01.12.2025 à 20:19
Équipe de l'Observatoire
C'est peu de dire que, sur le front budgétaire, l'actualité a été riche et les débats intenses. Comme depuis sa création, l'Observatoire de la justice fiscale a souhaité contribuer au débat, en montrant notamment que, en France comme dans les autres pays, la question de la justice fiscale n'était pas un simple slogan mais bel et bien une nécessité, pour ne pas dire une urgence sociale, écologique et économique. Dans la période, les contre-vérités sont nombreuses et il n'est pas toujours (…)
- Actualités
C'est peu de dire que, sur le front budgétaire, l'actualité a été riche et les débats intenses. Comme depuis sa création, l'Observatoire de la justice fiscale a souhaité contribuer au débat, en montrant notamment que, en France comme dans les autres pays, la question de la justice fiscale n'était pas un simple slogan mais bel et bien une nécessité, pour ne pas dire une urgence sociale, écologique et économique. Dans la période, les contre-vérités sont nombreuses et il n'est pas toujours évident de distinguer le vrai du faux. Puisse ce second numéro de la lettre de l'Observatoire y contribuer, en revenant sur nos publications de la période récente.
17.11.2025 à 11:03
Équipe de l'Observatoire
Combien de fois avez-vous entendu cet argument selon lequel toute hausse du niveau de prélèvements obligatoires serait néfaste pour la croissance et pour l'activité économique ? Plutôt qu'un long développement, nous répondrons ici en deux temps en montrant que : 1/ c'est au sein des pays riches, même libéraux, que le taux de prélèvements obligatoires est le plus élevé, 2/ la hausse du niveau des prélèvements obligatoires n'a pas nui à l'activité économique, au contraire.
** Les pays (…)
Combien de fois avez-vous entendu cet argument selon lequel toute hausse du niveau de prélèvements obligatoires serait néfaste pour la croissance et pour l'activité économique ? Plutôt qu'un long développement, nous répondrons ici en deux temps en montrant que :
1/ c'est au sein des pays riches, même libéraux, que le taux de prélèvements obligatoires est le plus élevé,
2/ la hausse du niveau des prélèvements obligatoires n'a pas nui à l'activité économique, au contraire.
Rappelons le cœur du débat : lorsque le taux de prélèvements obligatoires (PO) est faible, ceci signifie que la couverture du système de protection sociale est faible et/ou que les services publics sont peu nombreux. Par conséquent, pour avoir le même niveau de couverture sociale ou accéder aux mêmes services que dans des pays comme la France, le niveau de cotisations payés aux acteurs privés (assurance santé privée, système éducatif privé, etc) est élevé.
• En 2022, le ratio moyen impôts/PIB (recettes fiscales totales, cotisations de sécurité sociale comprises, en pourcentage du PIB) des 36 pays africains couverts par l'étude de l'OCDE s'élevait à 16.0 %.
• En 2022, au sein de l'Union européenne, le moyen impôts/PIB s'élève à 40 %, précision étant apportée que la valeur du PIB y est beaucoup plus élevée.
Au-delà, à titre d'exemple, le taux de prélèvements obligatoires est d'environ 35 % aux États-Unis, le pays du néolibéralisme dont le système de sécurité sociale est géré très largement par le secteur privé. Mais globalement, dans les pays riches, le taux de prélèvements obligatoires rapporté au PIB est nettement plus élevé que dans les pays pauvres.
Les deux courbes qui suivent sont également très instructives : elles montrent tout simplement que, historiquement, la hausse du taux de prélèvements obligatoires sur le PIB n'a pas bridé la croissance économique (nous reprenons ici le terme « croissance », bien connu de la population, sans ouvrir le débat sur la nature et l'impact de la croissance). Au contraire, elle l'a accompagnée.
Ceci s'explique aisément . Il est ici essentiel de rappeler le rôle des dépenses publiques dans la fameuse « croissance économique ». En effet, une hausse de l'investissement public engendre une hausse du revenu national plus importante. Les dépenses publiques se substituent également à la demande privée en période de crise, comme l'ont montré les plans de relance suite à la crise financière de 2008 et à la crise Covid. Lorsqu'elles financent l'éducation, elles permettent une hausse du capital humain et de la production (selon les théories dites de la croissance endogène). Il en va de même lorsqu'elles financent la recherche publique, puisque cela permet un développement du progrès technique.
Dit autrement, l'activité économique a besoin de travailleuses et travailleurs bien formé·es, ce qui est le rôle du système éducatif, assuré très majoritairement par le service public en France. Elle a également besoin de personnes en bonne santé, ce qui est possible grâce au système de santé géré par la Sécurité sociale. Elle a enfin besoin d'infrastructures (et d'investissements publics (et face au changement climatique, les besoins sont immenses) et de personnes qui consomment, ce qui est notamment rendu possible par le système de redistribution, qui assure un certain niveau de revenus, etc.
Le discours sur le « poids » des prélèvements obligatoires mérite mieux que des idées fausses ressassées dans le seul but d'appauvrir l'action publique et la protection sociale et de créer les conditions de leur prise en charge par le secteur marchand. Lequel se financera, bénéfice en plus, avec des prélèvements privés.
12.11.2025 à 08:29
Équipe de l'Observatoire
La fraude fiscale, qui, désigne l'ensemble des actes illicites visant à échapper aux obligations fiscales, en omettant de payer les impôts dus ou en réduisant indûment le montant de la base à déclarer ou des impôts à payer, est un phénomène complexe et évolutif. Tous les travaux concordent cependant : quoiqu'en disent les pourfendeurs du « modèle social », elle se traduit par des pertes de recettes considérables.
