08.12.2023 à 14:54
En 2024, l'Afrique vibrera au rythme de la 34è édition de la coupe d'Afrique des nations
Jean Sovon
Dans la société ivoirienne, le football est le sport le plus populaire
Publié à l'origine sur Global Voices en Français
Côte d'ivoire, vainqueur de la CAN 2015. Capture d'écran de la chaîne YouTube African Football
Le monde du football aura le yeux rivés sur la Côte d'Ivoire du 13 janvier au 11 février 2024, dates de la plus grande compétition sportive du continent africain, la Coupe d'Afrique des Nations (CAN).
La République de la Côte d'Ivoire est le pays organisateur de la 34è édition de la CAN. Initialement prévue entre juin et juillet 2023, la date de cet évènement a été repoussée au début 2024 pour des raisons climatiques.
Dans une publication d’Africanews à la suite d'une réunion du comité exécutif de la Confédération africaine de football (CAF) tenue à Rabat, capitale du Maroc, Patrice Motsepe, président de la CAF explique :
La CAN se tiendra en janvier et février 2024. On ne veut pas prendre le risque d'avoir une compétition sous le déluge. Ça ne serait pas bon pour le football africain et son image. Nous prenons la décision mais c'est une question de respect. On a pris de nombreux avis et certaines personnes nous ont dit qu'il y a le changement climatique, peut-être que la pluie ne sera pas un problème. Mais les conseils que l'on reçoit, c'est qu'on ne peut pas prendre ce risque.
Le changement climatique impose donc un changement de calendrier aux dirigeants du football africain.
Depuis la mise sur pied de cette compétition, le nombre des équipes participantes a graduellement évolué. Les deux premières éditions tenues en 1957 et en 1959 réunissent trois pays (Égypte, Éthiopie et Soudan). La troisième édition en 1962 passe à quatre, et celles de 1963 et 1965 à six. A compter de la 32è édition tenue en 2019 en Égypte, le chiffre est de vingt-quatre. Cette décision intervient dans une période où le football africain connait une certaine modernisation. Les nations qui ne représentaient rien sur la scène continentale commencent par titiller les plus grandes nations du football africain qui sont, entre autres, le Cameroun, l'Égypte, le Ghana, la Côte d'Ivoire, l'Algérie, le Maroc, et le Nigeria.
Ici en vidéo, l'hymne de la CAN 2023:
Pour la 34è édition de la CAN, vingt-quatre candidats sont donc en lice. Ces pays sont répartis en six groupes de quatre équipes. Le groupe A compte la Côte d'Ivoire, le Nigeria, la Guinée Équatoriale et la Guinée Bissau. Le groupe B se compose de l’Égypte, du Ghana, du Cap-Vert et du Mozambique. Quand au groupe C, il est composé du Sénégal, du Cameroun, de la Guinée et de la Gambie. Le groupe D mettra en compétition l'Algérie, le Burkina-Faso, la Mauritanie et l'Angola. La Tunisie, le Mali, l'Afrique du Sud et la Namibie se partagent le groupe E, tandis que le groupe F comporte le Maroc, la République Démocratique du Congo, la Zambie et la Tanzanie.
Ces équipes seront toutes en compétition à partir du 13 janvier pour essayer d'arracher au Sénégal le titre de champion d'Afrique. En effet le Sénégal a été sacré champion d'Afrique pour la première fois devant l’Égypte, sept fois champion d'Afrique, lors de l'édition 2021 organisée au Cameroun. Le Sénégal remettra donc son trophée en jeu pour tenter de le conserver.
Depuis 1968, la compétition se joue tous les deux ans (année paire). Mais la formule change en 2012: la coupe se tient en 2013 – une année impaire. Cette décision fait suite à la volonté des dirigeants de la CAF d'alléger le calendrier des équipes du continent durant les années de Coupe du monde qui se tient chaque quatre ans en année paire.
Cette compétition est aussi l'occasion pour les grandes stars du foot africain de confirmer leur règne sur la scène continentale. Des stars comme: Sadio Mane, attaquant du Sénégal et du club saoudien d’Al-Nassr, Mohamed Salah, attaquant de l'Égypte et du club anglais de Liverpool, Victor Osimhen, l'attaquant du club italien de Naples et du Nigeria qui a été le meilleur buteur des qualifications pour la CAN2023 avec dix buts pour le Nigeria, feront encore parler de leur talents. On peut aussi citer Andre Onana, gardien de but camerounais et du club anglais de Manchester United, Wilfried Zaha, attaquant de la Côte d'Ivoire et du club turc de Galatasaray, Riyad Marhez de l'Algérie et du club saoudien de Al-Ahli FC.
En dehors de ces stars confirmées, les observateurs du football africain s'attendent à voir de jeunes révélations lors de la compétition. Le continent ne manque pas en effet de nouveaux talents: le site d'information sportive 90min fait état de dix jeunes qui pourraient entrer dans l'histoire de la compétition. Cette liste inclut des jeunes joueurs comme Farès Chaïbi d'Algérie, Karim Konaté et Simon Adingra de la Côte d'Ivoire, Amir Richardson du Maroc, et d'autres.
Six stades répartis dans cinq villes de la Côte d'Ivoire sont prévus pour accueillir la compétition. A Abidjan (capitale économique située au sud du pays), deux stades: Alassane Dramane Ouattara d’Ebimpe de 60 000 places et le stade Félix Houphouet Boigny de 45 000 places. A Yamoussoukro (capitale politique située au centre-sud), le stade Charles Konan Banny avec 20.000 places. Le stade de la Paix de Bouaké (au centre du pays) avec 40 000 places; le stade Amadou Gon Coulibaly avec 20 000 places à Korhogo (ville située au nord du pays) et le stade Laurent Pokou avec ses 20 000 places à San Pedro (au sud de la Côte d'Ivoire).
