25.05.2025 à 08:15
Chikirou et Poutine, petit feuilleton du mois de mai. VP.
aplutsoc2
Texte intégral (1930 mots)
Le Canard Enchainé du 14 mai dernier publiait un article, Une Insoumise chez les poutiniste, rendant compte de la présence ostensible, en écharpe tricolore, de la dirigeante de LFI Sophia Chikirou, à la « marche du régiment immortel » du 8 mai à Paris, entre drapeaux russes et « novorossiens » (emblème des terres ukrainiennes du Sud que la Russie veut coloniser), appelant à combattre les « fascistes à l’ancienne promus par l’OTAN », ce qui fut l’axe du discours de Chikirou (attention le lien vers son discours, dans le texte d’Arrêt sur Image, est en fait un lien vers l’autre rassemblement, cf. ci-dessous), se terminant sur un vibrant appel à dénoncer les provocations ukrainiennes : pas d’Ukraine dans l’UE, pas d’Ukraine dans l’OTAN.

Or, outre ces informations toutes exactes, le Canard avait fait une boulette, assez facile à faire d’ailleurs et peut-être attendue par Chikirou qu’il avait contactée la veille, en affirmant qu’elle avait participé là à une « marche » dont l’une des organisations appelantes était Solidarité et Progrès, « créée par le complotiste et éternel candidat à l’élection présidentielle Jacques Cheminade ». Précisons que Solidarité et Progrès est l’antenne française d’une sorte de firme mondiale menée par le milliardaire Lyndon Larouche, source mondiale de théories complotistes fantasmées autour d’un antisémitisme non explicité (le « complot mondial » selon Larouche était le fait de … la reine d’Angleterre !).
Il se trouve que non, Chikirou n’a pas défilé avec Cheminade, car, voyez-vous, il y a eu en fait deux marches, l’une, celle de Chikirou, partie de République à 12h vers le Père Lachaise, l’autre, celle de Cheminade dirons-nous pour simplifier, partie à 14h sur le même trajet.
Dès parution du Canard, les « zinsoumis » les plus proches du Chef ou les plus suivistes sont partis en campagne contre la « Fake New » sur les réseaux sociaux, laissant entendre que la seule marche « poutiniste » était celle où n’était pas Chikirou. Laquelle pouvait passer pour la marche « de gauche », car appelée également par le Comité francilien du Mouvement de la Paix, avec la présence d’un membre de la commission « Paix et Désarmement » d’EELV, Philippe Le Clerre, de la présidente honoraire du MRAP, invitée par le Mouvement de la Paix, Renée Le Mignot. Ces précisions et les suivantes viennent du site Arrêt sur Images (voir ci-après) qui indique aussi la présence de l’UJFP (Union Juive Française pour la Paix), qui, toutefois, a expliqué à Arrêt sur Images en termes confus avoir sans doute été embarqué dans un truc bizarre à l’insu de leur plein gré.
De fait, tant les images que les slogans sur les reportages disponibles rendent les deux marches totalement indiscernables l’une de l’autre et tout aussi poutinistes, tout aussi rashistes, comme disent les Ukrainiens, ce qui veut dire : tout aussi fascisantes. Les rubans de Saint-Georges, emblèmes des Cent-Noirs tsaristes antisémites puis des armées blanches, réhabilités par Staline en 1943 et portés par les colons russes et autres tortionnaires du Donbass, étaient légion dans les deux cortèges. Le second cortège était celui de Cheminade ainsi que des amis d’Asselineau et de Philippot, mais il était tout autant truffé de faucilles-marteaux soviétiques que le premier : ces emblèmes ne gênent en rien l’extrême droite quand ils signifient l’impérialisme russe. Sur une photo prise dans le premier cortège, celui de Chikirou, on peut même s’interroger sur le geste d’une participante (voir photo), mais, par présomption d’innocence, on supposera qu’elle faisait signe à un ami aperçu de l’autre côté de la rue. D’après un témoin, une bonne moitié des participants étaient d’ailleurs communs aux deux cortèges – guère plus de 200 personnes en tout, que l’on se rassure tout de même de ce côté là !, dont les militants staliniens du PRCF.
Haut : manif de gauche ! Bas : manif de droite !


Il n’empêche que pendant une semaine, le ton était donné par les tweets de J.L. Mélenchon dénonçant la fake new, menaçant d’aller en justice, soulignant lourdement que l’auteur du billet du Canard travaille aussi à « radio J », et englobant tout naturellement dans son ire Edwy Plenel, qui n’y est en l’occurrence strictement pour rien !
