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21.11.2024 à 13:00

Pourquoi la neige est-elle blanche ?

Marie Dumont, Chercheuse, directrice du Centre d'études de la neige, Centre National de Recherches Météorologiques, Météo France

La couleur de la neige n’est pas anodine – elle affecte le climat, et elle nous renseigne sur des phénomènes qui peuvent traverser les mers.
Texte intégral (1375 mots)
La neige est blanche, bien sûr ; mais sa teinte dépend de sa fraîcheur… et elle peut virer à d'autres couleurs dans certaines conditions. Marie Dumont, Fourni par l'auteur

La neige est blanche, mais il y a plusieurs nuances de blanc, et elle revêt même parfois d’autres teintes, plus originales. Plongée entre physique et météo avec la directrice du Centre d’études de la neige basé à Grenoble.


D’une blancheur immaculée qui scintille au soleil, la neige quand elle recouvre le sol à le pouvoir de transformer les paysages en quelque chose de magique. Mais pourquoi est-elle blanche ? Elle est constituée de glace et d’air et les glaçons qui sortent de notre congélateur ne sont pas blancs, ils sont transparents ! Alors comment est-ce possible ?

La neige est blanche justement parce que la glace est transparente. Lorsque l’on dit que la glace est transparente, cela veut dire que la lumière visible et toutes les différentes couleurs qui la constituent ont très peu de chances d’être absorbées lorsqu’elles traversent la glace.

La neige est en fait une sorte de mousse de glace et d’air : la lumière qui la traverse va avoir très peu de chances d’être absorbée en traversant la glace ou l’air, les deux transparents.

Par contre, à chaque interface air-glace, la lumière va être réfléchie (comme un miroir) ou réfractée (changée de direction à l’intérieur de la glace), et va finir par ressortir du manteau neigeux, car elle a très peu de chances d’y être absorbée.

Ainsi la majeure partie de la lumière visible qui entre dans la neige ressort vers le haut, ce qui rend la neige blanche.

Pourquoi la neige est-elle blanche ? (Observatoire environnement terre univers, OSUG).

Cette couleur blanche de la neige est très importante pour notre planète. En effet cela veut dire que lorsque la neige recouvre le sol, la majeure partie de la lumière du soleil va être réfléchie vers l’atmosphère, contrairement à un sol nu ou recouvert de végétation, plus sombre, et qui absorbe plus de lumière. La couleur blanche de la neige limite donc l’absorption d’énergie solaire, et ainsi le réchauffement. Or, plus la température augmente, moins il y a de neige au sol, donc plus la couleur de la planète s’assombrit et plus elle se réchauffe. C’est un phénomène d’« emballement », que l’on appelle encore « rétroaction positive », lié à l’albédo (c’est-à-dire la fraction de rayonnement solaire réfléchi par un milieu) de la neige et qui est très importante pour notre climat.

50 nuances de neige

La neige n’est pas simplement blanche, elle peut prendre différentes nuances de blancs.

Cela vient de l’interaction de la lumière avec la structure de la neige. La structure de la neige, c’est-à-dire, l’arrangement tridimensionnel de l’air et de la glace à l’échelle du micromètre (un millionième de mètre, soit environ cinquante fois moins que l’épaisseur d’un cheveu), varie beaucoup en fonction de l’état de la neige.

Évolution de la microstructure d’une neige en présence d’impuretés. Source : ANR.

Plus la neige a une structure fine, comme c’est le cas par exemple pour la neige fraîche, plus la surface de l’interface air-glace est grande par rapport au volume de glace contenu dans la neige. Pour faire l’analogie avec une piscine à balle, pour la neige fraîche, on aurait alors une grande quantité de toutes petites balles, soit une grande surface de plastique en contact avec l’air. Plus tard, la neige évolue et notre piscine contiendrait des balles plus grosses, en moindre quantité, ce qui résulte en moins de surface de contact entre air et plastique.

La quantité de lumière absorbée est proportionnelle au volume de glace alors que la quantité de lumière diffusée est proportionnelle à la surface de l’interface air-glace. Ainsi plus le rapport entre la surface de l’interface et le volume de glace est grand, c’est-à-dire plus la structure est fine, plus la neige va être blanche. Une neige fraîche paraîtra donc plus blanche qu’une neige à structure plus grossière, par exemple qui a déjà fondu et regelé.

Cette nuance de blanc, qui provient de l’interaction entre la lumière et la structure de la neige, est également à l’origine d’une rétroaction positive importante pour notre climat. En effet, lorsque la température augmente, la structure de la neige a tendance à grossir, la neige devient moins blanche, absorbe plus d’énergie solaire et donc peut fondre plus rapidement.

De la neige en couleur

Mais la neige n’est pas que blanche, on peut trouver de la neige orange, rouge, noire, violette ou même verte. Lorsque de telles couleurs se présentent, c’est que la neige contient des particules colorées qui peuvent être de différentes origines.

On y trouve souvent du carbone suie issu de la combustion des énergies fossiles et qui rend la neige grise.

Dans les massifs montagneux français, il est courant de trouver de la neige orange, voire rouge, après des épisodes de dépôts de poussières minérales en provenance du Sahara.

Vents du Sahara dans le Caucase. Source : Alpalga.

Enfin, la neige contient des organismes vivants, et en particulier des algues qui produisent des pigments pouvant être de différentes couleurs. Dans les Alpes, l’espèce d’algue de neige la plus courante s’appelle Sanguina Nivaloides et teinte la neige d’une couleur rouge sang, que vous avez peut-être déjà observée lors d’une promenade en montagne à la fin du printemps.

