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21.11.2024 à 17:21

Loin des clichés : les gladiateurs coopéraient pour survivre

Jérôme Ballet, Maître de conférences en sciences économiques et éthique, Université de Bordeaux

Damien Bazin, Maître de Conférences HDR en Sciences Economiques, Université Côte d’Azur

Sous Auguste, les gladiateurs n’étaient pas des combattants sanguinaires sans scrupules, mais des travailleurs coopérant les uns avec les autres pour augmenter leurs chances de survie.
Texte intégral (1524 mots)

24 ans après Gladiator, Ridley Scott signe le retour de son protagoniste tout en muscles. Dans les salles depuis le 13 novembre 2024, Gladiator II dépeint un personnage héroïque et franc-tireur. En réalité, l’entraide et la solidarité ont parfois été au cœur du système des gladiateurs.


Les gladiateurs sont souvent perçus comme des figures héroïques, capables, par leurs exploits et leur courage, de gravir les échelons de la société pour accéder à la liberté et à la richesse. Une ascension sociale qui aurait un prix : un engagement physique total dans le combat, avec un risque de mort omniprésent.

Les gladiateurs étaient assez éloignés de la vision romantique dépeinte dans les péplums ou dans les films à gros budgets. Plusieurs conditions sociales coexistaient : prisonniers de guerre, criminels condamnés à mort mais de naissance libre, forçats obligés de purger leur peine sous le statut de gladiateurs, et engagés volontaires (dans une moindre mesure).

Devenir gladiateur nécessitait un apprentissage et le respect de règles, cela se rapprochait de l’exercice d’un métier. De nombreuses écoles impériales de gladiateurs existaient : Ludus Magnus, Dacius, Matutinus et Gallicus, pour n’en citer que quelques-unes. Elles assuraient une professionnalisation qui devait permettre de concilier spectacle (durée et beauté du combat) et survie des intervenants.

Du sang, mais pas trop

Sous Auguste, le premier empereur romain (27 av. J.-C. à 14 apr. J.-C.), les combats étaient une représentation théâtrale. A cet effet, les combattants devaient garantir un spectacle de qualité devant un public exigeant. Il s’agissait d’assurer le « show » avec ce qui peut ressembler de nos jours à une chorégraphie (précision du geste, diversité des armes « spectaculaires » et des techniques de combats). L’objectif des gladiateurs n’était pas de trucider l’adversaire mais de proposer un divertissement. Ainsi, il n’était pas rare d’opposer un combattant lourdement équipé à un adversaire légèrement armé (évoquant le duel entre David et Goliath). Techniquement, les assauts étaient maîtrisés et on s’assurait que les armes n’étaient pas trop affûtées. Il s’agissait surtout de provoquer des blessures qui conduisaient à l’abandon d’un des combattants. Les coups fatals étaient plutôt rares.

Certes, les combats étaient sanglants, mais sous Auguste, le sang coulait avec mesure, car il s’agissait de garder les gladiateurs en état de combattre et de les maintenir « en forme » afin qu’ils puissent divertir les citoyens venus assister en nombre aux combats.

Le combat : un spectacle encadré

Assez rapidement, les combats sont devenus des activités économiques comparables à ce qu’une entreprise dans le secteur du spectacle peut représenter de nos jours. Tout était organisé comme une attraction : musique, contrôle des billets, « chauffeurs » de salle… Les ambulanciers étaient grimés en démons et transportaient les combattants sur des civières pour assurer une touche burlesque. Boissons et nourritures circulaient dans les gradins.

La qualité du spectacle se jaugeait au travers du respect de règles. À cet égard, toute une « équipe » s’efforçait de livrer au public une « prestation de qualité ». Les gladiateurs n’étaient que la partie visible de l’iceberg. Chaque membre de l’équipe était hautement valorisé. Dans l’arène, des arbitres de jeu faisaient respecter les règles. Mais c’est le président (juge-arbitre) qui détenait le pouvoir décisionnaire et souverain sur la vie et la mort des « sportifs ». En cas de désinvolture dans le combat, le président pouvait demander que le fouet, le fer et le feu soient préparés en guise d’avertissement.

Sous l’empereur Auguste, si le vaincu reconnaissait sa défaite et demandait pitié au vainqueur, le vaincu avait habituellement la vie sauve, sous condition que le combat fut de qualité. Dans le cas contraire, le corps arbitral pouvait refuser la demande de clémence et réclamer une prolongation afin qu’une mise à mort survienne.


À lire aussi : Spartacus, célèbre gladiateur, était-il un révolutionnaire ?


Plusieurs recherches ont ainsi souligné le dilemme auquel étaient confrontées les parties prenantes qui vivaient de la gladiature : inciter à un combat esthétique et dramatique (donc violent, avec un risque de mort important après de multiples blessures) ou recommander un combat minimisant le risque de décès.

Pour trouver cet équilibre, il était essentiel que le spectacle soit de qualité… Et les gladiateurs coopéraient pour s’en assurer.

Coopération et ancêtre de mutuelle

En tant que professionnels dont l’objectif était de gagner de l’argent, de la gloire, tout en survivant, les gladiateurs s’organisaient pour que l’objectif des combats ne soit pas la recherche de la mort. Les premières formes de coopération entre gladiateurs semblent s’être structurées au travers de sodalitats (confréries) religieuses. Grâce à cette entente, sous l’empereur Auguste, les combats obéissaient à des règles tacites convenues entre les « écuries » de gladiateurs avant les combats, garantissant une durée suffisante, une diversité des techniques favorisant l’esthétisme du spectacle, tout en étant « raisonnablement » violent pour ne pas apparaître comme une simple mise en scène.

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Certaines ententes dépassaient même ce cadre, se rapprochant à certains égards d’un système de solidarité mutuelle. Au sein des Familiae gladiatoria (troupes de gladiateurs), il n’était pas rare que les guildes de gladiateurs (sorte d’associations de gladiateurs) se réunissent pour discuter de la prise en charge de frais d’obsèques de l’un d’entre eux, lorsque la mort survenait durant les jeux ou à la suite de blessures.

Loin d’être des héros solitaires, sous Auguste, les gladiateurs avaient mis la coopération au cœur de leur (sur)vie.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

21.11.2024 à 17:20

Au-delà de l’affaire McKinsey, qu’est-ce qu’un « bon » marché public ?

Thomas Forte, Docteur en sociologie et chercheur associé au Centre Émile Durkheim, Université de Bordeaux

Lors de l’affaire McKinsey, les débats ont notamment porté sur l’argent public utilisé à mauvais escient. Mais est-ce que la loi établit simplement ce qui correspond à un bon marché public ?
Texte intégral (2407 mots)

Lors de l’affaire McKinsey, les débats ont notamment porté sur l’argent public utilisé à mauvais escient. Mais comment définir quand un marché public est réussi ? Est-ce que la loi l’établit simplement ? En réalité, un marché public est construit par un travail administratif et fait intervenir de nombreux acteurs et documents.


