25.07.2025 à 09:46
Marion Rousset
Après des décennies de combats féministes, l’heure est venue pour les hommes de s’interroger sur eux-mêmes. Au cœur de la vague #MeToo, de nouvelles masculinités cherchent à se dégager de la matrice patriarcale.
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Cet article est extrait du n°52 de la revue Regards, publié au premier semestre 2020 et toujours disponible dans notre boutique !
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« Qu’est-ce que c’est qu’être un homme ? » Le regard pensif tourné vers le lointain, des points de suspension dans la voix, un petit rire ponctué d’un long silence. Le gaillard aux cheveux poivre et sel a l’air perplexe. Pour nourrir son documentaire sur « les mâles du siècle », Laurent Metterie a posé sa caméra sur un type entre deux âges, un jeune adulte propre sur lui, un presque adolescent, un monsieur bien mis dans un appartement bourgeois, un militant féministe…
À l’origine de ce projet, il y a une scène dans un café à laquelle Laurent Metterie a assisté : un homme au comptoir jette un œil concupiscent au décolleté de la serveuse et s’exclame « Oh les beaux lolos ! On veut du lolo ! » Et la question de sa compagne, la philosophe féministe Camille Froideveaux-Metterie, qui l’observe consternée : « T’as rien dit ? » Eh bien non, justement, il n’a rien dit. Alors avec elle, il a décidé de donner la parole aux hommes.
Les témoignages qu’ils ont commencé à recueillir racontent des doutes qui se disent à demi-mot, y compris chez celui qui craint de ne plus pouvoir draguer : « Je suis d’accord qu’on ne harcèle pas une femme, qu’on la fasse pas chier, qu’on n’aille pas lui taper sur les fesses, qu’on se frotte pas contre elle… Tout ce qu’on veut ! Qu’on n’ait pas des mots sexistes non plus, admet celui-ci. Mais faire un petit compliment, un petit clin d’œil, une fois en passant de temps en temps, c’est sympa. Certaines femmes le font aussi. On devient trop puritain, c’est bon on n’est pas des Américains non plus. »
Un autre questionne les limites entre drague et harcèlement : « Je pense que là où tu harcèles quelqu’un, c’est quand tu sens que la personne est mal à l’aise, et qu’elle te le dit et donc la question qu’il faut se poser c’est : est-ce que j’ai déjà mis mal à l’aise quelqu’un ? » Un congénère à la chemise rose ouvre les yeux sur lui-même : « Je me suis toujours considéré, dans la parole en tout cas, comme quelqu’un qui pouvait être violent. Parce que je viens d’une culture du Sud qui parle fort et j’ai vu que cette culture de la parole forte pouvait blesser. Donc oui, ça m’a remis en question », admet-il. « Le féminisme ne doit pas évoluer avec l’arrivée des hommes, ce sont les hommes qui doivent se transformer pour réussir à embrasser le féminisme », souligne un manifestant filmé dans la marche #NousToutes. En résumé, « les hommes doivent faire leur travail ».
« Pour la première fois dans l’histoire, les hommes ne peuvent plus faire comme si le féminisme était une histoire de bonnes femmes. »
Camille Froideveaux-Metterie, philosophe
Alors que la conscience du caractère endémique des violences psychologiques, physiques et sexuelles révélé par la vague #MeToo est venue fissurer l’ancestral patriarcat, les regards se tournent aujourd’hui vers la masculinité. Attaquée en plein cœur, comment celle-ci peut-elle se défaire de ses comportements toxiques ? Se réinventer sans que cela renforce une domination ébranlée ? Prendre part, à son niveau, aux combats féministes sans usurper la place des femmes ni parler à leur place ? Des hommes s’éveillent doucement à ces questions brûlantes qui les obligent à quitter leur zone de confort.
Depuis l’affaire Weinstein jusqu’aux récentes accusations portées par Adèle Haenel contre le réalisateur Christophe Ruggia, il devient difficile de se taire. Certains brisent le silence. Ou se désolidarisent. Ici, c’est la Société des réalisateurs de films (SRF), en votant l’exclusion de Christophe Ruggia, qui affirme « son soutien total, son admiration et sa reconnaissance à l’actrice ». Là, ce sont des journaux qui licencient des salariés impliqués dans La Ligue du LOL, groupe Facebook dont certains membres ont été accusés de harcèlement à caractère sexiste et homophobe. C’est aussi une émission sur France Inter qui se demande, à la veille de la mobilisation nationale contre les violences sexistes et sexuelles, « comment inclure les hommes à ce combat sans pour autant confisquer le débat ». Ou sur France Culture, un journaliste auteur d’une série documentaire sur « Des hommes violents » qui reconnaît qu’au début, en lisant sur Twitter les témoignages de femmes victimes de violences, il ne se sentait « pas concerné ». Avant de demander à sa mère au téléphone : « Est-ce que toi aussi, tu pourrais dire #MeToo ? ».
