23.02.2023 à 11:52
Méga-bassines
Alessandro Pignocchi
Texte intégral (3519 mots)
Pour celles et ceux qui ne sauraient pas ce qu’est une méga-bassine, vous pouvez consulter le site de Bassines non merci et celui des Soulèvements de la terre. Puis venir voir par vous-mêmes les 25 et 26 mars prochains.
Sources d’inspiration : « L’Animal et la mort » et « Voyager dans l’invisible » de Charles Stépanoff.
Pour expliciter le propos de cette BD, une tribune publiée par les Terrestres. Ou alors ici, moins bien mise en page :
MEGA-BASSINES : UN AFFRONTEMENT ENTRE MONDES
La sècheresse hivernale que nous sommes en train de vivre et, donc, l’impossibilité pour les nappes phréatiques de se reconstituer réactualisent les débats autour des « méga-bassines ». Appelées « réserves de substitution » par leurs promoteurs, ces immenses retenues d’eau en plastique - dont l’une des plus grandes, à Sainte-Soline, compte s’étendre sur seize hectares - doivent aider l’agriculture à surmonter les sècheresses qui s’annoncent de plus en plus sévères en captant l’eau dans les nappes phréatiques l’hiver pour faciliter l’irrigation en été. Les controverses qu’elles suscitent se focalisent en général sur leur efficacité réelle et sur leurs possibles effets secondaires[i]. Si ces questions techniques sont importantes, elles ne doivent pas masquer des enjeux politiques beaucoup plus vastes : les bassines cristallisent et révèlent un affrontement entre mondes, entre des désirs antagonistes quant à la manière de composer un monde commun.
Depuis le milieu du XXe siècle, le nombre d’agriculteurs et d’agricultrices a fondu, passant de 30% des actifs en 1955 à moins de 2% aujourd’hui, tandis que la taille des exploitations a explosé ainsi que, bien sûr, leur niveau de mécanisation. Derrière un discours de légitimation qui insistait sur la nécessité de nourrir la France, d’exporter, de délivrer l’humanité des tâches pénibles liées au travail de la terre, l’industrialisation rapide de l’agriculture servait les intérêts des élites politiques et économiques. La production agricole devenait plus prévisible et rentable pour le capital, tandis que les coûts de production diminuaient, ce qui permettait de déplacer une part du budget consacré à l’alimentation vers d’autres domaines de consommation. L’agriculture se mettait au service du développement industriel en le fournissant en matière première et en lui offrant un important débouché à travers sa dépendance accélérée aux machines, aux pesticides, aux engrais de synthèse et à l’irrigation. Plus profondément, la chute libre du nombre de fermes, de paysans et de paysannes, dépossédait les populations des moyens et des savoir-faire qui leur permettaient d’assurer des formes d’autonomie matérielle les obligeant, pour survivre, à vendre leur temps et leur énergie sur un marché du travail en pleine expansion[ii]. Les humains, la terre, les plantes, les animaux et les écosystèmes entrent ensemble dans la catégorie des ressources qu’il s’agit d’exploiter le plus efficacement possible grâce à la puissance technologique[iii]. L’agriculture industrielle est ainsi devenue la clé de voute d’un rapport au monde très particulier, où une infime partie de la population est chargée de produire l’alimentation de tous les autres, et où les dominations et l’exploitation du travail s’exercent par l’effet conjoint du marché et de la dépossession des moyens d’autosubsistance. Les conditions de l’accumulation capitaliste, le désir de contrôle et de délivrance matérielle des classes dirigeantes et possédantes, sont satisfaits d’autant plus efficacement que les moyens d’autonomie des populations sont faibles et, donc, que leur dépendance au marché est totale[iv]. Les différentes réformes des retraites et de la sécurité sociale que nous connaissons participent de la même logique, d’un transfert de l’auto-organisation vers le contrôle d’État et le marché[v].
Les méga-bassines ne trouvent leur pleine signification que située dans cette perspective plus générale. Elles visent la prise de contrôle technologique du cycle de l’eau pour dégager la production de ses aléas, tout en accaparant une ressource vitale, appelée à devenir de plus en plus rare, ce qui achève de décourager toute tentation de reconstruire des formes d’autonomie territoriale dissidentes. Face au dérèglement climatique et aux mouvements contestataires, leurs promoteurs espèrent sauver pour quelques années de plus l’agriculture industrielle et, ainsi, les structures de dépendance et de domination qu’elle contribue à maintenir en place – et dont les agriculteurs et agricultrices sont paradoxalement souvent les premières victimes.
