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20.11.2024 à 17:10

Alliance AUKUS : les problèmes de fond des forces sous-marines australiennes

Benjamin Blandin, Doctorant en relations internationales, Institut catholique de Paris (ICP)

Confrontée à divers défis économiques, techniques et diplomatiques, l’Australie mesure les difficultés liées à la mise en œuvre de l’accord AUKUS.
Texte intégral (2751 mots)
Le HMAS Waller, l’un des six sous-marins de classe Collins exploités depuis les années 1990 par les forces armées australiennes, dans le port de Sydney le 29 mai 2008. Horatio J. Kookabura/Flickr, CC BY-SA

Voilà plus de cent ans que l’Australie accorde une grande importance à ses capacités sous-marines. En signant en 2021 l’accord AUKUS, elle s’est lancée dans un projet colossal, dont la mise en œuvre rencontre dernièrement de nombreuses difficultés.


En septembre 2021, l’accord AUKUS est annoncé au grand jour. Ce partenariat stratégique entre l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis (d’où l’acronyme choisi pour le désigner) porte sur l’acquisition par Canberra d’une dizaine de sous-marins à propulsion nucléaire de fabrication américano-britannique – au grand dam de la France.

L’histoire de la force sous-marine australienne n’a été que rarement mentionnée dans cette affaire, alors qu’elle constitue un facteur clé pour comprendre les tenants et les aboutissants de ce partenariat tripartite.


À lire aussi : L’« Indo-Pacifique », au-delà du slogan


Une histoire ancienne semée d’embûches

L’Australie, en dépit d’une base militaro-industrielle assez limitée, d’un éloignement géographique relatif vis-à-vis de ses alliés occidentaux et d’un territoire faiblement peuplé – trois éléments n’en faisant pas un acteur naturel dans le domaine complexe et coûteux des sous-marins –, dispose de plus d’un siècle d’expérience en la matière.

En 1914, durant la Première Guerre mondiale, qui sévit aussi en Océanie, le pays reçoit sa première capacité sous-marine avec la livraison par le Royaume-Uni de deux sous-marins de type « E-class ».

L’escadre australienne entrant dans le port de Simpson, à Rabaul, en septembre 1914
L’escadre australienne entrant dans le port de Simpson, à Rabaul, en septembre 1914. Wikimedia, CC BY-NC-ND

L’un d’eux disparaît, la même année, lors de la campagne contre la base allemande de Rabaul (aujourd’hui en Papouasie-Nouvelle-Guinée). Le second est rapatrié en Europe et utilisé durant la campagne de Gallipoli.

Une deuxième tentative est initiée en 1919, avec la livraison de six sous-marins britanniques « J-class », mais ces derniers, en mauvais état, passent la plupart du temps en réparation et sont décommissionnés en 1922 après avoir été très peu utilisés. S’ensuit une troisième tentative en 1927 avec trois sous-marins britanniques « O-class », qui ne sont livrés qu’en 1930 et rapatriés en 1931, à nouveau en raison de nombreuses difficultés techniques.

Durant la Seconde Guerre mondiale, l’Australie est dépourvue de force sous-marine, à l’exception d’un submersible néerlandais, le K.IX rebaptisé K9, qui permet de former des hommes à la lutte anti-sous-marine. Cependant, de nombreux marins australiens servent dans la Royal Navy et les ports australiens de Brisbane et de Fremantle voient passer 122 sous-marins américains, 31 britanniques et 11 néerlandais. Entre 1949 et 1969, le Royaume-Uni maintient en Australie une flottille comprenant seulement deux à trois submersibles.

La première force sous-marine australienne véritable remonte donc à l’acquisition de six sous-marins de la classe Oberon, mis en service entre 1967 et 1978. Ces appareils nécessitaient cependant une maintenance très coûteuse (75 % du prix d’achat tous les cinq ans) et près de 85 % des pièces détachées et de soutien ont été fournis par des industriels extérieurs, entravant l’autonomie stratégique du pays.

En 1990, débute la construction des six sous-marins de la classe Collins – premiers sous-marins conçus et fabriqués en Australie dans le chantier naval ASC d’Adélaïde. Exploités entre 1996 et 2003, ces submersibles sont une version améliorée et plus longue du mini sous-marin suédois Västergötland.

Cette initiative était ambitieuse, le pays ne disposant pas à l’époque d’un complexe militaro-industriel naval à proprement parler, et son expérience se limitant à la production de navires de taille moyenne et à l’entretien de la classe Oberon. Canberra, via ce projet, souhaite alors gagner en indépendance dans le domaine des systèmes d’armes complexes. Le pays doit importer de nombreux composants et faire appel à l’expertise étrangère, mais la conception de la classe Collins présente l’avantage d’adapter les ambitions du gouvernement aux capacités industrielles nationales.

Les sous-marins de la classe Collins sont une version plus longue du petit sous-marin suédois Västergötland, utilisable par un équipage réduit de 50 personnes. Wikimedia, CC BY

Toutefois, cette expérience rencontre de nombreux problèmes techniques, de la phase de conception jusqu’à la phase d’exploitation et de maintenance. À tel point que moins de 25 ans après la mise en service du premier sous-marin, l’entièreté de la flotte a été jugée inapte, alors que sa durée de vie initiale était fixée à 30 ans. Les autorités australiennes pensaient que ces sous-marins ne pourraient être entretenus que pour une dernière période de sept ans avant l’accord AUKUS. Mais la nécessité de les maintenir en mer jusqu’au début des années 2040, en raison de la difficile mise en œuvre du pacte, exigera une modernisation approfondie et un entretien toujours plus coûteux et complexe.

En 2016, pourtant, Canberra avait signé avec le groupe français Naval Group un contrat qui prévoyait la livraison par la France de huit sous-marins Barracuda « Attack-class » (chiffre plus tard réévalué à douze). La livraison de ces sous-marins diesel, adaptés aux besoins stratégiques de l’Australie et à son opposition de longue date à la technologie nucléaire, était prévue pour le début des années 2030.

Étant donné que la conception, la production et la maintenance des sous-marins de la classe Collins constituaient la seule expérience australienne antérieure, ce contrat offrait à Canberra l’occasion d’accroître son expérience, son expertise et sa capacité industrielle et lui octroyait de surcroît un plus large niveau d’autonomie stratégique. Mais le contrat a été annulé en septembre 2021, entraînant une compensation de 555 millions d’euros versée à Paris et la perte de 3,4 milliards de dollars australiens (2 milliards d’euros) d’investissement initial, après sept années de coopération technique, technologique et industrielle entre les deux nations.


À lire aussi : Sous-marins australiens : le modèle français d’exportation d’armes en question


Un avenir tumultueux pour le pacte AUKUS

L’Australie a-t-elle fait le bon choix en se détournant de Paris au profit des sous-marins nucléaires promis par Londres et Washington ? Plusieurs éléments permettent d’en douter.

En ce qui concerne l’exploitation de la propulsion nucléaire des sous-marins, l’Australie ne dispose d’aucune installation ni expertise, technicien, ingénieur ou scientifique spécialisés. De plus, sa Constitution interdit la production, l’enrichissement, le stockage, l’usage et le transit d’uranium et/ou de plutonium enrichi.

