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Mr Mondialisation

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30.07.2025 à 06:00

Martinets et hirondelles : victimes des canicules et de la loi Duplomb

Maureen Damman

Les martinets et les hirondelles sont deux espèces d’oiseaux particulièrement menacées par le réchauffement climatique et ses épisodes caniculaires. Elles sont également victimes de l’érosion de la biodiversité, accélérée par les pratiques agro-industrielles encouragées par la loi Duplomb. Entre canicules et épisodes de sécheresse, le tout sur fond de changement climatique, de nombreuses espèces d’oiseaux […]

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Texte intégral (2174 mots)

Les martinets et les hirondelles sont deux espèces d’oiseaux particulièrement menacées par le réchauffement climatique et ses épisodes caniculaires. Elles sont également victimes de l’érosion de la biodiversité, accélérée par les pratiques agro-industrielles encouragées par la loi Duplomb.

Entre canicules et épisodes de sécheresse, le tout sur fond de changement climatique, de nombreuses espèces d’oiseaux – en particulier les espèces dites cavernicoles (qui nichent dans les cavités, sous les toits ou dans les bâtiments) – sont menacées.

Les conséquences sont particulièrement dramatiques pour les martinets et les hirondelles, deux espèces déjà fragilisées par la raréfaction des insectes, les modifications de leurs habitats et l’impact des pesticides.

Le martinet : un oiseau méconnu 

Hirondelles et martinets sont souvent confondus. Pourtant, le martinet, appartenant à la famille des Apodidés, regroupe plusieurs espèces d’oiseaux migrateurs : le plus commun, le martinet noir, le martinet à ventre blanc, dit aussi martinet alpin, et le martinet pâle, présent seulement en région méditerranéenne.

Ces oiseaux formidables passent très peu de temps au sol. Une étude de la station ornithologique suisse de Sempach a d’ailleurs enregistré un spécimen qui est resté plus de six mois sans se poser (source : Science et avenir). Les martinets noirs spécifiquement, passent presque 99 % du temps en vol, en dehors des périodes de reproduction, ce qui peut représenter un vol continu de dix mois. 

Ce « voleur fou » est capable de boire en vol, simplement en ouvrant légèrement le bec… et en rasant l’eau, se reproduit en vol, ou encore, trouve de quoi fabriquer son nid… en vol. Pour dormir, très simple : il se laisse tomber dans les airs, en faisant dormir successivement l’hémisphère droit puis le gauche.

Les martinets noirs, principales victimes de la chaleur

Tandis que les martinets affluent en France de mai à juillet, le centre de soins de Pont de Gau dans la réserve naturelle de Camargue a dû fermer ses portes aux nouveaux arrivants à cause de leur trop forte affluence, selon France 3 PACA

En cause : les températures pouvant avoisiner les 40 à 60 degrés sous les toits, transformant les nids en mouroir. En fuyant la chaleur, les oisillons risquent la mort quasi certaine : chute, épuisement ou prédation par les chats.

Avec toutes autorisations – Wikicommons – Banjau​

Les canicules assassinent les martinets

Il y a 10 ans, l’épisode caniculaire de juillet 2015 était une hécatombe : des centaines de jeunes martinets noirs avaient été recueillis partout en France, dépassant la capacité des centres de soins, un phénomène qui se répète tragiquement à chaque nouvelle vague de chaleur. Marine Vannier, responsable du centre de soins de Pont de Gau, explique :

« Les martinets nichent sous les tuiles, ils meurent de chaud et les petits se jettent du nid. On les ramasse par terre après »

Elle ajoute : « dimanche, on a accueilli une quarantaine de martinets. On a atteint des chiffres records, c’est démesuré. Ça a commencé dans la semaine, et ça n’a fait qu’augmenter. Il y a eu des années chaudes avec beaucoup d’accueils, comme en 2022, mais à ce niveau, c’est la première fois. » De fait, même si, par chance, la chute du nid n’entraîne pas de blessure particulière, les petits sont condamnés car leurs parents ne sont plus en mesure de s’en occuper. 

Le problème avec ses pics de chaleur extrême, c’est la période et la récurrence. La reproduction des martinets a lieu entre mai et juillet, période durant laquelle un épisode caniculaire peut leur être fatal. « Lorsque cela arrive en août, les conséquences ne sont pas les mêmes », explique Marine Vannier. Effet papillon, les oisillons sont souvent très déshydratés à leur arrivée au centre et il est parfois trop tard. 

Les hirondelles : la triple peine !

Vincent Van Zaligue – avec toutes autorisations – Unsplash

Les hirondelles, oiseaux migrateurs qui installent leurs nids dans des habitations comme les granges et les étables, sont aussi en difficulté depuis plusieurs années. Il en existe plusieurs espèces, à savoir – les plus connues – l’hirondelle de fenêtre et l’hirondelle rustique – mais aussi l’hirondelle rousseline, de rocher ou de rivage, plus difficiles à observer. 

Malgré l’arrêt ministériel de 2009 pour les protéger, elles demeurent en situation de « préoccupation mineure » selon le classement de l’UICN, et certaines associations comme la LPO organisent chaque année un programme de comptages des nids d’hirondelles pour mieux identifier leur population. 

Des effectifs en chute libre

D’après l’article Hirondelles un symbole de printemps en danger, paru sur le site de l’OFB, les hirondelles ont vu leurs effectifs chuter : baisse de 42 % pour l’hirondelle de fenêtre et de 8 % pour l’hirondelle rustique depuis 1989 selon le Suivi Temporel des Oiseaux Communs (STOC) coordonné par le Muséum national d’Histoire naturelle et la LPO. 

En cause : une baisse de la ressource alimentaire par l’emploi d’insecticides (que pourtant la loi Duplomb veut promouvoir), la destruction directe des nids dans les vieilles constructions (pourtant passible d’une amende de 150 000 euros et 3 ans d’emprisonnement).  L’hirondelle de fenêtre, spécifiquement, est inscrite sur la Liste Rouge des espèces menacées en France. Son statut, déterminé selon les critères de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), est passé de « peu concerné » (Low Concerned) en 2008 à « quasi-menacé » (Near Threatened) en 2016. 

Un effet boule de neige qui aggrave la situation

Leur caractère cavernicole les pousse à nicher dans de vieilles bâtisses pour y construire des nids à base de boue, réutilisés d’une année à l’autre. De la même manière que les martinets, les hirondelles vont subir de plein fouet les épisodes de fortes chaleurs ; des épisodes aggravés par la raréfaction des insectes, leur principale source de nourriture, bombardés d’insecticides en période estivale. Les adultes peuvent aussi être contraints d’abandonner leur couvée si la température excède le seuil de tolérance à la chaleur, ou si la déshydratation devient trop forte. 

In fine, ces périodes de chaleur empêchent les hirondelles de constituer les réserves de graisse nécessaires à leur migration, augmentant la mortalité lors de leur périple vers le continent africain. De plus, quand les jeunes oisillons, entassés dans les nids lors de canicules, tentent de prendre l’air pour éviter la suffocation, les plus faibles tombent souvent au sol et succombent aux prédateurs.

« Les martinets vont généralement utiliser les grands bâtiments pour faire leurs nids, mais ce n’est pas le cas des hirondelles qui fabriquent leurs propres nids avec de la boue. Et la sécheresse fragilise les nids, qui peuvent se casser, entraînant la chute des juvéniles »

 C’est ce qu’explique Laure Labarthe, directrice du centre Paloume. « La sécheresse peut aussi conduire les adultes à parcourir des kilomètres pour trouver de la boue, ce qui les épuise et les empêche de nourrir correctement leurs petits », ajoute-t-elle.

Autres espèces touchées

Outre les martinets et les hirondelles, d’autres espèces, comme le merle noir, le moineau domestique ou le rouge-queue noir, sont également cités comme particulièrement exposés à cette mortalité accrue liée à la chaleur excessive, en raison de leurs habitudes de nidification sous les toitures et dans les cavités maçonnées. Chez les hirondelles de fenêtre comme chez les moineaux, la désorganisation des soins parentaux, la déshydratation et l’échauffement des nids mènent à la perte d’un grand nombre de poussins. 

Le moineau, déjà en difficulté du fait de la compétition alimentaire, « inféodé aux milieux urbains » comme le souligne cet article du CNRS est fortement menacé : « il dépend des hommes pour son habitat et sa nourriture en ville, indique Frédéric Angelier, chercheur au Centre d’études biologiques de Chizé (CEBC), il est de ce fait confronté à toutes les transformations, parfois agressives, de cet environnement. »

De plus petite taille que la moyenne, les moineaux des villes ont pourtant une moindre adaptation à celle-ci. En cause, le déclin des insectes, en lien avec la loi Duplomb; une réalité qui rappelle, une fois encore, l’interdépendance de tout le vivant.

–  Maureen Damman


Photo de couverture par Hans Schwarzkopf de Pixabay

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29.07.2025 à 18:58

Loi Duplomb : récit d’un sabotage démocratique

Simon Verdiere

Au début du mois de juillet 2025, la loi Duplomb a été votée par la majorité de l’Assemblée nationale après une alliance entre la droite et l’extrême droite. Au-delà des reculs environnementaux considérables contenus dans ce texte, c’est également le processus d’adoption, très contestable, qui interroge. Analyse. Non contents d’avoir contourné le débat grâce à […]

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Texte intégral (1984 mots)

Au début du mois de juillet 2025, la loi Duplomb a été votée par la majorité de l’Assemblée nationale après une alliance entre la droite et l’extrême droite. Au-delà des reculs environnementaux considérables contenus dans ce texte, c’est également le processus d’adoption, très contestable, qui interroge. Analyse.

Non contents d’avoir contourné le débat grâce à un stratagème peu connu, les fidèles d’Emmanuel Macron et le Rassemblement national semblent maintenant faire fi d’une importante pétition contre ce projet, qui approche doucement des deux millions de signatures. Dans ce contexte, l’absence de moyen d’intervention citoyenne dans la fabrication de la loi pose un véritable problème démocratique. Retour sur ce scandale environnemental et démocratique.

