Groupe d'observation et de critique des comparutions immédiates à Grenoble
Publié le 20.04.2022 à 16:04
Permis roumain
G est né en Roumanie, il a la quarantaine et réside en France depuis 1993.
Il comparait pour conduite sans permis et usage d’un permis européen sans l’avoir échangé contre un permis français à points. Il devait comparaitre 2 jours plus tard pour conduite en état d’ivresse en état de récidive, mais les juges décident en début d’audience de faire la « jonction » de ces deux procédures.
Avant de commencer la lecture des faits, la juge questionne G. sur sa capacité à parler et à comprendre le français.
Dans les faits, G a été arrêté au volant d’un véhicule, en état d’ivresse et sans permis (celui-ci lui a été retiré pour 1 an). La juge rappelle qu’il a plusieurs mentions à son casier concernant le même type de faits, ainsi qu’un homicide involontaire du fait d’un accident de la route provoqué par G.
G est marié et père de 2 enfants. Il travaille dans le BTP mais son CDI est suspendu depuis qu’il n’a plus le droit de conduire.
la juge : – Vous aviez déclaré aux gendarmes que vous n’étiez pas détenteur de votre permis.
G : – J’avais pas….
la juge qui s’énerve et le coupe : – laissez-moi parler et puis ensuite vous pourrez vous expliquer monsieur s’il vous plait! Vous aviez expliqué que vous alliez sur un chantier dans le cadre de votre activité professionnelle et que nous n’avez pas osé dire à votre employeur que vous n’aviez plus le permis.
G explique : Comme j’ai un permis roumain, on n’avait pas de points. (le système de permis à points a été mis en place en 2009 en Roumanie).
Les juges comprennent de travers : « Il peut plus conduire parce qu’il n’a plus de points! » dit le greffier
G : – Nan, il n’y a pas de points sur notre permis !
greffier – Vous, vous n’avez pas de point sur votre permis?!
G : – Non c’est pas ça!
On lui reproche l’infraction de ne pas avoir échangé son permis roumain contre un permis français.
la juge : – vous saviez que vous deviez échanger votre permis contre un permis français à points?
G : – Oui, j’avais commencé les démarches 3 semaines avant.
Il détaille les complications qu’il a rencontré à la préfecture.
la juge : – oui mais ça n’a pas abouti. Tant que vous n’avez pas le document officiel vous ne pouvez pas conduire.
Une assesseure intervient alors pour insister sur la leçon de morale : – j’ai une question Monsieur G, qu’est-ce qu’il faut faire en terme de peine pour qu’on ne vous retrouve plus sur les routes en état d’ivresse? Y a eu des comparutions, du ferme, du sursis…
Elle poursuit : – Le jour où votre fille se fait renverser par un chauffard qui a consommé de l’alcool et qu’elle décède vous en pensez quoi monsieur ? Si vous apprenez qu’il est récidiviste vous en pensez quoi?
Après un long silence dans la salle : « vous pouvez vous asseoir«
Le procureur, Eric Vaillant se lance : – G cherche à nous embrouiller avec son histoire de permis roumain. Vous êtes roumain, vous etes membre de l’UE, aucun souci, votre permis roumain est valide en france, néanmoins il doit etre changé car vous habitez en france et qu’en plus vous avez commis des infractions en france!
Vous avez cette obligation de changer votre permis et vous ne l’avez pas fait. Vous nous dites y a des problemes à la préfecture, que ci que ça ! On se dit : quand est-ce qu’il va tuer une seconde fois ? C’est la question qu’on se pose tous !
Le procureur poursuit, d’un ton agressif et haussant la voix : Que faire de monsieur G ? Une certitude, tant que vous êtes en prison, vous ne conduisez pas, tant que vous etes en prison, les gens dans la salle et les gens sur la route sont en sécurité, et la société est tranquille!
