantage. En réalité, ce qui est constaté dans les pays qui ont légalisé ce type de dispositif, comme le Canada, c’est que parallèlement à cette légalisation la qualité des soins palliatifs s’est dégradée. Or, la qualité des soins palliatifs et leur financement à hauteur des besoins, comme tout ce qui contribue à soulager la douleur, devrait être la priorité pour les malades en fin de vie. D’ailleurs, lorsque ces derniers sont bien pris en charge, ils ne demandent plus à mourir, comme l’a confirmé la mission d’évaluation des lois Claeys-Leonetti de 2023 ». 

Elisa Rojas estime également que le but de la convention citoyenne créée pour l’élaboration du projet de loi « était clairement de donner un semblant de légitimité à un texte qui en réalité ne répond à aucune urgence, ni même à aucun besoin. Or, les conclusions de cette Convention, selon lesquelles 75,6 % des participants se sont déclarés favorables à une évolution du droit vers une « aide active à mourir » sont des plus contestables ». Elle relève « qu’il a été demandé à des personnes majoritairement valides de se prononcer en se projetant de façon fictive dans des réalités (la maladie, la dépendance, le handicap, la souffrance physique et morale, la proximité de la mort) qu’elles ne vivent pas mais craignent sans les connaître, tandis que la voix de celles et ceux qui font déjà l’expérience concrète de ces réalités, et dont la vie sera possiblement écourtée par la réforme, a été opportunément écartée ou minorée, tant dans le choix des participants que lors des tables rondes organisées. »

L’euthanasie : un progrès ?

Le droit de choisir sa mort ne représente-t-il pas un progrès ? « Je m’étonne que le droit de choisir sa mort ne soit revendiqué que pour les personne malades et handicapées mais jamais pour justifier le suicide des personnes valides et « bien portantes. » Je m’étonne également que les défenseurs du texte qui, pour la plupart, ne s’offusquent jamais du fait que la plupart des personnes malades et handicapées vivent actuellement privées du droit de choisir leurs conditions de vie (par exemple, l’endroit où ils vivent, avec qui, leurs activités, leurs repas), soient soudainement préoccupées par le fait de donner d’urgence à ces mêmes personnes le droit de choisir leur mort. Le suicide est déjà une liberté pour tout un chacun et il existe, par ailleurs, les lois Claeys-Leonetti (2005 et 2016) pour répondre de façon raisonnable aux besoins des malades en fin de vie, avec le refus de l’acharnement thérapeutique, le droit à la sédation profonde jusqu’au décès et la possibilité de directives anticipées. »

L’avocate et militante pour les droits des personnes handicapées s’interroge sur la notion de progrès. « Pour ce qui est de savoir si légaliser le suicide assisté et l’euthanasie est un progrès, tout dépend de la définition que vous avez du progrès. Pour ma part, je ne pense pas que le progrès se mesure uniquement au regard des libertés individuelles et de leurs avancées, il faut aussi tenir compte d’autres paramètres comme celui de l’égalité et de la solidarité. En ce sens, en termes d’égalité et de solidarité ce projet de loi ne constitue pas un progrès. Au contraire, il ne constitue rien d’autre que le parachèvement d’une politique capitaliste et néolibérale mortifère qui détruit d’abord les droits des personnes malades et handicapées, détériore leurs conditions de vie, d’accès aux aides et aux soins, les abandonne à leur sort, pour ensuite leur proposer – presque cyniquement – la mort comme solution à leurs difficultés ».

Un risque d’élargissement à craindre

Même avec des garanties et des critères très restrictifs, Elisa Rojas se prononce contre le projet de loi. « Aucune garantie n’est de nature à contenir les dérives et à faire échec aux risques considérables qu’il représente pour les personnes malades et handicapées. L’extension du dispositif au-delà des personnes malades au pronostic vital engagé à court terme est inévitable. Il est même consubstantiel au texte dans la mesure où il s’agit de créer un nouveau droit, dont l’un des critères d’attribution est la souffrance, il y aura toujours des gens en grande souffrance pour dénoncer le fait qu’ils sont injustement exclus de ce droit d’accès au suicide médicalisé et pour revendiquer son application à leur situation. C’est ce qu’il s’est passé au Canada et la raison pour laquelle, rien n’a pu empêcher l’élargissement rapide de la liste des « bénéficiaires. »