En septembre 2023, une pluie inonde le stade Alassane Dramane Ouattara d’Ebimpe à l'occasion d'un match amical entre la Côte d'Ivoire et le Mali. L'état du stade est visible dans cette publication sur X (ex-Twitter):
Le match amical Côte d'Ivoire vs Mali annulé du fait de l'inondation du stade Alassane Dramane Ouattara d’#Ebimpé construit dans le cadre de l'organisation de la CAN en janvier prochain #CIVMAL pic.twitter.com/32zEgLXlos
— Azur Entertainment (@AzurEntertainm1) September 12, 2023
Pour pallier aux désagréments futurs qui pourraient survenir, les autorités ivoiriennes ont décidé d'ajouter une toiture au stade qui porte le nom de l'actuel président du pays, comme le montre cette publication de Prom'Ivoire, une page de relais d’information ivoirienne sur X:
La toiture du Stade Olympique Alassane Ouattara d'Ebimpé
pic.twitter.com/0pPko28P04
— PROM’IVOIRE
(@Prom_Ivoire) November 30, 2023
Tout semble prêt en Côte d'Ivoire pour relever le défi d'organiser la plus prestigieuse des compétitions sportives en Afrique. Dans la société ivoirienne, le football est le sport le plus populaire et garde une importance capitale. Les clubs de football du pays ont, de par le passé, dominé le football africain et ont été sacrés champions dans diverses compétitions sur le continent, à savoir Asec Mimosas, Africa Sports, Stella Club. La Côte d'Ivoire a aussi produit de grands joueurs pour l'Afrique comme Didier Drogba, Yaya Touré, Laurent Pokou, Habib Kolo Touré, Didier Zokora considérés comme les meilleurs joueurs ivoiriens de tous les temps.
Cette 34è édition de la CAN sera aussi l'opportunité pour le pays de d’Alassane Ouattara de poursuivre sa dynamique économique. Les petits commerçants y trouveront leur compte dans la vente s'artisanat aux visiteurs, tout comme les grandes entreprises car ces grandes rencontres sont souvent des rendez-vous d'affaires. Au mois de septembre 2023, François Albert Amichia, Ministre des sports et des loisirs de la Côte d'Ivoire annonce que 350 entreprises qui sont prêtes à associer leur image à l'évènement.
Les droits de diffusion télé de la CAN 2023 ont déjà été attribués au groupe de télévision togolais New World TV qui peut en retour accorder des droits de retransmission à d'autres médias y compris ceux de la Côte d'Ivoire. Ce groupe annonce:
New World TV sera l’agent de la CAF pour les droits en accès gratuit, avec une licence accordée aux chaînes nationales des 46 pays, et pour les droits payants, l’accès nécessitera les décodeurs de New World TV
06.12.2023 à 14:47
Jean Sovon
Les 400 millions de dollars promis par les pays développés ne sont qu’une goutte d’eau
Publié à l'origine sur Global Voices en Français
Chefs d'Etat à l'ouverture de la Cop 28, capture d'écran de la chaîne YouTube de AFP News Agency
La Conférence des Nations Unies sur le Climat (Cop28) annonce l'opérationnalisation du fonds des pertes et dommages censé compenser les pays du sud plus vulnérables aux changements climatiques dont l’Afrique. Au-delà de cette annonce, que signifie t-elle?
La Conférence des Nations Unies sur le Climat (Cop28) se déroule du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï aux Émirats Arabes Unis. Chefs d’États et ministres, ONG environnementales, militants de la justice climatique, entreprises privées se réunissent pour discuter du changement climatique et des solutions pour en contrer les conséquences. Les priorités des négociateurs incluent avant tout la réduction des émissions de gaz à effets de serre, l’abandon des énergies fossiles, et le financement des actions climatiques comme l’adaptation aux effets du réchauffement.
Reçu en entretien sur Tv5monde, Tosi Mpanu-Mpanu, négociateur de la République Démocratique du Congo (RDC) sur les questions de climat explique les enjeux de cette Cop28 pour l'Afrique.
Selon lui, il est important pour l'Afrique de réitérer que les pays développés puissent mettre la main à la poche pour soutenir ce fond pour les compensations parce que ce sont eux les responsables des changements climatiques. En ce qui concerne le fonds même, il faut que les pays africains comprennent s'il s'agit d'un prêt, des dons ou des subventions. Il revient notamment sur l'importance de la déclaration Nairobi qui contient les principes autour desquels vont tourner les négociations.
Les détails sont à suivre dans cette vidéo à partir de 18 minutes 40 secondes.
Pour la première fois, l'Afrique participe au débat avec un document officiel qui représente les priorités du continent. Celles-ci contenues dans la déclaration de Nairobi sur le climat adoptée par les chefs d’États lors du premier sommet du climat de l'Afrique qui s'est tenue à Nairobi du 4 au 6 septembre 2023.
Cette déclaration est un appel des dirigeants africains envers ceux de la planète à “se ranger derrière la proposition d'un régime de taxation du carbone incluant une taxe sur le commerce des combustibles fossiles et sur le transport maritime et aérien” dans le but de permettre une levée de fonds nécessaires à un investissement de 600 milliards de dollars américains.
Mais ce document qui présente la position commune du continent sur le changement climatique a été critiquée par une coalition d'acteurs de la société civile africaine travaillant sur la justice climatique sur le continent. Selon eux, cette déclaration n'offre pas de solution africaine au futur des énergies renouvelables mais toutefois contient des demandes et des propositions de solutions.
Par exemple, le texte mentionne “l’opérationnalisation rapide du fonds de dommages et pertes“, une des recommandations de la Cop 27 tenue en Égypte en 2022.
Une des avancées majeures de la Cop28 est précisément l'opérationnalisation du fonds des pertes et dommages annoncé dès l’ouverture de la conférence, le 30 novembre 2023. Les pays du Sud, y compris l’Afrique, plus vulnérables au changement climatique en seront les bénéficiaires. Selon cette annonce, Les Émirats arabes unis contribuent avec 100 millions de dollars américains. ; l'Allemagne, 100 millions ; le Royaume-Uni, 40 millions de livres sterling (51 millions dollars américains.) ; les États-Unis, 17,5 millions ; le Japon, 10 millions. Cependant, les réactions sont mitigées parmi les militants de la justice climatique, les environnementalistes et autres experts.
Dans un article, Radio France Internationale (RFI) rapporte:
La mise sur pied de ce fonds consacré à la réparation des catastrophes climatiques a été, à la surprise générale, adoptée dans les deux premières heures de la conférence climat de l'ONU, ce jeudi 30 novembre à Dubaï.
