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La Lettre de Philosophie Magazine

▸ les 10 dernières parutions

24.11.2025 à 06:00

“Qu'est-ce que la philosophie ?” Une lumière dans la nuit, répond Jean-Baptiste Brenet dans son nouveau livre !

nfoiry

“Qu'est-ce que la philosophie ?” Une lumière dans la nuit, répond Jean-Baptiste Brenet dans son nouveau livre ! nfoiry lun 24/11/2025 - 06:00

Un ouvrage intitulé Qu’est-ce que la philosophie ? On imagine a priori une lecture un brin scolaire. Pourtant, Jean-Baptiste Brenet signe un essai étonnant en forme d'éloge de la nuit ! Dans notre nouveau numéro, Martin Duru éclaire les enjeux de ce livre.

novembre 2025
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23.11.2025 à 08:00

La folle histoire des vices, de Platon à Freud

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La folle histoire des vices, de Platon à Freud hschlegel dim 23/11/2025 - 08:00

La lutte contre les « dérèglements » et les « péchés » a été la grande affaire de la philosophie morale. Jusqu’à ce que, dans la modernité, certains d’entre eux soient traités de perversion… ou carrément exaltés : d’hier à aujourd’hui, et de Platon à Freud en passant par Sade, voici la folle histoire des vices. À retrouver dans notre nouveau hors-série disponible en kiosque, « Petit traité des vices à l’usage des honnêtes gens » !

novembre 2025
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23.11.2025 à 06:00

Perte d'êtres chers, traversée de deuils... Est-ce que la mort des autres dédramatise notre propre mort ?

nfoiry

Perte d'êtres chers, traversée de deuils... Est-ce que la mort des autres dédramatise notre propre mort ? nfoiry dim 23/11/2025 - 06:00

Avoir perdu des êtres chers, traversé des deuils,  est-ce que cela dédramatise notre propre mort ? Non, répond le philosophe Martin Heidegger, mais dans notre nouveau numéro, deux romancières contemporaines, la Française Brigitte Giraud et l’Américaine Sigrid Nunez, proposent une perspective plus nuancée. 

novembre 2025
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22.11.2025 à 06:00

La fatigue est une maladie ! “Épuisé”, l'essai percutant de Johann Margulies

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La fatigue est une maladie ! “Épuisé”, l'essai percutant de Johann Margulies nfoiry sam 22/11/2025 - 06:00

Dans un essai en forme de journal, Johann Margulies, philosophe et ingénieur, relate son expérience de l’encéphalomyélite myalgique. En faisant partager son combat pour nommer et faire reconnaître cette maladie de l’épuisement, il donne des armes à tous ceux qui sont touchés par une souffrance qui les retranche de leurs semblables. Dans notre nouveau numéro, Clara Degiovanni vous présente ce livre de combat.

novembre 2025
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21.11.2025 à 21:00

“Pluribus” : la dictature du bonheur

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“Pluribus” : la dictature du bonheur hschlegel ven 21/11/2025 - 21:00

Alerte : les zombies débarquent ! Et ils sont… gentils. Abominablement gentils. Jusqu’à former une dystopie mondiale étouffante de bienveillance et de bons sentiments, éliminant ainsi ce qui fait le sel de l’existence : les expériences négatives. Voilà l’argument de Pluribus, la nouvelle série de Vince Gilligan (Breaking Bad, Better Call Saul).

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Ce texte est extrait de notre newsletter hebdomadaire « Par ici la sortie » : trois recommandations culturelles, éclairées au prisme de la philosophie, chaque vendredi soir. Abonnez-vous, elle est gratuite !

 

« Le créateur de Breaking Bad et de Better Call Saul Vince Gilligan fait son grand retour avec Pluribus, une série qui titille à nouveau notre rapport au bien et au mal. Un virus extraterrestre transforme les êtres humains en zombies d’un genre particulier : loin de dévorer les viscères, ils deviennent des monstres... de bienveillance. Mots compassés, obsession du bien-être, ces zombies trop gentils forment une conscience collective unique, parfaitement interconnectée. Un paradis sur terre ? Pas si vite... Car onze personnes échappent à ce syndrome, dont Carol Sturka (Rhea Seehorn), romancière dont la femme meurt au cours de l’invasion. Craignant de voir sa subjectivité diluée dans ce grand Tout lénifiant, Carol tente de rallier les autres “rescapés” pour sauver l’humanité. Mais de quoi précisément ? Difficile de justifier une lutte contre un système qui ne jure que par le bonheur et la vertu... D’emblée, Pluribus évoque The Good Place, autre série qui montre que l’enfer est pavé de bonnes intentions : maximiser le bonheur d’autrui, comme le veut la pensée utilitariste, cela suppose d’écraser les expériences négatives qui donnent pourtant leur sens à l’existence. La série croise cette inquiétude avec une réflexion plus novatrice sur l’IA. Car cette conscience indifférenciée, à l’altruisme insupportablement intrusif, fait bien penser à ChatGPT. Ces zombies professent un bonheur algorithmique composé de phrases toutes faites, d’empathie feinte et au fond, totalitaire, puisqu’il est impossible de s’y soustraire. Dans son essai L’Éthique aujourd’hui. Maximalistes et minimalistes (Gallimard, 2007), Ruwen Ogien mettait en garde contre ce genre de paternalisme moral :

“Il n’y a aucune raison de laisser à la philosophie morale le douteux privilège de pontifier sur ce qu’est une ‘vie réussie’ [...] et de prétendre savoir ce qui est bien pour les autres sans tenir compte de leur avis, en développant, par exemple, des théories ‘perfectionnistes’ fondées sur l’idée qu’il existerait une forme d’excellence humaine dont ces théories détiendraient les critères.”

