11.07.2025 à 17:46
Human Rights Watch
(New York) – Des manifestants arrêtés pour avoir participé aux manifestations pacifiques de juillet 2021 à Cuba ont été victimes de graves abus en prison, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Un accord conclu en janvier 2025 a conduit à la libération de nombreux prisonniers, mais des centaines d’autres personnes sont toujours en détention.
D'anciens détenus libérés en janvier, à la suite de négociations menées principalement avec le Vatican, ont déclaré à Human Rights Watch avoir été battus lors de leur détention, et parfois placés à l'isolement en guise de puntion. Ils ont décrit des conditions de détention insalubres et dangereuses pour leur santé, y compris l’insuffisance de l’alimentation et de l’accès à l’eau. Ils ont indiqué qu'ils restent sous surveillance constante, et sont soumis à des conditions strictes, dont certaines semblent avoir été imposées de manière informelle. Nombre d'entre eux craignent d'être renvoyés en prison, et au moins trois des personnes libérées ont été de nouveau arrêtées.
« Il y a quatre ans, le gouvernement cubain a déclenché une vague de répression contre des milliers de Cubains qui sont descendus pacifiquement dans la rue pour réclamer leurs droits et leurs libertés », a déclaré Juanita Goebertus, directrice de la division Amériques à Human Rights Watch. « Aujourd'hui, des centaines de personnes sont toujours derrière les barreaux dans des conditions déplorables. »
Entre mars et mai 2025, Human Rights Watch a mené des entretiens téléphoniques avec 17 anciens détenus cubains. Parmi eux figuraient des hommes qui avaient été détenus dans six prisons pour hommes (Alto Río de Guanajay, Boniato, Cerámica Roja, Mar Verde, Valle Grande et Unidad 1580) ainsi que des femmes qui avaient été incarcérées dans deux prisons pour femmes (centres de Guamajal et de Matanzas). Plusieurs personnes ont déclaré avoir été transférées dans des camps pénitentiaires ou d’autres établissements avec des normes sécuritaires moins strictes au cours de leur détention. Trois organisations indépendantes de défense des droits humains – Cubalex, Justicia 11J et Prisoners Defenders – ont facilité le contact avec certains ex-détenus. En raison du risque de représailles, Human Rights Watch s’abstient de divulguer l'identité de la plupart des personnes interrogées.
De nombreux anciens détenus ont décrit des violences physiques infligées par des gardiens de prison. Ils ont déclaré avoir été battus par des gardiens pour avoir crié des slogans antigouvernementaux ou protesté contre les conditions de détention. Nombre d'entre eux ont déclaré avoir été soumis à des positions pénibles, comme celle de la « bicyclette » (« la bicicleta ») parfois aussi appelée position de la « brouette » (« la carretilla »), lors de laquelle les prisonniers sont contraints de courir, menottés, les bras levés au-dessus de la tête.
D'anciens détenus ont systématiquement décrit la surpopulation des cellules et le manque d'accès à la nourriture et à l'eau potable, tant pour les prisonniers politiques que pour les prisonniers de droit commun. « Si ta famille ne t'apporte pas à manger, tu meurs », a déclaré un ancien détenu. « La nourriture qu'ils te donnaient était immangeable. Il y avait des vers dedans », a ajouté un autre.
Les anciens détenus ont décrit des épidémies de gale, de tuberculose, de dengue et de Covid-19, qui, selon eux, n'étaient pas traitées. Ils ont indiqué que les autorités pénitentiaires ignoraient régulièrement les préoccupations médicales et, dans de nombreux cas, punissaient les détenus qui s'inquiétaient de l'insalubrité ou des pénuries alimentaires. Ceux qui protestaient ont déclaré qu'ils étaient fréquemment placés à l'isolement ou privés de visites, d'appels ou d'accès aux colis envoyés par leurs proches.
En janvier 2025, les autorités cubaines ont annoncé la libération de 553 prisonniers à la suite de négociations entre le gouvernement cubain, le Vatican et les États-Unis. Des organisations indépendantes de défense des droits humains, dont Cubalex, Justicia 11J, et Prisoners Defenders, estiment qu'environ 200 des personnes libérées étaient des prisonniers politiques, les autres étant des prisonniers de droit commun.
Le 14 janvier 2025, peu après l’annonce par le gouvernement cubain concernant la libération des prisonniers, l'administration Biden a retiré Cuba de la liste américaine des pays soutenant le terrorisme ; les pays figurant sur cette liste sont soumis à des restrictions portant sur l'aide fournie par les États-Unis, et sur les liens commerciaux. Toutefois, le 20 janvier, premier jour de son deuxième mandat, le président Donald Trump a révoqué cette mesure de l’administration Biden, et a à nouveau rajouté Cuba à cette liste.
De nombreux manifestants libérés ont déclaré être tenus d'accepter des emplois assignés par l'État, de se présenter régulièrement aux agents de sécurité et de demander l'autorisation de quitter leur municipalité. Plusieurs ont également déclaré qu'il leur était interdit de participer à des manifestations publiques, de s'associer à des groupes d'opposition et de publier sur les réseaux sociaux. Dans certains cas au moins, ces conditions semblent avoir été imposées de manière informelle et arbitraire, car elles ne figurent ni dans un ordre écrit ni dans les conditions de libération imposées par un tribunal.
