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09.12.2025 à 12:11

La « Gen Z » face à la corruption du monde

Alain Bertho

Avez-vous remarqué ce drapeau de pirate qui flotte aux quatre coins du monde et sert d’étendard aux peuples en révolte ? Madagascar, Maroc, Népal, Pérou… Alors que l’impuissance domine en Europe occidentale, la vitalité des insurrections récentes de la “Génération Z” élargit l’horizon. Cartographie et analyse de révoltes qui font vaciller les pouvoirs.

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Texte intégral (12020 mots)
Temps de lecture : 23 minutes

Une tête de mort coiffée d’un chapeau de paille : ce curieux drapeau « Jolly Roger », emprunté au manga One piece, flotte désormais sur des foules en colère1. En octobre 2025, il est devenu le symbole de la « Génération Z », autoproclamée Gen Z, dans les rues de Lima, Antanarivo, Jakarta, Mexico, Manille, Katmandou, Marrakech et … Paris le 18 octobre.

Symbole générationnel, il est le premier drapeau international à être ainsi brandi depuis 20 ans. Le drapeau arc en ciel, symbole de paix apparu au début du siècle au sein du mouvement altermondialiste, avait été depuis longtemps troqué pour le drapeau national lors des soulèvements du printemps arabe (2011) et des places occupées (2011-2014), comme lors des soulèvements de 2018-2019 – à commencer par celui des Gilets Jaunes en France. Le drapeau national, toujours présent, est aujourd’hui complété par ce trait d’union planétaire qui proclame des exigences communes.

Enfants pirates de la Matrice

Le nom de Génération Z n’est pas né dans la rue mais trouve son origine dans la sphère médiatico-managériale2. Suivant les « génération X et Y » et précédant la « génération Alpha », démographiquement définie comme née entre 1997 et 2010, elle serait la première génération « nativement digitale », née et élevée dans un monde numérique infiniment plus prégnant qu’il y a seulement quinze ans3.

Ce constat est factuellement juste. Rappelons que depuis la naissance du World Wide Web en 1991, du SMS en 1992, du smartphone Ibm en 1994 et de l’IPhone en 2007, la croissance de la toile a été exponentielle. Nous sommes passés de 1 million d’ordinateurs connectés en 1992 à 36 millions en 1996, 370 millions au tournant du siècle, et plus de 5 milliards aujourd’hui.

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Durant ces 25 années, alors le nombre d’ordinateurs connectés est multiplié par 15, le téléphone portable a supplanté ces derniers dans les usages personnels d’Internet… et dans le nombre d’appareils. Les estimations sur le parc mondial actuel oscillent entre 8,5 milliards et 7,1 milliards, contre 3,7 milliards en 2016. Ils représentent plus de 60 % du trafic Web mondial, allant jusqu’à 90 % dans des pays sous équipés comme le Soudan, la Libye, la Syrie ou le Tchad4.

La « Matrice », née dans l’imagination de deux réalisatrices visionnaires en 19995, semble devenue réalité. Ne sommes-nous pas aujourd’hui confronté·es à un univers numérique qui capte les flux financiers comme nos rêves, nos désirs de résistance comme la surveillance policière, machine globale d’information et de désinformation, de promotion de soi manipulée par des algorithmes, de production d’images irréelles dans un monde où les ruines progressent, notamment en raison des besoins énergétiques exponentiels de la gestion des données ? L’Agence internationale de l’énergie prévoit un doublement des besoins d’électricité des Data Centers avec la progression de l’IA. Comme dans le film de 1999, la Matrice se nourrit de la destruction de la planète et de son humanité.

L’une des spécificités démographiques de la Génération Z est bien d’être née dans un monde déjà dominé par la Matrice et d’avoir été biberonnée par les portails offerts à chacune et chacun que sont les déjà vieux Facebook (2004), YouTube (2005), X (ex-Twitter 2006), mais aussi des portails plus récents comme Instagram (2010), Snapchat (2011), Tiktok, Telegram (2014) et Discord (2015).

Animation Matrix. Wikimedia.

Mais ce constat ne nous dit rien du rapport de cette génération au monde social et à son avenir. Pourquoi imaginer qu’elle serait plus prisonnière de la Matrice que celles qui l’ont précédée ? Comme dans le film de 1999, et depuis vingt ans au moins, la résistance articule l’action au sein du monde numérique et l’action rematérialisée, celle des corps eux-mêmes libérés de la toile digitale. Le développement des liaisons numériques a accompagné toutes les grandes révoltes du siècle. Les photos des voitures brulées circulaient comme des trophées sur Skyrock en 20056. En 2008, Twitter a été mis en vedette pour son usage au sein de la contestation de masse des élections présidentielles de juin en Iran. En 2011, les jeunes Tunisien·es ont prouvé comment la censure d’Internet par Ben Ali avait fait d’eux des experts en cyber-résistance. Le partage des images a été un élément de poids dans le printemps arabe7. Depuis lors, quelle mobilisation peut se passer d’une présence en ligne, de compte Facebook ou Instagram ?8

À cette longue antériorité s’ajoute une expérience biographique. Voici une génération entrée dans la vie adulte dans la confrontation à une pandémie universelle, à un retour dramatique de la matérialité vitale de l’humanité et de sa fragilité. Cette génération COVID a fait l’expérience du contrôle policier universel des corps, des relations sociales enfermées dans les écrans.

Comment s’étonner, dans ces conditions, que la marque politique brandie par la Gen Z soit le Jolly Roger de One Piece ? C’est peut-être l’indice de sa capacité universelle de détourner ces portails numériques au profit d’une résistance qui prend corps dans la rue, dans l’espace public matériel de la politique.

Philippines, septembre 2025. Wikimedia.

Comment penser qu’une telle génération connectée n’aurait pas vent de ce qu’on dit ou écrit sur elle ? La voici donc qui, d’un continent à l’autre, s’approprie le vocabulaire objectivant des commentaires de celles et ceux qui l’observent comme des entomologistes observent des insectes en laboratoire. Tels les révoltés des Pays Bas en 1566 traités de « Gueux » par la royauté espagnole, elle retourne le stigmate et revendique l’étiquette qu’on lui a accolée. La voici qui brandit son nom comme une subjectivité politique pirate symbolisée par le manga le plus lu au monde, apologie universelle d’une piraterie de justice sociale. Nous y reviendrons.

Lire aussi | L’effondrement a commencé. Il est politique・Alain Bertho (2019)

Le message singulier des révoltes

Les mobilisations de l’auto-nommée Gen Z marquent une étape singulière dans le message que portent les révoltes des peuples depuis 25 ans9. Elle s’affirme comme un acteur politique apartisan et exigeant, promoteur de mobilisations, porteur de principes de vie commune. La Génération Z émerge comme symbole d’un nouveau cycle de confrontation des peuples et des pouvoirs.

