10.12.2023 à 09:14
Pakistan : Des exactions généralisées forcent les Afghans à partir
Human Rights Watch
(New York) – Les autorités pakistanaises ont commis de nombreux abus contre les Afghans vivant au Pakistan pour forcer leur retour en Afghanistan, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
La police et d'autres agents du gouvernement ont procédé à des arrestations massives, saisi des biens et du bétail et détruit des documents d'identité pour expulser des milliers de réfugiés et demandeurs d'asile afghans. Depuis la mi-septembre 2023, les autorités pakistanaises ont contraint plus de 375 000 Afghans à rejoindre l’Afghanistan, expulsant 20 000 d’entre eux.
« Les autorités pakistanaises ont créé un environnement coercitif pour les Afghans afin de les forcer à retourner en Afghanistan, vers des conditions de vie qui mettent leur vie en danger », a déclaré Elaine Pearson, directrice de la division Asie à Human Rights Watch. « Les autorités devraient immédiatement mettre fin à ces abus et donner aux Afghans menacés d'expulsion la possibilité de chercher protection au Pakistan. »
Parmi les personnes expulsées ou contraintes de partir figurent des Afghans nés au Pakistan et n'ayant jamais vécu en Afghanistan, ainsi que des Afghans qui risqueraient d'être persécutés en Afghanistan, notamment des femmes et des filles, des défenseurs des droits humains, des journalistes et d’anciens employés du gouvernement qui ont fui l'Afghanistan après la prise de pouvoir par les talibans en août 2021.
Ces mauvais traitements s'inscrivent dans le cadre d'une campagne visant à contraindre les Afghans à quitter le pays, ont rapporté des défenseurs des droits humains et des journalistes. Cela comprend des raids nocturnes au cours desquelles la police a battu, menacé et arrêté des Afghans. Les Nations Unies et l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont rapporté que 92 pour cent des Afghans quittant le Pakistan ont déclaré qu'ils craignaient d'être arrêtés par les autorités pakistanaises.
Des policiers ont également exigé des pots-de-vin et confisqué des bijoux, du bétail et d’autres biens, et détruit des maisons au bulldozer. Des femmes afghanes ont déclaré à Human Rights Watch que la police pakistanaise avait parfois harcelé sexuellement certaines femmes et filles afghanes et les avait menacées d'agression sexuelle.
Les autorités pakistanaises ont imputé aux Afghans la récente recrudescence des attaques perpétrées par des groupes militants, les liant à des « migrants illégaux ».
Les autorités pakistanaises auraient également exigé des Afghans en attente de réinstallation aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans d'autres pays qui n'ont pas pu obtenir ou, dans de nombreux cas, renouveler leur visa, de payer des frais de sortie de 830 USD. Ces frais ne s’appliquent qu'à ceux qui ne se rendent pas en Afghanistan.
Le 17 novembre, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a déclaré que l'arrivée en Afghanistan de centaines de milliers d'Afghans « n’aurait pas pu arriver à un pire moment », alors que l’hiver s’installe et que le pays est confronté à une crise économique durable qui laisse les deux tiers de la population dans le besoin d’une aide humanitaire. Parce que les autorités pakistanaises ont interdit aux Afghans d’emporter plus de 50 000 roupies pakistanaises par personne (175 USD) hors du pays, nombre d’entre eux ont abandonné leurs entreprises et arrivent en Afghanistan pratiquement démunis. Des agences humanitaires ont fait état de pénuries de tentes et d’autres services de base pour les personnes arrivantes.
Le 10 novembre, les autorités pakistanaises ont prolongé la validité des documents d’identité pour les Afghans qui pouvaient auparavant obtenir des cartes de preuve d'enregistrement (Proof of Registration, PoR), mais seulement jusqu'au 31 décembre. Cependant, des travailleurs humanitaires ont déclaré à Human Rights Watch que la police pakistanaise avait parfois confisqué ou détruit ces cartes lors de raids. Les titulaires de cartes font également partie des personnes contraintes de retourner en Afghanistan malgré leur statut enregistré. Le « Plan de rapatriement des étrangers illégaux » du Pakistan annoncé le 3 octobre comprend trois phases, l'expulsion des titulaires de carte devant suivre celle des personnes sans documents.
