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07.07.2025 à 16:53

Conservateur ou progressiste : quel type de donateur êtes-vous ?

Thomas Leclercq, Professeur ordinaire en marketing, IESEG School of Management (LEM-CNRS 9221), Head of Marketing and Sales Department, IÉSEG School of Management

Etienne Denis, Professeur de Marketing, EDHEC Business School

Steven Hoornaert, Professeur en marketing digital; IESEG School of Management, Univ. Lille, CNRS, UMR 9221 - LEM - Lille Economie Management, F-59000 Lille, France, IÉSEG School of Management

En 2025, la politique influence nos dons. Où vous situez-vous ? Une étude démontre que la générosité des Français oppose conservateurs et progressistes.
Texte intégral (1650 mots)
Lorsqu’un conservateur reçoit une communication d’une association présentant un bénéficiaire qu’il considère comme étant proche, la probabilité de faire est don est de 73 %. Lightspring/Shutterstock

En 2025, la politique influence nos dons. Après la distinction entre la gauche et la droite, une étude démontre que la générosité des Français oppose conservateur et progressistes. Les premiers sont enclins à donner à des associations près de chez eux, résolvant des problèmes. Les seconds, pour des projets de justice sociale, apportant un changement ou un progrès. Résultat en chiffres et en graphiques.


Dans un contexte de polarisation politique croissante, nos choix en tant que consommateurs s’entremêlent de plus en plus avec nos convictions. L’expert en marketing Benjamin Bœuf souligne que les consommateurs préfèrent des marques qui démontrent un positionnement politique similaire au leur. Elle pousse les entreprises à intégrer ce critère dans leur stratégie marketing, ou à se positionner sur des questions de sociétés.

Mais cet impact dépasse largement nos décisions d’achat. Nos préférences politiques façonnent également nos élans de générosité et les causes que nous choisissons de soutenir. Cette influence s’explique en partie par le fait que notre orientation politique reflète des valeurs morales qui nous sont propres, qui guident nos actions et nos choix.

À travers notre recherche, nous avons mis en lumière trois tendances majeures qui révèlent comment ces orientations politiques influencent le comportement des donateurs : le cadrage du message, la proximité du bénéficiaire et le sentiment de justice sociale sous-jacent, la démarche de l’organisation caritative. Pour ce faire, nous avons mené une série d’études manipulant des communications provenant d’organisations caritatives, mesurant l’effet sur la propension à faire un don.

Vision conservatrice vs progressiste

Au-delà des préférences de chacun pour certains partis, les études sur l’orientation politique du psychologue social américain John Tost mettent en évidence la polarité entre les conservateurs et les progressistes (ou libéraux sur les graphiques), également décrite par la distinction gauche-droite. Les personnes de sensibilité progressiste estiment que chacun doit être libre de poursuivre son propre développement, et que la société doit être organisée dans un souci de justice sociale. À l’inverse, les conservateurs considèrent que l’être humain est fondamentalement individualiste, que la vie en société requiert dès lors des structures et des règles régissant la liberté de chacun.

Ce positionnement politique détermine la manière dont chacun perçoit la société et le rôle des individus au sein du collectif. Selon le professeur en psychologie Graham, une vision conservatrice met davantage l’accent sur la responsabilité individuelle et la préservation des structures sociales existantes. Une vision progressiste valorise la responsabilité collective et les initiatives visant à corriger les inégalités systémiques. L’orientation politique progressiste peut dès lors être mesurée en demandant aux répondants d’indiquer leur degré d’accord vis-à-vis d’affirmations telles que « J’ai une tendance à m’opposer à l’autorité ». On demandera aux répondants d’indiquer leur accord vis-à-vis d’affirmations telles que « Je pense que l’application des lois devrait être renforcée ». Ces différences fondamentales influencent directement le type d’organisations caritatives auxquelles les individus choisissent de donner.

Évitement d’un danger vs changement

Les personnes ayant une orientation politique conservatrice sont davantage attirées par des organisations qui communiquent sur l’évitement d’un danger ou la résolution d’un problème. « Votre don nous aidera à protéger des populations des risques d’épidémies » ou « votre geste permettra de mettre en œuvre des actions pour protéger notre planète ». Ces messages, centrés sur la protection ou la sécurité, trouvent un écho particulier auprès de ce public.

À l’inverse, les individus ayant une orientation politique progressiste privilégient des causes qui mettent en avant des opportunités positives de changement ou de progrès, avec un accent sur l’optimisme et l’amélioration. « Aidez-nous à créer un monde plus vert » ou « relevons ensemble le défi de l’égalité sociale ».


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Changement vs évitement

Afin de démonter cette préférence, nous avons présenté une expérimentation auprès de 150 répondants à travers laquelle les participants complétaient un questionnaire concernant leur orientation politique. À la suite de ce dernier, ils étaient invités à soutenir une association dont nous avons fait varier le message via trois groupes :

  • Un message neutre décrivant l’activité de l’organisation

  • Un message centré sur l’évitement

  • Un message centré sur le progrès


À lire aussi : Cibler les consommateurs sur leurs convictions politiques : une stratégie dangereuse


La probabilité qu’une personne d’orientation progressiste donne à une cause présentée sous la forme d’un progrès est de 85 %, contre 30 % pour les conservateurs recevant cette même communication. En revanche, la communication mettant en exergue la protection ou l’évitement d’un risque fait monter la probabilité de don à plus de 60 % pour les conservateurs, contre 36 % pour les progressistes.

Cause proche de son quotidien

Les conservateurs montrent une préférence pour des causes où le bénéficiaire est perçu comme étant proche d’eux, que ce soit culturellement, géographiquement ou socialement. Pour confirmer cette hypothèse, nous avons proposé un questionnaire sur l’orientation politique à 243 répondants. À la suite de celui-ci, nous leur avons proposé de soutenir une organisation caritative via un don.

Dans un groupe, cette dernière était décrite comme aidant les personnes dans la ville du répondant, dans l’autre nous présentions la même association pour un autre pays. Lorsqu’un conservateur reçoit une communication présentant un bénéficiaire qu’il considère comme étant proche, la probabilité de faire est don est de 73 %, contre 68 % quand le bénéficiaire est éloigné.

Justice sociale

En revanche, les progressistes sont davantage motivés par des causes centrées sur la justice sociale. L’enjeu est de corriger des inégalités ou de soutenir des groupes marginalisés comme les aides aux sans-abris ou le combat contre les drogues. Ces sujets sont centraux, car ils représentent les principales missions des organisations caritatives à but social. Pour démontrer cette tendance, nous avons administré un questionnaire sur l’orientation politique à 270 participants. À l’issue de celui-ci, ils ont été invités à soutenir une organisation caritative en réalisant une promesse de don.

Pour un premier groupe, l’organisation était présentée comme luttant pour un traitement égalitaire entre les hommes et les femmes, tandis que pour un second groupe, elle agissait contre l’abus et la cruauté envers les animaux domestiques. Les résultats indiquent que, chez les répondants progressistes, la probabilité de don atteint 76 % lorsque la cause est liée à la justice sociale, contre 58 % quand elle ne l’est pas de manière explicite.

