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Michaël ZEMMOUR


Enseignant-chercheur à l’Université Paris 1 (Centre d'Economie de la Sorbonne) et chercheur associé à Sciences Po (LIEPP)

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14.03.2023 à 15:42

Valse-hésitation sur la prise en compte de l'incapacité permanente

zemmour

Le texte initial de la réforme des retraites prévoyait un léger assouplissement de l’accès au dispositif de départ anticipé pour incapacité permanente (abaissement des seuils d’exposition) mais qu’il était difficile de considérer comme une avancée car l’âge minimal de départ anticipé pour pénibilité était repoussé de deux ans, à 62 ans.  Un amendement adopté au Sénat est revenu sur ce changement, en ramenant l’âge minimal de départ pour pénibilité à 60 ans…mais en annulant aussi les éléments élargissant l’accès au dispositif prévu dans le texte initial. Ci-dessous une note d’analyse sur les évolutions entre le texte initial et la version votée par le Sénat. On ne sait pas encore ce qu’en fera la commission mixte paritaire dans sa proposition de texte définitif.

Cadrage :

Il faut rappeler que les conditions d’accès à la retraite anticipé pour incapacité permanente ou pour pénibilité sont extrêmement restrictives : en 2021, ce dispositif ne concernait que 3 321 nouveaux bénéficiaires, composé principalement d’hommes à 61%. Un nombre qui n’a que peu évolué depuis la création du dispositif et son application en 2011 (CNAV page97). Le nombre total de bénéficiaire de ce dispositif depuis sa création est d’environ 34 651 personnes, composé à 63% d’hommes. Ce dispositif est à différencier du dispositif de Compte Professionnel de Prévention (C2P) créé en 2014 anciennement appelé Compte Professionnel Personnel de Prévention de la Pénibilité (C3P) permettant l’acquisition de points par déclaration de l’employeur d’une exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels. Ces points peuvent être mobilisés pour financer des formations professionnelles, pour compenser une baisse de rémunération en raison d’une réduction de la durée de travail ou enfin pour financer un départ en retraite avant l’âge légal à raison d’un trimestre tous les 10 points jusqu’à 2 ans avant cet âge légal soit 60 ans actuellement. Ces deux dispositifs ne concernent que les assurés du régime général.

 

Evolution du projet de loi retraite sur le sujet de la pénibilité lors du passage au Sénat

Note d’analyse Thibaut Heyer, Chaire ESOPS (Paris 1)

 

La loi n°2010-1330 du 9 novembre 2010 a créé un dispositif de retraite anticipé pour pénibilité. Ce dispositif s’adresse aux assurés atteints d’une incapacité permanente à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Il permet de bénéficier d’un départ anticipé à la retraite à 60 ans à taux plein sous conditions.

  • La première condition est la reconnaissance de l’incapacité au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail ayant entrainé des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle.
  • La seconde condition est la reconnaissance d’un taux minimal d’incapacité de 10%.

Pour un taux d’incapacité est compris entre 10% et 19%, les assurés doivent justifier d’une troisième condition pour bénéficier du dispositif. Il s’agit de justifier d’une exposition d’une durée déterminée par décret de 17 ans à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels, et d’un lien entre l’incapacité permanente et l’exposition aux facteurs de risques professionnels. Le lien est apprécié par une commission pluridisciplinaire qui donne son avis après réception et analyse des informations données par l’assuré. Pour un taux d’incapacité de 20%, l’accès au dispositif est facilité et permet aux assurés de bénéficier du dispositif sans cette condition supplémentaire.

 

Dans le cadre du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, différents changements concernant ce dispositif sont prévus.

  • Le premier changement prévu est un recul de l’âge de départ anticipé des bénéficiaires de 60 ans à 62 ans dans un souci d’homogénéisation des dispositifs de départs anticipés.
  • Le deuxième changement prévu est un assouplissement des conditions d’accès avec une modification de la première condition pour les assurés présentant une incapacité permanente au titre d’un accident du travail, qui n’auront plus à justifier de lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle.
  • Le troisième changement prévu est une dispense de passage devant la commission pluridisciplinaire pour les assurés justifiant d’une incapacité permanente entre 10% et 19% au titre d’une maladie professionnelle.

Outre ces changements, le projet prévoit également d’abaisser par décret la durée d’exposition à des facteurs de risques professionnels conditionnant la saisie de la commission pluridisciplinaire de 17 ans à 5 ans.

Lors du passage du projet de loi devant le Sénat le 28 février 2023, un amendement à l’article 9   concernant le dispositif de retraite anticipé pour incapacité permanente a été adopté. Il prévoit le maintien de l’âge de départ anticipé à 60 ans au lieu des 62 ans prévus par le projet de loi. En contrepartie de ce maintien, l’amendement prévoit une suppression de l’ensemble des assouplissements du dispositif prévu par le projet de loi soit :

  • la dispense de commission pour les incapacités au titre d’une maladie professionnelle
  • la non-justification de lésions identiques pour les incapacités au titre d’accident du travail à celles indemnisés au titre d’une maladie professionnelle
  • le changement par décret de la durée d’exposition (passage de 17 années d’exposition à 5)

En conclusion, l’amendement proposé entérine le statut quo sur le dispositif de départ anticipé pour incapacité permanente et supprime les assouplissements de ses conditions d’accès qui auraient pu ouvrir le dispositif au-delà du très faible nombre de bénéficiaires actuels.

Texte intégral (1050 mots)

Le texte initial de la réforme des retraites prévoyait un léger assouplissement de l’accès au dispositif de départ anticipé pour incapacité permanente (abaissement des seuils d’exposition) mais qu’il était difficile de considérer comme une avancée car l’âge minimal de départ anticipé pour pénibilité était repoussé de deux ans, à 62 ans.  Un amendement adopté au Sénat est revenu sur ce changement, en ramenant l’âge minimal de départ pour pénibilité à 60 ans…mais en annulant aussi les éléments élargissant l’accès au dispositif prévu dans le texte initial. Ci-dessous une note d’analyse sur les évolutions entre le texte initial et la version votée par le Sénat. On ne sait pas encore ce qu’en fera la commission mixte paritaire dans sa proposition de texte définitif.