Ces expulsions violent les obligations du Pakistan en tant qu’État partie à la Convention des Nations Unies contre la torture et en vertu du principe de non-refoulement du droit international coutumier : ne pas renvoyer de force des personnes vers des pays où elles courent un risque évident de torture ou d'autres persécutions. Le refoulement se produit non seulement lorsqu'un réfugié est directement rejeté ou expulsé, mais également lorsque les pressions indirectes sont si intenses qu'elles laissent croire aux personnes qu’elles n'ont d'autre choix que de retourner dans un pays où elles courent un risque sérieux de préjudice. Le gouvernement pakistanais devrait mettre fin aux exactions policières et aux menaces d'expulsion et travailler avec le HCR pour reprendre l'enregistrement des demandeurs d'asile afghans.
Les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et le Canada devraient accélérer la réinstallation des Afghans qui sont particulièrement à risque, notamment les femmes et les filles, les Afghans LGBT, les militants des droits humains et les journalistes, a déclaré Human Rights Watch.
« Les gouvernements qui ont promis de réinstaller les Afghans à risque devraient accélérer ces processus, tout en faisant pression sur le Pakistan pour qu'il respecte ses obligations en matière de droits humains », a conclu Elaine Pearson. « Les pays devraient également intensifier leur réponse à la crise humanitaire en Afghanistan, désormais aggravée par l'afflux de centaines de milliers de personnes dans le besoin à l’approche de l'hiver. »
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MédiasTV5Monde
10.12.2023 à 09:14
Human Rights Watch
Un parlementaire musulman de Berlin a reçu des tracts haineux accompagnés de morceaux de verre et d'excréments. Une femme juive a été poignardée à Lyon, en France. D'autres incidents de ce type ont été signalés dans toute l'Europe.
La montée de l'antisémitisme et de la haine antimusulmane en Europe, dans le contexte des récentes hostilités en Israël-Palestine, suscite de vives inquiétudes. Pourtant, la réponse des gouvernements de l'UE a été partielle et inefficace, en partie parce qu'ils ne disposent pas de données adéquates en matière de discrimination ni de stratégies de protection qui tiennent compte des expériences quotidiennes de discrimination auxquelles sont confrontées les personnes juives et musulmanes.
Les principaux États membres de l'UE, tels que la France et l'Allemagne, compte tenu de leur taille, de leur histoire et des importantes populations musulmanes et juives qui y vivent, collectent des données fournies par la police sur les crimes de haine, y compris les délits antisémites et antimusulmans. Toutefois, ces données dépendent de la confiance des victimes et de leur capacité à savoir où et comment les signaler. Par conséquent, de nombreux crimes de haine ne sont pas signalés. En outre, les autorités doivent reconnaître et enregistrer ces actes comme antisémites ou antimusulmans.
Des données correctes sur les crimes de haine permettent d'informer les gouvernements de la nécessité de protéger les victimes confrontées à des discriminations. La prévention de tels crimes nécessite toutefois de se concentrer sur le contexte dans lequel ils sont commis, car les infractions antisémites et antimusulmanes ne se produisent pas hors de tout contexte. Les gouvernements devraient mettre en place des politiques visant à prévenir ces crimes odieux et à améliorer l'accès à la justice pour protéger les personnes musulmanes et juives.
Le plan d'action de l’UE contre le racisme (2020-2025), conçu pour lutter de manière structurelle contre le racisme au sein de l'Union européenne, et la stratégie européenne de lutte contre l'antisémitisme et pour la promotion de la vie juive invitent les États membres de l'UE à collecter des données ventilées sur l'égalité en fonction de la race, de l'origine nationale ou ethnique, du genre, de l'âge, du statut migratoire et d'autres facteurs nécessaires pour rendre visibles les expériences vécues par les victimes du racisme, y compris les personnes musulmanes, et de l'antisémitisme. Ces données aideraient les gouvernements à élaborer des politiques d'égalité et de non-discrimination fondées sur des données probantes et à contrôler leur mise en œuvre.
Pourtant, ni la France ni l'Allemagne ne collectent de données sur l'égalité au-delà des données relatives aux antécédents migratoires des individus. Si les enquêtes exhaustives, le suivi et les rapports menés par les instituts nationaux et les organismes régionaux de défense des droits sont indispensables, ils ne peuvent se substituer à l'incapacité des gouvernements à adopter des stratégies solides pour lutter contre les préjudices subis par les personnes musulmanes et juives, y compris la collecte de données relatives à l'égalité.