Un danger environnemental certain

Avant toute chose, il convient de rappeler que cette fameuse loi Duplomb semble tout droit sortie de l’agenda de la FNSEA, syndicat de l’agro-industrie. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si son instigateur vient lui-même de ce milieu. Ignorant toute considération environnementale et sanitaire, le projet défend les intérêts d’une minorité de grandes exploitations prêtes à tout pour engendrer le plus de profits possible.

Si la réintroduction de certains pesticides a fait les gros titres, il ne s’agit pas de la seule mesure polémique contenue dans ce projet. En effet, la loi consacre aussi les méga-bassines comme « d’intérêt public majeur », ce qui signifie qu’elles pourront désormais être bâties dans des zones où nichent des espèces protégées. Ces constructions ont pourtant déjà démontré leur caractère nocif pour la planète.

Mais ce n’est pas tout : le texte va également faciliter l’installation d’élevage intensif par l’abaissement des seuils de contrôles des exploitations, et il placera la police de l’environnement sous la tutelle des préfets, énième procédé anti-démocratique.

Le scandale du « 49.3 parlementaire »

À l’origine, puisque cette loi venait du Sénat, il incombait donc à l’Assemblée nationale d’en débattre, voire de l’amender, avant qu’elle puisse être adoptée définitivement. Or, toute la droite, avec la complicité du Rassemblement National, a usé d’un stratagème pour tout simplement éviter cette confrontation avec la gauche.

Ainsi, elle a déposé une motion préalable de rejet sur sa propre proposition qu’elle a votée elle-même. Dans ce cas de figure, le texte est directement envoyé en commission mixte paritaire, un petit groupe de députés et de sénateurs, sélectionnés de manière restreinte, pour tenter de trouver un accord.

À l’Assemblée Nationale, le droit de l’environnement face au « 49.3 parlementaire »

AlterMedia (@altermedias.skyfleet.blue) 2025-06-11T09:33:15.084Z

En large supériorité au Sénat, la droite a reçu l’appui du Rassemblement national pour ne pas donner son mot à dire à la gauche au sein de cette formation réduite. Au bout du compte, la loi a finalement été votée par la majorité de l’assemblée sans avoir pu être débattue ou modifiée. Un processus qualifié de « 49.3 parlementaire » par la gauche qui avait d’ailleurs déposé une motion de censure pour protester. Mais le gouvernement Bayrou avait alors une nouvelle fois été sauvé par le Rassemblement National.

Une pétition qui fait l’effet d’une bombe

Face à la dangerosité du texte et de ce processus anti-démocratique, Éléonore Pattery, une étudiante en sécurité environnementale, a déposé une pétition sur le site de l’Assemblée nationale contre ce texte qu’elle considère anticonstitutionnel (le conseil devra d’ailleurs se prononcer sur cette question avant le 10 août 2025).

Or, à la surprise générale, des centaines de milliers de citoyens se sont mobilisés pour signer cet appel, portant le total de ses soutiens à plus de 1,8 million. Une bombe médiatique qui a obligé la classe politique à réagir sur le sujet.

Un débat, mais pas de réexamen ?

Comme l’explique le site de l’Assemblée nationale, cette pétition n’est cependant guère contraignante : « Après attribution de la pétition à une commission, les députés de la commission désignent un député-rapporteur qui propose ensuite soit d’examiner le texte au cours d’un débat faisant l’objet d’un rapport parlementaire, soit de classer la pétition. La Conférence des présidents de l’Assemblée nationale peut également décider d’organiser un débat en séance publique sur une pétition ayant recueilli au moins 500 000 signatures, issues d’au moins 30 départements ou collectivités d’outre-mer. »

Un débat pourrait donc avoir lieu au Palais Bourbon sur le sujet, mais ce débat n’aura aucune portée légale. Si les députés pourront enfin exprimer leur point de vue à la tribune, les élus ne pourront « en aucun cas revenir sur le texte voté », comme l’a martelé Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée, également députée de la majorité présidentielle.

Déni démocratique

Cette situation met donc bien en lumière l’absence totale de leviers participatifs en France pour intervenir dans la fabrication de la loi. Une fois les élus désignés, ceux-ci sont entièrement libres de légiférer sans contrôle citoyen , sans consultation populaire et sans contrainte, comme en témoigne également l’épisode de la réforme des retraites.

Pourtant, dans une véritable démocratie, un tel nombre de signataires pourrait a minima enclencher un processus de référendum, comme le référendum d’initiative citoyenne (RIC), réclamé notamment lors du mouvement des Gilets Jaunes en 2018. On peut d’ailleurs grincer des dents lorsque l’on repense aux prétendues volontés d’Emmanuel Macron d’organiser un référendum. Étrangement, il existe peu de doute sur le fait qu’il n’appelle pas le peuple aux urnes sur des sujets aussi discutés que la réforme des retraites ou cette loi Duplomb.

Un mépris de la population

Face à cette opposition, le sénateur Duplomb, connu pour son climato-scepticisme à l’origine de la loi a, par exemple, estimé que la gauche faisait « peur à tout le monde », un propos paradoxal de la part d’un membre d’un parti qui entretient régulièrement un discours alarmiste sur l’insécurité et l’immigration. Emmanuel Macron a déploré « entendre des choses un peu simplistes ». À l’extrême droite, Marine Le Pen a dénoncé les « mensonges » accompagnant cette pétition, tout comme le député RN Julien Odoul qui assure que le pesticide n’est « pas nocif » et le texte est « truffé de mensonges et instrumentalisé  par les réseaux d’extrême gauche ».

En d’autres termes, les citoyens seraient, selon eux, inaptes à saisir la situation, guidés par leurs angoisses et par des contre-vérités. Une belle illustration de la « pensée complexe » et du mépris de certains représentants politiques envers des citoyens jugés incapables de comprendre dès lors que leurs choix s’opposent aux intérêts du capitalisme agro-industriel.

Une nécessaire refonte

De fait, une telle situation nous rappelle à quel point la population française est étouffée par son manque de respiration démocratique. La cinquième république, ultra-verrouillée et dépassée, offre la quasi-intégralité des pouvoirs au président et aux députés majoritaires.

Dans ce contexte, le peuple doit lui se contenter de voter une fois tous les cinq ans pour des élus qui ne seront, en pratique, soumis à aucune obligation de rendre des comptes ni aucune obligation d’appliquer leur programme politique. De quoi décourager de participer aux scrutins, ce qui en définitive finit par favoriser toujours plus les grands défenseurs de ce système à bout de souffle.

Pour autant, cette mobilisation populaire sur la loi Duplomb a de quoi nous remémorer qu’il existe encore en France de nombreux opposants à ce fonctionnement. Un appel au blocage du pays a d’ailleurs déjà été lancé pour le 10 septembre prochain. De quoi rendre un peu d’espoir à ceux qui aimeraient voir la situation évoluer.

Simon Verdière


Photo de couverture : Laurent Duplomb, sénateur de la Haute-Loire depuis 2017.

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28.07.2025 à 23:10

Moyen-Orient : le projet capitaliste et colonial de Trump et Netanyahu

Mr M.

Faire de Gaza une « Riviera », selon les mots de Trump, sans aucune trace de cynisme, illustre l’écart absurde entre les ambitions géopolitiques et la réalité génocidaire sur le terrain. Entre Israël et les États-Unis, c’est l’amour, le vrai. Trump, en chef d’orchestre de la Pax Americana, donne le ton des cessez-le-feu orchestrés au […]

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Texte intégral (2398 mots)

Faire de Gaza une « Riviera », selon les mots de Trump, sans aucune trace de cynisme, illustre l’écart absurde entre les ambitions géopolitiques et la réalité génocidaire sur le terrain. Entre Israël et les États-Unis, c’est l’amour, le vrai. Trump, en chef d’orchestre de la Pax Americana, donne le ton des cessez-le-feu orchestrés au Moyen-Orient. 

Trump, qui n’est plus à une contradiction près, affirme : « 1,8 million de personnes doivent quitter cette zone-là, parce que ce ne sera jamais la paix et qu’il y aura toujours des bombardements. Qu’ils aillent dans d’autres pays comme l’Égypte ou la Jordanie. » Ce à quoi répond son acolyte de longue date côté Israël :  « Les US prendront le contrôle de la bande de Gaza et nous y ferons aussi du bon travail ».

Quelles sont vraiment les ambitions des deux pays pour le Moyen-Orient ? Bien qu’ils donnent l’impression d’un projet commun, Trump exprime le contraire. 

Le cas iranien 

« Si l’on met de côté les “experts” médiatiques mobilisés par Israël et ses soutiens en Occident – annonçant depuis près de 40 ans que l’Iran serait “à quelques mois d’avoir la bombe”, la majorité des spécialistes estiment qu’il faudrait un à cinq ans à Téhéran pour parvenir à un tel résultat », rappelle Le Monde diplomatique de juillet 2025, (p.7).

Pourtant, la directrice nationale du renseignement national américain, Mme Tulsi Gabbard, reconnaissait que l’Iran avait considérablement augmenté ses capacités balistiques conventionnelles, mais rejetait l’idée d’un engagement dans la production d’une bombe, ce que Trump contredit sans fondement deux mois plus tard.

À l’inverse, Israël disposerait de 90 têtes nucléaires, selon Le Monde diplomatique toujours, mais les sources divergent sur les chiffres, puisqu’il n’y en pas d’officielles. 

Un ennemi pour nous rassembler tous ? 

En ouvrant un nouveau conflit, l’État d’Israël se stabilise face à un ennemi commun, par peur des bombardements et de la guerre. Quoi de mieux pour un dirigeant fortement contesté pour ses politiques belliqueuses qu’une union sous les bombes ? Cet épisode de guerre iranienne lui a même valu un regain de popularité, selon un article d’Europe 1. Il a « réussi l’exploit d’empêcher toute enquête officielle sur les dysfonctionnements de l’armée et des services de sécurité à la veille des attaques du 7 octobre 2023 »

Entre l’occupation du Liban, de la Palestine dont Gaza et la Cisjordanie, et l’appel des iraniens à la révolte contre leur dirigeant, n’excluant pas l’élimination du guide suprême, Israël n’a pas froid aux yeux dans ce contexte géopolitique tendu. Mais ce n’est là qu’une pratique courante – d’abord côté américain avec l’assassinat de Saddam Hussein – mais aussi côté israélien, lors de l’assassinat du chef du Hezbollah libanais tué dans un bombardement iranien.