Mieux vaut être malheureux à sa manière qu’heureux à la manière de tout le monde. »

 

Pluribus, série de Vince Gilligan, avec Rhea Seehorn et Miriam Shor. À voir sur Apple TV.

novembre 2025
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21.11.2025 à 17:00

Le vice est le propre de l’homme ? Entretien avec André Comte-Sponville

hschlegel

Le vice est le propre de l’homme ? Entretien avec André Comte-Sponville hschlegel ven 21/11/2025 - 17:00

Quand l’auteur du Petit Traité des grandes vertus se penche sur les vices, il rebat les cartes. Adepte assumé de la luxure et de la gourmandise, André Comte-Sponville n’en dénonce pas moins l’égoïsme, la cruauté, le fanatisme ou la veulerie. Et propose une morale sans Dieu pour notre époque. Un entretien à retrouver dans notre nouveau hors-série disponible en kiosque, « Petit traité des vices à l’usage des honnêtes gens » !

novembre 2025
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21.11.2025 à 15:13

La haine de l’amour : et si l’on détestait aimer et être aimé ?

hschlegel

La haine de l’amour : et si l’on détestait aimer et être aimé ? hschlegel ven 21/11/2025 - 15:13

Et si l’amour n’était pas que beau et heureux ? Les histoires d’amour finissent mal, en général, on le sait. Mais elles peuvent aussi très mal commencer. L’amour toxique est sur toutes les lèvres, mais nous ne voulons pas l’interroger. Et si l’amour tenait dans un paradoxe que nul veut voir : on n’aime ni aimer ni être aimé ? Un petit essai du philosophe Valentin Husson.

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L’amour n’est pas aimable

On n’aime pas l’amour autant qu’on le croit. Car il nous prend sans qu’on y consente : tomber amoureux est involontaire, et la chute fait parfois mal. Il y a de quoi se détester d’être tombé amoureux du premier connard venu. Et que de dire de l’amour des parents si écrasant ? On suffoque, on n’en peut plus, on aimerait respirer, avoir quartier libre, ne pas avoir quelqu’un sur le dos et qui veut sans cesse notre bien. On n’a pas envie de construire, on veut se détruire, faire nos expériences : d’où la drogue et l’alcool. Plus les parents nous aiment, plus on les déteste, et plus on les déteste, plus on se déteste. La bienveillance est souvent prise comme une surveillance et une malveillance. Et puis, on aime parfois quelqu’un qui ne mérite pas notre amour, on l’aime sans aimer l’amour qu’on lui porte. On aime jusqu’à souffrir de cet amour même, jusqu’à être brisé par lui si d’aventure l’aimé venait à nous quitter. On l’a trop aimé pour ne point le haïr. Plus incompréhensible encore, la haine de soi nous fait fuir ce que l’on a cherché toute une vie. « Je me hais donc je te hais de m’aimer ». On croit ne pas mériter tant d’amour, alors on se barre : on est bien tombé donc on s’en va. L’amour n’est pas aimable. Le philosophe qui enseigne le désir est tué dans la caverne, et le Christ – qui n’est qu’amour – est crucifié. Quand s’intéressera-t-on à ce scandale pour la pensée ? L’amour est plus haï que la haine elle-même. On haime davantage que l’on aime. Et c’est ce que j’aimerais interroger dans cet essai.

“Je n’aimais pas encore, et j’aimais à aimer” Augustin

 

« Je n’aimais pas encore, et j’aimais à aimer » (« ondum amabam et amare amabam »). On connaît tous cette célèbre sentence d’Augustin dans Les Confessions. Cet amour de l’amour constitue notre romantisme occidental. Le séducteur – dont la figure éternelle reste Don Juan – est avant tout un amoureux de l’amour. Il n’aime pas vraiment, mais il aime aimer, et sans doute plus encore, il aime être aimé. Au reste, il n’aime que pour autant qu’on l’aime en retour, qu’on redouble d’amour pour lui. C’est pourquoi on peut douter de sa sincérité. Son amour est amour de soi. Il s’aime plus qu’il n’aime ; il aime s’aimer.

L’amour-haine, un impensé en philosophie

Toutefois, la vérité est peut-être tout autre. Loin de ce film à l’eau de rose avec happy end, l’humanité passe manifestement par un tamis plus fin quant à ses sentiments. Une ambivalence sentimentale la traverse en son cœur : oui, l’humain aime aimer, et il déteste tout aussi bien aimer et être aimé. Oserait-on confesser ce qu’Augustin ne confesse pas dans ses Confessions ? Oserait-on dire ceci : « Je n’aimais pas encore, et je détestais déjà aimer et être aimé » ? Il y a une haine de l’amour inhérente à l’amour lui-même. On haime, dans ce cas-là, autant que l’on aime.