La construction à Adélaïde des futurs sous-marins prévus dans le cadre du pacte AUKUS doit débuter à partir des années 2040, soit près de 40 ans après la dernière production d’un sous-marin sur le sol australien. Une situation susceptible de générer une perte de compétences significative, des retards et des coûts supplémentaires. Seule la dernière modernisation prévue pour la classe Collins pourra contribuer à un transfert de savoir-faire pour la construction des nouveaux sous-marins.

En outre, le coût financier se révèle exorbitant. Entre 2020 et 2050, le montant devrait s’élever entre 268 et 368 milliards de dollars australiens (164 à 225 milliards d’euros) pour la livraison de trois à cinq sous-marins américains de classe Virginia et environ huit sous-marins SSN-AUKUS. Les douze sous-marins de Naval Group avaient été négociés pour 56 milliards d’euros (100 milliards de dollars australiens) et leur coût aurait probablement été de 150 milliards de dollars australiens s’ils avaient été conçus avec un système de propulsion nucléaire.

De plus, la classe de sous-marins du pacte AUKUS nécessite l’amélioration et l’agrandissement des capacités du chantier naval de Perth, pour un coût estimé à 4,3 milliards de dollars. 1,5 milliard devront aussi être investis dans la base navale de Henderson.

Ajoutons que l’accord AUKUS devrait être conclu entre 2023 et les années 2050. Pour les États-Unis, cette période de 35 ans représente l’équivalent de neuf mandats présidentiels américains qui risquent d’entraîner des changements de politique intérieure et extérieure susceptibles d’entraver la mise en œuvre du pacte, à l’égard duquel le président nouvellement réélu Donald Trump s’est d’ailleurs montré critique.

Sans oublier que l’élaboration d’une politique cohérente avec quatre modèles différents (Collins, Astute, Virginia et AUKUS) est un défi supplémentaire pour Canberra. Comment former et transférer les équipages et les officiers d’une classe à l’autre ? Pour rappel, l’« AUKUS improved visit and onboarding program » prévu à cet effet devait débuter en 2023. Mais le positionnement permanent des sous-marins ne sera pas donné avant 2027, les sous-marins SSN-AUKUS ne doivent être livrés qu’au début des années 2040 et la livraison de la classe Virginia prévue en 2030 a été retardée.

La production des sous-marins Virginia par Washington est effectivement loin d’être terminée. La capacité de production est ralentie et la rivalité grandissante avec la Chine pourrait motiver les États-Unis à exploiter plus longtemps leur plus récent modèle de sous-marin avant de le livrer à l’Australie.

Dès lors, quel intérêt l’Australie trouve-t-elle dans ce partenariat ? Difficile de répondre à cette question, sachant que le pacte AUKUS inflige à Canberra une perte de temps et d’argent considérable, suscite une détérioration de ses relations avec la France et l’Asean, une tension accrue avec la Chine et peu voire aucune autonomie stratégique à l’horizon.

Ainsi, la volonté du gouvernement australien de faire de l’alliance AUKUS l’alpha et l’oméga de sa stratégie de défense et de considérer ce contrat comme « trop gros pour échouer » (« too big to fail ») est pour le moins imprudente. Cet apparent excès de confiance ne correspond pas aux réalités que souligne le Congressional Research Service, un think tank du Congrès américain, dans un rapport portant sur le pacte et mis à jour en octobre 2024. Ce dernier alerte sur la quasi-impossibilité pour Washington de livrer les sous-marins prévus et conseille aux autorités australiennes de réorienter leurs investissements militaires dans la défense aérienne, les drones et les capacités de frappe de précision à longue portée.

The Conversation

Benjamin Blandin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

20.11.2024 à 17:10

L’externalisation des contrôles migratoires de l’UE : une politique dangereuse et inefficace

Alice Mesnard, Reader in Economics, City St George's, University of London

Filip Savatic, Chercheur postdoctoral sur le projet Migration Governance and Asylum Crises (MAGYC) au Centre de recherches internationales , Sciences Po

Hélène Thiollet, Chargée de recherche au CNRS, CERI Sciences Po, spécialiste des politiques migratoires, Sciences Po

Jean-Noël Senne, Maître de conférence en Economie, Université Paris-Saclay

Non seulement l’externalisation du contrôle de la migration met en danger les réfugiés et les autres migrants, mais elle se révèle en outre inefficace pour réduire l’immigration irrégulière.
Texte intégral (2631 mots)

Le Pacte sur la migration et l’asile adopté par l’UE en 2024, qui vise à réduire l’immigration irrégulière, consiste notamment à confier le contrôle des frontières aux États d’origine et de transit des migrants. Un examen attentif de la politique d’asile mise en œuvre jusqu’ici par l’Union et, notamment, du fameux accord avec la Turquie de 2016 concernant les Syriens met en évidence les nombreuses failles de ce projet.


Depuis 2014, plus de 30 000 personnes ont péri dans la mer Méditerranée en tentant de rejoindre l’Europe, et des centaines sont mortes en traversant la Manche dans l’espoir de gagner le Royaume-Uni. Ces catastrophes humanitaires récurrentes en Europe ont remis en question la manière dont les pays de destination, de transit et d’origine des migrants gèrent le « contrôle » de leurs frontières.

En réponse, les institutions de l’Union européenne (UE) ont formellement adopté en avril 2024, après environ neuf ans de négociations depuis la « crise » migratoire de 2015, un ensemble de mesures connu sous le nom de Pacte sur la migration et l’asile. Ce texte réforme la manière dont l’UE gère les flux migratoires, avec pour objectif principal de mettre fin à la « migration irrégulière » vers l’Europe.

L’une des principales composantes du Pacte est le renforcement des partenariats internationaux avec les pays d’origine et/ou de transit des migrants dans le but de maîtriser les flux migratoires avant que les individus n’atteignent les frontières extérieures de l’UE. Ces partenariats et les politiques qui en découlent ont été qualifiés d’« externalisation » des contrôles migratoires, car ils représentent des tentatives de la part des États européens et des autres États du Nord de coopter les États d’origine/de transit pour stopper ou décourager les migrations.

À la suite de l’adoption du Pacte, 15 États membres de l’UE ont adressé une lettre commune à la Commission européenne, insistant sur la nécessité de poursuivre l’externalisation et demandant que les demandes d’asile soient traitées et évaluées en amont dans les pays partenaires.

L’externalisation (et l’engagement de l’UE à cet égard) a été largement critiquée par les organisations de la société civile et les défenseurs des migrants, ainsi que par des universitaires de différentes disciplines. Ces critiques soulignent que les politiques d’externalisation limitent la capacité des individus à demander l’asile en Europe et conduisent à de nombreuses violations des droits de l’homme.

De leur côté, les décideurs européens font valoir que les politiques d’externalisation sont compatibles avec les obligations juridiques internationales et nationales de fournir une protection humanitaire à ceux qui en ont besoin. Ils affirment que ces politiques découragent les migrations « irrégulières » tout en garantissant le droit aux personnes fuyant la violence et la persécution de pouvoir continuer de demander l’asile.