En changeant la couleur de la neige, toutes ces particules colorées provoquent une augmentation de la quantité de lumière solaire absorbée par celle-ci, et accélèrent sa fonte.

La blancheur de la neige et ses subtiles nuances sont donc très importantes pour l’évolution du couvert nival et pour le climat de notre planète.


Le projet EBONI et le projet ALPALGA ont été soutenus par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’ANR.

The Conversation

Marie Dumont a reçu des financements de l'Agence National pour la Recherche (ANR EBONI et ALPALGA), du Centre National d'Etudes Spatiales (APR MIOSOTIS) et du European Research Council (ERC IVORI).

21.11.2024 à 11:14

Voici pourquoi reconnaître à la mer Méditerranée un statut d’entité naturelle juridique est nécessaire et réaliste

Victor David, Chargé de recherches, Institut de recherche pour le développement (IRD)

Elle ne représente que 1 % de la surface terrestre, mais abrite 10 % de sa biodiversité. La Méditerranée est pourtant devenue fort vulnérable face aux bouleversements du climat et de l’environnement.
Texte intégral (3807 mots)
Jon Amdall/Unslpash, CC BY

Elle ne représente que 1 % de la surface terrestre, mais abrite 10 % de sa biodiversité. La mer Méditerranée est pourtant devenue fort vulnérable face aux bouleversements du climat et la dégradation des environnements. Autant de signaux alarmants nous invitant à repenser sa protection et son identité.


Accorder à la mer Méditerranée un statut d’entité naturelle juridique pour mieux la protéger. Depuis que l’idée est lancée, elle a pu être taxée tout à la fois d’irréalisable, d’utopique, de naïve, de dangereuse… Voici au moins quatre arguments qui montrent, à l’inverse, que ce projet est non seulement souhaitable, mais aussi nécessaire et réaliste.

Argument numéro 1 : reconnaître des droits à de nouvelles personnes ou entités, c’est l’histoire même du droit

Reconnaître des droits à des éléments de la nature, c’est la dernière étape en date dans l’histoire du droit, faite de reconnaissance et de conquêtes progressives de droits subjectifs par des êtres vivants. Les obstacles dans les combats pour l’égalité, pour se voir reconnaître des droits, depuis toujours, ont été nombreux, celles et ceux qui les ont menés le savent.

Portrait de Bartolomé de las Casas (anonyme, XVIᵉ siècle).

Ainsi, au XVIe siècle, le religieux espagnol Bartolomé de Las Casas plaidait pour la reconnaissance de l’humanité des indigènes amérindiens et leur droit à un traitement juste. En face, l’homme d’Église Juan Ginés de Sepúlveda, justifiait la conquête et l’asservissement des indigènes sous prétexte de leur supposée infériorité. S’en suivirent des mois de débats, avant que Charles Quint ne tranche en faveur de Las Casas.

En France, les planteurs et commerçants coloniaux soutenaient que l’économie des colonies, principalement basée sur la production de sucre, de café, et d’autres produits agricoles, dépendait entièrement de la main-d’œuvre esclave. Ils craignaient que leur affranchissement ne génère une hausse des coûts de production, l’insécurité économique et une chute de la compétitivité des produits français sur le marché international, sans parler de la déstabilisation de l’ordre colonial. Les propriétaires d’esclaves exigeaient également des compensations financières en cas d’abolition, car ils considéraient les esclaves comme une « propriété ». Il en aura fallu de l’humanisme et de la persévérance pour dépasser ses obstacles pour en arriver au décret d’abolition de l’esclavage du 27 avril 1848.

Anonyme, Olympe de Gouges. Mine de plomb et aquarelle, XVIIIᵉ siècle. Musée du Louvre.

On peut aussi citer d’Olympe de Gouges se battant dans sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791), pour la reconnaissance des femmes en tant qu’égales aux hommes dans les droits et la dignité. Face à elle, certains opposants, influencés par les théories essentialistes, affirmaient que les femmes, par leur nature biologique, étaient moins aptes que les hommes à participer à la vie publique ou politique. Elles seraient, selon eux, plus émotives, moins rationnelles et mieux adaptées aux tâches domestiques et à la maternité. Le rôle « traditionnel » des femmes soutenu par l’Église catholique en France fut aussi un argument utilisé pour des raisons inverses par d’autres opposants à l’égalité craignant le conservatisme religieux des femmes. Il a fallu attendre 1944 pour que les femmes en France obtiennent le droit de vote et 1965 pour avoir celui de détenir leur propre compte bancaire et le combat des femmes pour l’égalité n’est pas terminé.


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Argument 2 : Reconnaître des droits de la nature c’est contrecarrer l’accaparement mortifère de la nature par l’homme

Pour la reconnaissance des droits de la Nature, les obstacles sont connus. Parmi eux, le statut actuel juridique des éléments de la Nature réduits à celui de biens, à l’instar des esclaves, appropriables par les individus ou par leurs regroupements. L’idée que d’une part les humains sont supérieurs aux autres éléments de la Nature est souvent associée à la pensée occidentalo-judéo-chrétienne. L’idée que la Nature est un bien (ou patrimoine) que l’homme peut exploiter à sa guise est aussi imputée à la philosophie de René Descartes, qui érigeait l’homme doué de science, « comme maître et possesseur de la nature » dans Le Discours de la méthode. Ce dernier n’était sans doute pas le premier à prôner cette idée, mais il a en effet contribué à une conception mécaniste de la nature.

