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09.07.2025 à 19:44

France-Algérie : quand la politique intérieure sacrifie la diplomatie

Chiara Carbonnet

Le lien franco-algérien s’était-il à ce point délité depuis l’indépendance ? Tandis qu’Alger réactive un imaginaire anticolonial à l’encontre de Paris, de nombreux dirigeants français dénoncent les accords bilatéraux de 1968. Au-delà des contentieux bien réels entre les deux pays, cette crise semble moins résulter d’enjeux diplomatiques que de questions de politique intérieur. Des deux côtés […]
Texte intégral (2290 mots)

Le lien franco-algérien s’était-il à ce point délité depuis l’indépendance ? Tandis qu’Alger réactive un imaginaire anticolonial à l’encontre de Paris, de nombreux dirigeants français dénoncent les accords bilatéraux de 1968. Au-delà des contentieux bien réels entre les deux pays, cette crise semble moins résulter d’enjeux diplomatiques que de questions de politique intérieur. Des deux côtés de la Méditerranée, l’entretien des frictions franco-algériennes permet d’envoyer un signal à une base sociale. Une confusion dont l’empiètement du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau sur le « domaine réservé » du Quai d’Orsay est emblématique. Si l’interdépendance franco-algérienne semble trop importante pour qu’une véritable rupture diplomatique se produise, la surenchère demeure source d’inquiétudes.

Du Sahara occidental à la surenchère

Depuis l’indépendance, les relations entre l’Algérie et la France n’ont fait qu’osciller entre crise diplomatique et réconciliation affichée. Mais l’été 2024, par la prise de position française sur le Sahara occidental, pourrait marquer un tournant.

En juillet 2024, le président français a adressé un courrier au roi Mohamed VI pour acter la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidentale, territoire que se disputent depuis un demi-siècle le Maroc et le mouvement indépendantiste du Front Polisario soutenu par l’Algérie. Celui-ci occupe une place importante dans la diplomatie algérienne, qui affiche un héritage anticolonialiste dans sa politique étrangère. Alger cherche à inscrire son soutien à la cause du Sahara Occidental, au même titre qu’à la Palestine, dans la lignée de sa guerre d’indépendance.

Jusqu’alors, la France avait joué un rôle d’équilibriste, choisissant de ne pas prendre officiellement partie sur cette question, même si elle s’orientait en réalité déjà vers la reconnaissance de la souveraineté marocaine. Ce nouveau positionnement constitue ainsi une ligne rouge franchie, touchant à un point sensible de l’affichage diplomatique algérien. La France, n’ayant pas pris la peine d’engager une discussion avec l’Algérie avant d’envoyer ce courrier, connaissait sans nul doute les conséquences qui en découleraient – et notamment le rappel de l’ambassadeur d’Algérie à Paris, ainsi que la réduction de la coopération bilatérale au strict minimum.

De nombreux gestes mémoriels, à peu de frais pour la France, n’ont pas été réalisés, malgré leur importance pour l’Algérie

Depuis lors, les deux parties ont entrepris une escalade. Le 16 novembre 2024, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal est arrêté par les autorités algériennes. Ancien cadre algérien, récemment naturalisé français, il est accusé d’atteinte à l’intégrité territoriale et à la sécurité de l’Etat après avoir déclaré que l’ouest de l’Algérie appartenait au Maroc. Au-delà de l’aspect juridique – la contestation de l’intégrité territoriale du pays est délictueuse dans le droit algérien -, les autorités d’Alger savaient, à leur tour, que cette arrestation provoquerait un tollé diplomatique. Emmanuel Macron n’a pas manqué de déclarer que l’Algérie se « déshonorait » en envoyant un écrivain en prison.

Malgré le retrait de l’ambassadeur algérien à Paris, la tension semblait demeurer contenue – avant que la débat se déporte vers la question des Obligations de quitter le territoire français (OQTF) et des flux migratoires algériens en France. Le 22 février 2025, un Algérien de 37 ans, qui avait fait l’objet d’une dizaine de mesures d’expulsion, toujours refusée par l’Algérie, a assassiné une personne à Mulhouse. Cet événement a réactivé un débat ancien sur les OQTF, qui avaient déjà fait les gros titres au début du mois de janvier à la suite du refus d’Alger d’accueillir sur son sol l’influenceur Doualemn. La mauvaise volonté d’Alger dans la coopération vis-à-vis de ses ressortissants visés par une OQTF a fait les choux gras de la droite française.