Pourquoi n’a-t-on jamais parlé de cette haine de l’amour qui nous fait fuir dès qu’on le voit pointer le bout de son nez ? La psychanalyse l’a certes évoqué : avec Freud, d’abord, et le lien intime qu’entretient la pulsion de vie et la pulsion de mort, la pulsion d’association et de construction et celle de dissociation et de mort, éternel conflit entre Éros et Thanatos, ou plus encore, entre Éros et Mégère (la déesse de la haine) ; chez Lacan, encore, avec ce qu’il appelle l’hainamoration, à savoir le fait que l’amour est toujours mêlé à la haine. Mais la philosophie ? Jamais ou si peu.

Notre peur panique de l’amour

Pourtant les interrogations sont multiples. Pourquoi – alors même qu’on est bien tombé – part-on les jambes à son cou, ou en sens inverse ? Pourquoi en avoir si peur ? Quel risque constitue l’aventure amoureuse pour être si peu couru ? Car c’est un beau risque que d’aimer, ainsi que nous le disait déjà Platon dans le Lysis (207d). Nous courons après le risque, c’est évident ; mais nous esquivons le plus beau des dangers. On fait aujourd’hui du trail, des marathons, du jogging, des randonnées ; on entreprend un tour du monde avec trois affaires sur le dos ; on va au plus loin de ses capacités physiques ; on s’épuise, on s’éreinte ; on court quotidiennement des kilomètres – mais après quoi ? – ; et la seule chose qui fait tourner ce monde, en nous faisant tourner en bourrique et en rond, la seule chose que l’on cherche désespérément, que l’on espère rencontrer sur le palier d’en face ou à l’autre bout de la terre, eh bien, une fois rencontrée, nous la fuyons avec le même empressement que nous avions à la suivre à la trace. Chose curieuse que de courir après ce que l’on fuit, que de chercher ce que l’on ne veut pas trouver.

“Nous courons après le risque, mais nous esquivons le plus beau des dangers”

 

C’est un scandale pour la pensée que de savoir que l’amour n’est pas tant aimé que haï. Comment se peut-il que ce sentiment, ressenti dès l’enfance, dès le premier contact d’avec la peau de sa mère, ce bien-être absolu qui suspend – au premier abord – toute inquiétude et souffrance, comme ce sentiment peut-il, paradoxalement, être si craint ? Il y a une peur panique de l’amour. Peur panique d’aimer ? Pour un sens, oui ! On y laisserait quelque chose de soi, quelque chose que la littérature dit être la vie. Il est certain que mourir d’aimer peut terrifier. Et que tomber amoureux peut faire mal. On peut s’y briser, s’y laisser tout entier. Toute chute peut déchirer la peau, casser les os, laisser des bleus, faire de notre cœur un écorché vif. Les atomes crochus finissent parfois en hématomes crochus. Aimer et être aimé, c’est être à la merci de l’autre, exposé corps et âme à son sacrifice – celui par lequel il pourrait nous immoler en nous faisant crever, ou celui par lequel je donnerais ma vie sans compter pour lui. Il y a quelque chose de si sacré dans l’amour que le sacrilège qu’il pourrait subir mènerait au sacrifice de soi. Mourir pour l’aimé, c’est mourir pour l’aimer ; c’est aussi – chose plus tragique encore – tuer pour l’aimé, tuer l’amant, le mari encombrant, voire celle ou celui aimé(e) pour emporter cet amour dans l’éternité.

Porter l’altérité

Toute l’œuvre de Levinas pourrait être mobilisée pour comprendre ce caractère pesant de l’amour. Je n’ignore nullement que l’amour chez Levinas ne renvoie non point à Éros mais à Agapé, et qu’il recouvre en cela le nom sévère de la responsabilité pour Autrui, responsabilité infinie qui m’incombe et dont je ne peux me dérober, responsabilité allant jusqu’à nourrir l’autre de mon propre jeûne et à le désaltérer de ma propre soif, allant enfin, radicalité ultime, jusqu’au sacrifice de soi pour sauver la veuve et l’orphelin. Levinas décrit donc la relation éthique d’avec l’autre homme, non sa relation sensuelle. Le rapport érotique est certes décrit dans Totalité et Infini (1961), mais il ne constitue pas le cœur battant de sa philosophie. Néanmoins, on pourrait tout à fait interpréter librement, en prenant nos distances d’avec la lettre, cette éthique comme l’ombre portée de tout amour.

“L’amour investit la liberté : aimer, c’est souffrir que la relation à l’aimé soit contractée à mon corps défendant”

 

Le rapport à l’autre y est décrit à partir du poids d’une altérité que je n’ai pas fondée, et que je dois porter malgré moi. L’engagement y est total et l’autre pèse de toute son existence sur moi et mes épaules. L’amour m’a aimé dès « avant que je ne l’aie aimé », et c’est ainsi qu’il échappe au couple liberté et non-liberté. L’amour investit la liberté : aimer, c’est souffrir que la relation à l’aimé soit contractée à mon corps défendant, malgré moi, comme engagé avant toute décision libre et consciente ; et c’est cela qui est insupportable. Je suis lié à l’aimé sans l’avoir choisi. L’amour m’a choisi, et je dois l’endurer, jusqu’à souffrir sa souffrance.