Cibler les donateurs

Ces résultats offrent aux organisations caritatives un véritable levier pour optimiser leur communication. En comprenant mieux les différences d’orientation entre les publics conservateurs et progressistes, elles peuvent adapter leurs messages pour maximiser leur impact. Une campagne destinée à un public conservateur pourrait, par exemple, insister sur des enjeux de sécurité ou de préservation des valeurs locales. En revanche, une communication visant un public progressiste gagnerait à mettre en avant des projets innovants ou des initiatives pour réduire les inégalités sociales.

En ciblant mieux leurs donateurs, les organisations peuvent non seulement accroître leur efficacité, mais aussi s’assurer que leur message résonne profondément avec les convictions de leurs publics. Dans un monde de plus en plus polarisé, cette capacité à adapter la communication devient un atout clé pour mobiliser un soutien durable.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

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06.07.2025 à 09:54

Ces vies bouleversées par les dynamiques « anti-genre » en Europe

Marianne BLIDON, MCF-HDR en démographie et sociologie, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Mathilde Kiening, Post-doctorante Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Le projet RESIST analyse les dynamiques « anti-genre » - hostiles aux droits des personnes LGBTQ+ et aux avancées féministes- dans plusieurs pays européens, ainsi que leurs effets sur les personnes concernées.
Texte intégral (2618 mots)

Alors que les droits des personnes LGBTQ+ sont remis en cause dans plusieurs pays européens et aux États-Unis, une étude menée dans le cadre du projet européen RESIST documente l’ampleur et la diversité des violences « anti-genre », leurs effets durables sur les vies et les corps, ainsi que les formes de résistance qu’elles suscitent. Ces attaques ne relèvent pas d’un simple débat d’idées : elles constituent des atteintes aux droits fondamentaux des personnes et aux valeurs démocratiques.


Le mois des fiertés 2025 s’est achevé en juin dans un contexte de remise en cause et d’atteintes aux droits des personnes LGBTQ+ en Europe et dans le monde. Dans plusieurs pays européens, les marches ont été entravées, voire interdites. L’InterLGBT qui a organisé la marche de Paris a affronté une vive polémique et s’est vue retirer ses subventions régionales.

Ces situations, loin d’être marginales, s’inscrivent plus largement dans un contexte politique de remise en cause des droits des personnes queer et trans.


À lire aussi : Masculinité et politique à l’ère du trumpisme


C’est le cas notamment aux États-Unis où, depuis son élection, Donald Trump a enchaîné les discours et les mesures anti-trans, comme leur exclusion de l’armée ou au Royaume-Uni où la Cour suprême a estimé que c’est le sexe biologique – et non le genre – qui définit une femme en droit. Elles illustrent une tendance de fond analysée dans le cadre du projet de recherche européen RESIST.

Des politiques contre la reconnaissance des droits des minorités sexuelles et de genre

Ce projet, qui a débuté en 2022 et prendra fin en 2026, analyse les discours, les mobilisations et politiques dits « anti-genre », ainsi que leurs effets sur les trajectoires, les droits et les conditions de vie des personnes ciblées – en particulier les féministes et les personnes LGBTQ+.

Le terme « anti-genre » désigne ici un ensemble d’actions convergentes – prises de parole publiques, réformes législatives, décisions judiciaires, campagnes médiatiques ou mobilisations militantes – qui s’opposent à la reconnaissance des droits des minorités sexuelles et de genre, souvent au nom d’une prétendue défense de la famille, des traditions ou de la nation.

L’étude repose sur une enquête conduite auprès de 254 personnes, soit 36 groupes de discussion et 104 entretiens individuels. Menée dans huit pays européens, mais aussi auprès d’un groupe de personnes originaires de Turquie vivant en exil en Europe, elle permet de couvrir divers contextes européens.

Certains sont marqués par une forte institutionnalisation des politiques « anti-genre » (comme en Pologne ou en Biélorussie), d’autres par des formes plus diffuses ou controversées (comme en France, en Allemagne ou en Suisse), et d’autres encore par des politiques en transformation ou en redéfinition (comme en Espagne, en Grèce ou en Irlande). En France, par exemple, ces dynamiques diffuses se traduisent par des prises de position publiques contre le prétendu « wokisme » à l’université, par le ciblage d’institutions culturelles accueillant des artistes drag.

Dans l’étude, les effets des violences sont appréhendés à partir de leurs conséquences sur les individus : sentiment d’insécurité, autocensure, isolement, obstacles à l’accès aux soins ou aux droits, réorientations professionnelles ou militantes, exil. Il s’agit de comprendre comment un climat discursif hostile – tel qu’il est perçu et décrit par les participantes et participants lors des entretiens et des groupes de discussion – et un répertoire d’actions violentes – également restitué à travers leurs récits et de leur rupture biographique – peuvent produire des effets matériels, émotionnels et sociaux, qui transforment profondément les conditions d’existence des personnes concernées.


À lire aussi : Que nous dit le rejet des minorités de genre de notre société ?


Ces données qualitatives permettent de mieux comprendre ce que documente également l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, à travers une vaste enquête menée en 2023 auprès de plus de 100 000 personnes LGBTQ+ en Europe. Ce rapport souligne une augmentation inquiétante des discriminations, du harcèlement et de la violence. En Pologne, par exemple, 58 % des répondants ont été harcelés au moins une fois durant l’année précédent l’enquête. En Hongrie, 39 % évitent souvent ou toujours certains lieux par crainte d’une agression. Globalement, plus d’une personne sur trois déclare avoir été victime de discrimination en raison de son identité, plus d’une sur 10 a subi des violences au cours des 5 années précédant l’enquête, soit un peu plus qu’en 2019.

En Biélorussie, bien que les données quantitatives soient limitées, les ONG internationales alertent sur un climat de plus en plus répressif à l’égard des personnes LGBTQ+. Dans un contexte autoritaire, les témoignages recueillis par les organisations de défense des droits humains font état d’arrestations arbitraires, d’intimidations policières et d’un isolement social aggravé, notamment pour les militants et les jeunes LGBTQ+.

Du déni d’exister à l’agression

Loin de relever d’un simple désaccord d’opinion, les violences « anti-genre » participent d’un continuum allant de l’effacement discursif des personnes à leur anéantissement physique. Un des participants, qui accompagne des personnes trans et qui est lui-même trans, remarque « vous effacez le concept, vous effacez les gens ».

La déshumanisation (chosification, animalisation…) semble constituer un élément central des expériences des personnes ciblées par les mouvements et les discours « anti-genre ». Le déni d’existence est omniprésent concernant les personnes trans, dans toutes les études de cas, en particulier les personnes trans et racisées.

En France, Jake, un homme trans, témoigne :

« J’ai été agressé dans la rue deux ou trois fois. Pas tabassé, mais frappé. ‘Sale pédé’, comme ça, en passant ».