Elle se pense comme telle : l’adoption du nom et de la bannière affirme une culture et une subjectivité commune, une communauté de révolte. La circulation des informations, des images et des symboles construit une dynamique de propagation. Les jeunes Marocain·es de 2025 ont l’exemple du Népal en tête comme Aminatou, Bewdo et Khouma me faisaient part à Dakar en 2011 de leur souhait de faire aussi bien que les jeunes Tunisien·nes10. De la même façon, en 2019, le port du Gilet jaune avait fait école en Belgique, au Royaume Uni, en Allemagne, en Afrique du Sud, au Canada, en Irak, dans une trentaine de pays au total. Sauf en Égypte ou le gouvernement avait interdit préventivement la vente de gilets aux particuliers.

Caractérisée par ses modes d’organisation numériques et horizontaux et l’usage notamment de la plateforme Discord, la Gen Z ne se mobilise pas prioritairement en réaction à des évènements tels que ceux qui ont déclenché émeutes et soulèvements depuis 20 ans comme la mort d’un jeune ou la hausse des prix des transports ou du carburant. Ses mobilisations portent sur des principes de gouvernement et ce qu’elle perçoit comme des entorses fondamentales au bien commun : la corruption, l’austérité budgétaire qui ravage les services publics, la désinvolture démocratique, l’effondrement des états face aux mafias et à la corruption généralisée du Capital. Peu porteuse, dans l’état actuel des choses, d’une alternative constituante, elle se manifeste d’abord par la soudaineté des révoltes et par son efficacité dégagiste.

Népal, septembre 2025. Wikimedia.

Sri Lanka, Bangladesh, Népal, Madagascar : un dégagisme expéditif

Depuis 20 ans, combien de soulèvements ont mis à bas le pouvoir en place ? Trois en 2011 (Tunisie, Égypte et Libye), un en 2014 (Ukraine), deux en 2019 (Chili et Soudan). En trois ans, depuis 2022, quatre cheffes et chefs de gouvernement ont dû prendre la fuite en urgence face à la mobilisation de la rue : le président srilankais, la première ministre bengali, le premier ministre népalais et le président malgache.

Il n’a fallu que quelques semaines aux manifestations de « l’Aragalaya » (la lutte), pour mettre en fuite le président du Sri Lanka, Gotabaya Rajapaksa. La lourde répression des premières manifestations contre les pénuries n’a fait que renforcer la révolte. Le blocage des réseaux sociaux a été contourné par une jeunesse virtuose d’une technologie dans laquelle elle a grandi et notamment de l’usage de VPN. Le 9 juillet 2022, l’occupation du palais présidentiel à Colombo signe la fin de la domination de la famille Rajapaksa.

Car les pénuries, la dette publique qui ont fait suite à la gestion du Covid sont entièrement mis au compte d’une dynastie dominant la vie politique du pays depuis la fin de la guerre civile en 2009. Le président Gotabya Rajapaska est le frère d’un ancien président, Mahinda, devenu son premier ministre. Leur autre frère, Basil, était ministre des finances. À l’accaparement du pouvoir politique s’ajoutent les pratiques de corruption massive d’une famille qui a mis les intérêts de l’État au service de ses intérêts patrimoniaux. La crise met en avant la coalition de gauche National People’s Power (NPP), créée en 2019, qui gagne haut la main les législatives de 2024.

La Gen Z se mobilise contre ce qu’elle perçoit comme des entorses fondamentales au bien commun : la corruption, l’austérité budgétaire qui ravage les services publics, la désinvolture démocratique, l’effondrement des états face aux mafias et à la corruption généralisée du Capital.

Deux ans plus tard, ce n’est pas la corruption mafieuse qui met le feu au Bangladesh, mais la mise en place d’un système préférentiel de recrutement de la fonction publique au profit de ce qui apparaît comme un clan. Le système des quotas instauré au profit des vétérans de la guerre d’indépendance et de leurs descendants avait été aboli en 2018. Sa restauration par décision de la Cour suprême le 5 juin 2024 génère immédiatement une mobilisation étudiante.

Le « Mouvement étudiant anti-discrimination » lance alors le « blocus du Bangladesh ». La suspension provisoire de la réforme par la Cour d’Appel le 10 juillet ne fait que renforcer la détermination du mouvement. Dans les jours qui suivent, la répression est violente, faisant une centaine de morts. Internet est coupé. La prise d’assaut du palais gouvernemental provoque la fuite en Inde de la première ministre Sheikh Hasina en poste depuis 15 ans et le basculement de l’armée du côté du soulèvement. La « Révolution de la mousson » met ainsi fin au règne de la Ligue Awami, cheville ouvrière de l’indépendance. Le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus est nommé Premier ministre par intérim.

Bangladesh, 2024. Wikimedia.

En 2025 vient le tour du Népal, où Khadga Prasad Shama Oli, dirigeant du Parti Communiste du Népal, est premier ministre pour la troisième fois. La jeunesse se mobilise sur Internet contre la corruption du gouvernement et des administrations, le népotisme et l’opulence affichée sur les réseaux sociaux par la classe politique. Pour y répondre, le 4 septembre 2025, le gouvernement ferme 26 réseaux sociaux non légalement déclarés en vertu d’une décision de la Cour suprême datant de 2023, dont Facebook, YouTube, LinkedIn, Signal et Snapchat. Mais il n’empêche pas pas Tiktok, ni la possibilité de recourir à un VPN. La Gen Z, qui constitue 40 % de la population du pays, se soulève le 8 septembre. Le drapeau Jolly Roger surgit quand la foule tente d’investir le Parlement fédéral. L’affrontement est violent. Human Rights Watch parle de 76 morts11. Dans la soirée, le blocage des réseaux est levé. Trop tard : le 9 septembre, les résidences du premier ministre et celles de membres du gouvernement et du Parlement sont prises d’assaut et incendiées, ainsi que les locaux du Parti Communiste. Le premier ministre prend la fuite. L’armée investit la rue. Le 11 septembre, des pourparlers s’engagent entre l’armée et les représentants de la Gen Z. Soutenue par ces derniers, l’ancienne juge en chef de la Cour Suprême, Sushila Karki, est nommée première ministre par intérim.

À Madagascar, comme au Sri Lanka, pénuries structurelles et corruption étatique sont aux racines de la colère. Et comme au Népal, le Jolly Roger surgit dans les manifestations. Comme au Bangladesh, l’armée rejoint le mouvement. Quatre jours suffisent pour mettre en fuite le président. La Haute Cour Constitutionnelle confie le pouvoir au colonel Michael Randrianirina qui dissout les institutions en attendant d’éventuelles élections dans un délai de deux ans.

Dans ces quatre cas, la corruption politique, l’accaparement de l’institution publique au profit de quelques un·es, famille, clan, parti, ont été les moteurs de la révolte. À l’instar des mouvements tunisien et égyptien en 2011, les soulèvements qui ne portaient pas d’alternative laissent gérer leur victoire par d’autres : les militaires au Népal et à Madagascar, une figure symbolique au Bangladesh.