Elle a tôt fait de mettre en cause les accords bilatéraux de 1968 relatifs à la facilitation de la circulation, de l’emploi et du séjour en France des ressortissants algériens. Plusieurs personnalités publiques, dont l’ancien ambassadeur de France à Alger Xavier Driencourt, ont même évoqué leur suppression. En réalité, ce cadre franco-algérien, déjà été révisé trois fois, ne concerne pas les reconduites à la frontière – et a moins bénéficié à l’Algérie à mesure qu’il a été revu. Si les OQTF soulèvent de réelles questions diplomatiques, leur traitement politico-médiatique les a rabaissés au rang d’enjeux de politique intérieure.

Relents coloniaux et frictions mémorielles

Si la crise a atteint un tel seuil de gravité, c’est parce qu’elle est survenue sur fond de frictions mémorielles qui fragilisent depuis longtemps les rapports entre les deux pays.

En 2017 pourtant, un traitement apaisé de mémoire coloniale faisait partie intégrante des promesses et engagements d’Emmanuel Macron. Si la France a essayé d’aller au-delà de discours généraux en adoptant plus d’une dizaine des recommandations du rapport de Benjamin Stora comme la reconnaissance de l’assassinat d’Ali Boumendjel ou l’ouverture de certaines archives, cette initiative avait avant tout pour but de combler des factures franco-françaises et non franco-algériennes. Cet apaisement temporaire des mémoires s’est effectué aux dépens d’une réconciliation de long terme, qui aurait impliqué la construction d’un récit partagé.

De nombreux gestes mémoriels, à peu de frais pour la France, n’ont pas été réalisés, malgré leur importance pour l’Algérie. Du nettoyage des déchets nucléaires datant des essais des années 60 aux sources relatives aux disparus de la guerre d’Algérie – dont l’absence empêche les familles de faire le deuil de ce passé -, la réparation escomptée n’a pas eu lieu. Les historiens algériens de la commission mixte ont, en outre, réclamé le Coran personnel, le bâton de commandement, l’épée et le burnous de l’émir Abdelkader. Autant d’objets qui n’ont pas été restitués à l’Algérie.

Dans ce contexte inflammable, les crépitements se multiplient. Ainsi Bruno Retailleau, outrepassant ses fonctions de ministre de l’Intérieur, a invité à instaurer « un rapport de force » avec l’Algérie. Cet empiètement sur le domaine dit « réservé » de la politique étrangère est lesté d’une forte charge symbolique : avant son indépendance, l’Algérie ne dépendait pas du ministère des Colonies mais relevait de l’Intérieur. Une continuité institutionnelle qui a pu séduire une partie de l’électorat d’extrême droite nostalgique de l’ère coloniale.

Elle n’est pas passée inaperçus côté algérien : suite à l’expulsion des douze agents de l’ambassade de France en réponse à l’arrestation d’un consul algérien, l’Algérie a déclaré faire porter « la responsabilité entière » des regains de tensions au ministre de l’Intérieur. La partie française a surenchéri en expulsant à son tour douze agents du réseau consulaire et diplomatique algérien de son territoire.

La France a souvent reproché à l’Algérie de faire de la relation bilatérale un enjeu de politique intérieure – mais n’assiste-t-on pas à un processus similaire en France ?

Relations fusionnelles

Selon l’historien Benjamin Stora dans une interwiew accordée à l’AFP, il est difficile d’entrevoir une rupture diplomatique au sens classique du terme. Malgré les frictions mémorielles, l’Algérie et la France entretiennent des relations étroites sur les plans humain, économique et culturel. La présence en France d’une proportion importante d’Algériens, de Franco-Algériens et de leurs conjoints génère une proximité singulière entre les deux pays. Envisager une rupture diplomatique impliquerait de ne plus délivrer de visas de l’Algérie vers la France et inversement : une étape impensable, si l’on garde à l’esprit la présence d’un million d’Algériens officiellement déclarés vivant sur le territoire français – sans parler des Franco-Algériens dont une partie de la famille demeure en Algérie, des Algériens qui viennent pour leurs études, etc. Ainsi, une rupture diplomatique concernerait deux à deux millions et demi de personnes directement liées à l’Algérie : son coût semble trop élevé pour être supportable.

Sur le plan économique, l’Algérie a toujours été un partenaire important de la France dont l’échange commercial s’élève à près de douze milliards de dollars en 2023. La coopération économique se structure autour de plusieurs domaines stratégique comme l’énergie, la sécurité et l’agroalimentaire. Son élément clef réside sans doute dans les hydrocarbures : selon les chiffres du ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, le secteur représente près de 80 % des exportations algériennes vers la France. Même si les volumes ont diminué en 2024 de plus de 10%, l’Algérie demeure le troisième fournisseur de la France en pétrole brut et gaz naturel. Il faut ajouter que du côté français, plus de 450 entreprises sont implantées en Algérie comme TotalEnergies, Engie, Aventis, BNP Paribas, la Société Générale et biens d’autres notamment dans le secteur agro-alimentaire.