En France, 30 personnes ont été interrogées, parmi lesquelles des journalistes, universitaires, professionnels de santé ou activistes. Ces personnes ont été choisies du fait de leurs engagements, de leur visibilité ou de leur identité pour lesquels elles avaient été publiquement ciblées dans les médias, sur les réseaux sociaux ou dans l’espace public.

Plus des deux tiers d’entre elles ont rapporté des insultes en raison de leurs engagements, de leur identité sexuelle ou de genre. La moitié ont été publiquement menacées. Deux ont reçu des menaces de mort à leur domicile. Ces atteintes peuvent avoir lieu en ligne, mais aussi sur le lieu de travail ou au domicile. Elles touchent non seulement les personnes LGBTQ+, mais aussi celles et ceux qui les soutiennent ou œuvrent pour leurs droits. Ces chiffres sont plus élevés que les données d’autres études mais ils s’expliquent par la visibilité publique et les engagements des personnes interrogées dans l’enquête.

Des locaux professionnels ou associatifs ont aussi été vandalisés, recouverts de slogans haineux. Des campagnes de harcèlement numérique exposent les données personnelles d’activistes, parfois compilées sur des listes.

Si ces pratiques d’intimidation ne sont pas nouvelles, elles tendent à augmenter et à prendre des formes renouvelées avec l’usage des réseaux sociaux. Au total, en 2024, ce sont 4 800 infractions anti-LGBT+ – 3 500 crimes ou délits et 1 800 contraventions – qui ont été enregistrées par les services de police et de gendarmerie en France – une hausse de 15 % par rapport à 2016.

Des effets durables sur les corps, les trajectoires, les liens sociaux

Le rapport met en évidence les conséquences, loin d’être abstraites, qui marquent les corps, les esprits et les trajectoires de vie. Les violences « anti-genre » produisent ainsi des effets durables sur la santé mentale, la vie sociale, les parcours professionnels des personnes qui en sont les cibles. Les effets décrits par les participants et participantes sont multiples et souvent cumulatifs.

Concernant la santé mentale, beaucoup évoquent des maux tels qu’anxiété, hypervigilance, troubles du sommeil, dépressions, pensées ou passages à l’acte suicidaires.

Un participant, qui accompagne des personnes trans dont plusieurs ont été assassinées ou se sont suicidées, nous confie :

« La réalité de la mort m’épuise ».

En 2014, plus de la moitié (56 %) des personnes trans interrogées déclarait avoir fait une dépression suite à des actes transphobes et 18 % une tentative de suicide.

Face à ces violences, certaines personnes adoptent des stratégies d’évitement qui bouleversent leur quotidien : ne plus fréquenter des lieux, renoncer à des activités sociales, changer d’itinéraire ou réduire ses déplacements, masquer son identité ou son engagement, se retirer des réseaux sociaux, envisager un départ à l’étranger…

Les conséquences se traduisent également au plan professionnel : pertes d’emploi, empêchements à enseigner ou à candidater. Ces atteintes compromettent les conditions matérielles d’existence, rendant certaines vies littéralement invivables.

Résister pour exister

Face à ces situations, si certaines se retirent de la vie publique et renoncent à leurs engagements, d’autres les renforcent. À rebours des injonctions à la discrétion, des personnes vont d’autant plus revendiquer leur identité. Un participant trans, agressé à plusieurs reprises dans les rues de Paris, affirme :

« Je refuse de ne pas exister. Je refuse de laisser mon identité être effacée ».

Dans un contexte où le simple fait d’être trans ou queer peut déclencher haine ou violence, affirmer son existence devient un acte profondément politique.


À lire aussi : Stonewall, Compton… Quand des femmes trans et racisées ont lancé la lutte LGBTQIA+


Le soutien communautaire est une autre forme de résistance. Une participante, fréquemment harcelée en ligne du fait de ses prises de positions féministes publiques, note :

« La vague de soutien arrive de plus en plus vite. Elle dépasse parfois la haine ».

Ce soutien – en ligne, dans l’espace public ou à travers les espaces militants – permet de rompre l’isolement, de contenir les effets psychiques de la violence et de produire des formes de réparation collective.

Les résistances prennent ainsi des formes multiples : mobilisations, campagnes de sensibilisation, création d’espaces d’éducation ou de militantisme…

Des atteintes aux droits fondamentaux

Ce que documente le projet RESIST, c’est que ces discours et ces mobilisations « anti-genre » ne s’inscrivent pas dans un débat d’idées. Il s’agit d’un répertoire d’actions qui porte atteinte aux droits fondamentaux des personnes, parmi lesquels le droit à la sécurité, à l’intégrité physique et psychique, à la dignité, à la liberté individuelle et à la protection des droits fondamentaux de la personne.

Comme nous l’avons vu, ces violences ne sont pas marginales. Elles sont portées non seulement par des acteurs d’extrême droite, mais peuvent aussi l’être par des responsables politiques, des médias ou des institutions publiques. Elles ne relèvent pas de la liberté d’opinion, mais de la discrimination, de l’intimidation et de l’exclusion.

Elles doivent dès lors appeler une réponse juridique, sociale et politique en France comme en Europe. Et surtout, une vigilance collective, pour reconnaître les atteintes et garantir à toutes et tous la possibilité d’exister en toute sécurité.

The Conversation

Cet article a été rédigé dans le cadre du projet RESIST (https://theresistproject.eu/) cofinancé par l'Union européenne (HORIZON no. 101060749).

Mathilde Kiening ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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03.07.2025 à 16:35

L’écologie politique, progressiste ou conservatrice ?

Fabrice Flipo, Professeur en philosophie sociale et politique, épistémologie et histoire des sciences et techniques, Institut Mines-Télécom Business School

L’écologie politique est régulièrement soupçonnée d’appartenir au camp conservateur parce qu’elle critique le « progrès » ou défend la « nature ».
Texte intégral (1877 mots)

L’écologie politique est régulièrement soupçonnée d’appartenir au camp conservateur – parce qu’elle critiquerait le « progrès », défendrait la nature ou encore les peuples autochtones. Certains considèrent même le risque d’un « écofascisme ». Ces critiques sont-elles fondées ? L’écologie politique est plutôt proche du socialisme, à travers une critique de l’ordre industriel et du marché au profit d’une société coopérative.


Qu’est-ce que l’« écologie politique » ? Ce concept désigne en premier lieu un mouvement social pouvant prendre diverses formes, telles que des associations de plaidoyer (contre les pesticides ou pour le vélo) ou d’action directe (à l’image des Soulèvements de la Terre) ou encore des partis politiques. Il émerge dans les années 1960 et 1970 dans les pays industrialisés, mais a des racines plus anciennes, car toutes les sociétés se sont souciées de leur rapport à leur milieu. Sur le plan idéologique, il se distingue de « l’environnementalisme », qui se soucie de protection de la nature de manière sectorielle, sans projet alternatif de société, un peu comme le syndicalisme se distingue du socialisme. L’écologie politique se définit généralement comme critique de la société industrielle.