« Le concept de changement de régime par la force est désormais brandi par Israël pour tordre le bras des pays arabo-musulmans qui continuent de refuser toute normalisation tant que la question palestinienne n’aura pas été réglée de manière équitable. » (source : Le Monde diplomatique, de juillet 2025). 

Comprendre : il sera très dur pour l’État d’Israël de se faire entendre et respecter tant qu’il ne respecte pas l’État Palestinien, comme le montre l’Algérie « qui serait prête à normaliser ses relations avec Israël le jour même où il y aura un État palestinien». L’Égypte, sous le joug du dictateur Abdel Fattah al-Sissi, a même signé un accord de paix avec Tel Aviv, bien que la population demeure tout de même très hostile envers l’État hébreu, qui se qualifie de « seule démocratie du Proche-Orient ».

Le fait que l’État d’Israël s’appuie sur des dictateurs pour conclure des accords de paix bon marché montre qu’il a en réalité besoin de ces régimes autoritaires, même s’ils sont officiellement considérés comme des ennemis.

Trump : une autre vision ? 

Malgré les annonces scandaleuses de Trump sur l’idée de faire de Gaza la Riviera du Moyen-Orient, il négocie en ce moment même un cessez-le-feu temporaire de 60 jours, contre échange d’otages. Trump joue davantage au cow-boy du Far West qu’au chevalier blanc, et entend imposer sa vision à Netanyahu. 

Le premier ministre israélien, de son côté, « va à Washington dans un contexte où il y a convergence essentielle entre les objectifs de Trump et [les siens] au Moyen-Orient : la neutralisation des “méchants acteurs” [régionaux – ndlr] selon leur vision, mais avec des objectifs qui se différencient », explique Philip Golub, professeur de relations internationales à l’Université américaine de Paris. 

Si Trump et Netanyahu s’accordent sur la nécessité de contenir l’influence iranienne et de restructurer le Moyen-Orient autour d’un axe Israël–pays sunnites – notamment l’Arabie saoudite –, leurs ambitions divergent sur le rôle de chacun. Trump vise une domination américaine claire, avec un Israël aligné sur la stratégie US, quitte à lui imposer des décisions tactiques, comme le retrait de Gaza. Netanyahu, au contraire, veut conserver une autonomie stratégique, notamment pour poursuivre ses politiques d’annexion, sa ligne dure sécuritaire et sa gestion interne du Hamas, perçu comme un outil de division palestinienne utile.

Avec toutes autorisations – Unsplash – Mohammed Ibrahim

Dans un article de Mediapart, Philip Golub résume ainsi que « Netanyahu veut garder ses marges de manœuvre, y compris à Gaza, tandis que Trump voudrait que Netanyahu plie sa politique dans celle des États-Unis », ajoute-t-il, avec une ambition de grande reconfiguration du Moyen-Orient autour de l’Arabie saoudite, des pays sunnites du Golfe et d’Israël, sous tutelle américaine, pour « créer une nouvelle zone de prospérité économique »

En creux, ce bras de fer traduit une rivalité pour le leadership régional : Trump cherche à apparaître comme l’architecte d’un « nouvel ordre » moyen-oriental, tandis que Netanyahu, en difficulté sur le plan intérieur, joue sa survie politique en renforçant son image d’homme fort intransigeant.

Derrière les ambitions diplomatiques de reconfiguration régionale, se cache une logique capitaliste de guerre et de reconstruction. Israël est l’un des leaders mondiaux de la cybersécurité, de la surveillance algorithmique et de la technologie militaire exportée, y compris testée en conditions réelles à Gaza. Cette « guerre laboratoire » devient aussi un argument de vente. Par ailleurs, la destruction massive de Gaza ouvre paradoxalement un marché lucratif pour les entreprises de BTP, notamment israéliennes ou alliées, qui pourront participer à une future reconstruction sous conditions politiques, loin de toute souveraineté palestinienne réelle. Le capitalisme post-colonial s’enracine ici dans les ruines de la dépossession.

L’ambition d’Israël : poursuivre l’annexion ?

Avec toutes autorisations – Eran Menashri – Unsplash

Facteur de déstabilisation suprême, l’État israélien a désormais installé une relation de domination territoriale en périphérie de ses frontières. Entre L’Iran et ses relais, le Hezbollah au Liban, le Hamas palestinien, Bachar al-Assad en Syrie et les houthis au Yémen, désormais affaiblis, l’armée israélienne bombarde allègrement des pays souverains, annexant des territoires en Syrie et au Liban, tout en poursuivant le génocide à Gaza. 

Ce projet expansionniste s’inscrit dans une logique de colonialisme de peuplement : en installant durablement des colons sur des territoires occupés, Israël modifie les équilibres démographiques et rend quasi irréversible tout projet d’État palestinien viable. Comme l’ont documenté Human Rights Watch ou Amnesty International, cette dynamique s’apparente à un régime d’apartheid au sens juridique : deux systèmes de droit, deux systèmes de mobilité, deux systèmes de sécurité cohabitent pour deux populations vivant sur un même territoire. Le colonialisme israélien ne se limite donc pas à une occupation militaire, il est aussi économique, juridique, culturel.

La Palestine sous apartheid. 2019. Wikimedia.

Cette volonté de toute-puissance trahit en réalité une profonde vulnérabilité : « C’est, pour reprendre une expression israélienne, “une joie de pauvre”, c’est-à-dire que cela réjouit les Israéliens, mais ne les rassure pas. Cela justifie le génocide et ça provoque une peur qui est ancrée. Netanyahu en tire une conséquence : il ne faut pas s’arrêter », ajoute Sylvain Cypel, journaliste au Monde. 

Trump exige alors un retrait total de l’armée israélienne à Gaza, mais cette ambition reste sans mesure, et sans après, puisque l’enclave palestinienne est un champ de ruines, avec plus de 57 000 Palestiniens tués depuis les attentats du 7 octobre, sans compter les disparus, les mutilés, les traumatismes. 

Dans des territoires comme Gaza, la Cisjordanie, le Liban, la Syrie ou l’Iran, ni Israël ni les États-Unis ne semblent avoir élaboré de plan concret pour gérer la période suivant les conflits actuels. Seuls certains groupes nationalistes israéliens extrémistes envisagent un avenir marqué par l’expansion territoriale, visant à intégrer une grande partie des territoires voisins au sein d’un « Grand Israël ».

« Le sionisme a toujours été un projet colonial de peuplement. Le mythe de la terre sans peuple pour un peuple sans terre n’est pas une erreur, c’est un effacement méthodique. » Ilan Pappé

Quant à l’Europe, qui aspirait à jouer un rôle de gardienne des principes juridiques internationaux, elle se retrouve marginalisée. Son soutien inconditionnel à Israël, bien que flou, au prix de vies palestiniennes, libanaises ou iraniennes, contribue à éloigner davantage le continent de toute influence réelle dans cette zone sensible.

–  Maureen Damman


Photo de couverture : Trump et Netanyahu en 2020. Wikimedia.

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25.07.2025 à 19:19

Lesbiennes, biodiversité et datacenters : les 10 bonnes nouvelles de la semaine !

Maureen Damman

Vous n’avez pas pu suivre l’actualité cette semaine ? Voici les 10 bonnes nouvelles à ne surtout pas manquer. 1. L’euro lesbien L’Euro féminin de football 2025 bat tous les records de visibilité avec près de 25 milliards de contacts médiatiques en cinq jours. Parmi les 368 joueuses, au moins 20% sont ouvertement lesbiennes ou […]

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Texte intégral (776 mots)

Vous n’avez pas pu suivre l’actualité cette semaine ? Voici les 10 bonnes nouvelles à ne surtout pas manquer.

1. L’euro lesbien

L’Euro féminin de football 2025 bat tous les records de visibilité avec près de 25 milliards de contacts médiatiques en cinq jours. Parmi les 368 joueuses, au moins 20% sont ouvertement lesbiennes ou bisexuelles, marquant une visibilité inédite de la communauté. (Mediapart)

2. Ancien golf converti en espace naturel protégé

Dans la Somme, un ancien golf de 32 hectares a été transformé en espace naturel protégé, favorisant la biodiversité locale, avec la création de mares, de pâturages et la plantation de plus de 1 000 arbres (selon les informations courantes). (Vert)

3. Sanctions à Israël

Douze pays, dont la Colombie et l’Afrique du Sud, ont imposé des sanctions diplomatiques ou économiques contre Israël pour marquer leur opposition à la guerre menée à Gaza, une première coordination de cette ampleur. (La Relève et la Peste)

4. Abandon des pires pratiques pour l’élevage intensif de poulets

Les marques Le Gaulois et Maître CoQ (groupe LDC) ont annoncé l’abandon des pires pratiques d’élevage intensif de poulets. Cela concerne plus de 100 millions d’animaux par an, selon l’association L214, qualifiant l’accord « d’avancée historique ». (L214)

5. Datacenters en péril

Le changement climatique met les data centers en péril : plusieurs incidents majeurs de surchauffe ou d’arrêt prolongé ont été rapportés en France cet été, alimentant l’inquiétude sur la durabilité des infrastructures numériques face aux vagues de chaleur. (Reporterre)

6. Recours contre un décret gouvernemental

L’ONG Agir pour l’environnement a engagé un recours contre un décret gouvernemental qui encadre le calendrier d’expertise de l’Anses sur les pesticides, jugeant insuffisant le temps alloué à l’évaluation indépendante de ces substances. (LeMonde)

7. Actions de blocage devant Decathlon et Kiabi

Suite à des actions de blocage par l’association Le Relais devant Decathlon et Kiabi, une aide d’urgence a été débloquée pour financer le tri et la collecte des vêtements de seconde main, afin d’éviter l’engorgement du secteur du réemploi.(LeMonde)

8. 80 personnalités pour le journaliste retenu en Algérie

Plus de 80 personnalités, dont Catherine Deneuve, Yann Barthès et Benjamin Biolay, ont appelé publiquement à la libération de Christophe Gleizes, journaliste retenu en Algérie, mobilisant l’opinion sur son sort. (Le Monde)

9. La Grèce va créer deux aires maritimes protégées encore plus grandes

La Grèce avait annoncé lors de l’UNOC la création de deux nouvelles aires marines protégées en mer Ionienne et dans l’archipel des Cyclades, en mer Égée du Sud, qui dépassent les objectifs fixés pour 2030 et s’étendent au-delà des annonces initiales du Premier ministre, atteignant environ 27 500 km². (Euronews)

10. L’Espagne autorise les dons d’organes entre personnes séropositives

Rejoignant d’autres pays comme l’Afrique du Sud, les États-Unis et le Royaume-Uni, L’Espagne autorise désormais le don d’organes entre personnes séropositives au VIH. (euronews)

–  Maureen Damman

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25.07.2025 à 19:19

Israël, Deepfake et bolloré : les 10 actus de la semaine

Maureen Damman

Vous n’avez pas eu le temps de lire l’actu ? Voici notre top 10 des actualités à ne pas manquer cette semaine. 1. Conditions des journalistes et des Palestiniens à Gaza  Le Syndicat national des journalistes de l’AFP a alerté sur les conditions dramatiques auxquelles sont confrontés les journalistes couvrant la bande de Gaza, ainsi […]

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Vous n’avez pas eu le temps de lire l’actu ? Voici notre top 10 des actualités à ne pas manquer cette semaine.