Relevons également une étude de l’Ifop pour le magazine Elle, publiée en novembre, qui interroge les hommes deux ans après #MeToo, le livre de l’historien Ivan Jablonka, Des Hommes justes. Du patriarcat aux nouvelles masculinités, qui a fait un gigantesque buzz dans les médias à la rentrée de septembre, et bien sûr le podcast de Victoire Tuaillon, « Les Couilles sur la table », qui passe au scalpel les masculinités contemporaines, « parce qu’on ne naît pas homme, on le devient ». Sans oublier les cinquante hommes regroupés sous le mot d’ordre « Féministons-nous » qui ont publié une tribune dans le journal Libération en soutien à NousToutes. « Nous sommes convaincus que les mécanismes de domination dont nous, les hommes, sommes les acteurs, perdureront tant que nous ne changerons pas nos comportements et n’interrogerons pas la construction des masculinités et leur toxicité », affirment les signataires de ce collectif « sur les privilèges masculins et de responsabilité des hommes aux enjeux féministes », dont l’arc va du nouveau secrétaire national EELV Julien Bayou à l’ancien joueur de football Vikash Dhorasoo.
Sans trop s’avancer, la somme de ces symptômes laisse entrevoir la possibilité d’un tournant masculin du féminisme. « Pour la première fois dans l’histoire, les hommes ne peuvent plus faire comme si le féminisme était une histoire de bonnes femmes. Parmi les nouveaux combats, nombreux sont ceux qui portent sur des questions intimes et sexuelles qui les concernent au premier chef. Ils n’ont donc plus d’autre choix que de se positionner », veut croire Camille Froideveaux-Metterie. « Il y a quelque chose qui s’effrite dans le réflexe de solidarité des hommes entre eux. Lors de la sortie du film de Polanski, Jean Dujardin a annulé des rendez-vous avec la presse pour ne pas avoir à être interrogé. Cette reculade constitue un retournement par rapport à l’époque de l’affaire Strauss-Kahn », estime le géographe Yves Raibaud, auteur d’un ouvrage intitulé La Ville faite par et pour les hommes. « Ça peut vouloir dire que certaines choses ne sont plus dicibles, mais on n’en est pas au stade d’un mouvement qui s’affirme », conclut-il.
« L’idée qu’on puisse déviriliser les garçons suscite une panique morale. Il y a la peur de faire des hommes des homos et que toute la société aujourd’hui fondée sur le patriarcat s’écroule. »
Sylvie Ayral, sociologue
La sociologue Sylvie Ayral, autrice de La Fabrique des garçons, se souvient quant à elle de l’état de choc lorsque l’affaire Weinstein a explosé. « Même les hommes de ma famille qui ne sont pas de gros machos ont eu la gueule de bois. L’ampleur des chiffres et des révélations a provoqué une forme de sidération. Auparavant, beaucoup d’hommes avaient tendance à penser que le problème était chez les autres. Dans certains groupes ethniques, dans certaines catégories sociales, chez le voisin… Là, ils ont découvert que le ver était à l’intérieur du fruit. Certains ont pris conscience de leur propre construction, même si c’est encore balbutiant. »
L’heure serait-elle enfin venue de se pencher sur la construction de l’identité des garçons ? Longtemps, les albums féministes pour la jeunesse ne se sont adressés qu’aux fillettes. L’édition prenait plaisir à tordre le cou au cliché de la princesse grâce à des titres comme Histoires du soir pour filles rebelles, Même les princesses pètent, La Révolte des cocottes, La Dictature des petites couettes, Super fonceuse, Marre du rose… Jusqu’à ce que des autrices comme Delphine Beauvois et Stéphanie Richard publient On n’est pas des super-héros après On n’est pas des poupées (éd. La Ville brûle) ou J’aime pas le foot à côté de J’aime pas la danse (éd. Talents hauts).
Du côté de l’Éducation nationale, c’est la même chanson. Pendant plus de trente ans, l’institution a diffusé des conventions et des chartes pour l’égalité qui ciblaient quasi exclusivement le public féminin. Leur but : hisser les filles au niveau des garçons, sans jamais interroger la construction de la virilité. Phénomène tellement puissant dans notre société qu’il continue d’empêcher les hommes d’investir les métiers dévalorisés du soin et de l’attention aux autres.