Alors, y avait-il vraiment une marche « poutiniste de droite » et une marche « de gauche » pas poutiniste ? Ou alors, plutôt, des « poutinistes de droite » et des « poutinistes de gauche » ? Soyons clairs : les deux marches, largement poreuses l’une envers l’autre, étaient toutes deux poutinistes de ni-droite-ni-gauche, c’est-à-dire fascisantes.
La marche de Chikirou à laquelle des fragments d’EELV, du Mouvement de la Paix – on va y revenir – du MRAP et de l’UJFP ont été impliqués, était appelée par le « Comité citoyen « le régiment immortel » » dirigé par le président du Conseil de Coordination du Forum des Russes de France, Gueorgui Chepelev, évidemment lié à l’Etat russe. Des querelles obscures ont conduit à la formation d’un second comité russe parisien, tout aussi lié au même Etat, à l’initiative de la seconde marche. Solidarité et Progrés et autres groupes d’extrême droite se sont, peu avant le 8 mai dernier, greffés sur ce second comité, ce qui a permis à la prétendue « gauche » de dénoncer ceux-ci comme d’extrême droite sans que rien ne les distingue vraiment. Du point de vue du FSB, nous avons là une opportune distribution des mêmes œufs dans des paniers pas très différents.
C’est là le point politique clef qui justifie que l’on revienne ici sur ce petit feuilleton : les deux paniers ne diffèrent pas. Les appelants de la marche poutino-chikirienne étaient, nous dit-on, « de gauche » et pas « d’extrême droite ». Dans son édition du 20 mai, le Canard contre-attaque en développant le pedigree de Jean-Yves Gallas, ancien président du Mouvement de la Paix francilien présent au rassemblement « Chikirou » : soutien à l’annexion et à la russification du Donbass depuis 2014 et grand ami de l’antisémite brun-« rouge » belge Michel Collon.
Mais il vaut le coup de dire aussi quelques petits mots du président actuel du « conseil francilien du Mouvement de la Paix », Jihad Wachill, auteur à ce titre d’une lettre ouverte au Canard Enchainé dans laquelle il se permet de jouer les vertus outragées d’avoir pu être confondu avec la marche de Cheminade, Asselineau et Philippot. Longtemps membre du PCF et employé de mairies communistes, ce personnage a été, ostensiblement, un soutien de Bachar el Assad. En 2018 il séjournait en Syrie et, dans le blog Initiative communiste, faisait l’apologie du Parti Social Nationaliste Syrien, une des milices tortionnaires de Bachar, dont les origines historiques et le drapeau, ci-dessous, ont précisément à voir avec le national-socialisme. Et voila quel genre d’individus prétend faire la leçon au Canard et au monde entier en matière d’ « antifascisme » !

Voila pourquoi cette affaire, sorte de petit chapitre supplémentaire à La Meute, est importante. Inutile en effet de se rassurer en estimant que « la gauche », dans la manif Poutine/Chikirou, c’était accessoire. Cela ne l’était pas : une députée LFI, le Mouvement dit de la Paix, et des morceaux du MRAP, d’EELV, ainsi qu’avec des confusions l’UJFP étaient aux côtés des partisans du massacre des Ukrainiens et des héritiers des Cent-Noirs antisémites, à leurs côtés et sur la même orientation. A la tête du Mouvement de la Paix francilien, en particulier, ce ne sont pas des militants de gauche égarés un tantinet campistes que nous avons. C’est la peste brune. La peste est là, dans les rangs d’une partie de « la gauche ». Et l’unité contre la politique antisociale de Macron et contre le RN devra l’extirper, nécessairement.
VP, le 25/05/2025.
24.05.2025 à 13:56
Le Jour des Parents – Lundi 26 mai 2025 à 19H au CCIP
aplutsoc
Texte intégral (831 mots)
Présentation
Dmitry Dmitrievich Petrov (1989-2023), également connu sous son nom de guerre Ilya Leshiy, était un militant anarchiste, ethnographe et historien russe. Il s’est engagé comme volontaire dans les forces armées ukrainiennes. Il a été tué lors de la bataille de Bakhmut en avril 2023.
Vous trouverez toutes les informations le concernant, ainsi que ses publications, sur le site qui lui est dédié: https://leshy.info/en/
La branche suisse de l’association Memorial et le Comité Ukraine organisent ensemble la présentation-rencontre avec Dmitri Pavlovitch Petrov — écrivain, publiciste, conférencier et chercheur — qui viendra présenter son ouvrage autobiographique Le Jour des parents.
Dans ce récit, l’auteur revient sur la disparition de son fils, volontaire anarchiste d’origine russe engagé aux côtés de l’Ukraine, et explore les thèmes de la guerre, de la famille… À travers dialogues, souvenirs et réflexions, Petrov dresse le portrait poignant d’une ville meurtrie de Bakhmut, et d’un père qui tente de maintenir le lien avec son enfant au cœur du chaos. Il interroge le devoir, la responsabilité personnelle, la douleur et la force de la mémoire, tout en saisissant la routine brutale de la guerre et la puissance de la conviction.