Torture ou maladie ?

« Rien, en un sens, n’est plus encombrant que le prochain. Ce désiré n’est-il pas l’indésirable même ? » Phrase sublime de Levinas, parce que terrifiante dans sa contradiction apparente. Celui que l’on désire charnellement, celui qu’on a attendu toute sa vie, celui qui nous a débusqué de notre quant-à-soi et de notre égoïsme pour nous ouvrir à l’infini du verbe « aimer », serait l’indésirable par excellence. Un objet encombrant – ou plutôt, ici, un sujet encombrant – dont il faudrait se débarrasser. Un poids lourd ou un poids mort. Aimer ne serait pas aimable. Cela ne veut pas dire qu’il me faudrait haïr l’autre ; non, mais l’amour que je lui porte ne me fait pas du bien. Faire le bien, ou faire bien les choses en amour, n’est pas nécessairement bon pour moi. On n’est jamais à l’abri du reproche de ne pas avoir assez bien fait, ou d’avoir tous les torts. Éternelle litanie de celui qui, incompris par l’être désiré, doit en plus se justifier. Aimer, c’est aimer jusqu’à pouvoir se faire du mal, jusqu’à endurer le malheur d’aimer, jusqu’à souffrir de cet amour même, jusqu’à mourir d’aimer.

“S’il y a tant de pervers narcissiques, c’est qu’il doit bien y avoir une sorte de psychose dans l’amour”

 

C’est ainsi que Levinas en vient à se référer souvent au Cantique des cantiques, où la relation amoureuse est décrite comme une maladie. Je suis malade d’amour, dit la Bible, malade d’avoir l’autre dans la peau comme une écharde sa chair. Brûlure de l’autre nous laissant comme un grand brûlé, cramé dans le brasier de la passion. L’amour est un « grain de folie » où l’autre s’immisce en nous comme un virus jusqu’à nous empoisonner l’existence, jusqu’à devenir toxique. La toxicité est le risque de tout amour, et celle-ci est consubstantielle à Éros. Car justement l’aimé ne veut pas forcément notre bien. Il ne désire pas nécessairement notre bonheur. S’il n’y a pas de mal à se faire du bien, l’autre peut se faire du bien en faisant du mal. Pervers ? Et pourquoi pas ! S’il y a tant de pervers narcissiques – ce diagnostic de bistrot est sur toutes les lèvres quand la moindre souffrance affleure –, c’est qu’il doit bien y avoir une sorte de perversion, voire de « psychose », qu’évoque même Levinas, dans l’amour. Une sorte d’obsession « devenue folie » pour l’autre qui m’oblige à rester auprès de lui. Jusqu’au comble de prendre plaisir à faire du mal à celui qu’on aime, afin de lui laisser l’engramme à vie de notre propre passage dans son existence. Qu’on se rappelle à Derrida : « Je reconnais que j’aime – toi – à cela : tu laisses en moi une blessure que je ne veux pas remplacer » (La Carte postale, 1980). L’amour, dans sa version pathétique, est bien, comme le pensait Proust, « une torture réciproque ». 

novembre 2025
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21.11.2025 à 06:00

Thomas Pesquet et Étienne Klein les pieds sur Terre et des étoiles dans les yeux, avec “Éloges du dépassement”

nfoiry

Thomas Pesquet et Étienne Klein les pieds sur Terre et des étoiles dans les yeux, avec “Éloges du dépassement” nfoiry ven 21/11/2025 - 06:00

Avec leur livre de dialogue Éloges du dépassement, le spationaute Thomas Pesquet et le philosophe des sciences Étienne Klein ne se se présentent pas en surhommes tutoyant les étoiles et devisant sur notre misère trop humaine. Ils insistent sur les aspects les plus concrets de leur vécu… et du nôtre. Une conversation réconciliant la science et la vie que vous présente Michel Eltchaninoff dans notre nouveau numéro.

novembre 2025
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20.11.2025 à 21:00

Cuisiner, pour quoi faire ?

hschlegel

Cuisiner, pour quoi faire ? hschlegel jeu 20/11/2025 - 21:00

« Du confit de canard, des rillettes de canard, des gésiers de canard… Et avec ceci, ce sera tout ? Vous prendrez bien aussi un peu de foie gras, des rillettes d’oie, de la graisse d’oie…

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Bienvenue au Festival du livre gourmand de Périgueux

Le week-end dernier, j’étais invitée, une fois n’est pas coutume, à un événement de bons vivants : le Festival du livre gourmand de Périgueux. Pour moi qui suis plutôt habituée aux rencontres littéraires, où l’on se satisfait de plaisirs intellectuels entre deux bouchées de bretzels aussi secs que la Critique de la raison pure, le dépaysement fut total. Enfin un festival où l’on ne parle que de bouffe ! Saucer n’est pas tremper, Le Sens du bétail… : en feuilletant le catalogue des livres exposés, j’en viens à penser que l’édition culinaire n’a décidément pas dit son dernier mot. Dès le départ du train, dans lequel deux wagons entiers étaient réservés pour les auteurs invités, les conversations tournent essentiellement autour de la nourriture. “Ne manque pas le marché au gras le samedi matin”, m’avertit un habitué. C’est là qu’on trouve les fameuses figues au foie gras de la Maison Requier. Une tuerie !” “Vous avez déjà goûté l’huile de noix favorite de François-Régis Gaudry ?”, questionne un autre. “Il paraît qu’il en boit à la bouteille…”

