25.03.2025 à 19:26
Linsoumission
Dans nos colonnes, Jean-Luc Mélenchon livre son analyse sur les manifestations du 22 mars, une réussite pour laquelle « les insoumis ont toutes les raisons d’être satisfaits » en dépit d’un intense pilonnage médiatico-politique anti-LFI. Le leader insoumis revient sur l’accusation d’antisémitisme et ses fonctionnements pour tenter de disqualifier LFI. Face à une extrême droite dédiabolisée qui polarise sur ce nouveau socle commun, Jean-Luc Mélenchon appelle à la lutte « comme un acte de dignité personnelle et une forme d’amour pour un pays désormais pourtant hideusement défiguré ». Retrouvez son article dans nos colonnes.
À Marseille où je me trouvais, la marche du 22 mars contre le racisme et l’extrême droite tenait les rues. À Paris de même, comme je l’ai vu par les vidéos. Ailleurs de même, dans les différentes capitales régionales. Les insoumis y étaient nombreux. Très nombreux. Souvent les plus nombreux, je crois pouvoir le dire. Et parfois les seuls de toute la gauche. La même marche il y a un an était loin, très loin, d’avoir eu le même succès.
Cela montre combien les consciences ont mûri depuis et pris la mesure du danger qui s’est abattu sur le pays. Pas au point de convaincre Olivier Faure à Toulouse d’aller à la marche, ni non plus le remplaçant de Michèle Rubirola à Marseille ! Mais la vérité est que si l’on excepte des groupes de « Jeunes communistes » et quelques drapeaux écolos, la gauche traditionnelle ne peut plus cacher ses limites et son incapacité à mobiliser qui que ce soit sur le terrain.
C’est une difficulté contre laquelle nous ne pouvons rien. Mais on retiendra la responsabilité spéciale du PS qui attise sans trêve une haine anti-LFI qui finit de démobiliser ses rares militants non professionnels. Comme, le même jour, tous leurs chefs étaient retenus à Toulouse ou bien en Bretagne dans des réunions de complots pour le congrès, ils étaient enfermés dans leur entre-soi d’une façon caricaturale. C’est un petit moins seulement pour la mobilisation, mais c’est quand même dommage.
Pour aller plus loin : Succès des manifestations du 22 mars : retour en images sur une journée de résistance populaire contre le racisme et l’extrême droite
Les insoumis ont toutes les raisons d’être satisfaits de leur mobilisation au service de cette réussite. C’est la deuxième fois que nous participons à une mobilisation décentralisée alors que nous sommes habitués à des initiatives nationales. Nous constatons que nous savons désormais réussir à cette échelle aussi. Les chiffres officiels eux-mêmes prouvent que la mobilisation était une réussite.
La composition de nos rangs, jeunes, féminins et racisés, prouve que l’onde porteuse est bien celle de la jeunesse progressiste du pays. Nous l’avons réussi en dépit d’une invisibilisation médiatique quasi totale et sous les coups de onze jours de pilonnage des médias et des journalistes mobilisés par la défense d’Hanouna sous prétexte de lutte contre l’antisémitisme.
Il était essentiel pour la fachosphère de réussir une diversion et leur opération contre le visuel n’avait pas d’autre objectif. Ce fut pour eux un succès puisque le dit visuel ayant été pourtant aussitôt retiré, les médias continuaient non seulement à le diffuser, mais diffusaient en même temps une vraie affiche antisémite des années trente. Preuve que tout cela était une comédie sans rapport avec la lutte contre l’antisémitisme !
C’est la première fois que la sphère médiatique les relaie aussi longtemps. Montrant leurs véritables objectifs, plusieurs tentèrent de faire durer cette campagne diffamatoire le jour de la marche et même le lendemain en essayant de créer un lien entre l’agression d’un rabbin et LFI. BFM pendant ces heures noires de harcèlement a battu tous les records. « Rabbin agressé. LFI responsable », demandait un bandeau. La veille, la chaine rendait le ramadan musulman responsable de la pénurie d’œufs !