Cadrage :

Il faut rappeler que les conditions d’accès à la retraite anticipé pour incapacité permanente ou pour pénibilité sont extrêmement restrictives : en 2021, ce dispositif ne concernait que 3 321 nouveaux bénéficiaires, composé principalement d’hommes à 61%. Un nombre qui n’a que peu évolué depuis la création du dispositif et son application en 2011 (CNAV page97). Le nombre total de bénéficiaire de ce dispositif depuis sa création est d’environ 34 651 personnes, composé à 63% d’hommes. Ce dispositif est à différencier du dispositif de Compte Professionnel de Prévention (C2P) créé en 2014 anciennement appelé Compte Professionnel Personnel de Prévention de la Pénibilité (C3P) permettant l’acquisition de points par déclaration de l’employeur d’une exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels. Ces points peuvent être mobilisés pour financer des formations professionnelles, pour compenser une baisse de rémunération en raison d’une réduction de la durée de travail ou enfin pour financer un départ en retraite avant l’âge légal à raison d’un trimestre tous les 10 points jusqu’à 2 ans avant cet âge légal soit 60 ans actuellement. Ces deux dispositifs ne concernent que les assurés du régime général.

 

Evolution du projet de loi retraite sur le sujet de la pénibilité lors du passage au Sénat

Note d’analyse Thibaut Heyer, Chaire ESOPS (Paris 1)

 

La loi n°2010-1330 du 9 novembre 2010 a créé un dispositif de retraite anticipé pour pénibilité. Ce dispositif s’adresse aux assurés atteints d’une incapacité permanente à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Il permet de bénéficier d’un départ anticipé à la retraite à 60 ans à taux plein sous conditions.

  • La première condition est la reconnaissance de l’incapacité au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail ayant entrainé des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle.
  • La seconde condition est la reconnaissance d’un taux minimal d’incapacité de 10%.

Pour un taux d’incapacité est compris entre 10% et 19%, les assurés doivent justifier d’une troisième condition pour bénéficier du dispositif. Il s’agit de justifier d’une exposition d’une durée déterminée par décret de 17 ans à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels, et d’un lien entre l’incapacité permanente et l’exposition aux facteurs de risques professionnels. Le lien est apprécié par une commission pluridisciplinaire qui donne son avis après réception et analyse des informations données par l’assuré. Pour un taux d’incapacité de 20%, l’accès au dispositif est facilité et permet aux assurés de bénéficier du dispositif sans cette condition supplémentaire.

 

Dans le cadre du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, différents changements concernant ce dispositif sont prévus.

  • Le premier changement prévu est un recul de l’âge de départ anticipé des bénéficiaires de 60 ans à 62 ans dans un souci d’homogénéisation des dispositifs de départs anticipés.
  • Le deuxième changement prévu est un assouplissement des conditions d’accès avec une modification de la première condition pour les assurés présentant une incapacité permanente au titre d’un accident du travail, qui n’auront plus à justifier de lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle.
  • Le troisième changement prévu est une dispense de passage devant la commission pluridisciplinaire pour les assurés justifiant d’une incapacité permanente entre 10% et 19% au titre d’une maladie professionnelle.

Outre ces changements, le projet prévoit également d’abaisser par décret la durée d’exposition à des facteurs de risques professionnels conditionnant la saisie de la commission pluridisciplinaire de 17 ans à 5 ans.

Lors du passage du projet de loi devant le Sénat le 28 février 2023, un amendement à l’article 9   concernant le dispositif de retraite anticipé pour incapacité permanente a été adopté. Il prévoit le maintien de l’âge de départ anticipé à 60 ans au lieu des 62 ans prévus par le projet de loi. En contrepartie de ce maintien, l’amendement prévoit une suppression de l’ensemble des assouplissements du dispositif prévu par le projet de loi soit :

  • la dispense de commission pour les incapacités au titre d’une maladie professionnelle
  • la non-justification de lésions identiques pour les incapacités au titre d’accident du travail à celles indemnisés au titre d’une maladie professionnelle
  • le changement par décret de la durée d’exposition (passage de 17 années d’exposition à 5)

En conclusion, l’amendement proposé entérine le statut quo sur le dispositif de départ anticipé pour incapacité permanente et supprime les assouplissements de ses conditions d’accès qui auraient pu ouvrir le dispositif au-delà du très faible nombre de bénéficiaires actuels.

20.02.2023 à 18:21

Chômage et minima sociaux: les effets induits par la réforme des retraites - estimations des administrations

zemmour

Selon les données de l’administration, on peut estimer que la réforme des retraites augmenterait le nombre d’allocataires de minima sociaux (RSA et ASS) de 60 000 et le nombre de personnes au chômage indemnisé de l’ordre de 84 000. Si l’on ajoute les personnes sans aucune prestation sociale, la réforme maintiendrait de l’ordre de 150 000 à 200 000 personnes dans le sas de précarité entre l’emploi et la retraite, pour une hausse de l’emploi des seniors estimée autour de 300 000. Ces éléments provenant de l’administration, n’ont pas été inclus ni actualisés dans l’étude d’impact de la réforme.

 

Combien de personnes concernées, les estimations des administrations, absente de l’étude d’impact

Dans une séance aux accents prémonitoires, le 27 janvier 2022, le COR a réuni différentes administrations pour leur demander d’estimer les différents effets (y compris budgétaires) d’un décalage de l’âge minimal de départ sur différents paramètres. Cette séance est très riche (je ne traiterai pas tout dans ce billet), et ses résultats auraient pu nourrir utilement l’étude d’impact du gouvernement. Malheureusement celui-ci a fait le choix de les ignorer pour une large part.

On peut lire dans les documents liés à cette séance que la DREES (page 2) estime qu’un décalage de 2 ans de l’âge minimal de la retraite se traduirait par un surcroit de:

  • 30 000 allocataires du RSA
  • 30 000 allocataires de l’ASS (minima social pour les chômeurs de longue durée non indemnisés par l’assurance chômage, sous certaines conditions).

D’autres estimations dans le même document concernent la hausse du nombre de personnes en invalidité (de l’ordre de 160 000), ou à l’AAH (plus de 40 000). Ces deux derniers chiffres ne doivent pas être retenus puisque le gouvernement a choisi – sans doute d’ailleurs à l’appui de ces travaux - de maintenir à 62 ans le départ en retraite des personnes en invalidité ou allocataires de l’AAH (je ne sais pas si la réforme prévoit des restrictions dans ce second cas).

La DARES estime de son côté le surcroit de personne au chômage indemnisé à 84 000 en cas d’un décalage de la retraite de 2 ans (graphique ci-dessous).

Variation des effectifs de chômeurs indemnisés du fait de la réforme des retraite, par âge. De légères variations avant 61 ans et une forte augmentation aux âge de 61, 62 et 63 ans

Reproduit d’après Doc Dares de la séance du COR du 27 janvier 2022

Ainsi, si on se restreint aux seuls effets sur les personnes au chômage indemnisé, à l’ASS ou au RSA, 144 000 personnes supplémentaires seraient maintenues en précarité du fait du décalage de la retraite. Pour avoir l’ensemble de l’image il faudrait y ajouter les personnes n’ayant aucune prestation sociale (par exemple parce que le RSA est sous condition de ressources ; si votre conjoint a des revenus, vous pouvez être ni indemnisé par le chômage, ni par l’ASS, ni par le RSA), dont je n’ai pas d’estimation précise.

