Journal de la Fédération de l'Isère du Parti Communiste Français
Publié le 30.05.2025 à 12:05
Edouard SchoeneUne suspension dès le 31 mars, « par mesure conservatoire », et une procédure disciplinaire engagée à son encontre. C’est la sanction infligée par le rectorat de Dijon à la professeure de physique-chimie du lycée Janot-et-Curie de Sens (Yonne), pour avoir observé, le 26 mars dernier, une minute de silence, après la fin du cours, avec les élèves qui le souhaitaient, afin de rendre hommage aux victimes de Gaza.
Il lui est reproché, par « une initiative personnelle », de n’avoir pas respecté la neutralité qui s’impose à elle. L’enseignante, elle, ne regrette absolument pas son geste. Elle a affirmé à la presse que « cela aurait dû être fait par l’Éducation nationale depuis longtemps ».

La mesure suscite colère et indignation de la part des syndicats enseignants FSU, FNEC-FP-FO, CGT Éduc’action et Sud Éducation, qui ont réclamé une audience au ministère de l’Éducation, où ils se rendus mercredi 28 mai à 14 heures. Plusieurs rassemblements de soutien étaient organisés en parallèle, devant le rectorat de Grenoble donc, mais aussi à Paris, Rouen, Sens bien sûr…
« Le massacre d’une population n’est pas un avis politique, c’est un fait »
Selon les organisations syndicales, « cet hommage ne relève en aucune manière d’une rupture avec le devoir de neutralité. Le massacre d’une population, et notamment d’enfants, n’est pas un avis politique, c’est un fait. » Elles estiment que « cette mesure relève d’une forme de pression arbitraire à l’encontre d’une collègue qui, comme bien d’autres personnes, n’a fait qu’exprimer son humanité et son soutien à une population anéantie, notamment d’enfants victimes de bombardements, de la famine, de l’absence de soins ».
Les syndicats réclament l’annulation de la suspension, exigeant qu’aucune sanction ne soit prise à l’encontre de leur collègue. Ils ne manquent pas de le rappeler au passage : le 13 février dernier, au Sénat, la ministre de l’Éducation nationale soulignait que les enseignants avaient « la liberté pédagogique d’aborder le sort des victimes du conflit israélo-palestinien et notamment des otages français et des victimes du 7 octobre, pour leur rendre hommage afin d’entretenir leur mémoire, mais aussi pour réaffirmer l’attachement sans faille de la République aux valeurs démocratiques et à la paix ».
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Publié le 28.05.2025 à 19:13
Travailleur AlpinGuillaume Gontard fustige « une attaque grave contre la liberté d’expression ». Le sénateur de l’Isère fait partie des plus de 300 signataires (structures et festivals indépendants, artistes, professionnels de la culture, personnalités politiques…) de la lettre ouverte adressée par Mix’Arts, le 23 mai, à Jean-Pierre Barbier, président (LR) du département de l’Isère. L’association, organisatrice du festival Bien l’Bourgeon, ne décolère pas, pointant « une remise en cause des libertés de création et de programmation artistiques ». En cause, la décision prise le 25 avril par le conseil départemental de rejeter la demande de subvention du festival, qui se tient — pour la première fois — à Gresse-en-Vercors, du jeudi 29 au samedi 31 mai.
Ce soutien financier de 4 000 euros était pourtant reconduit chaque année jusque-là. Avant d’être remis en cause, pour cette huitième édition, à la suite d’un amendement déposé à la dernière minute par Jean-Pierre Barbier. Une volte-face ciblant ouvertement Médine, l’une des têtes d’affiche de cette cuvée 2025. Le rappeur, connu pour ses positions antiracistes, fait l’objet depuis plusieurs années « de campagnes de l’extrême-droite, qui l’accusent de complicité avec l’islam radical », souligne Guillaume Gontard dans son communiqué.
« Cet amalgame entre la foi musulmane de ce rappeur et son supposé islamisme est totalement infondé. »
Guillaume Gontard, sénateur de l’IsèreOn se souvient notamment de l’intense polémique médiatique ayant accompagné la venue de Médine aux journées d’été d’EELV et de la France insoumise, en 2023. Le tout pour des citations souvent tronquées ainsi que pour des gestes ou propos certes problématiques mais dont l’artiste s’était a posteriori excusé. Pour le sénateur écologiste, « cet amalgame entre la foi musulmane de ce rappeur et son supposé islamisme est totalement infondé ».

