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La Lettre de Philosophie Magazine

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25.04.2025 à 17:00

Capitalisme de la finitude, technofascisme... “Succession”, série qui avait prédit les États-Unis de 2025 ?

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Capitalisme de la finitude, technofascisme... “Succession”, série qui avait prédit les États-Unis de 2025 ? nfoiry ven 25/04/2025 - 17:00

La série HBO de Jesse Armstrong, dont la dernière saison s’est terminée en 2023, brasse des thèmes politiques et philosophiques qui font écho à l’époque tourmentée que nous traversons. Ariane Nicolas, journaliste à Philosophie magazine et autrice du livre Succession. La Violence en héritage (Playlist Society), en propose un décryptage.

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Tous deux ont presque 80 ans, un physique de carrossier et une ambition aussi démesurée que brutale. Donald Trump et Logan Roy incarnent, chacun à leur manière, une certaine idée des États-Unis. Le premier, homme réel, entame un nouveau mandat de président ; le second, personnage fictif, dirige en tyran le conglomérat médiatique Waystar Royco dans la série Succession (HBO ; à voir en France sur différentes plateformes), l’une des grandes sagas de la décennie qui ausculte les travers d’une famille dysfonctionnelle chez les ultra-riches. 

Pour qui a regardé les quatre saisons de Succession, les résonances avec l’actualité sont frappantes. La série, diffusée dès 2018, lors du premier mandat Trump, s’intéresse aux rapports de force dans trois grandes sphères sociales : politique, entreprise, famille. Elle met en lumière l’esprit de prédation à la base du capitalisme, décrypte les rouages de la vague populiste contemporaine, anticipe les compromissions des grands géants de la « tech » et sonde l’hypothèse d’un devenir oligarchique, pour ne pas dire mafieux, dans toute organisation. Ou pourquoi la démocratie en Amérique n’est peut-être qu’une illusion…

 

Le pouvoir par la force

À peine investi, Donald Trump a lancé une guerre économique d’une rare brutalité : en émettant le souhait d’annexer le Groenland, en conditionnant la paix en Ukraine à la cession de terres rares par cet État souverain et en haussant les tarifs douaniers de manière drastique, y compris envers ses alliés, il fait trembler le monde en imposant sa volonté sans concertation aucune avec les instances légitimes. Quelle vision du monde cette agressivité dénote-t-elle ? La même que celle de Logan Roy, impitoyable patron qui menace, insulte et terrorise jusqu’à ses enfants : le règne de la force. 

“Comme Logan Roy, Donald Trump bafoue le droit, prend des décisions arbitraires, brusque ses partenaires de négociation et trompe son monde pour mieux exercer le pouvoir en solitaire”

La série Succession s’inspire du philosophe Thomas Hobbes pour dépeindre, non sans un certain pessimisme, des relations humaines fonctionnant sur le même mode que les lois de la nature. Dans son introduction au Léviathan, le philosophe Gérard Mairet rappelle que le projet moderne de Hobbes est de faire en science morale ce que Galilée a fait en science physique : « L’esprit est corporel et la pensée elle-même est une trace dans le corps marquée par les corps extérieurs. Le monde tel que Léviathan le conçoit, ce n’est plus le monde divin, immobile et plat, c’est le monde profane de l’action historique, le monde de la volonté et du calcul, c’est le monde des forces et de la force. » 

Si Hobbes développe cette idée, c’est pour mieux en montrer les dangers : dans l’état de nature, chacun est mu par la volonté de déployer sa force au maximum (pas seulement la force corporelle, mais son power, c’est-à-dire sa capacité d’agir, de mouvoir les choses, d’orienter les désirs), ce qui génère une violence sans fin. Il faut donc établir un contrat social pour endiguer les forces mauvaises émanant des individus, de sorte qu’une fois l’accord passé, ces forces violentes soient comme encapsulées dans ledit contrat. Or Donald Trump semble revenir à la phase initiale d’état de nature. Comme Logan Roy, il bafoue le droit, prend des décisions arbitraires, brusque ses partenaires de négociation et trompe son monde pour mieux exercer le pouvoir en solitaire. 

 

Le retour du refoulé colonial

À bien des égards, Succession est une série sur l’idée d’empire, qu’il soit politique, économique ou culturel. À travers la famille Roy, c’est le destin de l’empire américain tout entier qui nous est conté, de façon resserrée. Les États-Unis ont ce statut, unique dans l’histoire, d’ancienne colonie devenue première puissance mondiale. Depuis que la couronne d’Angleterre a plié bagages après l’indépendance en 1776, le pays est tiraillé entre un dessein expansionniste historiquement ancré dans la culture nationale – respectant l’aphorisme « Il faut que tout change pour que rien ne change » – et une tentation du repli sur soi, d’autoprotection, voire d’hostilité passive-agressive vis-à-vis des autres États. Comme si la peur de redevenir une colonie pointait toujours au coin de la rue. 

Replaçant cet inconscient colonial névrotique au cœur de la matrice américaine, Succession rappelle que soi-disant « la première démocratie du monde » a vu le jour sur fond de commerce triangulaire et de génocide. Lors du mariage de Shiv, la fille de Logan Roy, organisé dans un château anglais, le père interpelle un sénateur démocrate pour qui elle travaille : « Raffiné, ce château ? Des esclaves, du coton et du sucre. Ce pays n’est rien d’autre qu’une blanchisserie off-shore qui transforme le Mal en monnaie sonnante et trébuchante. » Le fait que Logan Roy soit d’origine écossaise lui donne la distance nécessaire pour regarder cette réalité en face. Se sachant « mal dégrossi, vulgaire et chahuteur », le milliardaire refuse évidemment toute contrition, ce qui le rapproche là aussi de Trump, un dominant sans Surmoi, fier de sa domination. 

 

L’ère du « capitalisme de la finitude »

La lubie annexiatrice de Trump envers le Groenland ou le canal du Panama nous paraît insensée et aberrante, et pourtant on pourrait arguer l’inverse : ce qui est surprenant, dans cette affaire, c’est que les États-Unis, un pays à la puissance militaire et économique inégalée, aient si longtemps respecté l’intégrité d’un territoire à la géographie et aux ressources stratégiques si importantes. Rien ne les empêchait de formuler cette ambition jusqu’à présent. Quelque chose a donc changé. Mais quoi ? La personnalité histrionique de Trump n’explique pas tout. Le contexte matériel est différent de celui du XXe siècle. L’appétit de prédation ne se fait plus par simple amour du gain, il est motivé par le changement climatique et l’épuisement des ressources. Pour un pays qui s’est longtemps pensé comme un eldorado sans limites, la bascule est radicale. 

Dès le premier épisode de Succession, Connor, le premier fils de Logan Roy, libertarien obtus, déclare à une petite fille : « Je possède cinq fermes au-dessus d’un lac souterrain. C’est mieux que l’or : bientôt les gens vont s’entretuer pour avoir accès à cette eau. » À l’instar de Connor, les capitalistes revendiqués ne peuvent être climatonégationistes. Tout au plus développent-ils publiquement des discours en ce sens, afin de séduire un électorat crédule ou mal informé. Pour qui s’intéresse de près ou de loin à l’allocation des ressources, la réalité relève de l’évidence : nous vivons sur une planète aux ressources limitées et nous entrons dans une ère où l’abondance n’est plus – y compris l’abondance d’une ressource a priori aussi facile d’accès que l’eau. 