Ces idées sur lesquelles la pensée occidentale s’est construite au cours de ces derniers siècles, qui se sont renforcées avec la domination technologique des forces de la nature, le recours accru aux « ressources naturelles » et le capitalisme, ont la vie dure. Penser à supprimer ou réduire l’inégalité juridique dans les relations entre humains et vivants non humains des mondes végétal, animal, minéral ou aquatique reviendrait dangereusement, pour un certain nombre de penseurs (juristes compris), à diminuer la supériorité humaine sur ces mondes. Le non-dit, corollaire, c’est que ça limiterait l’exploitation capitaliste des éléments de la Nature au nom du profit. Il est bien là l’obstacle à dépasser.

De fait, le constat est, dans l’arène juridique, que les relations entre les humains (et leurs groupements) et le non-humain vivant ou non, réduit au statut de bien, sont à sens unique, asymétriques et sources d’injustices et d’inégalités créées par le droit lui-même, tels que les privilèges découlant du droit de propriété des humains ou de souveraineté des États, ou encore l’absence d’intérêt propre à agir des éléments de la Nature pour ne citer que celles-là. Certes, des correctifs ont été apportés par le droit de l’environnement depuis une cinquantaine d’années. Ils demeurent cependant insuffisants et ne modifient en rien l’inégalité dans les interactions juridiques. Tout ceci doit donc nous amener à réfléchir autrement, à tester de nouvelles solutions pour accélérer les changements en faisant évoluer le statut juridique de la Nature et ses éléments. Les sortir de la catégorie des biens et leur reconnaître des droits, pas seulement comme bénéficiaires, cela existe déjà, mais en tant que titulaires.


À lire aussi : L’animisme juridique : quand un fleuve ou la nature toute entière livre procès


Argument 3 : Accorder un statut de sujet de droit à des entités naturelles juridiques cela a déjà été fait en France

Peu le savent, mais le statut d’entités naturelles juridiques a déjà été utilisé en France.

Fin juin 2023, la Province des Îles Loyauté en Nouvelle-Calédonie adoptait une règlementation sur le droit du vivant dans laquelle était inscrite la création d’une nouvelle catégorie de sujets de droit, les entités naturelles juridiques (ENJ), que nous avions surnommées « anges », fidèles à la transcription phonétique [ɑ̃ʒ] de l’acronyme. Les ENJ ne sont ni des personnes juridiques ni des biens et ont leur propre régime juridique. Requins et tortues avaient ainsi été les premières espèces animales vivantes, emblématiques dans la culture kanake, à bénéficier de ce nouveau statut juridique, placé en haut de la hiérarchie de protection du Vivant. Les élus de la province, en accord avec les autorités coutumières des Îles Loyauté avaient décidé de reconnaître la qualité de sujet de droit à des éléments de la Nature en vertu du principe unitaire de vie, au cœur de la vision du monde kanak où l’homme et la Nature ne font qu’un.

Baie de JINEK, Lifou, îles Loyauté, Nouvelle-Calédonie. Sekundo./Flickr, CC BY

Un an plus tard, dans le cadre d’un contentieux administratif à l’initiative de l’État, le Conseil d’État avait, cependant, dans un avis, conclu à l’incompétence de la province à créer des entités juridiques naturelles estimant que cette démarche relevait de la Nouvelle-Calédonie, dépositaire depuis 2013 de la compétence normative en matière de droit civil. Sur cette base, le tribunal administratif de Nouméa a annulé les dispositions de juin 2023 relatives aux ENJ. Les requins et tortues des eaux loyaltiennes n’auront été des anges qu’un an. Néanmoins, cette brève expérience a créé un précédent et montre qu’il est toujours possible de réformer le droit. Le passé nous montre lui que la reconnaissance de nouveaux droits a façonné l’histoire et demeure même à l’origine de droits que presque personne aujourd’hui ne penserait à remettre en question.

Argument 4 : La Méditerranée souffre de politiques de protections fragmentées

La mer Méditerranée, souvent qualifiée de berceau des civilisations, est bien plus qu’un simple espace maritime. Ses eaux abritent une biodiversité exceptionnelle (10 % de la biodiversité mondiale), essentielle pour le climat, les économies locales et la culture des peuples qui l’entourent. Pourtant, aujourd’hui, elle subit des pressions inédites. Pollutions, surpêche, hausse des températures et acidification des eaux, sans oublier les tensions géopolitiques qui sapent les efforts de protection.

La Méditerranée, une mer en danger | Le Dessous des Cartes | Arte.

Les initiatives actuelles de protection de la Méditerranée, bien qu’importantes, sont fragmentées et de ce fait souvent inefficaces. La Méditerranée englobe plus d’une vingtaine de territoires maritimes, zones économiques exclusives des États côtiers incluses. Les conventions internationales comme la Convention de Barcelone, ou des projets de création de zones marines protégées, peinent à enrayer la dégradation de l’écosystème. Ces initiatives restent tributaires des intérêts nationaux ou européens et économiques de chacun des 21 pays riverains. Face à ces menaces croissantes, une approche nouvelle se profile : la reconnaissance de la Méditerranée comme sujet de droit. En transformant la Méditerranée en un sujet de droit, on déplacerait le centre de gravité des politiques environnementales vers une approche holistique, où la protection de l’intégrité de la mer deviendrait une priorité absolue.

On passerait à une gouvernance unifiée et une responsabilité collective à l’échelle régionale et transfrontalière. Un tel changement impliquerait que les États et les entreprises opérant dans cette région soient responsables des atteintes à l’intégrité de la mer en tant qu’entité vivante. En clair, polluer la Méditerranée reviendrait à violer les droits de cette entité, créant des responsabilités juridiques tangibles pour les acteurs en cause.

