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Chayka & Viciss HACKSO

HACKING SOCIAL

Le hacking social est une méthode qui tend à transformer les environnements sociaux vers plus d’autodétermination, d’altruisme, d’autotélisme, d’intelligence sociale, émotionnelle et cognitive.

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22.09.2025 à 09:56

⬛Jouer en collectiviste ou en individualiste ? [AJ4]

Viciss Hackso

On a vu précédemment que la CIM et le DSM avaient inclus le trouble du…
Texte intégral (2615 mots)

On a vu précédemment que la CIM et le DSM avaient inclus le trouble du jeu dans leurs classifications, notamment parce que c’était une préoccupation assez importante en Asie. Et effectivement, lorsque j’ai fouiné dans les articles de recherches, je trouvais une majorité d’études asiatiques, notamment chinoises : la société chinoise est traditionnellement collectiviste, mais des études tendent à montrer que les nouvelles générations sont plus individualistes1.



En psycho, voici ce qu’on désigne par culture individualiste et collectiviste2, qu’on distingue aussi par leur horizontalité et leur verticalité :

Dans l’individualisme en général, il y a une croyance que chacun est responsable de soi et que l’intérêt de l’individu prévaut sur celui du groupe. Les individus donnent la priorité à leurs objectifs personnels par rapport aux objectifs de leur groupe et ils se comportent principalement sur la base de leurs attitudes plutôt que sur les normes de leurs groupes. L’individualisme caractérise les sociétés où l’indépendance, l’autonomie, la différenciation sociale, la compétition, l’épanouissement et le bien-être personnel sont au centre (Triandis, 2001).

Dans l’individualisme vertical (c’est-à-dire valorisant plus la hiérarchie), les individus adhèrent aux inégalités de statuts, valorisent la comparaison sociale, la compétition, la recherche de l’intérêt personnel et le pouvoir (de domination) sont valorisés. Et si vous nous suivez, oui, effectivement c’est très proche d’une vision d’un jeu à somme nulle, de pensées d’autoritaires dominateurs (sdo).

Dans l’individualisme horizontal, les individus sont considérés comme égaux, et la liberté individuelle de chacun est valorisée.

Dans le collectivisme en général (qui est le plus répandu sur la planète), il y a préoccupation pour les relations et les liens entre les membres du groupe. La personne donne la priorité aux objectifs du groupe, car l’intérêt du groupe prévaut sur celui de l’individu (Hofstede, 2010). Le collectivisme caractérise les sociétés où l’attachement, l’interdépendance, l’intégrité familiale, la loyauté à un groupe, la sociabilité et la coopération sont au centre (Triandis, 2001).

Dans la version verticale du collectivisme (c’est-à-dire valorisant plus la hiérarchie), l’individu est interdépendant du groupe, mais il se caractérise davantage dans la différence de statut et de pouvoir. Il y a adhésion à l’inégalité de statuts entre personnes, mais le sacrifice au profit du groupe reste un point important. La conformité sociale, le respect de l’autorité et l’asymétrie des relations y sont des aspects importants.

Dans le collectivisme horizontal (c’est-à-dire valorisant plus l’égalité entre personnes) l’individu est perçu comme connecté aux autres, il se construit comme étant égal aux autres. L’égalité et le partage y sont des valeurs essentielles.

Est-ce que la Chine étant traditionnellement plus collectiviste, les paniques autour du surjeu sont d’autant plus fortes que le comportement de jeu paraît individualiste, coupé du monde social IRL ? Et qu’en cas de trouble du jeu, l’individu se coupant des groupes sociaux et donc n’accomplissant pas des valeurs importantes pour une société collectiviste, c’est considéré encore plus inquiétant que dans une société individualiste ?

Ou peut-être que c’est tout autre chose : est-ce que les joueurs collectivistes pourraient être plus accrochés au jeu, car celui-ci a des mécaniques collectives et divers sentiments d’obligations sociales liés au groupe ? Devoir être présent pour son équipe, devoir passer plusieurs heures à faire une instance à plusieurs, gérer la guilde, etc. maintiendrait encore plus fort dans le jeu un joueur collectiviste qu’individualiste qui jouerait prioritairement pour lui-même et non le bénéfice du groupe.

Et enfin, peut-être que l’individualisme et le collectivisme ne sont pas du tout des variables pertinentes pour comprendre ni le trouble du jeu ni pourquoi les chercheurs asiatiques s’y intéressent plus.

Alors j’ai regardé si les recherches avaient étudié ceci :

Une étude de Stavropoulos, Frost, Brown et al (2021)3, sur plus de 1000 participants, mesuraient à la fois le trouble du jeu et le collectivisme/individualisme des joueurs. Les chercheurs ont distingué deux profils : ceux aversifs au collectivisme et ceux neutres vis-à-vis de celui-ci. C’est ceux qui étaient aversifs au collectivisme qui avaient des troubles du jeu plus élevés, dont des symptômes de sevrage, de troubles de l’humeur, de mensonges aux proches, etc. Les chercheurs concluent :

« Ceux qui sont moins collectivistes ou moins influencés par les groupes sociaux afficheront des symptômes d’IGD [internet gaming disorder] plus importants et présenteront un profil qui nécessite une intervention différente de celle des joueurs plus collectivistes. Les chercheurs et les cliniciens devraient mettre l’accent sur la valeur d’appartenance à un collectif et de vivre l’égalité avec les autres en matière de santé mentale et d’habitudes de jeu. »

Stavropoulos, Frost, Brown et al (2021) Internet gaming disorder behaviours: a preliminary exploration of individualism and collectivism profiles https://link.springer.com/content/pdf/10.1186/s12888-021-03245-8.pdf

⬛ L’allergie au collectif : ceux qui sont aversifs au collectivisme ont plus de troubles d’usage dans le jeu. La solution serait d’aider ces personnes à apprécier et valoriser le collectif, l’égalité avec les autres pour qu’ils aillent mieux.
⬛l’allergie au collectif : ceux qui sont aversifs au collectivisme ont plus de troubles d’usage dans le jeu. La solution serait d’aider ces personnes à apprécier et valoriser le collectif, l’égalité avec les autres pour qu’ils aillent mieux.

Une étude4 sur plus de 1000 personnes issues de sociétés multiculturelles confirme encore ce lien entre individualisme et problème de jeu. Les chercheurs ont ici mesuré la dépression, les troubles du jeu et une échelle de collectivisme/individualisme en prenant en compte la verticalité de la culture :

« Les résultats ont démontré que les joueurs présentant simultanément des symptômes de dépression et des penchants individualistes verticaux signalaient des niveaux plus élevés de comportements de jeu à problèmes, sans différence significative entre les sexes. Les résultats obtenus impliquent que les praticiens du monde entier, et en particulier dans les sociétés multiculturelles (par exemple, Australie, États-Unis), devraient prendre en compte les différences culturelles lors de l’élaboration de stratégies de prévention et d’intervention contre les troubles du jeu ».

Dans la même veine, une autre recherche5 montre que les troubles de l’attention associés au trouble du jeu sont liés à un individualisme vertical.

C’est donc l’ancrage dans une vision du monde individualiste vertical, rejetant le collectivisme et l’horizontalité en général, qui poserait problème.

 ⬛ Individualisme vertical : Les problèmes liés à la dépression, l’attention, la fuite des mondes IRL, le surjeu sont accrus par cette vision du monde
⬛Individualisme vertical : Les problèmes liés à la dépression, l’attention, la fuite des mondes IRL, le surjeu sont accrus par cette vision du monde

Une autre étude6 montre aussi un fort lien entre trouble du jeu, motivation à s’échapper et individualisme. 

À ces résultats on pourrait avoir quantité d’hypothèses différentes : peut-être que certains jeux installent culturellement cet individualisme vertical ou renforcent celui préexistant ; peut-être que des joueurs dans une verticalité vont vers certains types de jeu qui renforcent celui-ci ; peut-être que les joueurs sont poussés par des aspects individualistes de la société à choisir des jeux qui l’expriment/le renforcent ; peut-être que les jeux, quelle que soit leur nature, sont pris de façon individualiste verticale par des individus coincés dans cette vision du monde pour des raisons très localisées à leurs environnements sociaux proches ? Et enfin, quel est le rapport à la culture d’un pays ?

Des études sur des surjoueurs, en Chine, par Rao7 vont nous permettre de voir plus facilement toutes ces articulations complexes entre société et comportements, et offriront peut-être même une voie de sortie de ces problèmes. C’est ce qu’on verra la prochaine fois !

La suite : Un camp de traitement pour « l’addiction » à internet  ? [AJ5] – Hacking social



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15.09.2025 à 10:52

⬛Jouer pour oublier ? [AJ3]

Viciss Hackso

Est-ce que vous connaissez quelqu’un d’accro au fait de remplir d’énormes dossiers de justifications aux…
Texte intégral (3803 mots)

Est-ce que vous connaissez quelqu’un d’accro au fait de remplir d’énormes dossiers de justifications aux administrations méfiantes au point d’abandonner toute pratique de jeu vidéo, alors que ça leur plaisait avant ? Vous connaissez quelqu’un qui abandonne sa carrière de cadre à 200 k par an pour préférer changer un maximum de litière pour chat dans sa journée ? Connaissez-vous des gens accros au fait de descendre les poubelles qui en viennent à voler les poubelles de leurs voisins pour s’en occuper ? Effectivement, pour les chercheurs Rigby et Ryan, dans « Glued to games », tout comportement peut devenir « addictif », mais ce sont souvent les plus engageants et les plus agréables qui le sont.


