31.05.2025 à 16:39
Sotsialnyi Rukh, une organisation socialiste ukrainienne. Textes et documents aux éditions Syllepse.
aplutsoc
Texte intégral (1510 mots)
Présentation
Les éditions Syllepse viennent de publier, avec les Brigades Éditoriales de Solidarité et le comité français du RESU, sous la forme d’un recueil de documents, une présentation des positions et du combat mené par le Sotsialnyi Rukh (Mouvement social) ukrainien dans le contexte de la guerre d’agression et d’anéantissement menée par Poutine.
Nous invitons nos amis et lecteurs à faire connaître ces documents disponibles gratuitement qui témoignent du combat difficile mais significatif d’un mouvement socialiste démocratique et autogestionnaire dans la lutte simultanée contre l’agression impérialiste russe et pour la défense des revendications populaires face à un pouvoir néolibéral.
TABLE DES MATIÈRES
- Une perspective socialiste dans une Ukraine en guerre, une introduction par Patrick Le Tréhondat – Page 5.
- La gauche devrait soutenir une paix juste pour l’Ukraine, pas un accord Trump-Poutine visant à apaiser l’agresseur. Entretien avec Denys Pilach – Page 9.
- La société ukrainienne dans la quatrième année de résistance à l’invasion russe : points d’unité et de division, par Vitaliy Dudin – Page 27.
- Pour une Ukraine sans oligarques ni occupants ! Déclaration de Sotsialnyi Rukh du 3 février 2025 – Page 41.
- La question du logement. Déclaration de Sotsialnyi Rukh du 25 novembre 2024 – Page 49.
- L’état prend-il encore soin de nous ? Déclaration de Sotsialnyi Rukh du 11 août 2023 – Page 51.
- La guerre et l’avenir de l’Ukraine et de la gauche. Résolution adoptée à la Conférence de Kyiv du 17 septembre 2022 – Page 55.
- Pas de chauvinisme dans la politique linguistique. Déclaration de Sotsialnyi Rukh du 23 octobre 2022 – Page 65.
- Pour une mobilisation juste socialement. Déclaration de Sotsialnyi Rukh du 26 août 2024 – Page 67.
- Les droits du travail sont mis à mal. Déclaration de Sotsialnyi Rukh du 15 mars 2022 – Page 69.
- La lutte des classes n’est pas terminée dans la guerre en cours. Entretien avec Denys Pilach Avril 2022 – Page 71.
- Victoire et haine de l’ennemi. Par Zakhar Popovitch Mai 2022 – Page 81.
- Notre objectif principal est maintenant de gagner cette guerre. Interview de Viktoriia Pihul dans Links Juillet 2022 – Page 89.
- Déclaration de constitution du Sotsialnyi Rukh adoptée lors de l’assemblée constitutive du 13 juin 2015 – Page 101.
Télécharger le livre sur le site des Éditions Syllepse
Une perspective socialiste dans une Ukraine en guerre
une introduction par Patrick Le Tréhondat, membre des Brigades éditoriales de solidarité et du Comité français du RESU.
Huit mois après le début de la guerre à grande échelle, Sotsialnyi Rukh (Mouvement social) réunissait ses militant·es en conférence nationale à Kyiv. Cet événement, qui s’est tenu le 17 septembre 2022, dans des conditions très difficiles, se devait de faire le point de la situation et fixer la feuille de route de l’organisation. Tirant le bilan des mois passés depuis le 24 février 2022, Sotsialnyi Rukh soulignait que « la société civile avait été contrainte de remplir le rôle de l’État et, au lieu d’attendre une assistance de sa part, d’assumer presque toutes ses fonctions sociales ».
La guerre, poursuivait la déclaration, avait « conduit à de nouvelles formes d’auto-organisation et de politique populaire »:
La mobilisation du peuple sur la base de la guerre de libération nationale a renforcé le sentiment d’implication populaire dans une cause commune et la conscience que c’est grâce aux gens ordinaires, et non aux oligarques ou aux entreprises, que ce pays existe. La guerre a radicalement changé la vie sociale et politique en Ukraine, et nous ne devons pas permettre la destruction de ces nouvelles formes d’organisation sociale, mais les développer.
Parmi les revendications mises en avant, Sotsialnyi Rukh insistait sur la nécessité de « la nationalisation des entreprises clés sous contrôle ouvrier » et de « l’ouverture des livres de compte dans toutes les entreprises, quelle que soit la forme de propriété et l’implication des salariés dans leur gestion, création d’organes et de comités élus séparés pour la réalisation de ce droit ».
L’organisation fixait ainsi une orientation politique autogestionnaire pour le contrôle et la gestion de la société par la population, une nécessité face à un pouvoir oligarchique déficient dans les tâches de la défense du pays.
Ainsi, dans une interview donnée, lors de son passage à Paris en novembre 2022, Katya Gritseva, membre de cette organisation, observait que « beaucoup de gens étaient volontaires » :
Ils s’engagent dans l’aide mutuelle, créent des organisations extra-étatiques pour pallier les carences d’un État peu préparé à une telle situation. Cette dynamique d’auto-organisation est contradictoire avec le retour des conservateurs, voire de l’extrême droite. Pour la gauche, il agit d’agir en faveur de cette dynamique, d’aider les travailleurs, les gens, sans prétendre leur donner des leçons à la manière des staliniens.
Depuis, contre vents et marées, Sotsialnyi Rukh a maintenu cette orientation socialiste tout en participant de toutes ses forces à la résistance anti-impérialiste contre l’agresseur russe. Nombre de ses militant·es se sont engagé·es dans les forces armées et l’organisation organise en permanence des collectes de fonds pour leur apporter un soutien matériel (notamment pour l’achat de drones).
Sotsialnyi Rukh apporte également une aide aux soldat·es dans la défense de leurs droits sociaux, en particulier par l’animation d’une hot-line pour répondre à leurs questions et les aider à résoudre leurs problèmes face à une hiérarchie trop souvent autoritaire.
Sotsialnyi Rukh est une petite organisation, mais ce n’est pas un groupuscule. En son sein, sensibilités marxistes et libertaires, par exemple, se mélangent. Ses militant·es sont inséré·es dans le mouvement syndical, dans les deux confédérations FPU et KVPU, mais aussi dans les syndicats indépendants comme celui du personnel soignant Soyez comme nous, le syndicat étudiant Priama Diia ou encore le syndicat des locataires.
Sotsialnyi Rukh impulse partout où il le peut l’auto-organisation démocratique des exploité·es et des dominé·es face au pouvoir ukrainien qui, au service des classes dominantes, détruit pas à pas les acquis sociaux du prolétariat ukrainien et est par trop souvent inefficace. Il revendique le contrôle et la gestion des entreprises par les salarié·es mais aussi, par exemple, celui des abris antiaériens par la population à la suite de graves dysfonctionnements qui ont mis en danger ceux et celles qui cherchaient un refuge lors de bombardements.
Sotsialnyi Rukh prête également une attention soutenue à la formation de ses membres et aux débats d’idées. Malgré la guerre, il apporte sa part à une vie intellectuelle vivace et critique. Il organise régulièrement des conférences sur des sujets les plus divers, comme la défense des droits des travailleur·euses, l’histoire du mouvement ouvrier ukrainien ou encore celle du mouvement révolutionnaire en Amérique du Sud. Tous ces forums publics sont également diffusés en ligne. Les conférencier·es viennent parfois d’autres pays, car Sotsialnyi Rukh s’affirme comme une organisation internationaliste qui n’oublie pas, même en période de guerre de commémorer le massacre de Tian’anmen par la bureaucratie chinoise, de saluer une grève des travailleur·euses britanniques, de publier des informations sur les luttes ouvrières ou anticoloniales dans le monde (Géorgie, Palestine, Argentine, États-Unis…).
Dans la douloureuse lutte de libération nationale que mène l’Ukraine, malgré les trahisons et les abandons occidentaux, Sotsialnyi Rukh défend une perspective socialiste qui combine à la lutte existentielle du pays l’émancipation sociale par l’autodétermination et l’auto-organisation des masses ukrainiennes. Ce recueil illustre ce combat mais aussi cette démarche concrète (et ses voies transitoires) pour un socialisme démocratique d’autogestion. Son expérience, ses pratiques sociales et écrits politiques constituent pour les gauches internationales un acquis inestimable dans leur entreprise d’élaboration d’un programme pour l’émancipation au 21e siècle.
30.05.2025 à 13:26
Sur les origines de Militant et du Socialist Party. Par Sean Matgamna.
aplutsoc
Texte intégral (7507 mots)
Présentation
A l’occasion de la disparition en avril dernier de Peter Taaffe, figure historique centrale du Militant puis du SP (CWI), Sean Matgamna revient sur la trajectoire de ce courant et d’un de ses dirigeants centraux. Nous soulèverons par la suite dans un autre article un certain nombre de questions au regard des critiques développées par Matgamna vis-à-vis de Ted Grant et son courant.
Les parties entre crochets […] sont des ajouts de notre fait pour aider à la compréhension des lecteurs non avertis des particularités de cette tranche de l’histoire du mouvement révolutionnaire.
Document
J’ai assez bien connu Peter Taaffe [né le 7 avril 1942], décédé le 23 avril 2025, à une époque où il était à Liverpool et pendant sa première année et demie à Londres en tant que secrétaire national de la Revolutionary Socialist League, plus connue sous le nom de Militant Tendency, qui était alors la section en Grande-Bretagne de la Quatrième Internationale (« Mandeliste ») (« United Secretariat / Secrétariat Unifié ») [ jusqu’à son expulsion au congrès mondial de 1965].

J’ai été un membre pas tout à fait convaincu de la RSL pendant environ 18 mois, jusqu’en octobre 1966, lorsque j’ai dit au Comité national élargi (ENC) de la RSL que Rachel Lever, Phil Semp et moi partions, et Rachel et moi avons alors quitté la réunion.
Le Comité national élargi était en réalité un regroupement national de la RSL. Toutes les réunions du Comité national étaient des CN élargis ; le CN n’était donc qu’une sorte de franchise différentielle en cas de vote. La RSL était dirigée par un petit organe de cinq personnes, appelé le Secrétariat.
Peter Taaffe est devenu secrétaire de la RSL début 1965. Il avait environ un an de moins que moi, il devait donc avoir 22 ans à l’époque [L’auteur de ces lignes est né en 1941]. Pendant une trentaine d’années, il a été au cœur du Militant, avec, ou plutôt sous la direction de Ted Grant ; puis, pendant trente années supplémentaires, son propre oracle, sans Ted Grant, au cœur du Socialist Party.
Peter signifie « roc », comme le savent tous les catholiques et ex-catholiques, et Taaffe était le pilier organisationnel du Militant. Son nom de parti préféré était Tom Peters.
Avant lui, le groupe avait eu comme secrétaire Jimmy Deane, électricien et père de plusieurs familles. Deane consacrait son temps libre à la RSL, mais il en avait peu. L’histoire du groupe dans les années 1950 et après fut celle de Grant. C’est Grant qui prit la parole au nom du Militant lors du congrès du Parti travailliste de 1983, alors qu’ils étaient sur le point d’être exclus du Parti.
Grant avait été le « théoricien » de la WIL [Workers International League, non reconnue au congrès de fondation de la QI en 1938] et du RCP [Revolutionary Communist Party, section britannique de la QI, né en 1944 de la fusion des diverses fractions sous la houlette de la WIL qui, seule face à ces rivales, avait subi avec succès le test de la guerre], les groupes trotskistes britanniques de la fin des années 1930 et des années 1940. Avec le principal organisateur du WIL-RCP, Jock Haston, et d’autres, après 1945, il s’était farouchement opposé à un tournant vers le Parti travailliste, qui avait formé un gouvernement majoritaire cette année-là.
Un groupe autour de Gerry Healy se sépara du RCP en 1947 et rejoignit le Parti travailliste. Il existait alors deux groupes reconnus par la Quatrième Internationale en Grande-Bretagne : James P. Cannon, aux États-Unis, et Michel Pablo, [secrétaire] de la Quatrième Internationale, soutenaient Healy.
En 1949, Haston et Millie Lee souhaitaient quitter le parti et rejoindre le Parti travailliste, se tournant vers le réformisme. Grant annonça que, bien que toujours opposé à toute activité au sein du Parti travailliste, il la recommandait désormais comme une concession à Haston. Grant perdit toute crédibilité, et Haston démissionna malgré tout.
Les groupes se réunirent en 1949-1950 sous la direction de Gerry Healy. Healy expulsa ses opposants politiques de tous bords. Lors d’une conférence, il fit preuve d’une nouvelle brutalité en criant à Grant : « Retourne à ton fumier, Grant ! » Bill Hunter, que les récents membres du RCP considéraient comme leur homme d’organisation et successeur de Haston, changea de camp et se rallia à Healy.
Lors du Troisième Congrès de la Quatrième Internationale en 1951, Congrès de refondation de la QI, Ernest Mandel proposa l’expulsion de Grant, et celui-ci le fut. Après cela, Grant se retrouva désemparé, ayant perdu Jock Haston, l’« organisateur ». Grant publia un tout petit magazine, The International Socialist , et fit partie du groupe Socialist Current.
Les Healyistes, le plus grand groupe trotskiste [en GB], faisaient partie du « Comité international de la Quatrième Internationale » de James P. Cannon, formé après une scission avec Mandel et Pablo en 1953. Le groupe pro-Pablo en Grande-Bretagne devint membre du Parti communiste. Ils jouissaient d’une grande visibilité au sein du Parti travailliste de St Pancras jusqu’à leur exclusion en 1958 et leur adhésion ouverte au PC.
Les Healyistes racontaient une histoire malicieuse : pendant la crise du stalinisme de 1956-1957 [sous le double effet de la Révolution hongroise et du rapport Khrouchtchev] , Michel Pablo passa une annonce dans l’hebdomadaire travailliste de gauche Tribune, invitant ceux qui souhaitaient former une section de sa « Quatrième Internationale » à y répondre. L’annonce fut publiée, et Grant prit la tête de la section britannique de la Quatrième Internationale (Secrétariat international), la Ligue socialiste révolutionnaire (RSL). Grant dut se séparer de certains membres de Socialist Current, comme Sam Levy, pour rejoindre la QI de Pablo. Socialist Current continua de paraître pendant des décennies.
Pablo publiait une revue de la Quatrième Internationale en anglais, pour laquelle Pierre Frank rédigeait une série d’articles sur l’histoire du trotskisme britannique. Il en était arrivé au « RCP et à sa direction empirique » lors du rapprochement entre Grant et Pablo ; et là s’arrêtait, selon Frank, l’histoire du trotskysme britannique.
La RSL semblait avoir beaucoup d’atouts, avec environ 70 membres présents à sa conférence fondatrice. Avec l’aide de la QI de Pablo, Grant publia un magazine bimestriel, Workers’ International Review , et un journal bimensuel, Socialist Fight. Le groupe comptait deux membres permanents, Grant et John Fairfield.
Mais ce sont les Healyistes qui ont recruté et grandi. La RSL s’est disloquée. Des divergences sur les « perspectives économiques » sont apparues. Grant s’est retrouvé dans la même situation que dans le RCP.
Tout comme Cannon avait la minorité Healy pour fidèle, Pablo et son Internationale utilisaient les « loyalistes » comme fraction. La figure équivalente au rôle de Healy au sein de la RSL s’appelait Pat Jordan. Sa fraction « loyaliste de la QI » s’est scindée en 1959, je crois, et la RSL a décliné. John Fairfield, l’autre membre permanent avec Grant, a rejoint le groupe Jordan. Il est devenu posadiste pendant un temps, partisan de la Troisième Guerre mondiale parce qu’elle favoriserait le « communisme ». Puis Fairfield a viré à droite. Il est finalement devenu fasciste.
Socialist Fight est devenu un mensuel dupliqué. Le premier numéro de SF que j’ai vu, début 1960, titrait en première page « Le socialisme, seule voie », ou quelque chose d’intemporel du même genre.
Ted Grant avait besoin d’un organisateur. Il en avait toujours eu besoin. C’est là qu’intervint Peter Taaffe. En tant que secrétaire de la RSL, Taaffe sillonnait le pays avec Grant et présidait ses réunions. C’était une façon de se faire connaître, du moins c’est ce qu’on m’a laissé entendre.
James P. Cannon aurait déclaré, du vivant de Trotsky, que Trotsky était son cerveau. Taaffe aurait pu dire la même chose de Grant.
Je me souviens du moment où, le premier jour, un samedi, d’une compétition de deux jours de la RSL réunie en Comité National élargi en 1966, j’ai décidé de quitter la RSL. C’est un discours de Peter Taaffe qui m’a décidé. Rachel Lever et moi avions rédigé un document essentiel, à la suggestion de Grant et Taaffe. Il existait physiquement sur des stencils, mais les dirigeants bloquaient sa diffusion. Après avoir essayé diverses tactiques, ils ont opté pour la formule suivante : le diffuser uniquement au CN.
Chicanerie
Raisonnable ? Mais le CN ne s’est jamais réuni, sauf en CN élargi, en assemblée. Il s’agissait en fait d’une proposition visant à discuter du document lors d’une future assemblée, mais de ne laisser qu’une petite partie de la réunion le lire avant la discussion. Il s’agissait d’une manœuvre bureaucratique désespérée de la part de personnes qui me semblaient habituellement très incompétentes.
J’ai décidé de partir lorsque Taaffe a prononcé un discours justifiant leur proposition en se référant à la pratique du Parti travailliste. « C’était parfaitement démocratique », a-t-il déclaré. « C’est ainsi que le Parti travailliste procédait. » L’ensemble des membres l’ont accepté. J’aspirais à quelque chose de plus élevé que le Parti travailliste et j’ai décidé que je n’étais pas dans la bonne organisation.
Mais la RSL allait connaître des succès inattendus. Les partisans de Healy, la SLL, étaient de loin le groupe le plus important de l’aile jeune alors dynamique du Parti travailliste, les Jeunes Socialistes (plus tard rebaptisés Jeunes Socialistes du Parti Travailliste, LPYS). L’hebdomadaire de la SLL, The Newsletter , fut interdit [au sein du Labour] début 1959, date à laquelle la SLL fut déclarée et immédiatement interdite (le groupe n’avait auparavant pas de nom officiel). Leur mensuel jeune, Keep Left, fut interdit, je crois, en juillet 1962.
La SLL décida de quitter le Parti travailliste, dans lequel elle était plongée depuis 1947, à la veille d’un nouveau gouvernement travailliste. (Le Parti travailliste prend le pouvoir en octobre 1964).
La SLL a elle-même provoqué ses expulsions locales. Les anciens membres de la SLL du Parti travailliste (je pense à Ted Knight, en 1965) ont déclaré que Healy adoptait la bonne tactique pour « la jeunesse ». Pendant les trois années qui ont suivi, tout ce que les Healyistes ont fait l’a été au nom des « Jeunes Socialistes ».
Ce qui s’est passé au sein du mouvement de jeunesse travailliste après le départ des partisans de Healy fut étrange et, pour la RSL, bénéfique. Lors de la première conférence de la jeunesse travailliste post-Healy, la direction travailliste a tenté de la dévaloriser. Elle a décrété des changements : le comité national de la jeunesse travailliste serait fédéral et non élu lors de la conférence ; la jeunesse travailliste ne pourrait pas débattre des grandes questions politiques ; etc.
Mais la conférence ne s’est pas laissée faire. Les délégués ont défié la direction travailliste et ont discuté de politique générale, risquant ainsi la fermeture des YS. La direction travailliste a fait marche arrière. Les YS ont été autorisés à poursuivre leurs travaux.
L’élément central, je crois, était que l’ancienne aile gauche du Parti travailliste avait pris le contrôle, après la mort soudaine du leader travailliste [ultra-droitier] Hugh Gaitskell en janvier 1963, et qu’ils voulaient éviter les expulsions et un régime interne strict comme par le passé.