Si la reconnaissance des droits de la Méditerranée comme entité naturelle juridique offre des perspectives prometteuses, le chemin pour y parvenir sera long. La première difficulté réside dans la mise en place d’un cadre juridique international contraignant. Les droits de la Nature, bien que reconnus dans certains pays, peinent à s’imposer au niveau mondial. Chaque État riverain de la Méditerranée a ses propres priorités économiques, politiques et environnementales, et il pourrait être difficile de les amener à adopter un cadre commun. Il est donc souhaitable de commencer avec quelques pays qui partageraient cette ambition pour la Méditerranée.

Carte de l’Europe et de la Méditerranée, dans un atlas catalan de 1375.

Un autre obstacle réside dans l’application de ces droits. Qui serait en charge de défendre les intérêts de la Méditerranée ? La reconnaissance d’écosystèmes naturels comme sujets de droit ailleurs dans le monde s’est accompagnée de la nomination de gardiens et de porte-parole, responsables de la protection des intérêts des entités reconnues comme personnes juridiques et de leur représentation devant les tribunaux. Un mécanisme similaire pourrait être envisagé pour la Méditerranée, avec la création d’une entité internationale ou d’une organisation (ou la transformation d’une déjà existante) dédiée à la défense de ses droits.

Ces gardiens pourraient inclure des représentants d’États, mais aussi des scientifiques, des ONG et des représentants des professionnels de la mer, des citoyens. Mais l’on peut aussi imaginer, en s’inspirant du modèle de l’Union européenne et de ses institutions, une nouvelle forme de gouvernance écologique de la mer avec ses propres organes issus d’une démocratie transméditerranéenne. Cette nouvelle gouvernance encouragerait, dans un esprit de justice environnementale, l’émergence d’initiatives innovantes pour répondre aux défis environnementaux, économiques et sociaux auxquels la région est confrontée plutôt que le conflit et les tragédies que nous vivons actuellement.

Faire de la Méditerranée une entité naturelle juridique à l’instar de ce qui a été fait pour les requins et tortues en Province des Îles Loyauté en Nouvelle-Calédonie n’est pas une simple question théorique, ni seulement un acte symbolique, mais une nécessité pratique et un levier puissant pour la construction d’un avenir durable. Cette révolution juridique nous offrirait une chance unique de réconcilier les besoins des humains avec ceux de la Nature, pour que la Méditerranée, source de vie et d’inspiration, continue de prospérer pour les générations à venir. C’est le pouvoir des anges qui ne meurent jamais.


À lire aussi : Kalymnos, une île grecque face aux mutations de la biodiversité marine


The Conversation

Victor DAVID, Chargé de Recherche à l'IRD est Membre de la Commission Mondiale du Droit de l'Environnement de l'UICN, Membre de la Commission droit et politiques environnementales du comité français de l'UICN et Membre du réseau d'experts Harmonie avec la nature des Nations unies (ONU). J'ai reçu via mon Institut qui assure ma rémunération des financements de la Province des Îles Loyauté (Nouvelle-Calédonie) pour ma recherche sur la thématique des droits de la Nature.

21.11.2024 à 11:01

Reconnaître et protéger les « droits du vivant », une nouvelle mission pour l’ONU ?

Chloé Maurel, SIRICE (Université Paris 1/Paris IV), Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Protection de la nature et des êtres humains sont intimement liées. Accorder une personnalité juridique au vivant pourrait être une solution à mettre en place à l’échelle internationale.
Texte intégral (2300 mots)

La notion de « droits du vivant » fait débat au sein de la communauté internationale, comme l’a récemment montré la COP16 en Colombie. Accorder une personnalité juridique à la nature (fleuves, mer, forêts, etc) est-il contradictoire ou complémentaire avec l’urgence à faire respecter celle des humains ?


Alors que la 16e Conférence des parties sur la biodiversité se déroule jusqu’au 1er novembre en Colombie, la question du rôle que doit jouer la gouvernance internationale dans la protection du vivant est au cœur des discussions. En juillet 2021, le secrétaire général de l’ONU, le Portugais Antonio Guterres affichait ainsi une position forte, estimant qu’il était « hautement souhaitable » de créer le crime d’« écocide », en l’incluant dans la liste des crimes jugés par la Cour pénale internationale.

Certains pays ont déjà innové en reconnaissant des droits à la nature, par exemple à des fleuves. C’est le cas de l’Inde et de la Nouvelle-Zélande qui, depuis 2017, reconnaissent la personnalité juridique à des fleuves, comme le Gange et la Yamuna (Inde), et le fleuve Whanganui (Nouvelle-Zélande), afin de garantir leurs droits à être préservés dans leur intégrité.

Faut-il continuer dans ce sens, en étendant le concept aux différents éléments de la nature : fleuves, mers, forêts, zones humides, zones arides, animaux… ? Comme dans le film récent Le Procès du chien, qui évoque sur un mode humoristique mais au fond sérieux, la possibilité de considérer les animaux comme des personnes juridiques. Ou vaut-il mieux nous concentrer sur les droits des êtres humains, loin d’être garantis aujourd’hui dans le monde ?

Examinons quelques initiatives qui tendent à préserver les entités vivantes, leur socle philosophique, juridique et politique, avant de prendre la mesure des liens intimes entre droits des êtres humains et droits de la nature.