Il requiert 16 mois de prison dont 4 mois avec sursis pendant 3 ans. « Je demande aussi une obligation de soins et d’indemniser…. ah non il n’y a pas de victime !… de payer l’amende de 300 euros et son maintien en détention«
L’avocate de G. rappelle son addiction à l’alcool mais ses tentatives pour s’en sortir. Elle démontre que depuis sa sortie de prison, G a respecté les obligations de soins, il a été testé négatif à l’alcool tous les mois. « Depuis sa dernière condamnation, il s’est repris en main«
Elle met en doute les « bienfaits » de l’incarcération : « Il a conscience de la dangerosité d’une consommation d’alcool au volant mais je ne pense pas que la solution soit de le maintenir encore des mois en prison car certes pendant ce temps il ne pourra pas causer d’accident mais que se passera t-il quand il sortira?«
Elle rappelle qu’il a besoin d’une prise en charge pour mettre un terme à cette consommation de manière définitive. « Je vous demanderai de faire preuve de clémence. »
G. prend 16 mois de prison dont 8 avec sursis.
Publié le 14.04.2022 à 02:33
Rébellion au mitard
K. a 18 ans.
Il comparait pour « faits de rébellion, violences et dégradations par incendies », commis lors de la peine qu’il purge en prison depuis un an, prononcée par le juge des enfants. Il était mineur à son entrée en détention.
Dans les faits, K. est jugé pour avoir poussé une porte sur un surveillant puis pour lui avoir donné un coup de poing et pour avoir mis le feu deux fois dans la cellule disciplinaire * dans laquelle il était enfermé.
Le 31 décembre, K. est déplacé dans un nouveau quartier de la prison où les détenus ont en moyenne 50-60 ans. K. aurait tenté de s’opposer à ce changement.
K: J’ai exprimé mon mécontentement d’être déplacé avec des gens de 50, 60 ans. J’ai juste résisté.
La juge explique que les gardiens ont décidé de le punir en l’enfermant au mitard. Ils l’ont plaqué au sol, lui ont fait une fouille et l’ont emmené dans le quartier disciplinaire, situé au sous-sol de la prison.
K. aurait alors tenté d’empêcher la fermeture de la porte de la cellule du mitard. Le surveillant se serait alors précipité vers la porte. K explique : J’ai poussé la porte, ils ont foncé dessus. C’est pour ça qu’il a pris la porte.
K. aurait donné alors un coup de poing au gardien. Une fois la porte du mitard fermée, il met le feu à du journal. Les surveillants l’emmènent à l’infirmerie. Une demi heure plus tard, de retour au mitard, il tente de nouveau de mettre le feu dans la cellule, qui n’est pas endommagée.
K. : « Je ne voulais pas être au mitard le 31 décembre, c’est tout. La pièce elle fait même pas 2m². »
Et en parlant des surveillants : « Eux aussi ont leurs torts. Dès que quelqu’un exprime son mécontentement, il va au mitard. Je ne voulais pas aller au 1er étage, j’ai le droit ! Ils m’ont menotté, mes poignets étaient dans un état… ils m’ont mis au sol. »
La juge l’interrompt : « Monsieur ! Enlevez les mains de vos poches monsieur !«
Après une longue interruption (plus de 30 minutes) suite à un exercice de sécurité incendie dans le tribunal, l’audience reprend. On sent l’impatience de K.
La juge lit ensuite les éléments de personnalité. K. a vécu dans plusieurs foyers, il a arrêté sa scolarité avant le collège. Il a quelques mentions à son casier, pour trafics de stups et violences. L’avocate intervient pour préciser qu’il veut préparer un CAP, qu’il a été bénévole dans une association.
L’avocat de la partie civile reconnait que le coup dans la porte ne peut pas être considéré comme une violence volontaire, mais s’émeut du sort des matons : « les surveillants ne sont pas des punching-ball, il ne faut pas rejeter sur eux les conséquences de vos comportements, vos choix de vie ». Il estime que K affabule lorsqu’il dit que les surveillants ont volontairement rallongé sa peine pour gâcher son nouvel-an, et ont menti pour se soutenir entre eux.
Le procureur en personne, Eric Vaillant, lui, demande que le coup dans la porte soit retenu dans les accusations comme fait de violence.