Image ©GenZ Madagascar

La corruption comme effondrement du commun

D’autres pays sont secoués par la Gen Z sans que la mobilisation ne provoque l’effondrement immédiat du pouvoir. La corruption, et parfois l’insécurité mafieuse, sont les moteurs d’une mobilisation contre l’effondrement de l’esprit public. 

En Indonésie, le Jolly Roger a été brandi par la mobilisation lancée à l’initiative de l’Union des étudiants Indonésiens contre des coupes budgétaires massives, puis contre l’augmentation des frais de fonction des députés en août. Du 25 août 2025 au 1er septembre, la répression est violente. Internet est coupé.

Aux Philippines, depuis 2024, une controverse grossit sur les milliards de pesos alloués à la gestion des inondations, les constructions au rabais et l’accaparement des contrats par un petit groupe d’entrepreneurs. Le Jolly Roger flotte à Manille le 21 septembre 2025 lors d’une violente manifestation contre la corruption. Au même moment, au Timor oriental, la décision d’acheter des SUV aux députés (pour 4 millions de dollars) mobilise victorieusement durant trois jours les étudiants à Dili, la capitale.

Au Pérou, en octobre 2025, le mouvement lancé sur les réseaux sociaux exprime l’épuisement populaire face à l’instabilité institutionnelle (huit présidents en dix ans), l’insécurité et la corruption. Le remplacement de la présidente destituée Dina Boluarte par son vice-président José Jeri, accusé de corruption et de viol, met le feu à Lima, Arequipa, Cusco et Puno. Le vieux slogan « que se vayan todos » (qu’ils s’en aillent tous) côtoie le Jolly Roger.

Pérou, octobre 2025. Wikimedia.

En novembre, des mobilisations massives emplissent les rues du Mexique contre la corruption et la violence des cartels à l’appel de la Gen Z. Le Jolly Roger flotte sur le Zocalo lors de l’assaut symbolique contre le Palais National. Si la manifestation n’a pas conduit à un soulèvement, la Gen Z fait maintenant partie du débat politique national.

En Serbie, tout est parti de l’effondrement meurtrier du portail flambant neuf de la gare de Novi Sad le 1er novembre 2024. Le drame devient le symbole de la corruption de l’État pour la jeunesse. Malgré la répression, la mobilisation sur l’ensemble du pays ne faiblit pas. Sept mois après le drame, des barricades sont encore érigées à Belgrade.

Lire aussi | Pour que la dignité devienne une habitude・Omar Felipe Giraldo (2022)

La démocratie comme puissance populaire

Reste la démocratie. La politique au sens institutionnel du terme s’invite ici de deux façons : par la contestation brutale des dynasties électorales et des scores obscurs qui font des urnes une farce quasi officielle, mais aussi par la volonté de peser directement sur les grands choix du pays, notamment budgétaires.

La contestation brutale des processus électoraux est devenue un classique dans certains pays d’Afrique. Les émeutes de Guinée en 2020, de Côte d’Ivoire en 2020 et 2025, du Cameroun en 2025, ne sont pas une surprise. Quant à la crise institutionnelle du Pérou en 2023, conséquence de la destitution du président Pedro Castillo, elle a mobilisé beaucoup plus largement que la génération Z.

En 2024, il n’en est pas de même en Tanzanie où la domination trentenaire du Chama cha Mapinduzi (Parti de la Révolution) est personnifiée par Samia Suluhu, la présidente sortante et candidate à sa réélection. L’élection est précédée d’une répression systématique des opposants (parti Chadema), des journalistes et de la société civile, qualifiée de « vague de terreur » par Amnesty international. Les candidats d’opposition sont disqualifiés. L’élection de Samia Suluhu avec 97.95 % des voix provoque un soulèvement à Dar Es Salaam et dans toutes les grandes villes du pays. La jeunesse, qui s’est massivement abstenue, affronte une répression féroce. On compte au moins 700 morts.

En 2024, au Kenya, c’était la même jeunesse, connectée, informée mais sans illusion sur les processus électoraux, qui avait décidé de s’opposer à une nouvelle loi fiscale et s’en est donné les moyens en ligne : #OccupyParliament et #RejectFinanceBill2024, crowdfunding pour financer le voyage vers Nairobi le jour des manifestations. Des numéros de téléphone des dirigeants politiques sont divulgués pour les spammer avec des SMS et des messages WhatsApp. Sur le Web, un « mur de la honte » dresse la liste des hommes politiques qui soutiennent le projet de loi de finance12. Le 18 juin 2024, la rue donne corps à la mobilisation à Nairobi. Le 19 juin, le Parlement amende le texte sans le retirer, provoquant une mobilisation violente dans tout le pays. Le 25, le Parlement lui-même est pris d’assaut. Le 26 juin, le projet de loi est annulé. Comme la loi de finance de l’année précédente, annulée par la justice après une mobilisation massive en dépit de la répression. Cette puissance démocratique directe s’installe dans la durée et la Gen Z est encore dans la rue en juin 2025 pour l’anniversaire de sa victoire, et encore le 7 juillet pour les 35 ans du soulèvement de 199013.

Cette puissance est autant dans l’air du temps que dans l’ADN de la Gen Z. En Colombie, en 2021, une mobilisation populaire majoritaire et intergénérationnelle, très violemment réprimée (47 morts) s’oppose aux coupes budgétaires et aux hausses massives d’impôt prévues par la réforme fiscale. La réforme est finalement abandonnée.

Maroc, octobre 2025. Wikimedia.

Au Maroc, alors qu’on annonce depuis janvier un budget de 200 milliards d’euros pour financer la Coupe d’Afrique des Nations, mi-septembre, huit femmes enceintes meurent à l’hôpital d’Agadir lors de césariennes. Ce sacrifice meurtrier des budgets de la Santé et de tous les services publics, notamment de l’éducation, est au cœur de la mobilisation de la « Gen Z 212 » (212 est le code téléphonique du pays), qui commence le 27 septembre 2025 à Rabat, Casablanca, Marrakech, Agadir et Tanger, puis se répand à Salé Didi, Bibi, Kelaât M’Gouna, Inzegane, Témara, Beni Mellal, Aït Amira, Oujda et Lqliaâ. Plus de 1 500 personnes font l’objet de poursuites judiciaires. En octobre, la cour d’Appel d’Agadir prononce des peines de prison lourdes allant jusqu’à quinze ans de prison ferme pour trois accusés.

