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13.03.2025 à 18:11

Retour sur le Sommet de Paris : l’IA « pour les gens et la planète » n’est pas celle que l’on croit

Victor Charpenay, Enseignant-chercheur au laboratoire d'informatique, de modélisation et d'optimisation des systèmes (LIMOS), Mines Saint-Etienne – Institut Mines-Télécom

L’IA durable recouvre deux concepts : une IA respectueuse de la planète et ses habitants, et une IA qui permet de préserver l’environnement. Les systèmes d’IA ne cochent pas tous les deux cases.
Texte intégral (3111 mots)
L’IA générative n’est pas indispensable pour étudier la planète ; par contre, elle consomme beaucoup d’énergie et de ressources. YutongLiu /BetterImagesofAI/JoiningtheTable, CC BY

Le Sommet pour l’action sur l’intelligence articifielle qui s’est tenu à Paris début février 2025 se voulait optimiste. Il a abouti à une déclaration pour « une IA durable et inclusive, pour les gens et la planète ». Les discussions sur la durabilité ont principalement eu lieu au ministère de la transition écologique, où était présent un de nos chercheurs.

Il faut distinguer différents types d’IA. L’IA générative, en particulier, n’est pas indispensable pour étudier la planète ; par contre, elle consomme beaucoup d’énergie et de ressources.


Le premier Sommet sur l’IA, organisé en 2023 par le Royaume-Uni sous le nom de Sommet pour la sécurité de l’IA, s’était conclu par une déclaration prudente sur les risques existentiels que poserait l’IA vis-à-vis de l’humanité. Le second Sommet qui se tenait le mois dernier à Paris, cette fois pour l’action sur l’IA, aura abouti à une déclaration beaucoup plus optimiste centrée sur une IA « pour les gens et la planète », pour reprendre les termes de son titre.

L’événement principal du Sommet pour l’action sur l’IA, organisé au Grand Palais, accueillait essentiellement des représentantes et représentants de gouvernements, il n’avait pas vocation à rentrer dans le détail. Pour comprendre ce que peut être une IA « pour les gens » et surtout « pour la planète », comme nous allons le voir, il faut pourtant différencier plusieurs types d’IA et préciser les termes.

Le Forum pour l’IA durable, qui se tenait en marge de l’événement principal, allait dans ce sens.Il s’est tenu au ministère de la transition écologique, à deux kilomètres du Grand Palais. En une journée, 25 personnes issues d’administrations publiques, d’entreprises de la Tech et du monde académique invitées par le ministère se sont succédé sur scène. L’organisation la plus impliquée sur la question était, semble-t-il, l’ONU, représentée par cinq personnes. J’étais, moi, dans l’audience.

Ce qui s’est dit au Forum pour l’IA durable

La conversation durant le forum peut se résumer ainsi :

Big Tech : « Regardez ce que peut faire l’IA ! Elle a déjà un impact positif sur nos sociétés. »

Administrations publiques : « De quoi auriez-vous besoin pour faire progresser cette technologie pleine de promesses ? »

Big Tech : « De plus d’énergie ! »

Recherche : « Attention tout de même au coût environnemental global de l’IA générative, qui a aussi un impact négatif sur nos sociétés. »

Big Tech : « Le domaine évolue très vite. Demain, des gains en efficacité absorberont la hausse de consommation, l’impact net sera positif ! »

Recherche : « C’est sans compter sur les effets rebonds qui amplifieront le recours à l’IA générative. »

Big Tech : « Ce n’est pas à nous de décider ce que les individus feront avec l’IA. Nous faisons confiance à la créativité humaine. »

Administrations publiques : « Cette IA pourrait-elle par exemple servir à la lutte contre le réchauffement climatique ? »

Recherche : « Certainement. Mais on ne parle alors plus d’IA générative, qui n’est que la dernière génération d’une longue série d’innovations technologiques.