Depuis longtemps, l’écologisme ou écologie politique (termes utilisés de manière interchangeables ici) est considérée par certains observateurs (tels Philippe Pelletier, Stéphane François ou encore Jean Jacob comme l’expression d’un certain conservatisme : critique du progrès, défense de la nature, des paysages ou d’un ordre supposément passé, tel que celui des peuples autochtones. Certains entrevoient même la possibilité d’un écofascisme. S’intéressant à ce mouvement voici trois décennies, le sociologue Pierre Alphandéry et ses collègues concluaient à un positionnement « équivoque » relativement à la question de l’émancipation. Est-ce réellement le cas ?

Constatons que l’accusation est faible. Il y a tout d’abord l’imprécision des notions clés utilisées pour disqualifier l’écologie. Prenons le cas de la notion de progrès. L’écologisme la critique. Mais l’historien François Jarrige montre que le progrès scientifique et technique a souvent été porté par des conservateurs, depuis le XIXe siècle. Les fascismes ont été violemment progressistes. Marshall Sahlins, David Graeber et David Wengrow ont également montré que les sociétés supposément primitives ne sont pas moins complexes ni soucieuses d’émancipation, par exemple en termes d’égalité. Alors de quel progrès parle-t-on ? La critique d’un certain type de progrès ne permet pas de ranger l’écologie politique du côté du conservatisme.

La critique d’une écologie conservatrice parce que « protectrice de la nature » présente les mêmes faiblesses. La nature peut être mise en avant par les conservatismes, qui cherchent à faire passer l’ordre social pour donné. Au contraire, avec l’écologie politique, l’ordre naturel n’est pas donné. L’écologie en tant que science de la nature enseigne que cet ordre est sans cesse changeant. Serge Moscovici explique dès 1962 que cet ordre doit être inventé. Il en va de même pour l’ordre de la société écologique. Et la nature est le concept-clé que les Lumières opposent aux conservatismes, et en particulier aux religions, au surnaturel. La nature est ce qui est de l’ordre de la preuve. Elle est au fondement du sécularisme, et donc des démocraties, par opposition aux théocraties.

Autre amalgame et raisonnement fallacieux : l’écologie valorise le local, comme les conservatismes, et donc l’écologisme serait conservateur. C’est passer sous silence les différences. Le localisme écologiste est conditionné par un rapport égalitaire à la biosphère (« penser global, agir local »), qui accorde une place à tout vivant, y compris humain. Le localisme conservateur vise à la protection d’un patrimoine et un ordre ethnique. Les deux n’ont donc presque rien de commun, et impliquent une contradiction dans les termes.

Une troisième manière d’entretenir la confusion est de focaliser sur des individus ou des groupuscules, qui peuvent incarner des synthèses improbables, et souvent éphémères. On peut citer Hervé Juvin, un temps conseiller en « écologie localiste » au RN, avant que ce parti de devienne ouvertement anti-écologiste. La revue Limite a également voulu incarner une écologie politique chrétienne, ouvrant ses portes à tous les courants, conservateurs ou non. Elle n’a pas réussi à durer, le projet étant trop contradictoire.

Quant à l’écofascisme, il est également profondément contradictoire. Les fascismes sont des conservatismes extrêmes pour qui la priorité est la préservation de l’unité politique contre les menaces tant internes qu’externes, cela, en utilisant la force. Leur focale est donc anthropocentrique : c’est l’ordre humain qui passe avant tout le reste. La nature n’a de valeur qu’instrumentale, en tant que moyen pour contenir ce qui les menace. C’est également le cas des sociétés primitives conservatrices, à l’exemple des Achuars décrits par Philippe Descola. Leur faible empreinte écologique tient surtout à leur propension à s’entre-tuer. Ils se représentent la nature comme un monde de prédation, à l’opposé de l’écologisme qui défend une vision coopérative.

Alphandéry et ses collègues qualifiaient l’écologisme « d’équivoque ». Pourtant, c’est bien des valeurs progressistes qu’ils découvrent dans leur enquête, quand ils citent l’autonomie, la gratuité, la libération du travail, le fédéralisme ou la solidarité internationale.

Les quatre positions écologiques

Le rapport au conservatisme de l’écologisme est toutefois variable. Dans le champ politique contemporain, quatre positions semblent se dégager.

La première est une écologie plutôt conservatrice, mais pas d’extrême droite. Elle est de faible ampleur, parce qu’elle cherche à concilier l’inconciliable. Le philosophe Roger Scruton ou le député Les Républicains François-Xavier Bellamy peuvent l’incarner. Ils se disent soucieux de la biosphère, mais quand vient l’heure des choix, c’est l’économie qu’ils priorisent. Elle a une conception locale et patrimoniale de la nature, et plus généralement de la vie. Elle est libérale, mâtinée de spiritualité, peu critique du capitalisme bien qu’elle en appelle vigoureusement à sa régulation, contre le néolibéralisme. Elle est proche de ce Green New Deal soutenu un temps par Ursula von der Leyen, issue de la CDU allemande.

La deuxième position est une écologie sociale-libérale. Elle correspond à un social-écologisme, positionné au centre-gauche, à l’exemple du député européen Pascal Canfin, qui se satisfait en partie de ce Green New Deal que la CDU a vite abandonné dès que des obstacles se sont fait jour. Le marché est orienté par des incitations économiques, du côté des consommateurs et des producteurs (taxe carbone, subventions, etc.).

Le troisième courant correspond à une forme d’écosocialisme d’inspiration marxiste mais lui-même divers. Il va des aspirations à une social-écologie à des questions de planification. Un désaccord important porte sur le rôle possible de l’État et donc celui de l’initiative décentralisée, notamment de l’économie sociale et solidaire.

Un dernier courant pousse la rupture et la critique du développement plus loin encore. C’est le cas de Thierry Sallantin qui défend une position anti-industrielle radicale, qu’il qualifie « d’artisanaliste », rappelant le monde dépeint par William Morris, dans lequel les objets sont durables et peu nombreux, et la démocratie directe règne. Mais ce courant peut également se confondre avec des démarches ésotériques et irrationalistes, fétichistes, qui débouchent sans trop s’en rendre compte sur des ordres conservateurs, à l’exemple d’Edward Goldsmith ou de Jerry Mander admirant les sociétés primitives.

Alors, l’écologie politique est-elle un conservatisme ? Rien ne permet de le dire, une fois que les termes de la controverse sont définis. Mais il n’a jamais manqué de conservateurs pour chercher à enrôler cette critique de la modernité pour la mettre au service de buts très différents. L’écologisme est plutôt un proche parent du socialisme, qui portait aussi une critique de l’ordre industriel et du marché au profit d’une société coopérative. Une divergence notable existe néanmoins entre la forme dominante du socialisme et l’écologisme à propos des forces productives et de la croissance.

The Conversation

Fabrice Flipo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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02.07.2025 à 18:36

Proportionnelle aux élections législatives : qu’en pensent les citoyens ?