Document

Le dernier message de notre camarade Dmitri Petrov.
Je m’appelle Dmitri Petrov, et si vous lisez ces lignes, c’est que je suis probablement mort en combattant l’invasion de l’Ukraine par Poutine.
Je suis membre de l’Organisation de Combat des Anarcho-Communistes (BOAK), et je le resterai après ma mort. La BOAK est notre idée, née de notre foi en une lutte organisée. Nous avons réussi à la porter de part et d’autre des frontières nationales.
J’ai fait de mon mieux pour contribuer à la victoire sur la dictature et à rapprocher la révolution sociale. Et je suis fier de mes camarades qui ont combattu et combattent encore en Russie et au-delà.
En tant qu’anarchiste, révolutionnaire et Russe, j’ai jugé nécessaire de participer à la résistance armée du peuple ukrainien contre l’occupant de Poutine. Je l’ai fait pour la justice, pour la défense de la société ukrainienne et pour la libération de mon pays, la Russie, de l’oppression. Pour tous ceux qui sont privés de leur dignité et de la possibilité de respirer librement par l’ignoble système totalitaire instauré en Russie et en Biélorussie,
Un autre sens important de notre participation à cette guerre est de promouvoir l’internationalisme par l’exemple. À l’heure où l’impérialisme meurtrier suscite, en réponse, une vague de nationalisme et de mépris envers les Russes, je le dis en paroles et en actes : il n’existe pas de « peuples mauvais ». Tous les peuples partagent le même deuil : des dirigeants avides et assoiffés de pouvoir.
Ce n’était pas une décision et une démarche individuelles. C’était la continuation de notre stratégie collective visant à créer des structures durables et à mener une guérilla contre les régimes tyranniques de notre région.
Mes chers amis, camarades et proches, je présente mes excuses à tous ceux que j’ai blessés par mon départ. J’apprécie grandement votre accueil chaleureux. Cependant, je suis fermement convaincu que la lutte pour la justice, contre l’oppression et l’injustice, est l’un des sens les plus nobles que l’homme puisse donner à sa vie. Et cette lutte exige des sacrifices, allant jusqu’au sacrifice total de soi.
Mon meilleur souvenir est de voir que vous continuez à lutter activement, à surmonter vos ambitions personnelles et vos conflits inutiles et néfastes. Si vous continuez à lutter activement pour une société libre fondée sur l’égalité et la solidarité. Pour vous, pour moi et pour tous nos camarades. Le risque, les privations et les sacrifices sur ce chemin sont nos compagnons de route. Mais soyez-en sûrs : ils ne sont pas vains.
Je vous embrasse tous.
Vos Ilya Leshy, « Seva », « Lev », Fil Kuznetsov,
Dmitry Petrov
23.05.2025 à 09:59
Adresses, internationalisme & démocr@tie – Avis de parution du numéro 12 de mai 2025.
aplutsoc
Texte intégral (2767 mots)
Nous accueillons le numéro 12 de cette revue associant des participants d’horizons divers, attaché·es à une vision et à une pratique révolutionnaire où la démocratie, l’auto-organisation, l’autogouvernement – sous toutes leurs formes – sont au cœur du projet. Non la démocratie comme abstraction mais la démocratie comme objectif. Non l’internationalisme comme abstraction mais l’internationalisme comme pratique.
Comme à chaque parution de cette revue, nous vous offrons :
- le téléchargement de la revue en PDF
- la consultation du sommaire (après l’article vedette)
- l’article vedette, aujourd’hui celui du militant internationaliste anti-campiste, Yorgos Mitralias.
Ce passé qui nous hante et façonne notre présent ! Par Yorgos Mitralias.
Il est manifeste que, par les temps qui courent, le passé revient en force pour hanter et même pour façonner de plus en plus notre présent ! C’est comme si les démons d’un passé prétendument exorcisés à jamais revenaient et, pire, occupaient de nouveau le devant de la scène politique. Prenez par exemple la seconde présidence de Trump et son trumpisme triomphant qui présente plus que des similitudes avec la peste brune de l’entre-deux-guerres. Évidemment, Naomi Klein et Astra Taylor ont tout à fait raison quand elles affirment que « nous devons reconnaître la réalité : nous ne sommes pas confrontés à des adversaires que nous avons déjà vus [1] ». Oui, sans doute, car cette seconde présidence de Trump semble inédite et n’a aucun précèdent non seulement parce qu’elle est dirigée et soutenue par des milliardaires mais aussi parce que tous ces ultra-riches qui la composent « ne se contentent pas de profiter des catastrophes, dans le style du capitalisme du désastre, mais les provoquent et les planifient simultanément ».