La France, quant à elle, a longtemps été un fournisseur important de blé, de produits pharmaceutiques et d’équipements industriels de l’Algérie même si elle est aujourd’hui concurrencée par la Chine, la Russie, l’Italie ou encore la Turquie. Elle demeure aujourd’hui le deuxième partenaire commercial de l’Algérie. Dans ce cadre, il n’est pas simple de concevoir une rupture des relations commerciales.

Légitimations internes

Si les deux nations ont à ce point peu intérêt à la rupture, comment expliquer l’ampleur de la crise ? En réalité, ce non-dialogue, instauré depuis quelques mois, permet à de nombreux acteurs de légitimer leur positionnement des deux côtés de la Méditerranée. Chaque partie a intérêt à présenter l’autre comme responsable de l’accroissement des tensions – quitte à surjouer l’indignation.

La France considère que l’Algérie refuse de coopérer sur la question des OQTF : l’Algérie a refusé le retour de plus de 35 de ses ressortissants depuis la mi-janvier. Il faut cependant rappeler qu’Emmanuel Macron avait déjà divisé par deux les distributions de visas depuis janvier sans en informer l’Algérie, qui s’est dite « surprise » de ses mesures de restrictions.

De son côté, Alger réactive un vocabulaire et un imaginaire liés à la colonisation, instrumentalisée pour justifier sa politique intérieure. L’intensité et l’omniprésente des leitmotivs anticoloniaux fait peu de doutes. Jusqu’à aboutir à des revendications hasardeuses : ainsi que le rappelle Benjamin Stora, une fraction considère que l’Algérie devrait défendre sa « pureté ethnique » en se débarrassant de la « francité » que l’on y trouve. Ces factions restent foncièrement minoritaires, mais constituent le miroir du racisme anti-algérien latent que l’on trouve dans la droite et l’extrême droite française.

Ce statu quo mémoriel leur permet de se réapproprier la crise diplomatique pour en faire une question de politique intérieure. Ou même partisane : ainsi, la surenchère affichée par Bruno Retailleau vis-à-vis de l’Algérie peut se comprendre dans le cadre de une stratégie de conquête au sein des Républicains. Le gouvernement laissera-t-il une relation aussi fondamentale, pour la France, être sacrifiée sur l’autel d’enjeux politiciens de court terme ?

07.07.2025 à 18:56

Trenitalia en France : quand l’État organise le sabotage de la SNCF

Chloé Petat

La nouvelle offre TGV de Trenitalia sur la ligne Paris-Marseille, lancée le 15 juin, propose des prix avantageux par rapport à la SNCF. Ces tarifs, à partir de 27 euros, semblent valider la prophétie selon laquelle la concurrence fait baisser les prix. Derrière cette offre peu onéreuse se cachent en réalité des privilèges accordés par […]
Texte intégral (1357 mots)

La nouvelle offre TGV de Trenitalia sur la ligne Paris-Marseille, lancée le 15 juin, propose des prix avantageux par rapport à la SNCF. Ces tarifs, à partir de 27 euros, semblent valider la prophétie selon laquelle la concurrence fait baisser les prix. Derrière cette offre peu onéreuse se cachent en réalité des privilèges accordés par l’État au nouvel entrant italien. Alors que la SNCF est soumise à de nombreuses contraintes – contribuer au maintien du réseau, assurer la desserte de lignes peu fréquentées -, Trenitalia en est largement exempté. Ce régime spécial, artificiellement octroyé par l’État aux nouveaux entrants, ne fera qu’accélérer le déclin de la compagnie nationale française. Par Chloé Petat, autrice de La révolution ratée du transport ferroviaire au 21e siècle (Bord de l’eau, 2024).

Le prix d’un billet de train est ordinairement déterminé par plusieurs facteurs : le tarif des péages ferroviaires, la TVA, et bien sûr l’offre et la demande. Pour un billet de type TGV, la TVA compte pour 10%, tandis que le péage s’élève à 40% du prix. Les tarifs de ces péages sont fixés par l’Etat (via SNCF Réseau), et vont varier selon plusieurs facteurs comme la fréquentation, la typologie de la ligne (TGV/TER) ou encore les coûts de maintenance.

La France l’un des pays européens dont les péages ferroviaires sont les plus élevés. Cette caractéristique découle d’un choix politique, consistant à diminuer les subventions du TGV et contribuant à faire peser le coût davantage sur l’usager, et moins sur le contribuable. Le paiement de ces péages n’a du reste pas pour objectif de dégager une rentabilité financière mais de financer les coûts de maintenance de modernisation et de rénovation du réseau ferroviaire. In fine, il s’agit de payer le droit d’emprunter l’infrastructure comme c’est le cas pour les autoroutes.