“À mesure que la série Succession avance, une double alliance entre le pouvoir économique et politique s’opère”

Dans Le Monde confisqué. Essai sur le capitalisme de la finitude (XVIe-XXIe siècle) (Flammarion, 2025), l’économiste Arnaud Orain analyse les ressorts et les conséquences de ce nouveau paradigme. « Depuis la prise de conscience des limites écologiques de la planète, au début du XXIe siècle, nous sommes entrés dans le capitalisme de la finitude, résume-t-il pour Philomag.com. La nouvelle dichotomie n’est plus “libéralisme contre interventionnisme” mais, d’un côté, la promesse d’un monde d’enrichissement illimité et, de l’autre, l’idée que le monde est fini et ses ressources limitées. » Il n’est pas anodin que les industriels aient en partie rallié Trump pour son second mandat, alors qu’ils s’étaient plutôt faits discrets en 2016 : se rangeraient-ils derrière sa promesse d’une société où l’abondance n’aurait pas disparu, notamment celle de métaux rares, essentiels à l’économie numérique ?

 

Un technofascisme ?

On tient peut-être là l’aspect le plus visionnaire de Succession. À mesure que la série avance, une double alliance entre le pouvoir économique et politique s’opère : d’un côté, celle entre les Roy et Jeryd Mencken, candidat à la présidentielle républicain réactionnaire et masculiniste, raciste, anti LGBT+, sous des dehors de « gendre idéal » prônant des valeurs familiales traditionalistes (et qui n’est pas sans rappeler le vice-président J. D. Vance) ; de l’autre, le rapprochement entre le même Mencken et Lukas Mattson, un géant de la « tech » suédois, tout aussi masculiniste et raciste, quoique libertarien économiquement, qui lorgne l’entreprise Waystar (et qui n’est pas sans rappeler Elon Musk). À la fin de la série, s’il reste une incertitude quant à la victoire à la présidentielle de Mencken, l’alliance tacite des deux semble consommée. 

Jusqu’à 2024, les grands patron de la Silicon Valley penchaient plutôt du côté démocrate ou se gardaient d’afficher publiquement leur soutien à un candidat républicain. Depuis l’investiture de Donald Trump, ils ont effectué un spectaculaire retournement de veste, en retirant par exemple des programmes de soutien à la diversité (comme Mark Zuckerberg, patron de Facebook, Instagram et Whatsapp), voire en rejoignant (comme Joe Gebbia, cofondateur de Airbnb) les équipes d’Elon Musk et son programme Doge de destruction de l’administration fédérale, et ce malgré le soutien de ce dernier affiché aux partis fascistes et néonazis de par le monde, comme l’AfD en Allemagne. 

Certains voient dans cette alliance entre les grandes puissances du numérique et du politique un phénomène nouveau, le « technofascisme ». Le concept n’a pas de théoricien attitré, mais il combine des forces a priori contraires, à savoir un accélérationisme technologique et un retour aux valeurs réactionnaires. Grand bond en avant et retour en arrière... Comme le développe l’essayiste Giuliano da Empoli dans notre numéro consacré à la tyrannie, « l’outil technologique numérique confère à la tyrannie une forme inédite. Elle assure une machine de pouvoir globale, surpuissante et sophistiquée, qui permet de se passer des modes de répression à l’ancienne. » 

L’inquiétude vis-à-vis des fragilités de la démocratie américaine traverse toute la série Succession. Rétrospectivement, les mises en garde de Shiv, seule à s’alerter de la montée des forces antidémocratiques, tiennent de la prophétie de Cassandre. Tout était déjà là, montré, analysé, par le biais de la fiction. Le public américain a-t-il refusé de voir le danger, ou aspirait-il profondément au chaos ?

avril 2025

25.04.2025 à 08:00

Demandes de réparation : regarder le passé en face pour préparer l’avenir

nfoiry

Demandes de réparation : regarder le passé en face pour préparer l’avenir nfoiry ven 25/04/2025 - 08:00

En l’occurrence, il s’agit plutôt de crimes que d’erreurs : les demandes de réparation pour les actes commis par les esclavagistes et les colons affluent encore aujourd’hui, en Europe et aux États-Unis. Dans notre tout nouveau numéro, Cédric Enjalbert, une historienne, une philosophe et un juriste relèvent la richesse et les ambivalences de ces tentatives visant à transformer collectivement notre rapport à l’histoire. 

avril 2025

24.04.2025 à 18:20

Mûre de Berlin : comment j'ai surmonté la nostalgie au Mauerpark

nfoiry

Mûre de Berlin : comment j'ai surmonté la nostalgie au Mauerpark nfoiry jeu 24/04/2025 - 18:20

« Il est à Berlin une institution que fréquentent un peu les locaux, beaucoup les touristes : le Mauerpark. Ce marché aux puces, bordé d’une pelouse où se prélassent fêtards et familles, est situé sur l’ancien no man’s land, ou Todesstreifen (« bande de mort »), la zone interdite qui courait le long du mur de Berlin du côté de la RDA et dans laquelle les fugitifs ne pouvaient s’aventurer sans risquer d’être abattus. De cette époque ne reste plus grand-chose, si ce n’est l’arrière-mur – la deuxième limite construite par le régime communiste pour décourager ses citoyens de partir –, aujourd’hui couvert de graffitis.

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Pour ces vacances de Pâques, je me suis imposé un exercice mi-léger, mi-éprouvant : partir en famille dans un lieu que je connais comme ma poche pour y avoir vécu huit ans – et en profiter pour ranger de vieux cartons laissés à l’abandon dans la cave de mon ancien appartement. Un calvaire pour quiconque est, comme moi, à la fois dénué de sens pratique et prompt à la nostalgie. Je me suis retrouvée farfouillant dans des piles de vêtements, repêchant babioles et souvenirs, incapable de jeter quoi que ce soit, évidemment. J’ai beau savoir que je ne remettrai jamais ce manteau de fourrure jaune poussin ni cette minijupe en Skaï vermillon dans laquelle je ne rentre plus – les hivers parisiens sont plus cléments qu’à Berlin, et la seule pensée de sortir en boîte me donne aujourd’hui des rhumatismes –, je peine à bazarder les reliquats de ma jeunesse.

Je songeais à tout cela en contemplant les badauds se presser au Mauerpark. Ma belle-fille, 18 ans, achetait exactement les mêmes choses que moi il y a vingt ans, lorsque je m’échappai pour un été à Berlin juste après le bac. Sur les stands, on trouve des vinyles, des bijoux en toc… mais aussi des objets étranges, dont certains semblent avoir été chinés, d’autres abandonnés. Comme ces cartons remplis à ras bord de photos d’inconnus. Des gens dont vous avez l’impression de les connaître, tant leur dégaine vous rappelle quelque chose : des enfants des années 1980, souriant dans leur jogging fluo, des parents aux lunettes en écaille… Tous auraient pu être de votre famille, avoir vécu la même existence que la vôtre ou celle de vos proches. Qui sont-ils ? À quel moment ont-ils accepté que leurs visages se retrouvent exposés aux puces ? Ces photos ont probablement été ramassées après le décès de quelqu’un, par des gens qui ignoraient tout de leur vie, me disais-je. Une existence normale, dont nul ne saura rien.