Plus modeste, le mouvement « Bloquons tout », lancé en mai 2025, appartient à la même galaxie. Certes, en France, les réserves démographiques de la Gen Z sont sans commune mesure avec le Kenya ou la Tanzanie. Mais on trouve ici aussi dans le viseur un budget particulièrement austéritaire. Les modes opératoires sont les mêmes : organisation horizontale, usage systématique de la messagerie Telegram. La fréquentation des assemblées locales préparatoires ne fait pas de doute sur la dynamique générationnelle. Si le mouvement n’a pas vraiment bloqué le pays le 10 septembre, il a néanmoins eu deux conséquences historiques : la chute volontaire du gouvernement Bayrou dès le 8 septembre et l’appel à la grève générale de tous les syndicats le 18. Jamais un gouvernement n’avait décidé de se faire harakiri devant le Parlement à la seule annonce d’une mobilisation. Jamais le mouvement syndical unanime n’avait appelé à la grève contre un projet de budget ! Et le « Jolly Roger » est sporadiquement apparu sur les défilés…

Tableau des mobilisations, par Alain Bertho.

2019-2020, universalisation de la lutte, défaillance des États

Partout donc, la corruption, le népotisme et la prévarication symbolisent l’effondrement de l’esprit public, de l’État comme garant de l’avenir commun au profit d’intérêt de clans à l’heure où l’avenir même de l’humanité semble compromis. C’est un élément nouveau dans les 25 années de mobilisation et de répression violente qui ont ouvert le XXIème siècle. Ce tournant s’enracine visiblement dans l’expérience de la pandémie et la multiplication des catastrophes climatiques et écologiques vécues auxquelles les pouvoirs ne font pas face.

Inaugurée par les émeutes de Seattle à l’occasion d’une conférence de l’Organisation Mondiale du Commerce (29-30 novembre 1999) et de Gènes lors de la réunion du G8 (19 juillet 2001), la longue période de brutalisation mondiale des rapports politiques trouve donc un nouveau souffle. La mondialisation (et la financiarisation) du capitalisme et de sa gouvernance politique, engagée depuis un demi-siècle a mis à distance systématique des hommes et des femmes tant des lieux stratégiques de production du profit que des lieux de décision politique. Dans des situations nationales très diverses, les peuples ont fait l’expérience de l’impuissance politique face aux choix néolibéraux. En désarticulant les sociétés, les pouvoirs étatiques et financiers désarticulent et désarment le Demos. Les souffrances n’ont plus d’expression politique ni les revendications d’interlocuteurs. Dans ces conditions, chaque conflit court le risque de s’exprimer dans ce que Martin Luther King nommait « le langage de ceux qui ne sont pas entendus » : l’émeute. Et les émeutes se sont en effet multipliées contre la vie chère (2008 par exemple) comme face la mort de jeunes tués par la police (France 2005 et 2023, USA 2012-2014 et 2020, Iran 2022), contre la hausse du prix du carburant ou du métro (soulèvements de 2019).

Le plus souvent ponctuelles et sans lendemains visibles, prenant parfois au contraire la forme brusque d’un soulèvement national voire d’une insurrection, les émeutes, par leur récurrence peuvent aussi installer une sorte de dissidence populaire durable, de soulèvement à bas bruit. Elles cimentent alors une méfiance structurelle entre les peuples et les pouvoirs, entre le Demos et le kratos.

Ces émeutes ont une histoire que j’ai rappelée à grands traits dans un précédent article de Terrestres14. Les soulèvements de 2019 dans le monde marquent une étape cruciale. Après le lancement du mouvement des Gilets jaunes le 17 novembre 2018, de proche en proche plus de vingt pays dans le monde ont connu des soulèvements concomitants. C’est plus, en extension géographique et en durée, que les mobilisations de 2011 nommées alors « printemps arabe ».

Mexique, novembre 2025. Wikimedia.

En 2019, le déclencheur fut toujours très concret, lié à une décision ou à des pratiques gouvernementales mettant en danger la survie matérielle ou la liberté des personnes et des familles. Partout la colère englobe toute la classe politique. Mais là où le dégagisme de 2011 avait laissé de vieux chevaux de retour ramasser le pouvoir abandonné par des dictateurs en déroute comme en Tunisie ou en Égypte, les révoltés de 2019 n’ont laissé personne parler et décider à leur place. Les soulèvements devenus insurrection au Chili et au Soudan, ont engagé un processus constituant remarquable, quelle qu’en soit l’issue finale (coup d’État militaire au Soudan, référendum négatif au Chili sur la Constitution). Si le bilan global de l’année est une défaite des peuples face à la répression, celle-ci ne signe pas pour autant une victoire politique des pouvoirs en place qui perdent en légitimité ce qu’ils ont gagné par la violence d’État.

Après le lancement du mouvement des Gilets jaunes le 17 novembre 2018, de proche en proche plus de vingt pays dans le monde ont connu des soulèvements concomitants.

Immédiatement après, en 2020, la pandémie a enfoncé le clou. Avec son lot de peurs, de dénis complotistes, de solidarité, d’obéissance et de révoltes, elle a été un choc pour les peuples mais aussi pour les États. Ces derniers ont camouflé par un contrôle autoritaire des populations la révélation universelle de leur défaillance biopolitique, de leur lien privilégié avec des puissances financières – qui font même de la mort une source de profit.

2020 a été une année record pour le nombre d’émeutes et d’affrontements civils. Un cinquième des affrontements a concerné les politiques sanitaires et un cinquième les mobilisations contre la police et les violences policières. Si on ajoute les émeutes et affrontements liés aux élections, à la corruption des États et aux attaques contre les libertés, plus de 60 % des situations d’affrontement ont été générées par une remise en cause fondamentale de l’autorité publique, de sa légitimité et de sa police15.

Lire aussi | Quand le néolibéralisme enfante le néofascisme : aux sources d’une révolution idéologique・Haud Guéguen (2025)

2021-2025 : un nouveau cycle

Quand la défaillance biopolitique des États devient clairement universelle, la physionomie et la géométrie des révoltes se transforme. En 2021, la brutalisation se maintient de façon diffuse. Le monde, hormis la Colombie16, ne connaît pas de grands mouvements nationaux. Puis, dans les années qui suivent, l’expression violente et localisée des révoltes marque le pas au profit de soulèvements plus larges à la fois plus fréquents et plus directement motivés par la remise en cause globale de la gouvernance néolibérale autoritaire : la violence d’État, la corruption, les choix budgétaires, le trompe l’œil démocratique des institutions électorales.

Références sur la page personnelle de l’auteur : https://berthoalain.com/documents/

Ainsi émergent d’abord trois soulèvements nationaux : aux USA après l’assassinat de George Floyd (25 mai 2020), en Iran après celui de Masha Amini (16 septembre 2022) et en France après celui de Nahel Merzouk (27 juin 2023). Dans les trois cas, la répression est à la hauteur de la puissance de la colère populaire. Dans deux cas au moins, ces soulèvements ont une résonnance mondiale, jamais vue jusqu’à présent, dont témoigne alors la viralité soudaine et mondiale de deux mots d’ordre : « I can’t breathe » et « Femmes Vie Liberté ».