S’opposer aux méga-bassine incite au contraire à esquisser un monde où l’agriculture paysanne se déploie massivement, bien au-delà du rôle auquel la cantonne le système actuel – marché de niche pour nourrir la bourgeoisie et vitrine médiatique[vi]. Les activités agricoles s’y enchevêtrent avec les autres usages du territoire, impliquent de plus en plus d’habitant·es et sont organisées non plus par des normes lointaines favorables à l’agro-industrie, moins encore par des impératifs économiques, mais par des décisions collectives et territorialisées. Le paysage, replanté de haies, creusé de fossés et de mares, se fragmente et se diversifie, se tisse de nouvelles alliances entre humains et non-humains. Le « progrès » ne consiste plus à se substituer technologiquement aux dynamiques naturelles mais à construire une coopération pacifiée avec elles. On affronte le dérèglement climatique et les sécheresses avec les écosystèmes et non contre eux, en comptant d’avantage sur les savoirs situés que sur la simplification gestionnaire. Retrouver localement des formes d’autonomie matérielle, notamment en socialisant l’alimentation, diminuer notre dépendance au marché, desserrer l’étau économique est essentiel pour reconstruire une puissance politique susceptible d’avoir un impact sur les structures qui organisent le vivre-ensemble à l’échelle nationale et européenne[vii]. Relocaliser et communaliser les processus de décision et les activités de subsistance pose les bases d’un monde soutenable écologiquement, où les interrelations entre les humains et avec les cohabitants non-humains du territoire sont plus denses, intenses et enclines à la réciprocité.
Baliser ainsi l’espace des possibles est bien sûr simpliste, mais cela permet tout de même de mieux mesurer l’ampleur de ce qui se joue autour des méga-bassines. En se territorialisant, les luttes écologistes et sociales retrouvent une dimension fondamentale, primordiale – elles touchent à la terre, l’eau, aux manières de se nourrir et d’habiter. Elles sortent du statut défensif auquel elles sont de plus en plus souvent cantonnées et redessinent les lignes de conflictualité au-delà des seuls enjeux économiques pour englober nos façons collectives d’être au monde. On clarifie ainsi ce qu’il s’agit d’affronter et de détruire ainsi que les manières de construire de nouvelles alliances et de nouvelles solidarités entre agriculteur·rices, habitant·es, naturalistes, mouvements écologistes, mouvements sociaux, pour une bascule massive vers des formes d’agriculture paysanne organiquement mêlées aux spécificités sociales, écologiques et politiques des milieux de vie.
[i] https://reporterre.net/La-pertinence-des-megabassines-est-severement-contestee-par-des-scientifiques
[ii] L’Atelier paysan, Reprendre la terre aux machines,Paris, Editions du Seuil, 2021 ; Christophe Bonneuil, La « modernisation agricole » comme prise de terre par le capitalisme industriel, Les Terrestres, 2021 : https://www.terrestres.org/2021/07/29/la-modernisation-agricole-comme-prise-de-terre-par-le-capitalisme-industriel/
[iii] Léna Balaud et Antoine Chopot, Nous ne sommes pas seuls, Editions du Seuil, 2021.
[iv] Aurélien Berlan, Terre et liberté, La Lenteur, 2021.
[v] Nicolas Da Silva, La bataille de la Sécu, La Fabrique éditions, 2022
[vi] Reprendre la terre aux machines, op. cit.
[vii] Philippe Descola et Alessandro Pignocchi, Ethnographies des mondes à venir, Editions du Seuil, 2022.
24.11.2021 à 18:22
Acides
Alessandro Pignocchi
Texte intégral (957 mots)
A défaut d’incarnations inter-espèces, il existe d’autres façons de faire entrer les non-humains dans les luttes politiques, comme c’est très bien expliqué dans l’excellent Nous ne sommes pas seuls de Léna Balaud et Antoine Chopot.
Et pour la mise en pratique, il suffit de se joindre au mouvement des Soulèvements de la terre.
19.03.2021 à 11:10
Greenpeace
Alessandro Pignocchi
Texte intégral (1053 mots)
Voici les onze premières pages de ce qui va sans doute devenir un nouveau projet :
Le texte de Greenpeace est téléchargeable ici.
Comme contrepoint au texte de Greenpeace, vous pouvez lire l’uchronie des Ateliers de l’Antémonde, qui se collette avec la question des mondes multiples et de la conflictualité. Leurs textes sont en ligne ici.
10.03.2021 à 10:40
Les soulèvements de la terre
Alessandro Pignocchi
Lire la suite (396 mots)
Voici un post en soutien au mouvement « Les Soulèvements de la terre », dont le manifeste est ici, et le site là.
09.12.2020 à 12:04
Musée
Alessandro Pignocchi
Texte intégral (555 mots)
Voici un post que vous retrouverez dans le hors-série de Socialter « Renouer avec le vivant » qui paraît aujourd’hui en kiosques et librairies :
09.10.2020 à 17:28
17 novembre
Alessandro Pignocchi
Texte intégral (643 mots)
Voici un post en soutien à la journée d’actions du 17 novembre, contre la réintoxication du monde :
Le lien vers le blog de l’événement
L’appel publié par lundi matin
par Les Terrestres.
