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26.02.2025 à 16:05

Parasport : comment donner aux assistants sportifs et aux guides le statut de sportif de haut niveau

Mai-Anh Ngo, Ingénieure de recherche CNRS, Docteure et HDR en droit privé spécialisée dans le droit du handicap et le droit du sport, Université Côte d’Azur

La modification de la réglementation relative à la mise sur liste de haut niveau pourrait permettre aux assistants sportifs d’obtenir une meilleure reconnaissance juridique de leur rôle.
Texte intégral (1793 mots)

La modification de la réglementation relative à la mise sur liste de haut niveau pourrait permettre aux assistants sportifs d’obtenir une meilleure reconnaissance juridique de leur rôle.


Les jeux paralympiques ont permis de découvrir des binômes médaillés sportifs en situation de handicap associés à des valides. Timothée Adolphe coureur non voyant guidé par Jeffrey Lamy et Elie de Carvalho, cycliste, piloté par Mickaël Guichard ont remporté une médaille d’argent. Ces sportifs en situation de handicap ont impérativement besoin de sportifs valides, à leurs côtés, pour réaliser leurs performances. Or, ces assistants sportifs, s’ils sont reconnus par le monde sportif, sont méconnus par le droit.

Le volet juridique du programme de recherche PARAPERF a permis de mettre en lumière cette carence juridique à propos des guides, pilotes, assistants et loaders (assistants de tir sportif qui chargent l’arme) et de proposer des solutions.

Les recherches sociologiques menées de façon simultanée ont souligné quant à elles la nécessité d’avoir du temps pour performer. Ce résultat a ouvert des pistes de solutions en droit. En effet, il existe déjà dans le droit positif (règles juridiques en vigueur actuellement) un dispositif facilitant l’équilibre entre le temps d’entraînement et la vie professionnelle : il s’agit du suivi socioprofessionnel accordé aux sportifs de haut niveau.

Reconnaître les assistants de compétition et d’entraînement

Ainsi, les travaux ont rapidement fait apparaître l’importance de conférer à ces assistants sportifs le statut de sportifs de haut niveau. Cette reconnaissance existait de façon empirique pour certaines disciplines mais pas pour toutes. L’athlétisme handisport a été précurseur sur ce sujet. Nos résultats ont permis d’assurer la mise en place de critères systématiques pour deux types d’assistants sportifs : les assistants de compétition et les assistants d’entraînement.

L’assistant de compétition est celui qui réalise les compétitions de référence avec le parasportif. Il participe par exemple aux championnats du monde ou aux jeux paralympiques. L’assistant d’entraînement n’est pas celui qui constitue le binôme en compétition, mais il doit être présent pour permettre d’assurer un volume suffisant d’entraînement au sportif en situation de handicap et à son guide tout au long de l’année. En athlétisme, par exemple, l’assistant de compétition doit avoir le temps de s’entraîner seul pour avoir une réserve suffisante de vitesse pour pouvoir guider correctement le parasportif en compétition.

Idéalement, à l’avenir, il conviendrait de modifier la réglementation encadrant les droits des sportifs pour permettre l’application homogène du dispositif.

Revenons sur le cheminement qui a permis l’élaboration de tels critères. La méthodologie adoptée pour cette recherche a été très originale pour un travail en droit. En effet il y a un véritable inversement de la démarche de recherche. Habituellement le juriste part des textes et étudie leur mise en œuvre. Le choix fut différent pour ce projet. Je suis partie des besoins des acteurs pour déterminer le cadre juridique pertinent.

Une méthode de recherche originale

Concrètement, j’ai utilisé la technique des entretiens exploratoires fréquemment utilisés en psychologie et sociologie. L’utilisation de ces méthodes m’a permis de révéler la thématique centrale de mes futurs travaux : la conception d’un cadre juridique permettant la reconnaissance du travail des guides, pilotes, assistants et loaders. Cette problématique s’est révélée prioritaire pour les fédérations, pour les sportifs.

Une fois la problématique mise en lumière, il a fallu mettre en œuvre une méthodologie adéquate. Pour analyser des phénomènes aussi récents du point de vue sociétal et juridique, il nous a paru intéressant de faire appel à la méthode substantielle. Cette méthode juridique particulière permet d’analyser la rétroaction des faits concrets sur le droit pour éventuellement pouvoir modifier le cadre juridique. Face à un objet aussi novateur que la compensation humaine, l’analyse substantielle apparaît incontournable. L’utilisation de cette dernière justifie notamment que l’on s’intéresse aux faits et à la réalité sportive.