Cependant, les deux autrices ne se limitent pas à souligner et à analyser (brillamment) la nouveauté du projet trumpiste. Elles affirment aussi qu’on est quand même en présence d’un fascisme qu’elles appellent à juste titre « fascisme de la fin des temps ».
Nous voilà donc en plein retour aux sources du mal : il s’agit bel et bien d’un fascisme que Raphaël Canet a eu d’ailleurs la très bonne idée « d’authentifier » en lui appliquant – avec succès – les célèbres quatorze éléments qui permettent de reconnaître ce qu’est « le fascisme éternel » selon Umberto Eco [2].
Le test est convaincant. Les actes, les croyances et les politiques du trumpisme illustrent parfaitement les « quatorze éléments » d’Umberto Eco. Cependant, on doit avouer qu’un doute peut persister car il y a manifestement dans ce « fascisme de la fin des temps » quelque chose de plus qui le rapproche d’un scénario de… science-fiction apocalyptique : trop de délire millénariste, trop de paranoïa et d’irrationalité, trop de sadisme misanthrope décomplexé et surtout trop de haine exterminatrice des humains et destructrice de la nature, ce qui rend ses protagonistes des « traîtres à ce monde et à ses habitants humains et non humains [3] ».
Alors, tout ça pourrait n’être que science-fiction, projet irréalisable d’un cerveau détraqué ? Malheureusement non, absolument pas. Ce cauchemar n’est pas rêvé mais il est désormais vécu. Nous vivons déjà dans cette réalité horrifique et nous expérimentons déjà cette irrationalité macabre ne serait-ce qu’en subissant la catastrophe climatique ou qu’en assistant aux tragédies génocidaires qui se déroulent – heure après heure – devant nos yeux en Palestine et en Ukraine. Et malheureusement, ce n’est pas la première fois dans les derniers 80 ans que « les forces auxquelles nous sommes confrontés ont fait la paix avec la mort de masse [4] ». D’ailleurs, preuve supplémentaire de leur nazisme, ces « forces auxquelles nous sommes confrontés » s’inspirent ouvertement des exploits nécrophiles et macabres de leurs maîtres à penser nazis, et ils en sont fiers. C’est du reste pourquoi ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour soutenir tout ce qu’il y a d’extrémistes (durs) de droite, de néofascistes et surtout de néonazis de par le monde.
Mais, leur filiation ne se limite pas à ces penchants suprématistes et misanthropes. Elle touche aussi des questions apparemment secondaires comme leur commune prédilection pour le plus délirant des complotismes, pour l’eugénisme ou pour un ésotérisme et un occultisme (plus ou moins de pacotille) qui les rapprocherait plutôt d’un nazisme tendance Himmler. En somme, il y a plein de raisons d’affirmer non seulement que le pire passé cauchemardesque hante notre présent, mais aussi que le retour de ce passé prend la forme d’un nazisme pur-sang qui serait simplement actualisé !
Et puis, force est de constater que rien n’est totalement nouveau et inédit sous le ciel de la barbarie capitaliste. Comme, par exemple, « le retour d’une politique étrangère plus interventionniste et coercitive de la part des États-Unis » en Amérique latine, ce qui marque « la réactivation de la doctrine Monroe ». Et cela d’autant plus qu’il leur faut désormais contrer l’influence grandissante de la Chine dans ce qui était traditionnellement l’arrière-cour et la chasse gardée des États-Unis [5].
D’ailleurs, l’apparition de ce que l’économiste Adam Hanieh appelle « nouveaux centres d’accumulation du capital » et surtout de la Chine, oblige Trump à réagir vite et fort pour « gérer le déclin relatif des États-Unis dans le contexte des crises systémiques plus importantes auxquelles est confronté le capitalisme mondial [6] », ce qui l’amène à brandir la menace de droits de douane plus ou moins exorbitants. Et Adam Hanieh d’avertir que « lorsque nous parlons de la dynamique du système impérialiste mondial, il ne s’agit pas simplement de rivalités entre États et de mesurer la force des États-Unis par rapport à d’autres puissances capitalistes. Nous devons replacer ces conflits dans la crise systémique à plus long terme que tous les États tentent de surmonter »…
Mais, plus encore que le trumpisme, c’est le poutinisme qui est hanté et façonné par le passé et ses démons ! En rappelant que la « Grande Guerre patriotique » est devenue la principale sinon l’unique référence et ciment idéologique de l’Union Soviétique stalinienne et poststalinienne, Hanna Perekhoda [7] réussit trois tours de force : d’abord, démontrer qu’en se centrant sur la « Grande Guerre patriotique » qui couvre la période 1941-1945, tant le stalinisme que le poutinisme ont voulu « effacer les vingt et un mois qui ont précédé l’invasion de l’URSS » qui ont vu « Moscou et Berlin être des alliés de facto » et collaborer étroitement tant sur le plan économique que militaire. Ensuite, montrer combien la légende de cette « Grande Guerre patriotique » sert d’« outil de propagande à Poutine ». Et enfin, dévoiler ce qui se cache derrière la « dénazification de l’Ukraine » que prétend poursuivre le maître du Kremlin en envahissant et en détruisant ce pays.
