Les partisans du Parti démocrate progressiste (PDP) de Lai Ching-te, honni par Pékin, cherchent à faire destituer 31 parlementaires du Kuomintang (KMT), formation majoritaire au Parlement, qu'ils accusent d'être pro-Chine et de constituer une menace pour la sécurité nationale de l'île.
Le KMT, qui prône un rapprochement avec Pékin, dispose de la majorité au Yuan législatif et bénéficie du soutien du Parti populaire taïwanais (TPP).
Une vingtaine de parlementaires du KMT pourraient perdre leur siège samedi dans le cadre d'un référendum qui permet aux citoyens de révoquer des élus avant la fin de leur mandat.
Sept autres font face à un autre vote en destitution, le 23 août.
Lancées cette année par des groupes civiques, les campagnes de révocation ont dominé la politique taïwanaise, les gros titres des journaux et les réseaux sociaux pendant des mois.
"Tâche ardue"
Le PDP a perdu sa majorité parlementaire lors des élections de 2024 qui ont propulsé Lai Ching-te à la présidence.
Depuis lors, le KMT et le TPP ont uni leurs forces pour contrecarrer le programme de Lai Ching-te et réduire le budget du gouvernement.
Une série de projets de loi de l'opposition, notamment des réformes visant à étendre les pouvoirs du Parlement, ont déclenché des bagarres au sein de l'assemblée législative et des manifestations massives l'année dernière.
Le PDP a besoin qu'au moins 12 députés du KMT soient révoqués pour obtenir une "majorité législative éphémère", selon le cabinet de conseil en risques Eurasia Group, qui estime la probabilité d'un tel résultat à "60%".
Le parti de Lai Ching-te devrait alors remporter six sièges lors d'élections partielles plus tard dans l'année pour s'assurer le contrôle du parlement de 113 sièges, ce qui, selon Eurasia Group, serait "une tâche ardue".
Les partisans du PDP se tiennent depuis des semaines devant les stations de métro, dans les parcs publics et sur les marchés alimentaires pour inciter les gens à voter en leur faveur.
Des milliers de personnes se sont rassemblées sous la pluie près du palais présidentiel jeudi pour montrer leur soutien à cette campagne.
Les parlementaires du KMT, en lutte pour leur survie politique, sont également descendus dans la rue pour persuader les électeurs de s'opposer à leur révocation.
Leurs soutiens doivent se mobiliser vendredi soir.
Dafydd Fell, politologue de la School of Oriental and African Studies de l'université de Londres estime qu'il serait néanmoins difficile pour le PDP de prendre le contrôle du parlement.
"Même si certains parlementaires du KMT sont destitués, d'autres politiciens du parti pourraient regagner leurs sièges lors des élections partielles qui s'ensuivront", a-t-il détaillé.
"Duel idéologique"
Le politologue Liu Chia-wei, de l'Université nationale de Taipei, a déclaré que le scrutin était devenu un "duel idéologique" entre le PDP et le KMT, alors que la Chine pesait lourdement dans la balance.
Le principal organe politique taïwanais chargé des questions relatives à la Chine a déclaré cette semaine qu'il existait des "preuves tangibles" que Pékin tentait de "s'ingérer" dans le processus électoral.
La Chine considère que Taïwan fait partie de son territoire et n'exclut pas d'employer un jour la force pour placer l'île sous son contrôle.
Le gouvernement de Lai Ching-te a mis en garde à plusieurs reprises contre la menace croissante que représentent l'espionnage, la désinformation et les cyberattaques de la part de la Chine.
L'opinion publique apparaît divisée face à ces élections.
Aaron Yu, 32 ans, dit soutenir la campagne car "la plupart des projets de loi adoptés par les législateurs du KMT sont pro-Chine".
Mais Sharon Chen, employée dans un restaurant, est plus critique, qualifiant l'initiative de gaspillage d'argent, affirmant que les électeurs avaient déjà pris leur décision lors des élections de l'année dernière.
"Ce n'est pas parce qu'un certain parti a perdu qu'il ne peut pas accepter le résultat et qu'il veut maintenant révoquer quelqu'un que le peuple a choisi. Je trouve cela absurde", a déclaré la sexagénaire.