En 2024, la SNCF a reversé pas moins de 1,7 milliards d’euros au fonds de rénovation de son réseau. À ce jour, les nouveaux entrants n’y contribuent pas

Un autre facteur qui explique la variation des prix des billets est connu sous le nom de yield management. Il s’agit d’un système qui augmente ou diminue le prix des billets de train en fonction de l’offre et la demande. La SNCF n’est pas la seule compagnie ferroviaire à utiliser ce système : c’est également le cas de Trenitalia. Toutefois, certains prix de billets peuvent être plafonnés : c’est le cas lorsque l’on possède un abonnement. Ainsi, puisque les prix s’ajustent en fonction de l’offre et la demande, les lignes les plus fréquentées sont les plus chères. Pourquoi, alors, les tarifs de Trenitalia sont-ils plus avantageux ?

Ce que cache la composition d’un prix

Les prix proposés par l’entreprise italienne s’expliquent par plusieurs facteurs :

• Le choix de Trenitalia de pratiquer une politique commerciale agressive pour se faire une place sur le marché français et faire connaître son offre du grand public.

• Un apparent plafonnement des prix sur plusieurs mois (voir le graphique ci-dessous).

• Les réductions de tarifs sur les péages dont l’entreprise bénéficie en tant que nouvel entrant.

Les tarifs aujourd’hui proposés ne sont pas rentables pour Trenitalia, ainsi que l’a indiqué Mario Caposcuitti, président France de Trenitalia. L’entreprise accepte donc d’être « dans le rouge » à court terme afin de s’implanter sur le marché et in fine de pouvoir dégager des bénéfices dans un avenir proche. Une stratégie similaire est pratiquée par la SNCF sur le marché ferroviaire espagnol, qui a permis de gagner en quelques années 20% des parts de marché tout en étant encore aujourd’hui déficitaire.

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Deuxième facteur explicatif : il semble que Trenitalia propose des prix globalement plafonnés sur la période, comme l’indique le graphique ci-dessous, comparant de juin à décembre 2025 les prix pratiqués par la SNCF et la Trenitalia sur plusieurs dates et à des horaires différentes (heures pleines et heures creuses). Les prix des billets SNCF ne prennent pas en compte les éventuelles réductions liées au fait de posséder une carte avantage ou un abonnement.

Source : comparaison des prix proposés en date du 18 juin 2025, en ligne sur le site de la SNCF et de Trenitalia.

Les tarifs à partir de 27 euros s’expliquent aussi par la réduction des péages dont bénéficie l’entreprise. En effet, Trenitalia a bénéficié sur les années 2021 et 2022, dans le cadre du lancement de son offre Paris-Lyon, d’une réduction de 37 % sur les péages pour la première année, de 16% pour la deuxième et 8% pour la dernière (année 2024). De nouvelles réductions de péages ont été octroyées à Trenitalia la suite du lancement de son service sur la ligne Paris-Marseille. Elle bénéficierait de trente millions d’euros de réduction jusqu’en 2028 – sans que ces chiffres aient été confirmés par l’ART.

La SNCF, quant à elle, n’en bénéficie pas. Justifiées par l’impératif d’attirer de nouveaux entrants sur un marché longtemps dominé par la SNCF, ces réductions de péages ont un impact important : c’est leur paiement qui permet de financer la rénovation du réseau ferroviaire. Si la concurrence venait à s’intensifier, ces réductions massives pourraient amputer SNCF-Réseau de sommes importantes non-investies dans sa rénovation.

Il faut ajouter que la rénovation du réseau est permise par un fonds créé par la loi sur le Nouveau pacte ferroviaire, auquel la SNCF a reversé… pas moins de 1,7 milliards d’euros en 2024. À ce jour, les nouveaux entrants n’y contribuent pas. Ces privilèges ne deviendront que plus problématiques à mesure que les concurrents de la SNCF se multiplieront : avec l’exploitation du réseau, c’est son usure qui s’accroîtra, nécessitant des investissements d’autant plus massifs. Ainsi, si les tarifs proposés par Trenitalia reposent sur les baisses des péages, le plafonnement des billets et une politique commerciale agressive, il semble difficile de considérer que les prix actuels pourraient être pérennes.