C’est ainsi que, à l’opposé de ce que disent les poutinistes et les poutinisants de par le monde, la « dénazification » poutinienne de l’Ukraine renvoie à tout autre chose qu’à une Ukraine… nazifiée et gouvernée par des « fascistes ». Comme l’affirme Hanna Perekhoda, « le mot “fascisme” a perdu tout lien avec une idéologie politique spécifique et désigne désormais uniquement une menace abstraite et absolue : le désir de détruire la Russie. Il est devenu synonyme d’« ennemi » ou de « russophobe », désignant toujours l’Autre, jamais un mouvement historiquement défini ». D’ailleurs, au grand désespoir des poutinistes et autres campistes, c’est le bras droit de Poutine et son éternel ministre des affaires étrangères Sergueï Lavrov qui confirme pleinement les dires de Perekhoda quand il déclare que « les objectifs de Netanyahou à Gaza semblent similaires à la « démilitarisation » et à la « dénazification » que Moscou poursuit en Ukraine depuis le lancement de son offensive en février 2022 ».
À l’instar de Hanna Perekhoda, Jurgis Valiukevičius rappelle quelques grandes vérités qu’on a tendance à oublier dans nos pays de l’Europe occidentale. Par exemple que « l’histoire de nos pays [baltes] a été façonnée par l’empire russe plus que par les pays occidentaux [8] ». Ce qui se traduit par des siècles d’oppression nationale de ces pays par le chauvinisme impérial grand-russe, d’abord des tsars et ensuite des bureaucrates staliniens, jusqu’à ce qu’ils obtiennent leur indépendance il y a seulement trente-cinq ans.
Alors, le syndicaliste et Vert lituanien a tout à fait raison d’affirmer qu’en oubliant – de bonne ou de mauvaise foi – ces vérités, « la gauche occidentale maintient la même vision occidentalo-centrée, même lorsqu’il s’agit de critiquer le colonialisme et l’impérialisme ».
On pourrait ajouter qu’une première conséquence de l’arrogance de cette gauche (campiste) occidentale est qu’elle se désintéresse complètement de la gauche (oui, elle existe !) de ces pays et encore plus des expériences d’auto-organisation comme celle pratiquée par les femmes de la coopérative ukrainienne ReSeew Coop interviewées par Patrick Le Trehondat [9].
Mais, la conséquence est encore plus grave, quand cette gauche campiste va jusqu’à taxer de va-t’en guerre vendus à la réaction occidentale, les Lituaniens, Estoniens, Lettons mais aussi les Ukrainiens qui « osent » vouloir s’armer pour se défendre contre les (désormais traditionnelles) visées russes contre leurs pays…
Ceci étant dit, le retour en force d’un passé coupable qui empoisonne le présent n’est l’apanage ni des États-Unis ni de l’est européen. Les anciennes puissances coloniales européennes continuent à en faire périodiquement l’expérience. Comme la France qui refuse ostensiblement de reconnaître ses crimes tels que l’effroyable massacre de 30 000 Algériens qui revendiquaient leur liberté le 8 mai 1945, le jour même où les Français fêtaient… la capitulation du régime nazi qui les avait privés de leur propre liberté [10] ! Inutile de dire que ce refus éhonté fait le bonheur de son extrême droite et d’autres nostalgiques de l’Empire français tandis qu’il empoisonne les rapports de la France avec l’Algérie qui passent de nouveau un (très) mauvais moment.
C’est dans ce sombre paysage international que des actes de résistance comme celles des adolescentes Afghanes et Congolaises [11] qui défient – au péril de leur vie – les unes la misogynie des Talibans, et les autres la terreur des miliciens soutenus par le Rwanda, sont porteurs d’espérance. Comme d’ailleurs, la lutte exemplaire des féministes iraniennes non seulement contre la peine de mort, mais aussi contre « son application sexuée » qui fait d’elle « un outil de contrôle de l’État qui recoupe des questions de genre, de classe, de race et de sexualité [12] ».