1. Conditions des journalistes et des Palestiniens à Gaza 

Le Syndicat national des journalistes de l’AFP a alerté sur les conditions dramatiques auxquelles sont confrontés les journalistes couvrant la bande de Gaza, ainsi que les millions de Palestiniens vivant sous blocus. Selon ce syndicat, les journalistes subissent des violences, restrictions d’accès et menaces qui entravent la couverture indépendante. (Libération)

2. Condamnations internationales contre Israël 

Après le bilan officiel de plus de 15 000 morts civils à Gaza, dont environ 4 500 enfants, 25 pays, dont la France, ont publié des déclarations condamnant les « meurtres inhumains » de civils palestiniens, notamment d’enfants, causés par l’offensive israélienne. (France24)

3. Mobilisation contre la loi Duplomb

Une pétition contre la loi Duplomb, visant à modifier la réglementation sur l’usage des pesticides, a déjà rassemblé plus de 1,9 million de signatures. La présidente de l’Assemblée nationale a annoncé son soutien à un débat en séance. Le Conseil constitutionnel rendra  » a priori  » sa décision le 7 août. (vie-publique)

4. Pourparlers de paix Ukraine-Russie 

Malgré la proposition de cessez-le-feu immédiat à nouveau formulée mercredi par la délégation ukrainienne dans le cadre des négociations d’Istanbul, l’armée russe a lancé une centaine de drones et quatre missiles, déplore Volodymyr Zelensky, faisant trois morts dans l’oblast de Kharkiv. (LeMonde)

5. Violences en Syrie malgré un cessez-le-feu

Des affrontements violents ont éclaté à Soueida malgré l’annonce d’un cessez-le-feu immédiat par le président syrien Bachar al-Assad. Selon les ONG, plus de 1 200 personnes ont été tuées et près de 87 000 déplacées en une semaine dans cette zone instable, où les factions rebelles continuent leur résistance contre le régime. (SudOuest)

6. Retrait des États-Unis de l’Unesco 

Sortie de l’Unesco pour le géant américain, après plusieurs désaccords sur la gouvernance et les orientations de cette institution culturelle internationale. Ce retrait pourrait affecter les programmes de préservation du patrimoine mondial et de coopération éducative. (GEO)

7. Socfin et Bolloré épinglés dans une enquête internationale

Dans plusieurs pays d’Afrique et d’Asie (notamment Sierra Leone, Cameroun, Cambodge), des expropriations forcées, violences, pollution des eaux et destruction de forêts sont documentées contre le groupe Socfin, lié à Bolloré. Plus de 200 000 hectares seraient concernés par l’expansion des plantations d’huile de palme et d’hévéa. (Mediapart)

8. Pesticides interdits retrouvés dans les logements

Des traces de pesticides interdits, comme le lindane et le DDT, ont été trouvés sur les murs intérieurs de logements en France. (Vert)

9. Deepfake contre les opposants à l’A69

Une deepfake montrant des propos montés de toutes pièces attribués à des militants contre le projet les fait passer pour violents ou radicaux. Diffusée anonymement sur les réseaux sociaux, la vidéo a été relayée par plusieurs comptes favorables au projet. (Vert)

10. Baisse des investissements climatiques en 2024

Les investissements publics pour le climat en France ont diminué de 4,5 % en 2024 par rapport à 2023, passant sous la barre des 35 milliards d’euros. Cette baisse touche notamment les secteurs des transports durables et de la rénovation thermique. (Reporterre)

11. Centres de faune sauvage débordés

Les centres de soins pour la faune sauvage enregistrent un afflux inédit d’animaux blessés ou en détresse. La LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux) rapporte une hausse de +38 % d’admissions par rapport à 2022, avec plus de 80 000 animaux accueillis en 2024. (Le Relève et la Peste)

–  Maureen Damman 

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25.07.2025 à 10:54

Bon alors, c’est quoi WOKE ?

Mr Mondialisation

Mr Mondialisation prend la plume – ou plutôt le clavier – pour une petite mise au point. À quoi se réfère le terme ‘woke’ ? Voici une liste (non exhaustive) de toutes les valeurs renvoyées à ce mot si décrié. Félicitations à vous si vous vous y reconnaissez !  Bon alors, c’est quoi WOKE ?! […]

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Texte intégral (1760 mots)

Mr Mondialisation prend la plume – ou plutôt le clavier – pour une petite mise au point. À quoi se réfère le terme ‘woke’ ? Voici une liste (non exhaustive) de toutes les valeurs renvoyées à ce mot si décrié. Félicitations à vous si vous vous y reconnaissez ! 

Bon alors, c’est quoi WOKE ?!

On pourrait pondre un livre sur les origines historiques du mot, à savoir le mouvement Black Lives Matter, mais à quoi bon ? Les anti-woke s’en foutent et ne liront pas car « c’est trop long ton truc. » Alors, faisons simple. De quoi WOKE est-il le nom pour ces gens ? (Attention, si tu coches au moins 3 cases, tu es un vilain WOKE!)

Tu critiques la mondialisation capitaliste ? → Woke

Tu luttes pour les Droits humains ? → Woke

Tu n’es pas hétéro ? → Woke

Tu es hétéro et tu tolères l’orientation sexuelle ou l’identité de genre des autres ? → Woke

Manifestation du 8 mars 2024 à Paris, par Jeanne Menjoulet ; flickr CC

Tu ne gobes pas le narratif des médias de milliardaires type Cnews ? → Woke

Tu adhères aux conclusions scientifiques sur le climat ? → Woke

Tu n’es pas un masculiniste toxique ? → Woke

Tu as de la compassion et de l’empathie ? → Woke

Manifestation du 8 mars 2025 à Paris, par Jeanne Menjoulet ; flickr CC

Tu soutiens les petits médias indépendants aux valeurs sociales assumées ? → Woke

Tu as une approche zététique des faits et tu ne gobes pas toutes les théories du complot niveau TikTok ? → Woke

Tu n’es pas raciste ? → Woke

Tu estimes que les soins de santé devraient être un Droit pour toutes et tous, pas un privilège de riches ? → Woke

Tu n’insultes pas les femmes si elles se refusent à toi, si elles changent d’avis, si elles sont trop ceci ou pas assez cela, ou même gratuitement ? → Woke

Tu estimes que la survie de notre planète est plus importante que le PIB ? → Woke

Tu n’es pas en PLS devant la couleur de peau d’un personnage de Disney ? → Woke

Tu penses que les personnes trans peuvent simplement vivre et exister sans être harcelées, insultées, menacées, agressées ? → Woke

Manifestation du 8 mars 2025 à Paris, par Jeanne Menjoulet ; flickr CC

Tu crois que la vie c’est plus important que le pognon ? → Woke

Tu sais qu’il est plus mature d’écouter, comprendre et négocier plutôt que d’écraser ? → Woke

Tu penses que l’environnement est en danger et doit être protégé ? → Woke

Tu veux changer ton mode de vie pour minimiser ton impact sur ton environnement ? → Woke

T’aimes pas trop l’idée que 1 % de la population mondiale possède près de la moitié des richesses ? → Woke

Manifestation du 8 mars 2024 à Paris, par Jeanne Menjoulet ; flickr CC

Tu n’aimes pas l’idée qu’on génocide un peuple ? → Woke

Tu penses que de discriminer des gens c’est pas génial et qu’il faut défendre la valeur humaine des plus exposés ? → Woke

Tu estimes que la masculinité ne doit pas être violente et toxique ? → Woke

Tu crois que les femmes méritent l’égalité des Droits, dans la loi ET en pratique ? → Woke

Manifestation 8 mars 2019 à Paris, par Jeanne Menjoulet ; flickr CC

Tu n’aimes pas humilier les gens avec des blagues beaufs du siècle dernier ? → Woke

Tu sais faire la différence entre une manifestation populaire légitime et des violences médiatisées en marge de celle-ci ? → Woke

Tu as les 2 neurones nécessaires pour comprendre que quand une multinationale instrumentalise les valeurs d’humanisme et progressistes associées au « wokisme » comme asset marketing, ça ne rend pas l’empathie authentique moins importante ? → Woke

Tu crois qu’être milliardaire ne fait pas forcément de toi quelqu’un de bien ou de méritant ? → Woke

Tu crois qu’être précaire ne fait pas de toi un parasite ou un assisté ? → Woke

Tu peux aimer ton pays pour des milliers de raisons nuancées sans céder au fascisme primaire ? → Woke

Tu penses que les femmes ne devraient pas être soumises aux hommes, ni tout le monde aux diktats parfois invisibles du patriarcat ? → Woke

Manifestation du 8 mars 2025 à Paris, par Jeanne Menjoulet ; flickr CC

Tu crois que les violeurs doivent être punis même s’ils sont super connus et que les victimes ne portent pas plainte pour « l’argent » ou la « notoriété » ? → Woke

Tu penses qu’il faut lutter pour tes droits sociaux ? → Woke

Tu utilises la sociologie pour comprendre des phénomènes complexes plutôt que des biais simplistes qui rassurent ou flattent ton ego ? → Woke

Tu sais réfléchir en nuances de gris et en paradoxes (sans forcément rogner sur ton indignation ou ta colère saine) ? → Woke

Tu crois qu’un autre monde plus juste et bienveillant est possible ? → Woke

Tout ça à la fois ? → Mega Woke qui menace la planète d’une destruction totale ! (alors que la pollution, la guerre, la haine, la violence, le racisme, le négationnisme scientifique, l’autoritarisme, ça va nous sauver…).