Dans son rapport « L'état de la justice fiscale en 2025 », Tax Justice (…)
La fraude fiscale, qui, désigne l'ensemble des actes illicites visant à échapper aux obligations fiscales, en omettant de payer les impôts dus ou en réduisant indûment le montant de la base à déclarer ou des impôts à payer, est un phénomène complexe et évolutif. Tous les travaux concordent cependant : quoiqu'en disent les pourfendeurs du « modèle social », elle se traduit par des pertes de recettes considérables.
Dans son rapport « L'état de la justice fiscale en 2025 », Tax Justice Network révèle ainsi qu'une ordonnance de bâillonnement soutenue par les États-Unis qui empêche les gouvernements de révéler les noms des multinationales ayant transféré des milliards vers des paradis fiscaux a fait perdre aux pays plus de 475 milliards de dollars américains en impôts sur les sociétés entre 2016 et 2021. Les plus grands perdants sont les États-Unis eux-mêmes, qui se privent de 158,5 milliards de dollars américains de recettes, et la France avec une perte estimée à 32,3 milliards de dollars américains, soit 27,3 milliards d'euros en matière d'impôt sur les sociétés (IS).
Cette étude apporte une nouvelle confirmation de l'ampleur de la fraude fiscale, estimée entre 80 et 100 milliards d'euros.
Pour estimer la fraude fiscale globale, il faut par ailleurs ajouter la fraude à la TVA,estimée entre 20 et 25 milliards d'euros par l'INSEE. La fraude à la TVA constitue en effet un autre « gros morceau » de la fraude fiscale globale. Au sein de l'Union européenne, « la TVA due mais non perçue par les autorités fiscales a été estimée à 134 milliards d'euros en termes nominaux et à 10.3% en pourcentage de la TVA totale exigible en 2019 » selon la Commission européenne. Le produit intérieur brut (PIB) français représente entre 16 et 17 % du PIB de l'Union européenne, ce qui signifie que la fraude à la TVA telle qu'estimée par l'Union européenne représente entre 21 et 22 milliards d'euros.
Au surplus, il faut ajouter à ces 48 à 49 milliards d'euros de fraude brute cumulée les autres formes de fraudes en matière d'IS, d'impôt sur le revenu, d'impôts sur le patrimoine, d'autres impôts sur la consommation ou encore les impôts locaux.
En matière d'IS en effet, il existe d'autres formes de fraudes : fraude au crédit d'impôt recherche ou aux autres niches fiscales des entreprises, fausses factures, sur ou sous facturation, etc.
Au-delà, il s'agit d'analyser l'impact de l'économie souterraine. Selon l'INSEE, le taux de travail dissimulé est de 8.8 % du PIB, ce qui se traduit par une perte de recettes sociales, mais également fiscales, puisque les revenus non déclarés ou sous déclarés échappent à l'impôt sur le revenu. Celui-ci fait également l'objet d'autres formes de fraudes, comme la fraude à certaines niches fiscales (soit le fait de bénéficier à tort de crédits ou de réductions d'impôt) ou la maximisation de charges déductibles, pour les commerçants, les professions libérales et les revenus fonciers notamment.
S'agissant des impôts sur le patrimoine, la fraude prend elle aussi diverses formes : non déclaration d'actifs détenus ou transmis (détenus à l'étranger, vie des sociétés écrans ou anonymement comme dans le cas de crypto-actifs par exemple), sous-déclaration de biens détenus ou transmis pour baisser artificiellement les droits de mutation à titre onéreux lors d'une vente, ou les droits de donation et de succession lors d'une transmission à titre gratuit ou encore l'impôt sur la fortune immobilière.
Les impôts locaux également sont parfois fraudés, lorsque des travaux portant sur des agrandissements de biens immobiliers ne sont pas déclarés et qu'ils ne peuvent donc pas donner lieu à une actualisation de la base de la taxe foncière et/ou de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires.
Enfin, pour compléter le tableau de la fraude, précisons que les droits de douane, calculés sur l'origine et la valeur des marchandises ainsi que sur leur classement (pour appliquer le tarif douanier correct) font, eux aussi, l'objet de fraudes importants, par voie de falsification de l'un de ces facteurs lors de l'importation ou de l'exportation de marchandises ou encore en détournant certains régimes douaniers (comme la fraude au régime 42 (qui permet, lors de l'importation de marchandises en provenance d'un pays tiers, de bénéficier d'une exonération de la TVA au point d'entrée dans l'Union européenne, à la condition que ces biens soient immédiatement expédiés vers un autre État membre.
Certains montages touchent plusieurs impôts. Ainsi, pour éviter de payer tout à la fois l'impôt sur le revenu et les impôts sur le patrimoine, certains contribuables se déclarent résidents à l'étranger mais continuent de vivre en France. Chaque année, de nombreuses personnes font l'objet de redressements fiscaux pour « fausse domiciliation ». Certains acteurs du E-commerce fraudent tout à la fois la TVA, l'IS et les droits de douane, etc.
Il serait impossible de décrire en quelques mots la diversité et la complexité des fraudes fiscales. Mais à la lumière des récents travaux, un constat s'impose : tous confortent l'estimation selon laquelle la fraude fiscale représente un manque à gagner compris entre 80 et 100 milliards d'euros. Cette situation, qui perdure, est dévastatrice à tous points de vue. Les recettes manquent pour financer l'action publique, la protection sociale et les investissements face au changement climatique. La fraude plombe l'activité économique et aliment les injustices et les inégalités, surtout lorsqu'elle est le fait des agents économiques les plus aisés. Au surplus, elle nourrit la crise démocratique. La lutte résolue contre l'évasion et la fraude fiscales est donc un enjeu majeur.