Quand on aborde les marchés publics, on pense avant tout aux dépenses qu’ils représentent ainsi qu’aux scandales auxquels ils sont associés dû à leur opacité (le recours abusif aux cabinets de conseil mis en exergue par l’affaire McKinsey, la corruption…). Deux dimensions centrales des marchés publics sont absentes de ces débats : le marché public en tant qu’objet administratif, et les personnes qui les rédigent (comme les conseillers, les rédacteurs et les chefs de projet). L’une comme l’autre sont pourtant centrales, puisque c’est le travail de rédaction de ces contrats qui détermine en partie les conditions dans lesquelles l’argent public est dépensé et les missions que les attributaires devront remplir.

Ce travail de rédaction consiste à déterminer les qualités qu’un marché doit posséder. Elles ne se réduisent pas à un rapport binaire au droit (légal ou illégal), mais à de multiples formes auxquelles un marché peut prétendre afin d’être considéré comme « bon » ou « mauvais » par les services administratifs, juridiques et les entreprises.

Par exemple, quel critère de sélection des offres choisir ? Faut-il intégrer une clause environnementale ? Comment allotir, c’est-à-dire séparer le besoin en lot, afin de permettre à toutes les entreprises de répondre ? Comment être sûr que les documents seront compris par les candidats ?

L’analyse sociologique que j’ai menée montre que l’allocation de l’argent public est avant tout le résultat d’un travail administratif, dans lequel un objet juridique est produit (le marché public) et où un sens de la règle juridique est déterminé. Étudier ce travail permet de dépasser les discours rigides sur l’État de droit et de porter une attention aux conditions dans lesquelles l’allocation de l’argent public est réalisée.

Un dispositif d’allocation de l’argent public

Un marché public est attribué par la mise en concurrence de candidats, qui peuvent être des organisations publiques ou privées. Il répond à un besoin déterminé par le Code de la commande publique et par les missions de l’organisation qui l’émet. Il permet ainsi aux organisations publiques d’assurer leur fonctionnement. Le papier toilette, les ordinateurs, les forfaits téléphoniques, les goodies, etc., sont achetés par son intermédiaire. Cette mise en concurrence est permise par des critères de sélection des offres, généralement distingués en deux catégories : le prix et le technique.

Ce dispositif repose sur le principe que la qualité des offres et l’optimisation de l’allocation de l’argent public sont assurées par la mise en concurrence du secteur marchand. Cette justification n’est pas nouvelle, elle est mobilisée dès la Révolution, lors des premières réglementations relatives aux marchés publics, afin de rompre avec les abus en matière de finances publiques sous la Monarchie.

Cet argument est d’ailleurs repris par l’enquête de Cash investigation diffusée le 17 septembre dernier, lorsque les journalistes mettent en rapport le coût du marché public de conseil avec l’utilité des livrables produits par le cabinet McKinsey. Le reportage souligne également comment le recours aux cabinets de conseil articule, dans les débats, une finalité d’entrisme dans les prises de décision avec une critique de l’administration publique. Autrement dit, comment, de manière plus large, le travail du secteur public est « empêché », ce qui se traduit par un manque de temps et de moyens qui ne permet pas aux personnes de réaliser convenablement leur travail.

Dans le cas des marchés publics, mon analyse du travail de rédaction au sein d’un conseil Départemental montre comment ce contexte a également des conséquences sur le rapport aux droits au sein de la collectivité. Tout en étant encadré par des textes européens et nationaux, le marché public est le résultat d’un travail administratif, bureaucratique. Il nécessite la circulation des documents qui constituent le marché entre les bureaux de plusieurs organisations.

C’est au cours de cette circulation que les documents vont être lus et écris afin d’évaluer s’ils ont les qualités juridiques attendues. Ce travail requiert une forte expertise dans la mesure où il mobilise des savoirs juridiques, économiques et opérationnels, qui dépassent l’appartenance rigide à une profession et une organisation.

Qui rédige les marchés publics ?

Au sein des organisations publiques, le répertoire des métiers de la fonction publique liste treize métiers liés au travail de rédaction de ce dispositif. Ils peuvent être divisés en quatre catégories : acheteur (qui vise la performance économique), rédacteur, conseiller (qui contrôlent les documents) et chef de projet, à l’initiative du besoin.

Il est difficile d’établir un profil type de ces professions, que ça soit en termes de statuts (fonctionnaire, contractuel) et de modalités de recrutement (catégorie C, B, A). De plus, avoir une formation en droit n’est pas une obligation. Leur travail est cependant proche. Il est caractérisé par la gestion du flux de dossiers. Dans le conseil Départemental étudié, cela représente 448 marchés publics par an. Un marché est produit en moyenne en six mois. En pratique, les dossiers se chevauchent dans le temps et ils demandent de maîtriser des sujets variés (les techniques de construction d’une route, le droit, les normes d’un secteur d’activité…).

C’est là où réside l’expertise inhérente à la rédaction d’un marché. Une rédactrice, par exemple, articule dans son travail le cadre juridique, l’environnement économique des entreprises (forte concurrence, monopole, TPE/PME) et les objectifs de l’organisation (les gains budgétaires, le développement de l’économie locale).

L’interdépendance des documents d’un marché public

Un marché est composé d’une dizaine de documents qui forment un réseau où chacun a un rôle spécifique. Ces documents sont déposés sur une plate-forme numérique afin que les candidats puissent déposer leurs offres. S’y ajoute enfin le rapport d’analyse des offres (RAO) qui synthétise les étapes d’analyse et d’attribution du marché.

Dans chaque document se trouvent plusieurs catégories d’information. On peut distinguer les informations techniques (les caractéristiques du besoin), juridiques (références au Code), économiques (le prix) ou administratives (les modalités de mise en concurrence, le calendrier). Ces informations sont d’autant plus importantes qu’elles se retrouvent dans plusieurs documents à la fois (le prix est présent dans sept pièces) et que le droit détermine un ordre de valeur entre les pièces contractuelles.

Ainsi, les informations présentes dans l’acte d’engagement (qui engage les parties lorsqu’il est signé) – pièce la plus haute placée dans la hiérarchie – prévalent sur celles d’un cahier des clauses techniques et particulières (CCTP, qui définit le besoin technique) lors de l’exécution du marché ou lors d’un contentieux. Une contradiction peut alors avoir des conséquences sur la résolution des conflits, mais aussi sur les manières dont une prestation est réalisée.

Une première conclusion serait de considérer que ce travail d’écriture ne consisterait qu’à vérifier l’exactitude des informations dans les documents afin de garantir qu’elles ne se contredisent pas. Pourtant, ce travail administratif demande d’articuler la variété de ces informations, de se repérer dans des documents qui peuvent faire plusieurs dizaines de pages, ainsi que de considérer les effets des pratiques d’écriture sur les offres potentielles.