D’un ton paternaliste, il lui dit qu’il parle très bien français (K. est pourtant français) : « Vous avez des capacités. C’est le moment de saisir la perche que le tribunal vous tend. Soit vous continuez votre délinquance et nous on sera là. Soit vous vous réorientez. »
Il précise avoir hésité entre requérir une peine ferme qui se rajouterait à celle déjà en cours ou une « peine de préparation à la sortie », choisissant alors dans sa grande mansuétude cette deuxième option en raison du jeune âge de K, et pour « mieux accompagner sa sortie ». Il demande 3 mois avec sursis, l’obligation d’indemniser les gardiens et de travailler ou de suivre une formation.
L’avocate de K rappelle que c’est « uniquement en allant en quartier disciplinaire qu’il s’est rebellé », et qu’il a avant tout besoin d’être accompagné : « Il a déjà passé beaucoup trop de temps en détention ». Elle est d’accord avec la réquisition du procureur qui demande une peine de sursis probatoire.
Après une longue délibération, les juges prononcent finalement la jonction de 2 dossiers, en lui mettant une peine de 16 mois dont 8 mois avec sursis et 8 mois ferme ainsi qu’une amende pour l’autre affaire qui concerne une conduite sans permis : « vous aurez droit à une réduction de 20% si vous payez dans le mois ».
K : « comment je paye l’amende, parce que je suis en prison? »
juge : « l’amende c’est dès lors que vous avez pas changé votre permis de conduire, ce sera chaque fois une nouvelle amende c’est comme ça »
greffier : « nan c’est pas ça, c’est payer l’amende qu’il veut »
juge « ah j’avais pas compris pardon »
Pendant le reste de l’après-midi, on entendra des bruits provenant du sous-sol du tribunal où sont enfermés les prévenus avant de retourner en prison, notamment des cris et des coups de K. qui supporte mal d’être attaché et enfermé. Les juges feront comme si de rien n’était malgré les bruits, et de temps en temps feront une remarque à l’escorte de flics : « Merci à votre collègue d’aller calmer les choses en bas »
NOTE
* quartier disciplinaire : pour rappel, le quartier disciplinaire (QD), dit aussi « mitard », est la sanction la plus prononcée en prison (plus de 7 fois sur 10).
Le taux de suicide y est 7 fois plus élevé qu’en cellule normale, selon l’OIP. “le quartier disciplinaire est ainsi l’endroit de la prison où il y a le plus d’automutilations, de morts et de dérapages d’agents”. L’association Génépi Lyon explique que “les conditions au mitard peuvent être une vraie épreuve de torture de 30 jours d’affilés, alors même que la Cour européenne des droits de l’homme estime que cette sanction ne devrait pas excéder 14 jours.”
Rappelons aussi la mort d’Idir, 22 ans, retrouvé pendu en septembre 2020 dans une cellule de QD à Corbas (Lyon). Sa famille se bat depuis, en créant l’association Idir espoir et solidarité, pour prouver qu’il a été tué par les matons :
» On en est à 84 « suicides » en prison depuis le début de l’année. On est en septembre. Il faut savoir que c’est des crimes qui sont maquillés. Mais même s’il y a vraiment autant de suicides, la question c’est pourquoi il y a autant de suicides ? Qu’est ce qu’on leur fait à nos petits jeunes pour qu’ils arrêtent de croire en la vie, en leur religion, en leur famille ? Qu’est ce qu’on leur fait subir pour leur faire croire qu’ils ont pas de dignité et qu’ils sont seuls au monde ? Et voilà vous êtes pas seuls, on est là, pour tous les détenus de France. «
Publié le 21.03.2022 à 02:12
Menace avec couteau
J. a la trentaine, il est né en Algérie, il n’a pas de titre de séjour valide. Une traductrice est présente.
Il comparait pour violence avec arme sur son frère.
Dans les faits, J. s’est rendu un soir chez son frère. Ils se sont disputés et J l’aurait menacé d’un couteau puis lui aurait donné des coups de poings.