Assise près de ma fille dormant dans la poussette, je regardais les jeunes se déhancher au son de la techno, comme je le faisais à l’époque. J’avais le sentiment de contempler le temps qui passe. Les larmes me montèrent aux yeux. Non que je regrette cette période révolue de mon existence : j’ai beau avoir adoré mes années berlinoises, je n’en suis pas plus nostalgique que les Allemands ne le sont de Berlin-Est. Je n’ai même pas eu l’idée d’aller voir si l’énorme graff que nous avions peint avec des copains il y a des années était encore là. Le présent recouvre le passé, et d’autres apprentis rebelles auront tenté de laisser une trace éphémère après nous. Je pleurais plutôt de joie, du plaisir d’être là – et tant pis si on oubliera tout de cette “vie minuscule” que fut la mienne, pour reprendre le titre du roman de Pierre Michon.

En flânant au Mauerpark, j’ai repensé à ce célèbre aphorisme de Nietzsche, publié dans Le Gai Savoir, et à ce qu’il appelle dans Ecce Homo “l’éternel retour” :

“Que serait-ce si, de jour ou de nuit, un démon te suivait une fois dans la plus solitaire de tes solitudes et te disait : ‘Cette vie, telle que tu la vis actuellement, telle que tu l’as vécue, il faudra que tu la revives encore une fois, et une quantité innombrable de fois ; et il n’y aura en elle rien de nouveau, au contraire ! il faut que chaque douleur et chaque joie […] reviennent pour toi, et tout cela dans la même suite et le même ordre […]’ — Ne te jetterais-tu pas contre terre en grinçant des dents et ne maudirais-tu pas le démon qui parlerait ainsi ? […] Si cette pensée prenait de la force sur toi, tel que tu es, elle te transformerait peut-être, mais peut-être t’anéantirait-elle aussi […] ! Ou alors combien il te faudrait aimer la vie, que tu t’aimes toi-même pour ne plus désirer autre chose que cette suprême et éternelle confirmation !”

Remuer la poussière des vieux cartons n’est pas d’une folle gaieté, à moins d’accepter sa vie telle qu’elle a été. Je crois que j’en suis proche. Serait-ce enfin ce qu’on appelle la maturité ? »

avril 2025

24.04.2025 à 17:00

“Sous le pontificat de François, on a vraiment saisi le caractère irréparable des fautes commises”

nfoiry

“Sous le pontificat de François, on a vraiment saisi le caractère irréparable des fautes commises” nfoiry jeu 24/04/2025 - 17:00

Le pontificat du pape François a été marqué par de nombreux scandales de violences sexuelles, malgré sa volonté affichée de résoudre ce problème au sein de l’Église catholique. Analyse de la philosophe Laurence Devillairs, autrice de Être quelqu’un de bien. Philosophie du bien et du mal (Points Essais, 2024).

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Le pape François a eu des mots plus forts que ses prédécesseurs pour condamner les violences sexuelles dans l’Église catholique. A-t-il réussi à réparer certaines erreurs, selon vous ?

Laurence Devillairs : Le pontificat du pape François avait ouvert un espoir à la fois spirituel et politique. En choisissant ce prénom en référence à saint François d’Assise, il signalait son désir d’exercer sa charge de manière simple, rigoureuse, attentive aux autres et aussi à la nature. Cette promesse de simplicité s’est vite traduite par sa manière spontanée de s’exprimer, sans fioritures. Il savait que si Benoît XVI lui avait passé la main, c’est aussi parce qu’il « tait en assez bonne santé pour entreprendre des réformes de l’institution ecclésiale. Le pape François se présentait plus comme le berger d’un troupeau, un homme pragmatique que comme un théologien et un intellectuel. Je pense qu’il y a eu une déception chez de nombreux fidèles, dont je suis. Plutôt qu’une grande réforme de l’Église et une prise en compte à grande échelle des affaires de violences notamment sexuelles, on a plutôt eu l’impression d’un pontificat rattrapé par les scandales, toujours en décalage avec le réel. 

 

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En quoi a-t-il déçu sur cette question ?

Son bilan est en demi-teinte. François a tenté de réformer la curie romaine et a nommé de nouveaux cardinaux. Il a pris en compte le problème des violences, notamment sexuelles, dans l’Église. Mais le monde chrétien est un monde du Logos, du verbe, du discours, et François n’a pas prononcé de discours puissant sur les offenses commises et le silence dont l’Église les a accompagnées pendant des décennies. Pourquoi ne s’est-il pas emparé de ce moment crucial, historique, pour proposer une nouvelle définition, théologique, du mot de « victime » ? Si quelqu’un pouvait le faire, c’était bien lui. D’abord, parce que l’Église était concernée au premier plan ; ensuite, parce que le mot de « victime » a une dimension religieuse – pas seulement chrétienne –, qui désigne ce que l’on sacrifie, et qui ne convient pas du tout.

 

“L’injustice – et la violence est une forme d’injustice – n’est jamais un simple accident : c’est toujours un fonctionnement général, avec ses ramifications et ses chaînes de responsabilités”

Vous dites qu’il était toujours « en retard d’un scandale ». Mais est-ce sa faute ? N’est-ce pas plutôt en montrant sa bonne volonté quant à la gestion de ces affaires, qu’il s’est exposé à voir sortir des révélations en cascade ?

C’est vrai aussi : il y a quelque chose dans le fait de vouloir réparer ses erreurs – ou celles des autres – qui semble sans fin. Quand on tente de réparer les erreurs, on peut se voir reprocher beaucoup plus d’erreurs que ce que l’on imaginait au départ. Pourquoi ? Cela tient à la nature de l’injustice. L’injustice – et la violence est une forme d’injustice – n’est jamais un simple accident : c’est toujours un fonctionnement général, avec ses ramifications et ses chaînes de responsabilités. Les abus commis par Henry Grouès [connu sous le nom d’« abbé Pierre »] le montrent bien. Tout le monde savait, et l’Église a tout couvert, sans cesse, depuis les années 1950. Dans ce cas précis, l’Église a commis en premier lieu une erreur, en mettant en avant ce personnage tout au long de sa vie, puis elle a commis une faute, en couvrant ses agissements. 

 

Quelle différence observez-vous entre une erreur et une faute ?