« Dire d’une fille qu’elle est un garçon manqué peut être une marque de considération. L’inverse n’est pas vrai. L’idée qu’on puisse déviriliser les garçons suscite une panique morale. Il y a la peur de faire des hommes des homos et que toute la société aujourd’hui fondée sur le patriarcat s’écroule », souligne Sylvie Ayral. Elle-même en a fait les frais : « Dès qu’on s’attaque à déconstruire la construction de la domination, on se heurte à des résistances. En 2012, on m’avait demandé d’aller donner une conférence dans un IUFM, conférence annulée deux jours avant avec pour toute précision que le directeur ne voulait pas de ces sujets trop problématiques », explique celle qui a reçu le prix Le Monde de la recherche universitaire pour La Fabrique des garçons. Pourtant, insiste Sylvie Ayral, « on ne pourra pas émanciper la moitié de la population sans l’autre moitié ». Batailler pour l’égalité des sexes et des sexualités implique de s’attaquer à la racine du mal : cette construction de l’identité masculine qui place en position dominée les filles… ainsi que les garçons qui ne se conforment pas au modèle de virilité attendu.
« Il faudrait transformer la subjectivité masculine afin qu’elle intègre pleinement l’existence des femmes et leur vécu opprimé, ce qui implique pour les hommes une remise en cause personnelle et une rupture avec leur groupe social et avec la masculinité. »
Léo Thiers-Vidal, sociologue
C’est le chemin ambitieux qu’emprunte l’historien Ivan Jablonka, qui propose, dans Des Hommes Justes, de redessiner des masculinités non toxiques, compatibles avec les droits des femmes. Pour lui, être un homme féministe, ce n’est pas seulement accompagner les femmes dans leur quête d’émancipation, et encore moins se vanter d’aider sa femme en allant chercher les enfants à la sortie de l’école, mais changer en profondeur. « Tout militantisme doit commencer par un examen de conscience. Ce travail sur soi concerne d’abord ceux qui détiennent le pouvoir : hommes politiques, hauts fonctionnaires, dirigeants d’entreprise, cadres, publicitaires, urbanistes, policiers, juges, médecins, journalistes, enseignants, chercheurs. Tous doivent s’interroger sur la masculinité en général, et sur la leur en particulier », plaide-t-il. Pour ainsi mettre au jour les situations où ils tirent profit de leur statut d’homme, même sans le vouloir. Car la domination peut parfois se nicher dans les endroits les plus inattendus.
Lorsque nous l’avons rencontré, Ivan Jablonka a reconnu la perversité d’un système qui explique jusqu’au succès de son livre, comparé au confidentiel Pourquoi le patriarcat ? publié à l’automne par l’Américaine Carol Gilligan. « En écrivant ce livre, il est évident que je continue de toucher le dividende du système patriarcal ! On va peut-être plus m’écouter parce que je suis un homme… » Il a sans doute raison. « Nous, les hommes, avons cette capacité à nous approprier les sujets y compris féministes. Dans ma carrière universitaire, je me suis heurté à la méfiance de collègues qui ont pu me reprocher de me mettre en avant avec mes recherches autour du féminisme. C’est un fait que, lorsque les hommes parlent à la place des femmes dans la société, ce sont eux qui font les prime time », regrette aussi Yves Raibaud.
« Si nous ne touchons pas à la psychologie du patriarcat, si nous la laissons intacte, nous avons peu de chances de nous débarrasser de la politique patriarcale. »
Carol Gilligan, philosophe et psychologue
De fait, il ne suffit pas de se défaire des codes du mâle alpha pour subvertir la domination masculine. Celle-ci « ne se limite pas à l’image de l’homme bodybuildé. On peut intégrer une ambiguïté féminine et être dominant ! C’est le cas de nombreux acteurs du 20ème siècle, mais aussi des héros de la Grèce archaïque qui n’ont pas honte de pleurer, comme Achille à la mort de Patrocle et Agamemnon après les succès troyens », relève l’historien. « Je suis ravie que les hommes se posent des questions et soient enthousiastes à l’idée qu’ils essaient de réfléchir à la question du consentement, mais il me semble que ça n’efface pas l’ordre du genre », déclare l’anthropologue Mélanie Gourarier. « La masculinité a toujours été un objet de réflexion. La question de savoir comment être un homme qui se réforme pour s’adapter à la modernité, on la retrouve à plusieurs moments de l’histoire. La figure du dandy, par exemple, était une masculinité qui se voulait d’avant-garde », rappelle cette chercheuse, spécialiste des questions de genre et de sexualité.