Des initiatives pionnières

Ce sont d’abord les peuples autochtones qui ont considéré la nature comme une personne à part entière. Ainsi, depuis 1870 en Nouvelle-Zélande, la tribu Iwi luttait pour cela à propos du fleuve Whanganui. Ce fleuve, long de près de 300 kilomètres, a finalement été reconnu en 2017 par le parlement néo-zélandais comme une entité vivante, avec le statut de « personnalité juridique » », dans toute sa longueur, y compris ses affluents et ses rives.

Parallèlement, en Inde, les deux fleuves sacrés que sont le Gange et la Yamuna, sont élevés au rang d’_ « entités vivantes ayant le statut de personne morale » par la haute cour de l’État himalayen de l’Uttarakhand. Cela permet aux citoyens d’agir en justice pour protéger ces fleuves et lutter contre leur pollution industrielle déjà dramatique.

vue d’un paysage de fleuve et de montagne
Le fleuve Whanganui, en Nouvelle-Zélande, un écosystème naturel préservé, à protéger. Wikimedia, CC BY-NC-SA

Le mouvement s’est amplifié dans les années suivantes : « De l’Équateur à l’Ouganda, de l’Inde à la Nouvelle-Zélande, par voie constitutionnelle, législative ou jurisprudentielle, des fleuves, des montagnes, des forêts se voient progressivement reconnaître comme des personnes juridiques, quand ce n’est pas la nature dans son ensemble – la Pachamama (la Terre Mère) – qui est promue sujet de droit. »

Pour la première fois en Europe, l’Espagne a, par le biais de son Sénat, reconnu, en 2022, des droits à la « Mar menor », lagune d’eau salée située sur le littoral méditerranéen, près de Murcie.


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Réflexion philosophique, juridique et politique

Ces mouvements, venus le plus souvent de groupes de citoyens très sensibilisés à l’écologie, s’appuient sur des réflexions philosophiques, politiques et juridiques.

Ces considérations trouvent leur origine dans les années 1970, période d’essor de la pensée écologiste. En 1972, le juriste américain Christopher Stone avait publié un essai remarqué : Les arbres doivent-ils pouvoir plaider ?, plaidant la cause des vénérables et anciens séquoias géants de Californie. Un changement conceptuel à saluer, pour la juriste Marie Calmet, comme une « révolution démocratique ». Elle applaudit notamment la décision de l’Équateur « où les citoyens se sont prononcés par référendum en faveur des droits de la Pachamama (la Terre Mère), dans le cadre de la Constitution adoptée en 2008 ».

Cependant, à l’heure où des êtres humains souffrent et meurent dans des conditions atroces, des bateaux de migrants en Méditerranée aux zones de guerre en Ukraine, au Soudan, en RDC ou à Gaza, ne faudrait-il pas mieux concentrer les efforts de la communauté internationale sur les êtres humains ? Ne vaut-il pas mieux prioriser les vies humaines sur les vies des arbres et des cours d’eau ?

Droits du vivant et droits des êtres humains

En réalité, il s’agit des deux faces d’une même pièce. Le récent mouvement de pensée « One health » (« une seule santé »), qui s’est développé au sein des instances nationales et internationales de santé au moment de la crise du Covid-19 (2019-2022), considère qu’il faut « penser la santé à l’interface entre celle des animaux, de l’homme et de leur environnement, à l’échelle locale nationale et mondiale ».

Face aux crises sanitaires et environnementales, il s’agit de « trouver des solutions qui répondent à la fois à des enjeux de santé et des enjeux environnementaux » : 60 % des maladies infectieuses humaines ont, en effet, une origine animale, et la pollution d’un fleuve ou d’une nappe phréatique affecte la population autour.

Schéma explicatif du concept « One Health ». Inrae, CC BY-NC-ND

Le concept One Health « lie donc la santé de l’humain à la santé des animaux, ainsi qu’à la santé des plantes et de l’environnement. Cette approche globale offre une vue d’ensemble pour comprendre et agir face aux différentes problématiques, qui se voient toutes reliées entre elles : les activités humaines polluantes qui contaminent l’environnement ; la déforestation qui fait naître de nouveaux pathogènes ; les maladies animales qui frappent les élevages ; ces mêmes maladies animales qui finissent par être à l’origine de maladies infectieuses pour l’humain (les zoonoses) ».

Comme l’analyse Gilles Bœuf, biologiste et spécialiste de la biodiversité, l’objectif est désormais, pour les défenseurs de la nature, que One Health devienne « un projet politique », « en mettant en place par exemple des dispositifs participatifs », et il faut comprendre que l’affirmation et la protection des droits du vivant vont dans le bon sens « pour le bien-être des citoyens ».

Il est ainsi essentiel de prendre en compte le fait que santé humaine, santé animale, santé végétale sont liées et que la protection de la nature (fleuves, forêts, mangroves, animaux…) va dans le bon sens pour préserver le mode de vie de nos sociétés.

Une interconnexion entre l’environnement naturel et les intérêts des populations humaines qui implique de transcender les frontières étatiques : la communauté internationale, à savoir l’ONU et ses agences (OMS, Unesco, FAO, OMM…) est particulièrement bien placée pour veiller à une régulation de ces intérêts, au moyen de conventions internationales.

Elle pourrait donc se saisir de ces enjeux pour établir une législation internationale afin de préserver le vivant sous toutes ses formes, au bénéfice de l’humanité tout entière.