Le cas suivant illustre une partie de ce travail. Une rédactrice fait des remarques sur un marché d’insertion de jeunes par un service civique au sein de la collectivité étudiée. Dans trois pages différentes du CCTP, des paragraphes abordent différemment le transport des jeunes vers leur lieu de stage. À la lecture, la rédactrice tisse des liens entre eux, bien qu’ils soient isolés dans une somme d’informations relativement importante (le CCTP seul fait trente pages). Dans un des paragraphes, c’est le prestataire qui doit garantir ces moyens de transport, alors que dans un autre, ils reposent sur une aide de la collectivité, dont les conditions d’utilisation sont définies dans deux autres paragraphes qui se contredisent.

Cette répétition a trois enjeux importants. D’une part, la recherche d’information pour les futurs candidats : trois informations sur un même sujet sont réparties dans trois pages différentes. La seconde est juridique, puisqu’il y a une contradiction dans le rôle des cocontractants sur les aides. Enfin, il y a un enjeu économique puisque dans le cas où l’aide est versée par le Département, les candidats n’ont pas à l’intégrer à leur offre financière.

Cet exemple, qui paraît anodin d’un point de vue administratif, illustre les allers-retours nécessaires afin de résoudre ces incohérences, mais aussi le lien direct entre le travail d’écriture et le droit. Les conseillères, rédactrices, chefs de projet et acheteurs rédigent ensemble des documents qui permettent d’attribuer l’argent public. Ces documents juridiques sont opposables devant un juge et leurs termes s’imposent dans le cadre d’une relation contractuelle. Produire un marché public ne se réduit pas à une mise en forme stéréotypée du droit qui lui donnerait de facto une force légale.

Le travail du droit, le droit au travail

Si les rédactrices et les conseillères rédigent les marchés publics, ils circulent auprès d’autres acteurs qui peuvent aussi émettre des jugements. Par l’intermédiaire d’une plate-forme numérique, un candidat peut faire remonter qu’un critère n’est pas nécessaire pour juger les offres. Un élu, lorsqu’il signe un rapport d’analyse des offres en commission, peut juger que l’attributaire aurait dû être une TPE/PME. Les services du comptable public peuvent rejeter un marché selon leurs propres interprétations de la règle. Par ailleurs, des organisations privées (Le Moniteur, Décision achat) et publiques (comme la direction des affaires juridiques) se sont spécialisées dans l’édition de recommandations quant aux manières dont les marchés publics doivent être produits.

L’ensemble de ces jugements s’articulent autour de trois rapports au droit que j’ai identifié dans ma recherche : la sécurité juridique (le droit est une sphère distincte, qui s’impose et qu’il faut suivre), l’opérationnalité (le droit est une contrainte à l’activité qui augmente la charge de travail et diminue l’efficacité) et la politique achat (le droit est un outil permettant d’atteindre des objectifs poursuivis par l’organisation).

L’articulation de ces trois rapports au droit est déterminée par les contextes où le travail se réalise. Par exemple, être en sous-effectif et gérer la surcharge de dossiers laisse peu de temps pour optimiser certaines clauses ou discuter de la pertinence des critères choisis. L’opérationnalité est alors privilégiée. Dans certains cas, cela se traduit par le recours à des cabinets d’avocat pour réaliser le travail de rédaction alors même que les services de la collectivité disposent de ces compétences. Ainsi, le droit est le résultat d’un travail, c’est-à-dire que sa place et sa production s’inscrivent dans des opérations administratives ordinaires. Des professionnels, que l’on considère généralement éloignés du droit, l’interprètent, le manipulent et le transmettent aux autres.

Ce faisant, produire un marché public, c’est produire un cadre contractuel acceptable, moins par rapport à un cadre juridique national, qu’à des attentes locales qui répondent aux contraintes relatives au contexte de travail des personnes impliquées. La dégradation des conditions de travail du service public touche alors directement la capacité des collectivités et de l’État à déterminer les cadres contractuels qui leur permettent d’allouer l’argent public.

The Conversation

Thomas Forte ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

21.11.2024 à 17:20

Plateformes et réseaux sociaux : derrière l’illusion de la neutralité, un vrai pouvoir d’influence

Aurélie Leclercq-Vandelannoitte, Chercheuse, CNRS, LEM (Lille Economie Management), IÉSEG School of Management

Emmanuel Bertin, Expert senior, Orange. Professeur associé, Télécom SudParis – Institut Mines-Télécom

Présentées comme des espaces de liberté, les plates-formes conditionnent en réalité nos comportements. Depuis le rachat de Twitter par Elon Musk, cette façade de neutralité s’effondre.
Texte intégral (1450 mots)

Présentées comme des espaces de liberté, les plates-formes numériques conditionnent en réalité nos comportements. Et depuis le rachat de Twitter par Elon Musk, qu’il renomme par la suite X, la façade de neutralité s’effondre. Après son implication et celle de son réseau dans la campagne de Donald Trump, les utilisateurs sont de plus en plus nombreux à quitter le navire pour chercher des espaces numériques qui remplissent cette promesse originelle. Peine perdue ?


Les grandes plateformes numériques de Meta (Instagram, Facebook), TikTok ou X (anciennement Twitter) exercent une forme de pouvoir sur leurs utilisateurs, et à travers eux sur nos sociétés. Mais quelle est la nature de ce pouvoir ? Nous nous sommes intéressés à cette question dans un travail de recherche récemment publié.

Nous proposons une perspective issue des travaux de Michel Foucault. Le philosophe a en effet consacré la majeure partie de son œuvre à l’étude des mécanismes d’exercice du pouvoir au cours de l’Histoire.

Les plates-formes orientent les comportements de leurs utilisateurs

La première question à se poser est de savoir si ces plates-formes cherchent à exercer un pouvoir, c’est-à-dire, au sens de Foucault, à « conduire les conduites » de leurs utilisateurs. Autrement dit, on doit se demander si ces plates-formes sont simplement des outils techniques ou des outils de gouvernement des personnes.

Un outil technique peut certes influencer notre façon d’appréhender le monde (« Toute chose ressemble à un clou, pour celui qui ne possède qu’un marteau », écrivait le psychologue américain Abraham Maslow), mais ne vise pas dans sa conception même à produire un certain type de comportement. Ainsi, un traitement de texte comme Word, malgré un nombre d’utilisateurs qui n’a rien à envier à celui des plates-formes, reste un outil technique.

A contrario, les plates-formes numériques cherchent à produire un certain type de comportement chez leurs utilisateurs, d’une façon liée à leur modèle économique. Une plate-forme sociale comme X ou Facebook vise ainsi à maximiser l’engagement des utilisateurs, en les exposant à des contenus dont leur algorithme a déterminé qu’ils les feraient réagir. Les contenus mis en avant sont ceux susceptibles de produire des émotions intenses afin de pousser les utilisateurs à les relayer vers leurs contacts puis à en guetter les réactions, et ce faisant, maximiser leur temps passé sur la plate-forme et donc leur exposition aux publicités. Autre exemple : le jeu Pokemon Go, conçu par la firme Niantic (fondée par Google), guide ses utilisateurs vers les restaurants ou magasins qui ont payé pour cela.