Plus près de nous, les manifestations monstres des Serbes, étudiants en tête, qui se succèdent depuis des mois, font déjà trembler le pouvoir réactionnaire et corrompu du président – pro-Poutine et pro-Netanyahou – Vučić. Ce qui oblige les uns et les autres à préparer le futur : le régime à bout de souffle, qui tente de vendre aux manifestants des « solutions » bidon du genre « gouvernement d’experts » et les révoltés qui essayent d’éviter les pièges au nom de ceux d’en bas qui revendiquent le droit de gouverner collectivement [13].
Un autre pays qui est en train de s’interroger sur son avenir, est la Syrie martyrisée qui vient de se débarrasser de la dynastie sanglante des Assad. Mais, selon Joseph Daher [14], les premiers actes du régime du président (autoproclamé) Ahmed al-Charaa qui leur a succédé n’augurent rien de bon : massacre de la minorité des Alaouites, instrumentalisation du confessionnalisme afin de diviser la population, « refus des nouvelles autorités au pouvoir de mettre en place un cadre de justice transitionnelle » et promesses de leur part « d’approfondir les politiques néolibérales ».
Mais, pendant que le nouveau régime syrien fait les yeux doux à la monarchie saoudienne et à… Trump, presque de l’autre côté de sa frontière, le génocide du peuple Palestinien non seulement continue mais est en train d’atteindre son paroxysme devant une « communauté internationale » impassible qui refuse ostensiblement de l’arrêter. Comme d’ailleurs, elle refuse non seulement de tenir compte mais même de faire connaître à ses populations le rapport accablant de l’ONU sur « les violences sexuelles systématiques » que subissent les Palestiniennes par leurs bourreaux israéliens.
Violences sexuelles qui vont des viols aux attaques des « infrastructures de santé maternelle de Gaza, des centres de traitement de la fertilité et, en fait, de toute institution liée à la santé génésique [15] ».
Triste époque que la nôtre, époque de tous les dangers et de toutes les horreurs. Et, signe des temps, ce n’est pas un hasard que celui qui est très probablement à la fois le cerveau et l’esprit maléfique du trumpisme, le milliardaire libertarien et néonazi Peter Thiel traite d’« antéchrist » son ennemi juré le plus emblématique, la jeune militante suédoise écosocialiste et anticapitaliste Greta Thunberg. Alors, pourquoi Greta ? Mais, parce que, selon Naomi Klein et Astra Taylor, « ce qui l’effraie chez Greta est son engagement indéfectible envers cette planète et les nombreuses formes de vie qui existent – et non envers des simulations de ce monde générées par l’IA, ni envers une hiérarchie entre ceux qui méritent de vivre et ceux qui ne le méritent pas, ni envers les divers fantasmes d’évasion extra-planétaire vendus par les fascistes de la fin des temps »…
Yorgos Mitralias
Notes :
[1] Naomi Klein et Astra Taylor, « La montée du fascisme et la fin des temps », voir dans ce n° d’Adresses, p. 26.
[2] Raphaël Canet, « Pourquoi le trumpisme est un fascisme », voir dans ce n° d’Adresses, p. 19
[3] Naomi Klein et Astra Taylor, art. Cité.
[4] Idem.
[5] Laurent Delcourt, « États-Unis-Amérique latine : retour de la politique du gros bâton », voir dans ce n° d’Adresses, p. 36.
[6] Adam Hanieh, « Les nouveaux centres d’accumulation du capital », voir dans ce n° d’Adresses, p. 53.
[7] Hanna Perekhoda, « La “Grande Guerre patriotique”, un outil de propagande de Poutine », voir dans ce n° d’Adresses, p. 9.
[8] Jurgis Valiukevičius, « Menaces russes contre la Lituanie et monde de travail », voir dans ce n° d’Adresses, p. 43.
[9] Entretien avec ReSeew Coop, Ukraine : « Les coopératives sont une façon de propager les principes de l’auto-organisation », voir dans ce n° d’Adresses, p. 76.
[10] Olivier Lecour Grandmaison, « Massacres du 8 mai 1945 : la reconnaissance indispensable », voir dans ce n° d’Adresses, p. 14.
[11] Carol Mann, « Quand les adolescentes résistent », p. 71.
[12] Elahe Amani, « Iran : la peine de mort est une question féministe », voir dans ce n° d’Adresses, p. 67.
[13] Nemanja Drobnjak, « Les fausses promesses de la gouvernance « experte » imposée d’en haut : un appel à la démocratie radicale », voir dans ce n° d’Adresses, p. 61.
[14] Joseph Daher, « Syrie : justice transitionnelle et confessionnalisme », voir dans ce n° d’Adresses, p. 50.