Or notre article de recherche récemment publiée montre que les politiques d’externalisation réalisent le contraire de ces objectifs affichés : elles empêchent les demandeurs d’asile de solliciter une protection internationale tout en déplaçant la migration irrégulière vers d’autres itinéraires moins contraints.

Distinction entre migration forcée et irrégulière

Pour évaluer l’impact des politiques d’externalisation, il est d’abord nécessaire de distinguer la migration forcée des individus qui obtiendront probablement le statut de « réfugiés » dans leur pays de destination des autres migrations probablement « irrégulières ».

Cette distinction est controversée en sciences sociales. Loin d’être une description exacte des personnes migrantes ou un fait purement juridique, elle s’ancre dans des pratiques et des politiques de catégorisation et de hiérarchisation des groupes et de leurs droits à entrer ou rester sur un territoire. Ces pratiques et ces politiques varient dans le temps et sont largement déterminées par les dynamiques politiques des gouvernements qui les mettent en place, qui sont le plus souvent ceux des pays de destination ou de circulation des personnes migrantes.

Pour opérer une distinction entre les « réfugiés probables » et les « migrants irréguliers probables », nous avons développé une nouvelle méthode de catégorisation des flux migratoires qui prend en compte les décisions d’octroi ou non de l’asile dans les pays de destination, en fonction de la nationalité des demandeurs et de l’année de la demande.

Alors que les conditions dans les pays d’origine influencent la probabilité que les individus obtiennent le statut de réfugié, les décisions en matière d’asile prises dans les pays de destination sont au terme du processus celles qui déterminent si quelqu’un « est » ou « n’est pas » un réfugié. En outre, bien que les décisions en matière d’asile soient généralement prises au cas par cas, la nationalité des demandeurs d’asile est largement prise en considération. En pratique, le Pacte de l’UE préconise lui-même l’utilisation des taux d’acceptation des demandes d’asile par nationalité pour déterminer si les individus entreront dans une procédure d’asile accélérée plutôt que dans une procédure d’asile standard.

En utilisant les données d’Eurostat sur les décisions d’asile en première instance, nous avons calculé une moyenne pondérée annuelle du taux d’acceptation des demandes d’asile par nationalité des demandeurs dans 31 États européens de destination (l’UE-27, l’Islande, la Norvège, la Suisse et le Royaume-Uni). La pondération tient compte du nombre de décisions prises par nationalité dans chaque pays. Par exemple, le taux d’acceptation du statut de réfugié des ressortissants syriens en Allemagne a un poids plus important car c’est dans ce pays que la plupart des Syriens arrivés sur le territoire de l’UE ont demandé l’asile.

Ensuite, nous avons utilisé cette moyenne pondérée annuelle pour diviser l’enregistrement des flux migratoires non autorisés vers l’Europe en deux catégories : « réfugiés probables » et « migrants irréguliers probables ». Plus précisément, nous avons utilisé les données sur les détections de « franchissement illégal des frontières » (IBC) publiées par Frontex, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, qui fournit à ce jour les seules données systématiquement disponibles sur les flux migratoires précédemment non autorisés vers l’Europe.

Dans une publication récente, nous avons démontré que l’étiquetage « irrégulier ou illégal » de cet ensemble de données est très problématique étant donné qu’il n’est pas illégal de franchir les frontières des États parties à la Convention sur les réfugiés de 1951 sans autorisation préalable et d’y demander l’asile. Nous montrons dans quelle mesure, depuis 2015, cet ensemble de données a toutefois été fréquemment cité par des sources d’information à destination du grand public à travers l’Europe, ainsi que par des organisations internationales et des chercheurs, comme une mesure objective de la migration « irrégulière » ou « illégale ».

Les données publiées par Frontex indiquent le nombre de passages de frontières sans autorisation préalable identifiés par les États membres de l’UE et de l’espace Schengen et sont organisées en neuf itinéraires types vers l’Europe. La route de la Méditerranée orientale (représentant les passages de la Turquie vers la Grèce) et la route de la Méditerranée centrale (représentant les passages de la Libye et de la Tunisie vers l’Italie et Malte) sont les deux principales routes en termes de nombre de passages. La nationalité de chaque individu identifié lors du passage est indiquée, ce qui nous permet de répartir chaque franchissement dans l’une de nos deux catégories en utilisant le taux moyen pondéré d’octroi de l’asile par nationalité.

Évaluer l’impact de la déclaration UE-Turquie

Notre nouvelle méthode de catégorisation des migrations nous permet de révéler la nature dite « mixte » des flux migratoires vers l’Europe et d’évaluer les impacts des politiques d’externalisation sur les différentes catégories de migrants.

Tout d’abord, nos résultats montrent que 55,4 % des passages non autorisés de frontières sur la période 2009-2021 représentent des franchissements de « réfugiés probables » – une proportion qui atteint 75,5 % pour l’année de crise de 2015 et un minimum de 20 % les autres années. Les franchissements de frontières dits « irréguliers » représentent donc toujours des migrations « mixtes », tandis que les pics de flux représentent le plus souvent des migrations forcées de réfugiés probables. Cela remet en question la manière dont les données de Frontex sont étiquetées et utilisées.

Deuxièmement, nous avons mené une analyse quantitative approfondie de l’impact de la déclaration UE-Turquie de mars 2016 sur nos deux catégories de migrants. Cette politique est un exemple paradigmatique d’externalisation, souvent présentée par les décideurs politiques comme une avancée majeure qui a permis de mettre un terme à la crise migratoire de 2015.

En nous concentrant sur la période des 12 mois précédant et suivant l’adoption de la déclaration, nous montrons comment cette politique n’a en réalité pas atteint ses objectifs. Certes, sur la route de la Méditerranée orientale, directement ciblée par la politique, le nombre total de franchissements non autorisés a nettement diminué. En revanche, sur la route de la Méditerranée centrale – l’itinéraire alternatif le plus proche – ce nombre a parallèlement grimpé en flèche. Ces deux changements sont presque entièrement dus au nombre de « migrants irréguliers probables » identifiés sur chacune des routes. Sur l’itinéraire de la Méditerranée orientale, la politique n’a précisément pas eu d’effet significatif sur les traversées effectuées par les « réfugiés probables », malgré les dispositions de l’accord qui restreignent considérablement leur accès à l’asile. Dans le même temps, peu d’entre eux ont déplacé leurs trajectoires de migration vers la route de la Méditerranée centrale.

La nécessité d’alternatives politiques

Signé en 2024, le Pacte européen sur la Migration et l’Asile, âprement négocié au sein de l’UE, veut renforcer les partenariats extra-internationaux pour mieux gérer l’immigration et l’asile. Or nos conclusions révèlent que la déclaration UE-Turquie, souvent mis en avant pour favoriser ces partenariats, a été un échec en soi. Elle a largement empêché les personnes susceptibles d’être reconnues comme réfugiés de demander l’asile, tout en détournant les migrants irréguliers vers d’autres routes migratoires. En outre, les promesses de relocalisation de réfugiés syriens en Europe depuis la Turquie ne se sont pas concrétisées, seulement 40 000 personnes ayant été réinstallées depuis 2016 sur plusieurs millions présents en Turquie.

