27.09.2025 à 18:28
Cette ville où je vis
danah
Texte intégral (553 mots)
Choses vue et entendues ce matin à la promenade en ville (les rues au-dessus de chez moi)
(ce pourquoi j’adore cette ville)
Une dame qui nettoie le pare-brise de sa voiture avec une éponge – j’ai à peine le temps de dire bonjour (on ne se connaît pas), elle m’explique : « J’ai bien fait d’attendre l’orage avant de nettoyer les crottes de pigeon ! Maintenant, avec ce qui est tombé hier, elle est propre comme un sou neuf. J’ai juste à fignoler ! »
Un peu plus loin, par la fenêtre d’un de ces très chouettes logements sociaux (des immeubles bourgeois restaurés par les offices HLM qui ont fière allure – pas de gentrification ici), une voix un peu cassée, un peu traînante, au téléphone (je tends l’oreille) : « Ce matin j’étais allé chercher mon pain tranquillement et ça s’est bien passé, tu vois, j’étais pas excité. Je crois que c’est la bonne dose non ? »
Plus bas, en empruntant un des innombrables escaliers qui se faufilent entre les ruelles, j’entends ahaner et pester : un monsieur, casquette vissée sur la tête, qui fait une pause en soufflant fort en me croisant. Je lui fais : « elle est dure cette ville hein ! Vous venez de tout en bas ? » Lui : « Oui. C’est là qu’on se dit qu’on a bien vieilli »
Et, dans une courette, je vois un jeune homme en survêtement se glisser hors d’une fenêtre du deuxième étage, et avec une souplesse étonnante, descendre en prenant des appuis gracieux sur une poutre en bois, puis un affleurement rocheux avant de se laisser tomber, en arrivant sur ses deux jambes, sur le trottoir, et repartir tout joyeux comme si c’était là une manière tout à fait normale de se déplacer dans la ville (je connais cette fenêtre : il y a deux jeunes adolescentes qui s’y montrent parfois et que je salue quand je vais promener Iris : un rendez-vous galant peut-être ? Mais aussi, éventuellement, puisque je connais ce jeune homme pour le croiser tous les jours et que j’ai eu vent de ses activités la livraison d’une marchandise illicite ? Ou bien les deux !)
Ensuite, forcément, les chats du quartier qui viennent quémander leur câlin quotidien à grands renforts de miaou – ça grince un peu dents parce que je n’ai que deux mains et qu’ils sont trois. Doucement les loustics ! Y’en aura pour tout le monde !
Note : cette nuit, les militants du 10 septembre ont collé leur affiches (sur les poubelles). L’une d’elle est franchement très réussie. Et surtout, pas de slogan « dégagiste », pas de « machin dehors ». Pas mal !
Si vous êtes curieuses ou curieux de savoir à quoi ressemble cette ville, je prends régulièrement des photographies que je présente en vrac ici :
https://www.outsiderland.com/photography/index.php?/category/14
27.09.2025 à 18:23
La responsabilité inter-générationnelle (avec Stephen Gardiner)
danah
Texte intégral (871 mots)
« Il y a quelque chose d’immoral, qu’une génération ne pense pas à la génération suivante, qui lui impose, sans lui dire, de payer »
Oui, François Bayrou, comme souvent, tu trouves les mots justes. C’est exactement ce que à quoi nous nous employons, chaque jour que le diable fait sous le régime du capitalocène (ou de l’anthropo-obscene pour reprendre la formule d’Erik Swyngedouw) : nous fabriquons avec zèle un monde qui devient chaque jour de plus en plus inhabitable, et nous en laissons le fardeau aux générations qui nous succéderont (certaines sont déjà de ce monde, ce sont nos enfants, et d’autres ont déjà péri, notamment dans les zones de sacrifice de l’extraction globale)
Stephen Gardiner, dans un chapitre stimulant du recueil : Climate Ethics. Essential Readings, Oxford University Press, USA (le texte date de 2010), proposait un calcul moral apocalyptique (qui montre évidemment les accablantes limites de l’approche utilitariste, mais passons..)