« Si tel avait été le cas, imagine-t-on la comédie musicale La Haine, pour laquelle il a réalisé une bande originale, être nominée aux Molières cette année, cérémonie présidée par la ministre de la Culture ? », poursuit Guillaume Gontard. D’autres ne manquent pas de rappeler la participation de Médine à la Fête du Travailleur alpin 2019, à Fontaine. Avec un concert remarqué et un joli succès à la clé.
La précision n’est pas apportée par hasard. Car si la levée de boucliers de la droite envers sa présence sur scène n’étonnera personne, le détail des votes est, lui, beaucoup plus surprenant. L’amendement a en effet été approuvé par la quasi-totalité des élus départementaux, y compris par l’opposition de gauche — à l’exception de Pierre-Didier Tchétché (Génération.s). Certains, comme les élus du groupe Isère écologie solidarités (IES), ont depuis exprimé des regrets, sans pouvoir pour autant changer leur vote. Au sein du groupe Union de la gauche écologiste solidaire (UGES) — qui réunit des élus PS, PCF, L’Après et divers gauche -, les positions sont en revanche un peu plus hétérogènes.
Un amendement déposé « par surprise »
Les élus communistes Amandine Demore et David Queiros étaient ainsi plutôt favorables à l’abstention. Mais tous deux auraient été victimes à la fois du contexte et d’une forme de « manipulation », suggère un représentant de la fédération du PCF de l’Isère. « Jean-Pierre Barbier a balancé l’amendement par surprise, ils avaient à peine une demi-heure pour voter », explique-t-il. Or, pour la maire d’Échirolles comme pour son homologue de Saint-Martin-d’Hères, « le rap est un univers totalement non maîtrisé. Ce n’est pas leur monde. Et vu qu’il y a déjà eu des dérapages dans le rap, ça leur a semblé crédible. »
Selon le militant communiste, Amandine Demore et David Queiros auraient péché par naïveté, en étant dupés en interne. « Ce sont les socialistes qui ont mené la danse en sortant les éléments du contexte », accuse-t-il. Ce qui pose de fait question puisque « le fonctionnement du groupe unique repose sur la confiance ».

Un autre point interroge : pourquoi les élus ne se sont pas méfiés ? « Si l’extrême droite avait proposé cet amendement, la méfiance aurait été de mise. On doit en tirer une leçon en étant aussi sur nos gardes avec la droite républicaine : entre Retailleau, l’histoire de la fresque à Sassenage ou cette affaire, on a des cas d’école de post-vérité. »
« Une manipulation électoraliste » venue de la droite
De fait, c’est bien des rangs de la droite que tout serait parti. D’après différentes sources, celui qui tire les ficelles serait ainsi un attaché parlementaire de la sénatrice LR Frédérique Puissat. Après la démission de l’ancien maire de Gresse-en-Vercors, Frédéric Froment est devenu premier adjoint aux finances, à la faveur de l’élection municipale partielle organisée en mars dernier. Dans son viseur, les municipales 2026, croit savoir la fédération communiste, qui dénonce « une manipulation électoraliste pour ‘cliver’ la commune de Gresse-en-Vercors sur un positionnement très à droite ».
De son côté, Mix’Arts déplore « un coup dur » qui pénalise un territoire et ses habitants, et regrette l’absence de réponse du président du département à ses sollicitations. L’association ne cache pas son inquiétude : « Nous remarquons, depuis quelques années, de nombreuses pressions politiques et médiatiques pour interdire des programmations, des artistes, des diversités d’expressions et d’opinions. Pour nous, acteurs culturels, ce phénomène pernicieux fait craindre la fin de la liberté d’expression qui est le socle de notre société démocratique. »
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Publié le 27.05.2025 à 23:38
Edouard SchoeneUn appel anonyme circulait ce mardi 27 mai sur les réseaux sociaux, appelant les Grenoblois à former une chaîne humaine de Pont-de-Claix à la Porte de France. « Free Palestine. Tous en rouge pour Gaza ». À 18h, quelques dizaines de personnes — essentiellement des jeunes — étaient présentes au carrefour de l’avenue Alsace-Lorraine et du cours Jean-Jaurès, nombre d’entre elles arborant des drapeaux palestiniens. Une affluence qui ne cessera de gonfler au fil des minutes.