Déroulez pour rattraper les épisodes précédents ⬇
  1. Comment ne plus être « accro » aux jeux-vidéo…
  2. Qu’est-ce qui pousse certains à ne faire que jouer aux jeux de leur vie ?

⬧ Le marécage de l’antiplay : certaines activités nous sont répulsives et parce qu’elles nous sont pénibles, difficiles (ou autres), alors on n’y est pas accro
Le marécage de l’antiplay : certaines activités nous sont répulsives et parce qu’elles nous sont pénibles, difficiles (ou autres), alors on n’y est pas accro

Selon eux, ce serait parce que les jeux sont très séduisants, motivants, parce qu’ils sont efficaces à combler rapidement les besoins qu’ils sont aussi accrocheurs, et qu’en conséquence, certains ont du mal à décrocher, au point de laisser tomber d’autres pans de leur vie. Et c’est une lecture qu’on peut avoir dans la méta-analyse précédente1 : les personnes qui ont des besoins comblés n’ont pas un usage problématique du jeu, et les individus qui jouent trop le font parce que des sphères de leur vie sapent leur proximité sociale, leur besoin de compétence.

  ⬤ Satiété ludique : quand on a ses besoins fondamentaux comblés, on sait profiter et s’arrêter quand il le faut
 
Satiété ludique : quand on a ses besoins fondamentaux comblés, on sait profiter et s’arrêter quand il le faut

Mais si le jeu comble les besoins, pourquoi cela ne semble pas restaurer les surjoueurs, qui, une fois comblés par une partie, seraient par exemple comme rechargés pour affronter les problèmes de leur vie IRL ?

On a vu dans le critère du DSM-5 que le jeu devenait problématique lorsqu’il était utilisé pour fuir des émotions ou des humeurs négatives :

« 8. Joue sur internet pour échapper ou pour soulager une humeur négative (p. ex. des sentiments d’impuissance, de culpabilité, d’anxiété). »

Selon tous ces chercheurs, il y aurait là le signe d’une mauvaise stratégie de régulation émotionnelle ou de coping, qui est l’ensemble des efforts cognitifs et comportementaux destinés à maîtriser, réduire ou tolérer les exigences internes ou externes qui menacent ou dépassent les ressources d’un individu. Plutôt que d’y voir une restauration pour ensuite faire face, ils cherchent à oublier, à effacer les émotions négatives, à fuir et même à dissocier.

On parle ici de mauvaises stratégies de coping parce que le jeu est utilisé comme une fuite pour ne pas régler le problème qui persiste donc à être là – qu’il soit interne ou externe -, amenant donc à jouer encore plus pour fuir toujours plus. On peut aussi voir cette mécanique avec des substances : certains boivent de l’alcool rarement, seulement pour une fête de temps en temps, pour s’amuser avec des amis, mais ils arrivent à s’amuser par ailleurs sans qu’il y ait de l’alcool. Ils ne font pas de l’alcool ni une solution à leurs problèmes ou à leurs émotions négatives, ni une habitude. Ils gardent le contrôle en toute conscience de la substance, l’utilisant comme une sorte de divertissement très ponctuel. Mais d’autres vont boire pour oublier les problèmes d’une journée : la stratégie d’oublier avec l’aide d’une substance ou d’une activité n’aidera pas, puisqu’un problème nécessite d’être traité, il y a donc besoin qu’on y réfléchisse et qu’on agisse. L’oubli ou le grand remplacement de celui-ci par l’ivresse ne sera qu’un bienfait extrêmement temporaire. Et c’est ce même contraste qu’on voit apparaître dans les recherches entre un usage « pour profiter encore plus » et un usage « pour oublier cette vie de m*rde ».

En 2006, dans une étude de Wan et Chiou à Taïwan2, il est trouvé une corrélation négative entre l’intérêt/le plaisir à jouer et la tendance à la dépendance. Autrement dit, quand il y a plaisir dans le jeu, la dépendance a peu de chances d’être là. Pour ceux qui sont connaisseurs de la notion de flow qu’on a déjà évoqué à plusieurs reprises (ici et ), les surjoueurs avaient moins de flow au jeu, donc on ne peut pas dire que vivre du flow en jeu rend plus accro, puisque c’est exactement l’inverse qui semble se produire.

LE FLOW
Ou « expérience psychologique optimale » en français.

Le flow, littéralement le flux en anglais, est l’état mental atteint par une personne lorsqu’elle est complètement immergée dans ce qu’elle fait, dans un état maximal de concentration. Cette personne éprouve alors un sentiment d’engagement total et de réussite. Ce concept a été élaboré par le psychologue Mihály Csíkszentmihályi.

Pour l’atteindre, il faut :

Des compétences/connaissances adaptées à l’activité

Être aux commandes de l’activité

Être immergé dans l’activité (concentration)

Du défi, suffisamment de difficulté

L’activité doit fournir un feedback ou on doit être suffisamment compétent pour le repérer

Un objectif déterminé

Impossible de l’atteindre si :

On est incompétent

Quelqu’un d’autre commande l’activité

On ne peut pas se concentrer

L’activité est trop facile ou trop difficile

L’activité ou ses compétences ne permettent pas d’avoir un feedback

On n’a pas d’objectif ou on n’arrive pas à s’en fixer

Les effets du flow :

L’égo disparaît, on oublie sa propre existence

La notion de temps est tordue

Après l’activité à flow, on ressent une sérénité, un accomplissement.

Mais atteindre le flow n’est pas synonyme de :

Talent, génie : on peut ressentir du flow pour des activités de noobs

Moral : on peut ressentir du flow pour des activités ignobles pour autrui

Être en phase avec le monde : le flow en lui-même donne cette impression d’être en phase avec le monde, or on peut le ressentir pour des activités égoïstes/inutiles/sadiques/etc.

Sources :

Vivre, la psychologie du bonheur, Mihály Csíkszentmihályi

Le bonheur n’est pas celui qu’on nous vend, la preuve par le flow, Hacking-social.com
Les caractéristiques principales du flow ; elles sont détaillées ici : ⬟ [FL1] Donner des sens à la vie : la piste du flow – Hacking social

Rigby et Ryan expliquent que dans cet usage problématique du jeu, l’individu vise à soulager son insatisfaction plutôt qu’à chercher la satisfaction. Plus on jouerait compulsivement pour échapper à une vie insatisfaisante, moins les jeux seraient satisfaisants, car on se séparerait des sources de changements et de soutien qui pourraient nous conduire vers plus de bien-être.

 ⬧ La poussière sous le tapis : on ne peut jamais oublier un problème. Vouloir l’écarter, le faire disparaître le fait au contraire devenir plus maître de nos comportements.
La poussière sous le tapis : on ne peut jamais oublier un problème. Vouloir l’écarter, le faire disparaître le fait au contraire devenir plus maître de nos comportements.

Une autre étude, de Przybylski3 montre qu’effectivement les personnes ayant une moindre satisfaction des besoins fondamentaux auront plus d’obsession, de compulsion à jouer sans plaisir, y mettront plus de temps et en récolteront plus de tension. Alors que les personnes dont les besoins sont satisfaits IRL auront moins de tensions après avoir joué, plus d’énergie et de vitalité, plus de plaisir à jouer. Les uns essayent d’oublier et de fuir, les autres de récolter de la satisfaction pour l’exporter ensuite IRL.

On pourrait avoir ce comportement « addictif » avec la nourriture, un sport extrême, un travail : même s’il n’y a plus de plaisir ou de satisfaction, on pourrait se remettre à chercher les « shoots » initiaux qu’on avait avec l’activité quand ça allait bien. On pourrait préférer être là qu’ailleurs, où les besoins sont encore plus sapés, où les problèmes sont perçus comme ingérables ou qu’on ne sait plus quoi faire pour résoudre la situation. Le problème reste de prendre le jeu ou n’importe quelle activité de façon obsessionnelle comme moyen de fuite et non pas comme un apport supplémentaire pouvant apporter quelque chose pour aider dans les autres sphères de la vie.

Mais n’allez pas blâmer les personnes pour autant : pour prendre l’activité et ses bénéfices en eux-même, donc opérer une « bonne » stratégie, il est nécessaire d’aller suffisamment bien et d’être dans des conditions de vie suffisamment bonnes pour laisser passer la lumière de l’espoir. Certaines conditions corrélées au surjeu vues dans les études précédentes4 sont écrasantes : comment un adolescent qui se fait maltraiter par ses parents, n’a pas de relations positives à l’école, n’est pas aidé par quiconque, pourrait apercevoir ce petit espoir de résolution des problèmes ? Personne ne lui donne rien à espérer, tout au contraire, il est sans cesse ramené à l’échec, à l’impossibilité de vivre comme les autres : seul le jeu vidéo est assez sympa pour lui offrir des occasions de montrer ses compétences et un peu de comblement des besoins ; et étant jeune, il n’a pas la liberté de quitter la famille sapante ou l’école sapante pour tenter de trouver un environnement social meilleur. Lui demander de faire des efforts pour développer une bonne stratégie de coping, du self control, de la haute conscienciosité, alors qu’il n’a personne ni pour lui expliquer ou le soutenir dans cette démarche serait refuser de se mettre à sa place. À vrai dire, pour avoir connu des surjoueurs et sachant leur condition de vie, je me suis souvent dit qu’au final même s’ils ne faisaient que ça de leur vie, c’était déjà une réussite que d’être debout et faire des choses. Certes c’était une existence écartée, mais d’une façon relativement paisible contrairement à ceux, à mêmes conditions de vie que je voyais plonger dans la criminalité, la violence ou les drogues dures.