The Conversation

Chloé Maurel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

20.11.2024 à 21:00

When the technical meets the political: Court of Justice rules that EU standards require more openness

Arnaud Van Waeyenberge, Professeur Associé en Droit, HEC Paris Business School

Certain European technical standards that come from private bodies are a source of EU law, but a recent court ruling points to the need for policymakers to adopt standards via democratic processes.
Texte intégral (1049 mots)
The European Commission estimates that more than 3,600 technical standards have been developed over the past three decades. Shutterstock 19 Studio

The Court of Justice of the European Union (CJEU) has ruled that harmonised technical standards – an influential form of governance – must be more accessible. Here’s what this landmark decision means.

Technical standardisation, which encompasses standards published by the International Organization for Standardization (ISO), has become a critical aspect of global regulation. Its scope has expanded far beyond goods, encompassing services, the environment, corporate social responsibility (ISO 26000) and anti-corruption measures (ISO 37000).

This trend is particularly evident within the European Union. The “new approach” to standardisation, launched in the 1980s by then European Commission president Jacques Delors, placed technical standards at the heart of the EU’s single market. The success of this approach, evidenced by the “CE” marking on products, was initially focused on goods and later extended to services. It plays a central role in the recent EU Artificial Intelligence Act, which requires AI computing services to comply with a series of technical standards, including for personal data security.

3,600 harmonised European standards

Over the past 30 years, the European Commission estimates that more than 3,600 “new approach” technical standards have been developed. The sectors covered by these standards represent over 1.5 trillion euros in annual trade – about 10% of the EU’s gross domestic product. These standards, developed by private bodies like the European Committee for Standardization (CEN) and the European Committee for Electrotechnical Standardization (CENELEC), are voluntary and require manufacturers and service providers to pay a fee to access them. However, compliance is not optional, because aligning with these standards creates a presumption of conformity with EU law. Failure to comply means manufacturers must either withdraw their products or prove compliance through alternative, often costly, means.

Until recently, these fee-based standards were viewed as a form of self-regulation beyond judicial scrutiny. That changed in 2016 when the CJEU ruled in the James Elliott Construction case that these technical standards produce legal effects, making them “part of the law of the Union”.

Following this ruling, two non-profit organisations, Public.Resource.org and Right to Know, whose mission is to make the law freely accessible to all citizens, asked the European Commission for free access to four harmonised standards. The Commission denied the request, a decision upheld by the General Court of the European Union in July 2021.

On March 5, 2024, the CJEU, the supreme body of the European legal order, overturned the decision, finding that an overriding public interest justified the disclosure of the harmonised standards in question. Moving forward, the Commission will need to grant requests for free access to harmonised standards.

This jurisprudential development has turned the technical standardisation model on its head. Indeed, given that these standards are becoming legalised and will henceforth be free of charge, the production and funding methods of standardisation bodies and the intellectual property protections they rely on must be re-evaluated. This evolution could also be an opportunity to improve the legitimacy of these standards.

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Based on figures from CEN, the potential loss of revenue from making these standards freely accessible could amount to around 11% of the 19 million euros of average annual revenue, or around 2 million euros. This calculation was made by averaging the revenues reported as income for each year between 2019 and 2022 in the 2021 CEN annual report and the 2022 CEN annual report.

Governed by engineers

This amount does not appear to be insurmountable for the Commission to manage, but it should be accompanied by a systemic reform. This reform would aim to involve civil society organisations more effectively, ensuring that technical standards impacting fundamental principles are developed with a diverse range of perspectives in mind. The Commission is best positioned to verify the genuine involvement of all stakeholders and ensure that standards bodies take their input into account.

Technical standards produced by “engineers” are not merely technical, neutral or optional, but are powerful modes of governance that have significant political implications. Consequently, these standards must not escape a democratic adoption procedure and respect for the rule of law under the control of the courts. It is therefore incumbent on the EU’s institutional bodies – the Commission, the Parliament and the Council of the European Union – to stop basing public policies, especially non-economic ones, on technical standards.

The EU’s recent AI legislation illustrates this tendency. When public authorities rely on technical standards, it gives the impression that norm-setting is being outsourced, allowing authorities to bypass the political process. This approach may be pragmatic, but it is legally questionable. The CJEU’s recent rulings signal a need for EU public decision-makers to change their approach.

The Conversation

Arnaud Van Waeyenberge ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

20.11.2024 à 20:59

Social media has complex effects on adolescent wellbeing, and policymakers must take note

Tina Lowrey, Professeur de marketing, HEC Paris Business School

L.J. Shrum, Professeur de marketing, HEC Paris Business School

Research shows that many factors influence how social media can impact – positively and negatively – the wellbeing of young people. But the media and politicians often draw simpler conclusions.
Texte intégral (1274 mots)

In late 2024, more than 20 years after the birth of Facebook, the impact of social media on our lives cannot be overstated. Initially underestimated by many in business, social media eventually came to be recognised for its power to enable workers to share solutions, ideas and perspectives. While companies took time to see its potential, younger generations have been living part of their lives through social platforms for years. A 2023 Pew Research Center survey reveals that a majority of US youth aged 13 to 17 visit YouTube, TikTok and Snapchat at least “about once a day”, with roughly 15% saying they visit these platforms “almost constantly”.

This widespread use of social media has brought with it an increased focus on its effects on young people, particularly adolescents. Over the past year, we collaborated with our former doctoral student Elena Fumagalli to review research in this area and its potential impact on policymaking. Our findings were surprising and, at times, conflicting. While many studies share evidence of the negative impacts of social media use on adolescent wellbeing, the research we reviewed also showed conflicting findings and a dearth of high-quality research designs. And yet, policy decisions and media coverage are often based on them.