Ainsi s’ouvre donc le cycle de la Génération Z. Dans un monde aux prises avec le néolibéralisme autoritaire et une financiarisation écocidaire, depuis le début du siècle, émeutes et soulèvements sont un signe incontestable de vie des peuples et de l’humanité tout entière. Ces mobilisations ont été les véritables pulsations du siècle, portant lumière et exigences sur tous les fronts de souffrance et de résistance collective. En 25 ans, six pulsations ont ainsi secoué le monde : l’égale dignité de toutes les vies, la volonté collective de survie, la défiance démocratique, la décolonisation, la lutte contre le patriarcat et la défense du vivant17.

La Génération Z les rassemble toutes en contestant aux États le monopole de la compétence publique et celui de la légitimité démocratique, en portant le fer sur le cœur de l’époque : le sacrifice de tout intérêt public ou collectif au profit de quelques puissants. La corruption comme les budgets austéritaires sont le nom de cette mainmise universelle des logiques de profit financier sur les décisions collectives. L’exigence démocratique n’est pas qu’une question institutionnelle. Elle est une exigence de reconstitution de la puissance du Démos.

Photo Unsplash.

One Piece n’est pas qu’un drapeau : c’est la revendication d’une trame subjective commune, un combat contre la corruption du gouvernement du monde.

Le commun, le demos et l’ethnos

Dans ces conditions, quelques questions politiques se posent. La Gen Z a-t-elle un projet ? La référence à One Piece n’est pas indifférente, ni le succès planétaire de ce manga au propos fortement politique : un héros issu de quartiers pauvres et marginalisés, une confrontation à un gouvernement mondial corrompu…. Pour certains militants plus âgés, comme Youcef Brakni, un des animateurs du comité Vérité et Justice pour Adama Traoré, ou Fatima Ouassak, politologue et fondatrice du Front de mères, c’est clairement une leçon d’engagement qui les a formé.es dès leur enfance18.

One Piece n’est pas qu’un drapeau : c’est la revendication d’une trame subjective commune, un combat contre la corruption du gouvernement du monde. Cet ancrage culturel fait la différence entre la Gén Z autoproclamée, mobilisée et pirate, et la « Génération Z » telle qu’elle est définie démographiquement. On ne peut pas affirmer que ses « idéaux » seraient « ambivalents » au titre de la diversité politique de la génération19. Si la génération démographique est très diverse, la Gen Z mobilisée porte quelques grands principes communs et une aspiration affirmée à la défense du commun, à l’instar de Luffy le pirate. D’autre part, en comparaison avec les soulèvements de 2019, on ne peut pas dire que la Gen Z est purement pragmatique20.  

Pour autant, elle n’est pas encore porteuse d’une aspiration démocratique incarnée dans un peuple politique, un Demos. Quels sont aujourd’hui les enjeux de sa constitution et de sa puissance du Demos ? Il y en a deux : la rematérialisation politique par l’assemblée et l’ancrage national du Démos politique contre la tentation de l’Ethnos identitaire.

Avec des moments forts comme « ¡Democracia Real ya! » en Espagne, les printemps arabes en 2011, la révolution ukrainienne en 2014, les mobilisations de 2019 et notamment les Gilets Jaunes, voire la mobilisation contre la réforme des retraites en France en 202321, cette question s’affirme de façon de plus en plus explicite. Elle est bien sûr une dimension incontournable des mobilisations écologiques lorsqu’elles veulent opposer une expertise populaire au monopole de la compétence revendiqué par les pouvoirs publics.

Népal, septembre 2025. Wikimedia.

Cette affirmation d’un corps politique commun passe par l’incarnation corporelle, physique de l’exigence démocratique dans l’espace public alors que le monde économique, social, informationnel et gouvernemental veut par tous les moyens se protéger de la démocratie notamment par une numérisation galopante. Dès son origine antique, la démocratie s’est fondée dans les assemblées que la démocratie représentative a voulu ensuite éloigner du pouvoir. Les assemblées resurgissent obstinément lors de la Commune de Paris, de la révolution russe et dans tous les grands moments de soulèvement populaire. On les voit renaitre au XXIème siècle avec les places occupées de Tunisie, d’Égypte, d’Espagne et de Grèce en 2011, suivies d’Istanbul et Kiev, Nuit Debout à Paris en 2016, les ronds-points et les assemblées de Gilets Jaunes de 2018-2019.

Cette dimension est encore embryonnaire dans la Gen Z. L’installation dans la durée nécessite organisation, débat, réflexion collective sur les objectifs du mouvement. Une mention spéciale doit être accordée à la situation serbe22. Les zborovi, assemblées citoyennes, se forment au mois de mars dans les villages ou les quartiers des grandes villes23. Des revendications sont adoptées par le mouvement dès le mois de mars, débordant largement la colère initiale. « Liberté, justice, dignité, État, jeunesse, solidarité, savoir et avenir » structurent la plateforme d’un mouvement apartisan bien décidé à affirmer sa puissance citoyenne. Une véritable dissidence populaire prend racine.

En 2024, la chute de la fièvre émeutière et des affrontements civils dans le monde a été spectaculaire. La violence s’est pour une part déplacée : dans la guerre civile, dans la guerre faite aux civils jusqu’au génocide, dans des déchainements xénophobes d’une ampleur inédite.

Reste à éviter la tentation identitaire de l’Ethnos, très présente aujourd’hui. L’année 2024 fut à cet égard critique24. La chute de la fièvre émeutière et des affrontements civils dans le monde a été spectaculaire. La violence s’est pour une part déplacée : dans la guerre civile, dans la guerre faite aux civils jusqu’au génocide, dans des déchainements xénophobes d’une ampleur inédite. Il n’y a pas qu’en Cisjordanie que la logique de guerre civile et de guerre coloniale mobilise les civils. Le nombre d’affrontements directs entre les populations a augmenté de 50 % et leur poids dans la totalité des émeutes et affrontements civils est passé de 7 % à 18 %.

Nous en avons vu une manifestation terrifiante en Angleterre durant l’été 2024 quand, dans 26 villes, des foules populaires s’en sont pris physiquement aux mosquées et aux hôtels de demandeurs d’asile25. L’été 2025 a vu la peste s’étendre : en Irlande du Nord contre les Rroms, en Espagne contre les Marocains, en Angleterre enfin où les manifestations anti migrants se sont multipliées.

La Gen Z n’est pas à l’abri de cette dérive du Démos politique à l’Ethnos identitaire. Le Bangladesh en a été le théâtre dans les jours qui ont suivi la chute de la première ministre Sheikh Hasina en août 2024. Du 8 au 13 août, dans 53 districts du pays, les Hindous, stigmatisés comme partisans de l’ancien gouvernement, sont victimes de violences de masse26.