Cette plasticité opportuniste n’interdit pas de rêver d’une société post-patriarcale. Mais voilà, c’est une utopie qui peine à se concrétiser. Il faut dire que, pour être un homme non-dominant, il ne suffit pas d’être un gentil papa et un époux prévenant. « Il faudrait transformer la subjectivité masculine afin qu’elle intègre pleinement l’existence des femmes et leur vécu opprimé, ce qui implique pour les hommes une remise en cause personnelle et une rupture avec leur groupe social et avec la masculinité », expliquait déjà en 2002 le sociologue Léo Thiers-Vidal dans la revue Nouvelles questions féministes. « Je suis persuadé que tout homme qui remet en question sa place dans le patriarcat et cherche à faire changer la structure sociale doit s’habituer à sortir de son propre confort. (…) Ça ne se résout pas avec quelques politiciens qui, pour exprimer leur solidarité à une journée de luttes féministes, posent et “transgressent le genre” sur une affiche avec du rouge à lèvres », précise quant à lui Yeun Lagadeuc-Ygouf dans un texte, en ligne sur le blog de Christine Delphy, intitulé « Être ‘allié des féministes’ ».
Mais si les inégalités de genre se perpétuent, ce serait aussi lié à des mobiles psychologiques ancrés au plus profond de nous, à en croire la philosophe et psychologue Carol Gilligan. Autrement dit, à « des stratégies élaborées au fil du temps, afin de nous protéger de nos peurs les plus profondes et de nos désirs les plus inavouables ». Selon elle, la quête d’amour des individus est contredite par un désir d’éviter la douleur consécutive à une éventuelle perte. Or le patriarcat constitue un bastion idéal contre la douleur de la perte en faisant obstacle à l’intégrité de la relation aux autres. « Si nous ne touchons pas à la psychologie du patriarcat, si nous la laissons intacte, nous avons peu de chances de nous débarrasser de la politique patriarcale », assure Carol Gilligan. Une chose est sûre, pour « réinstaurer un véritable rapport entre les hommes et les femmes », il faudra bien davantage que des déclarations de principe.
22.07.2025 à 09:35
la Rédaction
Depuis le début de l’année, quelles sont les actualités qui ont le plus attiré et retenu votre attention ? Voici le classement des dix articles les plus lus, en 2025, sur notre site regards.fr…
Sans surprise, c’est la gauche qui domine notre actu, entre ses hésitations, ses querelles, ses ruptures… et son avenir ! Quant au fil conducteur de ces mois écoulés, il s’agit tout bonnement de la question de la censure du gouvernement et d’une potentielle nouvelle dissolution. Bref, comme on l’écrivait dans la dernière newsletter avant les vacances : « Cette année a été très rude ».
Le gouvernement Bayrou cherche une assurance-vie pour ne pas finir comme Michel Barnier. Sur le gel de la réforme des retraites, le PS joue la négo.
un article à (re)lire ici https://regards.fr/le-choix-du-ps-traitres-a-la-gauche-ou-sauveur-des-retraites/
Entre gravité d’une absence de budget et opposition à son contenu, le RN s’en remet à une dissolution dans quelques mois. Quelle réponse peut construire la gauche ?
un article à (re)lire ici https://regards.fr/habile-le-rn-sen-sort-en-anticipant-une-dissolution/
Les dés sont jetés. Les députés du NFP vont se diviser sur le vote de la censure du gouvernement Bayrou. Peut-on dès lors parler de schisme ? La gauche peut-elle se payer ce luxe ?
un article à (re)lire ici https://regards.fr/fou-qui-attise-la-guerre-des-gauches/
La gauche cherche toutes les occasions de s’écarteler. Est-ce vraiment de saison ?
un article à (re)lire ici https://regards.fr/une-gauche-au-bord-de-la-rupture/
Dans un entretien accordé à France 5, Lionel Jospin a pris une nette position contre la censure du gouvernement. Faut-il le suivre ?
un article à (re)lire ici https://regards.fr/censurer-le-gouvernement-a-t-on-encore-le-choix/
La publication de l’ouvrage La Meute exposant le fonctionnement a-démocratique et autoritaire de LFI a provoqué des réactions en défense de ces pratiques. Roger Martelli passe au peigne fin tout ça point par point.
un article à (re)lire ici https://regards.fr/la-france-insoumise-face-a-son-destin-vivre-ou-mourir-comme-le-pcf/
Dans quelle configuration l’union de la gauche lui permet-elle d’atteindre le second tour de la présidentielle ?
un article à (re)lire ici https://regards.fr/sondage-regards-harris-la-gauche-peut-gagner-en-2027/
On vous aurait bien fait un top 10 des macronistes confrontés à la justice, mais ils sont déjà une quarantaine…
un article à (re)lire ici https://regards.fr/huit-ans-en-macronie/
20.07.2025 à 11:40
la Rédaction
Dernier débrief de l’année avant l’été ! Avec Catherine Tricot et Pablo Pillaud-Vivien.
18.07.2025 à 13:09
la Rédaction
La Loi Duplomb est une loi incroyablement régressive, contre la santé, la biodiversité et le climat. Signez la pétition sur le site de l’Assemblée Nationale pour permettre qu’elle soit discutée au Parlement et demander son abrogation. Déjà 1,6 millions de signataires. La loi a du plomb dans l’aile !