Ces estimations auraient mérité d’être un peu actualisées. D’une part parce qu’elles datent d’avant la réforme de l’assurance chômage qui raccourcit la durée d’indemnisation : il est probable qu’après réforme il y aura un peu moins de personne indemnisée par l’assurance chômage et un peu plus aux minima sociaux. D’autre part parce que le chômage a baissé au cours des deux dernières années, y compris le chômage des seniors (même si c’est bien la catégorie ou le chômage de longue durée est le plus élevé et le plus fréquent). Malheureusement, dans l’étude d’impact qui accompagne la réforme, le gouvernement n’a intégré ni ces estimations de janvier 2022, ni des estimations actualisées… et ignore tout simplement le sujet.

Mais si on s’en tient aux ordres de grandeur, on peut retenir que la réforme, une fois montée en charge, va maintenir entre 150 000 et 200 000 personnes supplémentaires dans le sas de précarité entre l’emploi et la retraite, alors que la hausse de l’emploi des seniors est estimée à environ 300 000 par (étude d’impact p.93).

 

Pourquoi peut-on parler d’un « sas de précarité » entre l’emploi et la retraite ?

Pour la plupart des personnes le passage à la retraite est synonyme d’une baisse modérée du niveau de vie. Mais pour les personnes les plus modestes, et particulièrement hors de l’emploi avant la retraite, le passage à la retraite protège socialement et est synonyme d’une légère amélioration du niveau de vie, et de l’entrée dans un statut durable (figure ci-dessous, d’après Abbas 2020). Par ailleurs la DREES relevait en 2020 que le taux de pauvreté des personnes « ni en emploi ni en retraite » de 53 à 69 ans était de 32% (D’Isanto, Hananel et Musiedlak 2020).

Là aussi une partie de ces personnes, reconnues comme invalides ou en situation de handicap subiront moins les effets néfastes de la réforme, mais toutes les personnes précaires au-delà de 55 ans ne sont pas préservées loin de là.  

 

Niveau de vie des retraités, avant ou après la retraite, selon qu'on distingue les retraités avec plus ou moins de 500€ de revenu du travail avant la retraite

 

Ajoutons en conclusion que ces estimations ne couvrent pas à elle seule la question du chômage induit par la réforme des retraites. En effet ces estimations se concentrent sur les effets sur les seniors, et ne disent rien sur l’effet global sur le chômage. Sur ce dernier point, il n’existe pas d’étude rétrospective sur la réforme de 2010 à ma connaissance. D’un côté une étude sur données françaises n’identifie pas  de lien direct entre âge de la retraite et chômage des jeunes dans les années 1970-2000. D’un autre côté les modèles macroéconomiques (OFCE et Mésange) envisagent que le maintien deux ans de plus sur le marché du travail des seniors, génère une augmentation du chômage en global ainsi qu’une pression sur les salaires des actifs (voir la séance du COR citée). Mais c’est un autre sujet.

Texte intégral (1335 mots)

Selon les données de l’administration, on peut estimer que la réforme des retraites augmenterait le nombre d’allocataires de minima sociaux (RSA et ASS) de 60 000 et le nombre de personnes au chômage indemnisé de l’ordre de 84 000. Si l’on ajoute les personnes sans aucune prestation sociale, la réforme maintiendrait de l’ordre de 150 000 à 200 000 personnes dans le sas de précarité entre l’emploi et la retraite, pour une hausse de l’emploi des seniors estimée autour de 300 000. Ces éléments provenant de l’administration, n’ont pas été inclus ni actualisés dans l’étude d’impact de la réforme.

 

Combien de personnes concernées, les estimations des administrations, absente de l’étude d’impact

Dans une séance aux accents prémonitoires, le 27 janvier 2022, le COR a réuni différentes administrations pour leur demander d’estimer les différents effets (y compris budgétaires) d’un décalage de l’âge minimal de départ sur différents paramètres. Cette séance est très riche (je ne traiterai pas tout dans ce billet), et ses résultats auraient pu nourrir utilement l’étude d’impact du gouvernement. Malheureusement celui-ci a fait le choix de les ignorer pour une large part.

On peut lire dans les documents liés à cette séance que la DREES (page 2) estime qu’un décalage de 2 ans de l’âge minimal de la retraite se traduirait par un surcroit de:

  • 30 000 allocataires du RSA
  • 30 000 allocataires de l’ASS (minima social pour les chômeurs de longue durée non indemnisés par l’assurance chômage, sous certaines conditions).

D’autres estimations dans le même document concernent la hausse du nombre de personnes en invalidité (de l’ordre de 160 000), ou à l’AAH (plus de 40 000). Ces deux derniers chiffres ne doivent pas être retenus puisque le gouvernement a choisi – sans doute d’ailleurs à l’appui de ces travaux - de maintenir à 62 ans le départ en retraite des personnes en invalidité ou allocataires de l’AAH (je ne sais pas si la réforme prévoit des restrictions dans ce second cas).

La DARES estime de son côté le surcroit de personne au chômage indemnisé à 84 000 en cas d’un décalage de la retraite de 2 ans (graphique ci-dessous).

Variation des effectifs de chômeurs indemnisés du fait de la réforme des retraite, par âge. De légères variations avant 61 ans et une forte augmentation aux âge de 61, 62 et 63 ans

Reproduit d’après Doc Dares de la séance du COR du 27 janvier 2022

Ainsi, si on se restreint aux seuls effets sur les personnes au chômage indemnisé, à l’ASS ou au RSA, 144 000 personnes supplémentaires seraient maintenues en précarité du fait du décalage de la retraite. Pour avoir l’ensemble de l’image il faudrait y ajouter les personnes n’ayant aucune prestation sociale (par exemple parce que le RSA est sous condition de ressources ; si votre conjoint a des revenus, vous pouvez être ni indemnisé par le chômage, ni par l’ASS, ni par le RSA), dont je n’ai pas d’estimation précise.

Ces estimations auraient mérité d’être un peu actualisées. D’une part parce qu’elles datent d’avant la réforme de l’assurance chômage qui raccourcit la durée d’indemnisation : il est probable qu’après réforme il y aura un peu moins de personne indemnisée par l’assurance chômage et un peu plus aux minima sociaux. D’autre part parce que le chômage a baissé au cours des deux dernières années, y compris le chômage des seniors (même si c’est bien la catégorie ou le chômage de longue durée est le plus élevé et le plus fréquent). Malheureusement, dans l’étude d’impact qui accompagne la réforme, le gouvernement n’a intégré ni ces estimations de janvier 2022, ni des estimations actualisées… et ignore tout simplement le sujet.

