05.12.2024 à 11:32
snoel
L’insoumission.fr et Informations Ouvrières s’associent pour proposer à leurs lecteurs des contenus sur les résistances et les luttes en cours aux quatre coins du pays. À retrouver sur tous les réseaux de l’Insoumission et d’Informations ouvrières.
Au lendemain de la chute de Barnier, de grandes mobilisations sont prévues partout en France. Écoles, hôpitaux, aéroports, énergie, de nombreux secteurs se mettent en mouvement et réclament une autre politique, loin des saignées budgétaires de feu Barnier. Les grèves s’annoncent très suivies, comme dans le secteur de l’éducation 1ᵉʳ degré avec 65 % de grévistes.
Pour ce nouvel article, nos deux médias se sont entretenus avec Edeline Reix, enseignante et syndicaliste dans les Yvelines. Dans nos colonnes, elle explique le plan bataille de son syndicat pour se joindre et amplifier les mobilisations prévues en ce mois de décembre. Après le 5 décembre, une grève illimitée et reconductible a été annoncée à la SNCF. Barnier parti, les salariés dans la rue, Emmanuel Macron est de plus en plus isolé face à une large partie du pays qui réclame sa démission. Notre article.
Insoumission/Informations ouvrières : Le syndicat majoritaire du premier degré annonce 65 % de grévistes le 5 décembre. Peux-tu nous dire d’où vient cette grève ?
L’annonce pendant les dernières vacances scolaires des trois jours de carence et de la baisse de l’indemnisation des jours d’arrêt maladie à 90 % (au lieu de 100 % actuellement) a provoqué la colère des enseignants. Nos salaires sont indigents et n’ont pas été revalorisés malgré tous les efforts des derniers ministres pour faire croire le contraire. Beaucoup de collègues ont du mal à boucler les fins de mois.
L’inflation nous touche comme tous les travailleurs de ce pays. Si les trois jours de carence étaient mis en place, cela voudrait dire une nouvelle perte de salaire en cas de maladie. Une semaine de grippe (chose quand même courante chaque hiver quand on passe sa journée avec 30 élèves en classe) vous coûterait 300 euros !
Cette colère s’ajoute à la colère déjà existante : celle qui découle des suppressions de postes, du manque de personnel, des réformes successives dégradant nos conditions de travail sans oublier les situations répétées et non réglées d’élèves en situation de handicap qui ne trouvent pas de place dans les structures spécialisées et se retrouvent en classe, avec un accompagnement de quelques heures par-ci par-là. Une véritable maltraitance organisée !
Tout cela est fait par un gouvernement totalement illégitime. Nombre d’enseignants ont sanctionné Macron et sa politique lors des précédentes élections. Ils ont le sentiment de s’être fait voler leur vote ! Et puis il y a eu aussi les propos de Sarkozy sur « les enseignants ne travaillent que 24 heures par semaine » qui ont soulevé l’indignation.
Dans ces conditions, la grève du 5 décembre s’annonce très suivie. Plusieurs écoles seront fermées et pas toujours celles les plus habituées à faire grève. Avec mon syndicat, nous tournons dans les écoles depuis plusieurs semaines pour préparer la grève. Beaucoup de collègues savent qu’une journée de grève, aussi puissante soit-elle (et tant mieux si elle l’est, évidemment) ne suffira pas et ils le disent ouvertement. Alors, on discute avec eux de comment faire, des suites à donner à cette grève…
« Mon syndicat a lancé le mot d’ordre « 3 jours de carence, 3 jours de grève » les 10, 11 et 12 décembre afin d’être aux côtés des cheminots qui eux appellent à une grève illimitée à partir du 11 décembre. »
Insoumission/Informations ouvrières : Peux-tu nous expliquer comment se prépare la reconduction de la grève ?
Rien n’est simple et ne va de soi, mais commencer à en discuter entre nous est déjà une première étape importante. Aux Mureaux, nous aidons à organiser des réunions pour que les collègues puissent se réunir après le 5 décembre et décider. À Achères, les collègues ont décidé de ne pas se rendre à la manifestation jeudi, mais plutôt d’aller tracter auprès des parents d’élèves, d’aller discuter avec les collègues non grévistes dans les écoles et les établissements du second degré afin qu’ils rejoignent la mobilisation.
Les grévistes sont invités à se réunir avec les fonctionnaires territoriaux qui ont décidé la grève les 4 et 5 décembre devant la mairie d’Achères jeudi matin. Mon syndicat a lancé le mot d’ordre « 3 jours de carence, 3 jours de grève » les 10, 11 et 12 décembre afin d’être aux côtés des cheminots qui eux appellent à une grève illimitée à partir du 11 décembre.
Le 49.3 déclenché lundi a donné suite à la chute du gouvernement Barnier, c’est historique…
L’un d’eux me disait ce matin qu’il se demandait si la grève servait vraiment à quelque chose puisque le gouvernement allait probablement tomber. Mais ça ne veut pas dire qu’ils vont en finir avec leur politique ! C’est justement le moment d’y aller tous ensemble pour les bloquer : les 3 jours de carence, l’abandon des 4 000 suppressions de postes dans l’Éducation nationale, etc. Et pour chasser Macron, car c’est quand même lui le responsable de ce désastre.