Fanny Petitbon, responsable plaidoyer à Care France (ONG de solidarité internationale engagée dans la lutte contre le changement climatique) et experte du fonds des pertes et dommages, citée dans un article par RFI estime que ceci est l'aboutissement d'une longue lutte:
Ce qui se passe aujourd’hui c’est l’aboutissement de 30 ans de lutte acharnée pour les pays en développement qui criaient à l’aide face à la montée du niveau des mers, face aux sécheresses, face à des conséquences dont ils ne sont pas responsables et pour lesquels ils n’ont pas les moyens de lutter. En moins d’une année, on obtient un accord pour le mettre sur pied.
Oxfam, une organisation caritative britannique, salue les avancées dans la mise en œuvre dudit fonds dans une note publiée le 30 novembre mais précise que la prochaine étape est de mobiliser l’argent suffisant. Lyndsay Walsh, conseillère en politique climatique à Oxfam déclare :
Après 32 ans de pression et 27 Cop, nous disposons enfin d'un fonds pour les pertes et dommages. Malgré les lacunes de sa structure, il s'agit d'une étape pour soutenir les personnes qui se remettent des conséquences graves et irréparables des catastrophes alimentées par le climat. Cependant, ce n'est pas la fin du voyage. Il reste encore beaucoup à faire pour s'assurer que la Banque mondiale, en tant qu'hôte intérimaire, remplisse les conditions énoncées dans le texte convenu, en particulier que les ressources du fonds profitent directement aux communautés et que ses opérations soient conformes aux principes des droits de l'homme.
Selon les défenseurs de l'environnement, les montants annoncés sont largement insuffisants. De plus, le caractère non contraignant dans la contribution des fonds pourrait ralentir la collecte des fonds dans sa globalité.
Ce financement reste un enjeu important pour les pays africains qui sont les plus affectés par le changement climatique alors qu'ils sont les moins responsables des émissions des gaz à effets de serre. Selon les estimations, l’Afrique émet seulement 4 % des émissions responsables du réchauffement de la planète.
Pour l’Organisation des Nations-Unies, une minorité de pays est responsable de la plus grande partie des émissions, à savoir la Chine, les États-Unis, l'Inde, l'Union européenne, l'Indonésie, la Russie et le Brésil qui sont les sept plus gros émetteurs de gaz à effet de serre que compose cette minorité. Ensemble, ces pays ont contribué à environ la moitié des émissions mondiales en 2020.
Joy Koech, une activiste environnementaliste kényane publie sur son compte X(ex-Twitter):
Day 1 at COP28:
Developing countries urgently need a minimum of $100 billion for loss and damage. The pledged $400 million from developed countries is a mere drop in the ocean. We must prioritize and mobilize more financial support to address the climate crisis. #COP28 pic.twitter.com/D3UNXcQqgQ— Joy Koech (@Thisischero) December 1, 2023
Jour 1 à la COP28 : Les pays en développement ont besoin de toute urgence d’un minimum de 100 milliards de dollars américains pour les pertes et dommages. Les 400 millions de dollars promis par les pays développés ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan. Nous devons donner la priorité et mobiliser davantage de soutien financier pour faire face à la crise climatique. #COP28
Cette publication n'est qu'un rappel des demandes contenues dans la déclaration de Nairobi sur le climat qui exige des pays riches d'honorer l'engagement de fournir 100 milliards USD de financement annuel pour le climat, comme promis en 2009, lors de la conférence de Copenhague.
Teresa Anderson, responsable de la justice climatique à ActionAid (un réseau mondial de personnes engagées pour les droits des femmes, la justice climatique et la fin de la pauvreté) sur son compte X salue la contribution des Émirats arabes unis et leur rôle dans un rappel de la responsabilité des autres pollueurs:
As the historic #LossAndDamage Fund is agreed at #COP28
“The UAE contribution of $100 million is welcome, for its solid cash & for the pressure it puts on the world’s biggest polluters to step up &recognise their responsibility,”Me for @ClimateHome https://t.co/GblrFuEGRM
— Teresa Anderson (@1TeresaAnderson) November 30, 2023
“La contribution des Émirats arabes unis de 100 millions de dollar américains est la bienvenue, en raison de sa trésorerie solide et de la pression qu'elle exerce sur les plus grands pollueurs du monde pour qu'ils intensifient et reconnaissent leur responsabilité”, Moi pour @ClimateHome
A cette énième grande rencontre sur le climat, les enjeux majeurs pour la planète et pour l'Afrique en particulier restent les mêmes: l’abandon ou la réduction des énergies fossiles, l’adoption des énergies renouvelables, la réduction des émissions de gaz à effets de serre à un niveau aussi proche que possible de zéro. La principale question est de savoir comment ce fonds annoncé fonctionnera et pour qui en priorité.
05.12.2023 à 20:46
Corinne Molton
La réserve sera sous surveillance afin d'assurer le respect des règlementations
Publié à l'origine sur Global Voices en Français
Image d'un cachalot par Canva Pro.
Ce n’est pas un hasard si la Dominique est surnommée « l’île nature ». Luxuriante et verdoyante, elle est réputée pour ses forêts tropicales, ses rivières, ses sources sulfureuses et ses cascades. Elle est, grâce à sa faune et sa flore exceptionnelles, l’une des destinations les plus idylliques de la région pour les adeptes de l’écotourisme. Et aujourd’hui, la création sur l’île de la première réserve de cachalots au monde fait l’admiration de tous.
The tiny #Caribbean island of #Dominica is creating the world’s first #marine protected area for one of Earth’s largest #animals: the endangered #spermwhale: https://t.co/3el0aio8dh#whales #Americas #marinelife #news23 #protection #wildlife#GreenNewDeal #GoGreen pic.twitter.com/xM0tSZLsaN
— ecohubmap (@ecohubmapcom) November 14, 2023
La petite île #caribéenne de la #Dominique crée la première zone de protection #marine du monde pour l'un des plus grands #animaux de la Terre : les #cachalots, une espèce en voie de disparition: https://t.co/3el0aio8dh#baleines #Amériques #vie marine #news23 #protection #faune#GreenNewDeal #GoGreen pic.twitter.com/xM0tSZLsaN
— ecohubmap (@ecohubmapcom) 14 novembre 2023
Selon Associated Press, la zone de protection marine, qui s’étendra sur près de 800 kilomètres d’océan sur la côte ouest de l’île, où cette espèce en voie de disparition nourrit et allaite ses petits, marque une étape décisive ; non seulement la réserve augmentera les chances de survie et de reproduction des cachalots, mais contribuera aussi de manière significative à lutter contre les effets des changements climatiques.