Observe-t-on dans les pays où l’euthanasie est légalisée une hausse des morts de personne en situation de handicap ? « Le simple fait que des personnes handicapées puissent demander à mourir via ce dispositif non pas par souhait de mettre fin à leurs jours, mais à défaut de pouvoir vivre et se soigner dans de bonnes conditions est totalement inacceptable. On sait que de telles demandes ont été faites et ont été validé dans les pays qui ont légalisé le suicide assisté et l’euthanasie. Qu’elles soient majoritaires ou pas n’est même pas la question. Ceux qui défendent le projet de loi semblent considérer que les morts qui ont été provoquées dans ces circonstances sont un moindre mal, qu’il ne s’agit que de simples « dommages collatéraux », ce n’est pas mon cas. La vie des personnes malades et handicapées compte et il me semble tragique qu’une société soit inhumaine au point de suggérer l’inverse. »

Garantir d’abord l’accès aux soins palliatifs

Charles-Henry Canova, cancérologue, se veut plus mesuré dans son approche du projet de loi. « Il n’y a pas de pour ou de contre. C’est plus compliqué que cela ». Que pense-t-il du projet de loi en cours ? « Je pense qu’il faut le scinder en deux [comme proposé par François Bayrou – N.D.L.R.]. Car il y a deux sujets différents. Déjà, l’accès aux soins palliatifs n’est pas garantie équitablement sur le territoire. Idéalement, la meilleure façon de mourir est à son domicile avec ses proches et pas dans un endroit institutionnalisé qui t’est étranger. Il faudrait proposer un accompagnement à domicile avec la structure qu’il faut. Le problème est qu’il n’y a plus beaucoup d’infirmières et de médecins qui se déplacent à domicile. Aujourd’hui, ce n’est pas applicable. Il faudrait déjà que chaque département puisse bénéficier de soins palliatifs et qu’ils soient accessibles. Ce sont des services qui ne sont pas rentables et on ne devrait pas y chercher de la rentabilité. Il faut beaucoup de personnel soignant pour peu de patients ».

Que recouvre l’appellation soins palliatifs qui devrait faire l’objet d’un texte séparé de celui sur l’aide active à mourir en mai 2025 à l’Assemblée nationale ? « On utilise beaucoup le terme de soins de confort, plus générique et plus global, explique Charles-Henry Canova. On est dans l’ère de l’accompagnement du patient, de lutte contre la douleur, du soutien psychologique. Un accompagnement global du corps et de l’esprit, des soins de confort en parallèle de la prise en charge médicale. Par exemple, en plus de la chimiothérapie, un accompagnement nutritionnel, social, psychologique et physiologique, des proches. Très peu d’endroits sont structurés pour garantir tout cela. Pourtant, de nombreuses études ont montré une amélioration de la survie lorsqu’il y a des soins de confort en plus de la chimiothérapie. » Pour le médecin, « ce qui est effrayant pour l’aide à mourir dans le cas des personnes atteintes de cancer, c’est qu’on peut se trouver parfois dans des situations d’urgence où il s’agit simplement d’un cap aigu à passer et d’aider le patient à partir. J’ai des patients toujours en vie trois ans après des soins palliatifs. C’est un vrai danger de simplifier des process. Quel humain en 2025 et plus tard pourra dire : ce patient-là, c’est fini, il faut abréger ses souffrances. »