Les réponses aux entretiens montraient que le droit actuel ne répondait pas aux besoins très spécifiques des parasportifs et de leurs aidants sportifs. Le système actuel ne permet pas par exemple de pouvoir dès l’origine rentrer sur la liste de haut niveau deux guides pour un seul parasportif. Or, sur le terrain un athlète peut avoir besoin de deux guides car il s’agit de deux distances différentes ne pouvaient pas bénéficier de deux places pour ces assistants sur liste de haut niveau. De fait, il est apparu nécessaire de créer une catégorie spécifique de sportifs de haut niveau pour les guides avec une distinction entre les guides de compétition et les guides d’entraînement laquelle cependant ouvrira les mêmes droits que les parasportifs et que les sportifs de haut niveau. La différenciation entre les guides de compétitions et les guides d’entraînement permet de tenir compte de la réalité des rôles de chacun et d’adapter les aides financières liées à la reconnaissance du statut de haut niveau entre ces deux catégories.

Concrètement, cela se traduit par une modulation de l’aide liée aux conventions d’aménagement d’emploi comme dans les différentes catégories de sportifs de haut niveau concernant les parasportifs.

Des critères qui varient selon les fédérations

Une fois ces principes de base fixés, il a été nécessaire de déterminer selon nous des critères pour la décision de mise sur liste de haut niveau, ceci étant une étape fondamentale car elle évite l’insécurité juridique décrite auparavant avec un système empirique. En effet même si l’article L 221-2 du Code du sport pose le principe selon lequel c’est le ministère des sports qui valide la liste, c’est le directeur technique des fédérations qui dresse les critères objectifs et mesurables qui permettent de déterminer si le sportif est éligible ou non sur la liste SHN. Ces critères sont fixés par les plans de performances sportives, qui sont variables en fonction des fédérations et des disciplines concernées. Certaines fédérations disposant de plus d’expérience que d’autres sur ce sujet.

S’agissant des guides de compétition, deux critères sont fixés. Premièrement, c’est la performance du sportif qui fait entrer son guide dans la catégorie de compétition. Ainsi, si un athlète fait une performance lui permettant d’entrer 2 fois sur liste avec 2 guides différents, ces 2 guides l’accompagnent, comme c’est le cas pour Timothée Adolphe par exemple qui n’a pas les mêmes guides sur 100 m et 400 m. C’est ainsi la performance qui fait entrer le guide de l’épreuve sur liste plutôt que le sportif. Deuxièmement, seuls les guides médaillables selon les règlements de la fédération internationale concernée peuvent demander leur inscription sur liste de haut niveau. Ainsi, Tanguy de la Forest qui pourtant est accompagnée d’un loader dans sa pratique en compétition a été médaillée sans ce dernier car la fédération internationale de tir sportif estime que les loaders ne sont pas médaillables. De même, Claude Lliop, l’assistant d’Aurélie Aubert, n’a pas été médaillée car seuls les assistants de la catégorie BC3 sont médaillés en même temps que leurs sportifs. C’est à chaque fois le règlement sportif de la fédération internationale du sport concerné qui détermine si les assistants sont médaillés ou non.Ceci permet d’éviter toute subjectivité dans l’analyse du rôle du guide et cela assure une cohérence avec la vision internationale de la discipline.

S’agissant des guides d’entraînement, les 2 critères précédents sont repris et il a été ajouté un critère spécifique de volume d’entraînement. Celui-ci se divisant lui-même en 2 : temps d’entraînement individuel et temps d’entraînement avec le parasportif. Cette exigence d’entraînement étant propre à chaque discipline et à son organisation interne. Par exemple en cyclisme, le principe qui a été posé était celui de 1,5 jour par semaine avec les sportifs déficients visuels en plus des entraînements personnels. Les entraînements personnels individuels du guide atteignant quant à eux 3-4 séances hebdomadaires.

La formulation des critères prédéterminés est une véritable opportunité qui assure une sécurité juridique quant à la reconnaissance de guides de haut niveau. Cette sécurité est d’autant plus nécessaire que les parasports sont gérés par diverses fédérations nationales et internationales. Cette diversité crée par nature une hétérogénéité. Cette possibilité de reconnaissance de qualité de sportifs de haut niveau pour les guides pilotes assistants facilite leurs recrutements car ceci facilite la gestion de l’équilibre vie sportive et vie professionnelle. Enfin, une telle inscription sur liste de haut niveau est aussi un facteur de limitation des risques de blessures par le biais du suivi médical réglementaire qui devient obligatoire dès lors qu’on est inscrit sur liste ministérielle.

À l’heure actuelle, certaines fédérations, comme la Fédération Française Handisport, ont intégré les résultats de ces recherches dans leur plan de performances sportives fédérales, ce serait une véritable avancée pour le parasport que de voir intégrer ces critères dans une réglementation étatique.

The Conversation

NGO Mai-Anh est membre de la FFH Paraperf, ANR-19-STHP-0005.

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