En effet, les cachalots, qui peuvent mesurer jusqu’à 15 mètres de long, défèquent près de la surface (ils sont capables de plonger en apnée jusqu’à 3 000 mètres de profondeur) et leurs excréments riches en nutriments favorisent la prolifération du plancton qui s’en nourrit. Les essaims de planctons, en capturant le dioxyde de carbone de l’eau de mer, participent de manière considérable à la lutte contre les changements climatiques. C'est pourquoi le rôle joué par la Dominique ne saurait être sous-estimé, étant donné que les cachalots qui vivent dans les eaux de l’île défèqueraient bien plus que leurs homologues d’autres régions. Leurs excréments produiraient encore plus de plancton qui dès lors emprisonnerait plus de CO2, un gaz à effet de serre.
Roosevelt Skerrit, le Premier ministre de la Dominique et président de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) jusqu’à fin 2023, s’est exprimé ouvertement sur les effets néfastes du réchauffement climatique sur les petits États insulaires en développement (PEID). En 2018, l’ouragan Maria, une tempête de catégorie 5, a ravagé le pays. Roosevelt Skerrit, ainsi que d’autres dirigeants régionaux, a clairement indiqué lors des dernières conférences sur les changements climatiques (CdP) qu'il était impératif de créer un Fonds pour pertes et dommages. Les pays insulaires comme les Caraïbes, qui contribuent le moins aux émissions mondiales de GES, subissent de plein fouet les effets néfastes du réchauffement climatique, car ils sont, entre autres, vulnérables aux tempêtes et à l’élévation du niveau de la mer, et leurs économies sont incapables de supporter les lourdes pertes enregistrées par leurs pays.
Aujourd’hui, la réserve de cachalots de la Dominique va aider à combattre les effets néfastes des changements climatiques. Selon des estimations, moins de 500 cachalots habiteraient dans les eaux de la Dominique et leur protection est primordiale, d'autant plus que les jeunes mâles au moment venu quittent leur « pod » (groupe) et les femelles ne donnent naissance généralement qu'à un seul petit, tous les cinq à sept ans.
La nouvelle zone de protection, où la pêche artisanale durable sera autorisée et une route maritime internationale formera une démarcation, va permettre d’accroitre la population de cachalots en réduisant le nombre d’animaux blessés ou tués par les navires, ou prisonniers de filets de pêche. Le gouvernement prévoit de surveiller la réserve pour s’assurer que les mesures soient respectées et que les règlements sur le tourisme baleinier soient appliqués, bien que les visiteurs auront toujours la possibilité de nager avec les baleines et de les observer depuis un bateau, mais en nombre limité.
L’annonce, faite le 13 novembre, a rapidement attiré l’attention de la scène internationale, à la fois des médias traditionnels et des réseaux sociaux.
Le groupe Facebook Ocean Azores espère que les autorités dominicaines ne laisseront pas « n’importe qui nager avec les cachalots, au risque de perturber les animaux », et que les Açores suivront l’exemple de l’île des Caraïbes en créant leur propre sanctuaire de baleines.
Selon Isabella Askari, une utilisatrice de Facebook, son « cœur est plein d'émoi » de voir qu'un « pays défende la vie marine » :
[Dominica has] such strict regulations regarding eco tourism. The local scientists and captains know many of these whales by name and can even tell you details of their personalities. They are part of the community and it shows. Dominica sets an example for the world and I hope others begin to learn.
Les réglementations de la Dominique sont tellement strictes en matière d’écotourisme. Les scientifiques et capitaines de la région connaissent la plupart de ces baleines par leur nom et peuvent même vous donner des détails sur leur personnalité. Elles font partie de la communauté et ça se voit. La Dominique est un exemple pour le monde entier et j’espère que d’autres pays vont s’en inspirer.
Kelly Cromie ajoute : « Heureuse d’apprendre que ces doux géants sont enfin protégés! »
L’écologiste Ian Lambie, originaire de la Trinité, a partagé la bonne nouvelle , ainsi que quelques faits intéressants sur les cachalots, précisant que « la Dominique abrite les cachalots les plus sociables de la planète qui, habitués à la présence humaine, offrent une expérience des plus exceptionnelles » Il ajoute : « Félicitations au gouvernement de la Dominique pour ce projet. »
03.12.2023 à 15:46
Le monde du livre au Sénégal: Interview avec le traducteur et poète Amadou Lamine Badji
Filip Noubel
Le premier président, Léopold Sédar Senghor, était un grand poète
Publié à l'origine sur Global Voices en Français
Capture d'écran de la chaîne YouTube de France 24 en français.
Le Sénégal est un pays connu pour son rayonnement culturel en Afrique et bien au-delà. En effet, son premier président, Léopold Sédar Senghor, était aussi un grand poète et un des fondateurs du mouvement littéraire de la négritude qui s'est étendu de l'Afrique à la Caraïbe. Il est aussi le premier Africain à siéger à l’Académie française.
Cette tradition se perpétue par des écrivains et surtout écrivaines comme Mariama Bâ, Aminata Sow Fall , Ken Bugul , Amadou Lamine Sall, Boubacar Boris Diop,Cheikh Anata Diop, et plus récemment avec Mohamed Mbougar Sarr, prix Goncourt 2021.
Cette discussion, menée par LaRéus Gangoueus, présente un tour d'horizon de la littérature sénégalaise contemporaine,
La réputation culturelle du Sénégal doit aussi beaucoup au réalisateur et écrivain Ousmane Sembène qui a influencé l'ensemble du cinéma africain, comme en témoigne cette vidéo:
Le Sénégal est un pays multilingue, où les principales langues sont le wolof, le français, le sérère, le peul, le mandinka et le diola.
Pour en savoir plus sur le monde du livre sénégalais, Global Voices a interviewé un des ses collègues, le traducteur et poète, Amadou Lamine Badji, qui vit à Dakar et suit de près l'actualité littéraire dans son pays.
Amadou Lamine Badji lisant un de ses poèmes. Photo utilisée avec permission.
Filip Noubel (FN): Comme beaucoup d’Africains, tu parles plusieurs langues. Peux-tu parler de ton rapport à chacune de ces langues?