L’erreur, par définition, se répare. En philosophie, il y a de grands philosophes de l’erreur – Descartes, par exemple. Son problème est : comment l’erreur est-elle possible, alors que l’on a tous un entendement et une volonté qui nous permettraient d’être dans le vrai ? Descartes n’écrit sa méthode que pour essayer de corriger les erreurs. Concernant la faute, j’aurais une approche plus radicale, inspirée de Vladimir Jankélévitch : la faute ne se répare pas. Pour l’auteur du livre Le Pardon, il existe de l’irréparable, de l’impardonnable, de l’imprescriptible dans les relations humaines. Contrairement à l’erreur, la faute suppose qu’il y a une intention de nuire, et même une intention de détruire l’autre. Quand on commet une erreur, on se reprend et on essaie de rectifier le tir. Quand on commet une faute, on le fait consciemment, par méchanceté, par cruauté, sans chercher à le surmonter, au contraire. Dans la faute, il y a le mal. Je crois que sous le pontificat de François, on a vraiment saisi le caractère irréparable des fautes commises et subies.

 

Comment concilier l’idée de l’irréparable avec l’exigence de justice ?

Essayer de concilier les deux témoigne à la fois des difficultés et de la force du droit. Certains philosophes, comme Paul Ricœur, font du pardon l’horizon de la justice. Je ferais au contraire de l’impardonnable l’horizon et le fondement de la justice. Quand la violence nous réduit à rien, quand elle nous annihile, il n’y a pas de pardon, pas de consolation possibles. Cependant, penser comme je le fais une morale sans pardon, une morale de l’irréparable, cela ne veut pas dire se passer de justice, bien au contraire ! Dire qu’une chose est impardonnable est une manière de réclamer justice. La justice doit se faire en écoutant la victime lorsqu’elle dit que ce qu’elle a enduré est irréparable, donc impardonnable. Je parle ici des fautes les plus graves, le viol, l’inceste, le meurtre et les humiliations. Et d’un point de vue chrétien, ces fautes sont à ce point graves que seul un Dieu peut nous sauver et nous libérer. Après tout, qu’est-ce qu’est venu faire Jésus, si ce n’est réparer les offenses que seul Dieu peut réparer ? 

 

“Même si les fautes sont impardonnables, il faut demander pardon aux victimes. Cette demande, je ne l’ai pas tellement entendue, sous le pontificat de François”

Que peut la justice humaine si, du point de vue du croyant, le salut ne peut venir que d’un Dieu ?

Il ne faudrait surtout pas permettre à l’Église d’escamoter le processus de justice. Cette institution a trop longtemps bénéficié d’un entre-soi et d’une grande opacité. Les commissions ad hoc, les dialogues à huis clos, la justice restaurative, interne à l’Eglise, cela ne suffit pas. Les fautifs doivent comparaître devant les tribunaux civils, les coupables doivent être nommés publiquement et lourdement punis. Il en reste encore beaucoup qui bénéficient de l’impunité. Par ailleurs, l’Église doit demander fermement, formellement, pardon aux victimes, et ne pas se contenter d’engager un « dialogue ». Même si les fautes sont impardonnables, il faut demander pardon aux victimes. Cette demande, je ne l’ai pas tellement entendue, sous le pontificat de François. Il me paraît plus important de reconnaître ses fautes que de réparer ses fautes. Reconnaître ses fautes, ce n’est pas nier ce qui a eu lieu, mais l’assumer. C’est regarder l’histoire en face et avouer, confesser : « Oui, cette chose s’est produite. » L’histoire a été ce qu’elle a été, ce qui a eu lieu est indépassable, mais cela a eu lieu. Comme l’Inquisition. 

 

François a-t-il commis d’autres fautes, d’après vous, lors de son pontificat ?

J’en verrais au moins une, de nature géopolitique. François n’a absolument rien compris à ce qui se passait en Ukraine. Là encore, son erreur s’est redoublée d’une faute. D’un côté, il n’a pas eu le sens de l’histoire, contrairement à Jean-Paul II qui avait pris la mesure de la chute de l’URSS. François n’a pas saisi la gravité de l’invasion en Ukraine et ce qu’elle représentait pour l’Europe. Et il a redoublé cette erreur d’une faute lorsqu’il a appelé à la paix, juste après l’invasion. Je suis spécialiste de la philosophie de Pascal. Dans ses Pensées, le philosophe explique qu’il y a des paix qui sont injustes. Il donne d’ailleurs l’exemple d’un État qui en envahit un autre. Or il faut qu’une paix soit juste pour être durable. Avec la question des violences notamment sexuelles, cette question de la paix est l’une de celles que le successeur de François aura à repenser.

avril 2025

24.04.2025 à 09:00

Comment ne pas se tromper au sujet de l'erreur ?

nfoiry

Comment ne pas se tromper au sujet de l'erreur ? nfoiry jeu 24/04/2025 - 09:00

Tout le monde peut se tromper, même ceux qui aspirent à bien se conduire. Une erreur, c’est un peu comme un vase qu’on aurait cassé, mais qui est inaccessible parce qu’il se trouve quelque part dans le passé. Dans l'article qui ouvre le grand dossier de notre tout nouveau numéro, en vente dès aujourd'hui chez votre marchand de journaux, Alexandre Lacroix tente de recoller les morceaux.

avril 2025

24.04.2025 à 08:00

“Peut-on réparer ses erreurs ?” Le nouveau numéro de “Philosophie magazine” sort ce jeudi

nfoiry

“Peut-on réparer ses erreurs ?” Le nouveau numéro de “Philosophie magazine” sort ce jeudi nfoiry jeu 24/04/2025 - 08:00

Chacun de nous est hanté par son passé, par de mauvais choix, des maladresses, des paroles blessantes qui ont eu des conséquences néfastes sur nous-mêmes et sur notre entourage. La vie n’est pas un parcours où l’on pourrait viser le sans-faute… Mais comment échapper au regret, à la culpabilité, et tenter de compenser ce mal qui est derrière nous ? 

Réponses dans le tout nouveau numéro de Philosophie magazine à retrouver dès aujourd’hui chez votre marchand de journaux !

avril 2025

23.04.2025 à 18:00

Habemus papa : peut-on vraiment vivre sans Dieu, ni maître, ni (saint) père ?

nfoiry

Habemus papa : peut-on vraiment vivre sans Dieu, ni maître, ni (saint) père ? nfoiry mer 23/04/2025 - 18:00

« Je me suis souvenu d’une anecdote, en voyant les hommages rendus au pape François. J’ai assisté autrefois à un dialogue qui promettait d’être philosophique entre un psychanalyste et un historien… jusqu’à ce que ce dernier, furieux, lance un livre à la face de son interlocuteur et lui ordonne de quitter son bureau. Il avait été piqué au vif…

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… Par un sarcasme ! De mémoire, le psychanalyste avait lancé, en substance : “Votre croyance est celle d’un petit enfant qui recherche un gentil papa.” Son interlocuteur était effectivement un penseur chrétien et lui un athée ironique. Rétrospectivement, cette provocation était peu charitable et surtout assez vaine, puisqu’elle avait mis fin à toute conversation. Mais le persifleur avait-il complètement tort ? Certes, il aurait pu mettre les formes. Reste qu’étymologiquement, et c’est pourquoi j’y pense, le pape est un “papa”. Issu du grec “pappa”, ce terme infantile désigne le père, selon le linguiste Alain Rey, et il est appliqué par affection aux évêques avant de l’être exclusivement à celui de Rome – c’est-à-dire au souverain pontife. C’est ainsi que les fidèles regrettent la disparition de François, comme ils viendraient saluer un père. Et “Papa Francisco”, comme l’appellent les Argentins, a finalement rejoint la “maison du Père”.