Dernier privilège octroyé par l’État aux concurrents de la SNCF : contrairement à celles-ci, ils ne disposent pas de l’obligation de desservir les lignes peu fréquentées – et donc peu rentables. Cette contrainte, imposée à la compagnie nationale française, permet encore de couvrir une partie importante du territoire national, et de relier entre elles des zones peu fréquentées. Quand bien même l’opération est peu profitable. La possibilité pour Trenitalia aurait même menacé de se retirer du réseau français si de telles conditions lui avaient été imposées.

De quoi dégrader encore les services proposés par la SNCF… et justifier sa privatisation accélérée ?

05.07.2025 à 17:44

Le phénomène « tradwife », symptôme d’une nouvelle phase du capitalisme

Kristen Ghodsee

La nostalgie des anciens stéréotypes de genre est bien plus qu'une tendance étrange observée sur les réseaux sociaux. Cette dynamique s'inscrit dans un contexte plus large de pressions sur les femmes à retourner au foyer, dans un contexte de crise de la natalité et de hausse du chômage.
Texte intégral (3472 mots)

La nostalgie des anciens stéréotypes de genre est bien plus qu’une simple tendance étrange observée sur les réseaux sociaux. Cette dynamique s’inscrit dans un contexte plus large de pressions systémiques exercées sur les élites, confrontées à des avancées technologiques susceptibles de générer des troubles sociaux, et sur les femmes ordinaires, accablées par les exigences du travail moderne.

Kristen R. Ghodsee est l’auteure de Why Women Have Better Sex Under Socialism (Pourquoi les femmes ont une meilleure vie sexuelle sous le socialisme), Everyday Utopia (L’utopie au quotidien) et de nombreux autres ouvrages. Elle dirige le département d’études russes et d’Europe de l’Est à l’université de Pennsylvanie. Spécialiste des dynamiques de genre dans les régimes socialistes d’Europe orientale et de la transition vers le capitalisme, elle s’est entretenue avec Meagan Day de Jacobin [1]. L’entretien qui suit aborde la manière dont les rôles traditionnels de genre ont été utilisés pour gérer les chocs économiques. Kristen R. Ghodsee revient également sur les usages sociaux de l’autorité patriarcale et sur la façon dont le mécontentement réel des femmes face à leurs mauvaises conditions de travail (rémunéré ou non) s’est réorienté de l’action collective vers des fantasmes individuels de rupture avec le système qui finissent par saper leur autonomie.

Les magazines féminins ont radicalement évolué depuis la publication du célèbre ouvrage féministe de Betty Friedan, La Femme mystifiée (1963). Autrefois, ces publications regorgeaient de règles obscures imposant la soumission des femmes. Aujourd’hui, les féministes du XXIe siècle sont stupéfiées de voir certaines femmes se définir elles-mêmes comme des « tradwives » (femmes traditionnelles) et de constater qu’elles donnent des conseils sur le mariage (« En tant que femmes traditionnelles, nous sommes appelées à honorer et à valoriser nos maris, pas à les rabaisser ») et sur le travail (« Il n’y a rien de mal à avoir un petit boulot, peut-être faire du baby-sitting le soir »).

Pour l’anthropologue Kristen R. Ghodsee, le phénomène des « tradwives » est bien plus qu’une simple tendance excentrique des réseaux sociaux. Cette nostalgie pour un modèle de genre révolu et idéalisé reflète des pressions systémiques plus larges. D’une part, elles concernent les élites, qui font face à des changements économiques majeurs, susceptibles de générer des troubles sociaux. D’autre part, elles concernent les femmes ordinaires, qui cherchent à échapper à la double pression d’un travail exigeant et d’une charge familiale pour laquelle elles ne bénéficient d’aucun soutien.

MEAGAN DAY: Comment expliquer le phénomène des « tradwives » à l’heure actuelle ?

KRISTEN R. GHODSEE: J’ai réfléchi à cette question en tant qu’anthropologue et historienne spécialiste de l’Europe de l’Est. J’ai deux constats qui sont liés. Premièrement, dans son ouvrage Leviathan publié en 1651, texte fondateur de la civilisation occidentale et légitimation de l’État monarchique, Thomas Hobbes soutient que les individus n’obéissent pas naturellement au souverain, même s’ils en ont besoin. Ils doivent être formés à l’obéissance. Il explique que les individus apprennent l’obéissance auprès du pater familias, le père de famille et chef du foyer.

Plus précisément, Hobbes fonde sa théorie sur l’idéal républicain romain de la patria potestas qui conférait au père un pouvoir absolu sur la vie et la mort de ses enfants et de ses esclaves. Les rôles traditionnels attribués aux hommes et aux femmes au sein de la famille nucléaire préparent les individus à accepter sans discussion l’autorité du souverain ou du dictateur.