L’an dernier, la même chaîne leur imputait la pénurie d’huile d’olive ! « France Info » de son côté inventait un slogan antisémite soi-disant entendu dans la marche avant de se rétracter en reconnaissant que « l’information n’était pas avérée ». Mais il s’est contenté d’avouer « avoir manqué de « discernement » » et avoir été « imprudent ». Mentir et inventer n’est pas un manque de discernement ni une imprudence, mais une faute professionnelle grave révélatrice d’un parti pris haineux.
Cette opération réussie de la fachosphère mérite d’être analysée avec sérieux. Elle a démarré par une offensive sur les réseaux sociaux fachos. Puis la sphère officielle C8 + Europe 1 et les autres canaux Bolloré ont embrayé. À partir de là entrent en scène leurs relais dans les télés « d’info en continu ». Et enfin le sommet de la pyramide avec TF1 le soir de la marche.
À ce sujet, il est à noter comment cette solidarité avec Hanouna s’est exprimée sur TF1 au journal de 20 heures. On y aura voulu faire croire à une condamnation de LFI au profit de ce dernier pour un autre motif que celui du « droit à l’image » de l’agitateur. LFI est en effet condamné pour cela à 3 500 euros. La dépêche AFP tait que le jugement déboute Hanouna de toutes ses autres demandes. Hélas, c’est vraiment de l’Humour noir ce « droit à l’image ».
Ces gens passent leur vie à l’écran et y tiennent des discours politiques, mais ne supportent pas d’en payer le prix en polémiques. Mais si nous en faisons autant pour notre « droit à l’image » devant les tribunaux, nous sommes déboutés parce que nous sommes des élus ou des personnalités politiques, donc soumis à la réplique et au jugement des citoyens.
L’accusation d’antisémitisme fonctionne comme un complotisme. On accuse sans preuve, à partir d’« impressions », de « relents » et autres approximations sans fondements. Pour finir, il s’agit de l’affirmer contre la volonté des victimes visées, en dépit de leurs dénégations, et d’en amplifier l’attribution par des débats à son sujet. L’affaire fonctionne parce qu’une partie des assaillants identifie hostilité au sionisme et antisémitisme. Dans le contexte du génocide à Gaza, l’affaire devient évidemment explosive. On a vu comment Netanyahu a accusé d’antisémitisme l’ONU, son secrétaire général, le pape, la Cour internationale de Justice, Macron et combien d’autres sans que personne bronche du côté des indignés de posture.
Mais en France, tout cela entre dans un contexte spécifique. Cette accusation est le socle commun d’un nouveau pacte politique large. De fait, la gauche traditionnelle a été quasi totalement absente de la mobilisation. Elle est restée peureusement prostrée sous le fouet médiatique. Ses lamentables condamnations contre des Insoumis la désarment et lui assignent une place de supplétif dans le tableau. Car ceux qui ne résistent pas seront satellisés par le nouveau socle commun dont la lutte contre l’antisémitisme attribué à LFI est devenue le socle commun.
Mais les forces déchaînées par cette agression ne se contenteront pas de nous. La gauche traditionnelle à son tour est à la merci de nos agresseurs. Mais contrairement à nous, elle n’a aucun anticorps pour résister à la pression. Car le fond reste une offensive idéologique globale bien menée qui les a déjà contaminés. C’est évidemment celle du schéma commun aux atlantistes depuis plus de trente ans.
C’est la doctrine du « choc des civilisations » formulée par Samuel Huntington. L’islamophobie et le racisme qui vont avec en sont les agents actifs. Les propos des responsables de gauche traditionnelle en sont émaillés. Tout, du « Allah Akbar, c’est ridicule » de Marine Tondelier en passant par les innombrables insinuations des responsables PS sur notre supposée « clientèle électorale musulmane des quartiers populaires » ou Gaza en atteste.