Il reste donc de ces derniers mois un sentiment d’inachèvement politique. La critique que porte en acte la Gen Z sur le gouvernement du monde est d’une grande acuité. Ni idéologie ni pragmatisme mais exigence impatiente d’un État soucieux du commun, de solidarité institutionnalisée (dans des services publics et des choix budgétaires), d’honnêteté publique. Cette impatience est expéditive, mais sans lendemains convaincants, là où les pouvoirs sont faibles. Ailleurs, elle fait l’expérience de leur résistance violente. Elle ne réalisera vraiment ses exigences en puissance d’alternative durable que dans sa capacité à redevenir, jusqu’au bout, obstinément terrestre.

Image d’accueil : Mexique, novembre 2025. Wikimedia.

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Notes

  1. One Piece, manga de Eiichiro Oda, est sorti pour la première fois en 1997. En 2025, 113 tomes sont publiés au Japon. Avec plus de 530 millions d’exemplaires, c’est la série la plus vendue au monde, dessinée par un seul auteur. Son jeune héros, Luffy, cherche à devenir le roi des pirates.
  2. Elisabeth Soulié, La génération Z aux rayons X, Cerf, 2020.
  3. La caractérisation alphabétique des générations est née dans les années 1960 : Jane Deverson  et Charles Hamblett, Generation X, 1964 ; Jean Louis Lavallard, « Génération y les millenials », Raison Présente n°11, 2019/3
  4. Sources https://wearesocial.com/fr/ et https://statcounter.com/web-analytics/
  5. Matrix, 1999, réalisé par Larry et Andrew Wachowski, devenues depuis Lana et Lilly Wachowski.
  6. Réseau social créé en 2002 et fermé en 2023. Il permettait la création de blogs individuels (Skyblog).
  7. C’est l’objet de la thèse de Ulrike Riboni « Juste un peu de vidéo » : la vidéo partagée comme langage vernaculaire de la contestation – Tunisie 2008-2014, Université de Paris 8, 2016. Cf. Ulrike Lune Riboni, Vidéoactivismes. Contestation audiovisuelle et politisation des images, Amsterdam, 2023.
  8. Alain Bertho :« Énoncés visuels des mobilisations : autoportraits des peuples », in Anthropologie et sociétés, « Reconnaissances et stratégies médiatiques », 2016/40/1, pages 31-50 ; Alain Bertho « Soulèvements contemporains et mobilisations visuelles », Socion°2 , pages 217-228 ; Alain Bertho,« Émeutes sur Internet : montrer l’indicible ? », Journal des anthropologues, 126-127 2011, pages 435-452.
  9. Alain Bertho, De l’émeute à la démocratie, La dispute, 2024.
  10. Ibid., page 33.
  11. https://www.hrw.org/fr/news/2025/11/19/nepal-recours-illegal-a-la-force-lors-des-manifestations-de-la-generation-z
  12. Job Mwaura, « Manifestation au Kenya : la génération Z montre le pouvoir de l’activisme numérique faire passer le changement de l’écran à la rue », The Conversation, 25 juin 2024
  13. Robert Amalemba, « Kenya. Soutenue et organisée, la Gen Z résiste malgré la censure », AfriqueXXI, 22 juillet 2025.
  14. Alain Bertho : « L’effondrement a commencé, il est politique », novembre 2019.
  15. Alain Bertho, « Bilan 2020 : les peuples ne peuvent plus respirer », Médiapart, 30 janvier 2021
  16. D’avril à mai 2021, la grève contre la réforme fiscale et des manifestations violentes touchent toutes les villes de Colombie.
  17. Ces six « pulsations » du cœur battant du monde sont documentées dans le deuxième chapitre de mon livre De l’émeute à la démocratie, la Dispute, 2024.
  18. Voir la vidéo : ONE PIECE : Un manga POLITIQUE ??? – Fatima Ouassak, YouTube, Histoires crépues, 21 mars 2023
  19. Jean-François Bayart, sociologue : « Les idéaux politiques de la génération Z sont très ambivalents, et facilement récupérables », Le Monde, 9 novembre 2025
  20. Cécile Van de Velde, « La colère de la génération Z est très pragmatique », Le Monde, 31 octobre 2025, propos recueillis par Yasmine Khiat.
  21. Alain Bertho, «  Et maintenant quel ordre de bataille ? », Regards, 24 avril 2023 et « Faire peuple sans populisme », Regards, 20 juin 2023.
  22. Pauline Soulier, « Serbie : la révolte des étudiants va-t-elle tout renverser ? », The Conversation, 10 mars 2025.
  23. Milica Cubrilo Filipovic et Jean Arnault Dérens, « Zbor : quand la Serbie réinvente la démocratie directe », Le Courrier des Balkans, 24 mars 2025.
  24. https://blogs.mediapart.fr/alain-bertho/blog/140125/fievres-populaires-en-2024-le-calme-et-la-tempete
  25. https://blogs.mediapart.fr/alain-bertho/blog/110924/face-l-ombre-du-pogrom-ordinaire
  26. https://berthoalain.com/2024/08/14/violences-anti-hindous-a-dhaka-et-52-districts-8-9-10-11-12-13-aout-2024/

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04.12.2025 à 11:54

Accusé Lafarge : on n’oublie pas

Léon Baca

Si l’industrie cimentière était un pays, elle serait le troisième émetteur de gaz à effet de serre avec 7 à 8 % des émissions mondiales. En 2015, Lafarge, n°1 du secteur, fusionne avec le n°2, le groupe suisse Holcim. Alors que la firme est actuellement en procès pour financement du terrorisme en Syrie, retour sur près de deux cents ans d’épopée Lafarge.

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Texte intégral (3885 mots)
Temps de lecture : 10 minutes

1833 : les frères Pavin de Lafarge, Léon puis Edouard, reprennent des fours à chaux au village du Theil, le long du Rhône en Ardèche1. Aucun mérite, aucun travail, c’est un cadeau du patriarche, Auguste. C’est une famille de noblions : les Pavin viennent du poitevin et ne deviennent Lafarge qu’avec l’acquisition, en 1749, de la seigneurie Lafarge. Les deux rejetons sont nés au château, à quelques kilomètres des fours. Légitimistes convaincus et fervents partisans du comte de Chambord, ils sont écœurés par les journées révolutionnaires de juillet 1830. Voilà pourquoi les deux frères quittent les administrations, reviennent au bercail développer l’affaire familiale qui devient Lafarge Frères en 1848.

Dès le milieu de ce siècle, les ingénieurs des Ponts et Chaussées, le Génie Militaire et le Service Maritime – l’État, en somme – vantent et recommandent leur liant hydraulique (colle qui durcit au contact de l’eau) qui sert les ports de Toulon, Marseille et Alger. Le Léon, polytechnicien passé au privé, aurait gardé de bonnes relations dans le public. Coup de bol géologique, leur chaux hydraulique est excellente ; coup de bol géographique, les carrières sont en bordure du Rhône et la matière est facilement transportée vers la Méditerranée ; coup de bol colonialiste, les ports du Maghreb constituent un marché particulièrement lucratif (Lafarge a des bureaux à Alger et Tunis, ouverts avant ceux de Paris) ; coup de bol impérialiste, sa chaux est privilégiée pour constituer les blocs des digues de Port-Saïd, à l’extrémité nord du canal de Suez. Ces petits notables conservateurs, qui insistent sur leur ancrage dans un terroir, présents pendant des décennies au conseil départemental, jouissent pleinement de la mondialisation du commerce.