Administrations publiques : « Je reviens quand même à l’IA générative. On observe déjà une forte inégalité d’accès à cette technologie (selon le revenu et selon le genre). Ne devrait-on pas essayer de la rendre plus accessible ? »

Recherche : « Vous décidez. Mais il faudrait alors une collaboration plus étroite avec la Tech, pour mieux estimer son impact net réel. Nous n’avons pas assez de données fiables. Vous non plus, d’ailleurs. »


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L’IA générative contre la planète

L’IA générative a quelque chose de spectaculaire. Elle est en effet pleine de promesses. Pourtant, quelques minutes à peine après le lancement officiel de la journée, Sarah Myers West, co-directrice de l’institut de recherche privé AI  Now, rappelait un fait essentiel : le développement de cette technologie est en train de menacer la transition écologique.


À lire aussi : La climatisation et le boom de l’IA vont-ils faire dérailler les engagements climatiques des États ?



À lire aussi : Pourquoi l’IA générative consomme-t-elle tant d’énergie ?


Lorsque Donald Trump et Emmanuel Macron annoncent, les 21 janvier et 9 février respectivement, des deals à plusieurs centaines de milliards de dollars pour construire de nouveaux centres de données dédiés à l’IA, l’effet attendu est une hausse importante de la consommation électrique dans les régions concernées.

Dans l’assistance, l’association Beyond fossil fuels prend la parole pour rappeler qu’à court terme, ce surplus d’électricité sera probablement produit avec l’infrastructure existante, encore très émettrice de CO2 dans de nombreux pays.

graphique de demande d’éléctricité en Irlande et Virginie
Estimation par l’Agence internationale de l’énergie de la demande en électricité des centres de données en Irlande et en Virginie (l’État « capitale » des centres de données aux États-Unis), en pourcentage de la demande totale d’électricité de ces États. Agence internationale de l’énergie, CC BY
graphique demande d’électricité des data center aux États-Unis, Europe, Chine, Royaume-Uni
Estimation par l’Agence internationale de l’énergie de la demande en électricité des centres de données dans différentes régions du monde, en pourcentage de la demande totale d’électricité. Agence internationale de l’énergie, CC BY

À cet avertissement, Nvidia et Google, représentées par leur directeur et directrice sustainability (durabilité), répondent par des promesses. Le travail d’ingénierie dans ces entreprises serait tel que des gains substantiels en efficacité permettraient d’absorber la hausse actuelle de consommation due à l’IA.

Le représentant de Nvidia annonce par exemple une réduction de 75 % de la consommation électrique d’une génération à l’autre de leurs cartes graphiques. Les cartes conçues par Google, optimisées pour les réseaux de neurones artificiels, seraient encore plus performantes. Il n’y a pas eu d’opposition frontale entre les entreprises de technologie et les universitaires ce 11 février, mais, dans ses publications scientifiques, Google critique régulièrement les évaluations d’empreinte carbone faites par le monde académique, au motif qu’elles ne prendraient pas suffisamment en compte les dernières innovations.

Comme en réponse à cet argument, à la suite de Sarah Myers West, la chercheuse Sasha Luccioni prévient que l’histoire des sciences et techniques n’a jamais démontré que les gains en efficacité favorisent la sobriété. Au contraire, l’efficacité amène quasiment systématiquement un regain de consommation qui, en volume global, augmente la consommation énergétique, l’impact environnemental ou, dans le cas de l’IA, la quantité de calcul associée à une technologie. Ce phénomène porte un nom : le paradoxe de Jevons ou effet rebond.


À lire aussi : L'effet rebond : quand la surconsommation annule les efforts de sobriété


En ligne avec cet argument, l’OCDE a proposé une méthodologie de mesure d’impact environnemental qui prend en compte non seulement la production, le transport, l’exploitation et le recyclage de l’équipement informatique mais aussi les impacts indirects de l’adoption de systèmes d’IA, comme le recours systématique à ChatGPT plutôt qu’à un moteur de recherche.