Tout comme les gens qui décident de boire pour oublier, quand bien même c’est une mauvaise stratégie de résolution de problèmes, ils ne se mettent pas à le faire parce qu’ils ont la bêtise de ne pas inventer d’autres stratégies ou d’autres usages. J’ai été frappée de remarquer récemment que presque toutes les séries et films étasuniens montrent toujours cette stratégie sans regard critique, présentée d’une façon qui pourrait apparaître comme « voici ce à quoi sert l’alcool », montrant le héros ou l’héroïne boire parce qu’il/elle a eu une journée difficile, se servant un verre ou plusieurs, voire invite ces collègues à boire tout en désespérant et rationalisant ensemble qu’ils en ont bien besoin ou qu’ils le méritent. Les éléments culturels nous ont appris cet usage malsain de la substance. Tout comme la culture peut glorifier une conduite malsaine au travail, addictive, en glorifiant les profils qui laissent tomber toutes les autres sphères de la vie. La question que je me pose, c’est qu’est-ce que nous dit la culture de l’usage des jeux et plus généralement des divertissements (dans lequel il est classé) ?

« Un divertissement est une activité qui permet aux êtres humains d’occuper leur temps libre en s’amusant et de se détourner ainsi de leurs préoccupations. Les divertissements forment l’essentiel de la famille plus large des loisirs » https://fr.wikipedia.org/wiki/Divertissement

« Le loisir est un moment dont on peut librement disposer par opposition au temps prescrit par une activité obligatoire voire rémunératrice, exercée à titre principal (emploi, activités domestiques, éducation des enfants…) et les contraintes qu’elle impose (temps de trajet aller et retour, temps de préparation et de rangement voire nettoyage…). Par extension, la notion de loisir s’étend à l’exercice d’une activité distrayante ou studieuse mais secondaire ou “passe-temps” durant lequel il est possible de l’exercer voire de s’y perfectionner, contraintes incluses (randonnée, jeu d’échec, peinture…). » https://fr.wikipedia.org/wiki/Loisir

Eh oui, notre culture nous dit littéralement qu’un divertissement est fait pour oublier et qu’il doit être totalement séparé de la vie, alors que c’est spécifiquement cet usage qui pourrait être à dérive. Je pourrais publier tout un dossier sur cette question, mais pour éviter de vous faire un roman, l’histoire de cette grande séparation des divertissements et du monde sérieux ou réel ne date pas d’hier et a une histoire philosophique et culturelle très ancienne, très ancrée en occident. Cette définition est littéralement la conception du philosophe Pascal mal comprise. Certes, Pascal réprouvait le fait de se divertir pour oublier, mais d’une part il pouvait entendre comme divertissement des domaines que nous n’avons pas l’habitude de mettre dans cette catégorie comme l’algèbre ou la guerre, et d’autre part, il accusait surtout le fait d’être inconscient d’utiliser ces domaines comme une diversion de ce qui compte5. À l’inverse il ne voyait rien de mal dans le fait qu’une personne utilise un loisir sciemment pour oublier ponctuellement un malheur dans sa vie, parce qu’elle le faisait en toute conscience.

Ceci étant dit, on peut avoir d’autres conceptions des règles du jeu du divertissement et beaucoup d’auteurs théorisent voire montre à quel point le jeu peut être connecté à quelque chose de sérieux, de spirituel, bref quelque chose qui ne fuit pas le réel mais au contraire qui vient comme condenser l’existence sous une forme différente pour mieux l’appréhender. Parfois, c’est au point qu’il est difficile de dire si ce que la personne fait tient du rituel ou du jeu, voire pourrait être simultanément les deux à la fois. En occident on a aussi séparé la question de l’art au jeu, alors qu’ailleurs cela peut être traditionnellement considéré comme le même genre activité6.

Alors on peut se demander : est-ce que le surjeu aurait quelque chose de culturel ? C’est ce que nous verrons la prochaine fois !

La suite : Jouer en collectiviste ou en individualiste ? [AJ4] 


Note de bas de page

Déroulez pour consulter toutes les notes de bas de page et la biblio ↩

La bibliographie complète est présente ici : Bibliographie [AJV]

1Li, S., Wu, Z., Zhang, Y., Xu, M., Wang, X., & Ma, X. (2023). Internet gaming disorder and aggression: A meta‑analysis of teenagers and young adults. Frontiers in Public Health, 11, 1111889. https://www.frontiersin.org/journals/public-health/articles/10.3389/fpubh.2023.1111889/full

2Cité dans Glued to game, la référence exacte est : Wan, C. S., & Chiou, W. B. (2006). Psychological motives and online games addiction: A test of flow theory and humanistic needs theory for Taiwanese adolescents. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16780399/

3Przybylski, A. K., & Weinstein, N. (2019). Investigating the motivational and psychosocial dynamics underlying dysregulated gaming: A self-determination theory perspective. https://selfdeterminationtheory.org/wp-content/uploads/2020/05/2019_PrzybylskiWeinstein_APS.pdf

 4Je pense notamment à cette méta-analyse : Li, S., Wu, Z., Zhang, Y., Xu, M., Wang, X., & Ma, X. (2023). Internet gaming disorder and aggression: A meta‑analysis of teenagers and young adults. Frontiers in Public Health, 11, 1111889. https://www.frontiersin.org/journals/public-health/articles/10.3389/fpubh.2023.1111889/full

5Pascal, B. (s.d.). Divertissement 4. Pensées de Pascal. Consulté le 15 août 2025, sur https://www.penseesdepascal.fr/Divertissement/Divertissement4-moderne.php

 6En Chine par exemple, comme on peut le voir dans l’ouvrage «  Games & Play in Chinese & Sinophone Cultures » Li Guo, Douglas Eyman, and Hongmei Sun

L’image d’entête provient de cette pub par David Lynch pour la playstation 2 :


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08.09.2025 à 10:35

⬛Qu’est-ce qui pousse certains à ne faire que jouer aux jeux de leur vie ? [AJ2]

Viciss Hackso

On va d’abord regarder les caractéristiques individuelles, interpersonnelles, sociales en lien avec la pratique excessive…
Texte intégral (5896 mots)

On va d’abord regarder les caractéristiques individuelles, interpersonnelles, sociales en lien avec la pratique excessive du jeu vidéo.


Déroulez pour rattraper les épisodes précédents ⬇
  1. Comment ne plus être « accro » aux jeux-vidéo

Une méta-analyse de 2023 par Li, Wu, Zhang, Xu, Wang, & Ma1 incluant 37 042 sujets de divers continents (24 études en Chine, Corée du Sud, Singapour ; 13 études provenant d’Allemagne, Espagne, Pays-Bas, Norvège, États-Unis et Australie) nous montre que les facteurs qui prédisent le plus le trouble du jeu sont, par ordre de puissance :

  1. Le temps de jeu. Le cœur de la notion de trouble d’usage étant le fait de trop jouer, c’est parfaitement logique de trouver ce facteur en premier. Autrement dit, on n’en apprend pas beaucoup avec ce seul facteur.
  2. La solitude. Cela peut être considéré comme le premier facteur lié au surjeu, le précédent n’était lié qu’à la définition du concept.
⬛ Connexion introuvable : l’individu ou les environnements sociaux pourraient ne pas contenir proposer assez d’opportunités de sociabilité satisfaisante ou savoir comment les saisir pleinement.
⬛Connexion introuvable : l’individu ou les environnements sociaux pourraient ne pas contenir proposer assez d’opportunités de sociabilité satisfaisante ou savoir comment les saisir pleinement.

Par exemple, le Joueur du grenier explique très bien son expérience de surjeu, comment il était accro à l’aspect social du jeu à cause d’une certaine solitude (et comment il en est sorti grâce à des relations sociales extérieures) :

  1. Le trouble des médias sociaux, qui est caractérisé ici par le fait d’être très préoccupé par les médias sociaux, ressentir le besoin incontrôlable de s’y connecter/de l’utiliser et d’y consacrer beaucoup de temps et d’effort au point que ça affecte d’autres sphères de la vie.
  2. L’affiliation à des pairs déviants (c’est-à-dire ayant des comportements agressifs, de triche, d’abus de substance2).
  3. L’agressivité.
  4. L’anxiété.
  5. Les troubles d’attention/d’hyperactivité.
  6. La dépression.
⬛ En roue libre : l’individu pourrait avoir du mal à réguler son activité, car certaines caractéristiques personnelles prennent le dessus. il s’agit d’investiguer leurs déterminants tant personnels que sociaux pour trouver une solution.
⬛ En roue libre : l’individu pourrait avoir du mal à réguler son activité, car certaines caractéristiques personnelles prennent le dessus. il s’agit d’investiguer leurs déterminants tant personnels que sociaux pour trouver une solution.