Nye Bevan [considéré comme le père fondateur de l’équivalent britannique de notre Sécu : le NHS en 1946] était mort, mais Harold Wilson, un ancien partisan de Bevan, devint chef du Parti travailliste en février 1963. Les partisans de Healy avaient voulu partir, semant le trouble autant que possible. Mais la RSL était toujours au sein des YS. Elle était le partenaire minoritaire des partisans de Cliff (alors International Socialism, aujourd’hui SWP) dans une publication de jeunesse anti-Healy, Young Guard .
Le nom vient du mouvement de jeunesse du Parti socialiste belge, la Jeune Garde [où alors les militants trotskystes belges autour d’Ernest Mandel étaient fort actifs]. Après une grève générale en Belgique fin 1960 et début 1961, nous étions tous devenus aussi « belges » que possible.
Young Guard a été fondée en 1961 par IS, la RSL et d’autres. C’était un petit journal attrayant, mais politiquement grossier et médiocre. Son seul atout était d’être véritablement un journal de jeunesse (l’organe jeune de la SLL, Keep Left, ne l’était pas). Étonnamment, la RSL, alors section britannique de la Quatrième Internationale, était quasiment absente politiquement de Young Guard, à l’exception de Keith Dickinson, nommé directeur commercial. Je ne sais pas exactement pourquoi, mais c’était ainsi.
Peter Taaffe était un loyaliste conservateur, qui tentait de justifier la plupart des événements du passé (et il y avait beaucoup à justifier). Mais le rôle de Young Guard et de la RSL dans ce mouvement était l’une des rares erreurs qu’il reconnaissait. Il n’avait pas participé aux décisions, disait-il. (Plus tard, il a eu tendance à rétrograder quelque peu son engagement politique).
Mais IS [le groupe de Tony Cliff] quitta le Parti travailliste en 1967, et la RSL se retrouva seule, parmi les marxistes autoproclamés, au sein des LPYS. Ils obtinrent la majorité au comité national des LPYS, alors encore fédéral, en 1969. À partir de cette date, ou du départ de IS, la RSL fit des YS une importante école de formation politique et de recrutement pour la RSL. Naturellement, l’organisation recruta et se développa.
C’était une affaire extraordinaire que de voir la RSL contrôler le mouvement de jeunesse du Parti travailliste pendant vingt ans. (La direction travailliste a sévèrement restreint les LPYS en 1987 et les ont fermé en 1991.) Andy Bevan, du Militant (sans lien de parenté), a été le représentant officiel permanent du mouvement de jeunesse du Parti travailliste de 1976 à 1988. Je ne connais aucune comparaison dans l’histoire du mouvement ouvrier, aucune analogie même.
Toute affirmation de la RSL selon laquelle elle aurait tourné les LPYS vers l’extérieur et en aurait fait un « mouvement de masse » est pure fiction. Non, ce n’est pas le cas ! Les YS version RSL sont devenues une secte RSL rabougrie, sous le régime du Militant, bien qu’importante, comparée à ce qu’elle était auparavant.
C’était l’époque du mouvement contre la guerre du Vietnam. Militant avait une haute appréciation des staliniens au Vietnam, mais les LPYS n’ont pas rejoint le mouvement !
C’était aussi l’époque de la grande révolution culturelle des jeunes (la pilule séparait sexe et procréation, etc.), mais là encore, les Young Socialists n’y ont pas adhéré, même d’un point de vue de liberté élémentaire. Le gouvernement Wilson (en fait, Roy Jenkins, de la droite du gouvernement travailliste, alors ministre de l’Intérieur) avait légalisé les relations homosexuelles en 1967, mais les Young Socialists sont restés fidèles à leur vieille attitude prohibitive. Sous le contrôle quasi total de la RSL, les Young Socialists rejetaient des résolutions que les Jeunesses du Parti Libéral, voire les Jeunes Conservateurs à l’époque, auraient adoptées. Ils étaient dominés par la moralité d’un Sud-Africain âgé et probablement opprimé, Grant, et d’un Peter Taaffe suffisant qui incarnait les valeurs morales dont la classe ouvrière avait commencé à s’éloigner.
L’acceptation par le Parti travailliste des YS dirigés par la RSL était remarquable. En partie, comme je l’ai dit, cela s’explique par le fait que les dirigeants du Parti travailliste étaient d’anciens partisans de Bevan qui souhaitaient un régime travailliste plus tolérant. En partie, c’est la politique étrange de Militant qui a assuré leur sécurité.
J’ai été témoin d’une étrange expérience lors de la conférence des LPYS en 1974. C’était un rassemblement de la RSL. Seule une minorité des participants étaient de véritables délégués votants des LPYS ; les autres étaient des « observateurs » de la RSL.
Les orateurs avaient tous suivi la même école d’éloquence et utilisaient les mêmes gestes « théâtraux » même pour des choses qui n’en avaient pas besoin. Ils étaient plus nombreux à parler avec l’accent de Liverpool qu’ils n’auraient pu le faire.
Le comité national des LPYS a recommandé le vote de chaque motion. Autrement dit, le « centralisme démocratique » de la RSL était à l’œuvre, et il était intrusif. Mais c’était aussi drôle, si l’on pouvait « oublier » un instant ce qu’ils faisaient subir aux jeunes.
Un jour, le président de séance oublia d’indiquer à la conférence ce que le CN recommandait. Lorsqu’il appela les délégués au vote, aucune main ne bougea. Puis il se souvint de répéter ce que le CN recommandait et reprit le pouvoir de faire voter les délégués.
Il restait, au début, un petit groupe de « tribunistes ». Le président n’arrêtait pas de rappeler à la conférence que les tribunistes bénéficiaient de droits qu’ils avaient refusés au Militant lorsqu’ils étaient majoritaires. C’était vrai, mais c’était inélégant, gratuit, peu subtil et même horrible à regarder.
L’opposition « tribuniste » a fini par disparaître. Le principal autre groupe d’« opposition » (avant l’intervention de Workers’ Fight, précurseur de Workers’ Liberty) était une petite scission de la RSL elle-même, la RSL sous amphétamines, pour ainsi dire. Leurs « discours » allaient accélérer la radicalisation du mouvement ouvrier que Militant et la majorité des LPYS annonçaient toujours imminente. Nul besoin d’être psychiatre pour comprendre que leur leader était aussi fou que le chapelier proverbial. Ils n’ont pas recruté, et ils ont fini par devenir trop vieux pour les YS et ont cessé d’y exister. (Plus tard, ils ont perdu leur radicalisme et ont publié le très fatigué magazine de gauche travailliste, Briefing ).
Peter Taaffe présidait tout cela en tant qu’« organisateur », mais la politique était celle de Ted Grant. Et c’était une politique étrange. Pour la Grande-Bretagne, la RSL appelait à la nationalisation des « monopoles ». Simplement une nationalisation, à la manière du Parti travailliste. Le RCP des années 1940 avait réclamé une nationalisation sous contrôle ouvrier, mais Militant ne l’a pas fait.
Voie pacifique
Je fus surpris de constater que les membres de la RSL se considéraient comme très à gauche en raison du nombre de choses qu’ils souhaitaient « nationaliser ». Il ne s’agissait pas non plus d’une « nationalisation » par un État ouvrier. L’État existant évoluerait pacifiquement et parlementairement vers le socialisme, insistait Militant. (Le plus honnêtement que l’on puisse dire à ce sujet est que la classe dirigeante britannique n’abandonnera le pouvoir que si elle n’a pas le choix d’y résister.)
Ils pensaient que les motions en faveur des nationalisations votées sur un signe de tête par les congrès syndicaux montraient que le mouvement ouvrier britannique était déjà socialiste. Il n’y avait aucune possibilité, ou du moins aucune qu’ils voulaient prendre en compte, que le mouvement ouvrier subisse une défaite sérieuse.
C’est sur le stalinisme qu’ils se sont montrés les plus étranges. Les trotskistes orthodoxes en étaient venus à considérer la révolution socialiste (pour l’instant) comme l’expansion du stalinisme après avoir décidé (Grant en 1947-1948, la majorité de la QI en avril 1949) que les États satellites de la Russie en Europe de l’Est et du Sud étaient des « États ouvriers déformés » (à l’exception de la Yougoslavie qui, pour la QI, n’était pas « déformée »).
Ted Grant, Jock Haston et Millie Lee, membres du WIL et du RCP pendant la Seconde Guerre mondiale, avaient suivi James P. Cannon aux États-Unis dans le virage radical vers le stalinisme. Après l’invasion de la Russie en juin 1941, ils suivirent Cannon dans l’absurdité spectaculaire de déclarer l’armée russe comme étant en quelque sorte « l’Armée rouge de Trotsky ». En réalité, il ne s’agissait ni de l’Armée rouge ni de celle de Trotsky ; c’était celle de Staline. Ils republièrent le témoignage de Cannon lors de son procès pour « sédition » en 1941.
Après la guerre, ils avaient adopté toute une gamme de positions sur la Russie. À un moment donné, ils (c’est-à-dire l’exécutif du RCP) avaient décidé que la Russie était un pays capitaliste d’État. Tony Cliff allait poursuivre et développer ce point de vue.
Les dirigeants du RCP ont ensuite devancé tous les autres trotskistes orthodoxes en proclamant que la Russie, ses satellites et la Yougoslavie, qui s’était brouillée avec Staline en juin 1948, étaient des États ouvriers, dégénérés (la Russie) ou déformés (les autres).
Le Deuxième Congrès de la Quatrième Internationale, en avril-mai 1948, décida que tous les États satellites, à l’exception de la Russie, étaient capitalistes d’État et réactionnaires. Ce n’était pas cohérent, et ils finirent par les qualifier d’« États ouvriers ». Ted Grant était très fier de sa priorité. Les autres trotskistes orthodoxes avaient tendance à écrire des absurdités, mais au moins, ils s’attaquaient au problème ; Jock Haston et le RCP furent les seuls parmi les trotskistes orthodoxes à saluer (dans Socialist Appeal ) le « coup d’État » stalinien en Tchécoslovaquie en février 1948.
Grant s’attendait à des révolutions staliniennes dans tous les pays sous-développés et considérait cette perspective comme extrêmement progressiste. Il s’attendait à une révolution stalinienne progressiste au Portugal en 1974-1975 et, bien entendu, il la prônait.
Au milieu des années 1960, Grant et Taaffe étaient capables de s’emporter contre Roger Protz, qui avait dirigé les premiers numéros de Militant (Le nom de Taaffe apparaissait tout au long du journal comme rédacteur en chef, afin de le mettre en avant, mais il n’avait jamais dirigé le journal). Protz avait résumé une circulaire interne en annonçant que la Syrie et la Birmanie étaient devenues des États ouvriers déformés. (Grant avait des co-penseurs au sein de la QI « mandéliste » au milieu des années 1960, Livio Maitan par exemple, qui pensaient qu’un tel niveau de nationalisations équivalait à un État ouvrier). La circulaire le disait, mais il n’était pas conseillé de le dire publiquement, comme l’avait fait Protz. Ou pas encore.
Je ne sais pas s’il l’a jamais écrit, mais j’ai entendu Grant dire que la propagation du stalinisme incarnait « le mouvement autonome des forces productives ». Ces dernières ne pouvaient attendre que les travailleurs résolvent ce que Trotsky appelait « la crise du leadership ».
Taaffe et Grant avaient une formule : « Les travailleurs ne comprendraient pas ». Cela signifiait qu’ils pouvaient dire tout ce que, selon eux, « les travailleurs » « comprendraient » – aussi peu ou autant qu’ils le souhaitaient. Par exemple, avant Workers’ Liberty, ils avaient, et le SP a toujours, une position sur la question des « deux États » au Moyen-Orient, affirmant qu’Israël avait le droit d’exister. Mais qui le sait ? C’est très impopulaire au sein de la gauche militante, alors ils le dissimulent.
Couverture
La « perspective » de Grant était que le stalinisme était la vague d’avenir dans la majeure partie du monde, et que c’était la révolution en cours. C’était une couverture réconfortante dont il se couvrait. La progression du stalinisme n’était pas une menace : c’était la révolution socialiste. En fait, ils disaient à peu près ce que Max Shachtman et ses camarades du Workers Party [1940-1948] et de l’ISL [1948-1958] disaient à propos de la progression du stalinisme, sauf que là où Shachtman mettait un signe négatif, ils mettaient un signe positif.
Mais le désir de Grant et Taaffe de jouer les prophètes les a parfois trahis. Lorsque les Russes ont envahi l’Afghanistan à Noël 1979, tous les groupes trotskistes, à l’exception de ce qui est aujourd’hui Workers’ Liberty, ont soutenu les Russes (même si certains ont affirmé qu’il aurait été préférable que les Russes n’envahissent pas le pays, mais que nous devrions les soutenir une fois sur place).
Le SWP-US a déclaré que les Russes étaient « partis au secours d’une révolution ». La RSL-Militant n’était pas aussi catégorique au départ. Grant a écrit un long article dans Militant qui dressait un tableau passable de la « Grande Révolution » stalinienne afghane de 1978, 20 mois avant l’invasion. Il démontrait qu’il s’agissait bien d’un coup d’État militaire mené par des officiers afghans formés en Russie, sans soutien populaire : il se distinguait en cela des révolutions staliniennes comme celles de Chine ou de Yougoslavie.
Grant hésita, mais se rallia plus ou moins au retrait russe. Puis, un mois plus tard, Lynn Walsh le corrigea : bien sûr, écrivit-il, de manière ridicule, Grant avait eu l’intention de soutenir la présence russe. La RSL avait eu un mois pour en discuter et, collectivement, avait réussi à oublier ce qui était si particulier et déterminant en Afghanistan avant l’invasion russe : que les officiers staliniens bénéficiaient de peu de soutien en dehors de la petite classe moyenne des villes.
Presque tous les autres trotskystes ont changé d’une attitude pro-russe à une autre en six mois ou un an, à l’exception de Militant, des Spartacistes (et de Workers’ Power et du pauvre Alan Thornett, qui pense que le marxisme revient à connaître un peu les films des Marx Brothers ; mais même les Thornettistes ont changé à un moment donné). Grant et Taaffe, et l’organisation qu’ils avaient créée, ne savaient tout simplement pas faire la différence, pour le marxisme, entre « perspectives » et « perspectives » pour lesquelles on se bat. Ici, ils se sont même trompés sur les perspectives en Afghanistan et sur l’invasion russe.
Pour commémorer Taaffe, ses camarades affirment qu’il est issu d’une « extrême » pauvreté. J’en doute. Il s’agit soit d’un mythe, soit d’une vision de la vie ouvrière vue par des personnes de classes sociales plus élevées.
Je viens de la classe ouvrière semi-analphabète d’Ennis, une ville de l’ouest de l’Irlande. Mon père a été pompier à l’usine de gaz de Salford pendant 25 ans. La famille l’a rejoint. Je me souviens avoir convoité, et je revois encore, une Histoire des États-Unis en deux volumes à couverture verte à la librairie de Shude Hill, qui, à 37 shillings et 6 pence, était bien trop chère pour moi. C’était la pauvreté, je suppose, mais il y avait un bon réseau de bibliothèques publiques à Manchester. Je n’ai jamais manqué de choses essentielles.
Quand j’ai connu Peter Taaffe pour la première fois, en 1964, il était employé de bureau et faisait la paie de la police de Liverpool. Il portait une veste en velours côtelé, résolument « intellectuelle ». Il était présomptueux, lui aussi.
J’avais été malmené par des policiers en civil dans un commissariat de police parce que j’avais essayé d’inciter les travailleurs à adhérer au syndicat TGWU, mais Taaffe a insisté sur le fait , d’après sa propre expérience, il assurait le versement des salaires de policiers joviaux, que la police était vraiment correcte.
Il y avait toujours chez RSL-Militant une certaine jactance, qu’on disait ouvrière, mais qui en réalité se faisait passer pour une classe moyenne. Dans ma tête, cela se traduisait par les paroles d’une chanson popularisée par The Spinners, un groupe folk de Liverpool.
« Et nous, les pauvres marins, étions debout, debout, debout
Et les terriens couchés en bas, en bas, en bas
Et les marins d’eau douce couchés en bas, en bas, en bas ».
Militant a toujours été « nous, les pauvres marins ».
La véritable pauvreté dont souffraient le plus les classes populaires à la fin des années 1950 et au début des années 1960, en période de « plein emploi », était la pauvreté culturelle croissante et en déclin. Taaffe, dans Militant, se glorifiait de cette pauvreté culturelle de la classe ouvrière, et dans le mouvement YS des années 1960-1980, dirigé par Militant, il s’efforça de la perpétuer parmi les jeunes travailleurs.
À l’époque des YS-Militant, les jeunes travailleurs apolitiques étaient généralement moins étroits d’esprit et stricts que les YS eux-même. Par exemple, il était impossible de faire adopter une résolution lors d’une conférence des YS-Militant pour légaliser le cannabis, bien qu’il soit relativement inoffensif et que de nombreux jeunes travailleurs en consomment. Pourquoi ? Un membre des YS-Militant, ou plusieurs, prononçaient un discours pour la RSL affirmant que la légalisation du cannabis ne ferait que créer un nouveau monopole capitaliste, comme pour l’alcool et le tabac. Ce n’était pas le sujet, mais bon, alors ils voulaient interdire l’alcool et le tabac ? Non, non, camarade, « les ouvriers ne comprendraient pas ».
Mettre fin à la persécution des homosexuels n’était qu’une question de libéralisme, mais cette idée avait été adoptée par les socialistes depuis qu’August Bebel avait proposé au Reichstag en 1898 l’abolition du « paragraphe 175 » anti-homosexuel allemand. Et bien avant cela, je suppose. Mais c’était aller trop loin pour la RSL / YS. Et c’était parfois de l’hypocrisie : des camarades qui fréquentaient des bars gays revenaient avec des histoires de rencontres avec des militants qui, dans leur vie de dirigeants politiques, n’avaient même pas soutenu les réformes libérales sur les droits des homosexuels.
Vulgarité
Ce qui m’a le plus frappé chez Derek Hatton et Tommy Sheridan, qui sont devenus les figures les plus connues de Militant pendant un certain temps [deuxième moitié des années 80], c’est que leur idée de « la belle vie », lorsqu’ils ont choisi celle-ci, était par essence celle d’un travailleur apolitique et assez arriéré : la consommation vulgaire et ostentatoire, à la manière des footballeurs célèbres et autres, était leur idée de « la belle vie ».
Taaffe m’a dit un jour – je crois que Ted Grant était présent – que les gens comme nous, lui et moi, avec notre manque d’éducation formelle, ne devraient pas se donner la peine de lire des auteurs « difficiles » comme Plekhanov. Il avait une éducation bien plus poussée que moi – il me flattait. J’ai supposé qu’ils ne voulaient tout simplement pas que je perde du temps à lire de telles choses. J’ai ignoré ce conseil.
Mais que Taaffe ait ou non parlé littéralement de Plekhanov, Grant était son cerveau. Il y a une dizaine d’années, Peter Taaffe et moi avons échangé des polémiques. Il a fait référence avec mépris à Max Shachtman, qui décrivait la Russie comme une forme de capitalisme d’État. Peter avait milité pendant 50 ans en politique soi-disant marxiste, il était le dirigeant politique et l’organisateur du Socialist Party – et pourtant, il ignorait la différence entre collectivisme bureaucratique et capitalisme d’État pour désigner le stalinisme dont il soutenait l’expansion !
Et qu’avait-il construit ? Il est rare que les trotskystes aient joué un rôle décisif dans l’issue des grandes luttes de classe, mais la RSL-Militant en a eu l’occasion en 1984, lors de la grève des mineurs, et ils y ont joué le rôle réactionnaire.
La grève des mineurs dura un peu plus d’un an et défia le gouvernement Thatcher. Militant était à la tête du conseil travailliste de Liverpool et des principaux syndicats de la ville, confrontés aux coupes budgétaires des Conservateurs. Il aurait pu faire pencher la balance en défaveur de Thatcher si le mouvement ouvrier de Liverpool, dirigé par Militant, s’était joint aux mineurs pour affronter le gouvernement. Les marxistes convaincus de Liverpool auraient cherché une raison, voire un prétexte, pour se joindre au combat contre Thatcher.