Sigmund Freud a lui-même fait de dieu un père de substitution et une manifestation de l’illusion religieuse. Dans L’Avenir d’une illusion (1927), il montre comment cette figure paternelle dotée d’un amour universel comble efficacement la détresse infantile de l’humanité, de même qu’un enfant se réfugie dans les bras rassurants du père. Il fait aussi de tous les croyants des frères. L’illusion répond donc à un désir (pas seulement à un aveuglement) : elle assure un sens à l’existence, contre son absurdité et sa violence. “Nous savons déjà que l’impression effrayante de l’impuissance infantile a éveillé le besoin de protection – protection par l’amour – auquel le père a apporté son aide ; la reconnaissance de la persistance de cette impuissance tout au long de la vie a causé l’attachement à l’existence d’un père désormais plus puissant”, relève Freud. Selon le psychanalyste, l’avancée des sciences dissipera cette illusion – une certitude démentie par les chiffres, puisque le nombre de catholiques seraient, selon le Vatican, en hausse depuis 1970, atteignant près d’1,4 milliard en 2023.

Alors, peut-on vraiment se passer du père tout-puissant, des papes et des papesses ? Freud le croit : “Je vous contredis donc quand vous déduisez ensuite que l’homme ne peut absolument pas se passer de la consolation de l’illusion religieuse, qu’il ne pourrait sans elle supporter la difficulté de la vie, la cruelle réalité. Oui, il en est incapable, l’homme à qui vous inoculez depuis l’enfance un poison si doux – ou doux-amer. Mais l’autre, celui qui a été élevé sobrement ? […] Il sera dans la même situation que l’enfant qui a quitté la maison paternelle où il était à l’aise et bien au chaud.” Selon lui, l’être humain doit sortir de “l’infantilisme” pour affronter la “vie hostile”, par une “éducation à la réalité”. Comment ? En affrontant cette angoisse à l’aide d’un autre dieu, le “dieu Logos”, celui du langage… Où le pape de la psychanalyse prêche finalement pour sa paroisse !

Trois objections peuvent lui être faites. D’abord, la discipline n’invente-t-elle pas une nouvelle figure de l’autorité paternelle à travers celle du psychanalyste ? Ensuite, Freud ne néglige-t-il pas la possibilité d’une religion sans dogme, d’une mystique qui ne soit pas incarnée par un père tout-puissant ? Enfin, ce pourrait être reconduire une illusion que de penser vivre pleinement sans attaches ni filiations, selon un idéal d’autonomie hérité des Lumières, qui a pu aboutir à une conception totalement désincarnée du sujet. Bref, peut-on vraiment vivre sans Dieu, ni maître, ni papa ? »

avril 2025

23.04.2025 à 16:05

Derniers instants du pape François : est-il possible de retarder sa propre mort ?

nfoiry

Derniers instants du pape François : est-il possible de retarder sa propre mort ? nfoiry mer 23/04/2025 - 16:05

Et si le pape François avait choisi son moment ? Mort au lendemain de Pâques après une apparition épuisante devant les fidèles, faut-il lire sa disparition comme un geste politique, une volonté de retarder sa mort après une fête symbolique, ou bien plutôt comme un étrange « miracle » de l’action ? 

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Sur le parvis de la place Saint-Pierre à Rome, ce dimanche de Pâques, les fidèles retiennent leur souffle... comme pour mieux en donner au pape François qui a la voix faible, les yeux hagards et la gestuelle épuisée. « Frères et sœurs, joyeuses Pâques », parvient-il à dire. À peine la traditionnelle bénédiction prononcée, sa main s’écroule, sa tête retombe, ses yeux se ferment un instant. Le pape est alors comme écrasé par un effort surhumain. 

Un effort qu’il réitère ensuite, en se déplaçant parmi la foule à bord de la papamobile. L’effort de trop ? Le lendemain, au petit matin, la Vatican annonce son décès : Jorge Bergolio n’a pas survécu à un accident vasculaire cérébral. La connexion logique avec l’effort de la veille est immédiatement réalisée : le pape serait mort de son ultime geste. Mais le fait qu’il soit disparu le lendemain de la fête de Pâques double cette connexion d’une étrange coïncidence, aux yeux de certains : au lendemain du jour où le Christ descend sur Terre, le représentant de Dieu monte au ciel – pour reprendre la terminologie chrétienne. Là où les plus fervents des croyants ne peuvent s’empêcher de voir un « signe », les non-croyants n’y voient qu’une simple coïncidence.

 

Partir au bon moment

Et si la mort de François avait été en réalité repoussée… par lui-même ? L’hypothèse de l’existence d’une capacité à décaler sa propre mort peut, au prime abord, paraître farfelue. Elle est pourtant étayée par un article scientifique publié en 1990, co-écrit par le chercheur David Philips, affilié à l’université de Californie. En analysant les statistiques de la communauté chinoise de Californie, il constate que la mortalité baisse avant la fête de la Lune, importante pour cette communauté, et augmente significativement juste après. Il en conclut ainsi que la mort « peut être brièvement repoussée jusqu'à la survenue d'une occasion importante ». Autrement dit, nous serions capable de littéralement retenir notre souffle, pour partir au bon moment.

“La mission au cœur du peuple est quelque chose que je ne peux pas arracher de mon être si je ne veux pas me détruire”Pape François

Dimanche, chacun a pu constater la force mobilisée par François, comme un dernier geste en accord avec ses convictions les plus intimes. Proche intellectuellement de la « théologie du peuple », branche argentine de la théologie de la libération, François écrivait en 2013 dans  sa lettre d’exhortation apostolique Evangelii gaudium (« la joie de l’Évangile »), comment « la mission au cœur du peuple n’est ni une partie de ma vie ni un ornement que je peux quitter, ni un appendice ni un moment de l’existence. Elle est quelque chose que je ne peux pas arracher de mon être si je ne veux pas me détruire ». Et d’ajouter « je suis une mission sur cette terre, et pour cela je suis dans ce monde ». Renoncer à l’ultime déambulation en papamobile, rester perché sur son balcon, cela aurait été renoncer à la mission qu’il s’était donnée, avec laquelle il s’identifiait dans sa chair.