Bref, le « woke », c’est le bouc émissaire moderne idéal d’un monde capitaliste en fin de vie qui n’a plus d’autre choix que de sacrifier les valeurs humaines et de diviser la population pour survivre en accentuant la compétition et les rapports de domination entre les êtres et en instaurant ici et là des dictateurs qui se nourrissent de la haine.

– Mr Mondialisation


Et pour aller plus loin (re)lire notre article : « Wokisme » : le fantasme réac pour rester dans le déni

Image d’en-tête : Manifestation du 8 mars 2025, par Jeanne Menjoulet ; flickr CC

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25.07.2025 à 03:07

Victoire : Le Gaulois et Maître CoQ renoncent aux pires pratiques

S. H.

Cette décision, aussi infime puisse-t-elle paraître dans notre modèle d’exploitation des animaux, marque toutefois l’aboutissement de la plus grande campagne de L214. Retour sur une avancée historique dans le combat pour le droit animal.  Après une campagne publique de plus de 3 ans menée par L214 et des échanges constructifs entre l’entreprise et L214, le groupe LDC s’engage […]

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Texte intégral (2146 mots)

Cette décision, aussi infime puisse-t-elle paraître dans notre modèle d’exploitation des animaux, marque toutefois l’aboutissement de la plus grande campagne de L214. Retour sur une avancée historique dans le combat pour le droit animal. 

Après une campagne publique de plus de 3 ans menée par L214 et des échanges constructifs entre l’entreprise et L214, le groupe LDC s’engage pour ses marques phares Le Gaulois et Maître CoQ à respecter les critères du European Chicken Commitment (ECC) pour mettre fin aux pires pratiques d’élevage et d’abattage des poulets en France d’ici 2028.

« LDC c’est 40 % du marché français de la viande de poulet et jusqu’à 400 millions de poulets chaque année ».

L’engagement de LDC – qui représente 40 % du marché français de la viande de poulet – concerne jusqu’à 400 millions de poulets chaque année. LDC s’engageant aussi à honorer les demandes de ses clients en viande de poulet respectant ces exigences, son annonce consolide l’engagement de plus de 120 entreprises investies dans cette transition et adresse un signal fort à l’ensemble du secteur, notamment à ses concurrents Terrena, Plukon (Duc) ou Maïsadour, pas encore engagés.

L’aboutissement de trois années de mobilisation 

Il s’agit de la campagne la plus ambitieuse jamais menée par l’association L214, déployée à travers de nombreuses actions : rassemblements devant le siège de LDC, opérations de sensibilisation dans toute la France, pétitions rassemblant plusieurs centaines de milliers de signatures, publications d’enquêtes, interpellations publiques… Elle a aussi reçu le soutien de nombreuses personnalités, parmi lesquelles Julie Depardieu, Nagui, Hugo Clément, Raphaël Mezrahi, Stéphane Bern, le collectif Les Amis de Lobby ou encore la youtubeuse Sonya Lwu.

Action LDC Nagui @L214

« Cette avancée majeure montre que la mobilisation citoyenne soutenue peut faire reculer les pratiques les plus cruelles de l’élevage intensif ».

Fin des poulets à croissance ultrarapide

Pour les centaines de millions de poulets élevés et abattus tous les ans pour les marques Le Gaulois, Maître CoQ et autres clients de LDC, cet engagement implique :

  • une baisse des densités en élevage de 20 à 15 poulets par mètre carré maximum ;
  • la fin de l’utilisation de souches à croissance ultrarapide, comme la Ross 308, qui entraîne d’importants problèmes de santé et des souffrances aigües pour les oiseaux ;
  • de la lumière naturelle, des perchoirs et des blocs à picorer dans les élevages ;
  • une méthode d’abattage qui évite l’accrochage des animaux conscients.
@L214

L214 va désormais veiller à ce que les progrès de LDC et de ses clients (supermarchés, chaînes de restaurants, etc.) suivent une trajectoire cohérente pour respecter l’échéance fixée à 2028.

Le European Chicken Commitment, un engagement minimum efficace pour réduire les souffrances des poulets

Le European Chicken Commitment est le fruit des recherches de vétérinaires, d’éthologues et de spécialistes de l’élevage des poulets en partenariat avec une quarantaine d’associations de défense des animaux en Europe pour mettre fin aux pires pratiques.

Les critères définis dans l’ECC établissent un socle minimal d’exigences en matière d’élevage et d’abattage, là où la réglementation a permis l’intensification des pratiques au détriment des animaux.

L214 Paris @L214

« cet engagement permet de réduire de 78 % le temps passé par les poulets à souffrir de douleurs intenses insupportables ».

En 2023, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) préconisait de faire évoluer les conditions d’élevage et de mise à mort des poulets, confirmant la nécessité de réduire les densités d’élevage et d’abandonner le recours aux souches de poulets à croissance rapide. L’année précédente, une étude du Welfare Footprint Project évaluait que l’ECC permet de réduire de 78 % le temps passé par les poulets à souffrir de douleurs intenses insupportables.

Pourtant, sur le plan législatif, cet éclairage scientifique n’a pas empêché des régressions importantes, comme en témoigne le recul opéré avec la loi Duplomb.

L’engagement de LDC constitue une avancée majeure pour soulager les poulets tant par le nombre d’animaux concernés que par l’intensité des douleurs endurées.

Les autres entreprises n’ont plus d’excuses

Avec l’engagement du groupe LDC, une grande partie de l’industrie agroalimentaire a désormais pris acte des attentes sociétales vis-à-vis des conditions de vie et de mise à mort des poulets. L214 appelle désormais les entreprises qui n’ont pas encore agi à adopter les standards minimaux de l’European Chicken Commitment.

@L214

Le distributeur Grand Frais, le fast-food McDonald’s ou encore le fabricant de plats préparés Cofigeo (William Saurin, Zapetti…) figurent parmi les retardataires.

Le groupe Terrena (propriétaire des marques Père Dodu, La Nouvelle Agriculture et Douce France), Plukon (Duc), Maïsadour et Euralis ne sont pas encore engagés sur cette transition majeure du secteur.

→ Consulter la liste des dernières entreprises sans engagement

L214 suit de près les engagements des entreprises en demandant des reportings annuels et des plans d’action pour assurer la transition.

Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 :
« Cet engagement de LDC est le fruit de trois années de campagne publique et d’un dialogue constructif que nous saluons. Il représente une avancée importante pour faire reculer les souffrances des animaux et trace la voie que toutes les entreprises agroalimentaires doivent désormais suivre. Le choix du leader du secteur envoie un signal fort à l’industrie agroalimentaire dans son ensemble.

Aux enseignes de la grande distribution et de la restauration qui manquent à l’appel : il n’y a plus d’excuses pour ne pas faire évoluer rapidement les pratiques.

Quant aux producteurs pas encore engagés, Terrena en tête, nous poursuivrons nos actions pour mettre en lumière leur responsabilité et accélérer la fin des pratiques les plus cruelles de l’élevage intensif. »

– L214

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24.07.2025 à 03:02

Bombe nucléaire : le passe-droit d’Israël face au reste du Golfe

Maureen Damman

Israël a développé l’arme nucléaire, mais l’interdit pourtant à ses voisins tout en invoquant l’argument de  » la guerre préventive « . Au fond, pourquoi cet écart de traitement et de confiance, surtout à l’heure où Israël est plus incontrôlable que jamais dans son ambition militaire ? Éléments de réponse. Russie, États-Unis, Chine, France, Royaume-Uni, Inde, […]

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Texte intégral (1629 mots)

Israël a développé l’arme nucléaire, mais l’interdit pourtant à ses voisins tout en invoquant l’argument de  » la guerre préventive « . Au fond, pourquoi cet écart de traitement et de confiance, surtout à l’heure où Israël est plus incontrôlable que jamais dans son ambition militaire ? Éléments de réponse.

Russie, États-Unis, Chine, France, Royaume-Uni, Inde, Pakistan, Israël, Corée du Nord : 9 pays possèdent officiellement l’arme nucléaire. Dans ce contexte de guerre historique larvée – et désormais entérinée entre Israël et l’Iran, puis de trio fondée sur une blitzkrieg (ou guerre éclair) menée par le président Trump, – le mot d’ordre à l’encontre des pays du Golfe est le suivant : “ vous n’avez pas le droit d’avoir la bombe nucléaire”.

Pourtant, l’État d’Israël s’est arrogé le droit, lui, de produire plusieurs ogives nucléaires, tout en empêchant férocement l’Iran, son ancien État ami jusqu’au Chah Mohammad Reza Pahlavi, de l’obtenir. 

Bombe nucléaire : pourquoi Israël a le droit de l’avoir, mais pas les autres états du Golfe ? 

L’État hébreu l’a toujours nié, mais il s’est doté de l’arme atomique dans les années 60, grâce à la France. Il a réussi à outrepasser le traité de non-prolifération des armes nucléaires, tout en s’assurant une position de force, au Proche-Orient”, affirme France Culture. 

Le docteur en sciences politiques Nicolas Ténèze, chargé de cours à l’Institut catholique de Toulouse, raconte la fondation du pays, de facto en guerre contre plusieurs pays arabo-musulmans : “comme le territoire israélien est extrêmement étroit, il n’y a pas de profondeur stratégique, il fallait, dans des délais très courts, une dissuasion nucléaire”. 