Quand les réseaux sociaux remplacent le pasteur

Dans ses écrits sur le libéralisme, Foucault décrit comment la liberté devient un instrument de pouvoir bien plus efficace que la contrainte, car guidé par l’intérêt particulier de chacun. Par exemple, lorsque l’État met en œuvre des incitations fiscales, il joue sur l’intérêt particulier pour obtenir un comportement souhaité, plutôt que sur la contrainte. Dans le modèle des plates-formes sociales, cette liberté est guidée par les émotions, notamment l’indignation, ce qui conduit par exemple X à rendre le plus visible les publications les plus controversées. À partir d’un certain seuil, cela a un impact indirect sur l’ensemble de la société, en donnant par exemple une grande audience à des publications complotistes ou de désinformation.

S’il est clair que ces plates-formes exercent un pouvoir sur leurs utilisateurs, comment peut-on le caractériser ? Il nous semble qu’il s’inscrit dans un type de pouvoir décrit par Foucault : le « pouvoir pastoral », ainsi nommé en référence à la figure du pasteur, qui à la fois guide son peuple dans son ensemble et connait individuellement chacun de ses membres. Autrement dit, ce type de pouvoir est à la fois englobant et individualisant (« Omnes et Singulatim », comme l’écrit Foucault). Englobant, car les plates-formes gèrent tous leurs utilisateurs avec les mêmes technologies et algorithmes, ce qui permet des économies d’échelle massives. Individualisant, car elles s’adaptent de façon ciblée à chaque utilisateur afin de maximiser sa conformité au comportement souhaité.

Les technologies de capture et d’exploitation massive de données permettent de porter cette individualisation à un niveau jamais atteint auparavant. Ces technologies ne visent pas explicitement tous les aspects de la vie, mais cherchent tout de même à en capturer le maximum d’information, y compris via les objets connectés.

L’illusion de la neutralité

La création d’un pouvoir pastoral entièrement désincarné, car s’exerçant à travers une plate-forme purement numérique, est une nouveauté. Là où le rôle de pasteur s’est incarné dans l’Histoire par des clercs puis par les représentants de l’État, il n’est désormais plus une personne, mais une plate-forme. À certains égards, cela pourrait apparaître comme un progrès : la plate-forme est apparemment neutre, elle ne favorise personne et n’a pas d’intérêt personnel. Ses algorithmes sont censés être objectifs, hormis sans doute avec quelques biais venus de leur programmation, mais qu’il suffirait d’identifier pour les corriger. Tout cela n’est pourtant qu’une illusion, et Elon Musk le démontre clairement depuis son rachat de Twitter en octobre 2022.

Car les plates-formes ont un propriétaire, et dans le monde de la tech ce propriétaire est la plupart du temps un homme seul (à l’exception d’Alphabet, société mère de Google, contrôlée par deux hommes). Jusqu’à Elon Musk, ces propriétaires cultivaient l’illusion de la neutralité, se retranchant derrière de nobles discours promouvant le bien de l’humanité, le rejet des actions mauvaises (selon l’ancien slogan informel de Google : « Don’t be evil ») ou mettant en place des comités éthiques, purement consultatifs.

Avec Musk à la tête de Twitter, les masques tombent

Elon Musk fait voler en éclat cette façade, en supprimant explicitement les équipes de modération ou les mécanismes de suppression de faux comptes (qui propagent usuellement de fausses nouvelles), ouvrant ainsi la porte à une vague de contenus complotistes. Et cela tout en se faisant en même temps passer pour un utilisateur quelconque de X, en relayant des contenus parfois eux-mêmes proches du complotisme, ou en faisant activement campagne pour Trump.

Avant Elon Musk, le bannissement de Trump de Twitter par Jack Dorsey, son précédent propriétaire, pouvait d’ailleurs être tout autant considéré comme une décision politique, mais réalisée sous couvert d’une « violation des conditions d’utilisations », afin de préserver l’illusion de neutralité de la plate-forme.

Pour autant, Elon Musk n’est pas le pasteur de X, pas plus que Zuckerberg, celui de Facebook ou Instagram, c’est bien la plate-forme qui joue ce rôle. Mais derrière la façade, ces plates-formes sont bel et bien sous l’influence de leur propriétaire qui peut modifier telle règle ou tel paramètre algorithmique de façon discrétionnaire en fonction de ses objectifs – et dans le cas d’Elon Musk, de ses opinions politiques.

The Conversation

Emmanuel Bertin travaille chez Orange comme expert senior, et est également professeur associé à Télécom SudParis.

Aurélie Leclercq-Vandelannoitte ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

21.11.2024 à 17:20

Cameroun : la mise en scène bien ordonnée de la loyauté de la population au président Biya

Marie-Emmanuelle Pommerolle, Maîtresse de conférences (HDR) en science politique , Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Au Cameroun, derrière l’apparente stabilité politique assurée par le président Biya depuis 1982, se dessinent des failles qui remettent en cause le système autoritaire du pays.
Texte intégral (2506 mots)
Ces femmes portent des portraits du président Paul Biya et des pagnes à son effigie, à l’occasion du défilé de la fête nationale de l’Unité le 20 mai 2011 à Douala (Cameroun). Wikimedia Commons, CC BY

Le 6 novembre dernier, le président Paul Biya a célébré le 42ᵉ anniversaire de sa présence ininterrompue au pouvoir. Son grand âge (91 ans) et sa présence à peine audible dans la vie politique du pays ne semblent pas rebuter les cadres de son parti, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais, qui souhaitent le voir briguer un huitième mandat en 2025.

Dans son nouvel ouvrage « De la loyauté au Cameroun. Essai sur un ordre politique et ses crises », qui vient de paraître aux éditions Karthala, Marie-Emmanuelle Pommerolle, maîtresse de conférences en science politique à l’Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne, analyse l’apparente stabilité politique du Cameroun assurée par la présidence Biya… et invite à la nuancer.

Cet essai revient sur l’avènement de crises mais surtout de pratiques politiques ordinaires de la part de la population qui mettent au défi les formes autoritaires prises par le régime tout en préservant sa pérennité. De sorte que le constat d’Achille Mbembe, peu après l’arrivée au pouvoir de Paul Biya, d’un Cameroun frappé par « les hoquets du changement et les pesanteurs de la continuité » semble toujours valable.

Cette étude au plus proche du terrain invite à regarder au-delà des démonstrations de loyauté inébranlable qu’expriment les citoyens camerounais à l’égard du pouvoir politique. Et éclaire, de manière plus générale, les ressorts sociaux des individus en situation autoritaire ainsi que leurs ambiguïtés. Extraits.


La loyauté incarnée : défilés officiels et participations populaires

Chaque année, le 20 mai, à l’occasion de la Fête de l’Unité, écoliers et écolières, étudiants et étudiantes, partis politiques et soldats défilent sur le boulevard du même nom, à Yaoundé.

Marcher, au pas cadencé, devant les « élites de la République », et au rythme des slogans louant le chef de l’État et son action peut recouvrir de multiples réalités : l’expression d’une conviction, l’attente de rétributions, le goût de la fête, la coercition.