Amadou Lamine Badji (ALB): Oui, mon plurilinguisme vient de l’école primaire au collège international que j’ai fréquenté au Sénégal. J’ai pu y apprendre l’anglais et un peu l’espagnol. Le wolof est la langue avec laquelle j’ai grandi au Sénégal, avec le français, et un peu de diola, qui est la langue de mon origine ethnique.
Mon anglais s’est renforcé durant mes études universitaires en Amérique du Nord dans les années 1990. C’est un peu pour maintenir mon niveau dans cette langue que je fais des traductions depuis une dizaine d’années avec Global Voices et aussi dans des projets à Dakar. Mon espagnol est moins pratiqué mais les connaissances de base restent. J’ai aussi appris à lire l’arabe classique, et la lecture quotidienne du Saint Coran m’aide à conserver cet acquis.
FN: Tu es aussi poète. Dans quelle(s) langue(s) et comment se poursuit cette activité dans ta vie? Quels sont les poètes et poétesses qui t’inspirent le plus?
ALB: En effet, je suis devenu poète depuis 2010 avec des poèmes retenus dans les anthologies du concours Nosside World Poetry Prize (Prix mondial de poésie Nosside, un prix multilingue associé à l'Unesco); également dans celle du concours organisé dans le cadre de l’inauguration du Monument de la Renaissance Africaine avec les Editions Feu de Brousse à Dakar. C'est le poète Amadou Lamine Sall qui dirige cette maison d’édition ainsi que La Maison Africaine de la Poésie Internationale.
Il fait partie de ceux qui m’inspirent, tout comme Baudelaire et Rumi. Je devrais me forcer à écrire plus de textes en dehors des concours.
Voici un extrait d'un poème d'Amadou Liamine Badji:
IDENTITE
Hier, j’ai fait un rêve.
Un être se disant Martien,
A rencontré Adam et Eve.
Il dit : « Salam, Hi, Kasumay !»
Silence.Quelle langue parlent-ils ?
Ces gens sont-ils barbares ?
Un sourire, des signes, c’est difficile.
Mais où est leur identité ?
FN: Comment se passe la vie littéraire à Dakar? Quelles sont les grandes librairies? Les festivals littéraires?
ALB: Elle est assez animée. Il existe des organisations comme #APCS, une association de la presse culturelle du Sénégal. Nous avons aussi, depuis 2022, un Festival International de littérature de Dakar, appelé le Filid, qui réunit des auteurs sénégalais ainsi que venant d'autres pays africains pour célébrer les littératures d'Afrique. Ce festival délivre aussi le prix Cheikh Hamidou Kane, du nom d'un de nos écrivains comme surprit pour son roman “L'Aventure ambiguë“. Cette année, ce prix est revenu à l’écrivain mauritanien d'expression française M’Barek Ould Beyrouk . D'autre part, le Filip décerne aussi le prix international de poésie Annette-Mbaye-d'Erneville, réservé aux femmes, en mémoire de cette journaliste et poétesse sénégalaise. En 2023 ce prix est revenu à l’Ivoirienne Tanella Boni, poétesse et philosophe.
FN: Comment se passe l'accès au livre? Bibliothèques? Prêts entre amis? Bouquinistes? Librairies? Lecture en ligne? Question prix, les livres neufs sont-ils accessibles?
ALB: En général c’est à l’école que l’on fait son premier contact avec le livre . Les librairies les plus célèbres du Sénégal sont Aux Quatre Vents, à Dakar, de même qu’Athéna, et Mona Lisa. Mais on trouve aussi des livres dans la rue tout en pouvant emprunter entre amis bien sûr. Les prix des livres neufs sont relativement élevés dans la perception populaire.
Des bibliothèques sont disponibles dans les écoles et à l’université de même qu’à l’Institut français de Dakar.
01.12.2023 à 10:34
Jean Sovon
Obtenir des parrainages pour être candidat à l'élection présidentielle est un vrai défi
Publié à l'origine sur Global Voices en Français
Image de Bassirou Diomaye Faye, Capture d'écran de la chaîne YouTube de Tv5monde
Ousmane Sonko, principal candidat de l'opposition à l'élection présidentielle du Sénégal, n'est plus dans la course, mais nomme Bassirou Diomaye Faye, secrétaire de son parti, comme le candidat qui le représente.
Alors que de nombreux pays d'Afrique occidentale connaissent une succession de coups d'État, le Sénégal continue à jouer le jeu démocratique et se prépare à des élections présidentielles en février 2024. .
L'actuel président du pays Macky Sall, élu en 2012 et réélu en 2019, maintient d'abord le doute sur un possible troisième mandat, mais suite à des manifestations, annonce finalement sa non candidature. Il désigne Amadou Ba, l'actuel Premier ministre comme son successeur et candidat de son parti Alliance pour la République (APR-Yaakaar).
Les manifestations anti-Sall, menées par le leader de l'opposition Ousmane Sonko, président du parti Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (PASTEF) dénoncent la mauvaise gouvernance du président et font de Sonko une figure essentielle de la politique sénégalaise. Toutefois, celui-ci ne peut se présenter car il est placé en détention en juillet 2023 pour des motifs de viol, diffamation et d'appel à l’insurrection par la justice sénégalaise.
Alors que les Sénégalais iront en février 2024 aux urnes pour élire un nouveau président, plusieurs personnalités politiques annoncent leur intention de se présenter à ces élections. Au total 75 candidats se déclarent et doivent obtenir un parrainage selon la loi électorale du pays, comme l'explique ce reportage du média Africa24:
En clair, chaque candidat doit obtenir le soutien de 13 députés et 120 maires de conseils départementaux dans le pays. Selon Papa Ogo Seck, analyste politique sénégalais, interviewé par Africa24, l'obtention de ce soutien est un grand défi:
“Pour recueillir les 0,6 % de l’électorat ou pour avoir le parrainage des maires, ça risquera d’être un peu compliqué surtout que l’on se rappelle qu’au début avant le discours du 3 juillet du président Macky Sall, l’ensemble des maires avait déjà été réunis donc il semblerait que quelque part, ce parrainage risque de poser beaucoup de difficultés en raison justement du caractère éminemment politique de ce parrainage.”