La France : alliée du programme nucléaire israélien

À l’époque du premier ministre David Ben Gourion, le pays ne peut pas compter sur les belliqueux États-Unis, peu enclins à partager cet avantage avec l’État d’Israël. Il se tourne alors vers la France, également en quête d’un programme nucléaire. Celle-ci soutient le projet sioniste et espère faire oublier la période de Vichy, les génocides et la déportation qui ont eu lieu seulement 15 ans auparavant. 

L’Hexagone participe ainsi à la construction de la centrale de Dimona dans le désert du Néguev qui devient la pièce maîtresse du dispositif nucléaire israélien. Le pays en doit par ailleurs le développement à l’entreprise Dassault qui lui fournit missiles et avions capables de transporter des charges nucléaires. 

« Cette coopération profite aussi à la France qui a accès à de nouvelles technologies »  

Cette coopération profite aussi à la France qui a accès à de nouvelles technologies, comme le supercalculateur, ancêtre de l’ordinateur.  

Une péninsule arabique apeurée 

Cette nouvelle anxiogène pour les pays du Golfe se diffuse comme une traînée de poudre, et réveille les dictateurs de la péninsule arabique. 

Le président égyptien de l’époque, Gamal Abdel Nasser, annonce qu’il se lancerait dans une guerre préventive, si Israël se mettait à créer une guerre nucléaire (ce qui nous renvoie au contexte récent de “frappe préventive”, notion qui n’existe pas dans le droit international.)

« Israël possèderait entre 90 et 200 ogives »

Israël garde alors le secret et mène en bateau l’administration américaine quand elle envoie des inspecteurs sur place pour vérifier le chantier de la centrale de Dimona. Israël affirme qu’il s’agit en fait d’usines textiles, usines qui sont en réalité sur plusieurs étages souterrains, où étaient conçus l’enrichissement et le traitement de la bombe nucléaire.

Israël possèderait, selon France Culture, entre 90 et 200 ogives, un tout petit peu moins que la France qui en possède 290.  

La fin de coopération nucléaire France – Israël

En 1961, l’arrivée du général de Gaulle met fin à cette coopération et à toute aide française concernant l’usine de séparation du plutonium. Il promet en revanche de terminer la construction du réacteur de Dimona. Le programme nucléaire français n’a surtout plus besoin d’Israël, qui se tourne alors vers l’Afrique du Sud.

« En 1967, la communauté internationale sait qu’Israël est en possession de la bombe H ».

La doctrine Begin, qui consiste à bombarder de manière préventive ou préemptive les programmes nucléaires des adversaires d’Israël voit le jour. Elle est mise en place dès 1981 contre l’Irak, avec les bombardements du réacteur d’Osirak, puis en Libye, en Sirie, en récemment, en Iran. 

À l’heure actuelle encore, le nucléaire militaire constitue un vrai tabou dans la société israélienne, où la question n’est jamais débattue au sein du Parlement. Récemment, le ministre Amichay Eliyahu avait évoqué la possibilité de lancer une bombe nucléaire sur Gaza, ce qui lui valut ensuite d’être suspendu, selon Europe 1.  

Le double jeu d’Israël 

« ISRAËL est l’un des quatre pays à disposer de l’arme nucléaire sans avoir signé le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires ».

Dans ce jeu de dupes, Israël n’est pas le seul : avec l’Inde, le Pakistan et la Corée du Nord, il est l’un des quatre pays à disposer de l’arme nucléaire sans avoir signé le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.

L’État israélien refuse surtout catégoriquement que ses installations nucléaires militaires soient contrôlées par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), à l’inverse de l’Iran. L’AIEA a d’ailleurs soutenu à plusieurs reprises la résolution de 18 pays appelant Israël à placer ses installations nucléaires sous sa supervision. 

La bombe nucléaire : un prétexte pour détruire l’Iran ? 

Dans ce contexte, il est légitime de se demander si le conflit avec l’Iran ne servait pas davantage à jeter un voile pudique sur les horreurs commises à Gaza, comme l’affirme Bertrand Badie, Professeur émérite à l’Institut d’études politiques de Paris, dans une interview pour Blast. Selon lui : Contrairement à ce qu’on dit, l’Iran n’était pas au bord de disposer de l’arme nucléaire.” 

Il ajoute, Les cibles nucléaires sont minoritaires parmi toutes celles qui ont été atteintes.  Il y a aussi des cibles militaires classiques, des infrastructures, les réservoirs en carburants dans la ville de Téhéran et la population civile.

Cette manœuvre contre l’Iran chercherait donc plutôt à opérer un changement de régime en Iran ou à invisibiliser Gaza sur le plan médiatique, qui affiche tout de même 377 000 disparus palestiniens selon les données du Tsahal.

c Sans oublier la théorie de l’ennemi, de Karl Schmidt : quelle meilleure manière de se constituer en bloc que devant l’ennemi commun ?, rappelle Bertrand Badie. 

–  Maureen Damman


Image d’entête @Avec toutes autorisations – t Penguin – Unsplash

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23.07.2025 à 06:00

« Effondrisme » : le danger d’une critique hors-sol des technologies

Maureen Damman

À notre époque saturée de réseaux, d’algorithmes et de fantasmes transhumanistes, une voix essaie de faire sa place : celle des militants technocritiques. Parmi eux, il y a Anti-Tech Resistance. Pour ce collectif, il ne s’agit plus d’interroger les technologies, ni même de ralentir leur développement. Il s’agit de tout éteindre. Derrière cette prétendue radicalité, […]

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Texte intégral (3683 mots)

À notre époque saturée de réseaux, d’algorithmes et de fantasmes transhumanistes, une voix essaie de faire sa place : celle des militants technocritiques. Parmi eux, il y a Anti-Tech Resistance. Pour ce collectif, il ne s’agit plus d’interroger les technologies, ni même de ralentir leur développement. Il s’agit de tout éteindre. Derrière cette prétendue radicalité, se cache une vision hors-sol, indifférente aux réalités sociales, sanitaires et politiques des plus vulnérables. Analyse.

Par une série de performances publiques, de perturbations d’événements et de prises de parole virales, le mouvement Anti-Tech Resistance a fait irruption dans le champ médiatique et militant avec une allure de rupture absolue. 

Sa cible ? L’ensemble du monde technologique, des puces 5G aux frottis, des compteurs Linky à l’assistance respiratoire. Son mot d’ordre ? Saboter l’infrastructure industrielle tout azymut, pour, selon eux, sauver la vie sur Terre. Rien que ça.

Mais qui sont ces nouveaux luddites 2.0 ? Que défendent-ils vraiment ? Et surtout, ont-ils une place dans le champ des luttes d’émancipation ou ne sont-ils que les témoins d’une impasse politique majeure, dérivée d’un désespoir bien réel, mais peu opérant ?

Quand la haine des machines devient la haine des luttes sociales

Derrière cette vidéo émouvante au slogan pacifiste du mouvement Anti-Tech Resistance ATR, l’idéologie, elle, est moins attendrissante. Elle s’inspire d’une figure plus que douteuse : Ted Kaczynski, alias Unabomber, mathématicien américain, activiste anarcho-écologiste et néo-luddiste, se moquant des luttes antiracistes, féministes et d’émancipations sociales, et qui envoyait des bombes à des personnes gravitant dans le monde de l’informatique ou de la « tech », occasionnant 3 morts, 23 blessés et le reste de sa vie en prison. C’est pourtant les citations de son livre La société industrielle et son avenir que l’on retrouve de manière récurrente sur le site d’ATR.

Cette référence à Unabomber clive. Le média Usbek&Rica souligne, dans un article sur le mouvement, que certains militants assument l’importance théorique d’un homme qui prônait très tôt un démantèlement violent de la société industrielle, tandis que d’autres tentent de conserver une distance critique.

Impossible malheureusement d’échanger avec eux sur le sujet, puisque la seule réponse que nous avons pu obtenir de leur part après les avoir sollicités, c’est que le mouvement « se méfie des journalistes suite à divers esclandres ».  

Une idéologie de rupture

Quoi qu’il en soit, la ligne de fracture est nette : pour ATR, la technologie quelle qu’elle soit n’est pas neutre, elle est un vecteur structurel d’aliénation, de domination et de destruction.

Cette vision s’inscrit dans une tradition anti-industrialiste, qui juge que toute technologie emporte avec elle une manière de faire le monde qui rend impossible son usage « émancipateur ». Dès lors, pas de distinction entre haute et basse technologie, entre numérique et mécanique : tout outil s’inscrit dans un cadre politique déterminé, et dans notre société contemporaine, ce cadre reste celui du capitalisme, d’un modèle industriel hiérarchisé, centralisé, et non démocratique. Rejeter les technologies, c’est donc, dans cette logique, refuser cet ordre du monde. A priori, on ne peut qu’adhérer à ces idées. 

Dans l’article Technocritique: peut-on tout éteindre ? À propos de l’anti-industrialisme, publié et édité par Irénée Régnauld, on retrouve cette logique implacable : la technique ne peut être contrôlée parce qu’elle est, par essence, un « système autonome », une force qui s’auto-alimente, s’auto-renforce et finit toujours par échapper à ses prétendus concepteurs. C’est, pour le dire vite, une hydre qui ne connaît pas la régulation ni la démocratie. Jusqu’ici, tout va bien. 

Pourtant, le mot d’ordre — « tout éteindre » — ne constitue pas une stratégie, mais une injonction vide d’opérabilité. Il s’agit moins d’un plan politique que d’un geste symbolique, difficilement applicable dans un monde complexe où les infrastructures techniques sont imbriquées dans chaque aspect de la vie quotidienne. Cette radicalité relève davantage du fantasme que d’un projet structuré de société.

Envers et contre toustes

Le problème vient en fait des œillères du mouvement puisque ATR rejette explicitement l’intersectionnalité des luttes, considérant qu’elle n’est « pas stratégique » dans le cadre de leur lutte contre le système technologique, peut-on lire sur leur site.

Pour ATR, la priorité absolue est l’efficacité et la concentration sur un objectif unique : le démantèlement du système techno-industriel. Les membres du collectif estiment que multiplier les combats ou intégrer des enjeux de justice sociale (féminisme, antiracisme, validisme, etc.) diluerait leur action et risquerait de nuire à leur objectif central.