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À première vue, mes camarades ne sont pas des as du régime. Mes voisins de table signent leurs ouvrages, l’une sur la cuisine séfarade, l’autre sur les cordons-bleus, dont il recense 40 recettes (marin, sucré… faites vos jeux !). Dans son Vorace, le photojournaliste Jean-François Mallet célèbre la gargantuesque diversité de la street food d’aujourd’hui, du kebab au taco-sushi. Le Gras, c’est la vie, proclame la designer culinaire Marion Châtelain dans son essai, sélectionné pour un prix : j’apprends avec ravissement que le gras est bon pour notre cerveau, constitué à 60% de lipides – un bon argument pour reprendre des pommes de terre sarladaises. Mais la résistance healthy s’organise. Un livre vante les cocktails sans alcool, un autre la cuisine des épluchures et autres fanes de carottes… “Oubliez le petit-déjeuner”, commande un historien de la nutrition. “Contrairement à ce que l’on croit, il est très mauvais de manger dès le réveil.” “Le soja, oui, mais à condition de le faire tremper”, précise une diététicienne à un végan qui cherche à optimiser son apport en protéines végétales. “Combien de cuillères d’huile de sésame puis-je ingérer au maximum par semaine ?”, s’enquiert une lectrice auprès de l’auteur du Repas idéal. 

Deux cuisines, deux ambiances

“Ne les écoute pas”, me chuchote à l’oreille une petite voix. “Ce n’est pas ça, la cuisine.” Le ton est énergique, l’accent mélodieux. Maria Nicolau est catalane. Cheffe cuisinière, elle a officié dans des établissements renommés, y compris en France. Son Cuisine ou barbarie est devenu un phénomène de librairie en Espagne, où il s’en est vendu pas moins de 100 000 exemplaires. Ce n’est ni exactement un essai, ni un recueil de recettes. Certes, vous y trouverez quelques trucs utiles pour réussir votre omelette ou votre ragoût. Mais pas n’importe lesquels : ce qu’essaie de vous apprendre Maria, c’est comment réussir votre ragoût. Celui dont le fumet vous rappelle votre enfance, et dont votre descendance cherchera à convoquer le souvenir en remuant ses propres mixtures.

Lorsqu’elle décrit son rapport à la nourriture, c’est tout un monde qui surgit, celui de sa mémoire, celui d’une sensualité peu commune. Ainsi, la scène où elle raconte comment elle désosse un sanglier relève de la littérature érotique. “Ce n’est pas la viande qui me fascine”, écrit Maria. “Je suis totalement incapable de ressentir le moindre désir sincère en arpentant les rayons du supermarché. […] C’est, je crois, la proximité avec la mort – qui n’est rien d’autre que la proximité de la vie –, cette facilité avec laquelle j’imagine cette cuisse en mouvement, trottant. […] C’est cette sauvagerie qui m’attire, qui aiguise ma faim. L’appel du sauvage ne peut venir que de ce qui est sauvage.”

Maria n’a pas d’opinion tranchée sur la chasse, qu’elle juge parfois nécessaire, parfois inutile. Son idée ? Défendre une vision de la cuisine qui nous fait nous sentir profondément vivants – et s’affranchit de toute injonction normative. “J’ai toujours eu plus peur de la domestication et de l’indignité que de la mort elle-même”, écrit Maria en achevant de découper sa carcasse. Une mission d’intérêt public : en discutant avec les visiteurs du festival, je suis frappée de constater à quel point nombre d’entre eux sont obsédés par leur régime, les quantités d’aliments qu’ils ingèrent, le temps de mastication… À croire que nous sommes devenus incapables d’envisager notre corps autrement que comme une machine, à entretenir selon un manuel d’utilisation de plus en plus précis. La gourmandise – un péché dont nous vous parlons dans notre nouveau hors-série consacré aux vices – n’est plus condamnée par l’Église, mais par notre propre obsession de la minceur et de la performance.

Pourquoi cuisiner ?

Une dérive qui relève, si j’en crois Maria, de la pure barbarie. “Nous ne cuisinons pas pour rester vivants”, écrit-elle dans son livre. “Pour ça, nous ferions aussi bien de manger des croquettes. Nous cuisinons pour avoir envie de vivre, pour donner à nos jours sens et raison d’être. Nous cuisinons parce que nous ne sommes pas des bêtes, mais des êtres humains, capables de générer de la culture, un héritage, des souvenirs […]. La dichotomie est simple. Cuisine ou barbarie.” S’il est une leçon de chef que j’ai envie de retenir de mon séjour périgourdin, c’est bien celle-ci. »

novembre 2025
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20.11.2025 à 17:00

Roger Berkowitz : “Mamdani fédère autour d’un mouvement d’enthousiasme politique”

hschlegel

Roger Berkowitz : “Mamdani fédère autour d’un mouvement d’enthousiasme politique” hschlegel jeu 20/11/2025 - 17:00

Jeune, charismatique, socialiste et musulman, Zohran Mamdani a créé la surprise en remportant les élections à la mairie de New York, aux États-Unis. Pour le philosophe new-yorkais et arendtien Roger Berkowitz, au-delà de la promesse d’une ville « accessible » et de son engagement sur Gaza, cette victoire est le fruit d’un nouvel enthousiasme partisan.