Il n’est donc pas surprenant, alors que nous assistons à un mouvement mondial vers la néo-dictature et les politiques autoritaires de droite, d’observer également un regain d’intérêt pour la famille nucléaire traditionnelle dirigée par un père fort qui inculque l’obéissance à ses enfants. Le phénomène des « tradwives » et la « manosphère » sont les deux faces d’une même médaille, reflétant cette évolution vers une politique autoritaire.

« Après la chute du mur de Berlin en 1989, lorsque l’économie est-allemande a été démantelée par la privatisation et la liquidation des entreprises publiques, le taux de chômage a atteint environ 40 % en 1991. La solution ? Renvoyer les femmes à la maison. »

Ma deuxième constatation concerne les chocs économiques. Après la chute du mur de Berlin en 1989, lorsque l’économie est-allemande a été démantelée par la privatisation et la liquidation des entreprises publiques, le taux de chômage a atteint environ 40 % en 1991. La solution ? Renvoyer les femmes à la maison. Les responsables ont estimé que, puisque les femmes sont naturellement faites pour s’occuper du foyer, il était logique de réduire le taux de chômage en les écartant du marché du travail.

En 1991, le ministre des Finances bulgare, Ivan Kostov, qui deviendra plus tard Premier ministre, a déclaré à la Banque mondiale que « le chômage est un problème préoccupant, atteignant 10 % pour l’année en cours. Une solution pourrait être d’encourager les femmes, dont 93 % ont un emploi, à quitter le marché du travail et à retourner dans leur famille, même si cela implique une perte temporaire du pouvoir d’achat des ménages ».

Cette stratégie éprouvée a déjà fait ses preuves à de nombreuses reprises. Il est essentiel de comprendre que lorsqu’un choc économique se produit, que ce soit avec l’introduction du capitalisme dans des sociétés anciennement socialistes ou avec l’avènement actuel de l’intelligence artificielle (IA), les gouvernements sont confrontés à un défi de taille : réduire rapidement la main-d’œuvre tout en évitant de provoquer des troubles sociaux. Renvoyer les femmes au foyer est la solution idéale. Il existe des précédents historiques, même aux États-Unis, notamment lorsque les femmes ont été intégrées au marché du travail pendant la Seconde Guerre mondiale, puis renvoyées au foyer à la fin du conflit.

Je suis convaincue que Donald Trump n’a pas un coup d’avance sur le commun des mortels, et que les gens lui attribuent bien plus de mérite qu’il n’en a réellement. Cependant, certaines personnes haut placées, comme Elon Musk, réfléchissent certainement aux bouleversements que l’IA va provoquer sur le marché du travail. L’IA va bientôt supprimer de nombreux emplois. Il est impératif d’agir pour éviter un chômage élevé qui risquerait d’entraîner des troubles sociaux. La promotion des rôles traditionnels des hommes et des femmes, avec des sphères de travail distinctes, un travail rémunéré et un travail domestique non rémunéré, a le bel effet de réduire la main-d’œuvre lorsque les emplois disparaissent. Il est évident que les personnes influentes qui prônent les rôles traditionnels des hommes et des femmes en sont conscientes.

Toutefois, il faut soulever une contradiction dans leur discours : ces mêmes personnes créent des produits qui réduisent le besoin de main-d’œuvre humaine, tout en affirmant que nous avons besoin de plus d’humains. Dans une récente interview accordée à Fox News, lorsqu’on lui a demandé ce qui le tenait éveillé la nuit, Musk a répondu que c’était la baisse du taux de natalité. C’est sa principale préoccupation. Il est évident que pour un oligarque, cette logique s’applique avec d’autant plus d’acuité que les dépenses de consommation pèsent lourdement dans l’économie américaine, représentant les deux tiers de celle-ci. Si vous n’avez pas suffisamment de personnes pour acheter vos produits, vous risquez d’avoir des problèmes.

« Les rôles traditionnels attribués aux hommes et aux femmes sont utiles pour lutter contre ces deux problèmes (le surplus de main-d’oeuvre et le risque de baisse de la consommation), en encourageant les femmes à quitter le marché du travail et à avoir plus d’enfants. »

Les rôles traditionnels attribués aux hommes et aux femmes sont utiles pour lutter contre ces deux problèmes, en encourageant les femmes à quitter le marché du travail et à avoir plus d’enfants. Les élites telles que Musk se rendent compte que le renforcement des rôles traditionnels incite les femmes à accepter de ne pas travailler et d’être financièrement dépendantes de leur partenaire, ce qui constitue un moyen de surmonter le choc exogène qui va bientôt frapper le système, mais aussi d’accroître la natalité, ce qui est important pour éviter un effondrement de la consommation.