Sonko n'est plus candidat à cette élection car radié de la liste électorale à cause de sa condamnation. Cette radiation a certes été annulée par un juge d'un tribunal d'instance de Ziguinchor (situé au sud du pays), mais l'homme politique ne peut plus se réinscrire sur la liste électorale. Le 19 novembre 2023, Sonko donne sa bénédiction à Bassirou Diomaye Faye pour être le candidat du parti. A noter que Diomaye Faye aussi est en détention préventive pour outrage à magistrat.
Mais sur Tv5monde, El Malick Ndiaye, secrétaire national à la communication du PASTEF déclare :
Si ce n'est pas Ousmane, ce sera Diomaye. Si ce n'est pas Diomaye ce sera un autre…
Cette stratégie indique bien que le principal parti d'opposition veut coûte que coûte s'assurer d'être dans la course à la présidentielle de 2024.
Dans ce reportage de Tv5monde, un des cadres du Pastef explique la démarche du parti:
Le choix de Bassirou Diomaye Faye semble mobiliser une partie de l'électorat sénégalais. En témoigne, cette publication sur le réseau X (ex-twitter) de Fatima Tall, une Sénégalaise:
#Senegal Meanwhile, l’adhésion des populations dans le Parrainage pour le compte de Bassirou Diomaye Faye dépasse tous les records de mobilisation!
Les Sénégalais Parrainent & financent la campagne du PR Sonko!Mo meun, mo eup dolé, mo gueuneu kharagne!
Daniouy Gagnépic.twitter.com/iD79ZrnsSO
— Fatima Tall
(@timatall) November 30, 2023
De même, dans la diaspora sénégalaise, plusieurs personnes font le choix du candidat Bassirou Diomaye Faye, comme l'indique le bureau du parti en France Pastef France Officiel dans cette publication X :
La journée de Parrainage de Bassirou Diomaye Faye en France fut un éclatant succès !
La diaspora sénégalaise a répondu massivement à l'appel, démontrant une mobilisation extraordinaire en faveur du candidat @DiomayeFaye
Parrainer @DiomayeFaye, c'est soutenir… pic.twitter.com/MiTnRZgiCf
— Pastef_FranceOfficiel (@PastefFrance) November 27, 2023
Si les militants sont à pied d’œuvre pour la collecte d'un maximum de parrainage, la grande question est de savoir si Bassirou Diomaye Faye aura le même poids politique que Sonko, qui demeure toujours une option pour les cadres du parti.
Âgé de 43 ans, le nouveau candidat du parti Pastef est natif de Ndiaganiao, commune située au centre ouest du Sénégal. Il est diplômé de l'École nationale d'administration (ENA) au Sénégal après une maîtrise en droit obtenue à l’Université Cheikh Anta Diop. Il a fait carrière dans l'administration fiscale. Avec un profil similaire à celui d'Ousmane Sonko, il a fondé avec lui ensemble le syndicat des agents des impôts et domaines avant de créer aussi le parti Pastef. Politiquement, il a été influencé par son père qui était un membre du Parti Socialiste.
Cette vidéo de France24 présente une analyse détaillée de la nomination de Faye:
Outre la déclaration de candidature de Bassirou Diomaye Faye à la prochaine élection, d'autres candidats de taille sont à considérer.
Idrissa Seck du parti politique Rewmi (qui signifie ” le pays ” en langue wolof) est un sérieux candidat à la magistrature suprême. Il a été plusieurs fois ministre sous d’ anciens présidents et a occupé le poste de président du Conseil économique, social et environnemental du Sénégal sous Macky Sall.
Khalifa Sall du rassemblement politique Taxawu Sénégal a lui aussi été plusieurs fois ministres sous Abdou Diouf, ancien président du Sénégal. En 2017, il a été arrêté et emprisonné pour détournement de fonds public alors qu'il était maire de Dakar et aussi député. Sall retrouve ses droits politiques après avoir été gracié par Macky Sall en 2019.
Un troisième candidat au nom de Karim Wade du Parti démocratique sénégalais (PDS) peut aussi faire le poids dans cette élection. Fils d’Abdoulaye Wade, ancien président du Sénégal, Karim a profité de son statut de fils de président. Conseiller du président, ministre puis maire durant le régime de son père, il a toutefois été accusé de corruption, d'enrichissement illicite et de détournements de deniers publics en 2013 et par conséquent condamné à six ans de prison. Il sera aussi gracié d'abord en 2016 par décret, puis amnistié en 2022 par Macky Sall.
Cette élection présidentielle revêt des enjeux majeurs pour plus de 6,8 millions (nombre d'électeurs lors des législatives de 2022) d'électeurs sénégalais. En effet, la pauvreté et le chômage poussent beaucoup de jeunes à choisir la voie de l'immigration clandestine par la mer. Fin 2022, le taux de chômage était de 21,9 %. Selon l'indice de perception de corruption de Transparency International, le pays occupe le 72è rang sur 180 pays.
30.11.2023 à 18:29
Abdoulaye Bah
Analyse d'un discours de désinformation diffusé par les médias pro-Kremlin en Serbie
Publié à l'origine sur Global Voices en Français
Collage de captures d'écran d'articles de médias serbes « Pourquoi la Russie fascine-t-elle l'Afrique : les seuls Blancs qui n'ont pas apporté le mal, les meurtres, les vols… » (Spoutnik), « Pourquoi les Français ont-ils pu rester sans électricité à cause du coup d'État au Niger ? (RT), « LA RUSSIE À LA CONQUÊTE DE L'AFRIQUE ?! La France est rayée du continent noir, après le Niger, c'est au tour du Gabon ! Ce qui se passe?’ et ‘C'EST SIGNÉ, POUTINE LIBÈRE L'AFRIQUE ! Il a conclu un accord solide avec pas moins de 40 pays ! » (Srbija Danas). Utilisée avec permission.
Cette analyse d'Aleksandar Ivković a été initialement publiée par le Centre des affaires internationales et de sécurité (ISAC), qui fait partie de l'initiative régionale Western Balkans Anti-Disinformation Hub . Une version éditée est republiée par Global Voices dans le cadre d'un accord de partenariat.
[Sauf d'indication contraire, tous les liens mènent vers des sites en anglais]
Le coup d'État [fr] perpétré par l'armée nigérienne fin juillet 2023 – et, dans une moindre mesure, le sommet Russie-Afrique tenu à Saint-Pétersbourg – ont été utilisés par les médias de langue serbe pour promouvoir des récits sur l'influence croissante de la Russie en Afrique, affirmant que le Kremlin, contrairement à l’Occident, est un ami sincère des pays africains et est en train de gagner la bataille géopolitique avec l’Occident sur ce continent.