Navarro Julien, Chargé de recherche en science politique, Institut catholique de Lille (ICL)

Alors que le gouvernement se divise autour de la proportionnelle, ce mode de scrutin est à nouveau au cœur du débat public. Mais qu'en pensent les citoyens ?
Texte intégral (2197 mots)

Faut-il abandonner le scrutin majoritaire à deux tours pour élire les députés à la proportionnelle ? Cette question fait l’objet de discussions passionnées jusqu’au sein du gouvernement. Au-delà des polémiques sur les avantages et les inconvénients de chaque mode de scrutin, des travaux récents suggèrent qu’un système fondé sur la proportionnelle est perçu comme plus démocratique. Son adoption pourrait contribuer à restaurer la confiance des citoyens dans le jeu politique.

D’après un sondage réalisé dans la foulée des élections législatives anticipées de 2024, 57 % des personnes interrogées jugeaient que la composition de l’Assemblée nationale ne reflétait pas fidèlement l’opinion des Français. Un tel résultat peut surprendre si l’on considère que ces mêmes Français venaient de désigner leurs députés ! S’il reflète sans doute les déceptions cumulées d’électeurs dont le vote n’a pas permis à leur parti d’obtenir une majorité, il traduit aussi plus profondément un malaise démocratique et un fossé croissant entre citoyens et représentants.

Dans ce contexte, le débat sur la réforme du système électoral – c’est-à-dire de la manière dont les suffrages sont transformés en sièges au sein d’une assemblée – prend un relief particulier. Il a été récemment ravivé par la publicité donnée à un « bras de fer » sur ce sujet entre Bruno Retailleau et François Bayrou.

Les consultations menées par le Premier ministre François Bayrou sur l’instauration de la proportionnelle sont sources de tensions au sein du gouvernement : le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a ainsi récemment déclaré qu’il ne porterait « jamais » une telle réforme.

Il faut dire que le Premier ministre est un partisan historique de l’instauration d’un système proportionnel, dans lequel chaque parti se voit attribuer un pourcentage des sièges de députés en fonction de son pourcentage de votes. Son ministre de l’Intérieur, quand à lui – et à l’image du parti Les Républicains dans son ensemble – reste viscéralement attaché au scrutin majoritaire à deux tours. Rappelons que ce mode de scrutin, qui correspond à l’élection dans une circonscription de celui ou celle qui arrive en tête au second tour, est utilisé pour les élections législatives depuis l’instauration de la Ve République en 1958 (à l’exception de celles de 1986).

La proportionnelle transforme l’offre politique

De part et d’autre, les arguments sur les mérites et les effets de chaque système ne manquent pas. La proportionnelle assure par définition une représentation des forces politiques en fonction de leur poids dans l’électorat. Les partis y jouent un rôle primordial car ce sont eux qui se chargent de constituer des listes de candidats, que ce soit à l’échelle départementale, régionale ou nationale.

Les effets du scrutin majoritaire sont tout autres. Si ce mode de scrutin a pour effet théorique d’assurer une large majorité au parti arrivé en tête des élections, cela se fait au prix d’une distorsion de la représentation. Cette dernière est cependant contrebalancée par davantage de redevabilité personnelle des représentants, dans la mesure où chaque député élu localement rend des comptes à l’ensemble des électeurs de sa circonscription.

Avec un système majoritaire tel que nous le connaissons aujourd’hui, les partis politiques sont également encouragés à se coaliser avant les élections pour maximiser leurs chances d’accéder au second tour, ou à former des alliances dans l’entre-deux-tours. C’est ce qu’ont parfaitement compris les partis du Nouveau Front populaire en 2024.

À l’inverse, avec un mode de scrutin proportionnel, chaque formation politique – y compris les plus petites – est susceptible de concourir seule. La formation des gouvernements dépend alors de la constitution de coalitions après les élections. Le dilemme est donc ici le suivant : vaut-il mieux une offre politique restreinte mais lisible dès l’élection, ou plus diversifiée au risque de rendre les alliances postélectorales imprévisibles pour les électeurs ?

Et les citoyens, qu’en pensent-ils ?

Les controverses techniques autour des effets des systèmes électoraux cachent en réalité un enjeu plus fondamental : celui de la légitimité démocratique et de la recherche d’un processus électoral à la fois juste et équitable. Une autre façon d’aborder la question consiste à interroger les préférences des citoyens eux-mêmes. En démocratie, n’est-ce pas à eux de choisir les règles du jeu politique ?

Sur ce point, les sondages récents sont clairs. D’après le sondage Elabe cité plus haut, en 2024, seuls 37 % des Français se disaient attachés au scrutin majoritaire à deux tours, alors qu’une majorité préférerait soit un scrutin proportionnel au niveau national (35 %), soit un système mixte (26 %). En mai 2025, selon une autre enquête de l’institut Odoxa, 75 % des Français se disaient désormais favorables à l’élection des députés à la proportionnelle.

Afin de contourner les limites inhérentes aux enquêtes d’opinion, j’ai mené en 2022 avec des collègues italiens et hongrois une étude expérimentale dans trois pays aux systèmes électoraux et à la qualité démocratique variés : la France, l’Italie et la Hongrie. Notre objectif : comprendre comment le mode de scrutin, entre autres facteurs, influe sur la perception que les citoyens ont de la qualité démocratique des institutions.

Nous avons demandé à des participants de comparer deux systèmes politiques fictifs, construits selon neuf critères variant aléatoirement, et d’indiquer lequel leur semblait le plus démocratique. Les critères pris en compte correspondaient aussi bien aux modalités d’accès au pouvoir – y compris la proportionnalité du système électoral – qu’aux processus de décision et aux performances du gouvernement.

Un système politique reposant sur la proportionnelle est systématiquement jugé plus démocratique

Les enseignements de cette étude sont multiples. Par rapport aux études antérieures qui mettaient l’accent sur les caractéristiques personnelles des répondants, sur leurs préférences partisanes ou sur leur situation économique, notre travail démontre l’importance du cadre institutionnel, en particulier du système électoral, parmi les différents éléments qui conduisent des citoyens – toute chose étant égale par ailleurs – à considérer un régime comme plus démocratique qu’un autre.

Même en tenant compte d’autres facteurs comme le niveau de corruption ou la performance économique, les résultats sont nets : peu importe le contexte, les citoyens jugent plus démocratique un système où les élus sont choisis à la proportionnelle. Le fait qu’un système politique repose sur la proportionnelle augmente sa probabilité d’être considéré comme plus démocratique de 3,6 points de pourcentage par rapport à un système fonctionnant avec un mode de scrutin majoritaire.

Cette préférence pour un système proportionnel, qui confirme des travaux menés en Autriche, Angleterre, Irlande et Suède, correspond en outre, chez les citoyens, à une vision d’ensemble cohérente de ce qui rend un système politique plus démocratique. Les participants ont en effet également jugé plus démocratiques des systèmes où un grand nombre de partis étaient représentés, plutôt que quelques-uns, et où le gouvernement était issu d’une coalition, plutôt que d’un seul parti. Avoir une offre politique large augmente de 3,6 points de pourcentage la probabilité qu’un système politique soit considéré comme plus démocratique par rapport à un système où il n’y a qu’un nombre réduit de partis. Le gain est même de 5 points de pourcentage lorsqu’il y a un gouvernement de coalition plutôt qu’un gouvernement unitaire.