9. La maltraitance par la famille (violence physique, émotionnelle et/ou sexuelle ; négligence).

⬛ Zone de fuite : L’individu pourrait avoir trouvé dans une activité qu’il fait « trop » le seul endroit où il n’est pas maltraité, où il n’est pas soumis à des conditions très pénibles.

10. La recherche de sensations (un trait de personnalité inclus dans la catégorie extraversion).

Les hauts scores éprouvent un besoin pressant d’excitation et de stimulation. Elles apprécient les couleurs vives, les milieux bruyants ou les sensations fortes.

Les bas scores n’éprouvent pas beaucoup ce besoin de stimulation et mènent une vie que les hauts scores trouveraient ennuyeuse.
« Les hauts scores éprouvent un besoin pressant d’excitation et de stimulation. Elles apprécient les couleurs vives, les milieux bruyants ou les sensations fortes. Les bas scores n’éprouvent pas beaucoup ce besoin de stimulation et mènent une vie que les hauts scores trouveraient ennuyeuse. » Plus d’informations ici : ♦PP2 : Le questionnaire de votre personnalité

11. La vulnérabilité sociale, qui correspond à une fragilité matérielle et morale à laquelle est exposé un individu.

12. L’impulsivité.

L’impulsivité se réfère à la difficulté de contrôler les envies et pulsions. Les désirs sont perçus de façon très forte, l’individu n’arrive pas à résister même s’il peut regretter après. Ces désirs incontrôlés, impulsifs, peuvent porter sur la nourriture, la cigarette, la possession de biens matériels, etc.

Pour les personnes à bas score, il est plus facile de résister aux tentations, la frustration est mieux tolérée.
« L’impulsivité se réfère à la difficulté de contrôler les envies et pulsions. Les désirs sont perçus de façon très forte, l’individu n’arrive pas à résister même s’il peut regretter après. Ces désirs incontrôlés, impulsifs, peuvent porter sur la nourriture, la cigarette, la possession de biens matériels, etc.
Pour les personnes à bas score, il est plus facile de résister aux tentations, la frustration est mieux tolérée. » Plus d’informations ici : ♦PP2 : Le questionnaire de votre personnalité

Dans d’autres recherches on trouve aussi que les traits de narcissisme3 peuvent être connectés à un trouble du jeu :

Dans une étude de Kim, et al., 2008 en Corée du Sud sur 1471 joueurs en ligne (82 % de l’échantillon était masculin) sur divers jeux (WOW, Lineage II, Mabinogi ou autre) l’addiction au jeu est corrélée au trait d’agression et aux traits narcissiques, par contre le self-control est décorrélé de l’addiction.

Une faible intelligence émotionnelle chez les très jeunes serait aussi prédictive d’un jeu problématique (Parker et al., 2008), dans une étude sur 458 personnes au Canada. Dans ce même esprit, une étude de Grüsser, et al., 2005 sur 323 enfants de 11 à 14 ans en Autriche, a repéré 30 enfants qui remplissaient les critères du DSM (qu’on a vu précédemment). Ceux-ci communiquaient et partageaient moins leurs sentiments, ils utilisaient les jeux/l’ordinateur quand ça allait mal pour réguler leurs sentiments, réduire leur stress, et supprimer les émotions. Or cette stratégie de tenter de supprimer ces émotions n’est clairement pas la plus optimale pour aller mieux.

Figure 4: ⬛ La grande déconnexion : utiliser des activités pour supprimer ou « oublier » les émotions et non les identifier/comprendre, les explorer, les partager, identifier et comprendre celles d’autrui.
⬛ La grande déconnexion : utiliser des activités pour supprimer ou « oublier » les émotions et non les identifier/comprendre, les explorer, les partager, identifier et comprendre celles d’autrui.

À l’inverse, des stratégies de régulation émotionnelle plus profitables4 pour la personne et son environnement social seraient par exemple :

– d’identifier et comprendre l’émotion et l’information précieuse qu’elle contient sur notre rapport à la situation, nos attentes, nos croyances, nos valeurs, nos visions du monde.

– d’explorer suffisamment l’émotion et tous ces déterminants internes et externes. Cela va nous donner des pistes pour régler un problème et surtout décider de l’orientation de notre vie : sans accès à l’émotion, on ne peut pas décider, savoir ce dont on a vraiment besoin, ce qui convient le mieux à notre existence en société.

– de partager émotionnellement avec l’autre. Non seulement une autre perspective peut nous donner des informations, des idées, de nouvelles façons de voir un problème, mais aussi de fournir une aide directe (la personne peut faire quelque chose pour régler le problème), ou encore renforcer les liens. Par exemple :

réadapté d’un schéma que l’on retrouve dans « Les compétences émotionnelles » Moïra Mikolajczak, Jordi Quoidbach, Ilios Kotsou, Delphine Nelis

– d’identifier et comprendre l’émotion de l’autre. Cela n’est possible que si on comprend bien ses propres émotions, honnêtement. Ceci étant dit, ce n’est pas un jeu de devinettes, on peut directement demander à la personne quels sont ses ressentis et ses affects au sujet d’une situation ou d’un évènement.

Zone de puissance émotionnelle : développer ses compétences socio-émotionnelles permet de maîtriser plus davantage son rapport au monde et d’obtenir les conséquences ou effets souhaités.

À noter que supprimer l’émotion n’est pas la seule stratégie problématique. L’extérioriser, c’est-à-dire s’énerver sur un inconnu pour se défouler d’une frustration par exemple, n’est pas une stratégie efficace à long terme. Car le problème provoquant la frustration est maintenu tel quel, et des personnes sont injustement victimes de cette extériorisation, et l’agresseur est perçu comme indigne de confiance à cause de son impulsivité ou ses comportements injustifiés.

En 2009, King & Delfabbro5 ont étudié 399 personnes en Australie et leurs motivations à jouer, tout d’abord celles autonomes et déterminées par un lien personnel à un aspect du jeu :

Motivation intrinsèque au savoir : jouer pour la poursuite des connaissances sur le jeu, y compris l’apprentissage, l’exploration et la compréhension de tous les éléments du jeu.

Motivation intrinsèque à l’accomplissement : jouer répond au besoin interne de terminer le jeu ou de surmonter ses défis, ainsi que d’améliorer ses compétences dans le jeu.

Motivation intrinsèque à l’expérience de stimulation : Jouer aux jeux-vidéo pour le plaisir et l’excitation associée à l’activité.

Ils ont aussi étudié des motivations moins autonomes et davantage liées à quelque chose d’extérieur à la personne. Ces motivations sont connues pour être liées à des besoins frustrés et des exigences extérieures à la personne, ainsi que d’être de moins bonne qualité :

Motivation extrinsèque identifiée : Jouer pour obtenir une valeur personnelle telle que la reconnaissance sociale.

Motivation extrinsèque introjectée : Jouer à des jeux-vidéo pour se libérer de la tension ou de la culpabilité. Paradoxalement, il se peut que ces sentiments négatifs soient provoqués par le temps excessif passé à jouer aux jeux-vidéo.

Motivation extrinsèque externe : Jouer pour les récompenses, les objets ou réalisations dans le jeu-vidéo.

Amotivation : Jouer à des jeux-vidéo pour soulager le sentiment d’ennui, mais sans but, de manière apathique, mentalement désengagé et sans sens.

Celles qui sont les plus prédictives d’un usage problématique du jeu se sont avérées être liées à la motivation intrinsèque à la stimulation, la motivation extrinsèque à la régulation identifiée et l’amotivation.

⬧ Le point de bascule : il existerait un moment où notre rapport à l’activité passe de motivations à effets positifs à des motivations aux conséquences préjudiciables. il s’agit donc de changer soit d’activité, soit de rapport à celle-ci pour ne pas tomber dedans.
Le point de bascule : il existerait un moment où notre rapport à l’activité passe de motivations à effets positifs à des motivations aux conséquences préjudiciables. il s’agit donc de changer soit d’activité, soit de rapport à celle-ci pour ne pas tomber dedans.

Selon les chercheurs, il y aurait progressivement une transformation de motivations au départ relativement « saines », comme les motivations intrinsèques au jeu, puis le temps excessif passé en jeu en fait adopter d’autres qui s’avèrent plus problématiques, plus liées à la question des addictions. Ce changement suppose lui aussi de mauvaises stratégies psychologiques d’utilisation du jeu, comme l’utiliser pour oublier voire supprimer leurs sentiments négatifs, ce qui trouve encore écho avec les études précédentes. C’est pourquoi on a le résultat étonnant de surjoueurs qui peuvent jouer même si ça les ennuie, qu’ils sont désengagés et qui n’y trouvent plus de sens (=l’amotivation) ou façon Elon Musk qui cherche un résultat instrumental aux jeux, à savoir la reconnaissance sociale (motivation extrinsèque identifiée).

À l’inverse, les facteurs qui protègent d’un trouble du jeu, seraient selon la revue et la méta-analyse de Zhuang, X. (2023)6 :

  1. Le self-control.
  2. Le trait de personnalité « conscienciosité ».
Les hauts scores sont scrupuleux, méticuleux et fiables dans leurs devoirs. Ils consacrent du temps à planifier, réfléchir avant de décider, ranger, ordonner, organiser et gérer les tâches. Ils peuvent ne pas aimer improviser, être spontané ou non-perfectionnistes.

Les scores moyens peuvent parfois être dans une mode de conscienciosité prononcée comme dans un mode plus spontané.