Mais si on s’en tient aux ordres de grandeur, on peut retenir que la réforme, une fois montée en charge, va maintenir entre 150 000 et 200 000 personnes supplémentaires dans le sas de précarité entre l’emploi et la retraite, alors que la hausse de l’emploi des seniors est estimée à environ 300 000 par (étude d’impact p.93).

 

Pourquoi peut-on parler d’un « sas de précarité » entre l’emploi et la retraite ?

Pour la plupart des personnes le passage à la retraite est synonyme d’une baisse modérée du niveau de vie. Mais pour les personnes les plus modestes, et particulièrement hors de l’emploi avant la retraite, le passage à la retraite protège socialement et est synonyme d’une légère amélioration du niveau de vie, et de l’entrée dans un statut durable (figure ci-dessous, d’après Abbas 2020). Par ailleurs la DREES relevait en 2020 que le taux de pauvreté des personnes « ni en emploi ni en retraite » de 53 à 69 ans était de 32% (D’Isanto, Hananel et Musiedlak 2020).

Là aussi une partie de ces personnes, reconnues comme invalides ou en situation de handicap subiront moins les effets néfastes de la réforme, mais toutes les personnes précaires au-delà de 55 ans ne sont pas préservées loin de là.  

 

Niveau de vie des retraités, avant ou après la retraite, selon qu'on distingue les retraités avec plus ou moins de 500€ de revenu du travail avant la retraite

 

Ajoutons en conclusion que ces estimations ne couvrent pas à elle seule la question du chômage induit par la réforme des retraites. En effet ces estimations se concentrent sur les effets sur les seniors, et ne disent rien sur l’effet global sur le chômage. Sur ce dernier point, il n’existe pas d’étude rétrospective sur la réforme de 2010 à ma connaissance. D’un côté une étude sur données françaises n’identifie pas  de lien direct entre âge de la retraite et chômage des jeunes dans les années 1970-2000. D’un autre côté les modèles macroéconomiques (OFCE et Mésange) envisagent que le maintien deux ans de plus sur le marché du travail des seniors, génère une augmentation du chômage en global ainsi qu’une pression sur les salaires des actifs (voir la séance du COR citée). Mais c’est un autre sujet.

03.02.2023 à 18:52

Hausse du minimum contributif: combien de vrais faux-gagnant.e.s ?

zemmour

Le problème de l’interaction avec les autres prestations sociales : certains ne vont rien gagner, certains pourrait même y perdre

Une des difficultés du système de prestations sociales, bien connue et repérées par plusieurs travaux c’est que les prestations sociales interagissent entre elles, avec parfois des effets non maîtrisés. Dans le cadre de la réforme, parmi les bénéficiaires de la hausse du minimum contributif, tout le monde ne va en fait pas gagner d’argent : il y a des "vrais-faux gagnant.e.s", des "vrais perdant.e.s", et des  "moindres gagnant.e.s".

  • vrais-faux gagnant.e.s : Pour les ménages qui touchent à la fois le minimum contributif et l’ASPA (« minimum vieillesse ») le gain pourrait être nul puisque l’ASPA est une prestation différentielle.
  • vrais perdant.e.s: Pour les ménages qui touchent à la fois le minimum contributif, l’ASPA (minimum vieillesse) et les aides au logement, la mesure pourrait faire baisser le niveau de vie en raison du cumul de la baisse de l’ASPA et de celle des aides au logement.
  • moindre gagnant.e.s: Pour les ménages qui touchent le minimum contributif et les aides au logement, le gain de pouvoir d’achat risque d’être érodé d’un tiers (par exemple 33€ par mois au lieu de 50€) puisque le montant des aides au logement décroît avec le revenu.

Ensemble cela représente sans doute quelques centaines de milliers de personnes incluses dans les 1,8 million de « gagnants » de la revalorisation des minima de pension, mais qui gagneront en fait moins, rien, voire perdront quelques dizaines d’euros.

 

Dans un précédent billet je montrais qu’il n’y avait pas de minima de pension à 1200€ dans la réforme, mais simplement une revalorisation, relativement modeste du Minimum contributif (le Mico) , qui concernes certaines petites pensions de base des salariés du privé (celles liquidées à taux plein). Dans ce second billet je souligne que parmi les bénéficiaires de cette hausse du Mico, tout le monde ne va pas gagner d’argent : il y a des vrais-faux gagnant.e.s, des vrais perdant.e.s, et des  « moindres gagnant.e.s ».

Explications, à l’aide de l’outil de cas-type Leximpact de l’Assemblée nationale. Je prends ici par simplicité le cas d’une personne célibataire, dont la pension est le seul revenu hors prestaitons, mais en pratique les cas sont bien plus variés car les ménages sont en couples, les conjoints ayant parfois des niveaux de pension très différents. Les cas ne sont pas particulièrement représentatifs mais ils sont destinés à illustrer les mécanismes en jeu, je discute par ailleurs du nombre de personnes effectivement concernées.

 

Les « vrais-faux gagnant.e.s » de la hausse du Mico: les personnes concernées par le minimum contributif et l’ASPA

L’ASPA est une prestation « différentielle ». Elle « complète » le revenu des ménages jusqu’à un montant cible » (953€ net actuellement selon le simulateur). Le problème des prestations différentielles, c’est que quand le revenu augmente, la prestation baisse du même montant.

Aussi pour une personne ayant une pension faible (par exemple 10 000€ bruts par an, soit 916€ par mois), une revalorisation du minimum contributif de 1000€ par an (83€ euros par mois, soit proche du maximum) sera entièrement absorbée par une baisse de l’ASPA du même montant. En passant de la situation de gauche (Figure 1) à la situation de droite, la personne gagne 1000€ de pension brute, mais pas un centime de pouvoir d’achat, du fait de la baisse de l’ASPA de 1000€.

 

Figure 1 : Retraité concerné par la revalorisation du MICO, mais dont le revenu reste inchangé

Cas type issus de Leximpact. La revalorisation de la pension, se traduit par un revenu inchangé

Lecture : A gauche, avant revalorisation du minimum contributif, retraité dont la pension brut est de 10 000€ annuel. A droite après revalorisation du Mico de 1000€ annuel. La pension brute a augmenté, mais le revenu de la personne n’augmente pas car l’ASPA a baissé de 1000€ annuel. Cas type consultable : https://socio-fiscal.leximpact.an.fr/simulations/986989fd93c3ddfb .

Combien de personnes sont en pratique dans ce cas ? Difficile à dire, mais le nombre est significatif. Selon la DREES, en 2016, 82% des allocataires du minimum vieillesse avait une pension au minimum contributif (tableau 4). En ordre de grandeur cela ferait en 2020 environ 500 000 allocataires percevant à la fois un minimum contributif et une prestation du minimum vieillesse.