Le 26 juillet, l'armée nigérienne a renversé le président civil du pays, Mohamed Bazum, et a établi une junte militaire. Il s’agit de l’un des nombreux coups d’État survenus en Afrique au cours des dernières années et d’une nouvelle essentiellement négative pour la France. Paris a maintenu des troupes dans ce pays à la position stratégiquement importante sur le continent. En septembre, il a été confirmé que l'armée française et l'ambassadeur du pays seraient retirés d'ici la fin de l'année. Le Niger est également le pays d’où la France importe 20 pour cent de son uranium, et le coup d’État a suscité des inquiétudes quant à sa sécurité énergétique.
En revanche, comme l’évaluait fin août la Fondation Carnegie, il est encore trop tôt pour conclure que le Niger va complètement inverser sa politique étrangère, qui comprenait également une coopération avec les États-Unis. Pour l'instant, les troupes américaines sont restées au Niger même après le coup d'État et, le 7 août, la secrétaire d'État adjointe par intérim, Victoria Nuland, s'est rendue dans le pays, bien que dans une atmosphère tendue. Les putschistes ont annoncé que le pays serait gouverné pendant une période de transition « d'une durée maximale de trois ans », au cours de laquelle l'orientation future du pays deviendrait plus explicite. Selon des informations de la seconde quinzaine d'août, le Niger n'aurait pas arrêté ses exportations d'uranium vers la France.
Néanmoins, le fait que certains des manifestants qui ont soutenu le coup d'État militaire de fin juillet aient brandi des drapeaux russes et des pancartes avec des messages pro-russes a suffi pour construire un récit de la victoire géopolitique de la Russie et de la défaite de l'Occident, qui s'est ensuite répandu pour décrire la situation dans toute l’Afrique. Ce récit a été largement relayé dans les médias serbes au cours des semaines suivantes.
Capture d'écran de l'article de Večernje Novosti intitulé « Le continent noir en ébullition : l'Afrique se soulève contre l'Occident », utilisée avec permission.
Le 2 août, le journal progouvernemental Večernje Novosti concluait , en s'appuyant sur les déclarations de deux manifestants favorables au coup d'État, dont l'un était vêtu du drapeau russe, que « les citoyens se sont tournés vers la Russie, espérant qu'elle les aiderait à continuer après le coup d'État »., un coup d’État sans ingérence de l’Occident. L’image de couverture de cet article ( provenant d’AP , attribuée à l’agence d’État serbe Tanjug) montrait un autre manifestant tenant une pancarte traduite par « A bas la France, vive Poutine ». Le texte situe le coup d’État au Niger dans un contexte plus large, l’interprétant comme le signe que « l’Afrique se soulève contre l’Occident ».
D’autres médias ont également « inséré » les événements du Niger dans ce récit.
« Une claque à l’Occident, un grand drame au Niger ! C'est le titre publié par Informer, le tabloïd pro-gouvernemental le plus influent de Serbie, dans un article affirmant que le président pro-occidental déchu Bazum pourrait être jugé pour haute trahison. Ce même média rapportait un peu plus tôt qu’au Niger, « Poutine gagne de nouveaux alliés ».
Capture d'écran de l’article de RT (Russia Today en serbe) « Pourquoi les Français ont-ils pu rester sans électricité à cause du coup d'État au Niger ? » Utilisée avec permission.
L’édition serbe du média d’État russe Russia Today (RT) a également annoncé que « les habitants du Niger et d’autres pays du Sahel souhaitent un changement politique et nombre d’entre eux voient la Russie comme un partenaire potentiel pour l’avenir ».
À tout le moins, les médias mentionnés se sont empressés d'annoncer l'alignement du Niger sur la Russie, tandis que les affirmations sur les forts sentiments pro-russes de la population locale ne reposaient que sur quelques photos et déclarations.
Comme l'a déclaré la Fondation Carnegie dans l'analyse susmentionnée, la Russie pourrait être en mesure d'utiliser le coup d'État au Niger pour étendre son influence, y compris en proposant d'envoyer l'unité paramilitaire Wagner pour aider le nouveau régime, mais cela, surtout après la mort du leader. de cette formation, Eugène Prigojine [fr], ne sera pas simple.
Capture d'écran de l‘article de Srbija Danas « LA RUSSIE À LA CONQUÊTE DE L'AFRIQUE ?! La France est rayée du continent noir, après le Niger, c’est au tour du Gabon ! Ce qui se passe? (Photo/Vidéo).’ Utilisée avec permission.
Cette interprétation plus prudente de la situation n’a pas empêché plusieurs médias serbes de continuer à interpréter les événements sur le continent dans un sens fortement pro-russe. Fin août, un nouveau coup d'État a eu lieu au Gabon [fr], également ancienne colonie française. Le portail pro-gouvernemental Srbija Danas a publié un article sur cet événement intitulé « LA RUSSIE À LA CONQUÊTE DE L'AFRIQUE ?! La France est rayée du continent noir, après le Niger, c'est au tour du Gabon ! Ce qui se passe (Photo/Vidéo). Le texte ne fournit aucune preuve que la Russie a quelque chose à voir avec le coup d'État au Gabon, mais mentionne seulement le cas du Niger et le sommet Russie-Afrique qui s'est tenu précédemment.
Un autre des principaux récits de cette période était que la Russie était un pays ami de l’Afrique, contrairement à l’Occident qui l’a colonisée. Début août, l'édition serbe du journal russe Spoutnik a publié une conversation avec des interlocuteurs serbes, dans laquelle il était souligné que les Russes sont « les seuls Blancs » en Afrique qui n'ont pas apporté « le mal, les troubles, les meurtres et les vols ».
Capture d'écran de l'article de Sputnik Srbija « Pourquoi la Russie fascine-t-elle l'Afrique : les seuls Blancs qui n'ont pas apporté le mal, les meurtres, les vols… » Utilisée avec permission.
Le même média a également publié un article expliquant comment l’Afrique bénéficierait de la coopération avec la Russie dans les domaines minier et énergétique, contrairement à l’Occident qui exploitait ces ressources sur le continent. La déclaration du porte-parole du président russe, Dmitri Peskov, a également déclaré que «de nombreux pays sont très jaloux de la manière d'améliorer les relations entre la Russie et les pays africains».