Le docteur Canova porte aussi l’attention sur un facteur négligé selon lui dans le cas d’une fin de vie. « La dépression est très fréquente chez les personnes atteintes de cancer, ce qui aggrave le pronostic. Lorsqu’on est dépressif, on peut manifester plus vivement l’envie de mourir. Le niveau de la psychiatrie en France se dégrade, car ce n’est pas très rentable. Il faudra une évaluation psychiatrique pour les patients souhaitant mourir, car certains sont brisés et leur situation peut s’améliorer avec une psychothérapie et des antidépresseurs. On néglige trop cet aspect. » Selon lui, il faut prioriser le soin et les structures d’abord. « Avant d’aider les patients à mourir, il faut pouvoir diagnostiquer et dépister précocement, traiter des dépressions, encadrer psychologiquement les patients. Il faut instaurer des parcours de soins pour toutes les pathologies, avec des intervenants identifiés et disponibles. Faire cette loi sans les ressources humaines nécessaires n’a pas de sens. » Il réfute également l’argument de l’alignement sur les voisins européens pratiquant déjà l’euthanasie. « Le fait que l’euthanasie existe chez nos voisins ne veut pas dire qu’il faut s’aligner. On se demande comment aider les gens dans ces situations, et aucun médecin n’a la réponse idéale. Il est sûr que cela peut rassurer lorsqu’on connaît son futur très péjoratif de savoir qu’on peut ne pas aller jusqu’à ce point de souffrance. Il faut faire attention à ce que ce ne soit pas élargi à des pathologies qui n’engagent pas le pronostic vital, comme des dépressions résistantes par exemple ».

Les partisans du projet de loi sont pour que deux critères importants préviennent de ces dérives : le consentement libre et éclairé du patient, ainsi que l’établissement d’un pronostic vital engagé à court ou moyen terme. « Pour moi, moyen terme ne veut pas dire grand-chose. Il faut être précis. Moyen terme peut être long. Est-ce trois ou quatre ans avant la date du décès ? Le consentement libre et éclairé existe-t-il chez des patients dépressifs, pas bien entourés ? On veut écrire un texte générique pour des milliers de situation différente. C’est très difficile d’en évaluer la pertinence. Et il faut des moyens humains et financiers avant les textes. Est-ce que parce qu’on manque de soins palliatifs on va aider les gens à mourir plus facilement ? » Pour conclure, Charles-Henry Canova réitère son souhait de voir les soins palliatifs en ligne de mire avant le reste. « Le plus grand progrès sera l’accompagnement. S’il y avait des soins palliatifs partout et accessible, je ne sais pas si on se poserait la question de l’aide à mourir ».

Validisme et eugénisme, c’est quoi ?

Elisa Rojas définit ainsi ces deux termes : « Le validisme est le système d’oppression mis en place par les personnes valides qui infériorise et déshumanise les personnes handicapées. C’est une structure de différenciation et de hiérarchisation sociale qui repose sur le principe que les personnes valides sont la norme ou l’idéal à atteindre et que toute personne qui ne correspond pas à cette norme se trouve dans une position inférieure qui justifie sa mise à l’écart et sa marginalisation de la société. Quant à l’eugénisme, c’est l’ensemble des méthodes et pratiques qui vise à sélectionner les individus pour améliorer l’espèce humaine. Il conduit à ne retenir que ceux dont les caractéristiques, par exemple le patrimoine génétique ou la santé, sont considérées comme les meilleures et à écarter les autres, en empêchant leur venu au monde ou en les éliminant par exemple ».

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10.04.2025 à 11:55

Euthanasie : le début de la fin de vie en France ?

admin

Jonathan Denis est président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), qui existe depuis 45 ans. Il milite pour l’aide active à mourir et se dit bien évidemment favorable au projet de loi en la matière. Entretien. Par Edwin Malboeuf Qu’y a-t-il de plus intime que notre rapport à la mort ? Si nous considérons l’intime comme politique, alors sans doute faut-il légiférer sur la fin de.. Read More

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Texte intégral (2904 mots)

Jonathan Denis est président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), qui existe depuis 45 ans. Il milite pour l’aide active à mourir et se dit bien évidemment favorable au projet de loi en la matière. Entretien. Par Edwin Malboeuf

Qu’y a-t-il de plus intime que notre rapport à la mort ? Si nous considérons l’intime comme politique, alors sans doute faut-il légiférer sur la fin de vie afin d’offrir une mort digne, sans souffrances exacerbées et éviter la clandestinité des pratiques pouvant mettre en danger soignants et patients. Néanmoins, de par la diversité des cas existants, d’un souci éthique majeur, d’un hôpital public lui aussi en fin de vie, détruit par les politiques néolibérales et d’une approche qualifiée de validiste et eugéniste par les opposants au projet de loi en cours, il faut s’attaquer à ce sujet avec des pincettes. Jonathan Denis, président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité a accepté de répondre à nos questions pour comprendre les arguments favorables au projet de loi.