Selon le dossier de presse du gouvernement « Entre 15 et 20 % des bénéficiaires du minimum contributif voient leur pension relevée au niveau de l’ASPA, ils sont 5 % parmi les bénéficiaires du MICO majoré. ».

Si la cible de la revalorisation des petites pensions est de l’ordre de 1,8 million de personnes, il y en aurait donc de l’ordre de 300 000 qui ne seraient pas des « gagnants » compte tenu de l’interaction avec l’ASPA.

Le gouvernement chiffre cette interaction à 0,1 milliards d’euros en 2027 d’économies (à rapporter à une dépense de revalorisation des minima de pension de 2,6 Md), - mais ces montants sont à préciser car les sommes mentionnées en haut de la page 83 de l’étude d’impact ne tombent pas justes.  

 

Les « vrais perdant.e.s » de la revalorisation du Mico :  les personnes concernées par le minimum contributif, l’ASPA et les aides au logement 

Comme documenté par de nombreux travaux (rapport Lenglart, ou les travaux de Muriel Pucci et Hélène Périvier), il existe des effets d’interactions non désirables entre les bases ressources de différentes prestations. Ainsi, comme les pensions brutes sont à la fois dans la base ressources de l’ASPA et des aides au logement, si la pension brute augmente et que vous êtes locataire, vous perdez sur vos deux prestations : ASPA et aides au logement. Et la revalorisation de pension peut se traduire par… une baisse de revenu ! C’est le cas pour une pension annuelle qui passe de 10 000 € à 11 000 €, cas dans lequel le revenu disponible baisse de 347€ annuels (28€ par mois) (Figure 2).

Figure 2 : Retraité concerné par la revalorisation du MICO mais dont le revenu baisse

Cas type de Leximpact. La revalorisation de la pension se traduit par une baisse de revenu

Lecture : A gauche, avant revalorisation du minimum contributif, retraité, locataire, dont la pension brut est de 10 000€ annuel. A droite après revalorisation du Mico de 1000€ annuel. La pension brute a augmenté, mais le revenu de la personne diminue car l’ASPA a baissé de 1000€ annuel et les aides au logement ont baissé de 525€ annuel. Cas type consultable : https://socio-fiscal.leximpact.an.fr/simulations/62b6ab2d3c047a52

 

Les « moindres gagnant.e.s » de la hausse du Mico : les personnes concernées par les aides au logement mais au-dessus de l’ASPA

Enfin pour les personnes locataires, éligibles aux aides au logement, mais dont le revenu est supérieur au plafond de l’ASPA, la hausse de la revalorisation du minimum contributif sera en partie érodée par la baisse des aides au logement.

Ainsi une personne retraitée percevant une pension de 14 000€ avant réforme et ayant obtenu une revalorisation de 1000€ (83€ mensuels), ne verra ses revenus s’améliorer que de 652€ (54€ mensuel), du fait de la baisse des aides au logement.

Figure 3 : Retraité concerné par la revalorisation du Mico, mais dont le gain est errodé par les APL

Cas type leximpact: la revalorisation de la pension est en partie errodée par la baisse des aides au logement

Lecture : A gauche, avant revalorisation du minimum contributif, retraité, locataire, dont la pension brut est de 14 000€ annuel. A droite après revalorisation du Mico de 1000€ annuel. La pension brute a augmenté, mais le revenu de la personne n’augmente que de 654€ car les aides au logement ont baissé de 525€ annuel. https://socio-fiscal.leximpact.an.fr/simulations/2b4741b4c11b9251

Il est difficile de dire avec certitude quel est le nombre de personnes effectivement concernées par ces différentes configurations. Il faudrait pour cela avoir recours à un outil de micro-simulation du type de INES ou un autre du même genre (ce que le gouvernement a dû faire pour donner les chiffrages mentionnés page 83 du dossier de presse, mais ceux-ci ne sont pas publiés).

Il est probable que ces cas soient de l’ordre de quelques centaines de milliers d’individus, ce qui est à la fois relativement peu à l’échelle de la réforme, mais pas négligeable si on tient compte du fait qu’il s’agit de retraités déjà très modestes. De plus on pourra faire remarquer que le gouvernement s’est bien davantage attardé dans ses commentaires sur la prise en compte du congé parental pour les carrières longues (qui ne concerne que 2000 à 3000 personnes par an), mais qu’il s’est abstenu de documenter les cas des vrais-faux gagnants, en les intégrant d’office dans le décompte des 1,8 million de bénéficiaires du minimum contributif.

 

Texte intégral (1904 mots)

Le problème de l’interaction avec les autres prestations sociales : certains ne vont rien gagner, certains pourrait même y perdre

Une des difficultés du système de prestations sociales, bien connue et repérées par plusieurs travaux c’est que les prestations sociales interagissent entre elles, avec parfois des effets non maîtrisés. Dans le cadre de la réforme, parmi les bénéficiaires de la hausse du minimum contributif, tout le monde ne va en fait pas gagner d’argent : il y a des "vrais-faux gagnant.e.s", des "vrais perdant.e.s", et des  "moindres gagnant.e.s".

  • vrais-faux gagnant.e.s : Pour les ménages qui touchent à la fois le minimum contributif et l’ASPA (« minimum vieillesse ») le gain pourrait être nul puisque l’ASPA est une prestation différentielle.
  • vrais perdant.e.s: Pour les ménages qui touchent à la fois le minimum contributif, l’ASPA (minimum vieillesse) et les aides au logement, la mesure pourrait faire baisser le niveau de vie en raison du cumul de la baisse de l’ASPA et de celle des aides au logement.
  • moindre gagnant.e.s: Pour les ménages qui touchent le minimum contributif et les aides au logement, le gain de pouvoir d’achat risque d’être érodé d’un tiers (par exemple 33€ par mois au lieu de 50€) puisque le montant des aides au logement décroît avec le revenu.

Ensemble cela représente sans doute quelques centaines de milliers de personnes incluses dans les 1,8 million de « gagnants » de la revalorisation des minima de pension, mais qui gagneront en fait moins, rien, voire perdront quelques dizaines d’euros.

 

Dans un précédent billet je montrais qu’il n’y avait pas de minima de pension à 1200€ dans la réforme, mais simplement une revalorisation, relativement modeste du Minimum contributif (le Mico) , qui concernes certaines petites pensions de base des salariés du privé (celles liquidées à taux plein). Dans ce second billet je souligne que parmi les bénéficiaires de cette hausse du Mico, tout le monde ne va pas gagner d’argent : il y a des vrais-faux gagnant.e.s, des vrais perdant.e.s, et des  « moindres gagnant.e.s ».