L’analyse que nous avons menée révèle les dangers de l’externalisation et la manière dont les politiques qui y sont liées sont potentiellement incompatibles avec les engagements juridiques pris par les États européens en matière de protection humanitaire, ainsi qu’avec les politiques d’asile qu’ils mettent en œuvre au niveau national. En proposant une analyse quantitative approfondie de son (in) efficacité au regard de son objectif déclaré de stopper la migration irrégulière, notre travail de recherche complète ainsi les critiques existantes de l’externalisation, qui ont mis l’accent sur la menace qu’elle représente pour le droit des individus à demander l’asile, et sur la dangerosité accrue des parcours migratoires du fait de la criminalisation des voies d’accès légales aux pays européens.

À la lumière de ces constats, il apparaît nécessaire que les décideurs politiques au sein de l’UE reconsidèrent leur engagement en faveur de l’externalisation des contrôles migratoires, notamment dans le cadre du Pacte sur la migration et l’asile. D’autres formes de coopération internationale mettant l’accent sur les voies légales de migration ainsi que sur l’organisation de la réinstallation des réfugiés depuis leur pays d’origine ou des premiers pays d’asile dans le Sud global serviraient mieux les intérêts de tous les États tout en protégeant les droits fondamentaux des personnes en déplacement.

The Conversation

Alice Mesnard a reçu des financements de l'Union Européenne (H2020) dans le cadre du projet MAGYC Migration Governance and Asylum Crises https://cordis.europa.eu/project/id/822806 (projet 822806).

Filip Savatic a reçu des financements de l'Union Européenne (H2020) dans le cadre du projet MAGYC Migration Governance and Asylum Crises https://cordis.europa.eu/project/id/822806 (projet 822806).

Hélène Thiollet a reçu des financements de l'Union Européenne (H2020) dans le cadre du projet MAGYC Migration Governance and Asylum Crises https://cordis.europa.eu/project/id/822806 (projet 822806).

Jean-Noël Senne a reçu des financements de l'Union Européenne (H2020) dans le cadre du projet MAGYC "Migration Governance and Asylum Crises": https://cordis.europa.eu/project/id/822806 (projet 822806).

20.11.2024 à 17:10

Mobilités internationales des professionnels de santé : comment faire pour qu’elles profitent à tous ?

Stéphanie Tchiombiano, Maitresse de conférence associée dans le département de science politique, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Maëlle de Seze, Chercheuse en santé mondiale et science politique, Université de Bordeaux

Face à la pénurie de personnels, les frontières s’ouvrent pour laisser entrer les soignants étrangers. Comment éviter de saigner les systèmes de santé de leurs pays d’origine, tout en respectant la liberté individuelle ?
Texte intégral (2706 mots)
EVG Kowalievska/Pexels

De nombreux États recrutent des soignants étrangers pour pallier le manque de personnel au sein de leurs systèmes de santé. Au détriment, parfois, des pays d’origine. Pour s’assurer que tous tirent bénéfice de cette situation, diverses solutions sont explorées, entre recommandations éthiques, accords bilatéraux ou mesures incitatives.


La pénurie mondiale de soignants, particulièrement criante pendant le pic de la pandémie de Covid-19 et les discussions sur les lois cherchant à réguler l’immigration, en France comme ailleurs, ont remis à l’agenda la question des mobilités internationales des professionnels de santé.

Pendant la crise Covid, plusieurs pays européens ont sollicité l’aide médicale de Cuba, d’autres ont envoyé des émissaires faire du recrutement actif de soignants dans des pays où la pénurie de professionnels de santé était déjà extrêmement grave, une pratique allant à l’encontre de toutes les recommandations internationales en termes de recrutement de professionnels de santé.

Selon le point de vue que l’on adopte, l’émigration des soignants peut être considérée comme un problème pour les pays d’origine qui voient leurs personnels partir pour l’étranger, ou comme une source d’opportunités, à la fois pour les professionnels de santé concernés, pour les systèmes de santé des pays d’accueil, voire pour les pays originaires, lorsque ces flux sont régulés et encadrés. Quels sont les garde-fous qui existent pour s’en assurer ?

Des flux de mobilités complexes

Le nombre de médecins et d’infirmiers nés à l’étranger a augmenté de 20 % dans les années 2010, par rapport à la décennie précédente. Actuellement, on considère qu’un médecin sur six exerçant dans les pays de l’OCDE a été formé à l’étranger.

Les mobilités de ces personnels sont complexes et ne se résument pas à de simples flux « Sud-Nord » qui résulteraient uniquement d’un phénomène de « fuite des cerveaux » (« brain drain » en anglais).

Le cas de l’Afrique du Sud est particulièrement édifiant : les médecins étrangers y représentent plus de 10 % de la main-d’œuvre médicale totale et le gouvernement traite des demandes d’enregistrement de médecins provenant de plus de 60 pays. Si le Nigeria est le principal pays d’origine de ces médecins qui migrent en Afrique du Sud (devant le Royaume-Uni, Cuba et la République démocratique du Congo), il est étonnant de constater qu’à l’inverse, 17 % des médecins exerçant au Nigeria sont étrangers (par ailleurs, 50 % des médecins nés à l’étranger qui y exercent viennent d’Asie, 29 % viennent d’Afrique, 14 % viennent d’Europe et 4 % viennent d’Amérique).

Le Nigéria est donc à la fois un pays « importateur » de médecins et, dans le même temps, un pays « exportateur », puisque certains médecins nigérians font à l’inverse le choix de partir, espérant trouver de meilleures conditions de travail aux États-Unis ou au Canada, par exemple. L’espoir d’un meilleur salaire occupe une place centrale dans leurs choix. L’herbe est souvent plus verte ailleurs, et les dynamiques migratoires délicates à décoder…

Mondialisation et inégalités économiques, deux moteurs des mobilités

La mobilité accrue des professionnels de santé ne s’explique pas uniquement par l’épidémie de Covid-19. Elle est également liée à l’augmentation des échanges mondialisés et à l’internationalisation des formations (facilitée par des dispositifs de reconnaissance des diplômes de plus en plus nombreux, même si leur absence est encore souvent un frein).

Elle est aussi renforcée par les inégalités économiques entre les pays, les différences en termes de conditions d’exercice, de conditions de travail et de conditions de vie.

Les raisons qui poussent les soignants et leurs familles à la migration peuvent être variées, au-delà du salaire : certains décident de migrer pour des raisons sécuritaires, d’autres, car ils ne reçoivent pas leurs attributions de postes, d’autres encore parce qu’ils ne peuvent pas pratiquer la médecine dans de bonnes conditions, etc.

Dans de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire, les professionnels de santé travaillent dans des conditions souvent difficiles, avec des statuts parfois précaires et des systèmes de santé qui n’ont pas toujours les moyens de créer des postes en nombre suffisant ou de retenir les professionnels de santé en zones rurales et reculées.

En comparaison, les perspectives d’emploi dans les pays à revenu plus élevé sont plus attractives, en particulier lorsque des émissaires de ces pays démarchent à l’international pour recruter en période de stress aigu sur les systèmes de santé (comme durant l’épidémie de Covid-19).