Ce n’est pas le cas pour la très marxiste RSL. Ce n’est pas la « voix marxiste du Parti travailliste » sous la direction de son étrange leader, Derek Hatton ! Militant a conclu un accord avec le gouvernement conservateur en juillet 1984, qui a écarté Liverpool du combat en lui accordant l’autorisation de reporter la crise financière à 1985-1986.
Un an plus tard, les mineurs vaincus, Thatcher s’en prit à Liverpool. Fin 1985, le conseil municipal prévoyait de licencier l’ensemble de son personnel pendant quatre semaines, « à titre tactique », puis révéla qu’il avait procédé à des coupes budgétaires de facto et qu’il pourrait combler le déficit restant grâce à des prêts auprès de banques suisses, négociés des mois auparavant. Les partisans de Militant se discréditèrent, se mirent en position de se faire purger par les dirigeants travaillistes, puis quittèrent le Parti travailliste plutôt que de lutter contre la purge.
Taaffe était, si j’ai bien compris, le dirigeant de Militant chargé des relations avec Liverpool, sa ville natale, et le principal conseiller municipal de cette ville, Derek Hatton. Par la suite, « Degsie » et Taaffe gardèrent un silence diplomatique l’un sur l’autre, de ce qui fut l’une des plus grandes débâcles que la gauche britannique ait connues depuis la grève générale de 1926.
Bien que Taaffe ait écrit un livre sur le sujet plus tard (en 1988), ni Militant, ni le SP, ni Taaffe ne se sont jamais pleinement expliqués. Le mouvement ouvrier subit encore les conséquences de la victoire, peut-être évitable, de Thatcher en 1984-1985.
En Irlande, Militant et Taaffe ont connu l’une des trajectoires les plus étranges. La minorité catholique artificielle d’Irlande du Nord s’est mobilisée pour les droits civiques à la fin des années 1960. Le droit civique le plus important qui leur manquait était l’autodétermination nationale.
Les catholiques des Six Comtés y constituaient une minorité plus importante que ne l’auraient été les protestants de toute l’île dans une Irlande unie. Deux des « Six Comtés », Fermanagh et Tyrone, comptaient des majorités catholiques et nationalistes. Les catholiques étaient majoritaires sur la moitié du territoire des Six Comtés et tout le long de la frontière avec les 26 Comtés.
L’IRA provisoire s’est superposée, avec ses idées politiques étroites, à la lutte des catholiques pour les droits civiques, et a canalisé la révolte vers sa propre conception d’une guerre d’Irlande visant à chasser les Britanniques. Elle y est parvenue parce que la minorité catholique et nationaliste des Six Comtés était imprégnée des chants et des légendes de la longue lutte de l’Irlande catholique contre l’Angleterre.
La guerre des Provos fut aussi inattendue pour la RSL-Militant que pour nous. Mais la « question constitutionnelle » allait dominer la politique irlandaise et britannique pendant le reste du XXe siècle et une bonne partie du XXIe.
C’était l’idée la plus fondamentale du marxisme (voir les Thèses du Deuxième Congrès du Komintern sur la question nationale et coloniale par exemple) que ceux qui vivaient dans le pays oppresseur – la Grande-Bretagne avait partagé l’Irlande et luttait pour maintenir cette partition injuste – devaient soutenir les insurgés nationalistes, quelles que soient les complexités, et essayer de s’attaquer aux questions politiques posées.
Mais la RSL-Militant ne reconnaissait même pas la « question constitutionnelle » qui dominait la politique irlandaise. En cela, ils étaient ultra-gauches. Le Socialist Party finirait par se prononcer en faveur d’une Irlande fédérale unie – la seule Irlande unie possible –, mais seulement après la fin de l’insurrection catholique et de l’IRA provisoire et l’arrêt des combats. Ce virage vers une politique d’Irlande fédérale était positif, mais très tardif et donc insuffisant. C’était aussi un commentaire implicite accablant sur ce qu’ils avaient dit et fait pendant les 23 années de guerre.
Tout au long de la guerre, de 1971 à 1994 (ou en Grande-Bretagne 1997, lorsque les dernières bombes de l’IRA provisoire détruisirent une partie du centre de Manchester), le RSL-Militant-SP, dirigé par Peter Taaffe, proposa comme solution au conflit une milice ouvrière s’appuyant sur les syndicats.
Ce n’était pas l’idée de Militant. Elle fut d’abord lancée par les partisans de Healy, puis circula au sein du Parti communiste d’Irlande et du BICO unioniste, mais elle devint la formule de Militant pendant les années de guerre.
Sectarisme communautaire
C’était une bonne et juste idée, pour une société différente. Le sectarisme [communautaire] était profondément ancré en Irlande du Nord et dans le mouvement ouvrier nord-irlandais. L’attribution des emplois et les promotions étaient faites sur des bases sectaires. Le sectarisme communautaire a gagné les syndicats.
Appeler à une force de défense unie protestante-catholique n’était qu’une autre façon d’appeler à l’unité des travailleurs. C’était une bonne chose, mais cela ne pouvait se faire qu’en unissant un large groupe de travailleurs autour d’une solution à la question « constitutionnelle » (orange-verte, protestante-catholique, pour toute l’Irlande).
Pour l’Irlande du Nord, c’était un pur échappatoire. C’était comme les souris qui faisaient sonner le chat. Le chat prédateur ayant tué beaucoup de souris, les souris se sont alors réunies pour décider de la marche à suivre. « Je sais », a dit une souris : « On devrait mettre une cloche au cou du chat, comme ça on saura où il est, et il ne pourra pas s’approcher de nous. » Excellente idée, ont convenu les souris. Mais comment allaient-elles mettre la cloche au cou du chat ? Une brigade de défense des travailleurs d’Irlande du Nord faisait sonner le chat.
Et ils n’étaient même pas sérieux. Lorsque la grève générale orangiste éclata en mai 1974, Militant oublia sa solution miracle et déclara que les deux communautés devaient se défendre elles-mêmes. C’était l’époque des assassinats massifs de catholiques par les protestants et les unionistes.
Taaffe et Grant manquaient de sérieux et de cohérence dans leur dénonciation des « violences de l’IRA ». En mai 1972, un soldat britannique de 19 ans se rendit chez ses compatriotes à Derry. Il fut capturé par les Républicains officiels locaux, les Républicains de « gauche » si j’ai bien compris, et fusillé. C’était un acte stupide et sanglant.
Même Workers’ Fight (ancêtre de Solidarity ), qui critiquait alors le moins possible les Républicains, se sentit obligé de qualifier cet acte « d’odieux, d’une valeur militaire très douteuse », qui « ne pouvait qu’horrifier et démoraliser la population catholique et creuser inutilement le fossé déjà profond entre protestants et catholiques ». La réaction de Militant fut surprenante. De quel droit, demandèrent-ils, la foutue IRA provisoire avait-elle de critiquer les Républicains officiels sur un sujet pareil ?
Militant avait été le fléau de ce qu’il appelait le « terrorisme individuel » (bien que la guerre ne fût pas du « terrorisme individuel », mais une révolte d’une partie de la minorité catholique d’Irlande du Nord). Les Officiels [Official IRA] avaient fait exploser une bombe sur la base militaire d’Aldershot, en février 1972, tuant accidentellement cinq femmes de ménage. Bien sûr, Militant avait dénoncé cela. Qu’était-il arrivé pour que Taaffe et Grant défendent maintenant, en mai 1972, les « terroristes individuels » ? Militant était en pourparlers avec les Officiels, qui allaient devenir le Parti des Travailleurs.
La tragédie de Peter Taaffe fut d’avoir passé 60 ans à enseigner aux travailleurs qu’il rencontrait, non pas le marxisme, mais d’abord la politique étrange et très subjective de Grant, puis un grantisme plus vague, dont certaines aspérités furent adoucies et remplacées par de vagues généralités socialistes, celui du Socialist Party. Ce parti s’appelait et se qualifie encore de marxiste, mais c’était un curieux mélange d’ultra-gauchisme (sur l’Irlande), de travaillisme et de stalinisme. Le marxisme, le socialisme ouvrier, ce n’était pas et ce n’est pas du tout cela.
SM.
Source :
https://workersliberty.org/story/2025-05-26/origins-militant-and-socialist-party
Chronologie
Années 1950 : Ted Grant dirige un petit sous-groupe de trotskistes britanniques issu de l’explosion du RCP.
1964-1965 : Le groupe Grant lance Militant ; Peter Taaffe en devient l’organisateur
Fin des années 1960 : Militant prend le contrôle du mouvement officiel de jeunesse travailliste et le conservera pendant deux décennies.
1982-1983 : La tentative ratée des dirigeants travaillistes de purger Militant contribue à son « âge d’or », atteignant peut-être 8 000 adhérents.
À partir de 1984-1985 : La débâcle du conseil travailliste de Liverpool, dirigé par Militant, discrédite Militant. Les dirigeants travaillistes élaguent le mouvement de jeunesse. Des membres de Militant quittent le Parti travailliste.
1992 : La majorité de Peter Taaffe, qui en 1997 se rebaptisera Socialist Party, expulse Ted Grant et d’autres qui veulent continuer à travailler au sein du Parti travailliste : ils forment Socialist Appeal, puis en 2024 (avec leur propre départ du Parti travailliste) le RCP.
Ce que nous sommes et ce que nous devons devenir, document fondateur de la tendance qui est aujourd’hui Workers’ Liberty, écrit en 1966 comme une critique du RSL-Militant.
30.05.2025 à 12:20
Les gueux et leurs chers amis. Par Alain Dubois.
aplutsoc
Texte intégral (1265 mots)
La vérité c’est le mensonge, la mort c’est la vie ! Orwell réveille-toi, ils sont devenus fous !
____________________
Les décisions récentes concernant la pollution de l’air par les voitures dans les grandes villes (ZFE), l’abrogation de l’interdiction de pesticides particulièrement destructeurs, l’autorisation de mégabassines, de fermes géantes, la reprise des travaux sur l’A69, etc., et bien entendu tout l’appareil policier étatique au service de ces mesures, sont présentées par certains comme des « victoires des gueux » contre l’« écologie punitive ». Il s’agit de mensonges éhontés, dignes du roman d’Orwell 1984, comme « La guerre, c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage, l’ignorance c’est la force ». Ces décisions reflètent la détérioration progressive du rapport de force entre les défenseurs de la biosphère, de la biodiversité et de l’humanité, et le système capitaliste, ses entrepreneurs, ses banques, ses actionnaires, ses cultes, ses polices et ses armées, au bénéfice de ces derniers.
Ce qui est et sera punitif, c’est et ce sera :
- l’augmentation des cancers,
- des maladies cardio-vasculaires et autres pathologies,
- des pandémies,
- des incendies, sécheresses, inondations et autres catastrophes « naturelles »,
- le dérèglement climatique,
- la fonte des glaciers,
- le dégel du permafrost,
- l’élévation du niveau des océans,
- le bouleversement des courants marins,
- et les migrations et conflits dus à ces effondrements écologiques et climatiques, aux famines et à l’insécurité qu’ils entraînent.
Ce qui serait une victoire des gueux, et plus généralement de l’humanité sur les exploiteurs, les dictatures et les guerres, ce seraient la nationalisation sans indemnité ni rachat de toute l’industrie automobile et de tout le parc de véhicules, l’augmentation massive des transports en commun et leur gratuité, la suppression de la propriété privée des voitures individuelles, la réduction drastique de leur nombre et leur mise à la disposition de tous. Ce seraient l’interdiction de la publicité, la destruction de toutes les armes et centrales nucléaires, et les multitudes de changements fondamentaux dans l’organisation et le fonctionnement de notre société pour les mettre au service du bien commun et pas du profit d’une infime minorité s’appuyant sur des régimes dictatoriaux, policiers, militaires, théocratiques. Bref, ce serait sortir du capitalisme, supprimer la Bourse, les organisations financières et politiques internationales, nationaliser les banques, etc.
Non pas que ces bouleversements « impossibles » empêcheraient l’effondrement bio-géo-climatique qui est désormais inéluctable dans les prochaines décennies en raison des points de non-retour déjà atteints et dépassés, et de l’inertie des processus autodestructeurs en cours, mais cela permettrait aux populations qui y survivront de se préparer à gérer cet « après » sans la férule des gouvernants actuels de la planète.
Qu’actuellement, lors de la crise la plus menaçante pour la survie de l’humanité que celle-ci ait subie dans toute son histoire, les « opinions » concernant l’environnement, le climat, l’agriculture, l’habitat, les transports, fondées sur des diagnostics au doigt mouillé ou imposées par les dirigeants actuels du monde puissent être acceptées par beaucoup (médias, intellectuels, personnes diverses investies d’une certaine « notoriété »), et présentées comme opposables aux connaissances scientifiques, montre que l’humanité n’est pas encore sortie des âges obscurs, et n’en sortira peut-être jamais avant son extinction.
Bien entendu, aucune organisation, aucun politicien ou militant ne pourraient formuler de telles affirmations et exigences, mais il faut se féliciter de ce que certains responsables puissent encore écrire et diffuser des « coups de gueule » comme celui-ci :
« Un cauchemar à la Don’t Look Up (1), mais pour de vrai.
Vous savez pourquoi ? Parce que si l’écologie perd, c’est toute l’humanité qui perd.
Quand il n’y aura plus d’eau, plus de biodiversité, plus d’arbres, plus de terres cultivables et plus d’air respirable, c’est la planète qui ne sera plus habitable.
Au mépris total de la science, de la santé de la population, de la préservation de nos conditions de vie et de l’avenir de nos enfants, la ligue anti-écologie s’est lancée dans une croisade folle, où elle a réussi successivement à :
• faire passer en force la loi Duplomb, ses pesticides tueurs d’abeilles, ses mégabassines et ses fermes-usines à 85 000 volailles ;
• utiliser tous les recours imaginables pour faire revenir sur l’A69 les engins de chantier qui détruisent des arbres centenaires et des espèces protégées ;
• vider de sa substance le dispositif “zéro artificialisation nette” pour bétonner toujours plus la nature et nos paysages ;
• supprimer complètement les ZFE au lieu de les améliorer pour les classes populaires, qui sont surreprésentées dans les 40 000 morts annuels causés par la pollution de l’air.
Les climatosceptiques responsables de cette “performance” sont les représentants français de Donald Trump.
Ils s’appellent LR, RN et “bloc central” (quelle blague : quand on sait que ces derniers votent contre leurs propres mesures comme les ZFE, leur débandade idéologique honteuse n’en finira donc jamais).
Ensemble, ils forment la nouvelle alliance anti-écologie.
Quelles autres dingueries nous réservent-ils encore pour accélérer l’effondrement écologique et rendre la planète inhabitable pour nos enfants ?
Je regarde mon fils en écrivant ce message et j’ai sincèrement peur de la réponse à cette question.
Et même si nous devons être les seuls à avoir ce courage, ils nous trouveront toujours en travers de leur chemin pour défendre celles et ceux qui n’ont pas de voix : les générations à venir, et plus généralement, le vivant, tout simplement.
La météorite n’est pas pour demain, elle est pour maintenant.
Marine Tondelier. »
(1) Film Netflix inspiré par le thème de l’actuelle crise climatique dont personne ne se soucie vraiment malgré le consensus scientifique, qui évoque la chute prochaine d’une grande comète qui va complètement ravager la terre et tuer tous ses habitants, et la difficulté que rencontrent les scientifiques qui l’ont découverte pour prévenir le monde face à la désinformation, au déni et aux sarcasmes du monde médiatique et politique comme du grand public, ainsi qu’à la cupidité et à l’inaction de la présidente des États-Unis sous la coupe du puissant créateur d’une grande entreprise technologique. (Wikipedia).
Billet rédigé et publié le 30 mai 2025 par Alain Dubois, publié originellement sur son blog L’Herbu ainsi dans une version légèrement modifiée sur son blog Mediapart.
28.05.2025 à 23:49
Le PS demande que la Belgique reconnaisse urgemment le génocide en cours à Gaza.
aplutsoc
Texte intégral (803 mots)
Présentation
Dans la rubrique « tout le monde déteste le génocide », on a aussi trouvé la prise de position du PS francophone de Belgique datée du 13 mai dernier. Celle-ci illustre l’ampleur des prises de position dans l’ensemble de la gauche, au sens large, contre la politique meurtrière menée par le gouvernement de Netanyahou, Ben Gvir, Smotrich qui vise à écraser sinon expulser l’ensemble de la population palestinienne de Gaza.
Le paradoxe se pose ainsi : alors que ce mouvement international traverse tous les pays, soulève la jeunesse et obtient un large soutien dans le mouvement ouvrier, pourquoi reste-t-il si ineffectif ?
Document
Depuis plus de dix-huit mois, la bande de Gaza est le théâtre d’une tragédie humaine d’une ampleur sans précédent. Plus de 52.000 Palestiniens et Palestiniennes : enfants, femmes, civils, soignants, journalistes…ont été tués. Des hôpitaux sont détruits, les écoles ciblées, la famine est utilisée comme arme de guerre, et plus de 80 % de la population est déplacée de force. Depuis mars, les autorités israéliennes ont également imposé un blocus quasi-total de l’aide humanitaire vers Gaza. Les convois humanitaires sont bloqués ou attaqués, les humanitaires ciblés, et les civils pris au piège.
Ce vendredi 16 mai marquera une nouvelle étape dans l’escalade de la violence, avec la mise en œuvre du « plan israélien de reconquête », d’occupation de la bande de Gaza et de déplacement de la population palestinienne. Dans ces circonstances, affirme Paul Magnette, « il n’y a plus de doute sur le fait que les opérations menées contre le peuple palestinien par le gouvernement Netanyahou constituent un génocide, tel que défini à l’article II de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 09 décembre 1948 ».
C’est la raison pour laquelle le PS demande aujourd’hui que la Belgique, via son gouvernement fédéral, reconnaisse urgemment et officiellement le génocide en cours à Gaza et prenne les mesures préventives nécessaires conformément au droit international.
Les Socialistes veulent également la reconnaissance par la Belgique du régime d’apartheid qu’Israël impose aux Palestiniens.
Pour ce faire, ils déposeront cette semaine une proposition de résolution qui vise à faire reconnaître officiellement que les actes commis à Gaza relèvent du génocide, au sens de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, et à engager la Belgique à prendre des mesures diplomatiques, juridiques, humanitaires telles que :
- Rappeler sans délai notre ambassadeur auprès d’Israël ;
- Condamner fermement et publiquement ces actes, interpeller Israël dans les enceintes internationales ;
- Continuer à soutenir les procédures engagées devant la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale ;
- Envisager des sanctions, notamment économiques, à l’égard d’Israël ;
- Interdire de commercialiser des produits et des services provenant de territoires occupés et dont la production et/ou la fourniture résulte de situations nées de violations graves du droit international humanitaire.
- Suspendre toute coopération militaire, sécuritaire ou technologique avec l’État d’Israël, tant que des actes susceptibles de constituer un génocide sont perpétrés ;
- Suspendre de l’accord d’association UE-Israël sur la base de l’article 2 qui impose aux parties à l’accord le respect des droits humains et des principes démocratiques comme élément essentiel de l’accord.”
- Imposer un embargo européen sur les armes à destination d’Israël, appuyer des sanctions contre les responsables impliqués ;
- Renforcer sans délai l’aide humanitaire belge à destination de la population de Gaza ;
- Reconnaître l’État de Palestine, comme une condition concrète à une paix juste et durable ;
- Réaffirmer l’attachement de la Belgique à la solution à deux États ;
- Reconnaître que les politiques systématiques de domination, de fragmentation territoriale, de discrimination raciale et de dépossession imposées par Israël au peuple palestinien, y compris à Gaza, relèvent du crime d’apartheid au sens du droit international, et d’agir en conséquence dans les enceintes internationales.