« préférer une victoire impure à une défaite inclusive »

Leur position est d’ailleurs résumée sur leurs réseaux par cet inquiétant slogan : « préférer une victoire impure à une défaite inclusive » et par l’idée que « les émotions ou la morale ne doivent en aucun cas interférer avec la réalisation de notre objectif ».

Cette focalisation sur le combat anti-technologique au détriment de toutes les autres luttes ne répond qu’à un seul impératif : réussir leur objectif, quel qu’en soit le prix, même celle de la vie de celles et ceux qui ne pourront survivre à ce black-out. Un étrange paradoxe par rapport au but initial qui est de sauver la vie Terre.

Avec toutes autorisations – Unsplash -Chanhee Lee

Ce positionnement révèle plusieurs impasses majeures :

  • D’abord, une posture marquée par un certain privilège, car peu de personnes ont concrètement les moyens de « tout éteindre ». Ceux qui dépendent des technologies pour survivre (soins, mobilité, communication) sont les grands absents de cette vision.

  • Ensuite, une vision de la technique désincarnée, comme si elle ne pouvait jamais être gouvernée collectivement, contournée ou détournée.

  • Enfin, cette radicalité peut glisser vers une forme de repli identitaire, en valorisant des récits de pureté, de nature sauvage, voire de retour à une société idéalisée, où seuls les plus forts (valides, autosuffisants, ruraux) survivraient.

Autant de points qui soulignent que ATR échoue à penser le social, la gouvernance et l’inclusion.

Une posture qui isole plus qu’elle ne fédère

Cet absolutisme rigide et sacrificiel place immédiatement ATR dans une position politique intenable. le texte Ni de gauche ni de droite, mais bien réac, issu d’un travail collectif entre des membres des collectifs l’AG Antifa Paris 20e, Extinction Rebellion, Désert’Heureuxses, le Mouton Numérique, la SAMBA (Section Antifasciste Montreuil Bagnolet et Alentours), Soin Collectif Île-de-France, Technopolice Paris Banlieue, Voix Déterres … et des allié·es d’autres horizons – souligne cette impasse. 

En refusant tout compromis – y compris les alliances stratégiques avec des mouvements écolos, antiracistes, anticapitalistes et féministes – ATR se retrouve enfermé dans une forme de pureté idéologique autarcique et hors sol.

Dans sa critique de la « gauche technophile », ATR flirte avec le mépris. Les militants écolos qui discutent d’énergies renouvelables, les collectifs antiracistes qui utilisent les réseaux pour s’organiser, ou même les associations trans qui défendent l’accès à certaines technologies médicales sont renvoyés à leur supposée compromission avec le « système techno-industriel ». Autant dire que l’ambition de ATR de « refonder les luttes » est plutôt mal partie puisqu’elle refuse toute stratégie collective qui prend en compte les réalités de chacun. 

La posture ATR érige des murs là où d’autres tentent de bâtir des ponts. Irénée Régnauld résumé ainsi le problème :

« Chez les anti-industrialistes, admettre qu’il peut exister autre chose que “tout ou rien” confine à la trahison technophile, puisque cela revient, en définitive, à faire des compromis avec la grosse industrie ».

En cultivant un rejet systématique des luttes intersectionnelles et des alliances sociales, ATR entretient un imaginaire de pureté politique, qui peut facilement dériver vers des imaginaires réactionnaires. Comme le souligne Régnauld, certains discours anti-tech reprennent des codes proches de l’écologie identitaire ou du néo-primitivisme masculiniste, en valorisant la virilité, l’ascétisme, la nature sauvage et une autonomie coupée du collectif. Le danger n’est pas théorique : il réside dans les convergences idéologiques potentielles entre ce radicalisme hors-sol et certains courants conservateurs.

« Tout éteindre » : une injonction mortifère ?

La pseudo-radicalité de la contestation attire l’attention médiatique. Le choc produit par les interruptions positionne ATR dans un registre de performativité politique. Pourtant, au-delà du symbole, que reste-t-il ? L’autosatisfaction de ceux qui dérangent, ou une réelle capacité à construire autre chose que du rejet ?

Il est en effet permis de douter que l’appel à « éteindre toutes les machines » parle aux soignants à l’hôpital, aux personnes sous assistance respiratoire, aux enfants en bas âge, aux personnes atteintes de maladies chroniques, aux personnes qui ont besoin d’avorter, etc. 

Un bébé prématuré. Photo de Alexander Grey sur Unsplash

C’est souvent là que la critique ATR révèle son angle mort central : l’oubli du social. Comme si la technique constituait une entité autonome, détachée des usages concrets, des dépendances réelles, des rapports de pouvoir. Or, comme rappelé dans les critiques plus réalistes de la technique, avec Gilbert Simondon, Bruno Latour, ou Donna Haraway, la technique est un milieu habité, traversé, négocié. Elle peut aliéner, certes, mais elle peut aussi émanciper, si ses conditions politiques et sociales sont mises en débat.

C’est là qu’intervient l’idée défendue par des penseurs technocritiques comme Simondon ou Haraway : la technique n’est pas un bloc à rejeter, mais un milieu à transformer, à politiser, à démocratiser. Il ne s’agit pas de tout éteindre, mais de reprendre en main les choix techniques, de créer des outils autonomes, de soutenir les formes d’innovation coopératives, locales, low-tech, égalitaires. C’est une vision politique de la technique, et non son anéantissement, qui permet de poser les bons termes du débat.

Que faire de la technique ?

Ici se joue toute la tension contemporaine. Car critiquer la technique est légitime. Les géants du numérique nous consument, les dispositifs de surveillance algorithmique nous épient, l’exploitation minière des sols pour fabriquer des batteries tuent humain et sols, la dépendance aux serveurs et aux réseaux propriétaires nous anéantit : tout cela doit impérativement être interrogé, démantelé parfois, régulé toujours.

Mais une critique de la technique qui ne prend pas en compte les rapports sociaux dans lesquels elle s’insère finit par faire fausse route. En prônant le rejet total, ATR devient une dystopie régressive, incapable d’articuler son refus à un programme politique. Que signifie concrètement une société post-technique dans un monde où les soins, les communications, la nourriture, l’eau potable, dépendent des outils qu’ATR souhaite faire disparaître ?

Faut-il retourner à l’âge du feu, de la mortalité infantile et de l’espérance de vie à 35 ans ? Abandonner les vaccins ? Que propose ATR de concret comme organisation sociale alternative hormis l’autogestion et les assemblées ? Silence, ou éloge d’un effondrement purificateur aux relents identitaires.

Photo de Sidde. Pexels.

Défaire le mythe d’un effondrement « libérateur » pour le Sud

L’un des impensés majeurs du discours ATR est la fable d’un effondrement technologique salvateur pour le Sud global. Ce récit romantique imagine que, libérées de la domination techno-industrielle du Nord, les sociétés du Sud retournaient à des formes de vie plus simples, plus proches de la nature, voire plus authentiques.

Il nie une réalité fondamentale : le Sud est lui aussi structuré par les dépendances techniques globales, à travers les chaînes d’approvisionnement, les infrastructures énergétiques, les réseaux de communication, la santé, l’agriculture, etc. Faire « disparaître » la technique par un grand black-out ne libérerait pas le Sud, il le priverait d’accès à l’eau, aux soins, aux médicaments, à la nourriture stockée et distribuée, souvent déjà précaires dans de nombreuses régions.

Ce discours postule que les populations du Sud seraient culturellement moins « aliénées » par la technologie — une idée dangereusement essentialiste. En réalité, les sociétés du Sud ne demandent pas moins de technologie, mais plus d’accès, plus de contrôle, plus d’autonomie sur les technologies utiles, via des formes locales d’innovation, de mutualisation ou de low-tech adaptées. La question n’est pas d’éteindre, mais de réapproprier.

Enfin, cette vision d’un effondrement égalitaire oublie qui paiera le prix de l’interruption brutale du système techno-industriel. Ce sont, encore une fois, les plus pauvres, les femmes, les enfants, les personnes racisées, les personnes malades ou handicapées qui subiront le plus violemment l’effondrement des infrastructures. Ce sont ces populations — souvent au Sud — qui ont le moins de marges de résilience immédiate, et pour qui la technologie, même imparfaite, reste vitale au quotidien.

Supprimer la technique, ce n’est pas supprimer les rapports de domination. C’est parfois les aggraver, en retirant aux opprimé·es un des rares leviers d’organisation, de survie ou de résistance. Ce n’est pas la technologie en elle-même qui domine, mais la manière dont elle est intégrée à des systèmes politiques et sociaux injustes. On ne libère pas une société en lui coupant l’électricité ; on la libère en lui donnant les moyens de choisir ce qu’elle veut faire avec ses outils.

Se libérer de la fascination pour le refus

Le refus comme stratégie politique peut parfois être puissant – mais il ne sauve rien à lui seul. Dans un monde de réseaux, de crises imbriquées, de luttes dispersées, la résistance exige plus que des slogans flamboyants. 

Elle nécessite de bâtir des alliances entre luttes écologiques, syndicales, féministes, antiracistes : c’est dans ces convergences que naît une autre intelligence technique. Ni technocratie, ni technophobie, mais démocratie technique.

Ce que rate ATR, c’est d’avoir pris la technique pour l’ennemi plutôt que comme l’enjeu du conflit. Une erreur stratégique aux lourdes conséquences politiques. Car pendant que l’on hurle « tout éteindre », les data centers tournent, l’IA s’implante, les dominants captent les technologies pour renforcer leur pouvoir. Le seul moyen d’y résister durablement n’est pas de se retirer, mais d’en reprendre le contrôle.

Anti Tech Resistance constitue un symptôme de notre époque : une révolte légitime contre l’emprise numérique, le capitalisme de surveillance, la fuite en avant techno-scientifique. Mais sa solution – le rejet inconditionnel – ne peut convaincre que ceux qui ont encore le luxe de choisir entre « on » ou « off ». Pour tous les autres, il faudra bien une autre politique de la technique. Ni optimiste, ni catastrophiste, mais humaine et collective.