Dans ce genre de dérive, en toute hypothèse, l’alignement se fait sur le plus lisible. L’extrême droite polarisera immanquablement ce socle commun. Pour y parvenir complètement, il lui faut encore se débarrasser du fantôme de Jean-Marie Le Pen. Marine Le Pen va au Tchad. Bardella, lui, est accueilli en grande pompe à Jérusalem par les ministres de Netanyahu. Et cette nouvelle alliance est célébrée dans un colloque… « contre l’antisémitisme ». La boucle est bouclée.
La dédiabolisation de l’extrême droite française et la clôture du cycle politique institué à la libération avance chaque jour. Notre chemin est le seul praticable : la lutte sans attendre ni récompense ni reconnaissance. La lutte comme un acte de dignité personnelle et une forme d’amour pour un pays désormais pourtant hideusement défiguré.
Jean-Luc Mélenchon
25.03.2025 à 18:14
Nadim Fevrier
Les révélations de Mediapart sur des actes racistes chez les pompiers sont alarmantes. Ces comportements dans une institution censée servir tous les citoyens montrent l’ampleur du problème. Ces incidents ne sont pas des cas isolés, mais le résultat d’un système où le silence de la hiérarchie crée l’impunité. L’absence de réaction ferme aux signalements maintient un climat toxique dans certaines casernes et laisse entendre que le racisme est toléré.
Accepter ces pratiques va à l’encontre des principes d’égalité et de justice. Ce problème va au-delà des pompiers et reflète une discrimination qui persiste dans plusieurs institutions. Il faut agir maintenant avec des mesures concrètes.
La lutte contre le racisme nécessite des sanctions réelles et de la transparence. La culture du silence doit être remplacée par une culture de responsabilité. Ces comportements ternissent l’image des nombreux pompiers qui font leur travail avec intégrité. C’est un problème urgent qui exige une action immédiate contre toute forme de discrimination. Notre brève.
Pour aller plus loin : Succès des manifestations du 22 mars : retour en images sur une journée de résistance populaire contre le racisme et l’extrême droite
Crédits photo : « Premier-secours évacuation PS 236 des pompiers de Paris », Arnaud Lambert, Wikimedias Commons, CC BY-NC-SA 2.0, pas de modifications apportées
25.03.2025 à 17:36
Nadim Fevrier
Erdogan. Le maire d’Istanbul, Ekrem İmamoğlu, opposant déclaré à Recep Tayyip Erdoğan, a été arrêté et démis de ses fonctions. Cette nouvelle a suscité une vague de manifestations et de révoltes en Turquie et notamment chez la jeunesse, entraînant une forte répression de ces mouvements et une vague d’arrestations de journalistes, de cadres politiques et de manifestants.
Ces arrestations nous rappellent la pratique du lawfare. Elles rappellent aussi les longues séries de dérive autocrate en Turquie. Le 2 avril 2024, nous écrivions dans nos colonnes le récit des grandes victoires municipales remportées par le parti DEM (mouvement kurde). Des révoltes avaient éclaté après les destitutions en série de maires kurdes, remplacés par les partisans de l’AKP, parti de l’autocrate Erdogan. Notre article.
Le maire stambouliote et principal opposant au président turc est devenu la bête noire d’Ankara. Depuis quelques semaines, sous pression d’Erdoğan, le débat politique turc s’était cristallisé autour de ses diplômes universitaires dont la validité a soudainement été remise en cause. L’administration de l’Université d’Istanbul, soumise aux pressions, a fini par les annuler, le frappant d’une interdiction de facto de briguer la présidence.
En effet, la Constitution turque pose comme condition la possession d’un diplôme de l’enseignement supérieur pour accéder à cette fonction. Mais cette campagne de délégitimation a atteint son paroxysme le dimanche 23 mars 2025, lorsque Ekrem İmamoğlu a été incarcéré à la prison de Silivri, scellant ainsi une nouvelle étape dans l’acharnement médiatico-politique orchestré contre lui.