« 1. le changement climatique n’est pas un phénomène statique. En n’agissant pas de manière appropriée, la génération actuelle ne se contente pas de transmettre un problème existant aux générations futures ; elle l’aggrave. D’une part, elle augmente les coûts de la lutte contre le changement climatique : ne pas agir maintenant accroît l’ampleur du changement climatique futur et de ses effets. D’autre part, elle augmente les coûts d’atténuation : ne pas agir maintenant rend le changement plus difficile car cela permet d’investir davantage dans les infrastructures basées sur les combustibles fossiles dans les pays développés et surtout dans les pays moins développés. Par conséquent, l’inaction augmente les coûts de transition, rendant les changements futurs plus difficiles que les changements actuels. Enfin, et c’est peut-être le plus important, la génération actuelle n’aggrave pas le problème de manière linéaire. Au contraire, elle accélère rapidement le problème, puisque les émissions mondiales augmentent à un rythme considérable (…)
2, une action insuffisante peut faire souffrir inutilement certaines générations. Supposons qu’à l’heure actuelle, le changement climatique affecte gravement les perspectives des générations A, B et C. Supposons ensuite que si la génération A refuse d’agir, l’effet se poursuivra plus longtemps et nuira aux générations D et E. L’inaction de la génération A peut alors s’aggraver de manière significative. En plus de ne pas aider les générations B et C (et probablement aussi d’augmenter l’ampleur des dommages qui leur sont infligés), la génération A nuit maintenant aux générations D et E, qui seraient autrement épargnées. D’un certain point de vue, cela pourrait être considéré comme particulièrement grave, puisqu’on pourrait dire que cela viole un principe moral fondamental : « Ne pas nuire ».
3, l’inaction de la génération A peut créer des situations où des choix tragiques doivent être faits. Une génération peut mal agir si elle met en place un ensemble de circonstances futures qui obligent moralement ses successeurs (et peut-être même elle-même) à faire souffrir d’autres générations, soit inutilement, soit plus qu’elles ne l’auraient fait autrement. Supposons, par exemple, que la génération A puisse et doive agir maintenant pour limiter le changement climatique de manière à ce que la génération D soit maintenue en dessous d’un certain seuil climatique crucial, mais que tout retard signifie qu’elle franchira ce seuil. Si le dépassement du seuil impose des coûts importants à la génération D, sa situation peut être si désastreuse qu’elle est obligée de prendre des mesures qui nuiront à la génération F – comme l’émission d’encore plus de gaz à effet de serre – qu’elle n’aurait pas eu besoin d’envisager autrement. Ce que je veux dire, c’est ceci. Dans certaines circonstances, des actions qui nuisent à d’autres personnes innocentes peuvent être moralement autorisées pour des raisons de légitime défense, et de telles circonstances peuvent se présenter dans le cas du changement climatique. L’affirmation est donc la suivante : s’il existe une exception de légitime défense à l’interdiction de nuire à des tiers innocents, la génération A peut se comporter mal en créant une situation telle que la génération D est obligée de faire appel à l’exception de légitime défense et inflige ainsi des souffrances supplémentaires à la génération F. De plus, comme dans le cas du PIP (pure intergenerational problem) de base, ce problème peut devenir itératif : peut-être que la génération F doit elle aussi faire appel à l’exception de légitime défense et infliger ainsi des dommages à la génération H, et ainsi de suite. »
27.09.2025 à 18:20
Naturaliser les souffrances psychiques – encore un délicieux exemple
danah
Texte intégral (845 mots)
Un bel exemple (vaguement dégueu aussi, faut l’admettre) de naturalisation de nos souffrances psychiques – avec ce titre prometteur : « Pourquoi nourrir le microbiote intestinal pourrait résoudre la dépression et l’anxiété ? »‘
À lire ici dans Nature (hé oui, c’est donc du sérieux, relu par les pairs !)
Alors déjà, le mot important dans le titre c’est « pourrait », parce que, à lire l’article, il n’y a rien de garanti quand même. On en serait plutôt au stade de l’hypothèse pas claire et de la plus grande confusion. Mais bon. C’est prometteur de « RÉSOUDRE » la dépression et l’anxiété. Il y a des financements à récupérer. Peu importe si, dans les faits, on nagedans la plus grande incertitude.