Du fait de la hausse de la demande pour la chaux de Lafarge dans toute l’Europe, le nombre d’ouvriers au Theil décuple entre le milieu et la fin du xixe siècle, de 200 à 2 000, dont une bonne part de montagnards ardéchois. Ils doivent alimenter nuit et jour les dizaines de fours en calcaire argileux et en charbon de terre pour la combustion. Les conditions de travail sont difficiles : fumées et poussières saturent les installations et le voisinage, la chaleur des fours dépasse les 900 °C, le transport est pénible. Les accidents sont fréquents parmi les ouvriers chargés d’abattre, détacher et morceler les blocs : dans les années 1880, la carrière à ciel ouvert est presque aussi mortelle que la mine en France. Ces « catholiques sociaux », qui aiment à se présenter comme tels, construisent jardins et logements ouvriers… constamment imbibés de poussière blanche générée par l’activité (extraction, concassage, broyage, four) – poussière qui remplit, donc, nuit et jour les poumons des travailleurs. Le « paternalisme théocratique » s’illustre notamment par la construction d’une école confessionnelle, l’obligation d’aller à la messe, et l’interdiction de divorcer sous peine d’exclusion, etc. Les Lafarge n’hésitent pas, au moindre repli de la demande, à licencier : un ouvrier sur cinq en 1884-1885. La foi, en théorie chevillée au corps, est vite oubliée dans ces périodes-là. Dans le mot capitaliste, il y a capitaliste.

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Jusque 1940, les successions vont de père en fils, ou à peu près. Pour les prénoms, on reprend les mêmes : Léon, Raphaël, Auguste, Joseph, etc. Bref, l’entreprise est restée sous contrôle strictement familial. Les colonies continuent d’alimenter les caisses, avec moultes acquisitions et créations de filiales dans les années 1920 et 1930 (« Nord-Africaine de Ciments Lafarge » en Algérie en 1922, « Société indochinoise de fondu Lafarge » en 1925, « Chaux et Ciments du Maroc » en 1928, « Société tunisienne Lafarge » en 1933, etc.). Catholique et royaliste au XIXe siècle, la famille Pavin de Lafarge est vigoureusement anti-front populaire et antisyndicale dans les années 1930. Elle soutient explicitement les partis fascistes après 1936, comme le Parti populaire français, un parti antisémite, antirépublicain, qui se réclame ouvertement du fascisme mussolinien puis nazi. Elle invite même son leader, Jacques Doriot, en Ardèche en février 1938. Pendant la guerre, des réunions de recrutements y sont organisés pour la Légion des volontaires français contre le bolchevisme. Lafarge est explicitement pétainiste : Henri de Pavin de Lafarge, petit-fils de Léon, sénateur de l’Ardèche depuis 1929, vote les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, le 10 juillet 1940. Le 9 novembre 1940 est créé le Comité d’organisation des chaux et ciments, qui regroupe des membres des principales entreprises cimentières françaises, dont le directeur général de Lafarge, également à la tête de sa commission consultative. Initialement chargé au nom de Vichy de la coordination des productions entre les entreprises, le contrôle passe dès novembre 1942 sous tutelle allemande, à travers la création, au sein de l’Office central pour la répartition de la production industrielle, d’une section des matériaux de construction. L’usine du Theil, bien qu’en zone libre, collabore de 1942 à 1944 à la construction du mur de l’Atlantique, dont la gestion du chantier est attribuée à l’Organisation Todt, considérée comme un corps auxiliaire de l’armée de terre allemande. On a vu plus fervents nationalistes. En 1943, 80 % du ciment français sert à la construction du mur et ses 15 000 bunkers. Mais voilà, ledit mur ne tient pas – ou plutôt ne contient pas – le débarquement des forces alliées et la firme passe un mauvais moment – pas un quart d’heure, trois ans.

En 1943, 80 % du ciment français sert à la construction du mur de l’Atlantique. Mais voilà, ledit mur ne tient pas – ou plutôt ne contient pas – le débarquement des forces alliées.

Soutenu par le Conseil de la Libération, et la résistance cégétiste et communiste, le préfet de l’Ardèche prononce le 27 septembre 1944 la suspension des onze principaux actionnaires de la société et la mise sous séquestre de l’usine de Lafarge (qui avait été votée en assemblée par les salariés le 19 septembre). Ce sombre épisode est détaillé dans un bel article de Pierre Bonnaud (Cahier de Mémoire d’Ardèche et Temps Présent n°100, 2008). Toute la résistance, des gaullistes aux communistes, et les travailleurs du site, soutiennent le séquestre. L’usine sera autogérée pendant deux ans et demi. En mars 1947, celle-ci sera cassée par le Conseil d’État, qui refuse également la solution d’une autogestion ouvrière proposée par les instances syndicales. L’entreprise échappe de justesse à la nationalisation… et bénéficie même des premiers Plans de modernisation puisque le ciment est considéré comme une ressource-clef, et le secteur figure parmi les six activités de base à moderniser en priorité. Pour la première fois, la présidence n’est plus assurée par un membre de la famille Lafarge. Les managers prennent le contrôle.

Chantier du terminal pétrolier au Cap d’Antifer – Maître d’ouvrage : Port Autonome du Havre. Publicité Ciments Lafarge.

La famille ? n’est plus ! Mais les fours ? grandissent bien, merci. Du fait d’importants investissements dans des fours horizontaux, qui dépassent souvent les 100 mètres de long, une cimenterie constitue un monopole (qualifié de « naturel » par l’économiste) sur une aire géographique importante. Les « forces » de la concurrence et du marché, si on les laisse, poussent à la domination d’une poignée de firmes sur la construction mondiale en béton, un oligopole dont Lafarge est un pilier permanent. Dans cet univers hautement capitalistique, les petits producteurs n’ont aucune chance de concurrencer les grands. Le four symbolise aussi l’alliance historique entre ciment et charbon (régulièrement décrit comme « matière première » par les cimentiers). Après 1945, il faut environ 300 kg de charbon pour produire une tonne de ciment. Pourtant, la consommation énergétique totale (pour un four chauffé à 1 450 °C et pour le broyage) ne représente aujourd’hui qu’un tiers des émissions de l’industrie cimentière en France. Le reste vient du phénomène de « décarbonatation ». La fabrication de toute chaux passe en effet par la décomposition du carbonate de calcium en chaux vive et en CO₂, lequel part dans l’atmosphère. Malgré la recherche acharnée d’économies d’énergie depuis le xixe siècle, surtout pour réduire les coûts de production, la moyenne mondiale serait de 860 kg de CO₂ par tonne, dont 530 kg serait liés à la décarbonatation. Si l’industrie cimentière était un pays, elle serait troisième sur le podium des émetteurs de gaz à effet de serre avec 7 à 8 % des émissions mondiales.