En définitive, le problème n’est pas la technique en elle-même, mais qui la contrôle, pourquoi, et comment. La question cruciale n’est pas de refuser la technique, mais de reprendre le pouvoir dessus. Plutôt que de tout éteindre, il s’agirait de rebrancher autrement : sur des logiques de solidarité, de soin, d’inclusion. Autrement dit, réconcilier la technocritique avec le social, et faire de la technique un champ de lutte politique, pas un terrain abandonné aux dominants.

– Maureen Damman


Photo de couverture de Saleh Bakhshiyev. Pexels.

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22.07.2025 à 06:00

Eline Bonnin, portrait d’une cheffe qui cuisine vegan et facile !

Mr M.

Dix ans après la première pierre de son site Patate & Cornichon, Éline Bonnin s’est lancée dans la création de son application. L’objectif ? Accompagner celles et ceux qui souhaitent végétaliser leur alimentation. Rencontre avec une blogueuse qui a su rendre la cuisine végane fun et facile. Les années 2010 ont été propices au développement […]

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Texte intégral (2471 mots)

Dix ans après la première pierre de son site Patate & Cornichon, Éline Bonnin s’est lancée dans la création de son application. L’objectif ? Accompagner celles et ceux qui souhaitent végétaliser leur alimentation. Rencontre avec une blogueuse qui a su rendre la cuisine végane fun et facile.

Les années 2010 ont été propices au développement de blogs de cuisine végane reconnus et appréciés, autour d’autrices comme Marie Laforêt, Ophélie Véron ou La Petite Okara. Dans leur sillon, Éline Bonnin a très vite su se faire un nom grâce à son site, Patate & Cornichon. Des recettes « de feignasses » plébiscitées par les internautes, qui prouvent depuis plus de 10 ans qu’il est possible de s’approprier le végétal sans prise de tête.

La cuisine végane décomplexée avec Patate & Cornichon
La cuisine végane décomplexée avec Patate & Cornichon

Mr Mondialisation : Peux-tu nous raconter ton parcours de cuisinière ?

Éline Bonnin : « À l’origine, je suis pâtissière. J’ai suivi un cursus classique et ai occupé ce poste en restauration. C’est en découvrant le véganisme que j’ai dû modifier ma carrière, en créant d’abord des cours de cuisine végétale à Lyon. Ensuite, j’ai émigré à Montréal car je savais que la culture québécoise était plus ouverte à ce sujet. J’y ai ouvert un café-restaurant, avant de davantage me concentrer sur la création de recettes. C’est ainsi que j’ai créé Patate & Cornichon, puis que j’ai sorti un premier livre de cuisine – un second est à venir en octobre ! »

Mr Mondialisation : Qu’est-ce qui t’a fait passer de la restauration classique au 100% végétal ?

Éline Bonnin : « J’ai découvert le véganisme par le biais de l’éthique animale. Ce qui est particulier dans mon cas, c’est que je n’étais pas spécialement sensible à cette cause, et n’avais jamais eu d’animaux. Je suis de nature très rationnelle… C’est en lisant « Voir son steak comme un animal mort », de Martin Gibert, que j’ai découvert que manger de la viande n’était pas nécessaire, et en plus, cruel. Cela peut désormais être évité dans nos sociétés contemporaines.

J’ai donc estimé que je devais faire ma part, alors que je n’étais pas spécialement sensible au sort des animaux. Une réflexion qui s’est avérée plus logique que basée sur mon empathie, mais ce n’est pas parce qu’on n’est pas « fans » des animaux qu’on doit fermer les yeux. Mon empathie s’est développée par la suite. J’ai passé des journées dans des refuges et du temps auprès des animaux. J’ai découvert leurs individualités, leurs liens sociaux, leurs préférences, leur intérêt à vivre. 

« j’ai réalisé que nous n’avons aucune légitimité de vie ou de mort sur les animaux. »

Je viens d’une famille en partie composée de chasseurs et d’éleveurs. Ma sœur et moi sommes les seules véganes, et les seules à avoir vécu en ville, donc on nous a longtemps vues comme déconnectées de la réalité du terrain. Mais un de mes oncles m’a dit qu’il commençait à réfléchir à tout ça et aujourd’hui, nous habitons toutes les deux à la campagne. La preuve que c’est possible, quel que soit le contexte ! »

Mr Mondialisation : D’où t’es venue l’idée de créer un blog, puis une application de cuisine végane ?

Éline Bonnin : « La naissance du site remonte à une dizaine d’années. À l’époque, c’était une envie de mon mari, qui trouvait les recettes véganes trop axées sur la diététique. Pour lui qui voulait manger gourmand, il avait le sentiment qu’il manquait quelque chose. Patate & Cornichon n’était pas conçu pour durer, mais il a vite rencontré du succès et a prouvé qu’on peut très bien manger gourmand, facile et végane.

L’application Patate & Cornichon, un formidable outil pour cuisiner végane au quotidien !

Longtemps, ce n’est resté qu’un hobby. Puis je me suis professionnalisée et j’ai donc voulu améliorer mon site. C’est là que m’est venue l’idée de créer une application, d’autant plus avec mon mari qui est développeur de métier. Je voulais accompagner les gens dans leur quotidien, les aider dans leurs courses… Je me concentre à temps plein sur cette activité depuis 1 an et demi ! Créer une appli coûte très cher et est très chronophage mais nous avons de super retours depuis sa naissance en mai dernier. Elle s’adresse aux véganes comme aux personnes en transition et a pour but de servir d’outil au quotidien. Nous continuons de l’améliorer et travaillons notamment sur des « meal plans », qui permettent de programmer ses repas. »

Mr Mondialisation : Depuis le temps que tu cuisines végane, les tendances, ingrédients et techniques ont évolué. Quels changements t’ont marquée ?

Éline Bonnin : « Je trouve que cette cuisine est devenue plus accessible, avec une belle évolution des ingrédients disponibles, même bruts. Ici au Québec, tofu et tempeh se trouvent très facilement et ne sont pas chers. J’utilise peu de produits transformés dans mes recettes, mis à part le fromage râpé végane qui est assez récurrent. Il possède ce « petit plus » qui change tout. Or, c’est un ingrédient qui a longtemps été difficile à trouver. C’est super d’avoir ce type de produits disponibles aujourd’hui !

Côté techniques, j’ai été, comme beaucoup, bluffée par la découverte de l’aquafaba [l’eau de cuisson des pois-chiches qui remplace les blancs en neige, NDLR]. Tous ces apports ont permis de rendre la cuisine végane moins complexe. Aujourd’hui, j’aime alterner entre des recettes techniques, comme de beaux gâteaux, et des choses très simples. Les ingrédients qui étaient bizarres hier sont devenus plus communs, à l’instar du fruit du Jacquier, qui commence à se faire une place en France. Cela reste assez cher et exotique, mais c’est une alternative très intéressante à cuisiner. »

La charlotte aux fraises végane de Patate & Cornichon : un régal pour les yeux comme pour les papilles !

Mr Mondialisation : As-tu le sentiment que les mœurs ont également évolué ?

Éline Bonnin : « Oui, clairement. Il y a dix ans, j’intéressais uniquement les véganes. Aujourd’hui, blog et appli sont utilisés par tout le monde, de la maman qui a un enfant intolérant au lactose à la personne âgée qui doit surveiller son cholestérol. Le véganisme est mieux accepté car nous sommes nombreux à avoir prouvé que c’était bon.

Par contre, côté engagement écologique et éthique, j’ai le sentiment que le COVID a rabattu les cartes : la volonté de devenir végane me semble avoir reculé, remplacée par les plaisirs et les besoins personnels, plus centrés sur soi que sur les autres. Il existe notamment une grande mode actuelle autour des produits laitiers, via la burrata ou le cottage cheese… C’est un peu triste quand on connaît le fléau que représente l’industrie laitière. »

Mr Mondialisation : Quelles sont les plus grosses difficultés rencontrées par tes lecteurs ?

Éline Bonnin :« Elles se concentrent principalement sur les repas du soir et l’organisation des menus de la semaine, d’où la création des « meal plans ». Je travaille aussi sur la préparation des repas à l’avance, type one pots, ou des recettes petits budgets. La tendances des demandes va au budget et à la simplification. Je propose moins de recettes complexes qu’avant et tente d’aider les lecteurs à se simplifier cuisine et courses du quotidien. »

La soupe thaï au tempeh : un classique revisité, simple et tellement bon…

Mr Mondialisation : Comment vois-tu l’avenir de la cuisine végétale ?

Éline Bonnin : « Je pense qu’on est en bonne voie. Grands chefs et pâtissiers s’y intéressent, comme Pierre Hermé… Ces avancées sont importantes pour que la cuisine et la pâtisserie végétales soient prises au sérieux, deviennent une expertise. Elles sont en effet souvent relayées au côté « bloggeurs », mais c’est oublier que nous sommes souvent professionnels. Les demandes augmentent aussi autour des ateliers, des services traiteur ou des collectivités car c’est une alimentation inclusive par définition. C’est donc en bonne voie, mais souvent menacé par les modes alimentaires, ou les fausses croyances autour des quantités de protéines à ingurgiter par jour… »

« En France, j’ai le sentiment que le véganisme est plus mal perçu, qu’il possède toujours ce côté « extrémiste » »

Mr Mondialisation : La perception du véganisme en général te semble-t-elle avoir également évolué ?

Éline Bonnin : « Ici, au Canada francophone, on est assez libre de faire qu’on veut et c’est très bien. La véganisme est un choix personnel qui n’y est pas contredit et peu décrié. Il se retrouve dans beaucoup de métiers créatifs, tels la cuisine mais aussi le textile. Du coup, il a aussi tendance à être dépolitisé : on ne perçoit plus vraiment son côté revendicatif.

En France, j’ai le sentiment que le véganisme est plus mal perçu, qu’il possède toujours ce côté « extrémiste ». Je pense que nous devrions trouver un juste milieu : être végane, c’est une façon de mieux manger et de repenser son rapport aux êtres vivants, mais c’est aussi politique. Ma façon à moi de militer, ce sont mes recettes qui offrent le choix et la possibilité de manger autrement. »

L’application Patate & Cornichon est disponible sur l’App Store et sur Google Play.

– Propos recueillis par Marie Waclaw


Source image d’en-tête : Patate & Cornichon

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