Ce sont par ailleurs les participants les plus attachés à la démocratie – ceux qui estiment qu’elle est préférable à toute autre forme de gouvernement – qui se montrent les plus enclins à désigner comme plus démocratique un système politique basé sur la proportionnelle. La probabilité que ce groupe choisisse un système donné passe ainsi de 45 % à 55 % si celui-ci présente des caractéristiques proportionnelles. À l’inverse, la proportionnelle ne génère aucun écart significatif dans les probabilités qu’un système soit choisi plutôt qu’un autre chez les participants qui soutiennent faiblement la démocratie.

Notons enfin que cette valorisation du pluralisme et de la recherche du compromis ne peut s’expliquer par l’ignorance dans laquelle les participants se trouveraient des effets potentiellement négatifs de la proportionnelle. Les résultats pour la France sont en effet sur ce point parfaitement convergents avec ceux obtenus par notre étude dans les pays qui utilisent déjà la proportionnelle intégrale, comme l’Italie, ou un système mixte, comme la Hongrie. Le fait qu’un système politique s’appuie sur un scrutin proportionnel plutôt que majoritaire augmente de 8 points de pourcentage la probabilité que les participants hongrois le désignent comme plus démocratique ; parmi les participants italiens, la différence entre ces deux scénarios est comme dans l’enquête française de 3,6 points de pourcentage.

Quelles leçons pour le débat français ?

Bien sûr, le système électoral ne constitue qu’un des aspects poussant les citoyens à juger un régime politique plus démocratique qu’un autre. Il serait tout à fait illusoire de penser que l’adoption de la proportionnelle pour les élections législatives pourrait suffire à réconcilier les Français avec la politique et à régler tous les problèmes de la Ve République.

Notre étude a cependant le mérite de montrer que les modalités de désignation des responsables politiques – en particulier le mode de scrutin – sont un élément clé de la satisfaction démocratique, indépendamment de la façon dont le pouvoir est ensuite exercé et des résultats qu’il obtient. Ainsi, même si dans notre étude la croissance économique et le niveau de corruption ont un large effet sur la satisfaction démocratique (la probabilité qu’un pays connaissant une forte croissance et peu de corruption soit considéré comme plus démocratique augmente respectivement de 14,5 et de 3,5 points de pourcentage par rapport à un pays à l’économie stagnante et corrompu), ils n’annulent pas celui, bien tangible, de la proportionnalité du système électoral.


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Cela contribue à expliquer pourquoi il est vain d’espérer restaurer la confiance envers les gouvernants par la seule amélioration du bien-être des citoyens. Les gouvernements sortants en ont fait l’amère expérience en 2022 et, plus encore, en 2024 : même si les facteurs expliquant leurs échecs électoraux sont multiples, il est assez clair que leurs tentatives de tirer profit de bons résultats en matière d’emploi ne se sont pas traduits par un surcroît de popularité dans les urnes.

The Conversation

Navarro Julien ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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01.07.2025 à 16:51

Le nationalisme mène-t-il toujours au fascisme ?

Xosé M. Núñez Seixas, Professor of Modern and Contemporary History, Universidade de Santiago de Compostela

Souvent associé à l’extrême droite, le nationalisme peut aussi servir des projets progressistes. La spécificité du fascisme réside dans la réappropriation du nationalisme à des fins de domination et d’exclusion.
Texte intégral (1647 mots)

Souvent associé à l’extrême droite, le nationalisme peut aussi servir des projets progressistes d’autodétermination. La spécificité du fascisme réside dans la réappropriation ethnique et autoritaire du nationalisme à des fins de domination et d’exclusion.


Le nationalisme est généralement considéré comme l’apanage de la droite politique, et il a longtemps été un pilier des gouvernements autoritaires et fascistes à travers le monde. Dans les pays démocratiques, le terme « nationalisme » est associé au chauvinisme national – une croyance en la supériorité inhérente de sa propre nation et de ses citoyens –, mais la réalité est plus complexe qu’il n’y paraît.

Pour commencer, il y a peu de différence entre patriotisme et nationalisme, si ce n’est une question de degré d’intensité. La plupart d’entre nous reconnaissent cependant la distinction entre l’amour de son pays et les aspects plus durs, souvent exclusifs ou xénophobes, du nationalisme extrême. Le patriotisme est un nationalisme modéré, mais le nationalisme radical dérive souvent vers la xénophobie.

L’analyse devient encore plus complexe avec le nationalisme infra-étatique ou minoritaire, un phénomène tout à fait différent, souvent associé à des idéaux de gauche ou progressistes. De nombreux partis et idéologies – en Europe, dans les Amériques et ailleurs – utilisent le terme « nationaliste » sans connotation d’extrême droite. Ils présentent plutôt la nation comme une force d’émancipation visant l’autodétermination d’un territoire donné.

Ainsi, le National Party au Suriname, le Parti nationaliste basque, le Scottish National Party et le Bloc nationaliste galicien. Certains grands mouvements de gauche européens, comme le parti irlandais Sinn Féin, sont farouchement nationalistes, tandis que d’autres, comme le gallois Plaid Cymru, adhèrent à des principes éco-socialistes.

Cela ne signifie pas que les nationalismes minoritaires ou infra-étatiques soient à l’abri de l’influence de l’extrême droite. Le parti belge Vlaams Belang et l’Alliance catalane sont deux exemples contemporains de nationalisme minoritaire d’extrême droite. Si l’on remonte plus loin, l’Organisation des nationalistes ukrainiens et l’Union nationale flamande occupaient un espace politique similaire dans l’entre-deux-guerres.

Malgré ces nuances, l’idéologie nationaliste glisse souvent facilement vers le fascisme. La résurgence du nationalisme ethnique à la fin du XXe siècle a également renforcé cette association, souvent véhiculée par les concepts de nativisme et de populisme, donnant naissance à des mouvements aussi divers que le « Make America Great Again » de Trump, l’irrédentisme de Poutine ou le nationalisme hindou hindutva de Narendra Modi en Inde.

L’importance de la nation au sein du fascisme semble aller de soi, et le nationalisme constitue une base de toute idéologie fasciste. Cependant, la relation entre nationalisme et fascisme reste encore peu explorée. Mes recherches visent à combler cette lacune en étudiant de près le lien entre les diverses conceptions de la nation et le contenu idéologique du fascisme.

Nationalisme ethnique et naissance du fascisme

L’idéologie fasciste a souvent été comprise comme un prolongement inévitable des formes de nationalisme ethnique du XIXe siècle. Favorisé par l’impérialisme européen et la Première Guerre mondiale, le nationalisme est devenu de plus en plus chauvin, raciste et xénophobe.