Pouvez-vous présenter l’Association pour le droit de mourir dans la dignité ?

L’association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) a été créée il y a quarante-cinq ans. Elle compte près de 80 000 adhérents bénévoles, c’est une association à la fois militante pour une nouvelle loi sur la fin de vie qui incorpore à la fois un accès universel aux soins palliatifs et la légalisation de l’aide active à mourir (euthanasie et suicide assisté) dans des cas bien précis. Notamment pour des personnes atteintes d’une infection grave et incurable en phase terminale avancée, avec des souffrances physiques ou psychologiques qu’elles jugeraient insupportables. C’est aussi une association d’entraide et de solidarité, avec des représentants d’usagers une commission juridique, soignante, une ligne d’écoute et un fichier des directives anticipées que nous gérons.

Quelle est la sociologie de l’association ?

Il n’y a pas de typologie type. Nous avons des adhérents atteintes d’une maladie grave et incurable, mais aussi des proches qui ont du les accompagner, notamment dans des cas d’euthanasie clandestine en France comme c’est mon cas personnel, ou à l’étranger. Des personnes qui ont raisonné de façon philosophique à la question, des soignants conscients de la réalité et des insuffisances de la loi. Nous avons tous les âges, dont un groupe de jeunes, les moins de 35 ans.

Quel type de militantisme exercez-vous au sein de l’ADMD ?

Nous sommes une association en responsabilité donc nous rencontrons le Président de la République, le Premier ministre, députés, sénateurs, sénatrices et élus locaux. On rencontre tous les élus favorables ou non, on est là pour discuter, car on veut une loi qui respecte toutes les consciences. On organise également des réunions publiques avec les délégués départementaux.

Euthanasie, suicide assisté, aide active à mourir : est-ce la même chose ?

On parle de la même chose. Cela dépend des législations. Je suis pour assumer les mots. Derrière la notion d’aide active à mourir, vous avez l’euthanasie. C’est un médecin qui fait un geste létal auprès d’une personne malade d’une infection grave et incurable mais toujours à la demande de la personne. Le suicide assisté, c’est la personne qui va faire elle même le geste. Aux Etats-Unis, la personne récupère une “kill pill”, une pilule létale qu’elle peut prendre seule chez elle. En Suisse, ce sont des associations qui accompagnent la personne mais c’est toujours la personne qui fait le geste. Et puis, il y a des pays où c’est le soignant qui est autour. La différence entre euthanasie et suicide assisté dépend de qui réalise le geste létal.

Comment se positionne l’ADMD sur ce geste ?

On est pour une liberté de choix du patient, qu’il décide de réaliser le geste, ou qu’il le délègue à un médecin.

Que pensez-vous du débat public en la matière ?

Il faut se rappeler que le débat existe depuis 45 ans. La première proposition de loi déposée l’a été par Henri Caillavet, qui fut président de l’ADMD par ailleurs, à la fin des années 1970. Puis, de multiples propositions de lois ont été déposées par tout groupe parlementaire sur plusieurs années. Enfin, il y a eu un engagement d’Emmanuel Macron, notamment avec cette convention citoyenne. Elle a fait un travail de fond formidable, avec 184 citoyens réunis, non-spécialistes de la question, qui ont bossé pendant 9 semaines, avec au final une majorité souhaitant améliorer la loi. Au-delà de cette convention citoyenne, le comité national d’éthique a également rendu son avis. Il y a eu une mission d’évaluation parlementaire sur la loi actuelle, montrant les insuffisances de celle-ci. Enfin, il y a eu un travail gouvernemental avec un projet de loi, une commission spéciale ayant étudié ce projet de loi, a voté certains amendements. Le texte a été débattu à l’Assemblée nationale, et voté en grande partie. Tout s’est arrêté avec la dissolution à quelques jours du vote.