J. nie l’utilisation du couteau et reconnait les coups de poing et son état d’ivresse.
J : Je suis une personne normale, comme tout le monde. Je travaille parfois dans les marchés. Je fais du sport.
La juge revient longuement sur sa consommation d’alcool et de stupéfiants.
Juge : Est-ce qu’il pense qu’il a un problème avec l’alcool ?
J: Des fois oui.
Juge : Et les stupéfiants ?
J : Pas beaucoup.
Elle le questionne alors de façon insistante pour savoir d’où il vient et pourquoi il est venu en France. Je voudrais refaire le point sur votre situation familiale. Vous êtes très isolé et vous vivez seul. La plupart de votre famille est en Algérie.
J revient alors sur son parcours et les difficultés qui ont amené son départ en France.
La juge l’interrompt : Arrêtez de me prendre pour une bille monsieur J ! Ça ne marchera pas ! Expliquez nous votre parcours.
J reprend et explique de nouveau les difficultés en Algérie.
La juge le traite de menteur et lui coupant la parole : Le problème c’est qu’on a l’impression que vous mentez! Vous n’avez jamais eu d’OQTF (obligation de quitter le territoire français) ? Pourquoi aucun membre de votre famille ne vous a accueilli? Vous avez dit que la mère de votre fiancée vous a mis à la porte.
Dans la salle, une femme réagit, parle en arabe puis dit « sale menteur! »
J : Madame la juge, elle m’a insulté!
la juge continue comme si de rien n’était : votre projet, c’est quoi?
On apprend que J. a été condamné à 3 mois de prison avec sursis et qu’il est interdit de séjour sur le territoire français depuis mars 2020.
« Comment ça se passe à la prison? »
J : Pas bien, je n’arrive pas à rester bien.
juge : Ca ne s’est pas bien passé dans ses précédentes incarcérations. Effectivement, il n’est pas bien.
L’avocate intervient : non en fait il n’y a pas eu de retrait…
La juge : ah oui au temps pour moi, ça s’est plutôt bien passé. Comment envisagez vous votre sortie ?
J : Je souhaite travailler, faire quelque chose de ma vie, avoir un avenir. Je ne dérange personne.
Le procureur prend alors la suite : C’est une chose d’être agressif, d’être en colère. Mais il y a une violence intrinsèque chez monsieur J. C’est inquiétant, et c’est ce qui justifie ce mandat de dépôt.
Il y a un problème avec l’alcool, et le second problème est qu’il aurait dû quitter le territoire français. Il voulait retarder ça par une demande d’asile; c’est son droit, je ne le conteste pas. Mais il n’aurait jamais dû être présent ici ou chez son frère. Je ne vois pas beaucoup d’espoir dans l’avenir. Il ne semble pas prendre conscience des addictions qui l’animent.
Le procureur requiert une interdiction de séjour dans l’agglomération grenobloise et 6 mois de prison ferme. Il termine par : Cela lui permettra de constater que sa présence sur le territoire français est un échec!
L’avocate de J. rebondit sur ces propos : Finalement, ce que le procureur demande, c’est de se débarrasser du problème! ‘pas chez nous’!
Elle rappelle que les blessures du frère sont superficielles et que J. reconnait les faits. « Bien évidemment qu’il ne se souvient pas de cette soirée : drogue plus médicaments, c’est une sorte de cocktail molotov!«
Elle insiste sur sa précarité : Qu’on m’explique comment on fait pour vivre avec 300 ou 400 euros! Il a un avenir qui s’obscurcit. Je vous demande de ne pas ajouter de la gravité aux faits. J’avais sollicité une expertise psychiatrique la dernière fois, le tribunal a estimé qu’il n’y avait pas de dangerosité et a refusé cette expertise.
Elle ajoute qu’on a les mêmes droits de défense qu’on soit en situation régulière ou irrégulière : Je ne vais pas vous apprendre comment ça marche dans sa situation, évidemment qu’il n’a pas de garanties. Mettre des choses en place, vous voulez qu’il fasse quoi? Le travail, c’est pas possible !
Evoquant l’OQTF : Et il va où maintenant ?