In response to this, we recently published a paper focusing on the most rigorous studies on this topic. Our goal was to identify research that we believe offers valid and dependable conclusions. Through this review, we discovered that social media’s effects on adolescent wellbeing are complex, varying by age, gender and the type of platform use.

The “moving target” of social media research

A critical challenge in this area is what we call the “moving target” problem. Social media platforms are constantly evolving, making it difficult to generalise research findings from one period to another. For example, Facebook today is not what it was 10 or 15 years ago – its functionality, user base and even its name have changed. Similarly, platforms like Instagram have gained popularity, while others such as Friendster, Vine and Google’s Orkut have disappeared.

Given this ever-changing landscape, it’s nearly impossible to draw definitive conclusions from older studies. That’s why we focused our review on research conducted in the past five years, a period marked by significant advances in data collection and analysis. We limited our scope to adolescents and young adults aged 13 to 21 to better understand how social media affects wellbeing during these critical developmental years.

Developmental sensitivity to social media

One of the most significant findings from our paper is that the negative effects of social media vary by age and gender, something which is rarely taken into consideration by authorities and the media. For girls, the most vulnerable period appears to be between 11 and 13 years old, while for boys it is between 14 and 15. These age ranges coincide with the onset of puberty, which we believe plays a significant role in how adolescents experience social media.

The beginning of puberty is already a challenging time for most young people, and social media seems to amplify these challenges. For example, body image issues, which often emerge during adolescence, are exacerbated by the highly curated and idealised content found on platforms like Instagram. While social media didn’t create these issues, it amplifies them like never before, making it harder for adolescents to ignore them.

Interestingly, we also found negative psychological effects for both boys and girls at age 19. This age corresponds to major life transitions such as leaving home, entering college or starting a job, all of which can induce anxiety. Social media appears to intensify these anxieties, possibly by fostering unrealistic expectations about life or creating a sense of inadequacy.

Active versus passive use

Another challenge we encountered in our research is the lack of clear definitions for what constitutes “social media use.” Furthermore, platforms vary significantly in their design, function, and audience, and these differences matter when it comes to their effects on wellbeing. For instance, image-based platforms like Instagram tend to have a more significant negative impact on body image than text-based platforms such as X (formerly Twitter).

Moreover, the way adolescents and young adults use social media also matters. We found that active use, where individuals post and engage with others, is linked to more positive self-esteem. In contrast, passive use, where users merely scroll through content without interacting, is associated with negative effects on wellbeing. These differences are crucial to understanding social media’s impact and need to be better accounted for in future research.

A further factor is the intentional addictiveness of these platforms. Whistleblowers have revealed that many social media companies design their products to be habit-forming, encouraging users to spend more time on their platforms. This makes social media more invasive than previous technologies like television or radio, and its influence is likely to extend into the workplace as today’s adolescents enter the job market.

Beyond adolescence

Our study highlights the need for more long-term, rigorous research to better understand social media’s impact on wellbeing. Recent studies suggest that various moderators – such as the type of platform and patterns of use – can either worsen or mitigate the negative effects of social media. These must be taken into account in evaluating measures to take against these negative consequences.

We also believe it’s important to look beyond adolescence. As the next generation enters the workforce, their social media habits are likely to follow them, potentially affecting their productivity and mental health. This is why we advocate for more longitudinal studies that track social media use over time and examine its long-term effects on wellbeing.

As we have found, despite the complexities and inconsistencies in social media research, politicians and the media often draw simplistic conclusions. For example, the Kids Off Social Media Act, a US bipartisan effort to ban social media for children under 13, reflects a tendency to make blanket statements about the dangers of social media. While it’s true that younger adolescents are more vulnerable to its negative impacts, age is not the only factor that matters. The type of platform, how it’s used, and individual psychological differences also play significant roles. Therefore, we must be careful not to jump to conclusions or implement one-size-fits-all solutions. Instead, we need nuanced, data-driven policies that account for the many variables at play.

Finally, as social media continues to evolve, so too must our understanding of its effects. More detailed, high-quality research can help guide interventions and programmes that protect the wellbeing of adolescents and young adults. With the right approach, we can better understand and mitigate the risks associated with this powerful technology.

The Conversation

Tina Lowrey a reçu des financements de HEC Foundation.

L.J. Shrum a reçu des financements de HEC Foundation

20.11.2024 à 17:11

Les vins français doivent-ils craindre une nouvelle taxe Trump ?

Jean-Marie Cardebat, Professeur d'économie à l'Université de Bordeaux et Prof. affilié à l'INSEEC Grande Ecole, INSEEC Grande École

Donald Trump l’a promis à ses électeurs : les droits de douane vont augmenter pour tous les produits. Quel impact cela pourrait-il avoir sur la filière vinicole française ?
Texte intégral (1310 mots)

Donald Trump l’a promis à ses électeurs : les droits de douane vont augmenter pour tous les produits. Quel impact cela pourrait-il avoir sur la filière vinicole française ? Tout dépendra du montant finalement retenu de la taxe. Plus fondamentalement, les entreprises du secteur doivent prendre acte de la démondialisation en cours et revoir la carte mondiale de leurs clients.


Lors de sa campagne aux élections présidentielles américaines, Donald Trump a affiché une féroce volonté protectionniste. Ce n’est plus seulement la Chine qui est dans son collimateur, mais le monde entier. Pour les échanges commerciaux, Trump 2 sera vraisemblablement pire que Trump 1. Dès lors, que doit craindre la viticulture française dans ce contexte ?