Aujourd’hui, nous avons une grande déception suite aux déclarations de François Bayrou de vouloir scinder le texte en deux, sur ses convictions personnelles. Elles ne doivent pas être mises sur le devant de la scène et il doit respecter le travail démocratique qui a été fait, et la majorité des Français qui pensent qu’il faut un seul et même texte.

Il veut un texte sur l’aide à mourir, et un sur les soins palliatifs.

Oui. Alors que depuis le début nous travaillons sur un seul et même texte. La première partie s’appelle les soins palliatifs et soins d’accompagnement, et la deuxième sur l’aide à mourir, car nous considérons que c’est un continuum de soins. Tout le monde travaille dessus depuis deux ans et demi et François Bayrou arrive et en un éclair veut tout changer. En réalité, il est contre l’aide à mourir, et le choix de ces deux textes est celui de tous les opposants de l’aide à mourir. Ne soyons pas naïfs, ce discours est là pour enterrer le texte sur l’aide à mourir en pensant que les soins palliatifs seront suffisants.

Des opposants de gauche sont contre ce projet de loi qu’on présente pourtant comme progressiste.

Ce n’est pas une question politique. Dans chaque groupe parlementaire vous avez des personnes favorables et des opposants. Cela touche à l’intime et aux convictions de chacun. Nous demandons l’accès universel aux soins palliatifs ET l’aide à mourir. Je suis le premier à dire qu’il y a énormément à faire dans les soins palliatifs. Mais cette discussion peut se faire dans le cadre budgétaire du projet de loi de finances de la Sécurité sociale. Rappelons-nous quand le projet de loi, on a réussi à doubler le budget consacré aux soins palliatifs, d’un milliard à deux milliards. Il y avait un aspect sur la formation aux soins palliatifs, la création de maisons d’accompagnement, pour les personnes en souffrance et les proches. Maintenant il ne faut pas se mentir sur les soins palliatifs, plus de 20 départements n’ont pas d’unités de soins palliatifs, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de soins palliatifs dans ces départements. Mais 20 départements n’ont pas d’unité pour accompagner les cas les plus complexes, avec des personnes qui doivent faire des kilomètres pour trouver cet accompagnement, ce qui n’est pas normal. Il faut développer massivement les soins palliatifs à domicile, et les soins palliatifs pédiatriques. Il faut former, recruter, mieux répartir. Là-dessus, tout le monde est d’accord, mais je n’oppose pas les soins palliatifs à l’aide à mourir. Ce sont des choses complémentaires, comme ce qui est fait à l’étranger.

Pas de priorisation alors ?

Je regarde les choses en face, et ce faisant, je considère que les soins palliatifs ne peuvent pas tout. Même si demain tout le monde a accès aux soins palliatifs, certaines personnes ne voudront pas y aller. Ceux-ci ne peuvent pas soulager toutes les souffrances. Par exemple pour, des personnes atteintes de maladies neurodégénératives. Elles peuvent avoir envie de décider avant d’être en phase agonique. Les soins palliatifs ne pourront jamais répondre à tout.

Au-delà des soins palliatifs, il y a la loi Clays-Léonetti votée en 2016. Certains disent qu’elle prévoit déjà une aide active à mourir. Pourquoi est-elle si peu utilisée ?

Je pense que c’est une loi hypocrite. Elle a renforcé le rôle des directives anticipées, ce qui est très bien. Mais elle a aussi légiféré en créant une procédure autour de la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Cela concerne des personnes atteintes de maladies graves et incurables, dont le pronostic vital est engagé à court terme. Elles peuvent être accompagnés dans le cadre de cette sédation. On va les endormir, on va altérer leur conscience et on va attendre. On arrête l’alimentation et l’hydratation. Vous avez des sédations qui se déroulent en quelques instants et certaines qui durent plusieurs jours, plusieurs semaines. Cette loi, lorsqu’elle a été votée quasiment à l’unanimité (436 voix pour 34 contre N.D.L.R.), personne n’a réfléchi à ce qu’était le court terme. Il a fallu attendre deux ans pour qu’on nous dise, le pronostic vital engagé à court terme, c’est de quelques heures à quelques jours. Quand on discute avec les députés qui ont voté la loi, ils nous disent que dans leur esprit ce n’était pas ça. Et c’est là l’hypocrisie. Pour eux, ça devait pouvoir accompagner d’autres personnes. Aujourd’hui on ne sait pas combien il y a de sédation en France, combien sont proposées et combien sont acceptées. Tout ce qu’on a, ce sont des retours de proche qui nous disent que cette sédation se passe très mal parfois. Je ne dis pas que c’est une mauvaise loi je dis qu’elle n’est pas suffisante. Elle ne répond pas à des cas qui peuvent se présenter.