Le 13 mai 2025
Source : https://www.ps.be/genocide-gaza
28.05.2025 à 22:36
A propos du congrès du Parti Socialiste. Par VP.
aplutsoc
Texte intégral (1408 mots)
Le congrès du Parti Socialiste, à Nancy les 13-15 juin, n’est pas important seulement pour le Parti Socialiste. Le fait même qu’il attire l’attention et suscite les commentaires atteste d’un fait : la liquidation du PS, à laquelle conduisait la présidence Hollande, s’est vraiment dessinée, c’est vrai, mais elle n’a pas eu lieu. Macron a été le produit de la présidence Hollande. Dans ce processus, les « vieux partis », PS mais aussi PCF (et même PG !) devaient disparaître, remplacés par les ligues plébiscitaires de Mélenchon, Macron et Le Pen. Mais la lutte des classes a ses pesanteurs et la politique ignore le vide.
Le score microscopique d’Anne Hidalgo (1,7%) en 2022 ne signifiait pas la disparition pure et simple du PS, mais qu’il ne pouvait pas réémerger comme force nationale en s’inscrivant dans la continuité de la présidence Hollande, qui s’était terminée par l’état de siège et la loi El Khomri contre le code du travail, le tout produisant Macron. La base électorale du PS, aux présidentielles de 2022, a voté Mélenchon pour tenter d’éviter un second tour Macron/Le Pen et minimiser le risque Le Pen, mais les élus locaux et les liens sociaux n’avaient pas disparu.
Olivier Faure, de syndic de liquidation, s’est transformé en gardien du squelette amaigri puis finalement en défenseur de l’unité à gauche lors du moment stratégique de la dissolution décidée par Macron le 9 juin 2024. Il a pu en effet jouer ce rôle, dans la formation du NFP puis dans la proposition démocratique et légitime, qui s’est imposée de façon unitaire, de Lucie Castets pour former un gouvernement, parce qu’aux Européennes la question ukrainienne avait placé la liste formée avec Place publique en tête de la gauche. Lors de la dissolution, la poussée d’en bas a alors voulu et imposé une unité dans laquelle le PS, comme parti historiquement constitué, devait retrouver sa place, et qui ne pouvait exister qu’avec sa présence : et c’est ainsi que fut évité l’exécutif Macron/Bardella (dans le même temps, Raphaël Glucksmann s’opposait à la réalisation de l’unité imposée à LFI, avec LFI comme motif).
L’étrangeté de ce congrès est la hargne commune vouée à Olivier Faure par ses droitiers internes et par Mélenchon à l’extérieur. Il est croquignolet de voir les adversaires du NFP, telle Carole Delga ou le toujours condamné car toujours délinquant Jean-Christophe Cambadélis, dauber avec François Hollande contre les soi-disant capitulations d’Olivier Faure devant LFI, alors que LFI a rarement rencontré un tel adversaire véritable lui imposant unité et enveloppement – pour ses raisons propres : exister et faire exister son parti en tant qu’opposition parlementaire.
Les adversaires d’Olivier Faure l’accusent de faire dépérir le PS qui est passé, parait-il, de près de 90 000 cartes en 2018 à guère plus de 30 000 aujourd’hui, mais ses partisans disent qu’en 2018 les non cotisants depuis 3 ans étaient toujours comptés et ont été rayés depuis, et laissent entendre que c’est la campagne Hidalgo , s’inscrivant dans l’héritage hollandais, qui a encore fait fuir du monde et qu’il y a en réalité rebond depuis 2024. Rebond réel, en outre, du MJS (Mouvement des Jeunes Socialistes), où s’est affirmée la jeune dirigeante Emma Rafowicz.
La presse bourgeoise déplore consciencieusement que le PS n’ait finalement pas fini sa « mue », sans vouloir avouer que, dans son cas, comme pour bien d’autres PS comme par exemple en Italie, la mue était la disparition : ainsi, dans Le Figaro, les dirigeants d’un Think Tank néolibéral, l’ « Institut de recherches économiques et fiscales », se lamentent en ces termes :
« Sur le fond des contributions, et en bref, nous trouvons tout ce qui fait l’essence du socialisme, repeint aux couleurs de l’écologisme anticapitaliste et du féminisme woke : l’étatisme, les dépenses multiformes, la fiscalité accrue, la multiplication de nouveaux droits, la planification tous azimuts. C’est 1981 en pire. »
Et de déplorer qu’au lieu d’être réellement « social-démocrate » c’est-à-dire libéral capitaliste, le PS revienne au sens ancien du mot « social-démocrate » : partisan de la construction du socialisme par la voie démocratique, réformiste ! (rappelons au passage qu’encore avant, avant 1914 en fait, « social-démocrate » voulait dire révolutionnaire, et était l’étiquette de Lénine, Trotsky, Luxembourg ou Martov).
Certes, nous sommes vaccinés contre les phrases « social-démocrates » ou réformistes ainsi définies, qui ont abouti au réformisme sans réforme et avec contre-réformes anti-sociales et anti-démocratiques. Mais il n’est pas indifférent de voir que les milieux capitalistes n’ont pas confiance dans le PS actuel parce que du réformisme, même douteux, c’est trop risqué pour eux et cela donne trop prise à la pression d’en bas. Aucune contribution ne préconise de vraies économies budgétaires, déplore notre think tank !
Le message de cet article du Figaro est en effet le suivant : les trois motions de ce congrès sont toutes aussi mauvaises les unes que les autres du point de vue des besoins du capital. Autrement dit, même celle des secteurs voulant préserver au maximum la continuité avec Hollande, la motion Mayer-Rossignol, a dû mettre de l’eau dans son vin fort aigre. Et la motion du « milieu », de Boris Vallaud, ne fait que répéter le même refrain tiède – tiède, certes, mais pas aligné sur la casse des services publics et le renforcement de la V° République …
Sur les résultats du vote interne, je citerai cette bonne synthèse faite par le camarade Jérôme Sulim, ancien militant socialiste adjoint au maire de Saint-Herblain (Loire-Atlantique), aujourd’hui membre de l’Après :
23 000 votants se sont déplacés pour départager Olivier Faure, Nicolas Mayer-Rossignol et Boris Vallaud.
Ce faible nombre de militants et militantes explique le paradoxe suivant : Il reste encore 39% de votants pour approuver une ligne social-libérale portée par N. Mayer Rossignol et Hélène Geoffroy soutenu par un Jérôme Guedj qu’on a connu plus inspiré, alors que cette orientation est repoussée par l’électorat de gauche.
Il est vrai aussi que les tenants de ce positionnement ont pu utiliser un épouvantail bien commode, JLM qui leur a servi sur un plateau le combustible pour nourrir leur ressentiment contre le NFP, et ainsi faire rêver à un retour fantasmé à l’hégémonie du PS sur toute la gauche et l’écologie.
Boris Vallaud et ses soutiens détiennent avec leur 18% les clés de ce congrès face à Olivier Faure (42%) et Nicolas Mayer Rossignol (39%).
Leur responsabilité est grande et ne concerne pas que les équilibres internes au sein du PS.
Selon leur choix, le NFP peut rebondir ou s’épuiser dans des divisions délétères préparant les lendemains qui déchantent.
J’espère qu’ils en auront pleine conscience au moment du choix.
C’est très juste. Le problème n’est pas que Vallaud avec ses 18% soit un « faiseur de roi », une direction collective est tout à fait concevable, mais qu’il fasse pencher la balance pour ou contre l’unité face au RN et à Macron. Enjeu qui le domine largement, et pression qui n’est pas que celle des adhérents, mais des forces sociales majoritaires qui ont absolument besoin d’unité et de démocratie.
VP, le 28/05/2025.
26.05.2025 à 12:06
Post de Priama Diia après les bombardements de résidences étudiantes et appel à collecte.
aplutsoc
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Traduction de la capture d’écran réalisée sur le compte Telegram de Priama Diia
A l’attention des résidents du dortoir, veuillez vous mettre immédiatement à l’abri et rester calme.
Concernant le dortoir n°7 : Dieu merci, aucun décès n’a été enregistré. Les services nécessaires sont déjà à l’œuvre sur place, fournissant l’assistance nécessaire. Nous vous demandons de ne pas diffuser d’informations inutiles afin de ne pas semer la panique parmi les résidents.
Nous demandons également à tous ceux qui sont intéressés de se présenter au dortoir n°7 demain (25/05/2025) à 10h00 pour une assistance sur place. Si vous le pouvez, apportez avec vous : de l’eau, des gants, des sacs poubelles, des pelles, etc., tout ce qui peut aider à nettoyer les débris.
Collecte urgente pour aider les étudiants des auberges n° 7 et n° 6 :
Cette nuit, suite aux bombardements russes, les dortoirs du Taras Shevchenko studmistečka de l’Université nationale de Kiev ont été endommagés. Heureusement pas de victimes mais il y a des victimes ailleurs dans Kyiv.
Nous vous encourageons à soutenir les résidents !
Pour participer à la collecte de soutien :
× Monobank : https://send.monobank.ua/jar/6keey7RLD
× 4441 1111 2427 9575
Source : RESU France.
25.05.2025 à 19:20
Cent heures de solitude, par Farook Sulehria.
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Texte intégral (4616 mots)
Nous publions ci-dessous la traduction d’un article rédigé en anglais par un militant, enseignant et journaliste pakistanais, directeur éditorial d’un journal ourdou, Jeddohehad, La lutte, Farook Sulehria, initialement paru sur le site Link’s International Journal of Socialist Renewal’s Vision.
Nous le publions en tant que contribution à la discussion sur les questions militaires dans la situation mondiale présente, du point de vue prolétarien révolutionnaire et démocratique, abordée dans nos colonnes depuis maintenant plusieurs années et qui s’intensifie car l’actualité l’exige.
Dans l’article de discussion A nouveau sur guerre et révolution : Gaza, Inde/Pakistan, méthode, de Vincent Présumey (10 mai dernier), celui-ci soulignait que « Dans les conflits armés, la recherche de la révolution – car c’est de cela qu’il s’agit, n’est-ce pas ? -peut passer par des positions variables, défensistes, pacifistes, défaitistes, bellicistes … »
Ces lignes étaient écrites en pleine escalade indo-pakistanaise et le cas indo-pakistanais était présenté, dans cet article, comme devant relever d’une démarche révolutionnaire pacifiste, c’est-à-dire également opposée à la guerre dans les Etats concernés, Inde et Pakistan.
La raison principale de cette position tient au fait que cette guerre s’expliquait, de part et d’autre, par le besoin des deux régimes de réprimer leurs oppositions sociales et démocratiques internes. Elle n’implique pas une mise à égalité entre Inde et Pakistan : l’Inde indépendante est le fruit d’une longue lutte anticoloniale, le Pakistan résulte de la division de cette lutte au nom de l’idéologie opposant mortellement hindous et musulmans, dénoncée au passage dans l’article de Farrok Sulehria. Il cite justement le poème d’une féministe marxiste pakistanaise s’adressant à ses sœurs et frères indiens, pour leur dire qu’avec l’hindutva, le BJP de Modi au pouvoir, ils connaissent le même discours, le même « enfer », dit-elle. Et Farook Sulehria dénonce aussi le Congrès, au pouvoir avant le BJP, pour avoir commencé à faire de l’exclusivisme hindou avant même le BJP.
Pacifisme aujourd’hui en Inde et au Pakistan, donc, mais pas au sens de Gandhi, ni du pacifisme intégral, ni encore moins du « Mouvement de la Paix » infiltré jusqu’à la moelle par les poutinistes que nous avons en France, mais du point de vue internationaliste reposant sur l’unité mondiale de la lutte des classes, et relevant donc tout autant de la politique militaire prolétarienne que toute autre méthode locale reposant sur la même orientation sérieusement révolutionnaire … ce dont nous avons une démonstration éclatante dans ce que dénonce Farook Sulehria.
En effet, il déplore le fait que les principaux (pas tous) dirigeants d’organisations tant pakistanaises qu’indiennes se réclamant du « marxisme » ont soutenus leurs gouvernements dans leurs guerres l’un contre l’autre. Au Pakistan, ils ont dénoncé l’Inde comme agresseur, impérialiste, allié du « sionisme » (il se trouve d’ailleurs des envoyés du Hamas pour faire la propagande de l’armée pakistanaise en Azad-Cachemire et y favoriser la répression, comme vous le verrez en lisant cet article !) et ont invoqué l’alliance chinoise. En Inde, les deux PC ont tous deux soutenus Modi dans sa guerre, tout en dénonçant eux aussi l’impérialisme (occidental), le « sionisme », etc.
Bref, en Inde et au Pakistan, les campistes qui soutiennent Poutine contre l’Ukraine ont tous ensemble soutenus leurs gouvernements ultra-droitiers respectifs contre le pays d’en face !
Leçon puissante à méditer !
Aplutsoc.
Cent heures de solitude : un pacifiste pakistanais raconte la guerre indo-pakistanaise.
Chaque mardi, je donne trois cours. Ce semestre, j’enseigne un module supplémentaire pour gagner un peu plus d’argent. Le mardi 6 mai était donc déjà un mardi très chargé, auquel s’ajoutait le travail quotidien de publication d’articles sur Jeddojehad (La lutte), que j’édite.
En arrivant chez moi ce mardi-là, je me suis endormi sur mon canapé vers 21 heures, en prenant soin de mettre mon téléphone en mode silencieux. Le lendemain matin, j’ai trouvé sur mon téléphone un déluge de messages WhatsApp me demandant : « Es-tu en sécurité ? « Es-tu en sécurité ? »
Les gens s’attendaient à ce que l’Inde attaque, mais pas à ce qu’elle attaque Lahore. Depuis 1971, la tendance avait toujours été de s’affronter sur la terre de mes malheureux ancêtres, le Jammu-et-Cachemire (J&K). J’ai consulté la BBC Urdu, qui a confirmé que Lahore était attaquée.
Ironiquement, le premier message vocal que j’ai entendu provenait de mon neveu, étudiant à l’université Quaid-e-Azam d’Islamabad : « Mon oncle, l’Inde a attaqué Lahore. Tout va bien pour toi ? ». J’ai ironisé : « J’ai embrassé le martyre. Salutations pour al-Jannah [ le paradis, NDR]. Ne fais pas confiance aux mollahs… al-Jannah n’est pas aussi belle qu’ils le disent ».
J’ai souri, pensant que ma réponse pourrait chatouiller sa fibre confessionnelle, sans réaliser que ce serait mon dernier sourire chaleureux pendant trois jours. En tant que pacifiste, mes cent heures de solitude avaient commencé.
Les fondamentalismes.
Après avoir répondu aux messages et aux courriels d’amis et de parents s’inquiétant pour moi, j’ai commencé à parcourir les médias sociaux. Leurs utilisateurs pakistanais crachaient du venin contre l’Inde. Les Indiens leur rendaient la pareille.
Je n’ai pas la télé à la maison pour éviter délibérément les chaînes d’information pakistanaises. Leur couverture de la guerre m’a convaincu de rester sur mes positions jusqu’à ce que ces chaînes soient abolies. Les clips Facebook des chaînes d’information indiennes m’ont convaincue que l’Inde dirigée par les Hindous-Talibans avait également dépouillé ses médias de toute décence.
Mes pensées se sont tournées vers la poétesse marxiste-féministe Fahmida Riaz (1946-2018), aujourd’hui décédée. Lorsqu’il est devenu impossible de vivre sous la dictature du général Zia-ul-Haq au Pakistan, Riaz s’est exilée à New Delhi dans les années 1980.
À l’époque, le Bharatiya Janata Party (BJP) gagnait du terrain en tant que projet fondamentaliste hindou (Hindutva). Mais le Congrès national indien (CNI) – réduit alors à la politique dynastique des clans Nehru-Gandhi – jouait déjà la carte d’une hindutva douce.
J’ai eu le privilège de rencontrer et d’écouter l’universitaire marxiste indien Aijaz Ahmad, dans le cadre de mon travail de doctorat à New Delhi. Lors d’un séminaire à l’université Jawaharlal Nehru (JNU), il a déclaré, à l’amusement des étudiants qui avaient rempli l’auditorium : « Le BJP est un fondamentaliste hindou programmatique, le Congrès est un fondamentaliste hindou pragmatique ».
Désillusionné par le sécularisme factice du Congrès et préoccupé par la montée de l’hindutva, Riaz a écrit un poème immortel, que les pacifistes pakistanais envoient à leurs homologues indiens chaque fois que le BJP inflige une nouvelle brutalité aux minorités religieuses du pays.
En voici un extrait :
Ainsi il s’avère que tu es comme nous !
Tu étais caché où tout ce temps, mon pote ?
Cette stupidité, cette ignorance
Où nous rampons depuis un siècle –
Regardez, la voilà près de toi ! …
Ouai, pour nous ça fait un bail,
Maintenant que vous y êtes,
Maintenant que vous êtes dans ce même enfer,
On reste en contact et vous nous dites comment ça se passe !
WhatsApp n’a pas été interdit. J’ai pu parler à mon ami Sushovan Dhar à Calcutta. Il m’a dit que l’hystérie de guerre s’était emparée de toute l’Inde. Nous avons convenu d’écrire ensemble un essai pour Jacobin, mais avons estimé que la guerre ne durerait pas longtemps.
Camarade ! Toi aussi ?
Je savais que tant que la guerre durerait, les pacifistes resteraient très isolés, marginalisés, trollés, éloignés. Ce à quoi je ne m’attendais pas, c’est que la gauche contribue à cette solitude.
Je m’attendais à une position floue de la part du Parti communiste indien (CPI) et du Parti communiste indien-marxiste (CPI-M). Étant donné que le CPI et le CPI-M ont été largement réduits à la politique électorale et manquent de militantisme, j’ai compris qu’ils ne craindraient de donner à l’Hindutva des bâtons pour battre la gauche dans la période précédant les élections. J’ai eu lamentablement tort : le courant principal de la gauche indienne était loin d’être flou – il a soutenu sans réserve la guerre de l’Inde contre le Pakistan, sous le prétexte ennuyeux et familier de mener une « guerre contre la terreur ».
Mais ce n’est pas le courant principal de la gauche indienne qui m’a fait me sentir personnellement trahi ; je m’attendais à sa position. C’est le fait que certains groupes pakistanais ont aux aussi commencé à battre les tambours de guerre. Les déclarations de la « gauche du hamburger » – terme satirique populaire faisant référence aux classes moyennes de gauche qui mangent des hamburgers – se sont multipliées, surpassant les bellicistes traditionnels qui encombraient les écrans de télévision.
Dégoûté, le 8 mai, au troisième jour de la guerre, j’ai publié sur Facebook une déclaration intitulée « Les escarmouches frontalières mettent à nu les “révolutionnaires” ». J’ai écrit (à l’origine en ourdou) :
« Les guerres – même aussi longues et destructrices que les guerres mondiales – ont une fin. En tant que socialiste, on s’en tient au point de vue internationaliste de] Lénine, Rosa, Liebknecht et Trotsky. C’est un impératif.
Il est possible que l’on soit bombardé à mort pendant une guerre. Cependant, la position que vous adoptez vous poursuit même dans la mort. L’Inde et le Pakistan n’iront probablement pas au-delà des escarmouches frontalières.
Dommage ! Seuls quelques missiles ont été échangés et certains « révolutionnaires » ont déjà révélé la Seconde Internationale profondément ancrée en eux. »
J’ai arrêté de perdre mon temps sur les médias sociaux et j’ai préféré lire la biographie de Maxime Gorki. Cela faisait longtemps que je n’avais pas pu terminer ce chef-d’œuvre. À moitié lu, il reposait sur ma table de chevet. J’ai aussi exhumé quelques poèmes sur la paix.
Déjà vu ! J’avais déjà écrit un article sur le sujet de la guerre il y a 15 ans, « Hawks and Poets », que j’ai traduit en ourdou pour Jeddojehad et publié sur LINKS International Journal of Socialist Renewal. Écrit en 2010 après l’attaque terroriste de Mumbai, il décrit la situation de guerre qui avait émergé entre l’Inde et le Pakistan. À l’époque, la gauche s’était comportée décemment des deux côtés.