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“Que Mamdani soit musulman n’a eu aucune importance dans son élection” Roger Berkowitz

Qu’avez-vous pensé de l’élection de Zohran Mamdani, candidat socialiste démocrate et musulman de 34 ans, à la mairie de New York ? 

Roger Berkowitz : J’ai d’abord été étonné. Jeune, intelligent, charismatique, Mamdami est totalement inexpérimenté alors qu’il s’apprête à diriger l’une des plus grandes villes du monde. Qu’est-ce qui explique sa victoire ? D’abord, la chance de ne pas avoir eu à affronter un adversaire solide. Lors de la primaire démocrate, Eric Adams, le maire sortant, a dû renoncer à briguer un nouveau mandat à causes d’accusations de corruption. La procureur de l’État, Letitia James, très populaire, ne s’est finalement pas lancée, tandis qu’Andrew Cuomo, son principal adversaire lors de l’élection finale, soutenu par l’establishment démocrate en dépit de sa défaite initiale à la primaire, était affaibli par des scandales de harcèlement sexuel. Ce vide a ouvert un boulevard à Mamdani. Mais il n’a pas seulement profité d’une situation exceptionnelle. Il a gagné sur deux enjeux : Gaza et l’accessibilité. S’il n’y avait pas eu Gaza, Mamdani ne serait pas maire de New York aujourd’hui. Au moment même où cette guerre prenait un tour paroxystique, l’engagement vibrant de Mamdani pour la cause palestinienne – et je dirais même son antisionisme radical – ont été un facteur galvanisant qui l’a mis à part et lui a permis d’acquérir une popularité exceptionnelle auprès de la jeunesse démocrate. Celle-ci s’est retournée contre Israël d’une manière inédite à New York, où réside pourtant la plus importante communauté juive dans le monde après Israël. Ensuite, il y a le projet de rendre la ville et les services publics « accessibles » à tous – l’« affordability ». Cela a fait mouche auprès d’une nouvelle catégorie sociale, que je serais tenté d’appeler la « classe mobile descendante » : des jeunes diplômés, qui ont fait des études supérieures et veulent être créatifs mais sans être obligés de travailler pour gagner de l’argent. C’est ce groupe social qui compose la majorité des Socialistes démocrates d’Amérique, l’ASD, auquel appartient Mamdani. L’engagement sur Gaza a créé une intensité idéologique auprès des activistes « décoloniaux », la promesse de l’accessibilité a mobilisé la gauche sociale et modérée. Les deux ensembles ont permis de constituer une majorité. Reste à trouver le moyen de gouverner.

 

Quel est le sens de la promesse d’“accessibilité” ?

Elle tourne autour de trois propositions : geler les loyers, rendre les bus gratuits et proposer des services de garde d’enfants et d’épiceries municipales pour tous. Ce programme ne cible pas les pauvres, il s’adresse à la classe moyenne et diplômée qui travaille à New York mais dont les salaires ne sont pas assez élevés pour y vivre et habiter car l’inflation immobilière y a explosé ces dernières années. Mamdami a raison : New York est devenue inaccessible aux classes moyennes.

“Sans Gaza, Mamdani n’aurait jamais été élu. La jeunesse démocrate s’est retournée contre Israël d’une manière inédite à New York, où il y a pourtant le plus de Juifs au monde en dehors d’Israël” Roger Berkowitz

Comment expliquer qu’un tel programme “socialiste” ait pu percer dans la capitale financière de l’Amérique ? 

Historiquement, New York est une ville dominée par la finance, l’assurance et l’immobilier. Cependant, même si elle est encore la capitale mondiale de la finance, son leadership est en train de s’éroder sérieusement. Les emplois dans les services financiers n’y ont augmenté que de 4% par an depuis 2019, alors que dans les autres villes importantes, la croissance est très forte : 27% à Austin au Texas, 21% à Charlotte en Caroline du Nord. Avec l’explosion du foncier, les grandes sociétés de Wall Street n’ont plus que 10 à 15% de leurs employés qui vivent à New York. Demain, J.P. Morgan, Goldman Sachs et les grandes banques financières pourraient quitter la ville en une seconde s’ils le voulaient. Wall Street est encore là, sauf que toutes les transactions sont désormais électroniques. Bref, New York pourrait vraiment entrer en crise si ces emplois disparaissaient. Du coup, le programme « anti-riches » de Mamdani de taxer lourdement les millionnaires pourrait porter atteinte aux métiers qui en font encore la capitale mondiale de la finance. Il va devoir tenir compte de ce défi et il le sait. Cela n’enlève rien au fait que nous avons besoin d’un plus grand nombre de logements abordables à New York. Mais le gel des loyers n’est peut-être pas la bonne solution. Lorsque l’on gèle les loyers sur une longue période, les propriétaires cessent d’entretenir les bâtiments qui se dégradent. C’est ce qui s’est produit à New York dans les années 1970 et personne ne veut que cela recommence. Il faudrait construire plus d’immeubles d’habitation pour augmenter l’offre. Mais cela crée des résistances locales. Il faut faire preuve de talent politique. Le nouveau maire n’en est pas dépourvu.