Une demi-heure plus tard, vers 18h30, les manifestants étaient déjà quelques centaines à s’étaler sur la voie du tramway, entre la Porte de France et l’avenue Alsace-Lorraine. Les slogans de solidarité avec les Palestiniens victimes du génocide engagé par le pouvoir en place en Israël se faisaient alors entendre : « Nous sommes tous des Palestiniens » ou encore « Netanyahou assassin, Macron complice ».

Très vite, les trams ont été totalement bloqués. Les voitures qui circulaient sur les voies parallèles à la ligne de tramway étaient quant à elles nombreuses à signaler leur soutien en klaxonnant. À 19h, plus de cinq cents manifestants se mettaient en ligne en direction de Pont-de-Claix en quittant le carrefour cours Berriat — avenue Jean-Jaurès, pour tenter de construire une chaîne humaine.

De nombreux militants, habitués des manifestations de solidarité avec les Palestiniens échangeaient sans savoir qui organisait cette initiative de solidarité. Beaucoup, beaucoup de jeunes, sourire aux lèvres, satisfaits que la mobilisation soit au rendez-vous ce soir. Au sein du cortège, l’une des manifestantes était particulièrement émue de ce large soutien : une Palestinienne réfugiée à Chambéry, qui a perdu 67 membres de sa famille à Gaza.

La chaîne humaine s’est terminée vers 21h près de la Porte de France, rassemblant au plus fort de la manifestation plus d’un millier de personnes. Un mouvement à la fois massif et totalement spontané, dont le succès indéniable ouvre sans nul doute des pistes de réflexion.


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Publié le 27.05.2025 à 16:39
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Publié le 26.05.2025 à 17:18
Bernard TOURNIERAussi, avec plus de soixante participants, cette première initiative fera date dans la construction d’une liste unique à gauche à Saint Marcellin, et constitue un véritable tremplin pour que cette union soit la plus large possible. C’est d’ailleurs l’appel lancé par Christophe Ghersinu : « Nous n’avons plus le luxe d’être divisés. Ce qui nous unit est plus fort : la volonté de défendre la justice sociale, l’écologie populaire, les services publics, la dignité humaine. J’appelle aujourd’hui à la création d’une seule et grande liste de gauche écologique à Saint Marcellin. »

Améliorer le vivre ensemble, soutenir les familles, assurer le droit à la sécurité, l’écologie… tous les axes du programme devront être débattus avec la population selon Christophe Ghersinu qui affirme que « ce que nous devons proposer n’est pas un rêve, mais un choix politique pour une commune qui protège, qui agit et qui rassemble ».
C’est aussi l’avis de Pierre Liotard, le premier intervenant de la soirée. « J’ai souhaité participer à la création d’une liste unique de gauche, j’en ai assez de voir la gauche s’autodétruire ». Il revient sur la démocratie locale lors de son mandat municipal avec Jean Michel Revol, déplorant un perpétuel jeu de rôle majorité-opposition. « Le conseil municipal devient un théâtre de mauvais goût où tout est décidé d’avance. Je rêve d’une majorité qui donne la parole à tous pour que débattre soit une réalité. » Son expérience et son engagement dans des associations d’insertion et d’économie sociale et solidaire seront très utiles pour élaborer des propositions répondant aux difficultés vécues par des habitants de Saint-Marcellin aussi.