Pour la signer à votre tour, cliquez ici !
18.07.2025 à 13:08
Catherine Tricot
On ne sait pas pour vous… mais nous, on est rincés !
Comme tous, une année de travail, la chaleur… et l’inquiétude. Cette année a été très rude.
La guerre d’Israël contre Gaza, son extension à la région… voir les Palestiniens exterminés sans que rien ne se passe ou si peu. Voir Israël sombrer corps et âme dans un génocide.
TOUS LES JOURS, RETROUVEZ L’ESSENTIEL DE L’ACTU POLITIQUE DANS NOTRE NEWSLETTER
Voir la démocratie s’effondrer aux États-Unis. Elle ne nous a jamais paru exemplaire mais on mesure aujourd’hui ses fragilités et cela nous alerte grandement, pour ici aussi.
Et la guerre sans fin et sans raison contre l’Ukraine, les inondations monstres, les canicules, l’atomisation de la gauche… et la méchante bêtise de nos dirigeants.
Tout cela donne envie de partir, donne envie de silence ou de musique, de romans, de séries de parties de tarot (ou de belote coinchée1), de bains dans les rivières. Et c’est ce que nous allons faire, après notre dernier débrief de demain !
On vous retrouve tout début septembre, le temps de boucler un numéro de notre revue que l’on savoure par avance.
Le temps d’affiner deux ou trois beaux projets, dont celui de rendre compte de ce qui s’explore et se tente dans la gauche, en Europe et ailleurs.
Le temps de mettre, avec les médias indépendants, au point une proposition faite à toute la gauche française pour avancer, tous ensemble, ouais.
On part et on vous embrasse avec l’envie de vous retrouver.
18.07.2025 à 13:07
la Rédaction
par Catherine Tricot
Comme tous, une année de travail, la chaleur… et l’inquiétude. Cette année a été très rude.
La guerre d’Israël contre Gaza, son extension à la région… voir les Palestiniens exterminés sans que rien ne se passe ou si peu. Voir Israël sombrer corps et âme dans un génocide.
Voir la démocratie s’effondrer aux États-Unis. Elle ne nous a jamais paru exemplaire mais on mesure aujourd’hui ses fragilités et cela nous alerte grandement, pour ici aussi.
Et la guerre sans fin et sans raison contre l’Ukraine, les inondations monstres, les canicules, l’atomisation de la gauche… et la méchante bêtise de nos dirigeants.
Tout cela donne envie de partir, donne envie de silence ou de musique, de romans, de séries de parties de tarot (ou de belote coinchée1), de bains dans les rivières. Et c’est ce que nous allons faire, après notre dernier débrief de demain !
On vous retrouve tout début septembre, le temps de boucler un numéro de notre revue que l’on savoure par avance.
Le temps d’affiner deux ou trois beaux projets, dont celui de rendre compte de ce qui s’explore et se tente dans la gauche, en Europe et ailleurs.
Le temps de mettre, avec les médias indépendants, au point une proposition faite à toute la gauche française pour avancer, tous ensemble, ouais.
On part et on vous embrasse avec l’envie de vous retrouver.
Réunis une dernière fois avant d’aller siroter du prosecco sur les plages italiennes, les 27 ministres des Affaires étrangères de l’UE ont découvert, stupéfaits, que l’État d’Israël ne respectait peut-être pas ses engagements en matière de droits humains. Un rapport de la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, ose cette hypothèse : « Il existe des indications selon lesquelles Israël n’aurait pas respecté ses obligations en matière de droits de l’Homme ». Quoi ?! On nous l’aurait caché ?! Stupeur à Bruxelles. L’Union européenne a su rester fidèle à elle-même : lucide dans ses constats (non), ferme dans ses formules (non plus) et courageuse dans ses actes (toujours pas). Rassurez-vous : après les vacances, rien ne changera. Peut-être un nouveau rapport. Ou une conférence. Avec cocktails.
P.P.-V.
Et si la gauche britannique ne voulait plus du blairisme mais de la gauche, la vraie ? Selon un sondage de l’institut Find Out Now, un hypothétique parti dirigé par Jeremy Corbyn ferait jeu égal avec le Labour, à 15%. Tandis que le Labour s’effondre de 20 points par rapport aux législatives de 2024, la formation emmenée par l’ancien leader travailliste bondirait de 15 points. Un désaveu cinglant pour l’actuel premier ministre Keir Starmer, une sorte de Tony Blair ennuyeux : atlantiste, libéral, technocratique et plein d’imagination (comme sa super idée de supprimer des aides aux handicapés pour acheter des armes aux Etats-Unis). Pendant ce temps, l’extrême droite de Nigel Farage capitalise 34 %, confirmant que l’effondrement idéologique des formations politiques dominantes laisse le champ libre au pire.