Et le Village du peuple, menacé d’expulsion.
29.05.2020 à 16:20
Suite : Relance IV
Alessandro Pignocchi
Texte intégral (1237 mots)
20.05.2020 à 10:14
17 juin
Alessandro Pignocchi
Texte intégral (540 mots)
16.04.2020 à 17:06
Petit traité d’écologie sauvage et Recomposition des mondes
Alessandro Pignocchi
Lire la suite (296 mots)
04.12.2019 à 12:48
Tome 3 du Petit traité d'écologie sauvage
Alessandro Pignocchi
Texte intégral (1184 mots)
Je suis heureux de vous annoncer la sortie, le 16 janvier prochain, de « Mythopoïèse » :
- 21 janvier, 19h, Conférence au carreau du temple (Paris 3ème) avec Clara Breteau et Erwan Weymeersch, dans le cadre des rencontres de la Sorbonne.
- 22 Janvier à Montreuil, 19h30, librairie Libertalia (12 rue Marcelin Berthelot).
- Du 29 janvier au 2 février, Angoulême.
- 10 février à Montpellier, 19h, au grain des mots (13 Bd du jeu de paume).
- 13 février à Rouen, à 18h30. Discussion au café le 3 pièces (49 place du général de Gaulle).
- 27 février, 20h, au Comptoir des mots (239 rue des Pyrénées, Paris 20e).
- 7 mars, soirée de lancement (tardif) à la librairie La tête ailleurs de 17h30 à 20h (42 Rue de la Folie Méricourt, 75011 Paris), puis au bar d’en face, Chez Omar.
- 14 mars à Fontenay, 15h, librairie La Flibuste (3 Rue Jean Jacques Rousseau).
- 28 mars, de 16h30 à 19h30, à Bulles en vrac, Paris 5ème.
- Du 3 au 5 avril, festival du livre à Metz.
- 16 avril à Arles, de 20h à 22h au café l'Odysette (17 rue du cloître).
- 6 mai à Rennes, librairie Le Failler.
- 7 mai à Rennes, de 13h30 à 17h30 aux Champs Libres (Prix social BD).
- 14 mai à Lyon, discussion avec Nastassja Martin aux assises internationales du roman.
- Du 15 au 17 mai, Comédie du livre à Montpellier.
- Du 5 au 7 juin festival Clameurs à Dijon, avec Philippe Descola.
08.10.2019 à 12:58
Amassada
Alessandro Pignocchi
Lire la suite (380 mots)
30.05.2019 à 12:22
Palimpseste
Alessandro Pignocchi
Texte intégral (1371 mots)
Et quelques dates de rencontres/dédicaces :
- Le 27 septembre à 16h30 à Limoges, à la librairie Page et plume.
- Le 28 septembre à la fête de la montagne limousine.
- Les 12 et 13 octobre à Laval, à la librairie M'lire.
14.05.2019 à 11:39
Marche pour le climat
Alessandro Pignocchi
Texte intégral (668 mots)
Une des sources d'inspiration pour les mesures :
Lundi Matin lettre de chercheurs.es
15.04.2019 à 10:59
La Recomposition des mondes
Alessandro Pignocchi
Texte intégral (863 mots)
Quelques dates de dédicaces/rencontres :
- Le 24 avril à 16h, à la librairie Coiffard, à Nantes (7-8 Rue de la Fosse).
- Le 10 mai à 9h, conférence à l’Ehess, dans le cadre du séminaire «expériences de l’anticapitalisme».
- 17, 18 et 19 mai, à La Comédie du livre de Montpellier.
- 24 mai à 19h, à la librairie Par chemin de Bruxelles (rue Berthelot 116).
- Le 6 juin, à Ombres Blanches à Toulouse (50 Rue Léon Gambetta).
- Le 19 juin à la librairie Gwalarm à Lannion (15 rue des Chapeliers).
- Le 20 juin à la librairie Dialogues à Brest (Parvis Marie-Paul Kermarec, rue de Siam).
- Les 15, 16 et 17 novembre à Lille, à Cité Philo, Avec Philippe Descola et Nastassja Martin.
30.01.2019 à 13:20
Grand débat
Alessandro Pignocchi
Texte intégral (1242 mots)
- Persos A à L
- Mona CHOLLET
- Anna COLIN-LEBEDEV
- Julien DEVAUREIX
- Cory DOCTOROW
- EDUC.POP.FR
- Marc ENDEWELD
- Michel GOYA
- Hubert GUILLAUD
- Gérard FILOCHE
- Alain GRANDJEAN
- Hacking-Social
- Samuel HAYAT
- Dana HILLIOT
- François HOUSTE
- Tagrawla INEQQIQI
- Infiltrés (les)
- Clément JEANNEAU
- Paul JORION
- Michel LEPESANT
- Frédéric LORDON
- Blogs persos du Diplo
- LePartisan.info
- Persos M à Z
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