Jeanne Maury est guidée par la nécessité d’agir dans le collectif pour l’intérêt général. Membre du conseil d’administration du CCAS de Saint-Marcellin, elle souhaite s’investir dans la prochaine campagne notamment sur des sujets qui lui tiennent à cœur : promouvoir l’égalité, lutter contre l’exclusion et développer la solidarité. Elle insiste sur le caractère essentiel d’associer tout le monde au sein du conseil municipal ou dans les commissions, pointant le refus de la majorité actuelle de mettre en place des groupes de travail pour préparer efficacement les conseils d’administration. « Il y a eu de très rares ébauches de travail en commun. A nos questions sur le besoin de logements sociaux, nous avons eu souvent une fin de non-recevoir. Pourtant, des gens dorment dans la rue à Saint-Marcellin ! »
Jonathan Soen insiste : « Je suis moi aussi convaincu qu’il faut une liste unique et unie de gauche, et qui porte les sujets de l’écologie. Mais mon ressenti est qu’il n’y a pas aujourd’hui de vision globale sur les enjeux écologiques. Je ne vois pas d’objectifs en termes de réduction de l’empreinte carbone. Sur le patrimoine arboré il y a eu beaucoup d’atteintes alors qu’il est essentiel pour le vivant comme pour la réduction des ilots de chaleur. Le côté positif des manquements ou de l’inaction de l’équipe en place, c’est qu’il reste beaucoup de choses à faire pour réparer et préparer l’avenir ».

« J’ai choisi de m’engager dans cette aventure unitaire à gauche pour Saint-Marcellin car c’est la suite logique de l’élan unitaire à gauche qui a permis au niveau national avec le Nouveau Front populaire de faire barrage à l’extrême droite ». Pour Elisabeth Pouech, quand les citoyens n’y croient plus, la société va mal. « Droite et gauche, ce n’est pas pareil, et il y a pire : la tentation d’essayer l’extrême droite. L’engagement citoyen a toujours été un fil rouge dans ma vie, je sais que mes valeurs seront portées par notre projet. Nous devons aussi créer des liens avec les jeunes, leur proposer des projets transverses, favoriser l’éducation et la formation, les aider dans leur mobilité. Dans ces sens, la coopération avec l’intercommunalité est essentielle».

La présence de Guillaume Gontard, sénateur de l’Isère et président du groupe « écologiste-solidarité et territoires » était un atout supplémentaire dans cette soirée très constructive. « Cette première initiative n’arrive pas trop tôt. Il est important que le débat se mette en place dans un contexte lourd et grave, concernant le réchauffement climatique ou le fléau de l’extrême droite. On lutte contre ces dérives en se mettant ensemble. On a besoin d’agir et de proposer autre chose. Au niveau de l’échelon communal, on peut changer concrètement la vie des gens, sur les questions sociales, écologiques, énergétiques, de transport, d’alimentation ».
Il invite à se poser la question : « Comment peut-on créer une commune accueillante, comment les personnes qui y vivent ont envie d’y rester ? C’est tout l’enjeu de travailler sur l’espace public ». Il termine en souhaitant beaucoup de forces au collectif qui se met en place car s’investir pour sa commune est très enrichissant.

Les échanges avec les participants ont montré la nécessité de redonner du sens à la démocratie en faisant participer les citoyens aux décisions qui les concernent. Et c’est autour d’un buffet que les participants à cette première rencontre ont pu poursuivre les échanges. Indéniablement, cette initiative à l’appel des cinq personnalités est une réussite qui fera date à gauche et qui donne de grands espoirs pour faire basculer Saint-Marcellin vers le progrès social et une transition écologique ambitieuse.
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Publié le 21.05.2025 à 17:43
Edouard SchoeneDans une première intervention, Maître Émeline Gayet situait la soirée dans le contexte international très chargé par les guerres (Palestine, Europe, Afrique…) et les atteintes aux droits de l’Homme. Me Michèle Girod-Marc, bâtonnière du barreau de Grenoble, a ensuite rendu compte d’une très récente mission en Turquie (mission IDH) avec sa collègue Me Laurence Neel.