P.P.-V.
Au « hasard » des algorithmes, un entretien avec l’économiste Jacques Généreux, qui fut proche de Jean-Luc Mélenchon (l’est-il encore ?), nous est remonté à la surface. Pourquoi nos élites intelligentes s’entêtent-elles dans des directions qui nous enfoncent dans le pire ? Mobilisant la psychologie et les sciences cognitives, Généreux expose la « banalité de la bêtise », cette dernière n‘étant précisément pas le contraire de l’intelligence. Si l’accroche de cette vidéo (et de son livre) vise nos « élites », son propos nous interroge tous. Ce qui permet à l’économiste d’envisager la possibilité d’une « intelligence collective » qui permettrait de sortir de l’ornière.
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18.07.2025 à 12:45
Pablo Pillaud-Vivien
Fabien Gay, sénateur communiste de Seine-Saint-Denis et directeur de L’Humanité, est l’invité de #LaMidinale.
17.07.2025 à 13:12
Pablo Pillaud-Vivien
Les tactiques du pouvoir pour appliquer coûte que coûte leur idéologie pro-business et antisociale tournent au grotesque. Mais ils ont toujours les manettes…
Il y a les textes, les institutions, les procédures. Et puis il y a ce qu’on en fait. Ces jours-ci, c’est à une mise en scène de l’ordre institutionnel que se livre François Bayrou, premier ministre d’un exécutif sans majorité, en annonçant une proposition de budget 2026 qui n’a aucune chance d’être adoptée. Toute la gauche, du Parti socialiste à La France insoumise, en passant par les écologistes et les communistes, s’y oppose. L’extrême droite aussi. Même du coté du bloquecito (petit bloc en espagnol), les soutiens sont ténus. À l’Assemblée nationale, c’est une évidence arithmétique et politique : il n’existe aucune majorité pour voter ce budget.
TOUS LES JOURS, RETROUVEZ L’ESSENTIEL DE L’ACTU POLITIQUE DANS NOTRE NEWSLETTER
Alors pourquoi l’annoncer ? Pourquoi jouer cette partition dont chacun connaît déjà la chute ? Ce n’est pas de la politique, celle qui consiste à partir du réel, à négocier, à faire société. C’est du crantage idéologique, pour reprendre un mot de conseiller en communication. Bayrou n’agit pas pour faire passer un budget, il agit pour fixer une ligne. Une ligne de fuite vers le pire. Le projet que Bayrou propose prépare le terrain à plus de régressions sociales, plus de cadeaux au capital, moins de services publics. C’est un jalon posé pour que celui ou celle qui lui succédera, qu’il ou elle soit de droite extrême, d’extrême droite ou de cette droite macroniste à visage managérial.
Et certains n’attendent même pas pour pousser plus loin encore. Ce matin même, la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a évoqué l’idée d’échanger la cinquième semaine de congés payés contre rémunération. Une provocation ? Une diversion ? Ou un signe que cette équipe gouvernementale ne fait même plus semblant d’avoir un horizon commun avec celles et ceux qu’elle est censée représenter ? À ce stade, difficile de dire s’il s’agit de détourner l’attention de la tempête institutionnelle à venir ou de donner libre cours à une vision du monde où tout se vend et tout s’achète, y compris les droits essentiels.
Derrière ce budget mort-né, une question se pose avec une acuité renouvelée : celle de la censure. Toutes les conditions sont réunies pour que le gouvernement tombe. Il suffit d’un vote et ce pourrait être plié. Mais pour quoi faire ? Pour aller où ? On entre ici dans la mécanique absurde de la Ve République, celle que Macron maîtrise comme un joueur de poker : un coup de bluff par ici, une dissolution par là, une recomposition sans fin comme stratégie de pouvoir.
Car même censuré, Macron pourrait renommer Bayrou. Ce ne serait pas inédit : De Gaulle avait reconduit Pompidou après une censure. Et ce ne serait surtout pas la première fois que Macron tournerait le dos à l’esprit des institutions pour en tordre la lettre. Il pourrait aussi nommer n’importe qui. Littéralement. Et continuer, coûte que coûte, à appliquer sa ligne pro-business. Ou bien il pourrait choisir la dissolution. Encore. Une nouvelle dissolution signifierait 40 jours de campagne express, en plein chaos politique. Ce calendrier n’a rien d’anodin : il empêche toute dynamique politique réelle, tout débat sérieux, tout ancrage populaire. Il écrase le temps démocratique sous la précipitation. En juillet dernier, déjà, Macron avait actionné la dissolution comme une grenade « dégoupillée dans les jambes » de la classe politique. Il croyait pouvoir y gagner en pouvoir et en hauteur de vue. Il n’a récolté que de l’instabilité et du discrédit. Mais ce mode opératoire semble l’obséder.