Des régions plus touchées que d’autres

Si la pénurie de soignants est mondiale, certaines régions du monde sont plus touchées que d’autres. En 2013, les professionnels de santé manquants dans la région « Afrique » de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) représentaient un quart de la pénurie mondiale de soignants.

En 2030, l’OMS estime que ce chiffre augmentera pour atteindre 52 %. Avec la région de la Méditerranée orientale (20 %) et la région de l’Asie du Sud-est (19 %), ces trois régions représenteront 90 % de la pénurie mondiale de personnels de santé en 2030.

Comment atténuer les effets négatifs de ces mobilités sur les systèmes de santé des pays d’origine, en particulier lorsque ces pays sont en situation de pénurie critique de professionnels de santé, sans priver pour autant les individus de leurs droits à migrer ? Plusieurs pistes sont actuellement explorées.

Des recommandations éthiques

L’OMS a mis en place des dispositifs comme le Code de pratique mondial qui fixe quelques « règles du jeu » éthiques : ne pas nuire aux systèmes de santé des pays d’origine, respecter des principes de transparence, d’équité, de durabilité, tenir compte du droit à la santé des populations, respecter les droits individuels et la liberté des professionnels de santé qui souhaitent migrer, etc.

Une liste d’appui et de sauvegarde des personnels de santé est régulièrement mise à jour, pointant les pays où la pénurie de professionnels de santé est la plus critique et la densité de soignants la plus faible. Le recrutement actif de professionnels de santé de ces pays est théoriquement proscrit et ce sont les pays prioritaires pour les actions de la communauté internationale visant à lutter contre la pénurie de soignants.

Il s’agit aussi, avec les directives opérationnelles de l’OIT (Organisation internationale du travail), de s’assurer que les conditions de recrutement et de travail de ces professionnels de santé étrangers respecteront des normes éthiques.

En France, par exemple, des professionnels de santé sont régulièrement embauchés dans le système hospitalier en dessous de leurs qualifications, avec des salaires inférieurs ou de moins bonnes conditions de travail que leurs collègues nationaux.

La création d’une carte de séjour « talents-professions médicales et de la pharmacie », entrée en vigueur en France en janvier 2024, entretient l’idée de professionnels de santé formés à l’étranger comme variables d’ajustement de la pénurie nationale. Ce type de carte de séjour, qui doit être renouvelé tous les quatre ans, maintient par ailleurs les professionnels de santé dans une précarité relative et nuit à leur intégration durable dans le système de santé.

Pour les pays d’accueil, les mesures mises en place peuvent viser à faciliter les arrivées (via par exemple des procédures spécifiques de visas permettant aux professionnels de santé migrants de se stabiliser plus rapidement dans le pays d’accueil), ou encore à proposer des allègements fiscaux en reconnaissance de l’apport des soignants migrants.

Mise en place d’accords bilatéraux

Des accords bilatéraux peuvent être mis en place entre pays d’accueil et pays d’origine, instaurant non seulement des mécanismes compensatoires financiers (au bénéfice des États qui forment massivement des professionnels employés par d’autres États), mais aussi des dispositifs de formation linguistique ou d’aide à l’intégration.

C’est par exemple le cas du programme allemand « Triple win » qui a passé des accords avec sept pays : Inde, Vietnam, Tunisie, Serbie, Bosnie-Herzégovine, Philippines, et Jordanie.

Certains pays d’accueil ont également mis en place des dispositifs de formation et d’enseignement structurés pour les agents de santé migrants, à l’exemple de l’Irlande, dont le système de santé dépend fortement de personnels de santé notamment originaires du Pakistan et du Soudan.

Pour concilier cette nécessité avec son engagement envers le Code de pratique mondial de l’OMS, le gouvernement irlandais a lancé un programme de formation postuniversitaire de deux ans – l’International Medical Graduate Training Initiative (IMGTI) – à l’intention des médecins pakistanais.

L’objectif global est qu’à court terme, ces diplômés acquièrent une expérience de formation clinique qui leur est autrement inaccessible, afin d’améliorer à long terme les services de santé dans leur pays d’origine.

Mesures incitatives

Conscients des enjeux liés à la mobilité des professionnels de santé, de plus en plus de pays mettent en place des politiques spécifiquement dédiées à ces questions. Il peut s’agir pour les pays d’origine de mesures incitatives visant à convaincre les soignants de ne pas partir, ou à faire revenir ceux qui sont partis à l’étranger (comme le programme chinois d’aide au retour « Young Thousand talents »).

Pour les pays d’accueil, les mesures mises en place peuvent viser à faciliter les arrivées (via par exemple des procédures spécifiques de visas permettant aux professionnels de santé migrants de se stabiliser plus rapidement dans le pays d’accueil), ou encore à proposer des allègements fiscaux en reconnaissance de l’apport des soignants migrants.

Toutefois, les pays à revenu élevé, et notamment la France, doivent également « jouer le jeu » et accepter de ne pas pratiquer le recrutement international actif alors qu’ils ont d’autres moyens à leur disposition afin de lutter contre la pénurie relative de professionnels de santé à l’intérieur de leurs frontières (augmentation du nombre de places en formation et en stage, accroissement du nombre de postes de fonctionnaires au sein du service public hospitalier, etc.).

Soulignons que le droit international est non contraignant sauf accord explicite du pays concerné. Le respect des recommandations et bonnes pratiques dépend donc du bon vouloir des États et du risque « réputationnel » qu’ils courent en ne respectant pas ces principes.

Mieux reconnaître la valeur des soignants migrants

Il faut retenir de ces expériences l’idée générale de mettre en place des dispositifs incitatifs plutôt que contraignants pour répondre aux différents déséquilibres (nationaux, régionaux, internationaux). La mobilité des professionnels de santé est un fait, il nous semble qu’elle doit globalement être considérée comme une opportunité (échange de pratiques venant de cultures médicales différentes, mise en place de réseaux internationaux, etc.).

Les soignants migrants traversent souvent de nombreuses difficultés d’ordres administratif, financier, familial, etc. Obtenir une équivalence à la hauteur de leurs diplômes et de leurs qualifications par exemple peut prendre des années, même lorsque les candidats sont excellents.

Il ne s’agit donc pas de mettre en place de nouvelles entraves, de chercher à limiter les mobilités, mais plutôt de les accompagner de mesures incitatives et de mécanismes compensatoires afin de rétablir une forme d’équilibre.

Tant qu’il y aura des situations paradoxales où des pays à revenus faibles financent la formation de nombreux professionnels de santé qui vont ensuite pratiquer ailleurs, ces États ne parviendront pas à diminuer leur propre pénurie nationale de professionnels de santé et les inégalités en matière de densité de soignants continueront à croître.

The Conversation

Le présent article est en lien avec une étude "Les métiers de la santé de demain", réalisée pour le think tank Santé mondiale 2030 (http://santemondiale2030.fr) et financée par l'Agence Française de Développement. Stéphanie Tchiombiano a été la coordinatrice de ce think tank de 2016 à 2023.

Maëlle de Seze était salariée du think tank Santé mondiale 2030 de février 2022 à février 2023 afin de réaliser l'étude "Les métiers de la santé de demain", qui portait en partie sur les données présentées dans l'article.