Encore traumatisée par la taxe Trump de 25 % d’octobre 2019 à mars 2021, la filière française anticipe de nouvelles difficultés pour exporter ses vins vers les États-Unis. La comparaison entre la précédente taxe Trump et ce qui est annoncé par le futur président américain laisse cependant un peu d’espoir. Deux éléments risquent de changer la donne : le montant de la nouvelle taxe et son périmètre, à savoir les pays qui seront touchés par cette taxe.

Un certain flou

Il existe un certain flou sur le montant des droits de douane qui seront imposés aux vins importés aux États-Unis. Le chiffre le plus courant annoncé par Trump se situe entre 10 et 20 % pour tous les produits non chinois (60 % pour les produits chinois). 10 % ou 20 % ce n’est pas bien entendu la même histoire. On peut espérer cependant que le montant finalement retenu soit plutôt autour de 10 %.


À lire aussi : Les États-Unis ne croient plus en la mondialisation, et leur économie se porte bien malgré tout


Sinon l’effet inflationniste sur l’économie américaine serait trop important. Les économistes ont du mal à imaginer comment les consommateurs américains pourraient accepter un choc de 20 % de hausse des prix des produits importés. Surtout après la période inflationniste qu’ils viennent de subir. Des droits de douane trop élevés seraient donc très impopulaires, même si Trump fait le pari d’augmenter le revenu des ménages américains via des baisses de prélèvements et d’impôts financés par ces droits de douane afin de maintenir le pouvoir d’achat de ses concitoyens.

600 millions perdus

Le périmètre de la taxe Trump de 2019 était limité à trois pays : la France, l’Espagne et l’Allemagne, soit les trois pays du consortium Airbus. La mise en place de la taxe s’inscrivait dans le cadre d’un litige entre les États-Unis et l’UE sur la question aéronautique. Les droits de douane prévus lors de cette seconde mandature vont toucher tous les pays, ce qui constitue un changement profond.

Car si les vins français ont tant souffert en 2019, avec 40 % de ventes perdues et un manque à gagner estimé à 600 millions d’euros, c’est aussi qu’il y a eu d’importants effets de report des consommateurs américains vers d’autres vins importés. En particulier vers les vins rouges italiens, déjà leaders aux États-Unis. Pour le dire autrement, les Italiens ont été les grands gagnants de la taxe Trump. Pour les vins blancs, ce sont les Néo-Zélandais qui ont profité de la taxe. Cette fois, tout le monde devrait être touché. Les gagnants ne pourront être que les vins américains, qui, par définition, seront les seuls à ne pas être taxés.

Quel serait l’effet d’une taxe de 10 % touchant tous les vins importés aux États-Unis ? L’expérience montre qu’une partie de ces 10 % sera absorbée par la chaîne d’intermédiaires allant du producteur au consommateur, chacun acceptant une baisse marginale de son prix. Chacun (importateurs, grossistes, détaillants) souhaitant conserver sa part de marché, on peut imaginer que la hausse finale de prix sera inexistante ou extrêmement limitée. C’est ce qu’on appelle un comportement de marge, classique en cas de variation des taux de change ou de droits de douane. Une taxe de 10 % ne fait donc pas craindre d’effondrement de marché pour les vins français sur le marché des États-Unis. L’effet volume serait très contenu, mais la marge légèrement rognée.

Le danger d’une taxe de 20 %

L’équation se compliquerait cependant avec une taxe qui serait fixée à 20 %. Trop importante pour que des comportements de marge gomment l’effet de la fiscalité sur le prix final au consommateur. Dans ce cas, une hausse des prix finaux, dont l’ampleur dépendra du taux d’absorption par la chaîne d’intermédiaires, est inévitable. Les grands gagnants seront les producteurs américains vers lesquels se tourneront les consommateurs locaux.

Pour les vins français, l’effet dépendra de la sensibilité des consommateurs américains aux prix. Les vins les plus chers, qui sont aussi les plus demandés et les plus « uniques », sont toujours moins sensibles aux variations de prix. En revanche, les vins d’entrée et de milieu de gamme, qui sont le plus soumis à la concurrence, verront leur demande diminuer sensiblement.

Buvez Trump ?

Donald Trump étant lui-même producteur de vin, en concurrence avec les vins européens, une taxe supérieure à 10 % pour le vin n’est pas à exclure. Ce n’est pas le scénario privilégié pour autant. La politique économique américaine semble en fait surtout orientée vers l’industrie. L’idée des droits de douane s’inscrit dans la continuité de celle de l’Inflation Reduction Act (IRA), initiée par le démocrate Joe Biden. Ces politiques ont pour objectif de créer une incitation économique forte à l’installation de l’industrie mondiale sur le sol américain. Le vin devrait donc passer sous les radars.

France 24.

Néanmoins, malgré des effets attendus limités pour la filière vin française, cette nouvelle annonce protectionniste contribue au sentiment latent de démondialisation. Le marché russe s’est fermé avec la guerre en Ukraine. Le marché chinois impose des taxes aux brandys européens (essentiellement le Cognac à l’export) de 35 %.

L’accès aux grands marchés semble donc très précaire et on ne voit pas d’amélioration à court terme. Au-delà de Trump, il est grand temps d’acter cette démondialisation. De comprendre que les flux d’exports doivent significativement se réorienter vers des pays où la fiscalité serait plus propice aux échanges. De nombreux pays en Asie, en Afrique, en Amérique latine constituent des réservoirs potentiels de consommateurs. Les Européens sont à reconquérir également, mais avec des vins différents. Le marketing doit donc s’adapter à cette nouvelle donne internationale.

The Conversation

Jean-Marie Cardebat est Président de la European Association of Wine Economists

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