Il court l’idée diabolique un autre scénario qu’on voulait vous exposer pour l’expier : faire coïncider législatives anticipées et municipales en mars 2026. Deux élections radicalement différentes, l’une nationale, l’autre locale, imbriquées pour mieux brouiller les repères (les constitutionnalistes ne sont pas d’accord sur la possibilité d’un tel projet… ce qui signifie qu’il est possible). Ce serait un coup de force politique majeur. Car au moment où la gauche cherche à se recomposer, comment tenir une ligne unitaire au niveau national tout en se divisant localement ? C’est la confusion garantie. Le calcul est cynique mais limpide : profiter de la confusion pour laisser le champ libre à l’extrême droite. Lui céder Matignon pour un an, tester le choc, habituer l’opinion à l’inacceptable. En juillet 2024 déjà, nombreux étaient ceux qui soupçonnaient Macron d’avoir préparé l’accession du RN à Matignon comme on jette un os à ronger à la bête. Entre 2026 et 2027, le RN se sera ancré, institutionnalisé davantage. Prêt pour 5 ans… au terme duquel Macron se voit déjà faire un retour en sauveur du pays. Stratégie du pire.
Tout cela nous dit une chose. Dans ces institutions, la démocratie peut être une variable d’ajustement et les institutions, un décor. Le calendrier électoral devient une manette. Les coalitions possibles ? Un alibi pour gouverner sans mandat clair. Et la gauche, dans tout ça, doit se préparer. Non seulement à censurer ce budget indéfendable mais à affronter ce qui pourrait suivre : la dissolution, la confusion et peut-être même la tentation macroniste d’un pacte faustien avec l’extrême droite. À ceux qui sont tentés de précipiter le pays dans une crise institutionnelle permanente, il faudra opposer davantage que de la résistance : une volonté politique cohérente, lisible, enracinée. La démocratie ne meurt pas toujours d’un coup, de face ou dans le dos. Elle peut s’étioler, pièce par pièce. À nous de ne pas les laisser faire.
17.07.2025 à 13:11
la Rédaction
Il y a les textes, les institutions, les procédures. Et puis il y a ce qu’on en fait. Ces jours-ci, c’est à une mise en scène de l’ordre institutionnel que se livre François Bayrou, premier ministre d’un exécutif sans majorité, en annonçant une proposition de budget 2026 qui n’a aucune chance d’être adoptée. Toute la gauche, du Parti socialiste à La France insoumise, en passant par les écologistes et les communistes, s’y oppose. L’extrême droite aussi. Même du coté du bloquecito (petit bloc en espagnol), les soutiens sont ténus. À l’Assemblée nationale, c’est une évidence arithmétique et politique : il n’existe aucune majorité pour voter ce budget.
Alors pourquoi l’annoncer ? Pourquoi jouer cette partition dont chacun connaît déjà la chute ? Ce n’est pas de la politique, celle qui consiste à partir du réel, à négocier, à faire société. C’est du crantage idéologique, pour reprendre un mot de conseiller en communication. Bayrou n’agit pas pour faire passer un budget, il agit pour fixer une ligne. Une ligne de fuite vers le pire. Le projet que Bayrou propose prépare le terrain à plus de régressions sociales, plus de cadeaux au capital, moins de services publics. C’est un jalon posé pour que celui ou celle qui lui succédera, qu’il ou elle soit de droite extrême, d’extrême droite ou de cette droite macroniste à visage managérial.
Et certains n’attendent même pas pour pousser plus loin encore. Ce matin même, la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a évoqué l’idée d’échanger la cinquième semaine de congés payés contre rémunération. Une provocation ? Une diversion ? Ou un signe que cette équipe gouvernementale ne fait même plus semblant d’avoir un horizon commun avec celles et ceux qu’elle est censée représenter ? À ce stade, difficile de dire s’il s’agit de détourner l’attention de la tempête institutionnelle à venir ou de donner libre cours à une vision du monde où tout se vend et tout s’achète, y compris les droits essentiels.
Derrière ce budget mort-né, une question se pose avec une acuité renouvelée : celle de la censure. Toutes les conditions sont réunies pour que le gouvernement tombe. Il suffit d’un vote et ce pourrait être plié. Mais pour quoi faire ? Pour aller où ? On entre ici dans la mécanique absurde de la Ve République, celle que Macron maîtrise comme un joueur de poker : un coup de bluff par ici, une dissolution par là, une recomposition sans fin comme stratégie de pouvoir.