MEAGAN DAY: Est-ce qu’ils pensent que renvoyer les femmes au foyer réduira suffisamment la main-d’œuvre pour augmenter les salaires des travailleurs restants — les hommes — et ainsi ressusciter le mythe de la famille à revenu unique ?

KRISTEN R. GHODSEE: En théorie, oui, car une main-d’œuvre réduite entraîne une pression à la hausse sur les salaires. Cependant, il existe d’autres effets, et c’est là qu’intervient la théorie de Hobbes. Si un seul patriarche subvient aux besoins de sa famille, cela renforce la structure patriarcale traditionnelle de la famille nucléaire, ce qui favorise l’obéissance des femmes et des enfants dépendants du père pour leur subsistance matérielle.

Cela crée une dynamique familiale patriarcale qui enseigne aux individus à se soumettre à une autorité arbitraire, étouffe la dissidence et fragilise l’autonomie des femmes et leur capacité à sortir de situations abusives. Nous ne savons pas avec certitude si renvoyer les femmes à la maison augmenterait les salaires des hommes, surtout avec un choc aussi violent que celui que représente l’arrivé de l’IA. Cependant, même si c’était le cas, les problèmes culturels seraient inacceptables du point de vue des droits des femmes.

MEAGAN DAY: Nous avons discuté de ce qui se passe dans l’esprit des élites, mais qu’en est-il des gens ordinaires ? Pourquoi les femmes lambda consomment-elles du contenu « tradwife » ?

KRISTEN R. GHODSEE: Il n’est ni avantageux, ni agréable, ni satisfaisant d’être un travailleur américain. Le capitalisme est critiqué. De nombreuses femmes actives ne sont pas satisfaites de leur situation. Elles sont attirées par des alternatives, mais comme il n’y en a pas, elles se tournent vers un passé idéalisé.

Le phénomène a désormais un autre visage, mais il n’est pas entièrement nouveau. Je me souviens qu’après l’élection de Donald Trump en 2016, un sondage demandait aux Américaines si elles souhaitaient être comme Hillary Clinton ou Melania Trump. L’image de Melania, allongée au bord de la piscine en maillot de bain et lunettes de soleil Gucci, l’avait emporté sur celle de la politicienne cultivée Hillary Clinton.

Cela reflète une forme de misogynie ancrée dans la culture américaine qui perdure et que les femmes intériorisent d’ailleurs elles-mêmes. Les filles grandissent avec toutes sortes de contes de fées, de la version originale de Disney à Pretty Woman, qui racontent comment une jeune femme est choisie et sauvée d’une vie de labeur brutal et horrible par un homme riche. Ces récits sont d’une grande puissance.

Les individus aspirent à être estimés, et dans une société capitaliste, l’estime est liée à la richesse, qu’elle soit financière ou qu’elle se mesure en temps. Le contenu « tradwife » est une forme de pornographie de la richesse, mais d’un genre différent. Il repose entièrement sur l’existence d’un mari qui gagne très bien sa vie.

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MEAGAN DAY: Connaissez-vous la tendance « soft life » ? Il s’agit d’un contenu publié sur les réseaux sociaux, principalement par et pour les femmes des générations Z et Y, qui prône une vie « douce » : ne travaillez pas trop, ne vous épuisez pas, arrêtez de courir après le temps, ralentissez, détendez-vous. Ces contenus, très stylisés, mettent en avant la consommation de jus verts et les soins personnels, entre autres.

Ce n’est pas aussi idéologique que le contenu « tradwife », mais cela exprime le même mécontentement vis-à-vis du travail. C’est attrayant. Cependant, la réalité est qu’une véritable « vie douce » sous le capitalisme nécessite un mari riche ou des parents fortunés. Il n’est pas possible de vivre ainsi tout le temps sans renoncer à une indépendance et à une autonomie durement acquises. Compte tenu des pressions professionnelles en général, sans parler de l’équilibre entre le travail et les responsabilités familiales, certaines femmes se demandent sincèrement si ce compromis peut en valoir la peine.

KRISTEN R. GHODSEE: C’est regrettable, car il y a ici une impulsion anticapitaliste naissante qui est détournée à des fins réactionnaires. Le sentiment que l’on éprouve en observant l’exploitation capitaliste en se disant « je ne veux plus participer à cela » pourrait déboucher sur une organisation collective, mais il se transforme plutôt en fantasmes d’évasion individuelle. Le modèle de la « tradwife » semble plus facile et plus acceptable socialement que de rejoindre une organisation politique et de lutter pour la justice.

La vérité est que la gauche a effectivement de bonnes réponses aux questions qui se posent aux femmes, comme la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, ou même le fait d’avoir des enfants, si c’est ce qu’elles souhaitent. La droite, en revanche, n’a pas vraiment de bonnes réponses.