Cette tournure ethnique du nationalisme a été déterminante pour en faire un instrument du fascisme, ainsi qu’un argument central pour diverses formes de droite radicale, allant d’un conservatisme « fascisé » à des régimes autoritaires plus affirmés.

Dans la plupart des théories sur le fascisme, le nationalisme est implicitement lié à une vision unifiée de la nation comme entité organique, avec des critères d’inclusion fondés sur des vérités « objectives » comme la langue, le sang et le sol, l’histoire et la tradition.

Cependant, des éléments comme l’ascendance, l’histoire et le territoire ne sont pas propres aux conceptions fascistes ou autoritaires de la nation. Beaucoup de ces composantes se retrouvent aussi dans des définitions libérales et républicaines de la nation, qui supposent l’existence d’une « communauté culturelle » au sein de laquelle la citoyenneté se construit.

En réalité, plusieurs mouvements progressistes en Europe – comme Sinn Féin en Irlande – s’enracinent dans un nationalisme radical au début du XXe siècle, et défendent aujourd’hui une vision tolérante et ouverte de la société, à l’opposé du fascisme.

Il est donc vrai que tout fasciste est nationaliste, mais tout nationaliste n’est pas nécessairement fasciste. Cela soulève la question suivante : comment le fascisme instrumentalise-t-il le nationalisme pour parvenir à ses fins ? À mon avis, il existe une conception et une utilisation spécifiquement fascistes du nationalisme.

Le nationalisme fasciste en cinq points

Les fascistes voient la nation comme une entité organique unique, unissant les personnes non seulement par leur ascendance, mais aussi par le triomphe de la volonté. Elle devient ainsi la force motrice et unificatrice des masses vers un objectif commun. Mais pour cela, les fascistes doivent réinterpréter le nationalisme à leur manière.

Pour servir le fascisme, le concept de nation doit s’aligner avec les principes fondamentaux de l’idéologie fasciste : l’idée de révolution, l’ordre social corporatiste, la pureté raciale (définie biologiquement ou culturellement) et la mise en avant de valeurs non rationnelles. La diversité des traditions nationalistes explique aussi la variété géographique du fascisme.

Bien que les éléments fournis par le nationalisme soient anciens, le fascisme les a recombinés pour créer quelque chose de nouveau. Cela a produit ce que l’on appelle une conception « générique » de la nation fasciste, qui peut être résumée en cinq points clés :

  1. Une vision paramilitaire des liens sociaux et du caractère national : la nation vit dans un état de mobilisation militaire permanente, où les valeurs martiales comme la discipline, l’unité de commandement et le sacrifice priment sur les droits individuels. L’ordre social tout entier et la nature de ses liens sont intégrés à un schéma paramilitaire, ce qui signifie que toute l’organisation sociale devient une sorte de caserne. Cela explique aussi la tendance expansionniste du fascisme, sa quête d’empire et ses guerres – autant de causes servant à garder la nation mobilisée en permanence et unie.

  2. Une vision darwinienne de la société nationale et internationale où survivent les meilleurs : cela entraîne l’exclusion des autres (définis selon la race, la langue, la culture, etc.), la croyance en la souveraineté absolue de sa nation, et la justification de la violence contre ses ennemis internes et externes. L’impérialisme devient la conséquence naturelle du nationalisme affirmatif.

  3. La nation au-dessus de tout, y compris la religion : les régimes fascistes se sont généralement déclarés indépendants de la religion. Là où ils sont arrivés au pouvoir, la plupart ont passé un accord avec l’Église, pourtant, le fascisme place toujours la nation au-dessus de Dieu et de la foi, de manière explicite ou implicite.

  4. L’unité de l’État, de la culture et de la nation : dans la vision fasciste, la nation ne domine ni ne sert l’État. Elle s’y identifie totalement tout en le dépassant : c’est ce qu’on appelle le national-étatisme.

  5. La croyance absolue dans un leader charismatique : la nation fasciste repose sur la confiance inconditionnelle envers un chef unique et tout-puissant. Dans l’Allemagne nazie, c'était le Führerprinzip selon lequel la parole du Führer surpassait toute loi écrite. Cette figure du chef fasciste transcende celle du héros national du XIXe siècle ou « père fondateur » de la nation. Le leader fasciste assimile et incarne les qualités de tous les héros nationaux qui l’ont précédé.

The Conversation

Xosé M. Núñez Seixas ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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30.06.2025 à 17:38

Immigration : Pourquoi les gouvernements n’écoutent-ils pas les chercheurs ?

Antoine Pécoud, Professeur de sociologie, Université Sorbonne Paris Nord

Les gouvernements choisissent des politiques unanimement jugées inefficaces par les chercheurs spécialistes des migrations. Comment aboutir à un meilleur dialogue ? La conférence IMISCOE, qui s’ouvre en région parisienne le 1er juillet, réunit plus de 1 000 chercheurs.
Texte intégral (2142 mots)

Les gouvernements choisissent des politiques jugées unanimement inefficaces par les chercheurs spécialistes des migrations. Comment comprendre cette absence d’écoute ? Comment y remédier ?


Les migrations sont omniprésentes, dans le débat politique comme dans les médias ou sur les réseaux sociaux. Les chercheurs, pourtant, sont relativement peu visibles.

Cette situation est a priori surprenante. Malgré des moyens importants, les États ne semblent pas parvenir à maîtriser les déplacements de populations et pourraient donc bénéficier d’un échange avec les spécialistes. Or, la recherche sur les migrations est dynamique, avec un nombre croissant de connaissances sur le sujet.

Mais en pratique, le dialogue entre chercheurs et politiques est peu développé. Une des conséquences de cette situation est que les gouvernements s’obstinent dans des politiques qui sont unanimement jugées inefficaces, et même contre-productives, par les spécialistes.

C’est notamment le cas des politiques qui visent à développer l’Afrique pour freiner l’immigration. L’Union européenne y consacre des dizaines de millions d’euros, notamment au travers du Fonds fiduciaire. Pourtant la recherche a de longue date établi que le développement ne limite pas mécaniquement l’émigration, au point que le premier peut même, dans certains cas, favoriser la seconde.

Il en va de même pour la réponse à la « crise » des migrants et des réfugiés en Méditerranée. Les décideurs – et une bonne partie de la société avec eux – sont persuadés que l’Europe fait face à une hausse sans précédent des arrivées de migrants en Europe. Or la recherche montre que la crise n’est pas seulement due à une augmentation des flux, mais aussi à une politique d’accueil inadaptée. En refusant de prendre en compte cette nuance, les politiques migratoires ne font que renforcer le contrôle – avec le risque d’aggraver encore la crise.

Approche idéologique des États

La difficulté majeure tient donc dans l’approche excessivement idéologique des États. Nombre de gouvernements sont élus sur un programme de lutte contre l’immigration et blâment les migrants, les réfugiés (et même leurs descendants) pour toutes sortes de problèmes, du chômage à l’insécurité en passant par la cohésion sociale. On conçoit donc qu’ils soient hostiles aux critiques, et même à tout raisonnement légèrement nuancé.