Un score bas représente moins d’exigence vis-à-vis de l’application de règles, être plus laxiste dans la poursuite d’objectif et le fait de ne pas suivre des plans définis. Cela peut représenter une préférence pour l’improvisation, la spontanéité, la vie au jour le jour.
« Les hauts scores sont scrupuleux, méticuleux et fiables dans leurs devoirs. Ils consacrent du temps à planifier, réfléchir avant de décider, ranger, ordonner, organiser et gérer les tâches. Ils peuvent ne pas aimer improviser, être spontané ou non-perfectionnistes. Les scores moyens peuvent parfois être dans une mode de conscienciosité prononcée comme dans un mode plus spontané. Un score bas représente moins d’exigence vis-à-vis de l’application de règles, être plus laxiste dans la poursuite d’objectif et le fait de ne pas suivre des plans définis. Cela peut représenter une préférence pour l’improvisation, la spontanéité, la vie au jour le jour. » Plus d’informations ici : ♦PP2 : Le questionnaire de votre personnalité

3. La relation avec les pairs.

4. Le trait de personnalité « agréabilité ».

Les hauts scores ont tendance à être altruistes, à éprouver de la compassion : ils éprouvent de la sympathie et de la confiance pour les autres et veulent les aider car ils sont sensibles à leurs problèmes. Ils évitent les conflits et font des concessions quitte à parfois se soumettre aux autres au détriment de leur bien-être.
Les scores moyens peuvent être parfois dans le profil haut et montrer des caractéristiques de sensibilité, d’altruisme tout comme être bas selon les situations.
Les individus qui ont un score bas sont perçus comme désagréables, cherchant le conflit. Ils pensent d’abord à leur intérêt, sont égocentriques, ne montrent pas d’empathie pour les autres qui sont vus avec méfiance. Un score bas en agréabilité, associé également à d’autres traits, peut être lié au narcissisme, au profil antisocial, voire paranoïaque. Plus d’informations ici : ♦PP2 : Le questionnaire de votre personnalité

5. L’estime de soi.

  1. L’engagement scolaire (cela correspond aux relations positives et soutenantes reçues de la part des enseignants, des camarades et de l’environnement scolaire).
  2. Les besoins d’autonomie comblés.
Plus d’infos ici : ⬟ Se motiver et motiver autrui : une histoire d’autodétermination – Hacking social

8. Les relations parent-enfants.

9. Les besoins de proximité sociale comblés.

Plus d’infos ici : ⬟ Se motiver et motiver autrui : une histoire d’autodétermination – Hacking social
  1. Une bonne moyenne scolaire (GPA grade point average).
  2. Le soutien social.
  3. La supervision parentale.

Autrement dit, quand ça va bien IRL, que les relations sont bonnes et les besoins fondamentaux comblés, les caractéristiques liées à une bonne autogestion de ses activités (ce qu’on voit à travers le self control, la conscienciosité) sont facilités.

En bref, chez les personnes à trouble du jeu, les mondes non-virtuels et ce qu’il pourrait apporter de bénéfique sont cassés. Il y a des problèmes interpersonnels qui font que les relations sont absentes (on se rappelle que la solitude était le facteur le plus important dans le surjeu) ou problématiques, que ce soit à l’école ou dans la famille, et des problèmes de conditions de vie. La personne étant seule ou très mal entourée, elle va chercher dans les jeux en ligne une meilleure compagnie et le jeu devient la seule sphère de sociabilité. Mais comparé aux mondes non virtuels, cela peut être une sphère relativement réduite en possibilité, donc cela peut être un espace où il n’est pas possible de réfléchir et construire des stratégies qui permettent de résoudre des problèmes se posant IRL. Comme on le voyait dans l’extrait du JDG et qui se retrouve aussi dans les entretiens avec des surjoueurs, comme la communauté en ligne devient le seul lieu de sociabilisation, il est très difficile de mettre un stop au jeu, même si on le veut, parce que ça serait faire une croix sur cette sociabilisation.

Dans les facteurs participants à surjouer, même tout ce qui semble très individuel, comme le problème d’utiliser le jeu pour oublier, a une part sociale : pourquoi ces enfants ne pouvaient pas exprimer leurs sentiments ? Pourquoi personne ne leur avait appris à gérer leurs émotions ? ou pourquoi évitaient-ils d’exprimer leurs émotions ? Est-ce qu’il était dangereux pour eux de dire leurs émotions ? Le narcissisme n’arrive pas « par nature », pas plus que l’agressivité : c’est une réponse parfois à des traumatismes, parfois à des apprentissages sociaux, des contextes particuliers qui l’ont transmis ou se sont configurés d’une façon qui amènent les individus à devenir ainsi, parce que c’est une façon de gérer une existence socialement compliquée.

Le reflet des games : même dans un problème qui semble très individuel, il y a le reflet de tous les environnements sociaux de la personne et leur gameplay mutuel

C’est d’autant plus net lorsqu’on regarde les facteurs qui protègent du surjeu et qui sont pour grand nombre d’entre eux liés à de bonnes relations sociales, du soutien, des besoins comblés. Ce qui pourrait être qualifié comme des qualités personnelles (self-control, traits de personnalité, estime de soi) sont connues pour être en fait liées à de bonnes conditions ayant permis de les faire émerger, comme un soutien familial, scolaire, des opportunités d’apprentissage adaptées, etc. Des recherches récentes sur la personnalité7 montrent que les personnes changent l’expression de leur personnalité selon ce que la situation demande afin d’atteindre divers buts, et ils peuvent aussi interpréter les demandes de la situation différemment selon leur moyenne de personnalité. Donc si une personne est en anxiété par exemple, il y a à se poser la question de pourquoi c’est une stratégie qu’elle répète pour faire face à ces situations : il y a utilité, des effets, qui sont entretenus par l’environnement social. Peut-être que l’environnement social sort de son indifférence et offre de la proximité sociale uniquement si elle exprime de l’anxiété, peut-être qu’il valorise le fait d’exprimer de l’anxiété ou que la personne a appris que c’était le « bon » état à avoir, peut-être que l’environnement social a décrédibilisé un état inverse d’espoir qui est de réfléchir aux possibilités positives, peut-être qu’il humilie moins la personne si elle est dans le mal-être, peut-être qu’un environnement social est menaçant de façon imprédictible, illogique, ce qui fait que la personne s’est habituée à calculer tous les problèmes possibles pour éviter ses courroux et les traumas, etc.

La suite : Jouer pour oublier ? [AJ3]


Note de bas de page

Déroulez pour consulter toutes les notes de bas de page et la biblio ↩

La bibliographie complète est présente ici : Bibliographie [AJV]

L’image d’entête est un mix de celle ci : Je viens d’atteindre 1000 jours de jeu sur le jeu principal ! : r/wow et celle là : World of Warcraft 20th Anniversary Official Art : r/wow

1Li, S., Wu, Z., Zhang, Y., Xu, M., Wang, X., & Ma, X. (2023). Internet gaming disorder and aggression: A meta‑analysis of teenagers and young adults. Frontiers in Public Health, 11, 1111889. https://www.frontiersin.org/journals/public-health/articles/10.3389/fpubh.2023.1111889/full

2Fergusson and Horwood, 1999, Fergusson et al., 2003, Keijsers et al., 2012

3Mesuré ici par la « narcissistic personality disorder scale »

4Qui peuvent d’ailleurs entrer dans ce qui est nommé « intelligence émotionnelle » ; la notion d’intelligence émotionnelle est parfois douteuse quand elle est présentée comme un autre QI, voire est essentialisée. Mais quand elle se réfère à des compétences socio-émotionnelles, ce n’est pas essentialisant, car cela renvoie toujours à quelque chose qui a pu être appris, et qui est extrêmement utile à l’individu et quant à sa capacité à se lier socialement et émotionnellement au monde. Ces compétences sont très bien expliquées ici « Les compétences émotionnelles » Moïra Mikolajczak, Jordi Quoidbach, Ilios Kotsou, Delphine Nelis

5 https://d1wqtxts1xzle7.cloudfront.net/4408044/jcr_2_2_-libre.pdf?1391742647=&response-content-disposition=inline%3B+filename%3DrEactiVity_to_VirtUal_rEality_immErsions.pdf&Expires=1711617868&Signature=JpSlsLH84xPFYmQEkvu6s10LK8BCrh7YFpPeW0BwGzL9eV0CRfhlHE8K42V3Fgj42h37iRvH9qoOkX6PjtvXGG-UrhfzXCO-Jopk80Ga5Vkb7NBhPDZ5MxuVZ2tQlnCkv~NsULxgjk37SCFHiV16fJCOGhN0M3auL4zCVv-y3XUjgp5lK6z69mw1BuzBvKMMezgIqUy-XufPsZyembcciMCHmA1oUU7ll2YmmYdTw1FTu2cLIdh0I1DfMJ97FGFV26NdVM~y0JJYFo2bJx7Gh4ScIU2US~NpKY8sjru1OMdBzrbt03tzbl92CPalZkt7NutkD82gBb~0M~jd0lLlQA__&Key-Pair-Id=APKAJLOHF5GGSLRBV4ZA#page=49