Il est vrai que la gauche pakistanaise est très petite ; c’est une force marginale en politique. Il est également vrai que la Pakistan Trade Union Defence Campaign (PTUDC) a adopté une position de principe au cours de la récente guerre de quatre jours [le PTUDC groupe des syndicats, à Lahore principalement, sur des orientations d’ « extrême gauche »]. Mais ce sont certains des piliers de la gauche, capables d’écrire en anglais et de diffuser leurs travaux par le biais de réseaux internationaux constitués grâce à leurs origines urbaines de classe moyenne et aux diplômes obtenus dans des universités métropolitaines, qui ont fini par représenter la position de la gauche pakistanaise.
Plus visibles que le PTUDC et les innombrables individus qui ne sont membres d’aucun groupe, ces personnalités sont apparues partout dans les médias mondiaux de gauche. Sur le plan international, la « gauche burger » a adopté une position prudente. Sur le plan intérieur, cependant, en particulier dans leurs publications en langue ourdou, ils ont apporté un soutien idéologique total au chauvinisme de l’État pakistanais. Les exemples sont trop nombreux pour être documentés.
Myopie de la gauche
Alors que des camarades indiens anti-guerres mieux informés sont mieux placés pour analyser le rôle de la gauche indienne au cours de la récente guerre entre l’Inde et le Pakistan, je décrirai quant à moi la position de ces « révolutionnaires » de ce côté-ci de la frontière. Leur soutien au Pakistan se justifiait essentiellement pour les raisons suivantes.
Premièrement, l’Inde est l’agresseur. Ironiquement, ces mêmes « révolutionnaires » ont apporté un soutien total au président russe Vladimir Poutine lorsque la Russie a envahi l’Ukraine !
Deuxièmement, l’Inde fasciste collabore avec l’Israël sioniste. La preuve ? Le fait que l’Inde a tiré des drones israéliens sur le Pakistan.
Ridiculement, une tournure impériale a été donnée à la position de ces « révolutionnaires ». L’Inde a été présentée comme un allié des États-Unis, tandis que le Pakistan était un David régional patronné par un Goliath mondial bienveillant, la Chine. Que la Chine ait 24 milliards de dollars de commerce avec Israël ou qu’elle l’aide à construire des colonies ne dérangeait pas ces « révolutionnaires » !
Pire, tous les crimes du régime pakistanais ont été passés sous silence. Oui, il est vrai que l’Inde a eu recours à l’agression au lieu de la diplomatie. Notamment, la gauche indienne est divisée sur la question de savoir s’il faut qualifier le BJP de « fasciste ». Mais même si le BJP est fasciste, le travail de la gauche pakistanaise est de demander des comptes à son État, avant de pointer le doigt sur New Delhi.
En l’occurrence, l’establishment pakistanais a donné une tape dans le dos aux groupes djihadistes, du moins à ceux du Jammu Cachemire administré par le Pakistan (PaJK). En outre, la réponse impétueuse de l’Inde aide objectivement le régime hybride pakistanais assiégé à l’intérieur, comme le montre clairement la manière dont l’armée a regagné sa popularité perdue.
Le djihad réactivé.
Exilée à Londres depuis la publication de son livre Military Inc, Ayesha Siddiqua est une spécialiste reconnue de l’armée pakistanaise. Dans un article publié sur le site web indien The Print (inaccessible au Pakistan sans VPN), elle écrivait en février :
« Une source bien informée à Islamabad a déclaré que Rawalpindi se préparait à relancer l’activisme – à une échelle comparativement plus faible mais notable – pour forcer l’Inde à négocier sur le Baloutchistan. »
Le Pakistan est confronté à un mouvement séparatiste armé au Baloutchistan, qui est géographiquement la plus grande des quatre provinces et qui est limitrophe de l’Iran et de l’Afghanistan. La Chine a construit un énorme port à Gwadar, une ville côtière du Baloutchistan, faisant de la province un maillon important de l’initiative chinoise des « Nouvelles routes de la soie » [le port de Gwadar articulerait les « routes de la soie » continentales au « collier de perles » chinois dans l’océan Indien, encerclant l’Inde, NDR]
Le Pakistan a accusé à plusieurs reprises l’Inde d’armer et d’entraîner l’Armée de Libération du Baloutchistan (BLA), organisation responsable de plusieurs attaques de guérilla contre des installations de sécurité et contre des travailleurs chinois au Baloutchistan. Affirmant que l’actuel chef de l’armée pakistanaise, le général Asim Munir, revenait sur la politique d’apaisement avec l’Inde menée par son prédécesseur, le général Qamar Javed Bajwa, Ayesha Siddiqua a fait remarquer que « l’armée pakistanaise n’est pas la seule à être en conflit avec l’Inde » :
« Il ne s’agit seulement du fait que Munir est traditionnellement plus faucon envers l’Inde, mais aussi de ce qu’il a besoin de construire son image de fermeté et de devenir plus populaire parmi ses soldats et ses officiers, qui sont distraits par le facteur Imran Khan [ancien premier ministre en prison pour corruption, NDR]. Bien que Munir dispose du pays tout entier, son système judiciaire, sa bureaucratie civile, les médias et le système politique, rien de tout cela n’a pu lui apporter la popularité qu’il pensait possible. »
En l’absence de toute preuve empirique, il est difficile d’affirmer avec certitude que le Pakistan a commandité l’attaque terroriste de Pahalgam. De même, il est impossible d’étayer ou de vérifier les affirmations de Siddiqua. Cependant, une reprise de la propagande djihadiste, clairement parrainée par l’État, en Azad-Cachemire pakistanais, est visible de manière inquiétante depuis 2024.
Les organisations djihadistes et les groupes fondamentalistes ont été initialement déployés pour contrer le mouvement de masse contre les hausses de prix hyperinflationnistes, qui a secoué la province en 2023-24. Cette intifada anti-néolibérale a contraint l’État à réduire les prix de l’électricité.
Après une agitation initiale contre les nationalistes laïques et les marxistes à la tête du mouvement, les organisations djihadistes sont demeurées dans la sphère publique. Leur présence à partir de l’automne 2024 a été notable, surtout après une certaine mise en sommeil d’environ six ans. Leurs militants armés ont organisé des rassemblements publics, malgré l’interdiction de brandir des armes.
Anwar ul Haq [dirigeant de la province]] a suggéré à deux reprises la reprise du djihad : dans une interview accordée à une chaîne de télévision de second ordre et en compagnie du Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif et de Munir [chef de l’armée, NDR], lorsqu’ils se sont réunis dans la capitale de l’Azad-Cachemire, Muzaffarabad, pour célébrer la « Journée de la solidarité avec le Cachemire ».
Cette journée est célébrée chaque année le 5 février sous la tutelle d’Islamabad. Elle se déroule généralement à Islamabad, la capitale du Pakistan, dans le but d’attirer l’attention des ambassades étrangères. Cette année, un grand spectacle a été organisé à Muzaffarabad. Le plaidoyer d’Anwar pour le djihad n’a pas été retransmis sur les grandes chaînes pakistanaises.
La conférence « Solidarité avec le Cachemire et l’opération Déluge d’al-Aqsa du Hamas », qui s’est également tenue le 5 février dans la ville pittoresque de Rawalakot [proche de la ligne de démarcation avec l’Inde, NDR], a été tout aussi discrète. Organisé sous les auspices de Rawalakot Civil Society, inconnue jusqu’alors, l’événement a accueilli un délégué du Hamas. Rawalakot est une plaque tournante de la politique radicale ; les marxistes et les nationalistes laïques y dominent la rue et le monde étudiant.
Talha Saif, le frère cadet du fondateur du Jaish-e-Mohammed [groupe armé islamiste liée aux services secrets pakistanais] Masood Azhar, a été chargé de mobiliser en faveur de la conférence. L’une des cibles des missiles indiens le 6 mai était un local du Jaish-e-Mohammed à Bahawalpur, qui a tué dix membres de la famille d’Azhar et quatre combattants. Les commandants du Lashkar-e-Tayyiba (rebaptisé Jamaat-ud-Dawa) et du Sipah-e-Sahaba ont également apporté publiquement leur soutien à la conférence de Rawalakot, qui s’est tenue au stade Sabir Shaheed.
Pour couronner le tout, le général Munir a rappelé l’idiomatique « théorie des deux nations » dans son discours prononcé lors d’une convention d’expatriés pakistanais à Islamabad le 16 avril. Cette théorie repose sur l’idée implicite que les hindous et les musulmans sont des ennemis éternels. Elle a été utilisée par les classes dirigeantes pakistanaises pour justifier la création du Pakistan en 1947. Son discours, assurément venimeux et hautement problématique, a suscité l’ire des médias indiens.
En bref, des signes inquiétants d’escalade apparaissaient, même si c’était par inadvertance. Malheureusement, en cette période de post-vérité, les faits n’ont guère d’importance, même pour certains « révolutionnaires ».
L’hystérie de guerre met temporairement fin à l’aliénation.
Le deuxième jour de la guerre, le 7 mai, j’ai parlé à un ouvrier que je connais depuis quelques années. Il se plaint souvent de ses problèmes économiques lorsque je me rends sur son lieu de travail. C’est un parangon de piété et de foi.
Comme tout le monde, il a commencé à parler de la guerre entre l’Inde et le Pakistan et a tenu quelques propos chauvins. J’ai contré ses arguments. L’instant d’après, il critiquait les « dirigeants » qui avaient imposé cette guerre au peuple pakistanais. Il savait que l’après-guerre aggraverait la situation économique.
Après avoir quitté son lieu de travail et réfléchi à ce qui s’était passé, j’ai écrit sur Facebook (légèrement modifié) :
« Si une vieille sagesse veut que le nationalisme « jingo » s’empare des gens au début d’une guerre, cette sagesse n’est que descriptive. Le nationalisme à ce stade aide les travailleurs et les gens sans pouvoir à surmonter leur aliénation et leur marginalisation causés par le capitalisme. Le capitalisme les atomise, en particulier dans un pays comme le Pakistan, où la syndicalisation est inexistante.
Les travailleurs créent et craignent simultanément les patrons capitalistes ; ces derniers apparaissent comme des compatriotes au début de la guerre et, pendant un certain temps, tous – travailleurs et patrons, généraux militaires et soldats – deviennent apparemment un tout uni.
Qu’il s’agisse d’une illusion est sans doute su des travailleurs et des soldats. Mais la colère refoulée contre leurs propres patrons est déversée contre « l’ennemi ». Une sorte de catharsis qui apaise encore davantage les sentiments d’aliénation et d’éloignement un temps suspendus. »
Une guerre sans fin.
Le matin du 9 mai, j’ai entendu un bruit sourd. Il venait de loin, mais assez près pour que mes fenêtres tremblent. Un missile ? Un drone ? J’ai frémi. Un autre à venir ? Je suis resté figé un moment, physiquement et mentalement.
J’ai décidé de me rendre à mon bureau, même si l’université n’était plus en ligne. Je me suis dit « advienne que pourra » et j’ai commencé à préparer mon café. Le fatalisme est la dernière échappatoire dans ce genre de situation.
En me rendant à mon bureau, j’ai pensé à Gaza et je me suis senti gêné par tous les messages du genre « Êtes-vous en sécurité ? » tout en éprouvant mon propre engourdissement causé par un bruit sourd.
Le lendemain, après l’annonce d’un cessez-le-feu, j’ai demandé à mes étudiants ce qu’ils avaient pensé de ces cent heures de folie. Je voulais savoir si mes enseignements avaient eu un effet. Ils m’ont tous répondu qu’eux aussi pensaient à Gaza. Pour la deuxième fois, un engourdissement inexplicable m’a paralysé.
La guerre est apparemment terminée pour l’instant, mais elle ne s’est pas arrêtée pour autant pour les pacifistes.
Le mois prochain, le Pakistan augmentera son budget militaire de 13 %. Le service de la dette – le Pakistan reste au bord de la faillite – et les dépenses militaires se taillent déjà la part du lion dans le budget.
Les chaînes d’information et les utilisateurs des médias sociaux sont occupés à glorifier la victoire sur l’Inde. Pendant ce temps, mon collègue de Jeddojehad, Harris Qadeer, basé à Rawalakot, est victime de harcèlement policier.
Détenu à deux reprises par la police au cours des quatre longs jours de guerre, il a été rapidement relâché à chaque fois, lorsque la société civile locale et les journalistes sont intervenus. Son arrestation s’est faite en violation de la loi – des lois qui sont elles-mêmes injustes.
Harris est une voix de la paix et du socialisme, et l’un des meilleurs journalistes que nous ayons en Azad-Cachemire. Il a joué un rôle déterminant dans le mouvement de masse anti-néolibéral qui a secoué la région l’année dernière. Il est bien connu en tant que journaliste et militant.
Le quotidien qu’il a fondé, Jadaliya (Dialectique), a été fermé par l’État il y a quelques années. Lors de son arrestation et de son harcèlement – et avec les souvenirs de Jadaliya encore très frais dans nos mémoires – nous nous sommes interrogés sur l’avenir de Jeddojehad.
Les guerres entre l’Inde et le Pakistan ne durent pas longtemps. Cependant, les deux États n’ont jamais mis fin à leurs guerres contre leurs citoyens respectifs.
L’avenir de Jeddojehad ne sera pas déterminé par une guerre inévitable entre l’Inde et le Pakistan qui nous visitera à nouveau dans quelques années. Le destin de Jeddojehad, auquel Harris et moi-même sommes dévoués, sera décidé par la guerre sans fin contre la liberté d’expression au Pakistan.
Nous espérons que Jeddojehad survivra. Nous pensons également que Jeddojehad sera relancé par la prochaine génération de pacifistes, même si nous échouons cette fois-ci. Jeddojehad doit continuer !
Farook Sulehria, 25 mai 2025.
25.05.2025 à 18:40
Succès du meeting unitaire antifasciste à la Bourse du Travail à Paris ce 22 mai.
aplutsoc
Lire la suite (312 mots)
Succès du meeting unitaire antifasciste à la Bourse du Travail à Paris ce 22 mai à l’occasion du 80 ème anniversaire de la victoire sur le nazisme et le fascisme, à l’initiative du RAAR, de Golem et des Juives et Juifs Révolutionnaires (JJR ).
Une assistance nombreuse et passionnée avec des interventions couvrant les différents aspects de ce combat, dans une atmosphère combative et unitaire marquée surtout, à notre sens, par une participation syndicale engagée (avec les interventions remarquables de la CGT et de Solidaires *) comme par les contributions des organisations antiracistes et de défense des Droits (LDH et MRAP entre autres).
Dans le prolongement de ce meeting unitaire, on doit saluer aussi le succès du rassemblement à l’initiative des « Guerrières de la Paix » avec le soutien et la participation également des organisateurs du meeting de la Bourse du Travail, ce dimanche 25 Avril, Place de la Bastille, bien évidemment autour des urgences de l’heure à Gaza et en Palestine (Cessez le feu immédiat, levée totale du blocus du ravitaillement, retrait des troupes, libération des otages).
Les deux rassemblements avaient évidemment le plein soutien d’Aplutsoc, et de nombreuses associations comme Standing Together. On nous excusera de ne pouvoir toutes les mentionner dans ce bref compte-rendu.
Correspondant, 25-05-2025.
* Avec le soutien de la FSU, excusée.
25.05.2025 à 08:15
Chikirou et Poutine, petit feuilleton du mois de mai. VP.
aplutsoc2
Texte intégral (1926 mots)
Le Canard Enchainé du 14 mai dernier publiait un article, Une Insoumise chez les poutiniste, rendant compte de la présence ostensible, en écharpe tricolore, de la dirigeante de LFI Sophia Chikirou, à la « marche du régiment immortel » du 8 mai à Paris, entre drapeaux russes et « novorossiens » (emblème des terres ukrainiennes du Sud que la Russie veut coloniser), appelant à combattre les « fascistes à l’ancienne promus par l’OTAN », ce qui fut l’axe du discours de Chikirou (attention le lien vers son discours, dans le texte d’Arrêt sur Image, est en fait un lien vers l’autre rassemblement, cf. ci-dessous), se terminant sur un vibrant appel à dénoncer les provocations ukrainiennes : pas d’Ukraine dans l’UE, pas d’Ukraine dans l’OTAN.

Or, outre ces informations toutes exactes, le Canard avait fait une boulette, assez facile à faire d’ailleurs et peut-être attendue par Chikirou qu’il avait contactée la veille, en affirmant qu’elle avait participé là à une « marche » dont l’une des organisations appelantes était Solidarité et Progrès, « créée par le complotiste et éternel candidat à l’élection présidentielle Jacques Cheminade ». Précisons que Solidarité et Progrès est l’antenne française d’une sorte de firme mondiale menée par le milliardaire Lyndon Larouche, source mondiale de théories complotistes fantasmées autour d’un antisémitisme non explicité (le « complot mondial » selon Larouche était le fait de … la reine d’Angleterre !).
Il se trouve que non, Chikirou n’a pas défilé avec Cheminade, car, voyez-vous, il y a eu en fait deux marches, l’une, celle de Chikirou, partie de République à 12h vers le Père Lachaise, l’autre, celle de Cheminade dirons-nous pour simplifier, partie à 14h sur le même trajet.
Dès parution du Canard, les « zinsoumis » les plus proches du Chef ou les plus suivistes sont partis en campagne contre la « Fake New » sur les réseaux sociaux, laissant entendre que la seule marche « poutiniste » était celle où n’était pas Chikirou. Laquelle pouvait passer pour la marche « de gauche », car appelée également par le Comité francilien du Mouvement de la Paix, avec la présence d’un membre de la commission « Paix et Désarmement » d’EELV, Philippe Le Clerre, de la présidente honoraire du MRAP, invitée par le Mouvement de la Paix, Renée Le Mignot. Ces précisions et les suivantes viennent du site Arrêt sur Images (voir ci-après) qui indique aussi la présence de l’UJFP (Union Juive Française pour la Paix), qui, toutefois, a expliqué à Arrêt sur Images en termes confus avoir sans doute été embarqué dans un truc bizarre à l’insu de leur plein gré.
De fait, tant les images que les slogans sur les reportages disponibles rendent les deux marches totalement indiscernables l’une de l’autre et tout aussi poutinistes, tout aussi rashistes, comme disent les Ukrainiens, ce qui veut dire : tout aussi fascisantes. Les rubans de Saint-Georges, emblèmes des Cent-Noirs tsaristes antisémites puis des armées blanches, réhabilités par Staline en 1943 et portés par les colons russes et autres tortionnaires du Donbass, étaient légion dans les deux cortèges. Le second cortège était celui de Cheminade ainsi que des amis d’Asselineau et de Philippot, mais il était tout autant truffé de faucilles-marteaux soviétiques que le premier : ces emblèmes ne gênent en rien l’extrême droite quand ils signifient l’impérialisme russe. Sur une photo prise dans le premier cortège, celui de Chikirou, on peut même s’interroger sur le geste d’une participante (voir photo), mais, par présomption d’innocence, on supposera qu’elle faisait signe à un ami aperçu de l’autre côté de la rue. D’après un témoin, une bonne moitié des participants étaient d’ailleurs communs aux deux cortèges – guère plus de 200 personnes en tout, que l’on se rassure tout de même de ce côté là !, dont les militants staliniens du PRCF.
Haut : manif de gauche ! Bas : manif de droite !


Il n’empêche que pendant une semaine, le ton était donné par les tweets de J.L. Mélenchon dénonçant la fake new, menaçant d’aller en justice, soulignant lourdement que l’auteur du billet du Canard travaille aussi à « radio J », et englobant tout naturellement dans son ire Edwy Plenel, qui n’y est en l’occurrence strictement pour rien !
Alors, y avait-il vraiment une marche « poutiniste de droite » et une marche « de gauche » pas poutiniste ? Ou alors, plutôt, des « poutinistes de droite » et des « poutinistes de gauche » ? Soyons clairs : les deux marches, largement poreuses l’une envers l’autre, étaient toutes deux poutinistes de ni-droite-ni-gauche, c’est-à-dire fascisantes.