Elle s’insurge suite à la remarque du procureur qui comparait la situation de J. aux événements d’insurrection en Corse qui ont eu lieu à la même période, allusion complètement hors propos.
Les juges se retirent de la salle pour délibérer. Des personnes de la famille du frère échangent avec le procureur et lui remettent même des documents.
J. prend une peine de 6 mois de prison ferme.
Publié le 07.03.2022 à 01:12
infraction à l’interdiction de lieu
F. a 19 ans. Il a fait une première comparution immédiate en janvier 2021 où il a été condamné à 1 an de prison ferme et à l’interdiction de se rendre sur la commune d’Échirolles pendant 3 ans.
F est sorti de prison il y a un mois et demi. Il a été arrêté à 8h du matin au volant d’un scooter avec une plaque masquée. Il roulait dans Échirolles, non loin du domicile de son père. Les faits se sont déroulés pendant la période des fêtes de fin d’année.
Depuis sa sortie de prison, F. résidait chez sa mère, qui vit dans un foyer pour femmes victimes de violences conjugales, dans une commune voisine d’Échirolles.
La juge lui demande : Pourquoi étiez vous là ?
F. : J’étais chez mon père, j’ai dormi là-bas, j’allais rentrer chez moi.
Juge : Vous saviez que vous n’aviez pas le droit de venir ici.
F. : C’était un jour de fête, je venais juste pour une soirée.
Juge : Y a pas de « juste ». C’est interdit, c’est interdit !
F. : Je ne savais pas où aller. C’est la seule famille que j’ai dans cette ville.
Juge : Et bien vous devez aller ailleurs.
On apprend que F. s’était disputé la veille avec sa mère et que son père lui avait demandé de venir retirer des recommandés à la Poste d’Échirolles.
La juge continue ses questions : Vous faisiez quoi sur ce scooter ?
F. : On me l’a prêté, j’allais chez moi.
Juge : Ça vous arrive de réfléchir monsieur ?
La juge, faisant référence à sa précédente condamnation pour détention de drogues, insiste : « On voit que les stups prennent malheureusement une place importante dans votre vie.«
F. : J’étais pas sur un point de deal.
Juge : Qu’avez-vous fait depuis 1 mois 1/2 ?
F. : J’ai eu un RDV avec le SPIP (Service Pénitencier d’Insertion et de Probation). J’ai pas fais grand chose.
Juge : Vous allez avoir 20 ans. Vous vous souciez de votre avenir professionnel ?
F. : Ça fait depuis que j’ai 19 ans que je suis en prison.
La juge lui reproche alors de ne pas être « proactif dans ses démarches« .
L’avocate de F. intervient pour préciser qu’il habite chez sa mère, dont l’adresse est tenue secrète afin de la protéger de son ancien mari, le père de F.
L’avocate : « Je ne demande pas de sortir les mouchoirs« , revient sur la séparation des parents de F. du fait de violences conjugales. F. avait alors 17 ans. « C’est là qu’il a commencé à dériver. » « On dirait que ce n’est pas un élément central alors que c’est essentiel.«
Le procureur choisit de revenir sur les « conditions douteuses » de son arrestation.
Il insiste sur la présence de F. dans un quartier « douteux » (sous-entendu de deal), plutôt que sur les motifs de son arrestation : conduite d’un véhicule avec une plaque masquée à Échirolles. Le procureur requiert 4 mois en semi-liberté pour « faire ses démarches » (chercher du travail et un logement).
Dans sa défense, l’avocate rappelle qu’il a pourtant été « interpellé sans difficulté« , qu’il ne transportait pas de stupéfiants et que les soupçons de deal ne peuvent être retenus : « On noircit son cas.«
Elle ne conteste pas la peine requise par le procureur et demande seulement qu’il n’y ait pas d’ajout de peine de prison ferme.
La cour condamne F. à 3 mois en semi-liberté et une convocation avec un.e juge d’application des peines, qui fixera les modalités de l’exécution de sa peine.
Publié le 03.03.2022 à 01:04
Infraction routière et outrage
S. a 26 ans. Il comparait pour une infraction routière: il a pris la fuite lors d’un contrôle de police. Il est jugé aussi pour propos outrageux : « Bande de fils de pute« .