6 https://akjournals.com/view/journals/2006/12/2/article-p375.xml

7On en a parlé ici : https://www.hacking-social.com/2023/06/05/les-etats-de-personnalite-ou-lon-decouvre-quon-est-plus-different-de-nous-memes-que-des-autres/ ; là https://www.hacking-social.com/2023/06/12/%e2%99%a6pp11-le-pouvoir-des-situations-sur-la-personnalite/ et là ; https://www.hacking-social.com/2023/06/19/%e2%99%a6pp12-nos-buts-produisent-notre-personnalite/ les principales recherches évoquées sont : Fleeson W, Gallagher P. The implications of Big Five standing for the distribution of trait manifestation in behavior: fifteen experience-sampling studies and a meta-analysis. J Pers Soc Psychol. 2009 Dec;97(6):1097-114. doi: 10.1037/a0016786. PMID : 19968421 ; PMCID : PMC2791901. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2791901/?source=post_page ; Fleeson W, Jayawickreme E. Whole Trait Theory. J Res Pers. 2015 Jun 1;56:82-92. doi: 10.1016/j.jrp.2014.10.009. PMID: 26097268; PMCID: PMC4472377. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4472377/ ; Fleeson, Situation-Based Contingencies Underlying Trait-Content Manifestation in Behavior, 2007 https://ubc-emotionlab.ca/wp-content/uploads/2012/05/Fleeson-2007-Situation-Based-Contingencies.pdf ; Fleeson, W. (2001). Toward a structure- and process-integrated view of personality: Traits as density distributions of states. Journal of Personality and Social Psychology, 80(6), 1011–1027. https://doi.org/10.1037/0022-3514.80.6.1011 ; Jayawickreme, E., Zachry, C. E., & Fleeson, W. (2018). Whole Trait Theory: An integrative approach to examining personality structure and process. Personality and Individual Differences. doi:10.1016/j.paid.2018.06.045 ; Prentice M, Jayawickreme E, Fleeson W. (2018) Integrating whole trait theory and self-determination theory. J Pers. 2019 Feb;87(1):56-69. doi: 10.1111/jopy.12417. Epub 2018 Aug 14. PMID: 29999534.


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01.09.2025 à 11:09

📂Comment ne plus être « accro » aux jeux-vidéo… [AJV1]

Viciss Hackso

….et plutôt se relier à la vie avec eux ? Après plus d’une dizaine d’années à…
Texte intégral (5621 mots)

.et plutôt se relier à la vie avec eux ?

Après plus d’une dizaine d’années à exercer sur internet, je n’ai qu’une idée floue et confuse de ce qui vous fait cliquer sur un contenu et y rester. Par contre, si vous êtes arrivé via Google c’est parfois plus clair. Ainsi, si vous venez d’une requête qui ressemble au titre de cet article, peut-être que vous en avez marre de trop jouer, peut-être que ça empiète sur votre existence au point de vous faire honte ou de vous détester. Peut-être que c’est autrui que vous considérez jouer trop, au point que ça vous inquiète pour son avenir.

Si vous venez des réseaux sociaux, il est possible que ce titre ait fait l’office d’un appât à rage et que toutes dents dehors vous vous apprêtez à défoncer un énième contenu psychiatrisant le champ des jeux vidéo ou les écrans.

Peut-être qu’au contraire, vous trouverez que c’est une excellente idée que de s’attaquer à ces foutus jeux-vidéo qui volent nos forces et temps de cerveau disponible, nous aliènent ou nous écervèlent et qu’il est grand temps d’arrêter de nourrir cette industrie aliénatrice qui empêche de s’atteler à la révolution1 ou de gaspiller son temps alors qu’on pourrait se consacrer à s’élever dans la société plutôt que stagner dans une basse classe2. Peut-être que certains d’entre vous diraient que les jeux vidéo ne sont tolérables que s’ils préparent, entraînent en mode simulateur à la guerre civile, voire « raciale »3.

Bienvenue à tous ! Ici il ne va pas s’agir de juger ni le jeu vidéo, ni les joueurs, mais de comprendre ce que dit la recherche sur le « surjeu », ses découvertes sur pourquoi il est qualifié de « trouble », comment il pourrait advenir et disparaître. On verra comment il a pu être « traité », notamment avec l’étude d’un camp de traitement en Chine et la sagacité d’un chercheur qui s’est intéressé avec un magnifique respect à ces surjoueurs.

Tout au long du dossier, il y aura des surprises et on découvrira des éléments très politiques de toute part, des éléments complètement sociaux et culturels, et finalement très peu « psychiatrisants ». Quitte à faire un spoiler, certains surjoueurs sont très conscients de ce qui se passe avec leur comportement, voire savent pertinemment comment faire pour changer les mondes non virtuels qu’ils fuient, contrairement à l’image infériorisée que les sociétés reflètent d’eux. Comprenant progressivement ce que cache vraiment ce thème de « l’addiction » aux jeux, on va découvrir ce qui permet d’avoir un rapport aux jeux beaucoup plus heureux, serein voire même des usages qui servent littéralement la vie. D’où le sous-titre que j’ai ajouté « ….et plutôt se relier à la vie avec les jeux/divertissements ? ».

Franchement, pour tout avouer, je n’étais pas très motivée au départ d’explorer cette question de « l’addiction » aux jeux que j’avais associée à des paniques morales de personnes ne connaissant absolument pas l’expérience des jeux. Mon mode débunkage était pleinement activé, mais les angles des chercheurs ont été beaucoup plus renseignés et fins que les échos des médias classiques s’alarmant de trop de jeux, d’écran, de divertissement.

Publier ce sujet en 2025 peut également apparaître complètement à la ramasse au vu des actualités dramatiques d’un fascisme aux USA, d’un génocide commis actuellement par Israël, d’un réchauffement climatique inquiétant et tant d’autres catastrophes que j’oublie. Les craintes écologico-numériques sont également ailleurs, notamment avec le sujet de l’IA qui anime tout le monde, donc il est décalé que je m’accroche à ce thème des années 90. Ou pas. De toute manière, l’exploration du sujet m’a offert des outils très étonnants, alors pourquoi ne pas les partager ?

J’espère que vous serez aussi étonné que je l’aie été et que cela puisse vous être utile pour mieux comprendre votre relation aux jeux et divertissements en général, ou celle qu’entretiennent les autres aux jeux, et comment s’autodéterminer collectivement avec tout ça pour faire la paix avec nos écrans ; voire mieux, qu’ils nous servent à plus qu’on ne l’aurait imaginé pour des thèmes sérieusement existentiels.

Pour l’instant, je vous propose cette petite exploration, qui se transformera en hyperlien au fur et à mesure des publications :

📂Tous les articles du dossier 
1.Jouer, une drogue, vraiment ? (qu’on va voir ici même)
2.Qu’est-ce qui pousse certains à surjouer ?
3.Jouer pour oublier ?
4.Jouer en collectiviste ou en individualiste ?
5.Un camp de traitement pour  « l’addiction à Internet »
6.Les darks patterns, une autre piste ? // Donc… ce qui fait le rapport empuissantant aux jeux…
X. Bibliographie

Jouer, une « drogue », vraiment ?


Dès qu’on commence à aimer quelque chose de façon obsessionnelle, à ne pas en décrocher, on a tendance à se dire « accro », « addict » et à le décrire comme une « drogue ».

Dans le langage psy et médical, on parle d’addictions liées à une « substance » et celle « sans substance » : par substances, on parle ici de drogues à effet psychoactif. Elles sont nommées ainsi parce qu’elles produisent chacune des phénomènes particuliers et puissants sur le cerveau, elles jouent avec sa chimie de sorte à désinhiber la personne, lui envoyer des hallucinations, la stimuler, la calmer. La personne consomme pour trouver ces effets très singuliers, qui sont, beaucoup plus intenses que le simple goût apprécié d’une grosse quantité de cheddar. Je ne sous-évalue pas le plaisir lié à ce fromage, mais le cheddar n’est pas psychoactif en principe et ne vous offrira pas une expérience inédite.

« Les substances psychoactives regroupent à la fois les drogues licites (tabac, alcool, opiacés, produits de substitution, médicaments psychotropes tels que hypnotiques, benzodiazépine, antidépresseurs,…) et non licites (cannabis, cocaïne, ecstasy, MDMA ou amphétamine,…). » https://www.has-sante.fr/jcms/p_3342082/fr/usage-des-substances-psychoactives-prevention-en-milieu-professionnel-note-de-cadrage

« Une drogue est un composé chimique, biochimique ou naturel, capable d’altérer une ou plusieurs activités neuronales et/ou de perturber les communications neuronales. La consommation de drogues par l’homme — afin de modifier ses fonctions physiologiques ou psychiques, ses réactions physiologiques et ses états de conscience — n’est pas récente. Certaines drogues peuvent engendrer une dépendance physique ou psychologique. L’usage de celles-ci peut avoir pour conséquences des perturbations physiques ou mentales. Pour désigner les substances ayant un effet sur le système nerveux, il est plus généralement question de psychotrope. » https://fr.wikipedia.org/wiki/Drogue

Ainsi une substance psychoactive ou drogue n’entraîne pas forcément une dépendance physique ou psychologique, c’est par exemple le cas du pourtant très puissant LSD qui n’est pas addictif. Une substance psychoactive peut être légale comme illégale selon les pays et leurs époques et cette légalité peut changer. Par exemple, le LSD a été légal lorsqu’il a été découvert, les chercheurs se précipitant dessus y voyant une solution à quantités de troubles psycho, puis il a été rendu illégal, et depuis quelques années on redécouvre aujourd’hui des recherches à ce sujet parce qu’il pourrait faire un bon traitement à certaines doses, dans certaines conditions, pour certains troubles ou problèmes4.