Et donc, la naturalisation, tellement radicale qu’elle en devient comique (involontairement). Qu’on comprenne bien ce que j’entends par naturalisation : c’est l’effacement total de toute ébauche de récit, comme si la dépression, l’anxiété (??), et toutes les autres pathologies lancées au petit bonheur la chance dans cette étude (la bipolarité, les TOC, tout y passe, on ne sait jamais, avec un peu de bol, on va taper juste), comme si toutes ces pathologies (quoiqu’on entende par là), n’avaient absolument rien à voir avec l’existence, la biographie, la vie sociale, affective, les accidents de la vie etc etc.. Pas un mot qui rattache les patients aux récits qu’ils pourraient produire si on les écoutaient cinq minutes (or, moi je suis un vieux con, je persiste à penser qu’on est composé tout autant de récits et de pensées que de microbes, c’est ringard hein ?).
La réalité, c’est que ces pathologies dont parlent ici les biologistes n’existent que comme effets des psychotropes – on reconnaît la dépression à l’effet de l’antidépresseur et l’anxiété à l’efficacité de l’anxiolytique.
Bref. Du bullshit. Mais qui rapporte éventuellement beaucoup d’argent. Et mérite une publication dans Nature. Et rassure un certain nombre de patients qui aimeraient tellement seulement être « malades » comme on souffre d’une grippe qu’on a attrapé, ou d’une anomalie cérébrale, d’un gêne défaillant (notez que l’anomalie ou la défaillance n’a de sens qu’à se distinguer d’une norme – ce qu’on ne prend pas la peine d’essayer de penser – la biopsychologie ne prend pas la peine d’essayer de penser de manière générale, en dehors de son domaine si pauvre en pensée – l’exclusion du social, de la parole, de l’affect, du monde et de l’histoire, pour tout dire, est la condition initiale de l’établissement du laboratoire et garantit la scientificité – le scientifique parle soit-disant « de nulle part » – son discours n’est prétendument pas « situé », mais « objectif » – bien qu’il le soit, situé, évidemment, et pas qu’un peu !).
Bon, je prends cet exemple parce qu’il est amusant. Mais on pourrait en prendre dix mille autres dans la littérature « scientifique ».
Réduire l’esprit à la flore microbiotique intestinale. Les scientistes se caressent en y songeant. Le rêve de l’individu néolibéral contemporain. Et ça marche : on espère tant de ces promesses. Pas de récits, pas de paroles, mais des substances magiques qui feront taire la souffrance.
Ne nous y trompons pas. Cela n’a rien d’anodin. Ce qui s’est joué ces dernières décennies avec le remplacement de l’esprit et de l’âme par le cerveau, la conquête par les sciences de la nature du dernier continent qui restait à conquérir, l’intériorité, c’est la production de la subjectivité contemporaine – qui se confond sans peine avec l’individu-marchandise néolibéral, cybernétique. On a littéralement vidé l’esprit, et on s’étonne aujourd’hui d’être aussi cons. On pousse des grands cris d’orfraie devant les IA, sans s’inquiéter du fait qu’on est déjà devenu, qu’on est déjà pensé, qu’on se pense déjà, comme des IA.
La violence de l’existence sous le régime capitaliste ? Le travail qui pressure les corps et les esprits ? La cruauté des impératifs de réussite ? La précarité et les dettes qui vous rongent ? Pensez-donc ! Vous n’allez tout de même pas « politiser » les souffrances psychiques ? Non, c’est juste une histoire de synapses, de neurones et de flore macrobiotique.
Mais combien d’entre vous rêvent de guérir du malheur de vivre en bouffant des compléments alimentaires ? On a le monde qu’on mérite après tout.
13.09.2025 à 15:00
Le piège de la gentrification : le cas de la Green Guerilla à NYC
danah
Texte intégral (1736 mots)
J’avais en stock cette traduction d’un passage du livre de Melissa Checkeer, The Sustainability Myth Environmental Gentrification and the Politics of Justice, NYC University Press, 2020, sur les politques de gentrification dans l’État de New York, et notamment ce qu’on appelle la Green Gentrification, qui valorise des quartiers autrefois habités par des populations pauvres, sous l’angle de leur requalification environnementale. Attirant ainsi, avec l’augmentation de la valeur du parc immobilier, une nouvelle population, beaucoup plus aisée, sensible aux questions écologiques etc..
Je présenterai de manière plus approfondie ce texte quand j’aurais un peu de temps, mais vous pouvez déjà lire cette (rapide) traduction.