C’est quoi une directive anticipée ?

Les directives anticipées, c’est le seul document aujourd’hui qui permet de dire ce que vous souhaitez ou ne souhaitez pas si vous n’êtes plus en état de vous exprimer dans le cas d’une fin de vie. Ce document est censé vous protéger, vous avez désigné des personnes de confiance qui vous représentent et faire valoir vos droits.

Il y a eu un examen de cette loi en 2023…

… qui a pointé les insuffisances de cette loi. C’est nébuleux. La différence entre une sédation profonde et continue jusqu’au décès et l’euthanasie, c’est une question de dosage, de protocole. Les opposants disent : dans la sédation, il ne s’agit pas de dater le décès mais de soulager les souffrances. Si on est honnête intellectuellement, on sait que cette sédation mène au décès. Il faut bien que toutes ces choses existent comme c’est le cas dans d’autres pays du monde. En revanche, nous sommes le seul pays à avoir une loi précise sur ce qu’est la sédation jusqu’au décès. Il y a peut-être des raisons.

Finalement, c’est une question de curseur. Y-a-t-il un calcul économique qui peut être fait également dans les motivations de cette loi ?

Personne ne réfléchit comme cela. Nous réfléchissons sur comment accompagner et ne jamais abandonner quelqu’un. Effectivement, les législations diffèrent : certaines sont sur le suicide assisté, d’autres sur l’euthanasie, d’autres sur les deux, définissent la durée du pronostic vital engagé pour décider etc. Le socle commun, c’est qu’à chaque fois il y a eu un renforcement des soins palliatifs. Vous avez des aides à mourir qui se pratiquent dans le cadre d’unités de soins palliatifs car on n’a pas opposé les deux. Et nous décidons, par le cas de François Bayrou d’opposer les deux de manière stérile et qui ne mène à rien.

Pour poursuivre sur les oppositions (lire “Projet de loi fin de vie : des risques eugénistes et validistes ?”), des collectifs alarment sur le risque validiste et eugéniste de cette loi, étant donné qu’un grand nombre de personnes atteintes de maladies graves et incurables sont porteuses de handicap et pourraient se voir proposer l’aider à mourir. Que répondez-vous à ça ?

Une chose simple : on ne se voit jamais proposer l’aide à mourir. C’est la personne qui demande. Ensuite elle rentre dans le cadre de la loi. Ensuite un médecin l’accompagne ou pas. Aucun pays au monde ne propose l’aide à mourir. Sébastien Peytavie, député écologiste et en situation de handicap, le dit fréquemment. Il n’est pas question qu’on se voit proposer l’aide à mourir simplement parce qu’on est porteur de handicap. Ce n’est pas du tout l’esprit du texte de loi. Ne commençons pas à travestir un texte qui n’est pas celui-ci.

Les craintes ne sont-elles pas légitimes avec l’accès à un nouveau droit d’ouvrir une boîte de Pandore, avec pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, un choix de mourir légalement ?

Cette question de l’aide à mourir est très vieille. Déjà du temps des Grecs. Euthanasie vient du grec, qui veut dire “mort douce”. Aujourd’hui, vous avez des personnes qui partent en Suisse ou en Belgique et nous sommes incapables d’avancer car l’on se cache derrière différentes choses. Bien sûr qu’il faut se poser ces questions. Mais je n’aime pas le terme “boite de Pandore”. Il n’y a pas d’endroits où parce que vous êtes âgés vous pouvez demander une aide active à mourir. La vieillesse n’est pas une maladie, ni un naufrage.

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