L’effet de dépendance à des substances psychoactives, c’est lorsque la nature même de la substance et/ou sa façon de la consommer peut ne plus aboutir à l’effet recherché au bout d’un moment, car le corps s’y accoutume, puis il en vient à en avoir besoin (psychologiquement et/ou physiquement) pour simplement retrouver dans un état normal, et ce avec potentiellement des quantités qui augmentent de façon exponentielle. Au début, un expresso vous rendait tout fou et énergique, mais maintenant non seulement vous en avez besoin pour ne pas être complètement à la ramasse le matin, mais en plus il vous en faut 8 sur la journée, sans que ça vous surexcite.

Ainsi, il peut y avoir aussi une grande difficulté au sevrage, puisque le sevrage aura des effets physiologiques et psychologiques très difficiles, voire violents, donc décourageants. Par exemple, chez les grands alcooliques, arrêter brutalement l’alcool peut induire de forts délires dangereux, le delirium tremens, potentiellement mortel s’il n’est pas pris en charge.

Selon la substance, la personne peut vouloir vraiment arrêter, mais le sevrage est si insoutenable qu’elle la reprend pour arrêter de subir des symptômes très invalidants. Ainsi, dans ces addictions, la nature du produit est très importante à prendre en compte parce que le sevrage est totalement différent si on parle d’alcool, de café, d’antidépresseurs, de tabac ou d’héroïne, ce ne sont pas les mêmes pénibilités, risques, et donc les solutions sont différentes, y compris selon la hauteur de consommation de la personne, la singularité de la personne et le cadre dans lequel elle vit.

L’environnement social y compte énormément : si vos amis ne sociabilisent qu’à travers l’alcool, ne se voient que pour boire, qu’au boulot vous devez continuellement dîner avec des clients ou collègues qui vous incitent à boire, et que votre famille prend comme une offense le fait que vous refusiez de boire avec eux, la forte pression sociale qui se rajoute est un défi supplémentaire ajouté à la tâche de modération ou de résistance. En conséquence, se rajoute la peur d’être ostracisé, de perdre tout le monde, comme si la consommation était le passe-droit pour être ami avec ces personnes, les fréquenter. Peut-être que si on n’a connu que ça, on n’a pas appris à sociabiliser en étant sobre ou à relationner dans un milieu sobre. Tout ça rajoute de la difficulté au fait d’arrêter de boire. Il y a besoin d’un temps et de conditions suffisamment favorables pour supporter ou accompagner les symptômes : là aussi, les conditions que vit la personne dans sa société comptent.

L’addiction aux substances est donc fortement liée non seulement à la substance elle-même, mais aussi à notre rapport singulier et social à celle-ci : on peut se mettre à boire du café parce qu’on n’arrive pas à être aussi éveillé rapidement que les autres et donc y trouver une solution. Là où l’extraverti dès son réveil n’y verra pas d’intérêt puisqu’il est déjà en train de s’activer festivement dès 6 heures du matin.

Vous pourriez juste avoir attrapé cette habitude par conformisme et curiosité, à force de voir vos parents ou vos collègues de travail prendre une pause avec une tasse de café. La consommation de café a pu devenir une solution à une problématique carrément politique. Par exemple, si vous êtes dans un job pressant qui exige une vivacité dès 6 heures du matin et que vos boss vous hurlent dessus si vous n’agissez pas à 140 à l’heure parce qu’ils ont une politique capitaliste-autoritaire, le café va être saisi comme solution pour répondre à cette pression — et dans d’autres cas, ça pourrait être la cocaïne, qui est aussi psychostimulante, mais à une autre intensité. On pourrait aussi être né dans une culture qui a ritualisé la consommation de café dans un cadre spirituel uniquement5, cadre si rare que sa consommation n’entraînera pas de dépendance.

Vous pourriez avoir aussi goûté au café par curiosité puis d’emblée avoir eu une motivation intrinsèque au café, car vous aimiez son amertume et ses effets d’éveil, sans pour autant en avoir spécialement besoin ou que votre éveil caféiné soit exigé par la situation.

Or, le jeu-vidéo n’est pas une substance psychoactive.

Quand bien même il aurait des effets sur le cerveau, par exemple activer le circuit de réponse qui libère des neurotransmetteurs qui nous font du bien, c’est aussi le cas pour des centaines d’autres activités ou situations. Ainsi, ne vous faites pas avoir par les exagérations au sujet de la dopamine6 : ce n’est pas parce qu’une activité est liée à une libération de dopamine qu’elle est comparable à une drogue ou qu’on tomberait addict instantanément. Les neurotransmetteurs, tels que la dopamine, ont un rôle et des interactions très compliquées. En plus les individus peuvent avoir des particularités qui font que cette dynamique est très différente, pour des raisons de neuroatypie, de troubles, de génétique, voire d’âge. Le fait de simplifier l’analyse à « présence de dopamine = risque d’addiction ».

⬤ Zone d’engagement : Ce qui nous fait générer de la dopamine (ou autres) peut au contraire être une inspiration puisque c’est là qu’il y a le plus de plaisir, de motivation, donc le plus de mobilisation de toutes nos forces (là où un déficit, un manque rend tout plus difficile).
Zone d’engagement : Ce qui nous fait générer de la dopamine (ou autres) peut au contraire être une inspiration puisque c’est là qu’il y a le plus de plaisir, de motivation, donc le plus de mobilisation de toutes nos forces (là où un déficit, un manque rend tout plus difficile).

Parfois, les personnes manquent cruellement de plaisir et de joie en général, et si une activité en suscite, c’est plutôt une excellente chose qui appelle à s’en inspirer pour corriger nos environnements déprimants et désespérants qui tuent toute motivation à agir.

⬛ le plaisir comme poison : Croire que ce qui fait plaisir est forcément mal ou une drogue dangereuse qui va faire perdre tout contrôle
le plaisir comme poison : Croire que ce qui fait plaisir est forcément mal ou une drogue dangereuse qui va faire perdre tout contrôle

Ceci étant dit, oui il existe des addictions à des activités ou comportements qui ne sont pas des substances psychoactives. Le trouble du jeu d’argent est par exemple reconnu et renseigné depuis de longues années. Mais à l’heure où j’écris (en août 2025), il y a encore un fort débat sur l’existence ou non d’addiction aux jeux-vidéo, on parle plus volontiers de trouble du jeu-vidéo sur Internet ou d’usage pathologique du jeu-vidéo. Mais même ces appellations font débat, et certains articles scientifiques7 se demandent encore s’il y a réellement trouble ou seulement une panique morale.

Le trouble du jeu-vidéo a été néanmoins inclus dans la CIM (classification internationale des maladies, via l’ONU) et le DSM-5 (manuel de référence des troubles pour la psychiatrie), à cause de sa présence plus préoccupante en Asie, tout particulièrement en Chine et Corée du sud8.

La CIM caractérise ainsi le trouble du jeu vidéo :

« Le trouble du jeu vidéo est défini […] comme un comportement lié à la pratique des jeux vidéo ou des jeux numériques, qui se caractérise par une perte de contrôle sur le jeu, une priorité accrue accordée au jeu, au point que celui-ci prenne le pas sur d’autres centres d’intérêt et activités quotidiennes, et par la poursuite ou la pratique croissante du jeu en dépit de répercussions dommageables.

Pour que ce trouble soit diagnostiqué en tant que tel, le comportement doit être d’une sévérité suffisante pour entraîner une altération non négligeable des activités personnelles, familiales, sociales, éducatives, professionnelles ou d’autres domaines importants du fonctionnement, et, en principe, se manifester clairement sur une période d’au moins 12 mois. » https://www.drogues.gouv.fr/loms-reconnait-officiellement-le-trouble-du-jeu-video-gaming-disorder

Le DSM 5 parle quant à lui d’« usage pathologique des jeux sur internet » et centre donc le problème sur les jeux en ligne :

« Utilisation persistante et répétée d’internet pour pratiquer des jeux, souvent avec d’autres joueurs, conduisant à une altération du fonctionnement ou une détresse cliniquement significatives. (…) N.B. : Ce trouble est distinct du jeu d’argent sur internet, qui fait partie du jeu d’argent pathologique. (…) L’utilisation d’internet pour des activités exigées par un emploi ou une profession n’est pas incluse ; le trouble n’inclut pas non plus les autres utilisations récréatives ou sociales d’internet. De même, les sites internet sexuels sont exclus ».

Dans le DSM, il est expliqué que ce n’est pas que les jeux hors ligne seraient sans dépendance, c’est juste qu’étant moins étudiés, ils ne peuvent pas l’affirmer.

Pour que cet usage pathologique soit reconnu selon le DSM, le psy doit voir chez la personne au moins 5 manifestations parmi ces propositions :

« 1. Préoccupation par les jeux sur internet (la personne se remémore des expériences de jeu passées ou elle prévoit de jouer ; les jeux sur internet deviennent l’activité dominante de la vie quotidienne).

2. Symptômes de sevrage quand l’accès aux jeux sur internet est supprimé (ces symptômes se caractérisent typiquement par de l’irritabilité, de l’anxiété ou de la tristesse, mais sans signe physique de sevrage pharmacologique).