L’IA non générative pour la planète

Malgré ces précautions, l’OCDE, l’Agence internationale de l’énergie, l’ONU et d’autres administrations publiques présentes au forum sont très enclines à voir l’IA comme un outil essentiel de lutte contre le réchauffement climatique. Certes, certains systèmes d’IA ont été conçus dans cet objectif. Le directeur du CivicDataLab, Gaurav Godhwani, avait été invité pour en donner un exemple : dans l’état d’Assam en Inde, où les inondations sont de plus en plus fréquentes, le CivicDataLab propose une application d’analyse de risques pour mieux anticiper ces inondations.

La communauté scientifique Climate Change AI, représentée par David Rolnick et Lynn Kaack à Paris, a fait un travail méticuleux de recensement de ce genre d’approches. Mais les chercheuses et chercheurs enchaînent avec une précision importante : l’IA regroupe sous un seul nom, fortement polysémique, de nombreuses techniques de traitement de la donnée.

Lorsque l’IA est utilisée comme outil d’aide à la décision, ce n’est plus de l’IA générative. Il n’est pas nécessaire de générer du texte ou des images pour analyser des images satellites (pour anticiper des catastrophes naturelles) ou prédire la demande en électricité d’un territoire (pour en optimiser la distribution). Or, les méthodes vouées à ces problèmes consomment nettement moins d’électricité qu’un modèle d’IA générative et sont loin de nécessiter des investissements conséquents dans des centres de données.

Dans une méta-analyse du travail de Climate Change AI, il apparaît que plus de la moitié des approches recensées sont des méthodes d’apprentissage machine connues depuis dix ou quinze  ans, avant l’émergence des IA génératives. Même lorsque l’IA générative se révèle intéressante dans la lutte contre le réchauffement climatique, pour les modèles météorologiques par exemple, son échelle est nettement réduite par rapport à celle des grands modèles utilisés par ChatGPT ou Mistral. Le laboratoire d’IA de Météo France, qui avait un stand au ministère de la transition écologique, a développé un modèle pour estimer les précipitations futures, conceptuellement proche de DALL·E (le générateur d’image de ChatGPT) mais 200 fois plus petit en nombre de paramètres.

Le terme d’« IA durable », sujet central des discussions ce 11 février, est donc utilisé pour désigner deux choses bien distinctes.

Il fait d’abord référence à une IA dont on maîtriserait la consommation énergétique et l’impact environnemental, mais les orateurs et oratrices du Forum pour l’IA durable l’utilisent aussi pour désigner une IA au service du développement durable. L’IA non générative coche les deux cases ; l’IA générative grand public, jusqu’à preuve du contraire, n’en coche aucune. L’IA des entreprises de technologie et celle des administrations publiques ne se ressemblent pas.

L’IA pour les gens

Bien que l’IA générative concentre tous les investissements et menace en partie la transition écologique, les quelques centaines de millions d’usagers de ChatGPT diraient peut-être à sa décharge qu’elle est utile à toute sorte de tâches. Il serait alors justifié de lui allouer une partie non négligeable de l’électricité mondiale.

Peut-on ainsi dire que l’IA générative est une IA « pour les gens » ? Autrement dit, si ChatGPT obtenait une dérogation à l’effort mondial de lutte contre le réchauffement climatique, qui en bénéficierait réellement ?

Ce 11 février justement, Christine Zhenwei Qiang, directrice au numérique de la Banque mondiale, reprend les conclusions d’un rapport de son institution sur l’adoption de ChatGPT dans le monde. Selon ce rapport, le trafic vers ChatGPT vient à 50 % de pays à fort revenu alors que ces pays ne représentent que 13 % de la population mondiale. Les pays à faible revenu représentent à l’inverse 1 % seulement du trafic. Comme un symbole, la ministre de l’information et des communications du Rwanda, un pays à faible revenu selon la Banque mondiale, était initialement prévue dans le programme de la journée, mais n’y a finalement pas participé.