Car même censuré, Macron pourrait renommer Bayrou. Ce ne serait pas inédit : De Gaulle avait reconduit Pompidou après une censure. Et ce ne serait surtout pas la première fois que Macron tournerait le dos à l’esprit des institutions pour en tordre la lettre. Il pourrait aussi nommer n’importe qui. Littéralement. Et continuer, coûte que coûte, à appliquer sa ligne pro-business. Ou bien il pourrait choisir la dissolution. Encore. Une nouvelle dissolution signifierait 40 jours de campagne express, en plein chaos politique. Ce calendrier n’a rien d’anodin : il empêche toute dynamique politique réelle, tout débat sérieux, tout ancrage populaire. Il écrase le temps démocratique sous la précipitation. En juillet dernier, déjà, Macron avait actionné la dissolution comme une grenade « dégoupillée dans les jambes » de la classe politique. Il croyait pouvoir y gagner en pouvoir et en hauteur de vue. Il n’a récolté que de l’instabilité et du discrédit. Mais ce mode opératoire semble l’obséder.
Il court l’idée diabolique un autre scénario qu’on voulait vous exposer pour l’expier : faire coïncider législatives anticipées et municipales en mars 2026. Deux élections radicalement différentes, l’une nationale, l’autre locale, imbriquées pour mieux brouiller les repères (les constitutionnalistes ne sont pas d’accord sur la possibilité d’un tel projet… ce qui signifie qu’il est possible). Ce serait un coup de force politique majeur. Car au moment où la gauche cherche à se recomposer, comment tenir une ligne unitaire au niveau national tout en se divisant localement ? C’est la confusion garantie. Le calcul est cynique mais limpide : profiter de la confusion pour laisser le champ libre à l’extrême droite. Lui céder Matignon pour un an, tester le choc, habituer l’opinion à l’inacceptable. En juillet 2024 déjà, nombreux étaient ceux qui soupçonnaient Macron d’avoir préparé l’accession du RN à Matignon comme on jette un os à ronger à la bête. Entre 2026 et 2027, le RN se sera ancré, institutionnalisé davantage. Prêt pour 5 ans… au terme duquel Macron se voit déjà faire un retour en sauveur du pays. Stratégie du pire.
Tout cela nous dit une chose. Dans ces institutions, la démocratie peut être une variable d’ajustement et les institutions, un décor. Le calendrier électoral devient une manette. Les coalitions possibles ? Un alibi pour gouverner sans mandat clair. Et la gauche, dans tout ça, doit se préparer. Non seulement à censurer ce budget indéfendable mais à affronter ce qui pourrait suivre : la dissolution, la confusion et peut-être même la tentation macroniste d’un pacte faustien avec l’extrême droite. À ceux qui sont tentés de précipiter le pays dans une crise institutionnelle permanente, il faudra opposer davantage que de la résistance : une volonté politique cohérente, lisible, enracinée. La démocratie ne meurt pas toujours d’un coup, de face ou dans le dos. Elle peut s’étioler, pièce par pièce. À nous de ne pas les laisser faire.
Il aura fallu 40 ans, 5 présidents, 20 Premiers ministres, 16 ministres de la Justice et probablement autant de notes blanches des services de renseignement, pour que la France accepte enfin de libérer Georges Ibrahim Abdallah. L’annonce est tombée aujourd’hui : le plus vieux prisonnier politique d’Europe quittera la prison de Lannemezan le 25 juillet prochain pour être expulsé au Liban (l’une des conditions de sa libération). Certains y verront une victoire du droit. D’autres, simplement, le fait que la raison d’État a fini par bâiller d’ennui. Condamné à perpétuité en 1987 pour complicité d’assassinats contre des diplomates américains et israéliens, le militant communiste avait pourtant été libérable dès 1999. Mais la France, d’ordinaire si prompte à donner des leçons de droits humains à la terre entière, s’était sagement alignée sur les désirs de Washington et Tel-Aviv. Quarante années de détention pour une peine purgée, mais un casier politique impardonnable. La libération d’Abdallah après tout ce temps n’est pas un geste humaniste mais un aveu de lâcheté. L’État n’a jamais cédé aux principes. Il a juste fini se lasser de son propre mensonge. Mais par-delà les compromissions de la République, réjouissons-nous car Georges Ibrahim Abdallah est enfin libre.
P.P.-V.
80 ans après sa création, la Sécurité sociale reste un pilier fondamental du modèle social français. L’occasion de revenir sur son histoire, les grandes dates des réformes de sa gouvernance et qui ont conduit à une situation plus attaquée que jamais par les idéologues néolibéraux. Une émission de France Culture avec Eric Chenut, président de la Fédération Nationale de la Mutualité Française, et le toujours excellent économiste Michaël Zemmour.
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