La marche de Chikirou à laquelle des fragments d’EELV, du Mouvement de la Paix – on va y revenir – du MRAP et de l’UJFP ont été impliqués, était appelée par le « Comité citoyen « le régiment immortel » » dirigé par le président du Conseil de Coordination du Forum des Russes de France, Gueorgui Chepelev, évidemment lié à l’Etat russe. Des querelles obscures ont conduit à la formation d’un second comité russe parisien, tout aussi lié au même Etat, à l’initiative de la seconde marche. Solidarité et Progrés et autres groupes d’extrême droite se sont, peu avant le 8 mai dernier, greffés sur ce second comité, ce qui a permis à la prétendue « gauche » de dénoncer ceux-ci comme d’extrême droite sans que rien ne les distingue vraiment. Du point de vue du FSB, nous avons là une opportune distribution des mêmes œufs dans des paniers pas très différents.
C’est là le point politique clef qui justifie que l’on revienne ici sur ce petit feuilleton : les deux paniers ne diffèrent pas. Les appelants de la marche poutino-chikirienne étaient, nous dit-on, « de gauche » et pas « d’extrême droite ». Dans son édition du 20 mai, le Canard contre-attaque en développant le pedigree de Jean-Yves Gallas, ancien président du Mouvement de la Paix francilien présent au rassemblement « Chikirou » : soutien à l’annexion et à la russification du Donbass depuis 2014 et grand ami de l’antisémite brun-« rouge » belge Michel Collon.
Mais il vaut le coup de dire aussi quelques petits mots du président actuel du « conseil francilien du Mouvement de la Paix », Jihad Wachill, auteur à ce titre d’une lettre ouverte au Canard Enchainé dans laquelle il se permet de jouer les vertus outragées d’avoir pu être confondu avec la marche de Cheminade, Asselineau et Philippot. Longtemps membre du PCF et employé de mairies communistes, ce personnage a été, ostensiblement, un soutien de Bachar el Assad. En 2018 il séjournait en Syrie et, dans le blog Initiative communiste, faisait l’apologie du Parti Social Nationaliste Syrien, une des milices tortionnaires de Bachar, dont les origines historiques et le drapeau, ci-dessous, ont précisément à voir avec le national-socialisme. Et voila quel genre d’individus prétend faire la leçon au Canard et au monde entier en matière d’ « antifascisme » !

Voila pourquoi cette affaire, sorte de petit chapitre supplémentaire à La Meute, est importante. Inutile en effet de se rassurer en estimant que « la gauche », dans la manif Poutine/Chikirou, c’était accessoire. Cela ne l’était pas : une députée LFI, le Mouvement dit de la Paix, et des morceaux du MRAP, d’EELV, ainsi qu’avec des confusions l’UJFP étaient aux côtés des partisans du massacre des Ukrainiens et des héritiers des Cent-Noirs antisémites, à leurs côtés et sur la même orientation. A la tête du Mouvement de la Paix francilien, en particulier, ce ne sont pas des militants de gauche égarés un tantinet campistes que nous avons. C’est la peste brune. La peste est là, dans les rangs d’une partie de « la gauche ». Et l’unité contre la politique antisociale de Macron et contre le RN devra l’extirper, nécessairement.
VP, le 25/05/2025.
24.05.2025 à 13:56
Le Jour des Parents – Lundi 26 mai 2025 à 19H au CCIP
aplutsoc
Texte intégral (831 mots)
Présentation
Dmitry Dmitrievich Petrov (1989-2023), également connu sous son nom de guerre Ilya Leshiy, était un militant anarchiste, ethnographe et historien russe. Il s’est engagé comme volontaire dans les forces armées ukrainiennes. Il a été tué lors de la bataille de Bakhmut en avril 2023.
Vous trouverez toutes les informations le concernant, ainsi que ses publications, sur le site qui lui est dédié: https://leshy.info/en/
La branche suisse de l’association Memorial et le Comité Ukraine organisent ensemble la présentation-rencontre avec Dmitri Pavlovitch Petrov — écrivain, publiciste, conférencier et chercheur — qui viendra présenter son ouvrage autobiographique Le Jour des parents.
Dans ce récit, l’auteur revient sur la disparition de son fils, volontaire anarchiste d’origine russe engagé aux côtés de l’Ukraine, et explore les thèmes de la guerre, de la famille… À travers dialogues, souvenirs et réflexions, Petrov dresse le portrait poignant d’une ville meurtrie de Bakhmut, et d’un père qui tente de maintenir le lien avec son enfant au cœur du chaos. Il interroge le devoir, la responsabilité personnelle, la douleur et la force de la mémoire, tout en saisissant la routine brutale de la guerre et la puissance de la conviction.
Document

Le dernier message de notre camarade Dmitri Petrov.
Je m’appelle Dmitri Petrov, et si vous lisez ces lignes, c’est que je suis probablement mort en combattant l’invasion de l’Ukraine par Poutine.
Je suis membre de l’Organisation de Combat des Anarcho-Communistes (BOAK), et je le resterai après ma mort. La BOAK est notre idée, née de notre foi en une lutte organisée. Nous avons réussi à la porter de part et d’autre des frontières nationales.
J’ai fait de mon mieux pour contribuer à la victoire sur la dictature et à rapprocher la révolution sociale. Et je suis fier de mes camarades qui ont combattu et combattent encore en Russie et au-delà.
En tant qu’anarchiste, révolutionnaire et Russe, j’ai jugé nécessaire de participer à la résistance armée du peuple ukrainien contre l’occupant de Poutine. Je l’ai fait pour la justice, pour la défense de la société ukrainienne et pour la libération de mon pays, la Russie, de l’oppression. Pour tous ceux qui sont privés de leur dignité et de la possibilité de respirer librement par l’ignoble système totalitaire instauré en Russie et en Biélorussie,
Un autre sens important de notre participation à cette guerre est de promouvoir l’internationalisme par l’exemple. À l’heure où l’impérialisme meurtrier suscite, en réponse, une vague de nationalisme et de mépris envers les Russes, je le dis en paroles et en actes : il n’existe pas de « peuples mauvais ». Tous les peuples partagent le même deuil : des dirigeants avides et assoiffés de pouvoir.
Ce n’était pas une décision et une démarche individuelles. C’était la continuation de notre stratégie collective visant à créer des structures durables et à mener une guérilla contre les régimes tyranniques de notre région.
Mes chers amis, camarades et proches, je présente mes excuses à tous ceux que j’ai blessés par mon départ. J’apprécie grandement votre accueil chaleureux. Cependant, je suis fermement convaincu que la lutte pour la justice, contre l’oppression et l’injustice, est l’un des sens les plus nobles que l’homme puisse donner à sa vie. Et cette lutte exige des sacrifices, allant jusqu’au sacrifice total de soi.
Mon meilleur souvenir est de voir que vous continuez à lutter activement, à surmonter vos ambitions personnelles et vos conflits inutiles et néfastes. Si vous continuez à lutter activement pour une société libre fondée sur l’égalité et la solidarité. Pour vous, pour moi et pour tous nos camarades. Le risque, les privations et les sacrifices sur ce chemin sont nos compagnons de route. Mais soyez-en sûrs : ils ne sont pas vains.
Je vous embrasse tous.
Vos Ilya Leshy, « Seva », « Lev », Fil Kuznetsov,
Dmitry Petrov
23.05.2025 à 09:59
Adresses, internationalisme & démocr@tie – Avis de parution du numéro 12 de mai 2025.
aplutsoc
Texte intégral (2767 mots)
Nous accueillons le numéro 12 de cette revue associant des participants d’horizons divers, attaché·es à une vision et à une pratique révolutionnaire où la démocratie, l’auto-organisation, l’autogouvernement – sous toutes leurs formes – sont au cœur du projet. Non la démocratie comme abstraction mais la démocratie comme objectif. Non l’internationalisme comme abstraction mais l’internationalisme comme pratique.
Comme à chaque parution de cette revue, nous vous offrons :
- le téléchargement de la revue en PDF
- la consultation du sommaire (après l’article vedette)
- l’article vedette, aujourd’hui celui du militant internationaliste anti-campiste, Yorgos Mitralias.
Ce passé qui nous hante et façonne notre présent ! Par Yorgos Mitralias.
Il est manifeste que, par les temps qui courent, le passé revient en force pour hanter et même pour façonner de plus en plus notre présent ! C’est comme si les démons d’un passé prétendument exorcisés à jamais revenaient et, pire, occupaient de nouveau le devant de la scène politique. Prenez par exemple la seconde présidence de Trump et son trumpisme triomphant qui présente plus que des similitudes avec la peste brune de l’entre-deux-guerres. Évidemment, Naomi Klein et Astra Taylor ont tout à fait raison quand elles affirment que « nous devons reconnaître la réalité : nous ne sommes pas confrontés à des adversaires que nous avons déjà vus [1] ». Oui, sans doute, car cette seconde présidence de Trump semble inédite et n’a aucun précèdent non seulement parce qu’elle est dirigée et soutenue par des milliardaires mais aussi parce que tous ces ultra-riches qui la composent « ne se contentent pas de profiter des catastrophes, dans le style du capitalisme du désastre, mais les provoquent et les planifient simultanément ».
Cependant, les deux autrices ne se limitent pas à souligner et à analyser (brillamment) la nouveauté du projet trumpiste. Elles affirment aussi qu’on est quand même en présence d’un fascisme qu’elles appellent à juste titre « fascisme de la fin des temps ».
Nous voilà donc en plein retour aux sources du mal : il s’agit bel et bien d’un fascisme que Raphaël Canet a eu d’ailleurs la très bonne idée « d’authentifier » en lui appliquant – avec succès – les célèbres quatorze éléments qui permettent de reconnaître ce qu’est « le fascisme éternel » selon Umberto Eco [2].
Le test est convaincant. Les actes, les croyances et les politiques du trumpisme illustrent parfaitement les « quatorze éléments » d’Umberto Eco. Cependant, on doit avouer qu’un doute peut persister car il y a manifestement dans ce « fascisme de la fin des temps » quelque chose de plus qui le rapproche d’un scénario de… science-fiction apocalyptique : trop de délire millénariste, trop de paranoïa et d’irrationalité, trop de sadisme misanthrope décomplexé et surtout trop de haine exterminatrice des humains et destructrice de la nature, ce qui rend ses protagonistes des « traîtres à ce monde et à ses habitants humains et non humains [3] ».
Alors, tout ça pourrait n’être que science-fiction, projet irréalisable d’un cerveau détraqué ? Malheureusement non, absolument pas. Ce cauchemar n’est pas rêvé mais il est désormais vécu. Nous vivons déjà dans cette réalité horrifique et nous expérimentons déjà cette irrationalité macabre ne serait-ce qu’en subissant la catastrophe climatique ou qu’en assistant aux tragédies génocidaires qui se déroulent – heure après heure – devant nos yeux en Palestine et en Ukraine. Et malheureusement, ce n’est pas la première fois dans les derniers 80 ans que « les forces auxquelles nous sommes confrontés ont fait la paix avec la mort de masse [4] ». D’ailleurs, preuve supplémentaire de leur nazisme, ces « forces auxquelles nous sommes confrontés » s’inspirent ouvertement des exploits nécrophiles et macabres de leurs maîtres à penser nazis, et ils en sont fiers. C’est du reste pourquoi ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour soutenir tout ce qu’il y a d’extrémistes (durs) de droite, de néofascistes et surtout de néonazis de par le monde.
Mais, leur filiation ne se limite pas à ces penchants suprématistes et misanthropes. Elle touche aussi des questions apparemment secondaires comme leur commune prédilection pour le plus délirant des complotismes, pour l’eugénisme ou pour un ésotérisme et un occultisme (plus ou moins de pacotille) qui les rapprocherait plutôt d’un nazisme tendance Himmler. En somme, il y a plein de raisons d’affirmer non seulement que le pire passé cauchemardesque hante notre présent, mais aussi que le retour de ce passé prend la forme d’un nazisme pur-sang qui serait simplement actualisé !
Et puis, force est de constater que rien n’est totalement nouveau et inédit sous le ciel de la barbarie capitaliste. Comme, par exemple, « le retour d’une politique étrangère plus interventionniste et coercitive de la part des États-Unis » en Amérique latine, ce qui marque « la réactivation de la doctrine Monroe ». Et cela d’autant plus qu’il leur faut désormais contrer l’influence grandissante de la Chine dans ce qui était traditionnellement l’arrière-cour et la chasse gardée des États-Unis [5].
D’ailleurs, l’apparition de ce que l’économiste Adam Hanieh appelle « nouveaux centres d’accumulation du capital » et surtout de la Chine, oblige Trump à réagir vite et fort pour « gérer le déclin relatif des États-Unis dans le contexte des crises systémiques plus importantes auxquelles est confronté le capitalisme mondial [6] », ce qui l’amène à brandir la menace de droits de douane plus ou moins exorbitants. Et Adam Hanieh d’avertir que « lorsque nous parlons de la dynamique du système impérialiste mondial, il ne s’agit pas simplement de rivalités entre États et de mesurer la force des États-Unis par rapport à d’autres puissances capitalistes. Nous devons replacer ces conflits dans la crise systémique à plus long terme que tous les États tentent de surmonter »…
Mais, plus encore que le trumpisme, c’est le poutinisme qui est hanté et façonné par le passé et ses démons ! En rappelant que la « Grande Guerre patriotique » est devenue la principale sinon l’unique référence et ciment idéologique de l’Union Soviétique stalinienne et poststalinienne, Hanna Perekhoda [7] réussit trois tours de force : d’abord, démontrer qu’en se centrant sur la « Grande Guerre patriotique » qui couvre la période 1941-1945, tant le stalinisme que le poutinisme ont voulu « effacer les vingt et un mois qui ont précédé l’invasion de l’URSS » qui ont vu « Moscou et Berlin être des alliés de facto » et collaborer étroitement tant sur le plan économique que militaire. Ensuite, montrer combien la légende de cette « Grande Guerre patriotique » sert d’« outil de propagande à Poutine ». Et enfin, dévoiler ce qui se cache derrière la « dénazification de l’Ukraine » que prétend poursuivre le maître du Kremlin en envahissant et en détruisant ce pays.
C’est ainsi que, à l’opposé de ce que disent les poutinistes et les poutinisants de par le monde, la « dénazification » poutinienne de l’Ukraine renvoie à tout autre chose qu’à une Ukraine… nazifiée et gouvernée par des « fascistes ». Comme l’affirme Hanna Perekhoda, « le mot “fascisme” a perdu tout lien avec une idéologie politique spécifique et désigne désormais uniquement une menace abstraite et absolue : le désir de détruire la Russie. Il est devenu synonyme d’« ennemi » ou de « russophobe », désignant toujours l’Autre, jamais un mouvement historiquement défini ». D’ailleurs, au grand désespoir des poutinistes et autres campistes, c’est le bras droit de Poutine et son éternel ministre des affaires étrangères Sergueï Lavrov qui confirme pleinement les dires de Perekhoda quand il déclare que « les objectifs de Netanyahou à Gaza semblent similaires à la « démilitarisation » et à la « dénazification » que Moscou poursuit en Ukraine depuis le lancement de son offensive en février 2022 ».
À l’instar de Hanna Perekhoda, Jurgis Valiukevičius rappelle quelques grandes vérités qu’on a tendance à oublier dans nos pays de l’Europe occidentale. Par exemple que « l’histoire de nos pays [baltes] a été façonnée par l’empire russe plus que par les pays occidentaux [8] ». Ce qui se traduit par des siècles d’oppression nationale de ces pays par le chauvinisme impérial grand-russe, d’abord des tsars et ensuite des bureaucrates staliniens, jusqu’à ce qu’ils obtiennent leur indépendance il y a seulement trente-cinq ans.
Alors, le syndicaliste et Vert lituanien a tout à fait raison d’affirmer qu’en oubliant – de bonne ou de mauvaise foi – ces vérités, « la gauche occidentale maintient la même vision occidentalo-centrée, même lorsqu’il s’agit de critiquer le colonialisme et l’impérialisme ».
On pourrait ajouter qu’une première conséquence de l’arrogance de cette gauche (campiste) occidentale est qu’elle se désintéresse complètement de la gauche (oui, elle existe !) de ces pays et encore plus des expériences d’auto-organisation comme celle pratiquée par les femmes de la coopérative ukrainienne ReSeew Coop interviewées par Patrick Le Trehondat [9].
Mais, la conséquence est encore plus grave, quand cette gauche campiste va jusqu’à taxer de va-t’en guerre vendus à la réaction occidentale, les Lituaniens, Estoniens, Lettons mais aussi les Ukrainiens qui « osent » vouloir s’armer pour se défendre contre les (désormais traditionnelles) visées russes contre leurs pays…
Ceci étant dit, le retour en force d’un passé coupable qui empoisonne le présent n’est l’apanage ni des États-Unis ni de l’est européen. Les anciennes puissances coloniales européennes continuent à en faire périodiquement l’expérience. Comme la France qui refuse ostensiblement de reconnaître ses crimes tels que l’effroyable massacre de 30 000 Algériens qui revendiquaient leur liberté le 8 mai 1945, le jour même où les Français fêtaient… la capitulation du régime nazi qui les avait privés de leur propre liberté [10] ! Inutile de dire que ce refus éhonté fait le bonheur de son extrême droite et d’autres nostalgiques de l’Empire français tandis qu’il empoisonne les rapports de la France avec l’Algérie qui passent de nouveau un (très) mauvais moment.
C’est dans ce sombre paysage international que des actes de résistance comme celles des adolescentes Afghanes et Congolaises [11] qui défient – au péril de leur vie – les unes la misogynie des Talibans, et les autres la terreur des miliciens soutenus par le Rwanda, sont porteurs d’espérance. Comme d’ailleurs, la lutte exemplaire des féministes iraniennes non seulement contre la peine de mort, mais aussi contre « son application sexuée » qui fait d’elle « un outil de contrôle de l’État qui recoupe des questions de genre, de classe, de race et de sexualité [12] ».
Plus près de nous, les manifestations monstres des Serbes, étudiants en tête, qui se succèdent depuis des mois, font déjà trembler le pouvoir réactionnaire et corrompu du président – pro-Poutine et pro-Netanyahou – Vučić. Ce qui oblige les uns et les autres à préparer le futur : le régime à bout de souffle, qui tente de vendre aux manifestants des « solutions » bidon du genre « gouvernement d’experts » et les révoltés qui essayent d’éviter les pièges au nom de ceux d’en bas qui revendiquent le droit de gouverner collectivement [13].
Un autre pays qui est en train de s’interroger sur son avenir, est la Syrie martyrisée qui vient de se débarrasser de la dynastie sanglante des Assad. Mais, selon Joseph Daher [14], les premiers actes du régime du président (autoproclamé) Ahmed al-Charaa qui leur a succédé n’augurent rien de bon : massacre de la minorité des Alaouites, instrumentalisation du confessionnalisme afin de diviser la population, « refus des nouvelles autorités au pouvoir de mettre en place un cadre de justice transitionnelle » et promesses de leur part « d’approfondir les politiques néolibérales ».
Mais, pendant que le nouveau régime syrien fait les yeux doux à la monarchie saoudienne et à… Trump, presque de l’autre côté de sa frontière, le génocide du peuple Palestinien non seulement continue mais est en train d’atteindre son paroxysme devant une « communauté internationale » impassible qui refuse ostensiblement de l’arrêter. Comme d’ailleurs, elle refuse non seulement de tenir compte mais même de faire connaître à ses populations le rapport accablant de l’ONU sur « les violences sexuelles systématiques » que subissent les Palestiniennes par leurs bourreaux israéliens.
Violences sexuelles qui vont des viols aux attaques des « infrastructures de santé maternelle de Gaza, des centres de traitement de la fertilité et, en fait, de toute institution liée à la santé génésique [15] ».