Toujours selon le rapport de la Banque mondiale, les femmes ne représentent qu’un tiers seulement des usagers. Ces deux catégorisations, par revenu et par genre, illustrent l’utilité toute relative de l’IA générative pour l’humanité.

The Conversation

Victor Charpenay a reçu des financements du réseau d'excellence ENFIELD (European Lighthouse to Manifest Trustworthy and Green AI) dans le cadre du programme Horizon Europe.

12.03.2025 à 17:30

Pourquoi, au ski, les femmes se blessent-elles plus au genou que les hommes ?

Frédérique Hintzy, Professeure des Universités en sciences du Sport, Université Savoie Mont Blanc

Brice Picot, Maître de conférence - kinésithérapeute, Université Savoie Mont Blanc

En ski de descente, 20 % des blessures sont dues à la rupture du ligament croisé antérieur du genou. Une skieuse « loisir » court un risque trois fois plus élevé de se blesser que ses homologues masculins.
Texte intégral (2266 mots)

En ski de descente, près d’un quart des blessures se concentre sur la rupture du ligament croisé antérieur du genou. Fait surprenant : une skieuse « loisir » court un risque trois fois plus élevé de se blesser que ses homologues masculins. Ratio qu’on ne retrouve pas chez les professionnels. Comment l’expliquer et surtout, comment prévenir ces blessures ?


La neige, le soleil, les éclats de rire, la glisse… toutes ces belles images associées aux vacances d’hiver… et soudain la chute, le genou qui se tord entraînant une lésion du ligament croisé antérieur (LCA), la douleur… et les suites : opérations, séances de kiné, arrêt de travail… Les ruptures de ce ligament comptent à elles seules pour 20 % des blessures en ski. Tous les niveaux de pratique sont touchés, du débutant au compétiteur. Mais il faut souligner qu’une skieuse « loisir » a un taux de lésion du LCA trois fois plus élevé que celui de ses homologues masculins.

Le ligament croisé antérieur (LCA) est situé au centre de l’articulation du genou et en assure sa stabilité, aidé par des contractions musculaires. Anatomiquement, le mécanisme qui conduit à sa lésion correspond à un mouvement de « torsion » excessif du tibia sous le fémur, le genou rentrant vers l’intérieur.

Les mécanismes lésionnels et les solutions de prévention diffèrent entre la pratique compétitrice et récréative, concentrons-nous sur la pratique de loisirs, constituant la plus grande partie des vacanciers dans les stations de ski.

Le ski : un cocktail explosif pour nos genoux

Tout d’abord, pourquoi le LCA est-il si souvent touché en ski alpin ? Plusieurs explications viennent malheureusement s’additionner, faisant de ce sport un cocktail explosif pour nos genoux !

Premièrement, le mouvement traumatique du LCA peut se produire dans de nombreuses situations de ski, à vitesse faible comme élevée, lors de chutes ou non. Il peut s’agir d’une contrainte mécanique avec une surcharge du genou lors d’une réception de saut ou sur un appui puissant. Une mise en tension musculaire peut aussi expliquer cette lésion, car trop forte, trop rapide et/ou non optimale.

Une autre particularité de la pratique du ski est la position fléchie du genou entre 30° et 90° lors du virage, or c’est justement l’amplitude articulaire dans laquelle le genou est le moins stable compte tenu d’un système ligamentaire détendu. Le genou peut aussi subir une flexion excessive suite à un déplacement du centre de gravité vers l’arrière et le côté, appelé mécanisme du « pied fantôme ». Des accélérations du tibia différentes de celles du fémur peuvent se produire, entraînant un cisaillement antérieur du tibia, une hyperextension brutale.

Une autre explication vient de l’environnement de pratique, comme la présence d’obstacles fixes (arbres, pylônes) et mobiles (les autres skieurs), des conditions météorologiques particulières (températures basses, visibilité dégradée) et changeantes (variations des qualités de la neige).