20.11.2024 à 17:09

‘Will you buy fewer plastic bottles?’ A simple question can change our behaviour

Bing Bai, Doctorant en Marketing à l'Université de Montpellier - Attaché d'enseignement à l'EDHEC Business School, Université de Montpellier

Laurie Balbo, Professeure Associée en Marketing _ Directrice des Programmes MSc Marketing et MSc Digital Marketing & Data Analytics, Grenoble École de Management (GEM)

Marie-Christine Lichtlé, Professeur des Universités, Université de Montpellier

Are you considering buying fewer plastic bottles in the future? Maybe not, but now that the question has been asked, you’re bound to think about it.
Texte intégral (1371 mots)
Although awareness of the impact of plastic has been raised, its consumption is hardly decreasing. What are the levers that could help us do without this material? Pinglabel/Shutterstock

The bottled water market has seen explosive growth – up 73% over the last decade – making it one of the fastest-growing industries globally. However, this growth comes at a significant environmental cost. Plastic waste, greenhouse gas emissions from production and distribution, and the overexploitation of water resources all contribute to an escalating ecological crisis. Reducing reliance on bottled water is, therefore, an urgent challenge.

Public awareness of this issue has grown. A 2020 study by Futerra and OnePulse found that 80% of respondents were willing to change their habits to combat climate change, and 50% specifically considered cutting back on plastic use. Despite this, little attention has been given to communication strategies designed to reduce bottled water consumption.

The power of self-prophecies

Our research suggests that asking people questions about their future behaviour – a psychological effect known as a self-prophecy – may inspire meaningful change. In a study involving 269 participants in the United States, researchers investigated whether this tactic could reduce bottled water purchases.

Self-prophecies work by prompting individuals to predict their future actions (e.g., “Will you recycle your packaging?”). This triggers cognitive dissonance: the discomfort of recognising a gap between one’s values and behaviours. People often resolve this tension by adjusting their actions to align with their beliefs.

Guilt as a motivator

Our study uncovers the emotional mechanism that links self-prophecy prompts to pro-environmental actions, with anticipated guilt serving as the key driver. American social psychologist Leon Festinger, in his seminal work A Theory of Cognitive Dissonance, describes dissonance as a state of psychological discomfort that spurs behavioural change. While Festinger does not explicitly identify the nature of this discomfort, later theorists highlighted guilt as one of the emotions that dissonance can trigger under specific circumstances.

Building on this idea, we hypothesised that people anticipate guilt when they foresee themselves failing to engage in environmentally responsible actions, particularly when such behaviours align with their normative beliefs – social or cultural expectations of what constitutes appropriate behaviour. This anticipated guilt, we argue, motivates individuals to adopt eco-friendly practices to avoid experiencing the negative emotion.

To test this theory, we conducted an experiment measuring guilt in participants exposed to an advertisement featuring a prediction question designed to discourage bottled water purchases. Those who viewed the ad experienced higher levels of anticipated guilt compared to participants in a control group who saw an ad without the prediction element. Crucially, this guilt significantly reduced their intention to buy bottled water, demonstrating how emotional anticipation can influence behaviour.

Varying effects across individuals

We investigated two key factors that influence the effectiveness of self-prophecy techniques: normative beliefs and the motivations that drive people to act.

Research has long established the power of normative beliefs in shaping behaviour. People who strongly adhere to their beliefs are not only more likely to predict that they will act in accordance with them but also more likely to follow through. Our study delved into how different types of norms – descriptive (what most people do), injunctive (what is socially expected), and personal (internal moral standards) – affect intentions.

Our findings reveal that these three types of norms significantly influence feelings of anticipated guilt. Participants generally believed that reducing plastic bottle consumption was common, socially expected and aligned with their personal convictions. The stronger these norms, the more intense the anticipated guilt when participants considered non-compliance. However, the act of posing a prediction question did not amplify the salience of these norms during decision-making. This suggests that such questions do not inherently guide participants toward behaviour aligned with their normative beliefs.

We also examined approach motivation, the drive to seek positive experiences or rewards, measured through behavioral approach system (BAS) scores. Individuals with high scores are typically goal-oriented, pursuing both tangible rewards (e.g., acquiring objects) and abstract achievements (e.g., altruism). This heightened drive helps them actively close the gap between their personal objectives and actions.

When guilt and action don’t align

Surprisingly, our study found that individuals with lower sensitivity to rewards and less drive to seek positive experiences felt greater guilt than their more motivated counterparts. Why? These individuals, while less motivated to act, became acutely aware of the gap between their behaviours and personal norms when prompted by the prediction question. This awareness, despite their inertia, triggered a stronger sense of guilt, which in turn increased their intention to reduce plastic bottle use.

On the other hand, those with higher BAS scores seemed naturally adept at aligning their actions with their norms, minimising cognitive dissonance. Their proactive approach to achieving personal goals reduced the likelihood of experiencing guilt, as they had already taken steps to bridge the gap between their intentions and behaviours.

Using self-prophecies in environmental campaigns

Our study offers promising insights for environmental awareness efforts, suggesting that prediction-based questions can effectively encourage eco-friendly behaviours. This approach, easily adaptable by government agencies and NGOs, has the potential to make sustainability messaging more impactful.

Interestingly, the study did not find a connection between normative beliefs – what people perceive as socially accepted behaviours – and the success of self-prophecy techniques. Had such a link been observed, individuals with stronger normative beliefs might have adjusted their behaviours more significantly in line with societal norms. However, existing research consistently highlights the pivotal role of personal norms – deeply held beliefs about right and wrong – in shaping intentions and ecological actions.

We therefore recommend designing campaigns that emphasise personal responsibility and the consequences of inaction. For example, messages that underscore the urgency of environmental issues and the importance of individual contributions can amplify the effectiveness of self-prophecy interventions.

While the study primarily examined behavioural intentions rather than actual behaviours, previous research supports the long-term impact of self-prediction techniques on real-world actions. For instance, interventions have been shown to improve recycling rates over four weeks and boost gym attendance for up to six months. These findings underscore the power of a simple question to engage emotional drivers and inspire lasting sustainable practices.

The Conversation

Bing Bai has received funding from the Responsible Marketing and Well-Being Chair at the University of Montpellier.

Laurie Balbo et Marie-Christine Lichtlé ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.

20.11.2024 à 16:26

Sustainable peace in Sudan: how international investment and solidarity can help end a ‘forgotten war’

Dominic Rohner, Professor of Economics and André Hoffman Chair in Political Economics and Governance, Geneva Graduate Institute, Graduate Institute – Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID)

There are no shortcuts to peace in Sudan, but a Marshall Plan-like investment and UN peacekeepers can help local actors diversify the economy and implement reforms once the fighting ends.
Texte intégral (1427 mots)

In recent years, armed conflicts have frequently made global headlines, but media coverage has largely focused on just a few highly publicised wars. These conflicts represent only the tip of the iceberg: more than 50 countries are currently suffering from shocking levels of armed violence, many of which receive little to no public attention. These include the ongoing violence in Sudan, Somalia, the Democratic Republic of Congo, Myanmar, the Central African Republic and Yemen.