[15] Samah Salaime, « Où est l’indignation face aux violences sexuelles « systématiques » contre les Palestinien·nes ? », voir dans ce n° d’Adresses, p. 73.
Le sommaire du numéro 12
22.05.2025 à 18:11
Actualités sociales ukrainiennes du 22 mai 2025.
aplutsoc
Texte intégral (663 mots)
La solidarité avec la résistance du peuple ukrainien, c’est montrer au jour le jour la vie et les luttes de celui-ci !
Tchernobyl : enquête citoyenne indépendante
Dans la région de Jytomyr, les habitants de Korosten se sont opposés à la réduction des indemnisations pour les victimes de l’accident de Tchernobyl et préparent un appel aux autorités pour exiger que cette décision soit reconsidérée.
Les habitants de Korosten prévoient également de lancer une enquête environnementale indépendante pour vérifier le niveau de radiation dans la ville et la communauté. Cela devrait permettre d’obtenir des données factuelles sur l’état de l’environnement et devenir la base d’une protection supplémentaire de ses droits dans le cadre de la législation en vigueur.
Ils demandent aux autorités de les écouter et de prendre des mesures urgentes face à la situation de réduction des paiements.
En janvier 2024, la Verkhovna Rada [Parlement ukrainien ] a adopté une décision fixant un montant fixe d’indemnisation : initialement 3 200 hryvnias, puis 2 361 hryvnias. Cette décision s’applique aux indemnités précédemment accordées par les tribunaux. Les habitants estiment qu’une telle décision est contraire aux décisions de justice, viole le principe de l’État de droit et les normes constitutionnelles relatives à la protection sociale des victimes.
22 mai 2025
Odessa : encore sur les abris

Denys Zeynalov, représentant du Centre pour les libertés civiles et coordinateur du groupe Ozon, a rapporté que 43 refuges à Odessa et environ 20 dans la ville de Rozdilna et les villages environnants ont été contrôlés.
Ozon a pu trouver environ 88 % des abris indiqués sur la carte d’Odessa. Denis Zenaylov affirme que près de 12% ont indiqués, mais en fait ils n’existent pas ou l’adresse est indiquée de manière incorrecte. Parmi les refuges trouvés, 79 % étaient accessibles, ce qui signifie qu’un cinquième d’entre eux était fermé ou dans un état d’abandon. Mais la situation des panneaux d’information s’est améliorée : ils sont d’un quart plus nombreux.
La situation à Rozdilna s’est avérée pire : 80 % du nombre déclaré d’abris ont été trouvés, et seulement un peu plus de la moitié d’entre eux sont ouverts, explique le militant des droits de l’homme.
Il y a eu plus d’abris mobiles à Odessa, mais il y en a toujours une pénurie sur les plages : ce que montre le suivi des militants des droits humains.
Le suivi a montré une amélioration de l’état des abris dans les zones de loisirs, en particulier dans les parcs d’Odessa. Selon Zeynalov, le nombre d’abris modulaires dans ces zones a considérablement augmenté en 2024-2025, notamment grâce à l’attraction de fonds de donateurs et à la participation d’organisations caritatives.
Cependant, il existe des problèmes concernant l’emplacement des abris, en particulier sur les plages. Les zones de sécurité sont souvent situées à 500–700 mètres du littoral ce qui rend l’accès difficile, surtout compte tenu du court temps de vol des missiles.
22 mai 2025
Source : RESU / PLT.
22.05.2025 à 17:54
Concert de soutien pour Solidarité FreeAzat le 25 mai 2025.
aplutsoc
Texte intégral (616 mots)
L’association Solidarité FreeAzat est engagée dans la libération d’Azat Miftakhov, mathématicien russe et prisonnier politique. Après de nombreuses actions, pétitions, rassemblements, concert, campagnes de lettres, médiatisation de cette affaire, l’association a décidé d’investir le domaine artistique pour sensibiliser le public européen à la question des détenus d’opinion.
Nous avons choisi le théâtre, art de la présence, qui nous semble le plus puissant pour faire ressentir physiquement la violence de l’incarcération et de l’emprisonnement. Notre choix de pièce s’est porté sur Moj Chas *(Mon Heure), de la dramaturge russe Esther Bol. Très prisée des scènes de Moscou et Saint-Pétersbourg, Esther Bol décide de quitter la Russie le premier jour de la déclaration de l’invasion de l’Ukraine. C’est en France, où elle réside aujourd’hui que, hantée par le souvenir et la présence planante de tous ces prisonniers politiques, elle écrit Mon Heure. Durant une heure, dans un monologue qui convoque tout un panthéon de textes et de souvenirs de la littérature russe en lien avec le thème récurrent de l’incarcération, le personnage se projette dans l’idée qu’il lui reste une heure avant d’être arrêtée. Une heure qui lui appartient pour préparer son corps et son esprit à la perte de liberté.