Cette approche clivante inspire l’ensemble des politiques publiques. En France, par exemple, pas moins de 28 lois sur l’immigration ont été adoptées depuis 1980. À ce rythme, chaque loi est adoptée avant que précédente n’ait été entièrement mise en œuvre – et encore moins évaluée. Là encore, on conçoit que les chercheurs ne soient pas les bienvenus dans une activité législative qui relève en grande partie de l’affichage et de la gesticulation.

Cela s’inscrit dans une défiance plus générale vis-à-vis des sciences sociales, qui ont toujours été accusées d’idéalisme, d’irénisme (attitude favorisant la compréhension plutôt que le conflit) – et aujourd’hui de « wokisme ». Rappelons qu’en 2015, un ancien premier ministre affirmait qu’en « expliquant » certaines réalités (comme la radicalisation), les sciences sociales contribuaient à les « excuser ».

Le paradoxe du financement public de la recherche

La réalité est un peu plus complexe, cependant. L’indifférence des pouvoirs publics à la recherche ne les empêche pas de la financer.

La Commission européenne a ainsi débloqué plus de 160 millions d’euros depuis 2014 pour les universités travaillant sur les migrations. En France, dans le cadre du programme France 2030, l’Agence nationale de la recherche (ANR) a financé à hauteur de près de 14 millions d’euros l’Institut Convergences Migrations (IC Migrations) depuis sa création en 2017.

Cela contribue au dynamisme de la recherche sur les migrations : plus de mille chercheurs vont ainsi se réunir à Aubervilliers, en région parisienne, en juillet 2025 pour la 22ᵉ conférence annuelle du réseau européen IMISCOE, organisée par l’IC Migrations.

Mais, bien que l’écrasante majorité de ces chercheurs soient critiques des politiques migratoires, celles-ci ne changent pas pour autant. Les premiers surpris sont les chercheurs eux-mêmes : en 2020, soixante d’entre eux ont écrit à la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen pour exprimer leur frustration d’être financés par la Commission – mais jamais écoutés.

Dans une logique de « politiques fondées sur les faits », l’objectif affiché par les bailleurs de fonds est pourtant de mieux comprendre les migrations pour mieux les gouverner. Cette approche est louable et nécessaire, a fortiori dans une époque marquée par les fake news, par l’influence de médias ouvertement populistes et par des politiques « anti-science » dans l’Amérique trumpiste. Mais force est d’admettre que les obstacles sont nombreux.

Des chercheurs peu incités à dialoguer avec les politiques

Rappelons que, si les chercheurs sont en général ouverts au dialogue avec les décideurs ainsi qu’avec les médias et la société civile, il ne s’agit pas de leur cœur de métier.

Ils évoluent dans un milieu professionnel qui a son propre rythme, nécessairement plus lent que celui des médias ou des soubresauts politiques. Leurs carrières répondent à des logiques spécifiques, dans lesquelles les publications jouent un rôle prépondérant – ce qui conduit à une forte spécialisation et à l’usage de la lingua franca de la recherche qu’est l’anglais.

Ajoutons que beaucoup travaillent dans des conditions dégradées, marquées par un précariat croissant et le sous-financement chronique des universités. La grande majorité des chercheurs ne sont donc pas formés, pas incités (et encore moins payés) pour dialoguer avec les politiques.

Cela a conduit à l’émergence d’intermédiaires, comme les think tanks (à l’instar du Migration Policy Institute à Bruxelles) ou certains centres de recherche spécialisés (dont le « Co-Lab » à l’Institut européen, à Florence). De par leurs réseaux parmi les décideurs et leur capacité à leur parler, ces acteurs comblent un manque. Mais leur existence indique aussi à quel point le dialogue recherche-politique est un exercice à part entière, que seule une poignée de chercheurs maîtrise.

Une autre difficulté tient à l’hétérogénéité des positions des chercheurs. Des économistes aux anthropologues en passant par les juristes, tous sont critiques des politiques actuelles – mais pas pour les mêmes raisons. Certains leur reprochent de freiner la croissance en limitant l’immigration de travail, d’autres de violer les droits fondamentaux, etc.

Face à cette multiplicité de critiques, les États peuvent aisément ne « piocher » que les résultats qui les arrangent. Par exemple, quand les sciences sociales documentent la vulnérabilité des migrants et le rôle des passeurs dans l’immigration irrégulière, les États retiennent l’impératif de lutter contre ces réseaux – mais oublient que leur existence est en grande partie une réponse au contrôle des migrations qui, en empêchant les mobilités légales, incitent les migrants à se tourner vers les passeurs.

Des politiques migratoires « occidentalo-centrées »

Il existe enfin des obstacles plus fondamentaux, car la recherche renforce parfois les politiques qu’elle critique. Les politiques migratoires sont ainsi très « occidentalo-centrées ». L’Europe s’affole de l’arrivée de réfugiés sur son sol, en oubliant que la très grande majorité d’entre eux restent dans les pays du Sud. Or, c’est aussi dans les pays du Nord que la majorité du savoir est produit, avec le risque d’étudier davantage ce qui se passe en Europe qu’ailleurs.

Les appels à « décentrer » (voire à « décoloniser ») la recherche se multiplient, mais il reste difficile d’échapper à ce biais. À cet égard, les financements européens sont à double tranchant : s’ils permettent un essor de la recherche, ils sont aussi orientés vers les problématiques jugées importantes en Europe, tout en accentuant les inégalités de financement entre le nord et le sud de la Méditerranée.

Mais surtout, la notion même de « migration » n’est pas neutre : elle suppose un cadre étatique, au sein duquel les populations et les territoires sont séparés par des frontières, où citoyens et étrangers font l’objet d’un traitement bien différencié. Il est possible d’avancer que c’est justement cette organisation « westphalienne » du monde qui empêche de mieux gouverner les migrations, lesquelles témoignent des multiples interdépendances entre États.


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Le dilemme est donc assez clair. Les chercheurs sont des citoyens comme les autres et, à ce titre, ils ne sont donc pas extérieurs aux réalités sur lesquelles ils travaillent. Il est donc logique que la recherche se focalise sur les aspects les plus saillants des migrations contemporaines, et ce, d’autant plus que c’est justement vers ces réalités que les financements sont orientés. À bien des égards, pour produire un savoir pertinent et parler aux politiques, les chercheurs doivent « coller » à l’actualité.

Mais ce faisant, ils risquent de négliger des réalités moins visibles, et en conséquence de renforcer les biais qui affectent la perception sociale et politique des migrations. Il ne s’agit évidemment pas d’en appeler à une illusoire neutralité scientifique, mais de trouver un équilibre entre une logique de recherche autonome et la production d’un savoir utile à l’amélioration des politiques migratoires – à condition bien sûr que les États finissent un jour par les écouter.


Antoine Pécoud intervient sur ce sujet lors du colloque annuel de l’IMISCOE (International Migration Research Network), qui se tient sur le campus Condorcet à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), du 1er>/sup> au 4 juillet 2025.

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Antoine Pécoud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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