04.12.2024 à 20:28
Nadim Fevrier
Barnier/Macron. « Nous sonnons le glas d’un mandat : celui du président ! ». C’est en ces mots qu’Eric Coquerel, député LFI et président de la commission des finances, concluait la motion de censure insoumise, quelques heures avant avoir touché au but avec la chute de Michel Barnier et ses 41 ministres. C’est un jour historique. L’usurpateur Michel Barnier devient le seul Premier ministre à avoir été censuré depuis Georges Pompidou en 1962.
Rien n’aura empêché sa censure en dépit des refrains médiatiques en boucle sur le « chaos », « l’irresponsabilité » et autres couplets usés d’une classe dominante terrifiée. À deux doigts de reparler des chars de l’armée de rouge aux portes de Paris. Une chose est sûre : la censure passée, le compte à rebours est enclenché pour Emmanuel Macron plus que jamais sur la sellette. Les appels à la démission pleuvent de tous bords. Pour les insoumis, la victoire est immense. Jean-Luc Mélenchon le répétait depuis plusieurs mois après avoir lancé le bal en été pour exiger le départ du chef de l’État : Emmanuel Macron doit se soumettre ou se démettre.
Certains esprits superficiels ne comprennent toutefois pas la portée du moment et appellent à partager le sort des perdants ou à freiner leur disparition définitive. Marine Tondelier propose à Gabriel Attal un plan « pour se mettre d’accord ». Olivier Faure refuse d’appeler à la démission de Macron et veut un « Gouvernement de compris ». Se mettre d’accord ? Faire des compromis ? Lesquels ? Les 150 mesures du NFP signées n’étaient-elles pas un engagement écrit ? Les Français n’ont pas la mémoire courte. Barnier parti, Macron doit le suivre pour qu’une nouvelle politique, de rupture, voit le jour, « une aube après le crépuscule » (Eric Coquerel). Notre article.
Pour aller plus loin : Destitution de Macron : déjà plus de 366 000 signataires sur cette pétition de LFI
Jean-Luc Mélenchon est présent dans les tribunes de l'Assemblée nationale pour assister à la chute de Michel Barnier qui sonnera le glas d'Emmanuel Macron
— L'insoumission (@L_insoumission) December 4, 2024
Le leader de LFI est arrivé cet après-midi à l'Assemblée nationale pour suivre en direct les dernières heures de… pic.twitter.com/vkcJqtN9uM
Manuel Bompard : « La solution de stabilité pour le pays passe par le départ d'Emmanuel Macron.
— L'insoumission (@L_insoumission) December 4, 2024
Quand M. David Lisnard, Charles de Courson, M. Copé et bien d'autres appellent au départ d'Emmanuel Macron, cela devrait vous interroger.
Les appels pour qu'il s'en aille se… pic.twitter.com/dcHPg2FZgi
04.12.2024 à 15:46
Nadim Fevrier
« Un paese di resistenza ». L’Insoumission.fr publie un nouvel article de sa rubrique « Nos murs ont des oreilles – Arts et mouvement des idées ». Son but est de porter attention à la place de l’imaginaire et de son influence en politique avec l’idée que se relier aux artistes et aux intellectuels est un atout pour penser le présent et regarder le futur.
« Un paese di resistanzia » de Shu Aiello et Catherine Cattella sort cette semaine. Il raconte le combat contemporain d’un maire et d’une ville contre la mafia et le fascisme italiens. Pour défendre un mode de vie alternatif. Plaçant l’accueil des naufragés de la méditerranée comme solution pour un village du sud de l’Italie. Un combat contre Prodi, Salvini, la N’dranghetta, et Meloni.
On n’a pas encore vu le film. Mais on se souvient du lumineux précédent « Un paese di Calabria ». Le début heureux de l’aventure de Riace et Mimmo. L’utopie réalisée. Une représentation spéciale de « Un paese di resistanzia » aura lieu ce 4 décembre au Mélies à Montreuil. En présence des réalisatrices et de quelques artistes français acteurs de la solidarité. Notre article.
En Espagne, les gens de Valence ont crié « Le peuple sauve le peuple ». Face à l’incurie de leurs gouvernants. Depuis 30 ans, au sud de l’Italie, Riace dit et fait vivre « Les pauvres sauvent les pauvres ».
Riace c’est l’histoire d’une ville qui revit avec les migrants. Par leur sauvetage et leur accueil d’abord. Par le tissage des étrangers et des locaux pour faire ville. Mimmo Lucano en a été le maire et l’acteur. Il expose les motivations et les ressorts de l’histoire dans « Grâce à eux ». Il en a été aussi le réprouvé. Tant par les forces libérales, d’extrême-droite ou mafieuses. 10 ans de combats. Après la prison, la victoire.