Les intentions derrière la participation à ces défilés sont diverses, mais cette dernière produit un effet unique : elle permet aux dirigeants de se prévaloir de ces démonstrations de loyauté pour affirmer leur légitimité. Peu importe qu’une majorité des marcheurs, comme de celles et ceux qui les contemplent depuis les tribunes ou les observent de la rue, ne soient pas dupes ou pas complètement convaincus. Que l’enthousiasme ne soit pas toujours débordant, ou qu’il demeure mesuré, la performance en elle-même ré-affirme l’ordre social et politique légitime : hiérarchies de pouvoir, hiérarchie de genre, hiérarchie sociale sont jouées, exprimées et considérées comme acceptées.

Voici quelques réactions recueillies auprès de personnes ayant défilé ou regardé le défilé le 20 mai 2015 :

Une militante du RDPC :

« Oui, j’ai pris part au défilé et c’était beau. On nous avait distribué des pagnes du parti au sein de la section pour le défilé. Les listes ont été dressées pendant l’entraînement. C’est comme ça que mon nom s’est retrouvé là. Mais d’autres noms ont été introduits ici au boulevard. Personne ne peut te dire qu’il défile là pour rien. Tu penses que les gens défilent pour rien ? Ils sont payés pour ça. On a l’habitude de nous payer 2500 francs CFA [environ 4 euros] immédiatement après le passage […]. Tu penses que ceux qui étaient assis à la tribune ont notre temps ? Ils ont conscience de nos besoins et nos attentes ? Au Cameroun, c’est la débrouille. L’argent qu’on nous donne là, c’est ce que les autres volent et c’est même insignifiant. »

Une étudiante :

« Le défilé n’est que symbolique. Le patriotisme et le nationalisme se matérialisent par des actes. On peut bien défiler sans être patriotes […]. Je ne crois pas que tous sont patriotes. C’est une apparence. Même ceux qui pillent ce pays étaient là. Sincèrement je pense que c’est la fête, et la fête ne refuse personne. »

Une écolière :

« Oui, j’ai défilé. Mais nous sommes restés trop longtemps au soleil, la fatigue et la famine nous ont rongés. Après toute cette peine, on m’a donné 200 francs. Je ne suis pas venue ici par mon gré. Le surveillant nous a obligés. »

Un cadre de la fonction publique :

« Oui, ce qui vient de se passer c’est du patriotisme, de l’attachement sentimental à sa patrie. Cette volonté manifeste s’est exprimée ce jour. Donc pour moi, le 20 mai est une date pleine de signification parce que les Camerounais ont été consultés par voie référendaire pour dire s’ils veulent aller vers un peu plus d’intégration et d’unité nationale. La réponse a été positive. C’est ce qui justifie la mobilisation de ce jour. »

Ce chapitre s’intéresse à ces démonstrations de loyauté, organisées par le gouvernement depuis les années 1960. Leur pérennité, malgré les transformations politiques issues du multipartisme, en fait l’un des traits caractéristiques des dispositifs de pouvoir camerounais. Les premières lectures de ces cérémonies officielles donnent à voir à la fois un rituel de construction de l’État et la mise en forme des rapports de domination politique et sociale. « Fêtes d’État », au Cameroun comme dans de nombreux autres pays d’Afrique, ces cérémonies participent, durant les deux premières décennies de l’Indépendance, de la théâtralité du pouvoir, et désignent l’État comme maître du temps et de la définition de la nation.

S’y joue également l’encadrement des groupes sociaux dominés, jeunes et femmes notamment, appelés à se mobiliser et à afficher leur participation à la mise en scène du pouvoir. Alors que ces cérémonies se perpétuent, malgré « l’ouverture » des années 1980 et celle, plus probante, des années 1990, elles sont considérées comme l’une des manifestations de l’intimité caractéristique de la « tyrannie post-coloniale ». Elles matérialisent à la fois la « fétichisation du pouvoir » et sa « ratification par la plèbe », la connivence au travers de laquelle le « commandement » s’impose et est défait.

La ténacité de cet échange politique, la popularité de certaines de ces cérémonies, comme celle du 8 Mars, Journée internationale des droits des femmes, et la tenue de défilés exceptionnels dans les moments de crise, commandent que l’on regarde de plus près ce qui se joue durant ces « performances politiques ». En notant la diversité des audiences et des situations de participation – comme le suggèrent les citations introduisant ce chapitre –, on s’autorise à ne pas imposer de signification homogène à cette participation, et à mieux comprendre les conditions de félicité et de reproduction de ces cérémonies que d’aucuns pourraient juger désuètes ou folkloriques. Ni rituel de soumission ni complet simulacre, ces défilés et les événements qui les entourent offrent un terrain d’observation particulièrement riche de la co-production de la loyauté.

Célébrations en grande pompe du 42eanniversaire de l’arrivée au pouvoir de Paul Biya.

Durant ces « performances », le pouvoir se montre tel qu’il veut être vu. Mais la performance n’est pas seulement une imposition de la part de celles et ceux qui l’organisent. Si l’on suit Kelly Askew et son analyse tirée de performances musicales et de leurs usages politiques en Tanzanie, ces dernières sont une « conversation » entre celles et ceux qui sont sur scène ou mettent en scène et leur public. D’un côté, l’administration organise soigneusement ces défilés, choisissant les slogans, les tenues, les marcheurs et l’entière scénographie. De l’autre, la participation, dans le défilé ou sur les bords de la route, relève en partie de « l’envie d’être honoré, de briller, et de festoyer ». Plus précisément, on trouve de multiples situations de participation parmi les personnes présentes : participants et badauds viennent, souvent en groupe, exhiber leur tenue, profiter d’une sortie en dehors de l’école, approcher les élites présentes dans les tribunes, récupérer un peu d’argent distribué pour l’occasion. Si la coercition est parfois employée, notamment dans les écoles, elle n’est pas le ressort principal ou unique de la mobilisation à ces défilés. Le désir de participer à des festivités est au cœur de l’événement.

La constellation d’intérêts produisant ces cérémonies permet aux dirigeants de se prévaloir d’une forme de légitimité par les pratiques sociales qu’ils exhibent. La production des « gages de loyauté » affichés durant ces cérémonies n’engage en rien le contenu des croyances en la légitimité du pouvoir de celles et ceux qui défilent ; mais la performance en elle-même participe de la légitimation de l’ordre politique. Cette constellation de désirs et d’intérêts, sans lesquels ces cérémonies ne seraient pas possibles, ouvre aussi des espaces à la critique : les commentaires sur les élites présentes, sur le fonctionnement de ces marches, les tentatives d’expression dissidente aux abords des défilés, comme les festivités qui suivent ces cérémonies encadrées, sont autant d’occasions de prendre ses distances, voire de remettre en cause l’ordre tout juste exprimé. Bien que normées, ces performances sont contingentes, risquées, et peuvent à tout moment déstabiliser l’ordre tout juste matérialisé.