Explications, à l’aide de l’outil de cas-type Leximpact de l’Assemblée nationale. Je prends ici par simplicité le cas d’une personne célibataire, dont la pension est le seul revenu hors prestaitons, mais en pratique les cas sont bien plus variés car les ménages sont en couples, les conjoints ayant parfois des niveaux de pension très différents. Les cas ne sont pas particulièrement représentatifs mais ils sont destinés à illustrer les mécanismes en jeu, je discute par ailleurs du nombre de personnes effectivement concernées.

 

Les « vrais-faux gagnant.e.s » de la hausse du Mico: les personnes concernées par le minimum contributif et l’ASPA

L’ASPA est une prestation « différentielle ». Elle « complète » le revenu des ménages jusqu’à un montant cible » (953€ net actuellement selon le simulateur). Le problème des prestations différentielles, c’est que quand le revenu augmente, la prestation baisse du même montant.

Aussi pour une personne ayant une pension faible (par exemple 10 000€ bruts par an, soit 916€ par mois), une revalorisation du minimum contributif de 1000€ par an (83€ euros par mois, soit proche du maximum) sera entièrement absorbée par une baisse de l’ASPA du même montant. En passant de la situation de gauche (Figure 1) à la situation de droite, la personne gagne 1000€ de pension brute, mais pas un centime de pouvoir d’achat, du fait de la baisse de l’ASPA de 1000€.

 

Figure 1 : Retraité concerné par la revalorisation du MICO, mais dont le revenu reste inchangé

Cas type issus de Leximpact. La revalorisation de la pension, se traduit par un revenu inchangé

Lecture : A gauche, avant revalorisation du minimum contributif, retraité dont la pension brut est de 10 000€ annuel. A droite après revalorisation du Mico de 1000€ annuel. La pension brute a augmenté, mais le revenu de la personne n’augmente pas car l’ASPA a baissé de 1000€ annuel. Cas type consultable : https://socio-fiscal.leximpact.an.fr/simulations/986989fd93c3ddfb .

Combien de personnes sont en pratique dans ce cas ? Difficile à dire, mais le nombre est significatif. Selon la DREES, en 2016, 82% des allocataires du minimum vieillesse avait une pension au minimum contributif (tableau 4). En ordre de grandeur cela ferait en 2020 environ 500 000 allocataires percevant à la fois un minimum contributif et une prestation du minimum vieillesse.

Selon le dossier de presse du gouvernement « Entre 15 et 20 % des bénéficiaires du minimum contributif voient leur pension relevée au niveau de l’ASPA, ils sont 5 % parmi les bénéficiaires du MICO majoré. ».

Si la cible de la revalorisation des petites pensions est de l’ordre de 1,8 million de personnes, il y en aurait donc de l’ordre de 300 000 qui ne seraient pas des « gagnants » compte tenu de l’interaction avec l’ASPA.

Le gouvernement chiffre cette interaction à 0,1 milliards d’euros en 2027 d’économies (à rapporter à une dépense de revalorisation des minima de pension de 2,6 Md), - mais ces montants sont à préciser car les sommes mentionnées en haut de la page 83 de l’étude d’impact ne tombent pas justes.  

 

Les « vrais perdant.e.s » de la revalorisation du Mico :  les personnes concernées par le minimum contributif, l’ASPA et les aides au logement 

Comme documenté par de nombreux travaux (rapport Lenglart, ou les travaux de Muriel Pucci et Hélène Périvier), il existe des effets d’interactions non désirables entre les bases ressources de différentes prestations. Ainsi, comme les pensions brutes sont à la fois dans la base ressources de l’ASPA et des aides au logement, si la pension brute augmente et que vous êtes locataire, vous perdez sur vos deux prestations : ASPA et aides au logement. Et la revalorisation de pension peut se traduire par… une baisse de revenu ! C’est le cas pour une pension annuelle qui passe de 10 000 € à 11 000 €, cas dans lequel le revenu disponible baisse de 347€ annuels (28€ par mois) (Figure 2).

Figure 2 : Retraité concerné par la revalorisation du MICO mais dont le revenu baisse

Cas type de Leximpact. La revalorisation de la pension se traduit par une baisse de revenu

Lecture : A gauche, avant revalorisation du minimum contributif, retraité, locataire, dont la pension brut est de 10 000€ annuel. A droite après revalorisation du Mico de 1000€ annuel. La pension brute a augmenté, mais le revenu de la personne diminue car l’ASPA a baissé de 1000€ annuel et les aides au logement ont baissé de 525€ annuel. Cas type consultable : https://socio-fiscal.leximpact.an.fr/simulations/62b6ab2d3c047a52

 

Les « moindres gagnant.e.s » de la hausse du Mico : les personnes concernées par les aides au logement mais au-dessus de l’ASPA

Enfin pour les personnes locataires, éligibles aux aides au logement, mais dont le revenu est supérieur au plafond de l’ASPA, la hausse de la revalorisation du minimum contributif sera en partie érodée par la baisse des aides au logement.

Ainsi une personne retraitée percevant une pension de 14 000€ avant réforme et ayant obtenu une revalorisation de 1000€ (83€ mensuels), ne verra ses revenus s’améliorer que de 652€ (54€ mensuel), du fait de la baisse des aides au logement.

Figure 3 : Retraité concerné par la revalorisation du Mico, mais dont le gain est errodé par les APL

Cas type leximpact: la revalorisation de la pension est en partie errodée par la baisse des aides au logement

Lecture : A gauche, avant revalorisation du minimum contributif, retraité, locataire, dont la pension brut est de 14 000€ annuel. A droite après revalorisation du Mico de 1000€ annuel. La pension brute a augmenté, mais le revenu de la personne n’augmente que de 654€ car les aides au logement ont baissé de 525€ annuel. https://socio-fiscal.leximpact.an.fr/simulations/2b4741b4c11b9251

Il est difficile de dire avec certitude quel est le nombre de personnes effectivement concernées par ces différentes configurations. Il faudrait pour cela avoir recours à un outil de micro-simulation du type de INES ou un autre du même genre (ce que le gouvernement a dû faire pour donner les chiffrages mentionnés page 83 du dossier de presse, mais ceux-ci ne sont pas publiés).

Il est probable que ces cas soient de l’ordre de quelques centaines de milliers d’individus, ce qui est à la fois relativement peu à l’échelle de la réforme, mais pas négligeable si on tient compte du fait qu’il s’agit de retraités déjà très modestes. De plus on pourra faire remarquer que le gouvernement s’est bien davantage attardé dans ses commentaires sur la prise en compte du congé parental pour les carrières longues (qui ne concerne que 2000 à 3000 personnes par an), mais qu’il s’est abstenu de documenter les cas des vrais-faux gagnants, en les intégrant d’office dans le décompte des 1,8 million de bénéficiaires du minimum contributif.