Des membres des services de renseignement, connus sous le nom de « sécurité de l'État », ont suivi les personnes libérées dans la rue et se sont rendus à leur domicile, ont déclaré d'anciens détenus, pour les menacer, les surveiller et leur remettre des convocations écrites ou verbales à comparaître devant un tribunal ou un commissariat. « Bien que libéré de prison, je suis toujours prisonnier », a déclaré l'un d'eux. « C'est comme être un prisonnier dans la rue. »
En avril, les autorités ont de nouveau arrêté José Daniel Ferrer, leader de l'Union patriotique cubaine (Unión Patriótica Cubana, UNPACU), mouvement d'opposition, et Félix Navarro, fondateur du Parti pour la démocratie Pedro Luis Boitel (Partido por la Democracia Pedro Luis Boitel), qui avaient été libérés en janvier. En mai, les autorités ont de nouveau arrêté Donaida Pérez Paseiro, présidente de l'Association des Yorubas libres de Cuba (Asociación Yoruba Libre de Cuba), après qu'elle eut fait campagne sur les réseaux sociaux pour la libération de son mari. Ce dernier est toujours emprisonné en lien avec les manifestations de 2021.
Les Cubains continuent de subir une grave crise économique et sont confrontés à de graves pénuries de nourriture et de médicaments, un facteur important qui les a poussés à descendre dans la rue en juillet 2021. Une enquête menée en 2024 par l'Observatoire cubain des droits humains auprès de plus de 1 100 personnes a révélé que 7 Cubains sur 10 sautent un repas chaque jour et que 61 % d'entre eux peinent à subvenir à leurs besoins essentiels. Dans tout le pays, la population est également confrontée à des coupures de courant quotidiennes allant de 4 à 20 heures.
En raison de la pauvreté et de la répression politique, les Cubains ont quitté le pays en grand nombre. Dix pour cent de la population cubaine, soit plus d'un million de personnes, ont quitté le pays entre 2022 et 2023, selon le directeur de l'Office national des statistiques du pays. Des rapports indépendants indiquent que ce chiffre total pourrait être bien plus élevé.
Les gouvernements d'Amérique latine, du Canada et de l'Union européenne devraient condamner la détention arbitraire et le harcèlement par le gouvernement cubain de manifestants, de journalistes et d’activistes, et exprimer leurs inquiétudes quant aux violations des droits humains et à la grave situation humanitaire dans le pays, a déclaré Human Rights Watch. Les gouvernements devraient également accroître leur soutien aux groupes indépendants de défense des droits humains et aux journalistes à Cuba.
Suite en anglais, comprenant des témoignages d’ex-détenus.
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Articles
AgenziaNova
10.07.2025 à 18:58
Human Rights Watch
Le 9 juillet, le gouvernement des États-Unis a imposé des sanctions à Francesca Albanese, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, poste auquel elle avait été nommée par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies ; ces sanctions ont été imposées dans le cadre d’un décret précédemment émis par le président Donald Trump en février 2025.
Réagissant à l’annonce des sanctions, Liz Evenson, directrice du programme Justice internationale à Human Rights Watch, a fait la déclaration suivante :
« La décision du gouvernement américain de sanctionner Francesca Albanese pour avoir cherché à obtenir justice à travers la Cour pénale internationale vise en réalité à réduire au silence une experte de l'ONU qui fait son travail, dénonce les violations commises par Israël à l’encontre des Palestiniens, et appelle les gouvernements et les entreprises à ne pas se rendre complices de ces violations. Les États-Unis cherchent à démanteler les normes et les institutions sur lesquelles s’appuient les survivants de graves abus. Les pays membres de l'ONU et de la CPI devraient fermement résister aux efforts éhontés du gouvernement américain visant à bloquer la justice pour les crimes les plus graves au monde, et condamner les sanctions scandaleuses prises à l’encontre de Francesca Albanese. »
Autres communiqués de HRW sur Israël et la Palestine :
https://www.hrw.org/fr/moyen-orient/afrique-du-nord/israel/palestine
Autres communiqués de HRW sur la justice internationale :
https://www.hrw.org/fr/topic/justice-internationale
09.07.2025 à 06:00
Human Rights Watch
(Nairobi) – Les autorités militaires guinéennes devraient mener une enquête crédible sur les disparitions de deux activistes politiques, divulguer leur lieu de détention, et soit les inculper, soit les libérer immédiatement, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.
Il y a un an, les forces de sécurité ont arrêté arbitrairement trois membres de la coalition d'opposition Front national pour la Défense de la Constitution (FNDC), Oumar Sylla (connu sous le nom de Foniké Menguè), Mamadou Billo Bah et Mohamed Cissé, à Conakry, la capitale guinéenne, et les ont transférés vers un lieu non identifié. Human Rights Watch a reçu des informations crédibles, confirmées par des médias nationaux et internationaux, selon lesquelles les forces de sécurité auraient torturé les trois hommes. Mohamed Cissé a été libéré le 10 juillet 2024, tandis qu’Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah sont toujours portés disparus.