 

« Toute action est un miracle »

Un acte qui confine au « miracle », tel que compris par Hannah Arendt. La philosophe remarque que l’existence de l’humanité tient à une « improbabilité infinie ». Entre l’émergence de la vie sur terre et l’évolution des espèces, notre situation historique ressemble à un concours de circonstances parfaitement improbable : « Le mouvement linéaire de la vie de l’homme entre la naissance et la mort ressemble à une déviation bizarre par rapport à la loi commune, naturelle, du mouvement cyclique » (Condition de l’homme moderne). Dans son article Qu’est-ce que la liberté ? (repris dans La Crise de la culture), elle conclut dans cette belle formule : « Tout acte est un “miracle” – c’est-à-dire quelque chose à quoi on ne pouvait s’attendre. » 

Malgré sa fatigue extrême, le pape frappe ainsi par son souci de mettre en conformité son projet et son action : il recommence un nouvel acte, en tutoyant les limites physiques de son corps. Si la scène frappe les croyants comme les non-croyants, c’est que, loin de repousser la mort, elle célèbre cette puissance de la « nouveauté » louée par Arendt, cette force de la liberté prise dans ses ultimes retranchements. Arendt écrit encore, dans une envolée quelque peu lyrique, que « seule l’expérience totale de cette capacité peut octroyer aux affaires humaines la foi et l’espérance. […] C’est cette espérance et cette foi dans le monde qui ont trouvé sans doute leur expression la plus succincte, la plus glorieuse dans la petite phrase des Evangiles annonçant leur “bonne nouvelle” : “Un enfant nous est né !” ». 

La nouveauté était d’ailleurs au cœur de la dernière homélie de François, lue par le cardinal Angelo Comastri, ce dimanche. Elle se terminait par ces mots : « Tout est nouveau, Seigneur, et rien n’est répété, rien n’est vieux. Nous pouvons dire : avec Toi, Seigneur, tout est nouveau. Avec Toi, tout recommence. »

avril 2025

23.04.2025 à 16:00

Donald Trump : le grand retour du mercantilisme ?

nfoiry

Donald Trump : le grand retour du mercantilisme ? nfoiry mer 23/04/2025 - 16:00

Avec ses droits de douane qui font trembler le monde et inquiètent les marchés financiers, Donald Trump semble tourner le dos à la doctrine libérale du libre-échange et ressusciter un vieux courant économique, le mercantilisme. Mais utiliser l’économie pour garantir sa puissance est un chemin semé d’embûches. C’est ce que montre notre enquête sur une école de pensée mal connue. 

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Les tarifs douaniers que cherche à imposer Donald Trump marquent, d’après certains spécialistes, le retour d’un ancien courant, le mercantilisme, apparu durant la Renaissance – même si le terme lui-même n’est apparu qu’au XVIIIe siècle. Si le mercantilisme ne forme pas un corps de doctrines unifiées, il marque une nouvelle de penser l’économie. Durant le Moyen Âge, en effet, la pensée économique est une ramification de la théologie chrétienne scolastique, pas un domaine autonome. L’économie désigne alors la gestion des affaires domestiques. Avec la modernité, elle devient politique : c’est un enjeu public, collectif, qui intéresse la nation tout entière, et tout particulièrement les États qui sont en voie de consolidation et de centralisation. Le nouveau discours économique qui émerge n’est plus le fait de théologiens raisonnant sur des problèmes généraux dans une optique universaliste, mais celui d’auteurs laïcs qui s’adressent directement aux puissances publiques. 

 

Un pionnier italien de la “raison d’État”

C’est l’homme de lettres italien Giovanni Botero (1544-1617) qui passe pour le pionnier du mercantilisme. Dans son essai Della Ragion di Stato (1589 ; disponible dans une édition française récente chez Gallimard), il avance l’idée de « raison d’État », qui comprend une dimension économique majeure. « Botero effectue une opération originale : il place la question économique au cœur même de la pensée politique et de la théorie de l’État », souligne Romain Descendre dans l’article « Raison d'État, puissance et économie. Le mercantilisme de Giovanni Botero ». 

Développement économique et développement de la puissance de l’État vont de pair. L’État doit intervenir dans l’économie pour la stimuler, car c’est de là qu’il tire une grande partie de sa force. Sur le plan défensif, il s’agit de protéger l’économie intérieure. Sur le plan offensif, il faut absorber une partie de la puissance économique des autres pays. Le commerce extérieur, en pleine croissance alors que se déploie la première mondialisation, devient alors un enjeu central. Il est important que l’État maintienne une balance commerciale excédentaire. Pour parvenir à l’excédent, les gouvernements disposent de toute une palette d’instruments économiques : tarifs douaniers, quotas d’importation, subvention aux exportations afin de rendre les produits nationaux plus compétitifs, etc. Un « nationalisme économique » émerge peu à peu. Botero serait-il le véritable ancêtre de Trump ?

 

Des châteaux en Espagne

Dans l’Espagne du XVIe siècle se développe une forme maladroite de mercantilisme, qualifiée de bullionisme (le terme est construit à partir de l’anglais bullion, qui signifie « lingot »), dans les cercles intellectuels. Pour les économistes espagnols de l’époque, comme Luis Ortiz, Sancho de Moncada, Tomás de Mercado et Pedro Fernández de Navarrete, la richesse d’une nation est fonction de ses réserves en métaux précieux – principalement l’or et l’argent. La politique économique doit donc s’efforcer avant tout de les accroître. 

Ce n’est pas un hasard si cette idée, qui est l’un des grands traits caractéristiques du mercantilisme, s’affirme dans le monde hispanique. En Amérique, l’Espagne est à la tête d’un immense empire colonial où l’on découvre beaucoup d’or. Le pays recourt, dans ses entreprises militaires, à de coûteuses compagnies de mercenaires. Plus d’or garantit donc les conquêtes futures. Mais, en matière commerciale, l’Espagne se concentre sur l’exportation de matières premières à bas prix et importe des produits manufacturés coûteux. Ceci nuit au développement de sa production manufacturière, crée une dépendance et conduit finalement au gaspillage d’une richesse que l’Espagne entendait accumuler. Les politiques inspirées par le bullionisme s’avèrent être un échec. « La mentalité qui l’inspire n'est pas celle d'un commerçant, mais d'un propriétaire soucieux de ne rien laisser sortir de son domaine et qui d'ailleurs au terme de ce régime s'épuisera dans une lente et progressive anémie », résume au XXe siècle l’économiste français Claude-Joseph Gignoux

 

Colbert : un mercantilisme à la française

Les idées mercantilistes se développent également en France. Sébastien Le Prestre de Vauban, tout en prônant un interventionnisme étatique, critique le primat exclusif de l’or dans la conception de la richesse : « Ce n'est pas la grande quantité d'or et d'argent qui font les grandes et véritables richesses d'un État, puisqu’il y a de très grands pays dans le monde qui abondent en or et en argent, et qui n’en sont pas plus à leur aise, ni plus heureux […]. La vraie richesse d'un Royaume consiste dans l'abondance des denrées, dont l'usage est si nécessaire au soutien de la vie des hommes, qu’ils ne sauraient s’en passer » (Projet d’une dixme royale, 1707).

“On ne peut augmenter l’argent dans le royaume qu’en même temps que l’on en ôte la même quantité dans les États voisins”Jean-Baptiste Colbert

Les métaux précieux n’en restent pas moins un élément central, et « on ne peut augmenter l’argent dans le royaume qu’en même temps que l’on en ôte la même quantité dans les États voisins », écrit Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), l’un des principaux ministres de Louis XIV. Il faut cependant utiliser cette richesse à bon escient : non simplement la thésauriser mais l’investir dans le développement des forces productives, favorables à l’exportation. Colbert met en œuvre des politiques mercantilistes novatrices, qui incarnent un protectionnisme fort. Il est l’instigateur de dispositions qui visent, tout en limitant certaines importations dont on craint qu’elles ne dépouillent le pays de sa richesse, le développement de l’industrie, afin de favoriser l’exportation de produits au prix de revient élevé. 