10.12.2023 à 09:14
Alors que s’ouvre la COP28, l’ONU devrait exhorter les EAU à respecter les droits
Human Rights Watch
Click to expand Image Complexe d’Al-Ruwais, aux Émirats arabes unis, comprenant une raffinerie et des usines pétrochimiques. Une flamme était visible au-dessus d’une torchère ou brûlaient des gaz résiduaires, le 14 mai 2018. © 2018 Christophe Viseux/Bloomberg via Getty Images
(Beyrouth) – Les Nations Unies devraient exhorter les Émirats arabes unis à cesser de bafouer les droits humains et à abandonner leurs projets d’exploitation accrue de combustibles fossiles, alors que de nombreux pays entament à Dubaï des négociations dans le cadre de la conférence annuelle de l’ONU sur le climat, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. L’ONU devrait également élaborer d’urgence des critères pour les futurs hôtes de telles conférences, afin de garantir que les membres de la société civile puissent participer de manière significative aux négociations mondiales sur le climat sans crainte de représailles.
30 octobre 2023 COP28 : Questions et réponsesQuestions et réponses au sujet de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques
Durant la période du 30 novembre au 12 décembre, les Émirats arabes unis accueilleront à Dubaï la COP28, 28ème Conférence des États parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC).
« De nombreux militants pour le climat qui comptent assister à la COP28 ont de vives inquiétudes quant à leur propre sécurité, dans un pays hôte qui a emprisonné des personnes en raison de leurs publications sur les réseaux sociaux et où les manifestations sont pratiquement illégales », a déclaré Richard Pearshouse, directeur de la division Environnement et droits humains à Human Rights Watch. « La CCNUCC devrait réfléchir sérieusement à la manière dont elle a permis aux négociations mondiales sur le climat de se dérouler dans un pays où la société civile ne peut pas exiger une action ambitieuse pour éliminer progressivement les combustibles fossiles, sans autocensure ni peur. »
Les craintes des militants pour le climat concernant d’éventuelles représailles ne sont pas infondées. Le 28 novembre, James Lynch, l’un des fondateurs et directeurs de l’organisation FairSquare, a reçu la confirmation que le visa qu’il avait demandé pour participer à la COP28 lui était refusé. La direction générale des Permis de séjour et des Affaires étrangères des EAU lui a annoncé par e-mail que sa demande avait été rejetée. Au moment de la rédaction de ce communiqué, James Lynch n’avait reçu aucune autre information des autorités émiraties et il n’est pas certain qu’il pourra entrer dans le pays. Déjà en 2015, James Lynch, alors responsable par intérim du département Responsabilité des entreprises en matière de droits humains à Amnesty International, avait été refoulé à l’aéroport de Dubaï en raison de son travail dans le domaine des droits humains.
Aux EAU, les manifestations sont illégales, et critiquer le gouvernement constitue un délit pénal. Le 1er août, le Secrétaire exécutif de la Convention-cadre des Nations Unies a cosigné une déclaration publiée conjointement avec le gouvernement émirati au sujet de la COP28, indiquant que « des espaces [seraient] mis à la disposition des militants pour le climat, pour qu’ils puissent se rassembler pacifiquement et faire entendre leurs voix ». Cependant, les implications pratiques de cet engagement ne sont pas claires, la liberté d’expression et de manifestation étant lourdement réprimée aux EAU.
L’accord d’hôte entre la CCNUCC et les EAU n’a pas été rendu public. Le manque de transparence et de clarté des Nations Unies concernant les risques encourus en cas de critique des EAU et de manifestation durant la COP28 expose les militants pour le climat qui y seront présents à de graves dangers, a détaillé Human Rights Watch.
Une référence explicite à l’élimination progressive de tous les combustibles fossiles dans le document final de la COP28 constituerait une étape essentielle pour éviter les pires conséquences de la crise climatique. Mais la répression exercée depuis des décennies par les EAU contre la liberté d’expression, de réunion et d’association suscite de vives inquiétudes quant à la possibilité, pour la société civile, les militants, les défenseurs des droits humains et les journalistes, de véritablement participer à la COP28 et de faire pression en faveur d’actions ambitieuses, notamment l’appel à l’élimination progressive des combustibles fossiles.
Dans une lettre adressée à toutes les parties à la CCNUCC à la mi-novembre, le Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme les a exhortées à « placer les droits humains au centre de toutes les décisions relatives au climat ».
Les négociations de la CCNUCC risquent également d’être sapées par les intérêts de l’industrie des combustibles fossiles dans le pays d’accueil. Les EAU ont récemment annoncé qu’ils étendaient tous les aspects de leurs opérations liées aux combustibles fossiles, malgré un consensus de plus en plus large sur le fait que si l’on veut atteindre les objectifs climatiques mondiaux et protéger les droits humains, aucune nouvelle exploitation de pétrole, de gaz ou de charbon ne doit voir le jour.