Triste époque que la nôtre, époque de tous les dangers et de toutes les horreurs. Et, signe des temps, ce n’est pas un hasard que celui qui est très probablement à la fois le cerveau et l’esprit maléfique du trumpisme, le milliardaire libertarien et néonazi Peter Thiel traite d’« antéchrist » son ennemi juré le plus emblématique, la jeune militante suédoise écosocialiste et anticapitaliste Greta Thunberg. Alors, pourquoi Greta ? Mais, parce que, selon Naomi Klein et Astra Taylor, « ce qui l’effraie chez Greta est son engagement indéfectible envers cette planète et les nombreuses formes de vie qui existent – et non envers des simulations de ce monde générées par l’IA, ni envers une hiérarchie entre ceux qui méritent de vivre et ceux qui ne le méritent pas, ni envers les divers fantasmes d’évasion extra-planétaire vendus par les fascistes de la fin des temps »…
Yorgos Mitralias
Notes :
[1] Naomi Klein et Astra Taylor, « La montée du fascisme et la fin des temps », voir dans ce n° d’Adresses, p. 26.
[2] Raphaël Canet, « Pourquoi le trumpisme est un fascisme », voir dans ce n° d’Adresses, p. 19
[3] Naomi Klein et Astra Taylor, art. Cité.
[4] Idem.
[5] Laurent Delcourt, « États-Unis-Amérique latine : retour de la politique du gros bâton », voir dans ce n° d’Adresses, p. 36.
[6] Adam Hanieh, « Les nouveaux centres d’accumulation du capital », voir dans ce n° d’Adresses, p. 53.
[7] Hanna Perekhoda, « La “Grande Guerre patriotique”, un outil de propagande de Poutine », voir dans ce n° d’Adresses, p. 9.
[8] Jurgis Valiukevičius, « Menaces russes contre la Lituanie et monde de travail », voir dans ce n° d’Adresses, p. 43.
[9] Entretien avec ReSeew Coop, Ukraine : « Les coopératives sont une façon de propager les principes de l’auto-organisation », voir dans ce n° d’Adresses, p. 76.
[10] Olivier Lecour Grandmaison, « Massacres du 8 mai 1945 : la reconnaissance indispensable », voir dans ce n° d’Adresses, p. 14.
[11] Carol Mann, « Quand les adolescentes résistent », p. 71.
[12] Elahe Amani, « Iran : la peine de mort est une question féministe », voir dans ce n° d’Adresses, p. 67.
[13] Nemanja Drobnjak, « Les fausses promesses de la gouvernance « experte » imposée d’en haut : un appel à la démocratie radicale », voir dans ce n° d’Adresses, p. 61.
[14] Joseph Daher, « Syrie : justice transitionnelle et confessionnalisme », voir dans ce n° d’Adresses, p. 50.
[15] Samah Salaime, « Où est l’indignation face aux violences sexuelles « systématiques » contre les Palestinien·nes ? », voir dans ce n° d’Adresses, p. 73.
Le sommaire du numéro 12
22.05.2025 à 18:11
Actualités sociales ukrainiennes du 22 mai 2025.
aplutsoc
Texte intégral (663 mots)
La solidarité avec la résistance du peuple ukrainien, c’est montrer au jour le jour la vie et les luttes de celui-ci !
Tchernobyl : enquête citoyenne indépendante
Dans la région de Jytomyr, les habitants de Korosten se sont opposés à la réduction des indemnisations pour les victimes de l’accident de Tchernobyl et préparent un appel aux autorités pour exiger que cette décision soit reconsidérée.
Les habitants de Korosten prévoient également de lancer une enquête environnementale indépendante pour vérifier le niveau de radiation dans la ville et la communauté. Cela devrait permettre d’obtenir des données factuelles sur l’état de l’environnement et devenir la base d’une protection supplémentaire de ses droits dans le cadre de la législation en vigueur.
Ils demandent aux autorités de les écouter et de prendre des mesures urgentes face à la situation de réduction des paiements.
En janvier 2024, la Verkhovna Rada [Parlement ukrainien ] a adopté une décision fixant un montant fixe d’indemnisation : initialement 3 200 hryvnias, puis 2 361 hryvnias. Cette décision s’applique aux indemnités précédemment accordées par les tribunaux. Les habitants estiment qu’une telle décision est contraire aux décisions de justice, viole le principe de l’État de droit et les normes constitutionnelles relatives à la protection sociale des victimes.
22 mai 2025
Odessa : encore sur les abris

Denys Zeynalov, représentant du Centre pour les libertés civiles et coordinateur du groupe Ozon, a rapporté que 43 refuges à Odessa et environ 20 dans la ville de Rozdilna et les villages environnants ont été contrôlés.
Ozon a pu trouver environ 88 % des abris indiqués sur la carte d’Odessa. Denis Zenaylov affirme que près de 12% ont indiqués, mais en fait ils n’existent pas ou l’adresse est indiquée de manière incorrecte. Parmi les refuges trouvés, 79 % étaient accessibles, ce qui signifie qu’un cinquième d’entre eux était fermé ou dans un état d’abandon. Mais la situation des panneaux d’information s’est améliorée : ils sont d’un quart plus nombreux.
La situation à Rozdilna s’est avérée pire : 80 % du nombre déclaré d’abris ont été trouvés, et seulement un peu plus de la moitié d’entre eux sont ouverts, explique le militant des droits de l’homme.
Il y a eu plus d’abris mobiles à Odessa, mais il y en a toujours une pénurie sur les plages : ce que montre le suivi des militants des droits humains.
Le suivi a montré une amélioration de l’état des abris dans les zones de loisirs, en particulier dans les parcs d’Odessa. Selon Zeynalov, le nombre d’abris modulaires dans ces zones a considérablement augmenté en 2024-2025, notamment grâce à l’attraction de fonds de donateurs et à la participation d’organisations caritatives.
Cependant, il existe des problèmes concernant l’emplacement des abris, en particulier sur les plages. Les zones de sécurité sont souvent situées à 500–700 mètres du littoral ce qui rend l’accès difficile, surtout compte tenu du court temps de vol des missiles.
22 mai 2025
Source : RESU / PLT.
22.05.2025 à 17:54
Concert de soutien pour Solidarité FreeAzat le 25 mai 2025.
aplutsoc
Texte intégral (616 mots)
L’association Solidarité FreeAzat est engagée dans la libération d’Azat Miftakhov, mathématicien russe et prisonnier politique. Après de nombreuses actions, pétitions, rassemblements, concert, campagnes de lettres, médiatisation de cette affaire, l’association a décidé d’investir le domaine artistique pour sensibiliser le public européen à la question des détenus d’opinion.
Nous avons choisi le théâtre, art de la présence, qui nous semble le plus puissant pour faire ressentir physiquement la violence de l’incarcération et de l’emprisonnement. Notre choix de pièce s’est porté sur Moj Chas *(Mon Heure), de la dramaturge russe Esther Bol. Très prisée des scènes de Moscou et Saint-Pétersbourg, Esther Bol décide de quitter la Russie le premier jour de la déclaration de l’invasion de l’Ukraine. C’est en France, où elle réside aujourd’hui que, hantée par le souvenir et la présence planante de tous ces prisonniers politiques, elle écrit Mon Heure. Durant une heure, dans un monologue qui convoque tout un panthéon de textes et de souvenirs de la littérature russe en lien avec le thème récurrent de l’incarcération, le personnage se projette dans l’idée qu’il lui reste une heure avant d’être arrêtée. Une heure qui lui appartient pour préparer son corps et son esprit à la perte de liberté.
Par ce projet, nous voulons permettre que tous ceux qui sont en prison en Russie pour avoir réclamé la paix, ne soient pas oubliés. Et qu’à l’heure des « négociations de paix », leur cause retentisse auprès d’un public européen, peu informé de cette situation. Nous œuvrons également ainsi à ne pas faire oublier la cause d’Azat Miftakhov, brillant mathématicien, emprisonné arbitrairement depuis 2019.
Afin de présenter notre projet et la levée de fonds qui est nécessaire, nous organisons un concert :
- le 25 mai à 19H
- café « Au Soleil de la Butte »
- 32 rue Muller 75018 PARIS

La chanteuse et guitariste internationaliste Muindragon accepte de jouer gracieusement en soutien à cette cause. Au cours du concert une présentation de la pièce sera faite ainsi que la lecture d’un très court extrait. Si vous n’avez pas la possibilité de venir nous soutenir à ce concert, vous pouvez faire un don à Solidarité FreeAzat sur la plateforme HelloAsso.
* Cette pièce fait partie du programme off 2024 du festival indépendant de dramaturgie russophone Lioubimovka.
Pour suivre l’activité du collectif «Solidarité FreeAzat» : voir son blog sur Mediapart.
19.05.2025 à 13:36
18 mai 2025 – Résistance et mémoire contre l’oppression nationale subie par les Tatars de Crimée.
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Action de résistance à l’occasion de la Journée de commémoration des victimes du génocide du peuple tatar de Crimée a été organisée par les membres du mouvement « Ruban jaune ». Ils ont pris des photos de cartes postales portant les inscriptions « La Crimée est l’Ukraine » et « Nous nous souvenons – 1944 » dans les rues de Simferopol, d’Eupatoria et de Bakhchisaray.
Le 18 mai, des bougies ont été allumées près du Mémorial des victimes du génocide du peuple tatar de Crimée sur la place Myra à Kyiv en mémoire de tous ceux qui sont morts dans cette tragédie. Une centaine de personnes sont venues rendre hommage aux victimes.

Le 18 mai, Jytomyr a honoré la mémoire des victimes de la répression politique et du génocide des Tatars de Crimée et a hissé le drapeau du peuple tatar de Crimée en signe d’unité et de soutien.
Le 18 mai, à l’occasion de la Journée de commémoration des victimes des répressions politiques, Zaporijia a honoré la mémoire de ceux qui sont morts à cause de la terreur de l’URSS. Dans la ville, des fleurs ont été déposées à côté du monument « Aux victimes des répressions politiques des années 1930-1950 ».
À Kropyvnytskyi, la mémoire des victimes des répressions politiques a été honorée . Les habitants se sont rassemblés près du panneau commémoratif « Aux combattants pour la liberté de l’Ukraine – Victimes des répressions politiques », ont déposé des fleurs et allumé des lampes.
Source : RESU / PLT.
19.05.2025 à 13:23
Priama Diia à travers son action quotidienne – Un aperçu d’un trimestre d’activités syndicales, autogérées et internationalistes.
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Texte intégral (2566 mots)
Présentation
Alors que beaucoup de fantasmes et de mensonges sont entretenus sur la situation sociale et politique en Ukraine, nous entendons contribuer, par ce récapitulatif, à illustrer que loin du mythe des « nazis-juifs-ukrainiens », il y a dans l’Ukraine libre, un mouvement social et politique aux multiples visages, bien vivant et prometteur.
De plus, à travers son action parmi les jeunes générations scolarisés (lycéens et étudiants), Priama Diia contribue à l’émergence et à la régénération d’un mouvement ouvrier et populaire indispensable pour combattre l’invasion impérialiste russe comme pour rejeter les tentatives néo-coloniales de Trump et les résultats néfastes des politiques néo-libérales qui sont portées par le gouvernement ukrainien actuel.
Compilation
Priama Diia avec les lycéens

Les élèves vont bientôt passer leurs examens d’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur, dans l’espoir de pouvoir quitter leur ville natale pour acquérir des connaissances.
L’une de ces villes est Peremyshliany, où nos militants se sont rendus pour parler de l’université aux élèves de onzième année et leur présenter le syndicat indépendant.
Les élèves, habitués à des méthodes d’enseignement autoritaires, où le professeur parle et les élèves écoutent, n’étaient pas prêts au départ pour une discussion collective, à l’approche de la pédagogie libertaire que nous mettons en œuvre. Cependant, ils se sont rapidement adaptés et nous avons pu communiquer d’égal à égal.
Les réactions des élèves ont été diverses : certains se sont intéressés à l’activisme étudiant, d’autres ont été choqués par l’état des résidences universitaires et les problèmes liés au processus d’apprentissage. Ils ont posé des questions sur l’université, les possibilités offertes par les études et les perspectives d’avenir. Les idées romantiques et floues sur l’université se sont dissipées, et les futurs candidats ont pu se faire une idée précise de ce qu’est l’université et de la raison pour laquelle il faut se battre pour y apporter des changements.
Le « président » de l’école (un élève) a salué notre initiative et nous a remerciés pour cette rencontre enrichissante et intéressante pour les lycéens. À la fin, nous avons distribué nos badges, nos journaux et nos brochures aux élèves, puis nous avons pris congé.
Priama Diia, le 16 mai 2025
Enquête sur la qualité de l’enseignement à la LNU [université nationale Ivan-Franko de Lviv]

Nous menons une enquête sur la qualité de l’enseignement dans notre université, notamment en ce qui concerne :
- Les cours (conférences, ateliers, séminaires) et leur qualité ;
- Les bons et les mauvais professeurs ;
- La vision des changements à apporter à l’université pour améliorer les conditions d’étude.
Pourquoi ?
Nous constatons qu’il y a beaucoup de problèmes dans notre université et nous voulons nous assurer que ces problèmes ne nous concernent pas uniquement, afin de pouvoir les traiter efficacement.
Nous voulons également apprendre quelque chose de nouveau qui nous aidera à compléter notre connaissance. Et, bien sûr, impliquer des personnes partageant les mêmes idées dans la mise en œuvre de ces changements !
Nous vous encourageons à remplir ce formulaire en cliquant sur le lien : https://forms.gle/ccHds7T5eJ9MGtiu5
Priama Diia, le 11 avril 2025
Les questions du formulaire
- Quel est votre matière?
- Quel est votre intérêt pour les cours magistraux ? Qu’est-ce que vous aimez ou n’aimez pas exactement ?
- Quel est votre degré d’implication dans les ateliers et les séminaires ? Qu’est-ce qui vous motive ou, au contraire, vous empêche de participer activement ?
- Êtes-vous intéressé(e) par les matières générales non fondamentales (par exemple, la philosophie, l’éducation physique, la sociologie, etc. Qu’est-ce qui vous a plu ou déplu ?
- Avez-vous un professeur préféré? Qu’est-ce qui vous plaît dans sa façon d’enseigner ?
- Y a-t-il des professeurs que vous n’aimez pas ? Pourquoi ?
- Qu’aimeriez-vous changer ou améliorer dans le processus d’apprentissage ?
- Souhaitez-vous vous joindre à la lutte pour l’amélioration de la qualité de l’enseignement dans notre université ? Si oui, veuillez laisser vos coordonnées.
Priama Diia, le syndicat étudiant ukrainien rejoint le Réseau syndical international de solidarité et de luttes.
Le syndicat étudiant ukrainien Priama Diia a décidé de rejoindre le Réseau syndical international de solidarité et de luttes. Depuis la refondation de ce syndicat (en février 2023) notre réseau a apporté un soutien constant à cette organisation syndicale qui participe à la résistance anti-impérialiste contre l’agresseur russe et défend les intérêts les étudiant·es ukrainien·nes.
Dans les luttes étudiantes qu’il anime, Priama Diia a mis au cœur de ses pratiques syndicales l’auto-organisation démocratique de la communauté étudiante. Cette orientation syndicale rejoint pleinement la vision de notre réseau pour un syndicalisme de luttes, démocratique, et indépendant.
Nous saluons l’arrivée du syndicat Priama Diia dans notre réseau qui contribuera à l’enrichissement de nos débats et de nos échanges.
Cet élargissement de notre réseau s’inscrit pleinement dans l’esprit internationaliste qui nous anime, un internationalisme vivant de luttes et de solidarité entre les exploité·es du monde entier.
9 avril 2025
Réseau syndical international de solidarité et de luttes
Priama Diia : « le contrôle, c’est notre pratique syndicale »

Depuis le début de la guerre à grande échelle, en raison des bombardements russes, ce sont plus de 3 400 établissements d’enseignement ont été endommagés et 400 ont été complètement détruits.
Parmi eux de nombreuses universités. Dans ces établissements, les conditions d’études des étudiant·es deviennent de plus en plus difficiles, notamment parce que les administrations universitaires ne procèdent pas aux réparations nécessaires. Cette question des réparations est une des préoccupations du syndicat étudiant Priama Diia qui exige que fenêtres et dortoirs soient réparés.
Mais ce n’est pas la seule activité du syndicat qui agit sur de nombreuses autres questions en défense des intérêts des étudiant·es. Priama Diia, a récemment rejoint notre Réseau syndical international de solidarité et de luttes. Deux années après sa refondation, Ihor Vasyletsn, étudiant en master d’histoire à l’Université nationale de Lviv, membre de Priama Diia, a bien voulu répondre à nos questions.
https://laboursolidarity.org/fr/n/3449/priama-diia–le-controle-cest-notre-pratique-syndicale-
Priama Diia publie son journal

Il y a un mois, notre syndicat indépendant a fêté ses 2 ans. Ce furent deux années inoubliables, au cours desquelles nous avons organisé des actions, lutté contre l’arbitraire du ministère de l’Éducation et des Sciences et les administrations arrogantes des universités, nous nous sommes engagés dans l’auto-éducation libertaire, et avons également promu les idées d’égalité et de solidarité, sans lesquelles un mouvement étudiant fort est impossible.
Des étudiants du monde entier, y compris de Pologne et de France, nous ont rejoints dans la lutte pour une éducation décente. Nous avons écrit et parlé de tout cela. Ces années ont parfois été difficiles, mais nous pouvons affirmer qu’elles ont été extrêmement intéressantes. C’est pourquoi nous continuons à construire un réseau de syndicats indépendants et à défendre nos droits avec passion.
Pour célébrer ces réalisations, nous avons décidé de faire quelque chose d’extraordinaire. Nous avons préparé un journal étudiant indépendant, qui n’existait pas en Ukraine depuis longtemps.
Un journal au 21e siècle, vous êtes sérieux ?
Un journal n’est pas quelque chose de dépassé, ce n’est pas seulement une source d’information. Pour nous, c’est un espace dans lequel nous pouvons résumer nos réalisations, à travers lequel nous pouvons communiquer et partager des idées. C’est aussi un souvenir rétro. Les syndicats d’étudiants à l’étranger – de l’ASSE au Québec à Solidaires en France et à Inicjatywa Pracownicza en Pologne – renouent avec la tradition de l’impression de journaux (et la perpétuent dans certains cas).
Mais pas seulement à l’étranger. Priama Diia des générations précédentes a également fait la promotion active de son journal du même nom. C’est pourquoi le premier numéro de notre journal que nous publions aujourd’hui est en fait une continuation directe de ce journal.
Nous vous encourageons à télécharger la version électronique de notre journal, et pour ceux qui préfèrent la version papier, nous avons imprimé des copies papier. Chacun peut se les procurer gratuitement auprès de nous.
Priama Diia, 28 mars 2025
Lien de téléchargement du journal : https://surl.lu/shqmql
Priama Diia avec les étudiants américains

[Nota : il s’agit de la 2e déclaration de Priama Diia sur les États-Unis en quelques jours]
Trump a récemment annoncé que le financement fédéral aux États-Unis sera supprimé pour toute école, université ou collège où des manifestations illégales ont lieu.
Qu’est-ce que cela signifie ?
Si le financement d’un établissement est interrompu, ses activités seront probablement menacées. Plus de 70 % des étudiants américains sont inscrits dans des établissements publics d’enseignement supérieur, qui dépendent presque entièrement du financement public. Même si le gouvernement ne peut pas interrompre immédiatement les paiements en raison d’obstacles juridiques, il peut créer de graves problèmes par d’autres moyens : en réduisant les bourses d’études, en supprimant les subventions de recherche et d’autres subventions financées au niveau fédéral ou local.
La situation est similaire dans de nombreuses universités privées, car les subventions gouvernementales couvrent une part importante des bourses d’études et des subventions. Par exemple, à Harvard, qui est un établissement privé, environ la moitié des étudiants reçoivent une aide financière de l’État. Si ces fonds sont supprimés, de nombreux étudiants n’auront tout simplement pas les moyens de poursuivre leurs études. Dans ce cas, l’université elle-même perdra une part importante de ses revenus, puisqu’elle est notamment financée par les frais de scolarité.
La solution à ce problème ne doit pas être trouvée dans une privatisation accrue de l’éducation, comme le suggèrent les libéraux, mais dans l’expansion de la démocratie, qui fait cruellement défaut aux États-Unis. Le citoyen moyen n’a que peu ou pas de possibilité d’influencer les décisions de son président, si bien que le seul moyen d’exprimer son désaccord est de manifester.