Many of these “forgotten wars” occur in countries with high poverty, significant interethnic inequalities and fragile states. Often, they are not sites of great power rivalry – one of the reasons they are largely “forgotten” by both the media and policymakers worldwide. Academia has not overlooked them, however: hundreds of recent studies examine policies that can make a real difference in such conflicts. As discussed in my new book, The Peace Formula: Voice, Work and Warranties, three factors have been found to matter most for sustainable peace.

Political representation, economic opportunity and security guarantees

First, a society must guarantee civil liberties and political representation for all regardless of ethnicity, gender, religion or sexual orientation. Excluded or discriminated-against groups are far more likely to form insurgent movements to challenge the state, whereas inclusive, power-sharing institutions are strongly associated with long-term peace and stability.

Second, the presence of a productive economy and a well-educated, healthy population with the means to earn a decent living are key. When opportunities are scarce and large segments of society are impoverished and desperate, they become easier prey for warlords or authoritarian leaders seeking to recruit fighters. Consequently, policies that strengthen education, healthcare and labour market access have a significant impact in promoting peace.

Third, security guarantees and robust state capacity are essential for implementing effective public policies and reducing the risk of coups or organised crime taking advantage of power vacuums. When citizens feel secure, state legitimacy is strengthened, making political and economic progress possible.

The war in Sudan

But even if one recognises these factors, the question remains: how can the international community enact positive change? Imposing regime change from outside typically backfires. However, when a reform window opens within a country and a well-intentioned government works toward positive change, it creates an opportunity for the international community to help. Substantial financial investment following the Marshall Plan model, along with support for emerging state capacities, can have a significant impact. UN peacekeeping forces have been shown to greatly enhance security, particularly for civilians.

These elements can make a crucial difference on the ground. Take the ongoing war in Sudan: after Omar al-Bashir’s autocratic regime ended in 2019, a window of opportunity for positive change briefly opened, leading to the initiation of a series of reforms under new prime minister Abdallah Hamdok. These included the obtainment of IMF financing, macroeconomic reforms and the removal of fuel subsidies. While the reforms aimed for fiscal stabilisation, they did not bring immediate relief to the economic hardship suffered by wide parts of the population, making it challenging to maintain lasting large-scale support for the government and its reforms. Also, the government never achieved full control over security and remained at the mercy of the military.

This period of transition to civilian rule was cut short in the fall of 2021, when a series of coups ushered in a new era of tension and violence. The situation deteriorated further in April 2023, when full-scale war broke out between the Sudanese Armed Forces and the Rapid Support Forces, the army’s former paramilitary allies. This power struggle has reportedly killed tens of thousands of people, and there are now more than 14 million displaced people in Sudan or across its borders. The war continues with devastating intensity, and in recent days, reports have emerged of mass killings and sexual violence in villages in Al Jazirah state in eastern Sudan.

Protecting members of all ethnic groups

Stopping the fighting and finding a political solution is the top priority. Once an armistice is reached, a long-term roadmap for sustainable peace will be essential to ensure that the current humanitarian catastrophe never happens again. Ensuring a democratic voice for everyone is vital in any country, but it is especially critical in the context of Sudan, which has severe ethnic divisions and a history of ethnically motivated violence, with, among others, the Masalit people and other non-Arab communities in the Darfur region repeatedly targeted. The state has a duty to protect the lives and rights of all its inhabitants, and it is crucial to put everything possible in place to prevent ethnic cleansing.

An economy that generates sufficient jobs is important everywhere, but particularly in Sudan, where poverty remains high and not everyone benefits equally from natural resource windfalls. While the extraction of fossil fuels poses a significant risk of conflict and rent-seeking – both generally and in oil-rich Sudan – a robust economy that extends beyond the sector is crucial, as it offers important employment opportunities without the same negative side effects as fossil fuel extraction.

Once a future civilian government is established, the international community can provide large-scale financial help. An International Growth Centre report highlights great opportunities for domestically producing a wide range of imported goods, including food and textiles, as well as boosting exports.

In terms of exports, Sudan’s geographical position close to Egypt, Ethiopia and the Gulf States is a major asset. The diversification of exports, such as a range of agricultural commodities and livestock, holds significant potential, and value-added activities could be stepped up. Sudan is the world’s largest producer of gum arabic but only gets a dismal share of the value chain. With more processing activities, a bigger share of this market could be secured.

There must also be strong security guarantees that enable a civilian government to implement reforms and build state capacity without the threat of military coups. Not only could UN peacekeepers protect a civilian government from military takeovers, but they would also help safeguard all civilians, regardless of their ethnicity. Of course, a key challenge for the UN is to obtain large enough contingents of peacekeeping troops from member states. This highlights the paramount importance of international solidarity.

Foundations for peace

If there is a roadmap to pacifying forgotten wars, why hasn’t it been followed more often? One issue is that many politicians prioritise short-term objectives. Striking an unsustainable deal with a despot or winning the favour of a significant yet unsavoury regime may seem appealing to leaders, especially before an election campaign. It has been argued that al-Bashir, who ruled Sudan for decades, had only been able to cling to power due to foreign support.

In contrast, investing substantial resources to lay the groundwork for long-term peace in a country far from the spotlight may be seen as less politically advantageous. The full benefits of, for example, building schools or improving the health system accrue only after some time. While some leaders may genuinely care about doing good, many are more focused on doing well. To change this dynamic, scrutiny from local and global civil society, as well as public opinion, is essential to realign incentives for our leaders, shifting their focus from short-term gains to sustainable foundations for peace. Independent, high-quality media and engaged citizens can serve as catalysts for such positive change.

The Conversation

Dominic Rohner ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

19.11.2024 à 17:04

Assassinat de Samuel Paty et haine en ligne : ce qui a changé dans la loi depuis 2020

Nathalie Devillier, Docteur en droit international, Auteurs historiques The Conversation France

Le procès de l'assassinat de Samuel Paty soulève le problème des campagnes de haine sur les réseaux sociaux. Depuis 2020, de nouvelles lois tentent de lutter contre ces campagnes. Etat des lieux.
Texte intégral (1862 mots)

Le procès de l’assassinat de Samuel Paty se poursuit devant la cours d’assise spéciale de Paris. Un certain nombre d’accusés comparaissent pour avoir mené une campagne de haine sur les réseaux sociaux avant le meurtre. Depuis 2020, de nouvelles lois – européennes et françaises – sont entrées en vigueur pour lutter contre les violences en ligne. Que retenir de ces législations ? Sont-elles efficaces ?


Le procès de l’assassinat de Samuel Paty a débuté lundi 4 novembre. Sur le banc des accusés se trouvent notamment ceux qui ont créé la polémique et intentionnellement faussé la réalité d’un des cours de l’enseignant portant sur la liberté d’expression. Dans une vidéo, le père d’une élève qui sera jugé durant le procès avait appelé à écrire à la direction de l’établissement « pour virer ce malade » et livrait publiquement le nom du professeur, son numéro de téléphone portable et l’adresse du collège.

Les insultes, menaces et commentaires haineux contre l’enseignant et la directrice du collège inondèrent les réseaux sociaux Facebook, WhatsApp, Instagram, Twitter, Snapchat, YouTube, TikTok, Google… devenus de véritables tribunaux virtuels.