3. Tolérance — besoin de consacrer des périodes de temps croissantes aux jeux sur internet.

4. Tentatives infructueuses de contrôler la participation aux jeux sur internet.

5. Perte d’intérêt pour les loisirs et divertissements antérieurs du fait, et à l’exception, des jeux sur internet.

6. La pratique excessive des jeux sur internet est poursuivie bien que la personne ait connaissance de ses problèmes psychosociaux.

7. Ment à sa famille, à ses thérapeutes ou à d’autres sur l’ampleur du jeu sur internet.

8. Joue sur internet pour échapper à ou pour soulager une humeur négative (p. ex. des sentiments d’impuissance, de culpabilité, d’anxiété).

9. Met en danger ou perd une relation affective importante, un emploi ou des possibilités d’étude ou de carrière à cause de la participation à des jeux sur internet.

N.B. : Seuls les jeux sur internet sans mise d’argent sont inclus dans ce trouble. »

Ce qu’il faut savoir avec ce genre de liste, c’est que le psychiatre ou le psychologue ne va pas se contenter de compter le nombre de critères retenus pour statuer que c’est ce problème et pas un autre. En écoutant le patient, il va aussi faire attention au temps de jeu et ses conséquences psychosociales : Le DSM-5 précise que l’usage pathologique implique typiquement 8 à 10 heures de jeux par jour et au moins 30 h par semaine, et que les obligations habituelles comme l’école, le travail, la famille sont négligées. Dans certaines études de cas, les personnes à usage problématique du jeu peuvent faire jusqu’à plus de 16 heures de jeu par jour.

⬤ Cartographie des impacts : ce sont les effets d’un comportement sur l’individu et/ou son entourage qui peuvent alerter sur le fait qu’une activité soit un problème pour elle ; une même activité pourrait avoir des conséquences ou effets différents sur d’autres.
Cartographie des impacts : ce sont les effets d’un comportement sur l’individu et/ou son entourage qui peuvent alerter sur le fait qu’une activité soit un problème pour elle ; une même activité pourrait avoir des conséquences ou effets différents sur d’autres.

Autrement dit, une personne pourrait remplir plus de 5 critères pour Candy Crush, par exemple en y pensant beaucoup, étant irritée si elle ne peut pas y jouer, mentant à sa famille sur le fait qu’elle y joue, croyant qu’elle a un problème de jeu, et continuer quand même, même si ça entache ses relations. Mais si sa pratique n’était qu’une demi-heure dans la journée, que c’est parce que sa famille est hautement anti-jeu-vidéo que les relations sociales sont devenues mauvaises et qu’elle en vient ainsi à leur mentir, qu’en plus elle-même culpabilise en retour parce qu’elle a intégré un discours dogmatique anti-jeu, on n’aura pas un diagnostic de trouble du jeu. L’explication de cette pratique de jeu se trouvera peut-être dans l’expression d’un besoin irrépressible d’autonomie vis-à-vis de cette famille très contrôlante que cette personne a besoin de fuir. Peut-être que cette personne sent dans ce loisir singulier une façon d’être soi-même et plutôt que la pâle copie de proches, ce qui la pousse à jouer pour se sauver du contrôle autoritaire, même si une part d’elle-même n’a pas rejeté comme mauvais le contrôle autoritaire qu’elle applique ensuite sur elle en se culpabilisant, en se faisant honte, en croyant qu’elle a un trouble avec le jeu alors que son lien au jeu exprime une voie qui tente de la sauver du contrôle autoritaire.

Le bon psy verra au contraire qu’elle est victime de la dureté de son entourage et des normes injustifiées qu’on lui impose, que son temps de jeu est tout à fait raisonnable. Il pourra voir que le problème est davantage dans la panique morale des modèles contrôlants qu’elle-même a internalisée, au point de gâcher son temps de jeu raisonnable et d’être coincée dans deux mentalités qui se contredisent entre elles, l’une cherchant un divertissement souhaitable et l’autre attaquant cette recherche comme mauvaise.

Quand bien même on a ramené le DSM ici, il ne s’agit donc pas là de psychiatriser toute pratique du jeu, mais de voir quand celle-ci peut devenir problématique et être le symptôme d’un autre mal être plus complexe. Plus de 8 h de jeu par jour, hors pratique professionnelle, ça empêche de vivre quoique ce soit d’autres que le jeu. Et contrairement au travail qui est forcé d’être pratiqué à ces taux horaires, lui-même également affectant parfois aussi négativement les autres sphères importantes de la vie, il n’y a pas avec le jeu, d’obligation à jouer sous peine d’être viré. Jouer 8 heures par jour ne survient pas à ses besoins comme payer le loyer ou remplir le frigo. Donc pourquoi s’accrocher au jeu au point de tout laisser tomber, y compris des activités essentielles à la survie et au bien-être ?

La suite : Qu’est-ce qui pousse certains à ne faire que jouer aux jeux de leur vie ? [AJ2]


Note de bas de page

Déroulez pour consulter toutes les notes de bas de page et la biblio ↩

La bibliographie complète est présente ici : Bibliographie [AJV]

L’image d’entête est issue de  : How this Chinese « Quit Internet Addiction Center » abuse teenagers ) ( ! attention images violentes de vrais électrochocs dans un camp de traitement)

1 Vous aurez reconnu des critiques du jeu et du divertissement en général qu’on trouve chez une certaine gauche (par exemple dans le livre « divertir pour dominer »). À l’inverse, d’autres courants de gauche plus libertaires ont un discours différemment sur le fait de jouer, je pense aux situationnistes et plus récemment l’ouvrage Hyperjeu. L’éthique des hackers a tendance aussi à mettre la question ludique comme une bonne chose à injecter dans la désobéissance et la rébellion.

2 Et là c’est une critique du jeu-vidéo que l’on retrouve dans une droite bourgeoise estimant que le loisir doit servir l’élévation dans la société et ne surtout pas s’atteler à des divertissements populaires qui sont estimés creux ou ne permettant pas de remporter les faveurs de la haute société. On trouve cela dans les écrits d’Olivier Babeau par exemple.

3On retrouve cette critique dans une extrême droite suprémaciste, voire s’assumant parfois comme néonazie. Le forum stormfront par exemple contient parfois des discours anti jeu-vidéo parce qu’il faut se consacrer à sa « race » IRL prioritairement, dans l’augmentation de la domination ou dans la défense. Mais ils ne sont pas tous d’accord à ce sujet, certains utilisent les jeux pour assouvir leurs fantasmes suprémacistes ou corriger les jeux pour supprimer toute diversité, augmenter la capacité à massacrer des innocents ou autre. Le game design néonazi existe, mais même leur public néonazi semble se plaindre de la qualité médiocre des jeux ou de leur pauvreté, puisque le gameplay se réduit à massacrer des exogroupes sans autre possibilité.

4L’histoire du LSD est racontée dans « LSD mon enfant terrible » d’Hofmann ; pour les recherches récentes, on a ici par exemple quelques études qui s’interrogent sur le changement d’attitudes politiques ou de traits de personnalité (liés eux aussi à la question de choix politique) suite à l’usage de substances psychédéliques : https://www.frontiersin.org/journals/psychology/articles/10.3389/fpsyg.2021.733185/full?mibextid=Zxz2cZ , MacLean, K.A. ∙ Johnson, M.W. ∙ Griffiths, R.R. Mystical experiences occasioned by the hallucinogen psilocybin lead to increases in the personality domain of openness ;Lebedev, A.V. ∙ Kaelen, M. ∙ Lövdén, M. … LSD-induced entropic brain activity predicts subsequent personality change Hum Brain Mapp. 2016; Nour, M.M. ∙ Evans, L. ∙ Carhart-Harris, R.L. Psychedelics, personality and political perspectives ; Schmid, Y. ∙ Liechti, M.E. Long-lasting subjective effects of LSD in normal subjects. 2018; Erritzoe, D. ∙ Roseman, L. ∙ Nour, M.M. … Effects of psilocybin therapy on personality structure ; Erritzoe, D. ∙ Smith, J. ∙ Fisher, P.M. … Recreational use of psychedelics is associated with elevated personality trait openness: Exploration of associations with brain serotonin markers ; Lyons, T. ∙ Carhart-Harris, R.L. Increased nature relatedness and decreased authoritarian political views after psilocybin for treatment-resistant depression

5C’est juste un exemple imaginé, sachant que diverses cultures peuvent utiliser diverses drogues dans des cadres uniquement rituel ; par exemples les natifs d’amérique utilisait le tabac pour un usage médical et spirituel https://fr.wikipedia.org/wiki/Tabac_autochtone_en_Am%C3%A9rique

6La dopamine est un neurotransmetteur résumé souvent à une fonction de plaisir (or il ne fait pas que ça) et les réseaux sociaux se sont focalisés dessus à l’excès comme le montre très bien cette vidéo : https://youtu.be/jfU2KunUUUc?si=ThuOun-4pGkMvqsL

7 https://ajp.psychiatryonline.org/doi/pdf/10.1176/appi.ajp.2016.16121341

8La prévalence du trouble en Asie, pour les adolescents de 15 à 19 ans serait de 8,4 % chez les garçons et 4,5 % pour les filles. (Fu et al. 2010)


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