Enfin, deux autres explications concernent le matériel. Les chaussures rigides maintenant fermement le pied et la cheville, c’est bien le genou, la première articulation à être sollicitée et à subir les contraintes. Quant aux skis, ils sont aussi les ennemis de nos genoux. La carre d’un ski peut mordre la neige et ainsi partir dans une direction alors que celle de l’autre ski préférerait rester dans une autre direction. Compte tenu de leurs dimensions importantes (longueur, largeur et masses), les skis peuvent aussi agir comme un levier entraînant la jambe en rotation avec un moment de force alors important.

Des stratégies de prévention efficaces pour les femmes

La diversité des mécanismes lésionnels induit une diversité de « stratégies de prévention ». Les recherches en épidémiologie parlent de facteurs prédisposant à la pathologie et les classent en deux catégories.

Malheureusement, la première catégorie est non modifiable car propre au skieur. On y retrouve des facteurs comme le sexe, les antécédents de blessures, l’âge ou certaines particularités anatomiques. Par exemple, l’hyperlaxité (élasticité excessive de certains tissus) ou la forme particulière du tibia ou du fémur jouent un rôle dans la stabilité et les contraintes ligamentaires du genou.

C’est d’ailleurs ce qui explique en partie que les femmes soient plus à risque de rupture du LCA, avec une déviation des genoux vers l’intérieur comme des jambes en X (valgus) plus marquée et une structure ligamentaire moins tolérante aux contraintes que les hommes. S’y ajoute l’influence hormonale, avec un risque qui semble évoluer en fonction des différentes phases du cycle menstruel.

Par contre, connaître cette fragilité permet d’adapter sa pratique ou son entraînement. De nouveau, l’exemple des femmes est intéressant car les skieuses de haut niveau ne présentent plus un risque accru de rupture du LCA par rapport à leurs homologues masculins. L’explication est à chercher dans la catégorie de facteurs modifiables prédisposant à la pathologie. Ils peuvent concerner le skieur lui-même, par exemple les capacités du système neuromusculaire, que ce soit la production de puissance, de résistance à la fatigue ou encore les qualités proprioceptives (la proprioception désigne la perception, par le cerveau, de la position des différentes parties du corps dans l’espace, ndlr).

Il a été montré que les qualités de production de force jouent un rôle important dans la prévention des ruptures du LCA, notamment en cas d’asymétrie importante entre les deux jambes ou de déséquilibre entre les muscles agonistes et antagonistes du genou avec une force du quadriceps supérieure aux ischio-jambiers (ratio I/Q).

D’ailleurs, les skieuses « loisirs » présentent un risque deux fois plus élevé de rupture du LCA sur leur jambe non dominante considérée comme moins forte ainsi qu’un ratio I/Q important. Des programmes de renforcement, de coordination et d’équilibre vont permettre de les améliorer, avec un focus sur le contrôle de la stabilité du genou. Cette solution est largement utilisée par les skieurs compétiteurs dans le cadre de leur entraînement. Et c’est ce qui explique en partie l’égalité de skieuses et des skieurs compétiteurs face aux lésions du LCA, les skieuses ayant corrigé les déséquilibres d’activité musculaire ratio I/Q de chaque cuisse ou entre les deux membres.

Le laboratoire LIBM que je dirige (Université Savoie Mont-Blanc) travaille activement sur la mise en place de tests originaux pour évaluer les qualités des skieurs élites.

Bien se préparer avant de skier est indispensable

Le skieur « loisir », et surtout la skieuse, devrait donc aussi préparer sa semaine de vacances à la neige avec un programme physique adapté les semaines précédentes ou mieux, une pratique sportive régulière mixant du cardio, du renforcement musculaire et de la proprioception.

Et si cela n’est pas fait alors que les vacances commencent, il est temps au moins de s’échauffer avant de s’élancer sur la piste : des mouvements de mobilité de toutes les articulations, des flexions de genoux lentes puis dynamiques, des fentes avant et c’est parti !