Le 19 août, le portail Vostok a publié une déclaration du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, qui a déclaré que « les partenariats entre Moscou et l'Afrique se développent malgré la pression colossale de l'Occident » et que « les pays africains considèrent la Russie comme un partenaire fiable qui peut contribuer à maintenir la stabilité et contribuer à la lutte contre le terrorisme et la criminalité liée à la drogue. Les mêmes médias ont précédemment cité le président russe Vladimir Poutine dans un article détaillé sur le sommet Russie-Afrique des 27 et 28 juillet à Saint-Pétersbourg. À cette occasion, Poutine a déclaré que la Russie soutenait le désir des pays africains de parvenir à la stabilité sociale et économique et à la souveraineté nationale et culturelle.
Le 3 août, Spoutnik a rapporté la déclaration du président de la Douma d'État Viatcheslav Volodine, selon laquelle « les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France devraient indemniser les pays africains pour les dommages causés pendant le colonialisme ». Il a également rappelé à son auditoire qu'à cette époque, les États-Unis et les pays européens mentionnés ci-dessus se livraient au commerce des esclaves et transportaient environ 15 millions de personnes vers l'Amérique seulement, qui sont devenues des esclaves.
« C'EST SIGNÉ, POUTINE LIBÈRE L'AFRIQUE ! Il a conclu un accord solide avec jusqu’à 40 pays ! » Capture d'écran de l'article de Srbija Danas, utilisée avec permission.
Enfin, plusieurs textes soutiennent le récit d’une perte de la bataille géopolitique de l’Occident, en premier lieu de la France, en Afrique. Après le sommet de Saint-Pétersbourg, le portail Srbija Danas a annoncé que des accords avaient été signés entre la Russie et plus de 40 pays africains et que la Russie aurait désormais une influence beaucoup plus significative sur le continent. Le titre disait : « C'EST SIGNÉ, POUTINE LIBÈRE L'AFRIQUE ! J’ai conclu un accord puissant avec jusqu’à 40 pays ! » D'autres médias, dont Večernje Novosti et Russia Today , ont également souligné le rôle croissant de la Chine et des BRICS sur le continent.
Selon Euronews, il n'existe actuellement aucune preuve de l'implication directe de la Russie dans le coup d'État au Niger, comme l’a déclaré le porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain. Par conséquent, donner des points de vue simples dans la lutte géopolitique avec l’Occident n’a pas de sens. D’une manière générale, l’influence russe en Afrique existe dans certains domaines – notamment dans la sécurité et le commerce des armes – mais la plupart des auteurs qui ont écrit sur le sujet concluent que l’impact global ne doit pas être surestimé.
La valeur des échanges commerciaux entre la Russie et l'Afrique s'élève à environ 18 milliards de dollars, tandis que les échanges de l'Afrique avec l'Union européenne et la Chine dépassent chacun 200 milliards de dollars et, avec les États-Unis, environ 65 milliards de dollars. Bien que le volume des échanges commerciaux entre la Russie et l’Afrique ait presque doublé entre 2013 et 2021, cette croissance a ralenti au cours des années suivantes et, entre 2019 et 2023, le volume des échanges a même diminué, tandis que les investissements directs russes représentent 1 % de tous les investissements entrants en Afrique, a déclaré la Fondation Carnegie . Par ailleurs, les deux tiers de l'activité russe sont concentrés dans le nord du continent, principalement en Egypte, en Algérie et au Maroc.
La décision de la Russie de quitter en juillet l’ Accord céréalier de la mer Noire[fr] , dont l'objectif était de réduire le prix mondial des céréales et de permettre leur livraison vers les pays les plus pauvres de la planète, a suscité des réactions négatives de la part des dirigeants africains, bien que Poutine ait annoncé qu'il autoriserait les exportations gratuites vers certains pays du continent.
La coopération entre la Russie et l'Afrique est la plus intense dans le domaine de la sécurité, principalement dans le domaine des exportations d'armes, où, au cours des années précédentes, la valeur des marchandises exportées a augmenté de manière significative, passant d'environ 500 millions de dollars à 2 milliards de dollars par an, selon données de la RAND Corporation. Selon une analyse du Centre d'études stratégiques et internationales de Washington, quelle que soit l'issue de la guerre en Ukraine, la Russie sera fortement incitée à continuer d'utiliser des formations paramilitaires en Afrique, y compris le groupe Wagner restructuré, car un grand nombre de guerres des vétérans du champ de bataille ukrainien seront disponibles pour ces missions.
En revanche, comme le note l'analyse britannique de Chatham House , seuls 17 chefs d'État du continent sont venus au sommet Russie-Afrique à Saint-Pétersbourg, soit un nombre nettement inférieur à celui d'il y a quatre ans, lors du premier sommet de ce type s'est tenue à Sotchi , en présence de 43 chefs d'État. Les auteurs de l’analyse ont conclu que les dirigeants africains ont obtenu peu de résultats concrets de la rencontre avec Poutine et que l’aspect pratique du sommet Russie-Afrique sera réexaminé à l’avenir. L’image de la Russie en Afrique n’est pas non plus absolument positive. Une enquête menée par IPSOS en juin 2023 au Sénégal, au Nigéria, en Ouganda, au Kenya, en Zambie et en République d'Afrique du Sud a montré que dans chacun de ces pays, plus de 50 % de la population était d'accord avec le fait que la Russie avait commis des crimes de guerre en Ukraine, tandis que moins de 50 % de la population était d'accord avec le fait que la Russie avait commis des crimes de guerre en Ukraine 30 pour cent ne sont pas d’accord avec cette affirmation.
Comme l’ a écrit le chercheur Joseph Siegle pour le Centre d'études stratégiques de l'Afrique de Washington, « l'influence de la Russie en Afrique pourrait dépasser ses capacités ». Il conclut que :
« Le continent prend de plus en plus conscience du peu que la Russie apporte réellement à l’Afrique en termes d’investissement, de commerce, de création d’emplois ou de sécurité. Son déploiement de mercenaires, sa désinformation polarisante, son ingérence politique et ses accords opaques d’armes contre des ressources signifient que la Russie est en réalité un amplificateur d’instabilité sur le continent .»