 

30.01.2023 à 23:20

La réforme ne contient pas de pension minimum à 1200€ mais une revalorisation de certaines petites pensions

zemmour

La seule mesure de la réforme susceptible de faire réellement un nombre signifiant des « gagnantes et gagnants » concerne les minimas de pension. Mais le gain ne concernera pas nécessairement autant de personne qu’annoncées, et sera sans doute plus modeste que ce que la plupart des gens ont en tête.

En effet, la réforme ne garantit pas de pension à 1200€ mensuel, pas même pour une carrière complète. En revanche elle prévoit la revalorisation de certaines petites pensions, celles qui ont été ou seront liquidées à taux plein (c’est-à-dire soit avec une carrière complète, soit à l’âge d’annulation de la décote qui a varié de 65 à 67 ans, soit en invalidité) pour un montant compris entre 0€ et 100€.

Au terme de la réforme, 40% des femmes retraitées et 15% des hommes retraités auraient toujours une pension brute de moins de 1200.

 

Description de la mesure : une revalorisation du "mico" ou minimum contributif

La mesure prévoit une revalorisation du « minimum contributif », c’est-à-dire du calcul de la pension de base (hors retraite complémentaire) des petites pensions. Cette revalorisation serait de 25€ (minimum contributif non majoré) pour les personnes ayant passé moins de 30 ans en emploi (trimestres « cotisés ») ayant une carrière complète (par des validations de trimestres), et jusqu’à 100€ pour les personnes ayant une carrière complète et plus de 30 ans en emploi (je parle ici comme dans tout le billet en euros par mois).

Les personnes ayant atteint le taux plein, mais n’ayant pas une carrière complète, connaîtront une revalorisation proportionnelle à le durée de carrière. Les gains individuels de la mesure sont donc compris entre 1€ et 100€.

Les personnes liquidant ou ayant liquidé leur pension avec une décote (donc pas "à taux plein" )  sont exclues de la mesure.

Enfin, les nouvelles personnes retraitées dont la pension serait déjà supérieure à 1200€ sans réforme (c’est en fait déjà le cas de la plupart des personnes ayant eu une carrière complète à temps plein) connaîtront sans doute une revalorisation encore plus faible (il y a un plafond de ressource actuellement à 1323€ mensuel au-delà duquel le minimum contributif n’intervient plus).  

Selon le dossier de presse (ou « étude d’impact ») du gouvernement, en pratique la revalorisation serait en moyenne de 33€ par mois pour 25% environ 200 000 nouveaux retraité.e.s par an (soit 25% du « flux ») et 57€ par mois pour 1,8 million de retraités actuels (environ 10% du « stock » de retraité.e.s).

Selon le même dossier de presse gain mensuel est plus important en moyenne parmi les nouveaux retraités du 3e décile (dont la pension actuelle est un peu supérieure à 1000€ brut), et plus faible pour les autres déciles (notamment les plus modestes pour qui la proportion de carrières incomplètes est plus importante).

Est-ce que cette revalorisation serait une amélioration par rapport à l’existant ? Oui, mais pas pour tout le monde

Parmi les personnes cibles de la mesure, certaines devraient y gagner une revalorisation mensuelle, mais certaines personnes perdent des droits ou de l’argent par rapport à la situation actuelle.

Les personnes qui devraient y gagner à coup sûr sont les personnes qui ne devront pas décaler leur âge de départ, ont déjà liquidé leur pension à taux plein et ne sont pas au minimum vieillesse.

Par contre parmi les futurs retraités, pour celles et ceux qui devront décaler leur âge de départ, initialement prévu à 62 ou 63 ans, ce n’est pas forcément un gain : dans le système actuel, quelqu’un qui a une pension d’environ 1000€ et qui décale volontairement son départ de deux ans gagne déjà environ 100€ de plus. Ces personnes-là avec la réforme ne gagneraient donc pas tellement d’argent mais perdraient surtout le droit de partir à 62 ou 63 ans.

Sur 25% de nouveaux retraités concernés par la mesure on peut estimer à la lecture de l’ « étude d’impact »  qu’environ les trois quarts des retraités gagnent en montant sans avoir à décaler leur départ (principalement des personnes en invalidité ou qui sont partis entre 65 et 67 ans), et environ un quart de personnes bénéficiaires de la mesure sont obligées de décaler leur départ et ne gagnent donc pas tant que ça (les personnes partant au taux plein par la durée, ou avec une surcote).

 

Quelques commentaires :

En se basant sur les statistiques de 2016 (Figure 1 ci-dessous), dernières disponibles, on peut donner les ordres de grandeur suivants :

  1. Parmi les retraités actuels, les seuls qui peuvent espérer passer la barre des 1200€ brut au terme de la réforme sont des retraités dont les droits à pensions sont aujourd’hui déjà supérieurs à 1100€ - car le gain maximum possible à la réforme est de 100€ par mois. L’ordre de grandeur des personnes dans cette situation est de l’ordre de 5% des retraités (plutôt même moins car seule les personnes à carrière complète auront une revalorisation pouvant s’élever jusqu’à 100€). Ce raisonnement est un majorant car il porte sur l’ensemble des retraités. Or en pratique les retraités de certains régimes, notamment ceux de la fonction publique ne sont pas revalorisés à ma connaissance, même si leur pension est faible (le minima de pension de la fonction publique est déjà plus élevé).

 

  1. Au terme de la réforme, de l’ordre de 25% à 30% des retraités – et environ 40% des femmes retraitées et 15% des hommes retraités - recevront toujours une pension inférieure à 1200€ bruts.

 

  1. Parmi les 20% de retraités les plus modestes, au moins un tiers ne seront concernés par aucune revalorisation (en effet en 2016, seul 65% des retraités du premier quintile étaient concernés par un minima de pension).  Là aussi c’est un minorant calculé sur l’ensemble des retraités.

 

Figure 1: Distribution des montants de pensions brut en 2016

distribution du montant des pensions brutes de droit direct en 2016. un peu moins de 35% des pensions sont inférieures à la barre des 85% du SMIC net. environ 5% sont dans la bande de 100€ sous cette barre.

Données EIR 2016 (DREES). Champ: Pension brute de droit direct, tous retraités. Lecture :  en 2016, environ 35% des retraités avaient une pension brute inférieure à 85% du SMIC net. Une revalorisation de 100 euros brut aurait permis au maximum à 5% des retraités de franchir la barre des 85% du SMIC net.

 

Il s’agit donc bien d’une revalorisation de certaines petites pensions, mais d’une ampleur relativement limitée, et bien loin d’une « pension minimale à 1200€ pour tous ». 