 

Vos étudiants ont-ils voté massivement pour Mamdani ? 

Oui, à 95%. Les gens ne se rendent pas compte à quel point les jeunes de ce pays sont remontés contre Israël et abordent le conflit au Moyen-Orient de manière assez… unilatérale. Ils refusent de condamner le Hamas, d’admettre que la situation est complexe et qu’elle a une longue histoire. De mon point de vue, les jeunes ont tout à fait raison d’être en colère contre Israël, d’être déprimés par l’état de la politique de ce pays et contre l’attitude des vieux politiciens qui avaient pris l’habitude de harceler et d’agresser impunément les femmes. Mais on néglige un point important, en-deçà des programmes et du personnel politique : celui de l’enthousiasme. Chez les partisans de Trump, même si les gens ne sont pas d’accord avec toutes les décisions du président – sur les taxes, par exemple –, ils valorisent le fait de s’amuser et de se sentir ensemble lors de leurs rassemblements. Or quelque chose du même ordre s’est passé avec Mamdani et les jeunes. Les partisans de Mamdani se sont sentis partie prenante d’un mouvement d’enthousiasme politique. Cela n’était plus arrivé depuis longtemps, dans ce camp-là en tout cas.

“Seuls 10 à 15% des employés de Wall Street vivent encore à New York. Toutes les transactions sont dématérialisées. Une vraie crise guette la ville si ces emplois disparaissent” Roger Berkowitz

 

Mamdani a été accusé par certains d’antisémitisme et d’antisionisme. Qu’en est-il, selon vous ? 

Je ne crois pas que Mamdani soit une personne haineuse et je ne pense pas qu’il soit antisémite. Mais il ne critique pas le Hamas, ne croit pas qu’Israël ait le droit de se battre contre le Hamas ni même d’exister en tant qu’État juif. Comme beaucoup de militants de la gauche anticoloniale, il ne comprend pas que lorsque des slogans [appelant au boycott ou à l’Intifada, par exemple] sont appliqués exclusivement à Israël, ils s’inscrivent dans la tradition antisémite qui fait des Juifs des êtres sournois et puissants manœuvrant dans les coulisses de l’histoire – ce qui prête à sourire quand on sait qu’il n’y a que 14 millions de Juifs dans le monde dont la moitié sont en Israël, l’un des plus petits États du monde où ont trouvé refuge les rescapés de la Shoah et les expulsés des communautés juives du Moyen-Orient… En faire les responsables de tout le mal colonial relève d’un classique topos antisémite. Encore une fois, je ne pense pas que Mamdani soit animé par une haine personnelle des Juifs, même s’il a déclaré qu’à chaque fois qu’un policier new-yorkais s’en prenait à un jeune manifestant, il était armé par les forces de défense israéliennes… Ce genre d’accusations aberrantes qui font des Juifs les responsables d’une conspiration internationale réveille de vieux fantasmes. Et le fait que le maire de New York avalise un discours qui rend Israël responsable d’une grande partie des problèmes du monde est problématique. Sa rhétorique, sa façon de blâmer Israël et son antisionisme sont le fruit d’une profonde conviction quant à l’injustice de qui arrive aux Palestiniens. Or elle s’inscrit dans un climat où l’antisémitisme de gauche et de droite s’enflamme. À droite, dans certains cercles populaires chez les républicains, la fascination pour Hitler revient. Et à gauche, des activistes ont incendié la maison du gouverneur de Pennsylvanie qui était Juif quand d’autres, à San Diego, ont tiré sur un défilé en l’honneur des otages détenus à Gaza… Tout cela a contribué à la plus forte hausse d’antisémitisme dans le pays au cours des trois dernières années. Comme nombre de Juifs new-yorkais, cela m’inquiète. 

 

Le fait que la ville de New York ait élu un musulman comme maire, 20 ans après le 11-Septembre, où le terrorisme islamiste a fait tomber les tours du World Trade Center, n’est-il pas le signe d’une étonnante résilience ? 

Ce que j’aime à New York et aux États-Unis, c’est que nous sommes encore, dans nos meilleurs moments, une démocratie multiculturelle sans peuple national. Quand vous vous promenez dans la ville de New York, que vous prenez le métro, vous faites une expérience multiculturelle. C’est différent de la plupart des villes européennes, où je passe beaucoup de temps et où l’on trouve des nationalités et des gens de toutes les origines ethniques, mais qui ne sont pas aussi intégrés. N’oubliez pas qu’avant Mamdani, nous avons eu comme maire Eric Adams, ancien policier noir, Mike Bloomberg, un milliardaire, et Rudy Giuliani, un républicain à l’époque respectueux de la loi et de l’ordre. La question de savoir si la candidature d’un musulman à la mairie de New York pouvait réveiller la mémoire du 11-Septembre ne s’est pas posée. Pour être honnête, jusqu’à ce que vous me posiez la question, je n’y avais même pas pensé. Et je crois que cela vaut pour la majorité des New-Yorkais. Il y a certainement des racistes et des antimusulmans ici. Mais cela n’a jamais été formulé publiquement. Que Mamdani soit le premier maire musulman de l’histoire de New York n’a compté pour personne. Les gens s’en moquent. 