Il existe une vision misogyne selon laquelle le féminisme rendrait les femmes égoïstes, les empêchant de faire ce qu’elles devraient naturellement : avoir des enfants. Elles seraient alors vouées à devenir des « vieilles filles à chats » sans enfants. Cependant, les femmes sont des êtres rationnels qui examinent le marché du travail, le coût de l’éducation des enfants, le manque de soutien de l’État et tous les compromis à faire, et certaines d’entre elles choisissent de ne pas avoir d’enfants.

« Une fois que les femmes ont acquis leur indépendance économique et peuvent prendre des décisions concernant leur vie, avoir un enfant signifie perdre cette autonomie, à moins de bénéficier d’un soutien massif de l’État. »

En Allemagne de l’Est et en Bulgarie sous le régime socialiste, l’État subventionnait la garde d’enfants. Il existait des allocations familiales, des congés parentaux rémunérés avec garantie d’emploi et d’autres mesures favorables à la famille. Ce système encourageait les femmes à travailler et à avoir des enfants si elles le souhaitaient, et la plupart faisaient les deux. Mieux encore, lorsqu’elles étaient interrogées, la plupart des femmes déclaraient vouloir faire les deux.

Lorsque ces entreprises ont été privatisées avec l’introduction du capitalisme, ces ressources ont disparu. Les responsables politiques ont tenté de renvoyer les femmes à la maison, estimant que « tant que l’État ne paie pas pour ces services, les femmes le feront gratuitement, car c’est leur rôle ». Ils croyaient sincèrement, comme la droite américaine aujourd’hui, que la plupart des femmes seraient plus heureuses à la maison avec leurs enfants, à faire du yoga, à regarder des feuilletons, à faire du pain au levain ou à traire des vaches. Ils pensaient : « Nous renverrons les femmes à la maison pour faire le travail que nous payons actuellement, elles auront plus d’enfants et tout le monde sera plus heureux ».

Cependant, les faits contredisent cette affirmation. Selon les Nations unies, la Bulgarie est le pays qui connaît la plus forte baisse démographique au monde en raison de l’émigration et d’un taux de natalité très faible, et ce depuis l’instauration du capitalisme. Nous observons des tendances similaires en Corée du Sud et au Japon. Une fois que les femmes ont acquis leur indépendance économique et peuvent prendre des décisions concernant leur vie, avoir un enfant signifie perdre cette autonomie, à moins de bénéficier d’un soutien massif de l’État. L’histoire montre que contraindre les femmes à rester à la maison sans investissements de ce type ne fait pas augmenter les taux de natalité, mais au contraire les fait baisser.

MEAGAN DAY: Les idées de la droite ne sont peut-être pas viables, mais elles restent attrayantes pour ceux qui cherchent désespérément une alternative à la situation actuelle, jugée insoutenable. Comment convaincre les femmes qui souhaitent échapper aux pressions du travail sous le capitalisme de se tourner vers un avenir progressiste plutôt que vers un passé réactionnaire ?

KRISTEN R. GHODSEE: Dans un magnifique essai datant de 1899, intitulé « La femme travailleuse », Nadezhda Krupskaya aborde la question du sort des paysannes russes, alors majoritairement analphabètes et dépourvues de conscience politique. Elle soutient que seules la participation à des événements politiques et le rassemblement peuvent politiser les femmes : lorsqu’une femme ressent la force de ses camarades, elle prend soudain conscience de son pouvoir. Plus elle participe, plus elle se radicalise.

Les féministes libérales manquent de vision lorsqu’elles pensent qu’il suffit juste de convaincre les gens que le monde peut être différent. Nous devons comprendre que l’estime est ce dont les gens ont le plus besoin après les choses indispensables, comme l’eau, un toit, de la nourriture, des soins de santé et l’éducation. Ils ont besoin de se sentir membres d’une communauté qui les aime, les admire et les apprécie. Faire partie de cette communauté peut très rapidement transformer les mentalités. C’est l’antidote à l’isolement provoqué par les réseaux sociaux et à la dérive vers un modèle « tradwife ».

Cela doit commencer sur le terrain, en organisant des rassemblements où les gens peuvent discuter et apprendre à se connaître, ou même simplement en sortant prendre un verre et en discutant de politique et de leur vie. Nous devons faire preuve de créativité. L’objectif est de créer un espace où les femmes peuvent établir un lien entre leurs difficultés personnelles et le système dans son ensemble. Si nous ne le faisons pas, la droite profitera du mécontentement des femmes pour promouvoir son programme, comme c’est le cas actuellement.

[1] Traduction pour LVSL par Alexandra Knez

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