Le barreau d’Istanbul (60 000 avocats !) avait sollicité une enquête après la mort de deux journalistes assassinés par des drones. Les avocates grenobloises ont rencontré Me İbrahim Özden Kaboğlu , ancien député, professeur de droit, bâtonnier d’Istanbul et les dix membres de son conseil de l’Ordre, poursuivis pour « propagande terroriste » et « diffusion publique d’informations trompeuses ».
« Ce procès se tenait alors que 1 500 avocats ont des affaires en cours, 500 sont en prison, ont-elles confié. On observe beaucoup de procédures incidentes lors des séances des tribunaux, des renvois, des décisions des juges sans même qu’ils se retirent pour délibérer. Deux avocates en situation de poursuites nous ont raconté leur vie infernale où elles pointent quotidiennement à la police et craignent chaque jour l’emprisonnement.»
La défense dans la justice turque, une mascarade
Joëlle Vernay, militante à la LDH, avocate retraitée et personnalité emblématique du barreau de Grenoble, a quant à elle conté ses multiples engagements depuis quinze ans pour défendre le droit des citoyens turcs à la justice. Elle est en outre revenue sur l’arrestation, en 1999, d’Abdullah Öcalan, président et fondateur du PKK, emprisonné depuis sur l’île déserte d’Imrali. Ses avocats, puis les avocats de ses avocats — et ainsi de suite — ont été mis en prison !
« Nous avons assisté, en 2016, à un procès contre 46 avocats (procès dit du « KCK », NDLR) où nous avions rencontré Me Ramazan Demir », a également raconté Joëlle Vernay. En Turquie, le rôle et les droits de la défense sont quasiment inexistants, selon l’ex-pénaliste. Exemple : des témoins anonymes sont souvent cités à charge pour, au moment de se présenter à la barre, récuser les faits qu’ils prétendaient dénoncer par leurs témoignages.

Me Vernay a enfin cité le procès inique contre Pinar Selek ou encore l’emprisonnement de Selahattin Demirtaş, coprésident du HDP, depuis 2016, malgré trois condamnations de la Cour européenne des droits de l’Homme.
Une militante associative franco-turque (qui souhaitait garder l’anonymat) a par la suite longuement témoigné de ses actions en Turquie où elle séjourne régulièrement plusieurs mois par an. Se présentant comme militante politique d’opposition « pour une République turque, démocratique, laïque, avec un état de droit », celle-ci a dénoncé le fascisme de la religion en Turquie et le silence complice de l’Europe devant les épouvantables atteintes aux libertés dans son pays.
Le public a aussi pu écouter le récit d’une délégation d’avocates de Grenoble ayant séjourné à Istanbul en avril dernier. Elles ont rencontré Selçuk Kozağaçlı, ancien président de l’Association des avocats contemporains, qui a été libéré à l’issue de son procès, après huit ans de prison. Un répit de courte durée puisque ce dernier a été emprisonné dès le lendemain !