Il est également important de prendre en compte les signes de fatigue arrivant au cours de la journée de ski ou de la semaine, pour s’arrêter avant la blessure. Des muscles douloureux, raides et répondant moins bien, une diminution de l’attention, des mouvements moins fluides et des déséquilibres, voilà des signes à prendre en compte.

Un autre facteur modifiable par le skieur est son propre comportement, en choisissant une piste adaptée à son niveau et en réduisant sa vitesse pour rester maître de ses trajectoires.

Ces facteurs intrinsèques nécessitent que le skieur prenne conscience de ses capacités, de l’environnement montagnard et du matériel pour adapter son comportement : enfin un facteur qui place les skieuses en bonne position, car elles présentent significativement des comportements moins à risques que les skieurs !

Quant au matériel, il est aussi au cœur du dispositif des solutions de prévention des lésions du LCA. Il a été montré que les dimensions du ski influencent significativement les blessures, de par le levier important qu’ils induisent. Ainsi, des skis plus courts et moins larges sont moins dangereux pour les genoux.

Des réglages des fixations à adapter

La dernière solution, et non la moindre, concerne la fixation de ski. Sa fonction première est de maintenir le ski à la chaussure pour créer une interface ski-skieur et ainsi permettre la pratique de cette activité sportive. Mais cette fixation doit aussi être capable de se décrocher pour libérer le pied du skieur de son ski lorsque le genou est en danger. Le ski libéré ne constitue ainsi plus un levier important entraînant la jambe puis le genou en rotation ou en translation.

Pour répondre à ces fonctions opposées, les fixations abritent des ressorts mis en compression sous l’action du chaussage. En ce qui concerne le déchaussage, il sera obtenu par un mouvement de la fixation sous l’action d’un moment de force jusqu’à une position donnée.

Ainsi, régler la libération d’une fixation consiste à ajuster la compression du ressort au moment de force souhaité pour le déchaussage. Ce réglage est indiqué par une norme. La sélection d’un réglage se fait en fonction du poids du skieur et de la longueur de sa coque de chaussure de ski. Cette valeur sera ensuite adaptée de façon empirique au niveau, à l’environnement de pratique (type de neige), à la perception du skieur (engagement, peur) et, plus récemment, au sexe, en augmentant ou diminuant ce réglage. En conséquence, la détermination des forces rencontrée dans l’activité – et du réglage associé  – est primordiale, tout comme le processus de déclenchement.

Or, les études épidémiologiques montrent que ce point pourrait être largement amélioré. Parmi une cohorte de 498 skieurs « loisirs » blessés au LCA, l’absence de déchaussage correspondait à 78 % des cas, et était significativement plus élevée chez les femmes que chez les hommes (83 % contre 66 %). La fréquence nettement plus faible de déchaussage des fixations chez les skieuses blessées au LCA est bien connue dans la littérature.

La piste du déchaussage semble donc être un bon moyen de prévenir les lésions du LCA chez le skieur loisir, et encore plus chez la skieuse. C’est de nouveau un des points d’attention de mon laboratoire qui travaille sur la compréhension des moments de forces lors de la pratique du ski alpin, avec un focus sur la skieuse. J’ai d’ailleurs montré que les skieuses présentaient des forces appliquées sur la fixation bien moindres que ceux des hommes, ce qui explique le non-déchaussage de leur fixation… et donc, en partie, le risque accru de lésion du LCA.

Il est par conséquent important de sensibiliser les skieurs et les skieuses au réglage adapté et sécurisant de leurs fixations, avec l’aide d’un professionnel. Ainsi, pour une skieuse, il est maintenant proposé de diminuer de 15 % la valeur des réglages par rapport à la norme ISO et de 30 %, si c’est une débutante.

En conclusion, la prévention passe par la correction des facteurs modifiables mis en cause dans les ruptures du LCA. Des solutions sont proposées, mais pas suffisamment, à en croire les données épidémiologiques qui restent élevées. Il reste encore donc du travail aux chercheurs, aux industriels, aux exploitants et aux aménageurs des stations de ski pour limiter ce risque.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

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