Flower Power : Guerrilla Greening on the Lower East Side (1970 s)
À environ 100 pâtés de maisons au sud d’East Harlem, dans un autre quartier à prédominance portoricaine, connu sous le nom de Lower East Side ou « Loisaida », des militants communautaires avaient également lancé une campagne radicale pour récupérer des espaces verts urbains. Afin de bien comprendre son rôle central dans la gentrification verte, cette section se concentre sur le mouvement des jardins communautaires dans le Lower East Side et le rôle essentiel qu’il joue dans l’histoire des espaces verts et du réaménagement urbain.
Les premières initiatives organisées de jardinage à New York remontent à la récession des années 1890, lorsque les dirigeants de la ville avaient mis en place des programmes de jardinage sur les terrains vagues pour lutter contre la pauvreté croissante. Ces programmes de jardinage ont refait surface au début de la Grande Dépression, fournissant d’importantes sources de nutrition. Pendant la Première Guerre mondiale, des slogans tels que « La nourriture gagnera la guerre » ont incité les Américains à manger des fruits et des légumes à la place des denrées alimentaires qui pouvaient être expédiées aux troupes outre-mer. Cela a inspiré un mouvement national visant à cultiver des « jardins de la liberté », qui ont fait leur apparition dans toute la ville de New York. Ces jardins ont refait surface pendant la Seconde Guerre mondiale, grâce au programme national « Victory Garden ». Une trentaine d’années plus tard, les jardins urbains ont également répondu à une période de difficultés financières, mais dans ce cas, ils symbolisaient des valeurs anti-establishment.
Dans les années 1970, le Lower East Side de New York, comme Harlem et d’autres quartiers pauvres, était parsemé de terrains abandonnés. En 1973, Liz Christy, une artiste et militante locale, en a eu assez de passer chaque jour devant des terrains vagues jonchés de détritus. Selon la légende locale, Christy a commencé à lancer des « bombes à graines » remplies d’engrais, de graines et d’eau par-dessus les clôtures métalliques qui entouraient ces propriétés abandonnées. Après avoir aperçu un garçon jouant seul à l’intérieur d’un réfrigérateur abandonné, Christy a décidé d’aller encore plus loin dans ses efforts d’embellissement. Avec un groupe d’amis, elle a passé plus de six mois à retirer les déchets et les graviers du terrain. Ils ont ensuite collecté du fumier de cheval auprès du poste de police voisin pour enrichir le sol et ont planté des semis dans des plates-bandes surélevées. Christy a également fait pression sur la ville pour obtenir un bail sur le terrain, et en 1974, la ville le lui a accordé pour un dollar par mois. À cette époque, Christy avait officialisé ses efforts en créant une organisation à but non lucratif appelée Green Guerrillas.
La nouvelle des Green Guerrillas s’est répandue dans les cinq arrondissements. Dans les quartiers où les incendies criminels, la négligence et les difficultés financières avaient laissé une multitude de terrains vagues et de propriétés sans valeur, les membres de la communauté ont investi leur temps et leur énergie pour créer leurs propres jardins. La plupart d’entre eux se trouvaient dans des quartiers hispaniques et afro-américains, où l’exode des Blancs, la réduction planifiée et d’autres politiques avaient dévalorisé les propriétés dans les quartiers de couleur et rendu la propriété immobilière intenable. En 1978, la ville a mis en place le programme Green Thumb, qui offrait des plantes, des outils, une expertise horticole et des baux à un dollar par an aux groupes communautaires qui souhaitaient cultiver des terrains abandonnés. Au cours de la décennie suivante, le nombre de jardins communautaires gérés par la ville est passé à plus de huit cents. Plus de la moitié d’entre eux étaient situés dans les quartiers de Harlem, surtout dans l’East Harlem.
Les jardins revêtaient une signification particulière pour les communautés afro-américaines et hispaniques de Harlem. Pour les migrants récents comme pour les résidents de longue date, ils procuraient un sentiment d’attachement à leur passé rural. Les jardins « casita » d’East Harlem, par exemple, reproduisaient les jardins portoricains en incluant des poules, des coqs, de petites cabanes (ou casitas), des icônes religieuses et des drapeaux portoricains. Pour les Afro-Américains, les jardins offraient un lien doux-amer avec l’histoire brutale de l’esclavage et du métayage, ainsi qu’avec les petits jardins que les esclaves et les métayers creusaient parfois dans les parcelles de terre qu’ils cultivaient. Les premiers jardins urbains offraient un minimum d’autonomie similaire aux membres des communautés de couleur à faibles revenus.