Déclaration de l’avocat Selçuk Kozağaçlı, libéré… quelques heures
« Me voici de retour. Nous avons laissé derrière ces murs nos confrères avocats, ainsi que de nombreux compagnons d’opposition. Il serait donc malvenu de dire que nous sommes libres, car même lorsque nous étions enfermés, nous étions en réalité dehors. Et maintenant que nous sommes dehors, une part de nous demeure à l’intérieur. Tout au long du chemin, tout au long des couloirs, une seule pensée m’a accompagnée, celle de Me Ebru Timtig (morte en prison après 238 jours de grève de la faim à l’été 2020, elle avait été condamnée en 2019 à plus de treize ans de prison pour « appartenance à une organisation terroriste », NDLR). C’est ici, dans cette même prison, qu’elle a mené son combat pour un procès équitable. Nos couloirs se faisaient écho, côte à côte. C’est en pensant à Ebru que j’ai franchi cette porte. C’est là où elle l’a laissé, la lutte, que nous la reprendrons. Tant que ce pays n’aura pas conquis le droit à une justice équitable, les avocats, si tel est le prix, accepteront d’être emprisonnés. Quiconque a du respect pour soi-même ne devrait redouter ni ces murs, ni leur chaîne. Après tout, nous sommes tous prisonniers, d’une façon ou d’une autre. N’ayez crainte. Rien, absolument rien, ne justifie la résignation. Nous lutterons. Nous ne pouvons tolérer de vivre ainsi, ni d’être aidés de cette façon. Et il leur en faudra bien plus que dix années pour me détourner de ce chemin. Dix ans, cela ne veut rien dire. Prenez soin les uns des autres, on se reverra souvent, très souvent.
Dans le débat, les intervenants·es ont souligné l’importance pour les citoyens turcs, les avocats en prison ou poursuivis, de la présence en Turquie de soutiens et de la solidarité internationale pour faire reculer l’injustice.
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Publié le 21.05.2025 à 15:05
Edouard SchoeneQuelles sont les propositions et les différences d’analyses du PCF, du collectif Réseau salariat et de la CGT ? Différences et convergences ? C’est ce qu’a permis de mettre en lumière la rencontre du 19 mai. Au titre des propositions, le PCF avance celle d’une « sécurité emploi formation », le réseau salariat celle d’une « sécurité sociale de l’économie » et la CGT évoque une « sécurité sociale professionnelle ».
La sécurité sociale du Réseau salariat repose sur une idée : « Le communisme n’est pas un idéal utopique. Le dépassement communiste est déjà en cours », relevait l’un des deux représentants du réseau *. Le collectif s’appuie sur les travaux de Bernard Friot pour noter que la Sécurité sociale, hors marché capitaliste, par conventionnement, avec un salaire à la personne, est une conquête communiste, « portée après guerre par la CGT et les communistes ». Tout comme le statut de la fonction publique est un « déjà là » du communisme. Sur cette base, la proposition du Réseau est « la mise en sécurité sociale progressive de l’économie par la création d’un nouveau statut du/de la producteur·ice attaché à un certain nombre de droits : responsabilité sur la production, co-propriété d’usage des moyens de production, salaire à vie, abolition de la propriété lucrative. On ne cherche pas l’abolition du chômage mais la reconnaissance du statut de travailleur, attaché à la personne, dès 18 ans et jusqu’à la retraite à 60 ans. » Le Réseau salariat défend l’idée d’un « salaire à la personne », associé à la reconnaissance d’un statut, soulignant qu’un tiers des salariés aujourd’hui ont un salaire à la personne (fonction publique, hospitaliers…). « Nous proposons la mise en sécurité sociale progressive de l’économie ».

Ce qui conduit à une première différence avec les propositions du PCF. « Nous nous prononçons pour le plein emploi tout au long de la vie. Tout le monde travaillera, moins et mieux », précisait Kevin Guillas-Cavan, membre de la commission économique nationale du PCF. D’où la nécessité d’un cadre collectif, dans les entreprises, pour décider des contenus et des finalités du travail. Tandis que la sécurité sociale professionnelle de la CGT s’inscrit dans le cadre de l’entreprise pour revendiquer de nouveaux droits pour les salariés tout au long de leurs parcours professionnels.
Une seconde différence relève de la conception de l’État. Pour le Réseau, l’objectif est de « sortir des secteurs complets de la logique capitaliste et non pas de réguler le capitalisme. Pour nous, la prise de pouvoir se fait dans l’entreprise qui sort de la production capitaliste ; il s’agit de donner un droit, celui du producteur citoyen, dès 18 ans, indépendamment de l’emploi. »