Par ce projet, nous voulons permettre que tous ceux qui sont en prison en Russie pour avoir réclamé la paix, ne soient pas oubliés. Et qu’à l’heure des « négociations de paix », leur cause retentisse auprès d’un public européen, peu informé de cette situation. Nous œuvrons également ainsi à ne pas faire oublier la cause d’Azat Miftakhov, brillant mathématicien, emprisonné arbitrairement depuis 2019.
Afin de présenter notre projet et la levée de fonds qui est nécessaire, nous organisons un concert :
- le 25 mai à 19H
- café « Au Soleil de la Butte »
- 32 rue Muller 75018 PARIS

La chanteuse et guitariste internationaliste Muindragon accepte de jouer gracieusement en soutien à cette cause. Au cours du concert une présentation de la pièce sera faite ainsi que la lecture d’un très court extrait. Si vous n’avez pas la possibilité de venir nous soutenir à ce concert, vous pouvez faire un don à Solidarité FreeAzat sur la plateforme HelloAsso.
* Cette pièce fait partie du programme off 2024 du festival indépendant de dramaturgie russophone Lioubimovka.
Pour suivre l’activité du collectif «Solidarité FreeAzat» : voir son blog sur Mediapart.
19.05.2025 à 13:36
18 mai 2025 – Résistance et mémoire contre l’oppression nationale subie par les Tatars de Crimée.
aplutsoc
Lire la suite (354 mots)
Action de résistance à l’occasion de la Journée de commémoration des victimes du génocide du peuple tatar de Crimée a été organisée par les membres du mouvement « Ruban jaune ». Ils ont pris des photos de cartes postales portant les inscriptions « La Crimée est l’Ukraine » et « Nous nous souvenons – 1944 » dans les rues de Simferopol, d’Eupatoria et de Bakhchisaray.
Le 18 mai, des bougies ont été allumées près du Mémorial des victimes du génocide du peuple tatar de Crimée sur la place Myra à Kyiv en mémoire de tous ceux qui sont morts dans cette tragédie. Une centaine de personnes sont venues rendre hommage aux victimes.

Le 18 mai, Jytomyr a honoré la mémoire des victimes de la répression politique et du génocide des Tatars de Crimée et a hissé le drapeau du peuple tatar de Crimée en signe d’unité et de soutien.
Le 18 mai, à l’occasion de la Journée de commémoration des victimes des répressions politiques, Zaporijia a honoré la mémoire de ceux qui sont morts à cause de la terreur de l’URSS. Dans la ville, des fleurs ont été déposées à côté du monument « Aux victimes des répressions politiques des années 1930-1950 ».
À Kropyvnytskyi, la mémoire des victimes des répressions politiques a été honorée . Les habitants se sont rassemblés près du panneau commémoratif « Aux combattants pour la liberté de l’Ukraine – Victimes des répressions politiques », ont déposé des fleurs et allumé des lampes.
Source : RESU / PLT.
- Persos A à L
- Mona CHOLLET
- Anna COLIN-LEBEDEV
- Julien DEVAUREIX
- Cory DOCTOROW
- Lionel DRICOT (PLOUM)
- EDUC.POP.FR
- Marc ENDEWELD
- Michel GOYA
- Hubert GUILLAUD
- Gérard FILOCHE
- Alain GRANDJEAN
- Hacking-Social
- Samuel HAYAT
- Dana HILLIOT
- François HOUSTE
- Tagrawla INEQQIQI
- Infiltrés (les)
- Clément JEANNEAU
- Paul JORION
- Michel LEPESANT
- Frédéric LORDON
- Persos M à Z
- Henri MALER
- Christophe MASUTTI
- Romain MIELCAREK
- MONDE DIPLO (Blogs persos)
- Richard MONVOISIN
- Corinne MOREL-DARLEUX
- Timothée PARRIQUE
- Thomas PIKETTY
- VisionsCarto
- Yannis YOULOUNTAS
- Michaël ZEMMOUR
- LePartisan.info
- Numérique
- Christophe DESCHAMPS
- Louis DERRAC
- Olivier ERTZSCHEID
- Olivier EZRATY
- Framablog
- Francis PISANI
- Pixel de Tracking
- Irénée RÉGNAULD
- Nicolas VIVANT
- Collectifs
- Arguments
- Bondy Blog
- Dérivation
- Dissidences
- Mr Mondialisation
- Palim Psao
- Paris-Luttes.info
- ROJAVA Info
- Créatifs / Art / Fiction
- Nicole ESTEROLLE
- Julien HERVIEUX
- Alessandro PIGNOCCHI
- XKCD