« Cela fait un an qu’Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah ont disparu, et les autorités guinéennes n'ont toujours pas mené d'enquête crédible », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch. « Les autorités guinéennes devraient mener une enquête approfondie et indépendante sur ces disparitions et poursuivre les responsables. »
Les autorités ont ouvert une enquête sur la disparition des trois hommes. Mais elles ont nié toute responsabilité et n'ont pas reconnu la détention des hommes ni révélé où ils se trouvaient, malgré les demandes d'informations de leurs avocats et d’organisations nationales et internationales de défense des droits humains.
Le 9 juillet 2024, des dizaines de soldats, de gendarmes et d'hommes armés en civil ont fait irruption au domicile d’Oumar Sylla et l’ont arrêté arbitrairement, ainsi que les deux autres hommes. Les forces de sécurité ont frappé à plusieurs reprises les trois militants politiques, puis les ont emmenés au quartier général de la gendarmerie à Conakry, avant de les transférer dans un camp militaire sur l'île de Kassa, au large de de la capitale.
Le FNDC appelle au rétablissement de la démocratie en Guinée depuis le coup d'État militaire de septembre 2021. En août 2022, la junte guinéenne, dirigée par le général Mamady Doumbouya, a dissous le FNDC pour des raisons politiques, mais celui-ci a poursuivi ses activités.
Le matin de sa disparition, Oumar Sylla, qui est le coordinateur du FNDC, avait exhorté ses partisans à manifester le 11 juillet 2024 contre la fermeture des médias par les autorités et le coût élevé de la vie.
Oumar Sylla faisait partie des personnes arrêtées en 2022 pour « manifestation illicite [et] destruction d’édifice public et privé » à la suite des manifestations violentes ayant eu lieu à Conakry au cours desquelles au moins cinq personnes ont été tuées. Mamadou Billo Bah, le coordinateur de la communication du FNDC, avait déjà été arrêté en janvier 2023 pour « complicité de destruction d’édifices publics et privés, coups et blessures volontaires » pour avoir participé à des manifestations. Tous deux ont été libérés en mai 2023 et innocentés de toute accusation.
Depuis sa prise de pouvoir, la junte a suspendu les médias indépendants et procédé à des arrestations arbitraires et à des disparitions forcées de journalistes et d'opposants politiques. Les forces de sécurité ont fait un usage excessif de la force, notamment de gaz lacrymogènes et de tirs à balles réelles, pour disperser des manifestants pacifiques, causant la mort de dizaines de personnes depuis janvier 2024.
Le 21 juin, des hommes armés ont enlevé et torturé Mohamed Traoré, un éminent avocat et ancien président du barreau, en représailles apparentes à sa décision de démissionner du Conseil national de transition, le principal organe de transition de la junte.
Les autorités militaires ont promis d'organiser des élections avant la fin de 2024, mais n'ont pas respecté ce délai, ce qui a déclenché des manifestations menées par l'opposition à Conakry en janvier. À la suite de ces manifestations, les autorités ont annoncé un nouveau calendrier électoral. Le général Mamady Doumbouya a fixé la date du référendum constitutionnel au 21 septembre, et le Premier ministre Amadou Oury Bah a annoncé en mai que les élections présidentielles auraient lieu en décembre.
« Après quatre ans de régime militaire, la répression des droits et libertés n'a fait que s'intensifier », a déclaré un éminent membre du FNDC qui est entré dans la clandestinité. « Le gouvernement a étouffé la liberté d'expression et de réunion ; il a neutralisé l'opposition politique par des arrestations arbitraires, des disparitions forcées, du harcèlement et des intimidations. Trop c’est trop. »
Selon le droit international, une disparition forcée survient lorsque des personnes agissant au nom du gouvernement arrêtent, détiennent ou enlèvent des personnes. puis refusent de reconnaître cet acte ou dissimulent leur lieu de détention ou ce qui leur est arrivé. Le droit international interdit les disparitions forcées, qui violent les droits fondamentaux à la liberté et à la sécurité, ainsi que le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des traitements cruels, inhumains et dégradants.
La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées stipule que « nul ne sera soumis à une disparition forcée » et impose une interdiction absolue de la détention en secret. Elle exige également des pays qu'ils mettent fin aux pratiques abusives qui facilitent les disparitions forcées, notamment la détention arbitraire au secret, la torture et les exécutions extrajudiciaires.
La Guinée n'est pas un État partie à ce traité, mais est tenue de respecter le droit international relatif aux droits humains qui interdit les arrestations illégales, les enlèvements, les détentions arbitraires, les mauvais traitements infligés aux détenus et autres violations de procédure. Elle garantit aux victimes d'abus le droit à un recours effectif.
« Lorsque les autorités nient avoir connaissance des détentions, elles privent les détenus de toute protection et les exposent à des crimes encore plus graves, comme la torture », a déclaré Ilaria Allegrozzi. « Les autorités devraient prendre des mesures immédiates et concrètes en menant une enquête crédible sur les disparitions des deux activistes, et en ratifiant la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. »