Ce à quoi répond Kevin Guillas-Cavan en indiquant que « nous n’avons pas un fétichisme de l’Etat. Mais il faut briser le pouvoir d’Etat au service du capital car c’est l’État, au service du capital, qui lui donne sa force ». Citons le niveau des subventions aux grandes entreprises ou encore la privatisation de la création monétaire au service du gonflement des fortunes. Kevin Guillas-Cavan note ainsi que « la prise du pouvoir d’Etat est pour nous un préalable. Le programme de Fabien Roussel notait quarante entreprises à nationaliser. La nationalisation porte sur la propriété, non sur la gestion qui doit être socialisée, dans les mains des travailleurs. C’est le rapport des forces qui déterminera les compromis à faire à partir de notre programme PCF. Nous ne voulons pas accompagner le capitalisme mais prendre la main sur l’argent et la planification ».
« Fondamentalement, précise Kevin Guillas-Cavan, l’idée est de garantir un revenu à vie qui ne peut que croître (en cela on est sur la même ligne que RS). Tout au long de la vie, on est en emploi ou en formation. Cela n’a rien à voir avec « flexsécurité » qui ne garantit pas l’emploi. En même temps que l’on forme, on planifie les investissements, où va l’argent, dans quels domaines. » Une feuille de route pour s’attaquer concrètement au cœur du système capitaliste.

Du côté de la CGT, la proposition d’une sécurité sociale professionnelle se décline sous la forme d’un cahier revendicatif. Laurent Terrier, membre du secrétariat de l’union départementale, expose ainsi les différentes facettes de la proposition : « Un contrat jamais rompu, à temps complet, en CDI (ou contrat fonction publique) avec un salaire à temps complet jusqu’à la retraite à 60 ans ; un salaire en progression (minimum doublement de salaire au cours de la vie) ; la reconnaissance des qualifications ; le droit à la formation initiale et formation professionnelle et continue transférable d’un emploi à l’autre ; le droit aux congés formation notamment pour reconversion, avec maintien du salaire ; une Sécurité sociale intégrant les mutuelles tout au long de la vie et de nouveaux droits démocratique pour participer réellement à l’organisation et aux finalités des activités issues du travail. »
Urgence à proposer une société alternative, face à un patronat qui fait le choix de l’extrême droite
Ces trois approches s’appuient sur des constats largement partagés. « Le travailleur, dans le capitalisme, est dépossédé du produit de son travail, qui devient une force étrangère, contrôlée par le capital. Son activité ne lui appartient plus », analyse un représentant du Réseau salariat. « Le salariat est aliénation, dépossession des travailleurs. Le capitalisme décide du contenu de la socialisation du travail. Nous voulons reprendre la main sur ce que l’on produit pour répondre aux besoins. Le capitalisme lui produit pour le profit. Ainsi pour notre plan climat ce qui m’intéresse ce n’est pas la production de trains mais la production de moyens de transports les plus appropriés pour les citoyens, le climat », précise Kevin Guillas-Cavan.
Tandis que Laurent Terrier souligne l’urgence de faire grandir des propositions alternatives : « Les CDD sont de plus en plus courts et de plus en plus présents dans la fonction publique. Le taux de pauvreté s’est accru (14%). Le salariat s’est déstructuré avec le développement de la sous-traitance, avec la découpe en morceaux des groupes industriels. » Une riposte qui s’élabore aussi sur le terrain : « La CGT organise les travailleurs sans-papiers, développe l’action contre la surexploitation, la discrimination des femmes, en particulier dans les métiers de l’aide. » Urgence et responsabilité accrue des partis et des syndicats de mettre en lumière un modèle de société alternatif après l’arrivée de Trump et le choix du patronat de soutenir l’extrême droite.
Une soirée passionnante, qui appelle assurément d’autres échanges.
Pour aller plus loin
Le projet sécurité emploi formation est issu des travaux de Paul Boccara, Sécurité d’emploi ou de formation, 2002, ed. Eyrolles, et de travaux ultérieurs.
Le projet de sécurité sociale professionnelle a été adopté par le 48e congrès de la CGT, en 2006 à Lille. Plus d’infos.
Des infos sur le réseau salariat et le salaire à vie.
Le livre de Fabien Roussel, Le parti pris du travail (ed. du Cherche-Midi) est en vente au siège du PCF, 20 rue Emile Gueymard à Grenoble.
Le collectif Plus jamais ça avait produit en 2021 un plan de rupture, cité par Laurent Terrier.
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