Si les jardins revêtaient une symbolique particulière pour les communautés minoritaires, ils reflétaient également un désir de nature commun à tous les citadins, quelle que soit leur origine. Comme je l’ai montré, les dirigeants municipaux et les propriétaires fonciers ont historiquement capitalisé sur ce désir, faisant de l’accès aux espaces naturels un bien précieux. Les Green Guerrillas ont renversé cette approche axée sur le profit en transformant les terrains vacants et en leur donnant une nouvelle valeur non monétaire. Cependant, lorsque le marché immobilier s’est redressé après la récession, les jardiniers communautaires se sont retrouvés dans une situation beaucoup plus ambiguë.
Gentrification Takes Root: Greening Loisaida (1980s)
(…)
Aussi furieux que fussent les jardiniers envers la ville, certains reconnaissaient également qu’ils étaient devenus leurs propres pires ennemis. En effet, les jardins embellissaient les quartiers, les rendant plus attrayants et plus susceptibles d’être gentrifiés. En 1998, un activiste local, Henry George, écrivait sur son site web :
« Voyons-nous, comprenons-nous comment la sueur et l’amour des créateurs des jardins communautaires du Lower East Side ont été transformés (inévitablement, car c’est ainsi que fonctionne le système) en leur perte ? Qu’est-ce qui a fait de ce quartier cet endroit branché que les gentrifieurs voulaient gentrifier ? Les gens qui y vivaient et qui se souciaient suffisamment de leur quartier pour travailler à le sauver de la drogue, de la criminalité et du désespoir. »
Il serait trop simpliste d’affirmer que les jardins communautaires ont à eux seuls causé la gentrification du Lower East Side. C’est plutôt une combinaison de facteurs complexes – du prestige culturel croissant du quartier au désinvestissement et à la dévaluation des terrains, en passant par les incitations municipales et la disponibilité croissante de capitaux internationaux pour le financement immobilier – qui, associée aux améliorations apportées par la communauté, a conduit à la gentrification du quartier.
Dans le même temps, des études récentes ont mis en évidence un lien étroit entre la proximité des jardins communautaires et la gentrification. Le Furman Center de l’université de New York a constaté une augmentation substantielle des recettes fiscales foncières dans un rayon de 300 mètres autour d’un jardin communautaire. Plus le quartier est défavorisé, plus l’impact est important. Dans les quartiers pauvres, un jardin a fait augmenter la valeur des propriétés voisines de 9,4 points de pourcentage dans les cinq ans suivant son ouverture. Une deuxième étude, menée à Brooklyn, a révélé que les revenus des personnes vivant dans un rayon de 400 mètres autour d’un jardin communautaire avaient considérablement augmenté sur une période de cinq ans. En d’autres termes, au fil du temps, les jardins se sont retrouvés entourés de ménages de plus en plus aisés.
Les jardins communautaires ont continué à susciter la controverse dans cette ville soucieuse du développement durable, car ils ont pris une valeur symbolique encore plus grande, souvent en contradiction avec leur valeur marchande. Les jardins évoquaient un esprit communautaire, un souci de l’environnement et des valeurs progressistes et libérales (y compris le fait de ne pas faire de distinction de couleur de peau : colorblindness) qui plaisaient aux nouveaux gentrifieurs. Comme l’observe la sociologue Sharon Zukin,
« Au fil des décennies, la signification du jardinage communautaire urbain a évolué, passant d’un mouvement populaire contestant l’État à une représentation de l’identité ethnique, puis à une culture laïque, pour finalement devenir un idéal de durabilité dans la production alimentaire urbaine. Chacune de ces formes est le résultat de l’arrivée dans les jardins de différents groupes ethniques et classes sociales. »
Tous les deux ou trois ans, une nouvelle administration municipale prenait le contrôle d’une nouvelle série de jardins et instaurait un nouvel ensemble de réglementations pour les autres. À chaque fois, les jardiniers de toute la ville s’unissaient pour protester contre ces prises de contrôle au nom de la communauté et de la durabilité. Cependant, compte tenu de la mesure dans laquelle les jardins ont contribué à faire grimper le prix de l’immobilier et à alimenter un développement inégal, on peut s’interroger sur ce qu’ils ont réellement préservé.
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