“Il est problématique que le maire de New York avalise un discours rendant Israël responsable d’une grande partie des problèmes du monde. Ça s’inscrit dans un climat où l’antisémitisme de gauche et de droite s’enflamme” Roger Berkowitz

 

Le camp démocrate est-il divisé entre une ligne “socialiste” incarnée par Mamdani, comme par Bernie Sanders ou Alexandria Ocasio-Cortez, et une ligne plus libérale ? Et quelle est la ligne susceptible de constituer la meilleure opposition à Donald Trump ?

C’est la question la plus importante. Donald Trump a eu beaucoup de chance lors de ses campagnes victorieuses à la présidence, il a été confronté à des candidats incroyablement faibles, Hillary Clinton et Kamala Harris. La victoire de Mamdani à New York lui offre une nouvelle chance de présenter les démocrates comme des socialistes illuminés. Trump, qui a traité Mamdani de « mon petit communiste », va vouloir en faire son principal adversaire. Je crains donc qu’au niveau national, cette victoire, intéressante sur le plan local, ne nuise au parti démocrate… et ne fournisse un jour à Trump un prétexte pour envoyer la garde nationale à New York. Les élections d’octobre ont été prometteuses pour les démocrates : ils ont remporté des grandes villes comme New York mais aussi des États, comme en Virginie et au New Jersey, pour l’élection des gouverneurs. Dans tous ces scrutins, deux types différents de candidats ont gagné. En Virginie et dans le New Jersey, des femmes fortes – l’une est un ancien agent de la CIA –, plutôt centristes et non « woke », si je peux utiliser cet adjectif. Elles ont gagné haut la main contre des républicains pourtant populaires. Comme pour Mamdani, les enjeux sociaux et économiques ont été centraux. Et il n’a plus été question d’identité et de transidentité. Le parti démocrate est donc bien divisé entre deux lignes : radicale, anticoloniale et socialiste d’un côté ; patriotique, institutionnelle, mais aussi soucieuse de la préservation de l’État-Providence et de l’accessibilité des services publics de l’autre. Si au niveau local, le curseur entre ces deux lignes peut fluctuer en fonction de l’électorat, je redoute qu’au niveau national, la ligne « socialiste » ne l’emporte. Car, au vu du rapport de force électoral dans l’ensemble des États-Unis, elle n’a pas la moindre chance de constituer une plateforme majoritaire contre Trump.

“Le parti démocrate est divisé en deux lignes : radicale, anticoloniale et socialiste versus patriotique et institutionnelle. Si la première l’emporte, les démocrates n’auront aucune chance contre Trump au niveau national” Roger Berkowitz

 

Vous avez évoqué le recours à la garde nationale par Trump. Est-il envisageable que l’État fédéral et la ville de New York s’affrontent à l’avenir ? 

Oui, c’est possible. Les États-Unis sont un gouvernement fédéral où les États ont leurs propres gardes nationales et peuvent s’opposer au gouvernement national. Pour mobiliser la garde nationale de certains États contre d’autres États ou contre leur propre population, Trump a eu recours à une loi vieille de plus de 100 ans – ce qui a provoqué la colère des États en question. Nous nous trouvons donc dans une situation où les membres de la garde nationale de l’Illinois sont mobilisés à Chicago contre la volonté de ces États et contre leurs propres citoyens. La ville de New York, elle, n’a pas de garde nationale ni de rôle dans le système constitutionnel fédéral, mais l’État de New York, si. Dernièrement, des vidéos en format « mèmes » ont circulé sur Instagram où l’on voit des policiers de la ville de New York s’opposer aux agents fédéraux de l’ICE, la police de l’immigration, et leur dire qu’ils n’ont pas le droit d’exercer les contrôles au faciès qu’ils réalisent. Et l’on voit les uns arrêter les autres… Il s’agit d’une question très complexe, car si les lois fédérales sont supérieures aux lois nationales, aux lois des États et à celles des villes, les employés fédéraux peuvent agir en violant les lois de la ville. Certains actes excessifs commis par des agents fédéraux peuvent conduire à leur arrestation dans certains États. S’ils le faisaient vraiment, cela mettrait Donald Trump hors de lui et il invoquerait la loi sur l’insurrection pour mobiliser l’armée… La situation deviendrait explosive. Je ne dis pas que cela se produira. Mais Trump a tout intérêt à provoquer Zohran Mamdani qui, compte tenu de ce qu’il a dit et de sa base, aura lui-même intérêt à s’opposer à Donald Trump avec le plus de force possible. Cela pourrait conduire à un climat de de guerre civile d’autant plus inflammable qu’il y a beaucoup de gens armés à New York… Espérons qu’on n’en arrive pas là.

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