Enfin si on s’intéresse non plus au montant de la seule pension, mais au pouvoir d’achat global des ménages concernés (ou au niveau de vie), il est certain que le nombre de gagnants sera en fait plus faible que le 1,8 million de personnes annoncé par le gouvernement - et certains pourraient même y perdre -, mais je détaillerai ça dans un second billet.

 

 

Texte intégral (1395 mots)

La seule mesure de la réforme susceptible de faire réellement un nombre signifiant des « gagnantes et gagnants » concerne les minimas de pension. Mais le gain ne concernera pas nécessairement autant de personne qu’annoncées, et sera sans doute plus modeste que ce que la plupart des gens ont en tête.

En effet, la réforme ne garantit pas de pension à 1200€ mensuel, pas même pour une carrière complète. En revanche elle prévoit la revalorisation de certaines petites pensions, celles qui ont été ou seront liquidées à taux plein (c’est-à-dire soit avec une carrière complète, soit à l’âge d’annulation de la décote qui a varié de 65 à 67 ans, soit en invalidité) pour un montant compris entre 0€ et 100€.

Au terme de la réforme, 40% des femmes retraitées et 15% des hommes retraités auraient toujours une pension brute de moins de 1200.

 

Description de la mesure : une revalorisation du "mico" ou minimum contributif

La mesure prévoit une revalorisation du « minimum contributif », c’est-à-dire du calcul de la pension de base (hors retraite complémentaire) des petites pensions. Cette revalorisation serait de 25€ (minimum contributif non majoré) pour les personnes ayant passé moins de 30 ans en emploi (trimestres « cotisés ») ayant une carrière complète (par des validations de trimestres), et jusqu’à 100€ pour les personnes ayant une carrière complète et plus de 30 ans en emploi (je parle ici comme dans tout le billet en euros par mois).

Les personnes ayant atteint le taux plein, mais n’ayant pas une carrière complète, connaîtront une revalorisation proportionnelle à le durée de carrière. Les gains individuels de la mesure sont donc compris entre 1€ et 100€.

Les personnes liquidant ou ayant liquidé leur pension avec une décote (donc pas "à taux plein" )  sont exclues de la mesure.

Enfin, les nouvelles personnes retraitées dont la pension serait déjà supérieure à 1200€ sans réforme (c’est en fait déjà le cas de la plupart des personnes ayant eu une carrière complète à temps plein) connaîtront sans doute une revalorisation encore plus faible (il y a un plafond de ressource actuellement à 1323€ mensuel au-delà duquel le minimum contributif n’intervient plus).  

Selon le dossier de presse (ou « étude d’impact ») du gouvernement, en pratique la revalorisation serait en moyenne de 33€ par mois pour 25% environ 200 000 nouveaux retraité.e.s par an (soit 25% du « flux ») et 57€ par mois pour 1,8 million de retraités actuels (environ 10% du « stock » de retraité.e.s).

Selon le même dossier de presse gain mensuel est plus important en moyenne parmi les nouveaux retraités du 3e décile (dont la pension actuelle est un peu supérieure à 1000€ brut), et plus faible pour les autres déciles (notamment les plus modestes pour qui la proportion de carrières incomplètes est plus importante).

Est-ce que cette revalorisation serait une amélioration par rapport à l’existant ? Oui, mais pas pour tout le monde

Parmi les personnes cibles de la mesure, certaines devraient y gagner une revalorisation mensuelle, mais certaines personnes perdent des droits ou de l’argent par rapport à la situation actuelle.

Les personnes qui devraient y gagner à coup sûr sont les personnes qui ne devront pas décaler leur âge de départ, ont déjà liquidé leur pension à taux plein et ne sont pas au minimum vieillesse.

Par contre parmi les futurs retraités, pour celles et ceux qui devront décaler leur âge de départ, initialement prévu à 62 ou 63 ans, ce n’est pas forcément un gain : dans le système actuel, quelqu’un qui a une pension d’environ 1000€ et qui décale volontairement son départ de deux ans gagne déjà environ 100€ de plus. Ces personnes-là avec la réforme ne gagneraient donc pas tellement d’argent mais perdraient surtout le droit de partir à 62 ou 63 ans.

Sur 25% de nouveaux retraités concernés par la mesure on peut estimer à la lecture de l’ « étude d’impact »  qu’environ les trois quarts des retraités gagnent en montant sans avoir à décaler leur départ (principalement des personnes en invalidité ou qui sont partis entre 65 et 67 ans), et environ un quart de personnes bénéficiaires de la mesure sont obligées de décaler leur départ et ne gagnent donc pas tant que ça (les personnes partant au taux plein par la durée, ou avec une surcote).

 

Quelques commentaires :

En se basant sur les statistiques de 2016 (Figure 1 ci-dessous), dernières disponibles, on peut donner les ordres de grandeur suivants :

  1. Parmi les retraités actuels, les seuls qui peuvent espérer passer la barre des 1200€ brut au terme de la réforme sont des retraités dont les droits à pensions sont aujourd’hui déjà supérieurs à 1100€ - car le gain maximum possible à la réforme est de 100€ par mois. L’ordre de grandeur des personnes dans cette situation est de l’ordre de 5% des retraités (plutôt même moins car seule les personnes à carrière complète auront une revalorisation pouvant s’élever jusqu’à 100€). Ce raisonnement est un majorant car il porte sur l’ensemble des retraités. Or en pratique les retraités de certains régimes, notamment ceux de la fonction publique ne sont pas revalorisés à ma connaissance, même si leur pension est faible (le minima de pension de la fonction publique est déjà plus élevé).

 

  1. Au terme de la réforme, de l’ordre de 25% à 30% des retraités – et environ 40% des femmes retraitées et 15% des hommes retraités - recevront toujours une pension inférieure à 1200€ bruts.

 

  1. Parmi les 20% de retraités les plus modestes, au moins un tiers ne seront concernés par aucune revalorisation (en effet en 2016, seul 65% des retraités du premier quintile étaient concernés par un minima de pension).  Là aussi c’est un minorant calculé sur l’ensemble des retraités.

 

Figure 1: Distribution des montants de pensions brut en 2016

distribution du montant des pensions brutes de droit direct en 2016. un peu moins de 35% des pensions sont inférieures à la barre des 85% du SMIC net. environ 5% sont dans la bande de 100€ sous cette barre.

Données EIR 2016 (DREES). Champ: Pension brute de droit direct, tous retraités. Lecture :  en 2016, environ 35% des retraités avaient une pension brute inférieure à 85% du SMIC net. Une revalorisation de 100 euros brut aurait permis au maximum à 5% des retraités de franchir la barre des 85% du SMIC net.

 

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