[…]

Couverture de l’ouvrage « De la loyauté au Cameroun. Essai sur un ordre politique et ses crises »
Ces extraits sont tirés de l’ouvrage de Marie-Emmanuelle Pommerolle « De la loyauté au Cameroun. Essai sur un ordre politique et ses crises, qui vient de paraître aux éditions Karthala. Éditions Karthala

Ces performances publiques, officielles et populaires, figurent un ordre, et perturbent en même temps. Elles sont certes des moments de symbolisation de l’ordre politique, institutionnel et social, mais elles ne sont pas figées ni reproductibles à l’infini. Elles sont un ensemble de pratiques et d’interactions qui laissent une place à la contingence et à la critique. Le fait de participer à ces cérémonies, en défilant ou en regardant, implique de se conformer à un rôle pré-établi par des autorités, administratives, scolaires, partisanes ou militaires.

Jouer ce rôle attendu peut s’appuyer sur des désirs et des attentes multiples, satisfaites par cette performance collective. Désir matériel, de reconnaissance, désir militant sont autant de supports sur lesquels se construisent les démonstrations de loyauté. Le soin porté à ces défilés, la multiplication des journées officielles, notamment en période de « crise », comme en 2015 avec la guerre menée dans l’Extrême-Nord contre Boko Haram, soulignent l’importance de ces performances pour le pouvoir. Le déroulement de la cérémonie n’est cependant pas prévisible, et des désirs non satisfaits, des critiques plus anticipées peuvent surgir dans le commentaires et les pratiques. Le pouvoir seul ne peut produire ces démonstrations de loyauté, et la conversation qu’il engage avec ses citoyennes et ses citoyens peut se révéler corrosive.

The Conversation

Marie-Emmanuelle Pommerolle ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

21.11.2024 à 13:00

Pourquoi la neige est-elle blanche ?

Marie Dumont, Chercheuse, directrice du Centre d'études de la neige, Centre National de Recherches Météorologiques, Météo France

La couleur de la neige n’est pas anodine – elle affecte le climat, et elle nous renseigne sur des phénomènes qui peuvent traverser les mers.
Texte intégral (1375 mots)
La neige est blanche, bien sûr ; mais sa teinte dépend de sa fraîcheur… et elle peut virer à d'autres couleurs dans certaines conditions. Marie Dumont, Fourni par l'auteur

La neige est blanche, mais il y a plusieurs nuances de blanc, et elle revêt même parfois d’autres teintes, plus originales. Plongée entre physique et météo avec la directrice du Centre d’études de la neige basé à Grenoble.


D’une blancheur immaculée qui scintille au soleil, la neige quand elle recouvre le sol à le pouvoir de transformer les paysages en quelque chose de magique. Mais pourquoi est-elle blanche ? Elle est constituée de glace et d’air et les glaçons qui sortent de notre congélateur ne sont pas blancs, ils sont transparents ! Alors comment est-ce possible ?

La neige est blanche justement parce que la glace est transparente. Lorsque l’on dit que la glace est transparente, cela veut dire que la lumière visible et toutes les différentes couleurs qui la constituent ont très peu de chances d’être absorbées lorsqu’elles traversent la glace.

La neige est en fait une sorte de mousse de glace et d’air : la lumière qui la traverse va avoir très peu de chances d’être absorbée en traversant la glace ou l’air, les deux transparents.

Par contre, à chaque interface air-glace, la lumière va être réfléchie (comme un miroir) ou réfractée (changée de direction à l’intérieur de la glace), et va finir par ressortir du manteau neigeux, car elle a très peu de chances d’y être absorbée.

Ainsi la majeure partie de la lumière visible qui entre dans la neige ressort vers le haut, ce qui rend la neige blanche.

Pourquoi la neige est-elle blanche ? (Observatoire environnement terre univers, OSUG).

Cette couleur blanche de la neige est très importante pour notre planète. En effet cela veut dire que lorsque la neige recouvre le sol, la majeure partie de la lumière du soleil va être réfléchie vers l’atmosphère, contrairement à un sol nu ou recouvert de végétation, plus sombre, et qui absorbe plus de lumière. La couleur blanche de la neige limite donc l’absorption d’énergie solaire, et ainsi le réchauffement. Or, plus la température augmente, moins il y a de neige au sol, donc plus la couleur de la planète s’assombrit et plus elle se réchauffe. C’est un phénomène d’« emballement », que l’on appelle encore « rétroaction positive », lié à l’albédo (c’est-à-dire la fraction de rayonnement solaire réfléchi par un milieu) de la neige et qui est très importante pour notre climat.

50 nuances de neige

La neige n’est pas simplement blanche, elle peut prendre différentes nuances de blancs.

Cela vient de l’interaction de la lumière avec la structure de la neige. La structure de la neige, c’est-à-dire, l’arrangement tridimensionnel de l’air et de la glace à l’échelle du micromètre (un millionième de mètre, soit environ cinquante fois moins que l’épaisseur d’un cheveu), varie beaucoup en fonction de l’état de la neige.

Évolution de la microstructure d’une neige en présence d’impuretés. Source : ANR.

Plus la neige a une structure fine, comme c’est le cas par exemple pour la neige fraîche, plus la surface de l’interface air-glace est grande par rapport au volume de glace contenu dans la neige. Pour faire l’analogie avec une piscine à balle, pour la neige fraîche, on aurait alors une grande quantité de toutes petites balles, soit une grande surface de plastique en contact avec l’air. Plus tard, la neige évolue et notre piscine contiendrait des balles plus grosses, en moindre quantité, ce qui résulte en moins de surface de contact entre air et plastique.

La quantité de lumière absorbée est proportionnelle au volume de glace alors que la quantité de lumière diffusée est proportionnelle à la surface de l’interface air-glace. Ainsi plus le rapport entre la surface de l’interface et le volume de glace est grand, c’est-à-dire plus la structure est fine, plus la neige va être blanche. Une neige fraîche paraîtra donc plus blanche qu’une neige à structure plus grossière, par exemple qui a déjà fondu et regelé.

Cette nuance de blanc, qui provient de l’interaction entre la lumière et la structure de la neige, est également à l’origine d’une rétroaction positive importante pour notre climat. En effet, lorsque la température augmente, la structure de la neige a tendance à grossir, la neige devient moins blanche, absorbe plus d’énergie solaire et donc peut fondre plus rapidement.

De la neige en couleur

Mais la neige n’est pas que blanche, on peut trouver de la neige orange, rouge, noire, violette ou même verte. Lorsque de telles couleurs se présentent, c’est que la neige contient des particules colorées qui peuvent être de différentes origines.

On y trouve souvent du carbone suie issu de la combustion des énergies fossiles et qui rend la neige grise.

Dans les massifs montagneux français, il est courant de trouver de la neige orange, voire rouge, après des épisodes de dépôts de poussières minérales en provenance du Sahara.

Vents du Sahara dans le Caucase. Source : Alpalga.

Enfin, la neige contient des organismes vivants, et en particulier des algues qui produisent des pigments pouvant être de différentes couleurs. Dans les Alpes, l’espèce d’algue de neige la plus courante s’appelle Sanguina Nivaloides et teinte la neige d’une couleur rouge sang, que vous avez peut-être déjà observée lors d’une promenade en montagne à la fin du printemps.