Plusieurs mesures sont adoptées en ce sens : des incitations fiscales (réductions d’impôts et subventions) pour favoriser le développement de la production manufacturière, des mesures protectionnistes taxant beaucoup (voire prohibant dans certains cas) les importations de produits manufacturés, des interdictions d’exportation de matières premières, des monopoles de fabrication sur certaines productions (manufactures royales), etc. La France devient rapidement un grand pays exportateur de produits manufacturés, notamment de produits textiles. Les idées de Colbert influenceront notamment le caméralisme, version allemande du mercantilisme. Guillaume-Frédéric Ier de Prusse préconisait ainsi une gestion centralisée de l’économie au bénéfice de l’État, qui est le principal acteur de la prospérité collective.

 

Le pragmatisme britannique

Superpuissance commerciale et maritime dans un monde globalisé, le Royaume-Uni est l’autre grande patrie du mercantilisme. Les penseurs de ce courant sont nombreux. Ce sont parfois des politiques, comme Robert Walpole, premier véritable Premier ministre de Grande-Bretagne, parfois des juristes comme l’Écossais James Steuart, qualifié de « dernier mercantiliste ». Mais le plus souvent, ce sont des marchands. On retrouve, de l’autre côté de la Manche, à peu près les mêmes idées, même si le protectionnisme anglais paraît moins radical. Les importations de matières premières ne sont pas taxées, au contraire de celles de produits manufacturés. Les droits de douane restent relativement faibles. Tout est fait pour faire gonfler la « balance du commerce ». Cette formule occupe une place importante dans les réflexions économiques en Angleterre. 

Comment obtenir une balance commerciale excédentaire ? L’importation peut être utile si elle permet, à bas coût, de fournir des matières premières ensuite transformées en biens d’exportation onéreux. Les commercialistes comme Thomas Mun (dirigeant de la Compagnie anglaise des Indes orientales) invitent surtout à jouer sur le différentiel de prix entre les différents marchés pour enrichir le pays par un véritable art de l’achat et de la revente avec profit. « Acheter à bon marché et vendre cher », tel est le leitmotiv des compagnies commerciales. 

Cette stratégie exige un vaste réseau mondial, ce dont dispose l’Angleterre. Les Navigation Acts sont un élément central des politiques mercantilistes anglaises : ils interdisent aux navires étrangers de transporter des marchandises vers ou depuis les colonies anglaises – ce qui garantit à la métropole la captation des richesses du pillage colonial – et interdisent aux navires étrangers d’accoster dans les ports anglais s’ils ne transportent pas de marchandises anglaises. Le but était de concurrencer les Pays-Bas, et d’asseoir le statut du Royaume-Uni comme puissance dominante du commerce mondial. Ce sera un succès. Les compagnies anglaises règnent sur le commerce, comme la Compagnie britannique des Indes orientales, fortifiée par le monopole qui lui est accordé sur le commerce dans l'océan Indien. 

 

Quand le libre-échange ringardise le mercantilisme

Les critiques du mercantilisme se multiplient à l’aube de l’ère des révolutions politiques et industrielles. Les physiocrates français, au XVIIIe siècle, notamment le médecin et économiste François Quesnay et Victor Riquetti de Mirabeau, père de la grande figure de la Révolution, lancent la charge. Leurs attaques portent sur différents points. 

D’abord, l’idée que la richesse d’un pays se juge à l’aune de la richesse de l’État leur paraît réductrice : la richesse globale de l’ensemble des habitants est une dimension essentielle de la prospérité.D’autre part, les physiocrates s’en prennent au primat de l’or : à leurs yeux, la richesse comprend tous les biens qui répondent à un besoin, et pas seulement les métaux précieux. À l’extrême, on pourrait presque dire de ceux-ci qu’ils comptent à peine dans la richesse, car ils n’ont guère d’utilité lorsqu’ils sont simplement thésaurisés. La monnaie n’est qu’un intermédiaire d’échange.Troisième critique : ce n’est pas le commerce et l’industrie qui sont source de richesse, c’est la terre, seule capable de produire un surplus de valeur. La terre, en alliance avec le travail humain, multiplie d’elle-même les biens. L’industrie se contente de transformer ce que la terre produit ; le commerce se contente d’échanger sans rien ajouter.Enfin, pour les physiocrates, précurseurs en cela du libéralisme économique, l’intervention de l’État dans l’économie est néfaste : l’économie est gouvernée par des lois physiques, « naturelles », que l’action étatique perturbe. 

 

La victoire du libéralisme

Adam Smith, le père fondateur du libéralisme, reprend bon nombre de ces critiques dans ses Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations : « La richesse d'un pays ne consiste pas uniquement dans son or et son argent, mais qu'elle consiste dans ses terres, ses maisons et ses biens consommables de toutes sortes. » Avec Smith, c’est l’âge du libre-échange qui s’annonce. Le commerce n’est plus considéré comme un jeu à somme nul. 

“Les nations, de plus en plus spécialisées dans les domaines où elles excellent, sont aussi de plus en plus interdépendantes les unes des autres”

L’idée des avantages comparatifs de David Ricardo, autre grande figure britannique, fait un pas supplémentaire dans cette direction : « L’Angleterre peut se trouver dans des circonstances telles qu’il lui faille, pour fabriquer le drap, le travail de cent hommes par an, tandis que, si elle voulait faire du vin, il lui faudrait peut-être le travail de cent vingt hommes par an : il serait donc de l’intérêt de l’Angleterre d’importer du vin et d’exporter en échange du drap. En Portugal, la fabrication du vin pourrait ne demander que le travail de quatre-vingts hommes pendant une année, tandis que la fabrication du drap exigerait le travail de quatre-vingt-dix hommes. Le Portugal gagnerait donc à exporter du vin en échange pour du drap. » L’ouverture des frontières doit favoriser l’émergence d’un monde pacifié où les nations, de plus en plus spécialisées dans les domaines où elles excellent, sont aussi de plus en plus interdépendantes les unes des autres.

 

Le come-back du mercantilisme

Les barrières commerciales, pourtant, demeurent. Elles trouvent même de nouveaux avocats. Alors que le libéralisme économique gagne du terrain en promouvant un « laisser-faire » réputé bénéfique pour toutes les nations et pour la prospérité du globe, un courant néomercantiliste émerge au début entre le milieu du XIXe siècle et le début du XXe siècle. C’est surtout dans l’entre-deux-guerres que le mercantilisme revient en force. Avec la crise de 1929, le libre-échange est contesté. 

“Est-il bien raisonnable de commercer n’importe comment avec n’importe qui ? D’échanger à l’avantage de nations qui seront peut-être, demain, des adversaires ?”