Suite à l’émoi suscité par ces événements, la France a adopté en 2021 plusieurs lois pour contrer la haine en ligne, notamment l’article surnommé « Samuel Paty » de la loi sur le respect des principes de la République qui criminalise les actes d’intimidation et d’entrave au travail des enseignants par la diffusion de messages haineux.

Plus largement, ces dernières années, de multiples initiatives législatives, à l’échelle française et européenne ont cherché à responsabiliser les plates-formes de contenus, les réseaux sociaux mais aussi les utilisateurs pour limiter les impacts de la violence en ligne.

Des mesures pour obliger les plates-formes à plus de transparence

Entré en vigueur en 2023, le Règlement européen sur les services numériques (Digital Services Act, DSA) a notamment pour objectif d’endiguer la viralité de contenus violents pour éviter d’y exposer les utilisateurs. Il exige aussi la publication de rapports de transparence par les réseaux sociaux et plates-formes de partage tels que Facebook, Google Search, Instagram, LinkedIn, Pinterest, Snapchat, TikTok, X (anciennement Twitter) et YouTube.

En vertu de ce texte, les réseaux sociaux doivent aussi donner des informations sur leurs équipes de modération de contenu, mettre en place des mécanismes de signalement des contenus illicites et fournir des informations sur le fonctionnement de leurs algorithmes de recommandation.

Ce partage d’informations sur le fonctionnement des algorithmes devrait permettre aux utilisateurs de mieux comprendre et contrôler ce qu’ils voient en ligne. Il est surtout utile pour le Centre européen pour la transparence algorithmique qui contrôle l’application du règlement.

Les plates-formes doivent également évaluer et réduire les risques systémiques pour la sécurité publique et les droits fondamentaux liés à leurs algorithmes comme la propagation de la haine en ligne. Ces éléments doivent figurer dans les rapports émis à la disposition de la Commission européenne. Dans le cas contraire, ou si les actions des plates-formes ne reflètent pas suffisamment les attentes du DSA, c’est la Commission européenne qui prendra l’attache de l’entreprise et procédera en cas d’inertie de celle-ci à un rappel à la loi public. C’est précisément ce qu’a fait Thierry Breton en août dernier en s’adressant à Elon Musk.

Un outil de dénonciation permettant aux employés ou autres lanceurs d’alerte de signaler les pratiques nuisibles des très grandes plates-formes en ligne et des moteurs de recherche a été mis en place.

Avant ces nouvelles mesures, ces entreprises n’étaient soumises qu’à un code de conduite non juridiquement contraignant et dont les résultats avaient atteints leurs limites.

Comment évaluer l’efficacité de ces mesures ? Nous le saurons bientôt, la Commission européenne a ouvert, le 18 décembre 2023 une procédure contre X (ex-Twitter) après avoir mené une enquête préliminaire pour non respect de l’obligation de transparence et des défaillances dans la modération de contenus. X interdit aussi aux chercheurs éligibles d’accéder de manière indépendante à ses données conformément au règlement. La société encourt une amende pouvant aller jusqu’à 6 % de son chiffre d’affaires mondial et, en cas de manquements répétés, elle peut voire l’accès à son service restreint dans l’Union européenne.

Aujourd’hui, l’épée de Damoclès des sanctions financières et surtout le blocage du service sur le territoire européen font peser un risque économique et réputationnel que les plates-formes souhaitent éviter. Plusieurs procédures formelles ont été lancées par la Commission européenne contre le réseau social X en 2023, TikTok, AliExpress et Meta cette année.

Des mesures pour lutter contre le cyberharcèlement

En France, la loi « Sécuriser et Réguler l’Espace Numérique » (SREN) promulguée en mai 2024 sanctionne les plates-formes qui échouent à retirer les contenus illicites dans un délai rapide (75 000 euros d’amende) et met aussi en place des mécanismes pour mieux sensibiliser et protéger les utilisateurs contre les dangers en ligne.

Cela se traduit par l’information des collégiens en milieu scolaire et des parents en début d’année. Une réserve citoyenne du numérique (rattachée à la réserve civique) est également instaurée avec pour but lutter contre la haine dans l’espace numérique et à des missions d’éducation, d’inclusion et d’amélioration de l’information en ligne. Ce dispositif qui constitue un moyen officiel d’alerte auprès du procureur de la République aurait été le bienvenu il y a 4 ans, au moment de l’affaire Paty. À l’époque, seuls la médiation scolaire et le référent laïcité du rectorat avaient été actionnés, sans effet.

Les plates-formes en ligne ont des obligations légales croissantes issues du règlement européen et de la loi SREN pour prévenir et réagir au cyberharcèlement et aux contenus illicites, avec une responsabilité à plusieurs niveaux.

L’obligation de modération proactive signifie que les plates-formes doivent mettre en place des systèmes pour détecter, signaler et retirer rapidement les contenus haineux, violents, ou incitant au cyberharcèlement. C’est l’ARCOM (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) qui veille à ce que les éditeurs et fournisseurs de services d’hébergement de sites retirent effectivement ces contenus et conduit des audits pour vérifier la conformité aux règles. Cette obligation, issue du règlement européen sur les services numériques et de la loi SREN, sera mise en œuvre grâce à la publication d’un rapport annuel le nombre de signalements effectués. À ce jour, le premier rapport n’a pas été publié.

Les hébergeurs qui ont connaissance du caractère illicite du contenu et qui n’informent pas les autorités compétentes, par exemple, le procureur de la République, ni bloqué l’accès à cette publication, encourent des sanctions allant jusqu’à 250 000 euros d’amende et un an d’emprisonnement pour le dirigeant.

Les plates-formes doivent également sensibiliser leurs utilisateurs aux risques de cyberharcèlement et fournir des outils pour signaler facilement les contenus et comportements nuisibles. C’est le cas par exemple sur X, Facebook, Instagram.

En France, le cyberharcèlement est un délit sévèrement puni par des lois visant à lutter contre le harcèlement moral et les actes répétés de violence en ligne, notamment sur les réseaux sociaux. Une personne coupable de harcèlement moral encourt jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende. Si la victime est mineure, ces peines sont alourdies à trois ans de prison et 45 000 € d’amende. Des peines plus graves peuvent s’appliquer en cas d’incapacité de travail de la victime ou si les actes conduisent au suicide ou à la tentative de suicide, avec une sanction maximale de dix ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende.

Pour protéger les victimes de harcèlement groupé, en 2018 la loi Schiappa avait introduit un délit de « harcèlement en meute » ou raid numérique, visant à pénaliser les attaques concertées de multiples internautes contre une victime, même si chaque participant n’a pas agi de façon répétée.

La loi SREN prévoit également que les personnes reconnues coupables de cyberharcèlement peuvent se voir interdites de réseaux sociaux pendant six mois ou un an en cas de récidive. Ce bannissement inclut la création de nouveaux comptes durant la période d’interdiction. Les plates-formes risquent des amendes allant jusqu’à 75 000 € si elles ne bannissent pas les utilisateurs condamnés pour cyberharcèlement ou ne bloquent pas la création de nouveaux comptes pour les récidivistes.

The Conversation

Nathalie Devillier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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