Cependant, Trump a menacé d’emprisonner et d’expulser les manifestants. Donald, qui aime se présenter comme le plus grand défenseur de la « liberté d’expression », ne tolère pas que des étudiants expriment leur mécontentement à l’égard du gouvernement, soutiennent l’Ukraine et la Palestine. En réponse, il a recours à des méthodes typiques du régime de Poutine – tout comme de Javier Milei en Argentine.
Nous soutenons les étudiants américains dans leur lutte et espérons qu’ils seront en mesure d’apporter aux États-Unis une véritable démocratie renouvelée au lieu de la dictature trumpiste.
Priama Diia, 5 mars 2025.
Sources : RESU, PLT, Réseau syndical international de solidarité et de luttes.
18.05.2025 à 15:13
Notes politiques du 18 mai 2025.
aplutsoc
Texte intégral (994 mots)
Mardi 13 mai, Emmanuel Macron a occupé une soirée télévisée multi-sujets, et le lendemain François Bayrou a été entendu par la commission parlementaire d’enquête sur le contrôle des violences à l’école (son intitulé exact). Dans les deux cas, faussement cool le mardi soir, énervé, confus et agressif le mercredi, on a une impression de naufrage.
Précisons. Dans le cas de Macron, le président est déjà naufragé, mais il surnage et, profitant de l’arrêt, du côté gauche et du fait de la division, de toute menace réelle depuis janvier 2025, il utilise ses pouvoirs de président de la V° République pour se refaire au moyen de la situation internationale qui lui permet de se mettre en avant. La difficulté est pour lui de « transformer l’essai » à son bénéfice en reprenant l’initiative en politique intérieure. Il a donc pondu une fumisterie – une « convention citoyenne » sur les vacances scolaires ! – tout en évoquant un référendum par ci, un référendum par-là, sans avoir rien décidé ni annoncé au cours de ses monologues et faux dialogues du mardi 13 mai au soir, qui ont à l’évidence lassé les téléspectateurs – beaucoup de monde au début, plus personne à la fin.
Dans le cas de Bayrou, le naufrage s’effectue en direct mais il est déplaisant, car ce monsieur s’avère un piètre personnage près à tenter de faire passer pour folle une enseignante lanceuse d’alerte et à prétendre n’avoir rien su des violences systématiques d’un établissement qu’en tant que notable local il subventionnait abondamment et dont c’était la réputation, où il envoyait ses enfants et dont il était l’allié politique et clérical des dirigeants pendant des décennies. Il est vrai que dure est la réalité : Betharram était la caverne – l’une des cavernes, pas la seule, mais dans les lieux clos du catholicisme elles sont pléthores – des coups, des humiliations et des viols. Bayrou a choisi d’attaquer, de manière totalement brouillonne et désespérée, et donne un piteux et triste spectacle.
Ces messieurs tentent dans leur défense de pitres dangereux, de se servir du fait que l’un des corapporteurs de la commission, Paul Vannier, est à LFI, oubliant que sa corapportrice, Violette Spillebout, est une ci-devant macronienne. Rien de plus grotesque que leur manière de faire croire à un « procès à la soviétique » ! Ce qui les horripile, en réalité, c’est que de telles commissions, comme déjà sur l’affaire Benalla, sont devenues dans ce pays les seules institutions parlementaires dotées d’une quelconque efficacité. Et c’est trop pour eux.
Bayrou en chute libre voudrait bien en finir avec l’existence même du parlement : quand Macron eut sa première idée de génie (de village) d’une « convention citoyenne », il voulut montrer que lui aussi il peut avoir son hochet et lança « l’idée » d’un référendum sur le futur budget 2026 et ses « quarante milliards d’économies pour rembourser la dette [soi-disant] publique » !
Idée de casse-cou qui a fait chuter la confiance de ses propres partisans directs : un Non à tel référendum ne serait-il pas une magnifique victoire démocratique ? Que n’inventerait-t-on donc pas pour finir de tuer l’Assemblée nationale !
Elle a pourtant du mal à ressusciter. Le 5 juin prochain, le groupe PCF utilisera sa niche parlementaire pour soumettre une résolution qui comporterait l’abrogation de la loi Macron sur les retraites. Fort bien. Mais pourquoi pas une loi abrogeant réellement celle-ci ? Une résolution majoritaire aurait certes une forte signification politique, mais ne serait pas contraignante pour l’exécutif, ce serait juste un vœu …
Ainsi, depuis qu’elle existe, cette assemblée à travers ses différents groupes d’opposition et notamment ceux qui, en formant le NFP, y ont la majorité relative, s’est-elle consciencieusement retenue d’abroger la loi retraite de Macron, dont, rappelons-le, Eric Coquerel nous promettait en septembre 2024 que d’ici Noël, ce serait fait !
Le spectacle de Macron et celui de Bayrou montrent un exécutif en déliquescence, capable de s’affaiblir tout seul sans aide extérieure. Le seul point apparemment fort, la politique extérieure de Macron, montre ses limites : pas de rupture avec Trump, dont pas de cessez-le-feu ni en Ukraine ni à Gaza et pas d’aide massive immédiate pour que l’Ukraine résiste à l’offensive que la Russie en pleine fuite en avant militariste risque d’y tenter si ce n’est pas sur la Baltique ; pas de rupture avec Trump, donc pas de coup sur Netanyahou comme le serait le fait d’apporter une escorte armée à l’aide humanitaire à Gaza, mais des phrases et encore des phrases. La puissance moyenne en talonnettes qu’est l’impérialisme français avec son président ne peut en aucun cas prendre la place du combat des peuples contre l’Axe néo-fasciste Trump/Poutine dont Netanyahou est la prolongation.
La division à gauche, entretenue notamment par la fausse radicalité de LFI qui est depuis l’été 2024 la meilleure protection apportée à Macron, étouffe pour l’heure l’irruption des masses qui en finirait avec cet exécutif déliquescent, ouvrirait la crise du régime en imposant la démocratie, et, par cette issue, battrait le RN de la seule manière possible. Les directions syndicales pourraient briser cet étau en appelant par exemple à la grève pour gagner avec manifestation à l’assemblée le 5 juin, mais elles s’en gardent.
Cette fausse stabilité dans l’instabilité peut-elle durer jusqu’aux présidentielles théoriquement prévues en 2027 ? C’est peu probable.
15.05.2025 à 23:36
Gaza : en finir avec l’omerta et agir pour que l’horreur cesse. Par Clémentine Autain.
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Encore 29 morts et des dizaines de blessés cette nuit dans le camp de Jabaliya. C’est toute la population de Gaza que le monde regarde mourir.
L’alimentation et les médicaments ne parviennent plus, les rescapés boivent de l’eau salée faute d’eau potable, les maladies se propagent, l’électricité est coupée, l’aide humanitaire empêchée, les journalistes tués, les artistes ciblés, les terres arables détruites, les bâtiments culturels comme les hôpitaux décimés… Et les parents regardent impuissants leurs enfants mourir de malnutrition et de déshydratation pendant que le droit international est allègrement piétiné.
Au même moment, un programme de cadastrage en Cisjordanie vient d’être lancé par Israël, signant l’intensification de la colonisation. C’est une annexion supplémentaire de terres palestiniennes.
L’effacement du peuple palestinien est en cours. Ce processus génocidaire assumé par le gouvernement de B. Netanyahou suscite trop de silence, trop de complicités.
Combien d’États courbent le dos aux provocations, restant passifs à chaque ligne rouge repoussée ? La voix forte comme l’action déterminée et cohérente de la France manquent pour mettre fin à l’horreur. Notre pays n’a toujours pas reconnu l’État de Palestine ! C’est une faute. Une honte.
Pendant ce temps, B. Netanyahu et ses proches avancent. Ils l’ont annoncé : l’armée israélienne s’apprête à entrer « avec toute sa force » dans Gaza. Et cette fois, elle ne compte pas en repartir. La perspective d’une amplification du massacre et des crimes contre l’humanité ne peut rester sans une réaction puissante. Nous avons besoin de discours forts et clairs comme de mesures coercitives, de sanctions effectives contre Israël.
Après l’appel à « dire non à la politique de destruction » (1), de nombreuses personnalités du monde du cinéma viennent d’appeler dans une tribune (2) à cesser de minimiser les crimes à Gaza :
« Refusons que notre art soit complice. Levons-nous. Nommons le réel »
Oui, en finir avec l’omerta et agir pour que l’horreur cesse, enfin : voilà l’urgence.
Clémentine Autain, le 15 mai 2025.
15.05.2025 à 22:37
Conférence-débat Nicaragua le Jeudi 5 juin 2025 à la Bourse du travail de Paris.
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Cher.es ami.es,
Comme nous vous l’avions indiqué il y a 3 semaines, le Collectif de Solidarité avec le Peuple du Nicaragua (CSPN) co-organise le jeudi 5 juin prochain (19h) à la Bourse de travail de Paris une conférence-débat « Le Nicaragua sous la dictature » avec la participation de :
- Dora Maria Téllez, historienne et ancienne commandante de la Révolution sandiniste
- et Ana Margarita Vigil, avocate et militante de la défense des droits humains.
Cet évènement est co-organisé avec l’Union syndicale Solidaires, le Comité Nicaragua Occitanie (CNO), le CCFD-Terre solidaire, France Amérique Latine (FAL) et la Fédération internationale des droits de l’homme (Fidh), dans le cadre de la Semaine de l’Amérique Latine et des Caraïbes (SALC).
(Voir sur https://semainesameriquelatinecaraibes.fr/Le-Nicaragua-sous-la-dictature ).
Nous vous attendons nombreux.ses à cette soirée. N’hésitez pas à faire circuler l’information.
Le Collectif de Solidarité avec le Peuple du Nicaragua (CSPN).
15.05.2025 à 17:36
A partir de la lecture de La Meute. Exposer la nature bonapartiste du projet de JLM. Par OD.
aplutsoc
Texte intégral (1789 mots)
L’ambition des auteurs de La Meute tient de l’exposé journalistique et sociologique du phénomène qu’est le premier cercle dirigeant de LFI, l’Impérium, évoluant autour du Chef, aspirant Bonaparte. De ce point de vue là, c’est assez réussi : les révélations obtenues auprès des divers participants, ex ou toujours dans LFI, donnent la nausée. Du tableau dressé, il se dégage une atmosphère et des mœurs totalement étrangères à un projet émancipateur dans lequel celles et ceux d’en bas prennent consciemment leurs affaires en main et avancent d’une façon collective, cohérente, réfléchie, rationnelle, dans un cadre où la discussion des divergences relève de l’évidence et non du crime de lèse-majesté, et où la délibération finale se nourrit du débat préalable.
Cependant, même s’il fournit des éléments en ce sens, cet ouvrage ne visait pas une telle réflexion politique.
Or, l’existence aujourd’hui du phénomène politique et social qu’est LFI pose un problème à toute la gauche car dans le parcours politique de plus de cinquante ans de Jean-Luc Mélenchon se révèle en creux le bilan de toute la gauche, du PS … au NPA !
Si l’on peut résumer la vie politique de JLM en deux tableaux, acte 1, le PS, acte 2, après le PS, il n’en reste pas moins un élément de continuité essentiel : la défense de l’ordre établi, et singulièrement de la 5ème République, en se donnant pour un critique radical du système.
Sous cet angle, il est important de tirer le bilan du Mélenchon, premier opposant du PS pendant 33 ans (1975-2008). Bien que formé au départ dans le cadre de l’OCI, Mélenchon n’a pas été un sous-marin de Lambert ; il est entré par lui-même avec ses projets propres au sein du PS, celui, en apparence, de construire une aile gauche, appuyée sur une tradition laïque, républicaine, ancrée dans le mouvement ouvrier réel, syndicats et associations, avec une dose de jauréssisme, proclamant la nécessité de la rupture avec le capitalisme via un réformisme de combat, avec au minimum de vraies réformes.
Ces décennies de combats de courants au sein du PS se réduisent à la réalité de la fidélité apportée à deux personnages clés dans l’histoire du PS, aux moments clés de son accession aux affaires en 1981, puis en 1997, Mitterrand et Jospin. Ainsi, le récit de la façon dont JLM, devenu ministre de la formation professionnelle de Jospin, reste insensible aux avertissements d’un Corbière « revenu à l’usine » sur la montée du ressentiment social, tel qu’exprimé dans les salles des profs, envers Jospin et sa politique, est édifiant.
Mélenchon, comme Dray, comme les sous-marins de Lambert n’auront finalement servi qu’à une chose : empêcher l’apparition au sein du PS d’une véritable aile gauche refusant l’austérité et les institutions de la 5ème République et engageant, dans les faits, la rupture avec cette politique néo-libérale. Nous aurons la méchanceté de rappeler le Oui à Maastricht de 1992, et l’adoption du principe de la CSG de Rocard qui survit aujourd’hui encore dans le programme de l’AEC, avec notamment le projet d’un prélèvement unique fusionnant CSG et IRPP, soit la destruction de la cotisation sociale, fondement premier de la Sécu de 1945.
Après s’être refait une santé dans la bataille pour le « Non socialiste » contre le TCE (Traité Constitutionnel Européen) en 2005, JLM fit le choix de ne pas s’appuyer sur la légitimité de la victoire du Non pour poser la question du pouvoir à travers la dissolution de cette Assemblée nationale qui avait approuvé le TCE contre la volonté majoritaire exprimée le 29 mai, et l’exigence du départ de Chirac. A la place, il participa aux grandes manœuvres du congrès du Mans de novembre 2005 dont la synthèse donna … la candidature de Ségolène Royal pour la présidentielle de 2007, véritable faire-valoir de Sarkozy, avec le succès que l’on sait.
2007, c’est la négation de la poussée d’en bas exprimée par la victoire du Non au TCE le 29 mai 2005, précédée de la grande vague de grèves du printemps 2003 contre les attaques sur les retraites et les services publics, la révolte des banlieues de l’automne 2005, et la mobilisation victorieuse de la jeunesse en lien avec les salariés contre le CPE de Villepin au printemps 2006. Et JLM a apporté sa pleine contribution à cette négation …
Ensuite le balancier repartira dans l’autre sens avec la victoire de Hollande sur Sarkozy en 2012 dans une configuration rarement rencontrée : le début du Front de Gauche, la 1er candidature de JLM qui apparaît alors comme prometteuse, la gauche, PS en tête, conquérant l’Élysée, la majorité à l’Assemblée, l’immense majorité des régions et des grandes agglomérations, tout cela pour nous amener …. à la loi Travail de Valls-Rebsamen-El Khomri, et à Macron, fils putatif de Hollande. Avec des « frondeurs du PS » qui passent leur temps en mode « retenez-moi, sinon je vais faire un malheur ! », se refusant à ouvrir la crise politique en votant résolument contre cette maudite loi Travail.
Entre temps en 2008, c’est la sortie à froid du PS pour Mélenchon. Sans concertation avec les autres forces du Non socialiste, JLM jette les bases du Parti de Gauche qui naît en 2009 avec quelques attributs attractifs d’un parti de gauche offensif rompant enfin avec le social-libéralisme. Hélas, les espoirs des débuts sont vite étouffés : le nouveau parti ne saurait être autre chose qu’une fraction autour du Chef, centralisée et contrôlée au plus serré. Le PG ne sera pas un nouveau PSU amalgamant des courants issus de traditions différentes ! Certes, il y a encore des débats de congrès, des motions débattues jusque tard dans la nuit mais tout cela sera vite balancé avec le lancement de LFI en 2016. Lancement qui succède aussi au sabordage du Front de gauche, cette alliance électorale de Mélenchon avec le PCF à laquelle il sera interdit de devenir une vraie opposition de masse, effective et rassembleuse, au social-libéralisme de Hollande.
2016 incarne la rupture avec la forme parti classique (adhérents cotisants, structures établies, congrès, débats, motions, élections des responsables, votes publics des orientations ) par le choix du mouvement gazeux où seul, le vrai centre organisateur, jamais élu, jamais comptable de son action, sait tout, contrôle tout, décide de tout, même des détails.
L’intérêt de La Meute est d’illustrer la façon dont toute la stratégie de JLM à partir de la sortie du PS repose sur la centralité de l’élection présidentielle, avec la promesse d’une 6ème République en tête de gondole pour les gogos. Ceux qui voudraient vraiment ouvrir la voie d’une authentique assemblée constituante balayant la 5ème, sont priés de bien vouloir attendre l’élection préalable du dernier président de la 5ème !
Dans ce magma gazeux où cohabitent groupes d’action, contributions ponctuelles à la carte via le parti plateforme, boucles Telegram en tous sens, diverses structures plus ou moins connues du sérail militant, seul a voix au chapitre le noyau central dénommé à juste titre La Meute, centrée sur le vieux Chef.
La place prise par une intrigante dénommée Sophia Chikirou illustre le principe que « là où il y a des rois, il y a des reines ». Sauf qu’en la circonstance, Marie-Antoinette avec ses caprices fait pâle figure face à la réincarnation de Jiang Qing, clonée avec un zeste d’Helena Ceaucescu.
Plus la stratégie présidentielle prend de poids, avec, le temps passant, l’hypothèque de l’âge grandissant qui frappe Jean-Luc comme tout un chacun, en dépit de la déification de sa personne par les fidèles, plus l’aspect de clan, de meute, de bande, autour de l’aspirant Bonaparte devient criant.
Dans l’histoire de LFI, il y a eu beaucoup de départs individuels et de déceptions accumulées, bien des mises à l’écart et des exclusions, mais jamais une purge comme celle aboutissant à la non reconduction de l’investiture de six députés sortants lors des législatives de 2024. Cette crise, commencée avec la mise à l’écart du cercle central de Clémentine Autain, François Ruffin, Alexis Corbière, Danielle Simonnet et Rachel Garrido fin 2022, a culminé dans la crise de mai-juin 2024. On peut espérer que celle-ci marque un tournant vers la crise finale de LFI. Mais pour cela, il faudra que les principes de démocratie dans toutes les formes de structuration et d’action, et d’unité contre l’ennemi commun dans le respect des divergences et des différences, prévalent là où « le bruit et la fureur » ont pris la place.
Il n’est pas anodin qu’aux origines de cette crise il y eut l’affaire Quatennens, du nom du député qui distribuait des claques à son épouse. Toutes celles qui, comme Pascale Martin, Clémentine Autain, ou Danielle Simonnet, ont mis le doigt là où çà faisait mal, ont permis le démarrage d’un cycle nouveau. La lutte pour l’émancipation ne peut s’accommoder des pratiques rétrogrades et maltraitantes, aussi bien physiques que psychologiques, dans la sphère privée comme dans la sphère publique. Le machisme et la domination masculine fondent la nécessité du mouvement de libération des femmes ; ils ont aussi à voir avec les dispositifs de protection et de perpétuation de l’ordre établi, dont l’État de la 5ème République. Raison supplémentaire, pour les partisans de la démocratie intégrale, donc de l’expropriation du capital, de les combattre sans concession.
Ni César, ni tribun, ni président : assemblée constituante !
OD, le 15/05/2025.
14.05.2025 à 23:30
Coup de sang ou coup de tête ou coup de torchon….
aplutsoc
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Hommage et harangue
à tous les enfermés du moment dans le monde
les enfermés physiques
les enfermés des prisons mentales totalitaires
les enfermés des idées préconçues et des vérités absolues
de ceux qui se croient libres
plus libres que les autres
par principe par habitude
par culture
par ignorance
par mépris et par arrogance
flattés à l’encolure
comme une monture docile
par leur maîtres et leurs dits sauveurs
qui créent avec les autres des illusions
de différences trompeuses
qui les bercent de l’illusion de leur supériorité
les réduisant en fait à leur essence exceptionnelle
d’esclaves et d’animaux de trait modernes
même dans la grisaille de l’indifférence démocratique
l’heure du réveil est arrivée
l’heure des harnais des longes et des laisses
à jeter
l’heure de tous les vernis à faire craquer
Kérundira 14 mai 2025
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