Pendant des décennies, béton et champagne coulent à flot. L’entreprise a profité des marchés des colonies d’Afrique du Nord, où son implantation est ancienne, jusqu’aux indépendances : en 1955, elle y réalisait encore 35 % de son chiffre d’affaires. Elle quitte la Tunisie en 1961, à la suite de la mise sous séquestre de tous ses biens, et ses actifs sont nationalisés en Algérie en 1968. La perte de ces marchés ne change pas son cours : la société s’installe ailleurs. À partir du début des années 1970, plus de 50 % du chiffre d’affaires est réalisé à l’étranger : c’est une multinationale. Tant que les portes des autres pays s’ouvrent, c’est-à-dire sont ouvertes par des dispositifs qui autorisent la libre circulation du capital, ô merveilleux libre-échange, la firme grossit. Malgré quelques échecs dans ses acquisitions, Lafarge est présente dans 40 pays en 1993 et 75 en 2004. Elle possède des centaines de carrières et d’usines de béton prêt à l’emploi. En 1991, l’entreprise est le numéro deux mondial du ciment, mais aussi le numéro trois des bétons, sables et graviers. Son chiffre d’affaires en croissance continue illustre la domination d’un matériau, mais aussi la disparition de tout un ensemble de pratiques, savoirs et savoir-faire de construction : il n’est plus extrait ni taillé de pierres propres à une géologie et un territoire. Ce sont des petits grains qui sont massivement dragués, concassés et calibrés pour être agglomérés avec du ciment. La déqualification n’est pas absolue, du fait de la technicité des coffrages, mais les gestes des maçons – placer le mortier, araser, caler, barder, monter, poser, etc. – disparaissent. C’est la première coulée de béton qui inaugure le chantier, non plus la première pierre.

Le chiffre d’affaire en croissance continue de Lafarge illustre la domination d’un matériau, mais aussi la disparition de tout un ensemble de pratiques, savoirs et savoir-faire de construction : il n’est plus extrait ni taillé de pierres propres à une géologie et un territoire.

Dans les années 1990, le capital du groupe devient majoritairement étranger et le partage de la valeur ajoutée de l’entreprise bénéficie toujours plus aux actionnaires au détriment des employés. Au début des années 2000, les pays « émergents » représentent un tiers de son chiffre d’affaires total. Entre 2008 et 2010, Lafarge fait construire une usine gigantesque… en Syrie. Miracle de l’aide au développement, l’investissement de 680 millions de dollars est notamment financé par la Banque européenne d’investissement, l’Agence française de développement et un fonds danois. Comme c’est beau d’aider au développement. Vient la révolution, puis la guerre civile, en 2011. Le groupe décide de rester… et paye des organisations terroristes pour protéger le site industriel, situé à 90 kilomètres de Raqqa, la capitale de l’État islamique. Lafarge verse plus de 15,3 millions d’euros à Daesh et à la branche syrienne d’Al-Qaïda. Le jeu – dans leur tête la « valorisation du capital des fours » – en vaut la chandelle puisque le profit devait avoisiner les 200 millions d’euros par an. Le directeur général adjoint, Christian Herrault, le dit dans un mail de juillet 2014, alors que les massacres se multiplient dans le pays depuis trois ans : « Il faut maintenir le principe que nous sommes prêts à partager le “gâteau”, encore faudrait-il qu’il y ait un “gâteau”. Pour moi, le “gâteau” est tout ce qui est un “profit”. »Il est joueur, Christian. Manque de bol, cette fois, la patrouille les rattrape aux États-Unis en 2022 : pour éviter un procès, le groupe accepte d’y payer une sanction de 778 millions de dollars et de plaider coupable pour avoir aidé des organisations terroristes entre 2013 et 2014.

Usine Lafarge Malayan Cement à Langkawi, Malaisie, 2014. Wikimedia.

Aujourd’hui Lafarge n’est plus – il fallait sans doute symboliquement se faire oublier après la lune de miel daeshienne, et LafargeHolcim (2014) est devenue Holcim (2021). La firme a donc été tour à tour royaliste, réactionnaire, ultra-catholique, paternaliste, colonialiste, collaborationniste, djihadiste. Sacrée performance contorsionniste, avouons ! C’est finalement une histoire à la fois banale et prototypique d’un groupe capitaliste : peu importe l’idéologie, le pays, l’époque, le CO₂, l’extractivisme de sable et gravier associé au ciment, tant que la production mène à un profit. Tout ce détour historique, c’est presque désolant, alors qu’un marxisme bien trivial suffisait à l’analyse.

Plus remarquable est le câlin permanent de l’État français. Parfois avec intérêt : en Syrie, le groupe recueillait des renseignements pour le compte des services secrets (bah, alors ?). Holcim n’a aucune raison de ne pas poursuivre l’œuvre – donc a toutes les raisons de le faire, et le fera si rien ne l’en empêche. Justement, quelques collectifs ont la bonne idée, ou l’idée logique en temps de Capitalocène, de mettre fin à l’épopée – qui ne se fera ni par la morale, ni dans un dialogue apaisé. Mais voilà : le service du renseignement intérieur s’en mêle. Bien sûr pas pour défoncer les portes des actionnaires en pleine nuit, ni pour saccager leur assemblée générale en hurlant des mots insensés. Filatures, écoutes, géolocalisations, flicage de l’intimité des Soulèvements, de leurs liens affectifs et jusqu’à leurs lectures : ces barbouzes sont non seulement nés avant la honte, mais aussi avant le ridicule. La terreur et la bêtise, ah ça oui, ils connaissent bien – à l’évidence, une centrale qui sème la terreur sans intelligence, non pas une centrale d’intelligence qui combat la terreur. L’État, qui rappelle ici son rôle historique, persiste et s’obstine : s’attaquer aux collectifs, décrits comme « écoterroristes » du fait qu’ils menacent son pouvoir d’aménagement du territoire, jusqu’à être prêt à les tuer s’ils s’approchent trop de son trou de terre à Sainte Soline, ou de son arc de Triomphe. A priori, quand l’État nécessite à ce point la coercition pour dominer, que tous les acronymes bouffons (SDAT, BRI, BAC, DGSI) passent à l’action, que la recherche d’un consentement est définitivement devenue une vieille farce, c’est signe de « crise organique ». Dada, dadam, on y est. Les mots à l’endroit, disait l’autre : l’État du capital, quand il devient anti-anti-fasciste est un bien dangereux fasciste.


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  1. Ce texte est une version augmentée d’un article paru dans Lundimatin en 2024.

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