En changeant la couleur de la neige, toutes ces particules colorées provoquent une augmentation de la quantité de lumière solaire absorbée par celle-ci, et accélèrent sa fonte.

La blancheur de la neige et ses subtiles nuances sont donc très importantes pour l’évolution du couvert nival et pour le climat de notre planète.


Le projet EBONI et le projet ALPALGA ont été soutenus par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’ANR.

The Conversation

Marie Dumont a reçu des financements de l'Agence National pour la Recherche (ANR EBONI et ALPALGA), du Centre National d'Etudes Spatiales (APR MIOSOTIS) et du European Research Council (ERC IVORI).

21.11.2024 à 11:14

Voici pourquoi reconnaître à la mer Méditerranée un statut d’entité naturelle juridique est nécessaire et réaliste

Victor David, Chargé de recherches, Institut de recherche pour le développement (IRD)

Elle ne représente que 1 % de la surface terrestre, mais abrite 10 % de sa biodiversité. La Méditerranée est pourtant devenue fort vulnérable face aux bouleversements du climat et de l’environnement.
Texte intégral (3807 mots)
Jon Amdall/Unslpash, CC BY

Elle ne représente que 1 % de la surface terrestre, mais abrite 10 % de sa biodiversité. La mer Méditerranée est pourtant devenue fort vulnérable face aux bouleversements du climat et la dégradation des environnements. Autant de signaux alarmants nous invitant à repenser sa protection et son identité.


Accorder à la mer Méditerranée un statut d’entité naturelle juridique pour mieux la protéger. Depuis que l’idée est lancée, elle a pu être taxée tout à la fois d’irréalisable, d’utopique, de naïve, de dangereuse… Voici au moins quatre arguments qui montrent, à l’inverse, que ce projet est non seulement souhaitable, mais aussi nécessaire et réaliste.

Argument numéro 1 : reconnaître des droits à de nouvelles personnes ou entités, c’est l’histoire même du droit

Reconnaître des droits à des éléments de la nature, c’est la dernière étape en date dans l’histoire du droit, faite de reconnaissance et de conquêtes progressives de droits subjectifs par des êtres vivants. Les obstacles dans les combats pour l’égalité, pour se voir reconnaître des droits, depuis toujours, ont été nombreux, celles et ceux qui les ont menés le savent.

Portrait de Bartolomé de las Casas (anonyme, XVIᵉ siècle).

Ainsi, au XVIe siècle, le religieux espagnol Bartolomé de Las Casas plaidait pour la reconnaissance de l’humanité des indigènes amérindiens et leur droit à un traitement juste. En face, l’homme d’Église Juan Ginés de Sepúlveda, justifiait la conquête et l’asservissement des indigènes sous prétexte de leur supposée infériorité. S’en suivirent des mois de débats, avant que Charles Quint ne tranche en faveur de Las Casas.

En France, les planteurs et commerçants coloniaux soutenaient que l’économie des colonies, principalement basée sur la production de sucre, de café, et d’autres produits agricoles, dépendait entièrement de la main-d’œuvre esclave. Ils craignaient que leur affranchissement ne génère une hausse des coûts de production, l’insécurité économique et une chute de la compétitivité des produits français sur le marché international, sans parler de la déstabilisation de l’ordre colonial. Les propriétaires d’esclaves exigeaient également des compensations financières en cas d’abolition, car ils considéraient les esclaves comme une « propriété ». Il en aura fallu de l’humanisme et de la persévérance pour dépasser ses obstacles pour en arriver au décret d’abolition de l’esclavage du 27 avril 1848.

Anonyme, Olympe de Gouges. Mine de plomb et aquarelle, XVIIIᵉ siècle. Musée du Louvre.

On peut aussi citer d’Olympe de Gouges se battant dans sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791), pour la reconnaissance des femmes en tant qu’égales aux hommes dans les droits et la dignité. Face à elle, certains opposants, influencés par les théories essentialistes, affirmaient que les femmes, par leur nature biologique, étaient moins aptes que les hommes à participer à la vie publique ou politique. Elles seraient, selon eux, plus émotives, moins rationnelles et mieux adaptées aux tâches domestiques et à la maternité. Le rôle « traditionnel » des femmes soutenu par l’Église catholique en France fut aussi un argument utilisé pour des raisons inverses par d’autres opposants à l’égalité craignant le conservatisme religieux des femmes. Il a fallu attendre 1944 pour que les femmes en France obtiennent le droit de vote et 1965 pour avoir celui de détenir leur propre compte bancaire et le combat des femmes pour l’égalité n’est pas terminé.


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Argument 2 : Reconnaître des droits de la nature c’est contrecarrer l’accaparement mortifère de la nature par l’homme

Pour la reconnaissance des droits de la Nature, les obstacles sont connus. Parmi eux, le statut actuel juridique des éléments de la Nature réduits à celui de biens, à l’instar des esclaves, appropriables par les individus ou par leurs regroupements. L’idée que d’une part les humains sont supérieurs aux autres éléments de la Nature est souvent associée à la pensée occidentalo-judéo-chrétienne. L’idée que la Nature est un bien (ou patrimoine) que l’homme peut exploiter à sa guise est aussi imputée à la philosophie de René Descartes, qui érigeait l’homme doué de science, « comme maître et possesseur de la nature » dans Le Discours de la méthode. Ce dernier n’était sans doute pas le premier à prôner cette idée, mais il a en effet contribué à une conception mécaniste de la nature.

Ces idées sur lesquelles la pensée occidentale s’est construite au cours de ces derniers siècles, qui se sont renforcées avec la domination technologique des forces de la nature, le recours accru aux « ressources naturelles » et le capitalisme, ont la vie dure. Penser à supprimer ou réduire l’inégalité juridique dans les relations entre humains et vivants non humains des mondes végétal, animal, minéral ou aquatique reviendrait dangereusement, pour un certain nombre de penseurs (juristes compris), à diminuer la supériorité humaine sur ces mondes. Le non-dit, corollaire, c’est que ça limiterait l’exploitation capitaliste des éléments de la Nature au nom du profit. Il est bien là l’obstacle à dépasser.

De fait, le constat est, dans l’arène juridique, que les relations entre les humains (et leurs groupements) et le non-humain vivant ou non, réduit au statut de bien, sont à sens unique, asymétriques et sources d’injustices et d’inégalités créées par le droit lui-même, tels que les privilèges découlant du droit de propriété des humains ou de souveraineté des États, ou encore l’absence d’intérêt propre à agir des éléments de la Nature pour ne citer que celles-là. Certes, des correctifs ont été apportés par le droit de l’environnement depuis une cinquantaine d’années. Ils demeurent cependant insuffisants et ne modifient en rien l’inégalité dans les interactions juridiques. Tout ceci doit donc nous amener à réfléchir autrement, à tester de nouvelles solutions pour accélérer les changements en faisant évoluer le statut juridique de la Nature et ses éléments. Les sortir de la catégorie des biens et leur reconnaître des droits, pas seulement comme bénéficiaires, cela existe déjà, mais en tant que titulaires.