Dans un monde bouleversé, le libéralisme est accusé d’alimenter les maux propres aux sociétés industrielles, à commencer par la prolétarisation. John Maynard Keynes, quoique résolument libéral, se montre sensible aux questions sociales et critique aux dérives du libre-échange. Promoteur de politiques interventionnistes (comme le New Deal), il réhabilite certaines idées mercantilistes. L’interconnexion économique d’un monde globalisé interroge aussi d’un point de vue géostratégique, à l’aune de la catastrophe de la « grande guerre », alors que la Seconde se profile à l’horizon. Est-il bien raisonnable de commercer n’importe comment avec n’importe qui ? D’échanger à l’avantage de nations qui seront peut-être, demain, des adversaires ? 

 

Libre-échange ou mercantilisme éclairé ?

Les principes de libre-échange gagnent à nouveau du terrain après la Seconde Guerre mondiale, surtout à partir du tournant néolibéral des années 1970-1980. Les barrières douanières s’effritent. L’État se retire de plus en plus de l’activité commerciale. S’agit-il vraiment d’une libéralisation globale ? Le célèbre économiste Paul Krugman préfère parler d’un « mercantilisme éclairé » à propos du General Agreement on Tariffs and Trade (Gatt) de 1947, qui donne naissance à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) : « La pensée du Gatt est un mercantilisme éclairé. Il est mercantiliste en ce sens qu'il suppose que chaque pays, agissant de son propre chef, souhaite subventionner les exportations et restreindre les importations. Mais elle est éclairée en ce sens qu'elle reconnaît qu'il est destructeur que chacun agisse de la sorte et qu'il est bon que chacun accepte de développer les échanges en acceptant les exportations des autres. » 

“La politique commerciale actuelle est déjà basée sur une théorie mercantiliste, et non sur un attachement au principe du libre-échange”Paul Krugman

S’il est présenté comme une manière d’imposer le libre-échange, Krugman voit plutôt le Gatt comme un système multilatéral de négociation visant à favoriser les concessions mutuellement avantageuses entre l’ensemble des pays. Le but est bien, à l’horizon, la disparition des barrières commerciales ; mais il s’agit d’abord d’un processus progressif, qui n’implique pas d’emblée une suppression symétrique, réciproque, des droits de douane. Pour l’économiste, « la politique commerciale actuelle est déjà basée sur une théorie mercantiliste, et non sur un attachement au principe du libre-échange ». Certains iront plus loin, dénonçant les institutions supposées promouvoir le libre-échange mondial – l’OMC, la Banque mondiale ou le Fonds monétaire international – comme l’instrument d’une domination commerciale de certains pays – les États-Unis, en premier lieu. 

 

Pallier un défaut de compétitivité ?

Une chose est certaine : le mercantilisme, protéiforme, n’a pas complètement disparu avec ce qu’on présente comme une poussée libérale continue depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Protectionnisme et droits de douane ont continué d’exister, quoique discrètement. Ils reviennent aujourd’hui sur le devant de la scène, avec les annonces fracassantes de Donald Trump. Pour quelle raison ? Des décennies durant, les États-Unis ont été, sans doute, parmi les plus fervents défenseurs du libre-échangisme. Cette position avait des motivations économiques : des importations moins chères, l’ouverture de marchés étrangers aux entreprises américaines exportatrices. Les États-Unis considéraient que le pays était assez compétitif dans de nombreux domaines, notamment des secteurs à forte valeur ajoutée, pour s’imposer sur les marchés étrangers sans soutien étatique, ce qui était effectivement le cas dans de nombreux cas. 

Mais la défense du libéralisme n’était pas seulement motivée par des intérêts purement économiques. L’objectif était aussi politique, symbolique et idéologique. Il s’agissait pour les États-Unis de refaire le système mondial selon un modèle propre, opposé au grand adversaire soviétique. Pour y parvenir sur le long terme, les États-Unis qui entendaient jouer un rôle à part ont cherché à donner l’exemple, acceptant parfois l’ouverture unilatérale de leur marché sans réciprocité. Les politiques d’ouverture unilatérale permettaient aussi de soutenir l’économie de certains pays alliés, et ainsi de consolider des alliances. Bref, l’idéologie a parfois poussé l’Amérique à accepter, au nom d’un projet de long terme, des conditions commerciales désavantageuses. 

“Les États-Unis de Trump veulent pouvoir user de l’économie et du commerce comme d’un instrument majeur de la puissance politique, selon des logiques d’intérêts et des logiques idéologiques”

Or le pays ne paraît plus assez compétitif, selon le nouveau président américain, pour s’imposer à l’étranger sans protection. Donald Trump impute la désindustrialisation et le chômage à l’ouverture commerciale. Il lui impute aussi le renforcement de puissances hostiles, à commencer par la Chine. Les États-Unis de Trump veulent donc pouvoir user de l’économie et du commerce comme d’un instrument majeur de la puissance politique, selon des logiques d’intérêts et des logiques idéologiques. Le nouveau président considère que, débarrassé de cette lourde mission – la libéralisation du monde –, le pays retrouvera sa compétitivité et retrouver son statut déclinant de superpuissance hégémonique. 

 

Montrer des muscles de plus en plus faibles

Ses décisions douanières se rattachent-elle au mercantilisme ? En apparence seulement. Les tarifs douaniers que Trump veut instaurer résultent de l’application d’un principe grossier : la réciprocité, la symétrie. Ils ne tiennent pas du tout compte des spécificités du commerce avec chaque pays, du type de biens en jeu dans telle ou telle dynamique d’échange. Le mercantilisme, passé l’obstination bullioniste aveugle pour l’or, avait fait un art subtil de ces équilibres délicats entre ce dont il faut favoriser ou restreindre dans l’importation et l’exportation. 

Le président américain, lui, y va à la hache, sans négociations, sans différenciation. Son geste semble traduire le désarroi d’un pays qui rêve d’un âge d’or disparu, plus qu’une véritable stratégie de développement économique et de renforcement conjoint de la nation. C’est une manière de montrer que l’Amérique est forte et peut faire comme elle l’entend, alors que, dans un monde de plus en plus multipolaire, elle en est de moins en moins capable. Bref, la politique de Trump témoigne du fait que les États-Unis, enferrés dans la croyance de leur hégémonie, incapables d’accepter que leur domination ne soit plus un fait qui va de soi, s’en tiennent à des gestes réactifs d’exhibition de la puissance. Le mercantilisme, au fond, est un courant de pensée plus sophistiqué que celle qui inspire les premiers actes de la révolution trumpienne. 

avril 2025

23.04.2025 à 08:00

“Le Passé à venir” : quand Tim Ingold veut réconcilier les générations

nfoiry

“Le Passé à venir” : quand Tim Ingold veut réconcilier les générations nfoiry mer 23/04/2025 - 08:00

Et si en concevant les générations comme une succession en ligne droite – baby-boomers, X, Y, Z… –, nous manquions l’essentiel de ce qu’elles partagent ? C’est l’idée, simple mais géniale, que défend l’anthropologue Tim Ingold dans son nouvel essai, Le Passé à venir (Seuil), que vous présente Frédéric Manzini dans notre nouveau numéro, à retrouver chez votre marchand de journaux.

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