S : J’ai paniqué. J’ai déjà été condamné en 2017 (il a fait 6 mois de prison à Varces pour outrage) pour rien, y a pas eu d’outrage, j’avais pas envie de me faire frapper. J’ai eu peur, j’ai essayé de fuir, j’avais pas envie de me faire piétiner encore. J’ai voulu m’en tirer sans faire de mal à personne, je voulais juste rentrer chez moi !
Juge : Vous vous rendez compte des risques, que vous pouvez mettre la vie des autres en danger ?
S : J’ai reconnu les faits, j’ai fait n’importe quoi et je me suis arrêté.
S. parle des violences qu’il a subi de la part des flics : Ils m’ont mis la tête dans un pull, je ne pouvais plus respirer pendant 20 minutes, j’étais écrasé, le flic m’a traité de fils de pute, j’ai reçu des coups au visage, ils m’ont tiré de la voiture. J’ai ramassé, ramassé les coups !
La juge, visiblement pas émue par son témoignage : Vous êtes sous contrôle judiciaire pour ne pas rentrer en contact avec votre ex-compagne.
S. a déjà eu plusieurs condamnations pour des vols, dégradations et outrages.
S explique sa situation difficile : J’ai grandi sans père, depuis que je suis petit y a que ma mère c’est pas pareil qu’un père qui est sévère et donne des ordres. Depuis 10 ans j’ai pas de père, je me retrouve avec des mecs qui ont des plaquettes dans les poches.
On apprend que son père battait sa mère, qu’il a été déscolarisé, qu’il est parti d’une « école de la seconde chance« , où il a été victime de racisme.
Juge : Vous avez finalement erré de formation en formation sans que ça mène quelque part. Comment vous expliquez ces abandons successifs ? Vous avez un sentiment d’injustice à votre égard, ou vous mettez ça comme excuse pour abandonner ?
S : Je suis tout seul, je suis pas stupide, je suis pas feignant, j’ai fait plein de missions intérim.
Juge : Vous ne pouvez pas vous interroger sur votre responsabilités dans tous ces échecs ?
S : Je me remets tout le temps en question, depuis que je suis en prison.
Juge : Vous avez besoin de travailler sur ces questions, le fait de se sentir tout le temps victime!
L’avocat de la partie civile s’emporte en parlant des violences qu’il a subi : C’est toujours compliqué d’entendre parler de violence policière alors que ce sont 3 policiers qui sont victimes. On sait qu’une course poursuite ça devient dangereux.
Il demande 800 euros pour chaque policier.
La procureur s’énerve à son tour : Les violences policières, quand elles sont constituées, existent, c’est regrettable. Mais utiliser ce terme à tout bout de champ ça décrédibilise les vraies victimes! Monsieur S a un discours de victimisation très prononcé, des peines toujours injustifiées, il n’y a jamais de remise en question de sa responsabilité à lui.
L’avocate de S ajoute des détails : On ne peut pas contester qu’il y a eu une interpellation musclée. Des coups de genou, pour que la trace ne soit pas visible. Le coup est reconnu par les policiers ! On n’a pas de photo, on ne sait pas qui a percuté qui, entre les 2 voitures. On n’a rien dans ce dossier ! On n’a pas la vidéo filmée par un témoin. Vous allez forcément croire la version des policiers qui ont dit la même chose près, à la virgule, dans leur procès-verbal! On sait que la parole de Monsieur S est moins importante. Il va devoir travailler sur plusieurs points, le fait de dire qu’il se sent rejeté, discriminé. Est ce que l’éliminer de la société pendant 6 mois sera bénéfique pour lui et pour la société ? Je ne crois pas ! S a besoin de soins, de suivre une formation, d’avoir un emploi, pas d’être mis à l’écart. Dans ce dossier il y a beaucoup de zones d’ombres !
S prend une peine de 5 mois de prison ferme et de 5 mois sursis avec maintien en détention (la procureur demandait 6 mois).