À lire aussi : L’animisme juridique : quand un fleuve ou la nature toute entière livre procès


Argument 3 : Accorder un statut de sujet de droit à des entités naturelles juridiques cela a déjà été fait en France

Peu le savent, mais le statut d’entités naturelles juridiques a déjà été utilisé en France.

Fin juin 2023, la Province des Îles Loyauté en Nouvelle-Calédonie adoptait une règlementation sur le droit du vivant dans laquelle était inscrite la création d’une nouvelle catégorie de sujets de droit, les entités naturelles juridiques (ENJ), que nous avions surnommées « anges », fidèles à la transcription phonétique [ɑ̃ʒ] de l’acronyme. Les ENJ ne sont ni des personnes juridiques ni des biens et ont leur propre régime juridique. Requins et tortues avaient ainsi été les premières espèces animales vivantes, emblématiques dans la culture kanake, à bénéficier de ce nouveau statut juridique, placé en haut de la hiérarchie de protection du Vivant. Les élus de la province, en accord avec les autorités coutumières des Îles Loyauté avaient décidé de reconnaître la qualité de sujet de droit à des éléments de la Nature en vertu du principe unitaire de vie, au cœur de la vision du monde kanak où l’homme et la Nature ne font qu’un.

Baie de JINEK, Lifou, îles Loyauté, Nouvelle-Calédonie. Sekundo./Flickr, CC BY

Un an plus tard, dans le cadre d’un contentieux administratif à l’initiative de l’État, le Conseil d’État avait, cependant, dans un avis, conclu à l’incompétence de la province à créer des entités juridiques naturelles estimant que cette démarche relevait de la Nouvelle-Calédonie, dépositaire depuis 2013 de la compétence normative en matière de droit civil. Sur cette base, le tribunal administratif de Nouméa a annulé les dispositions de juin 2023 relatives aux ENJ. Les requins et tortues des eaux loyaltiennes n’auront été des anges qu’un an. Néanmoins, cette brève expérience a créé un précédent et montre qu’il est toujours possible de réformer le droit. Le passé nous montre lui que la reconnaissance de nouveaux droits a façonné l’histoire et demeure même à l’origine de droits que presque personne aujourd’hui ne penserait à remettre en question.

Argument 4 : La Méditerranée souffre de politiques de protections fragmentées

La mer Méditerranée, souvent qualifiée de berceau des civilisations, est bien plus qu’un simple espace maritime. Ses eaux abritent une biodiversité exceptionnelle (10 % de la biodiversité mondiale), essentielle pour le climat, les économies locales et la culture des peuples qui l’entourent. Pourtant, aujourd’hui, elle subit des pressions inédites. Pollutions, surpêche, hausse des températures et acidification des eaux, sans oublier les tensions géopolitiques qui sapent les efforts de protection.

La Méditerranée, une mer en danger | Le Dessous des Cartes | Arte.

Les initiatives actuelles de protection de la Méditerranée, bien qu’importantes, sont fragmentées et de ce fait souvent inefficaces. La Méditerranée englobe plus d’une vingtaine de territoires maritimes, zones économiques exclusives des États côtiers incluses. Les conventions internationales comme la Convention de Barcelone, ou des projets de création de zones marines protégées, peinent à enrayer la dégradation de l’écosystème. Ces initiatives restent tributaires des intérêts nationaux ou européens et économiques de chacun des 21 pays riverains. Face à ces menaces croissantes, une approche nouvelle se profile : la reconnaissance de la Méditerranée comme sujet de droit. En transformant la Méditerranée en un sujet de droit, on déplacerait le centre de gravité des politiques environnementales vers une approche holistique, où la protection de l’intégrité de la mer deviendrait une priorité absolue.

On passerait à une gouvernance unifiée et une responsabilité collective à l’échelle régionale et transfrontalière. Un tel changement impliquerait que les États et les entreprises opérant dans cette région soient responsables des atteintes à l’intégrité de la mer en tant qu’entité vivante. En clair, polluer la Méditerranée reviendrait à violer les droits de cette entité, créant des responsabilités juridiques tangibles pour les acteurs en cause.

Si la reconnaissance des droits de la Méditerranée comme entité naturelle juridique offre des perspectives prometteuses, le chemin pour y parvenir sera long. La première difficulté réside dans la mise en place d’un cadre juridique international contraignant. Les droits de la Nature, bien que reconnus dans certains pays, peinent à s’imposer au niveau mondial. Chaque État riverain de la Méditerranée a ses propres priorités économiques, politiques et environnementales, et il pourrait être difficile de les amener à adopter un cadre commun. Il est donc souhaitable de commencer avec quelques pays qui partageraient cette ambition pour la Méditerranée.

Carte de l’Europe et de la Méditerranée, dans un atlas catalan de 1375.

Un autre obstacle réside dans l’application de ces droits. Qui serait en charge de défendre les intérêts de la Méditerranée ? La reconnaissance d’écosystèmes naturels comme sujets de droit ailleurs dans le monde s’est accompagnée de la nomination de gardiens et de porte-parole, responsables de la protection des intérêts des entités reconnues comme personnes juridiques et de leur représentation devant les tribunaux. Un mécanisme similaire pourrait être envisagé pour la Méditerranée, avec la création d’une entité internationale ou d’une organisation (ou la transformation d’une déjà existante) dédiée à la défense de ses droits.

Ces gardiens pourraient inclure des représentants d’États, mais aussi des scientifiques, des ONG et des représentants des professionnels de la mer, des citoyens. Mais l’on peut aussi imaginer, en s’inspirant du modèle de l’Union européenne et de ses institutions, une nouvelle forme de gouvernance écologique de la mer avec ses propres organes issus d’une démocratie transméditerranéenne. Cette nouvelle gouvernance encouragerait, dans un esprit de justice environnementale, l’émergence d’initiatives innovantes pour répondre aux défis environnementaux, économiques et sociaux auxquels la région est confrontée plutôt que le conflit et les tragédies que nous vivons actuellement.

Faire de la Méditerranée une entité naturelle juridique à l’instar de ce qui a été fait pour les requins et tortues en Province des Îles Loyauté en Nouvelle-Calédonie n’est pas une simple question théorique, ni seulement un acte symbolique, mais une nécessité pratique et un levier puissant pour la construction d’un avenir durable. Cette révolution juridique nous offrirait une chance unique de réconcilier les besoins des humains avec ceux de la Nature, pour que la Méditerranée, source de vie et d’inspiration, continue de prospérer pour les générations à venir. C’est le pouvoir des anges qui ne meurent jamais.


À lire aussi : Kalymnos, une île grecque face aux mutations de la biodiversité marine


The Conversation

Victor DAVID, Chargé de Recherche à l'IRD est Membre de la Commission Mondiale du Droit de l'Environnement de l'UICN, Membre de la Commission droit et politiques environnementales du comité français de l'UICN et Membre du réseau d'experts Harmonie avec la nature des Nations unies (ONU). J'ai reçu via mon Institut qui assure ma rémunération des financements de la Province des Îles Loyauté (Nouvelle-Calédonie) pour ma recherche sur la thématique des droits de la Nature.

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