Ces manœuvres politiciennes de la part d’Ankara à l’égard d’Ekrem İmamoğlu ne sont pas nouvelles : son élection en 2019 à la tête de la mairie d’Istanbul avait été dans un premier temps annulée, sous pression du palais de Çankaya, ce qui avait conduit à l’organisation d’une nouvelle élection. Il avait gagné cette deuxième élection, avec un écart encore plus large.
Mais aujourd’hui, les chefs d’accusation qui lui sont fait griefs sont celui d’être à la tête d’une organisation criminelle et d’avoir bénéficié d’un système de corruption. Ce sont là des accusations infondées qui interviennent le même jour que la primaire interne au CHP (Parti républicain du peuple, social-démocrate) pour désigner le candidat à la prochaine présidentielle de 2028. Le maire d’Istanbul était candidat et il a réuni plus de 13 millions de voix lors de cette primaire. Le principal candidat adversaire au parti présidentiel de l’AKP (Parti de la justice et du développement, droite conservatrice) est donc désormais derrière les barreaux.
Mais cette arrestation du maire d’Istanbul n’est pas isolée et elle s’accompagne de l’incarcération de plusieurs cadres de différents partis de gauche, dont ceux du TIP (Parti des travailleurs de Turquie, gauche de rupture) et s’inscrit dans le cadre d’une répression généralisée qui touche tout le pays depuis le coup d’État militaire avorté de 2016. Ankara organise la répression et tente d’isoler et de diviser l’opposition.
Mais ces pratiques ne sont pas nouvelles et elles font écho à la répression des élus membres du HDP (Parti démocratique des peuples, gauche de rupture et pro-kurde), devenu DEM Parti (Parti de l’égalité et de la démocratie des peuples). Ainsi, ces élus de gauche avaient également été accusés de complicité avec une organisation criminelle et terroriste et leurs mairies avaient été mises sous tutelle par les différents gouverneurs régionaux de l’Est.
En somme, plus de 26 000 militants et sympathisants liés à ce parti ont été incarcérés depuis 2018. Ces élus et militants n’avaient pas reçu de soutien massif de la part des autres partis de l’opposition, ouvrant ainsi une brèche et donnant une opportunité au président Erdoğan de recommencer cette pratique du lawfare.
Pour aller plus loin : Le Lawfare en Espagne et en France : mêmes méthodes, mêmes cibles
Le lawfare, désigne l’utilisation du système judiciaire pour combattre un ennemi politique. En Turquie, le pouvoir d’Ankara utilise l’arsenal juridique et législatif dans le but d’emprisonner toute voix discordante qui pourrait lui faire de l’ombre ou constituer une menace pour la survie du régime. Le mouvement insoumis s’était mobilisé en septembre 2019, aux côtés du président brésilien Lula, pour dénoncer cette pratique et avait rejoint l’appel international pour dénoncer cette instrumentalisation politique du droit. Jean-Luc Mélenchon s’est constamment rangé du côté du droit des kurdes dans leur lutte pour l’auto-détermination.
C’est aujourd’hui, le peuple turc qui manifeste aux côtés des avocats – le conseil de l’ordre du barreau d’Istanbul a été dissous par le pouvoir turc – pour dénoncer ce mésusage du droit qui porte atteinte aux droits démocratiques et politiques les plus élémentaires. La résistance populaire s’organise en Turquie, rappelant le grand mouvement populaire issu du mouvement du parc de Gezi en 2013 qui avait rassemblé des millions de manifestants.
Ces mobilisations avaient été réprimées dans le sang, coûtant la vie à plus de 7 manifestants. Mais douze ans après cette répression, de nouveau et par milliers, les cortèges étudiants des universités turques viennent grossir les rangs des manifestations politiques et citoyennes, au cri de slogans et de pancartes clamant : « Liberté, Egalité, Fraternité ».
Par Mustafa Duman
Crédits photo : « Turkey’s President Recep Tayyip Erdogan gives a joint press conference with Russia’s President Vladimir Putin, following their meeting at the Moscow Kremlin. Moscow, Russia », March 5, 2020, Wikimedias Commons, Mikhail Klimentyev, CC BY 4.0, pas de modifications apportées.