Mimmo Lucano est sorti libre du tribunal le 11 octobre 2023. Ce n’est pas si souvent que nous remportons ces temps-ci de tels succès. Élu député européen en 2024. L’expérience de Riace, après une triste parenthèse avec la Liga, reprend son cours. Après dix ans de harcèlement et de persécutions. Retrait de sa fonction de maire. Bannissement de son village par la justice. Désignation par Matéo Salvini comme l’ennemi national. Accusations de prévarication (Grave manquement d’un fonctionnaire, d’un homme d’État, aux devoirs de sa charge, ndlr), malversations, association de malfaiteurs…
Les mensonges, les coups bas et la calomnie. La condamnation à 13 ans de prison et 500 000 euros d’amendes. Pour avoir fait revivre son village grâce aux migrants. Conjugué accueil, vivre ensemble et prospérité. Un modèle dangereux à la fois pour le gouvernement, les fascistes italiens et la N’dranghetta – la mafia calabraise. Intolérable démonstration.
Pendant des décennies, Riace se désertifie sous l’effet de la pauvreté. En 1998, 200 kurdes échouent sur les plages de Riace. Le village, sous l’impulsion du prêtre et de Mimmo Lucano, installe les migrants dans les maisons du village abandonnées du fait de l’exode intérieur calabrais vers le nord de l’Italie ou vers l’Allemagne. Voire l’Amérique.
Avec l’emprunt contracté auprès d’une banque éthique et l’accord des propriétaires, les maisons du centre ville sont rénovées. Mimmo Lucano s’engage dans les municipales autour des valeurs d’hospitalité, consubstantielles selon lui à la Calabre. En désignant les réfugiés non pas comme un problème mais comme la solution. Et ça marche.
Pour aller plus loin : Scandale – Procès politique : Mimmo Lucano, jugé pour avoir accueilli des migrants
De fait, l’école rouvre ainsi que les petits commerces, des coopératives, le moulin à huile «free mafia» et des entreprises artisanales et agricoles. Les jeunes restent au pays. Avec la mobilisation citoyenne et l’engagement de l’équipe municipale. Un exemple : le village dans sa partie haute est escarpé et les rues étroites. Le marché du ramassage des ordures ménagères a été attribué à une coopérative de carrioles conduites par des ânes. Là où précédemment les appels d’offres conduisaient à l’allouer à des entreprises liées à la N’dranghetta, la mafia calabraise.
Pour une tâche non-effectuée. Mimmo est réélu deux fois. Il devient regardé dans le monde, cité en exemple par de nombreuses ONG et l’ONU, désigné meilleur maire de la planète par ses pairs, de nombreux articles, reportages, films dont un signé par Wim Wenders relatent cette « utopie réalisée ».
Cette aventure et ce combat, salués et observés dans le monde entier, font l’objet d’une premier film de Shu Aiello et Catherine Catella. « Un paese di Calabria ». Le film lumineux des paysages calabrais et d’un idéal en marche.
À hauteur des hommes et des femmes qui y combattent. Contre la désertification. Contre les solitudes. Contre l’abrutissement. Contre la maltraitance des étrangers… Rien n’y est compliqué quand les choix sont guidés par l’humanité. Pour Riace, l’immigration, plus qu’une chance, est la solution. Le film trace une trajectoire et une histoire collective.
Dès 2016, les aides économiques du Centre d’accueil extraordinaire sont coupées. En 2018, avec l’arrivée au ministère de l’Intérieur de Matteo Salvini en Italie, les aides du Système de protection pour demandeurs d’asile et réfugiés sont suspendues. Le ministre de l’Intérieur, de la Ligue du Nord, le désigne comme un ennemi à abattre. Le 1er octobre 2018, il est arrêté. Une décision de justice le bannit de Riace.
Le 5 septembre 2019, après 11 mois d’interdiction de séjour dans sa commune, l’ancien maire obtient la révocation de cette décision de justice contre l’avis du procureur, et retourne vivre dans son village après des municipales ayant donné la victoire à la Ligue du Nord. Son procès s’ouvre et en septembre 2021, il est condamné à 13 ans de prison et 500 000 euros d’amendes. Il faudra plus de deux ans pour l’appel.
Le nouveau film de Shu Aiello et Catherine Cattella traite de cette période. « Un paese di resistanzia ». En ce moment de menaces fascistes et de contagion des idées d’extrême droite, de xénophobie et racisme… voir l’intensité et les conditions d’une lutte victorieuse. En suivre un pas après l’autre.
On aura peut-être un troisième film. Celui du succès et de l’histoire de Riace qui reprend. En attendant, en ces temps de Retailleau, Le Pen et Macron, cette expérience et ce film sonnent comme un encouragement à tous ceux et celles qui ne baissent pas les bras. Une lutte entre eux et nous. Sur les enjeux d’accueil des réfugiés comme sur tous les autres. De la justice sociale à l’écologie. Le capitalisme détruit tout. Nous voulons tout remettre debout.
Par Laurent Klajbaum