En réponse à une enquête du Centre for Climate Reporting et de la BBC révélant que les EAU prévoyaient de tirer parti de leur rôle de pays hôte des négociations climatiques sous l’égide des Nations Unies pour conclure des accords pétroliers et gaziers avec d’autres pays, le secrétariat de la CCNUCC a rappelé que « les hôtes de la COP sont censés agir sans parti pris, préjugé, favoritisme, caprice, intérêt personnel, préférence ou déférence ». Étant donné que l’hôte de cette COP ne semble pas répondre à ces attentes, il incombe à la CCNUCC de faire pression pour la mise en place d’un processus qui permettrait d’éviter des situations semblables à l’avenir.
Si la CCNUCC veut être à la hauteur de ses engagements en matière de droits humains et restaurer la crédibilité du processus, elle devrait faire pression sur le gouvernement émirati pour qu’il respecte les droits humains de tous les participants à la COP28, y compris leur droit de s’exprimer librement, en ligne et hors ligne, et de manifester à l’intérieur et à l’extérieur du lieu officiel de la conférence.
Les Nations Unies devraient également exhorter les EAU à libérer immédiatement et sans condition tous les militants et défenseurs des droits humains détenus arbitrairement, notamment Ahmed Mansoor, et à signaler leur intention de faciliter des négociations climatiques solides et respectueuses des droits avant, pendant et après la COP28. Les Nations Unies devraient par ailleurs se pencher sur les abus généralisés dont sont victimes les travailleurs migrants aux EAU, dont beaucoup ont contribué à la préparation et à l’organisation de la COP28, mais qui sont confrontés à des abus en matière de travail, notamment des frais de recrutement exorbitants, des vols de salaire et une exposition dangereuse à des chaleurs extrêmes.
COP28 Conférence sur le climatLes travailleurs migrants constituent 88 % de la population des EAU, et nombre d’entre eux viennent de pays vulnérables sur le plan climatique, comme le Bangladesh, le Pakistan et le Népal. Comme l’a récemment documenté Human Rights Watch, les abus auxquels sont confrontés les travailleurs migrants vivant aux EAU sont plus largement liés aux préjudices climatiques. Les EAU interdisent également les syndicats, ce qui empêche ces travailleurs d’exiger une meilleure protection du travail.
Pour cette COP et les futures COP, la CCNUCC devrait également rendre public l’accord d’accueil et s’assurer qu’il est conforme au droit international des droits humains. Les Nations Unies devraient fixer des critères en matière de droits humains pour les futurs hôtes de la COP, notamment l’obligation de respecter les droits à la liberté d’expression et de réunion, qui sont des conditions préalables à l’obtention de résultats ambitieux lors de la COP. Les Nations Unies devraient enfin veiller à ce que les intérêts de l’industrie des combustibles fossiles ne nuisent pas à la crédibilité et à l’issue des négociations lors des futures COP.
« L’ONU a ignoré cette réalité inconfortable, qui est que les négociations sur le climat sont accueillies par un pays profondément répressif déterminé à développer son industrie de combustibles fossiles », a déclaré Richard Pearshouse. « Le minimum qu’elle puisse faire à ce stade est d’exhorter les autorités émiraties à respecter leurs engagements en matière de droits humains à l’égard des participants à la COP28 et des défenseurs des droits humains emprisonnés. »
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10.12.2023 à 09:14
EAU : La surveillance de masse menace les droits humains et la réussite de la COP28
Human Rights Watch
(Beyrouth) – Les participants à la 28ème Conférence annuelle des Nations Unies sur le changement climatique (COP28), accueillie par les Émirats arabes unis (EAU) à Dubaï, feront l’objet d’une surveillance étendue de la part des autorités émiraties, ce qui constitue une violation de leurs droits humains et menace le succès de la conférence, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Des représentants de gouvernements, des groupes de la société civile et des militants du climat du monde entier affluent à Dubaï pour la COP28, qui a débuté le 30 novembre et se tiendra jusqu’au 12 décembre. Dès leur arrivée, les participants à la conférence font l’objet d’une surveillance intrusive de la part du gouvernement. À l’aéroport international de Dubaï, des agents procèdent au scannage du visage et de l’iris des yeux des personnes participant au programme facultatif « Smart Gates » (portes intelligentes). Que les visiteurs participent ou non à ce programme, un vaste réseau de caméras de surveillance installées à travers Dubaï permet de les identifier lors de leurs déplacements, sur la base des données recueillies par la douane à l’aéroport.
« Le gouvernement émirati devrait permettre aux délégués de la COP28 de faire leur important travail sur la crise climatique sans avoir à s’inquiéter de la surveillance omniprésente et du ciblage des voix critiques », a déclaré Zach Campbell, chercheur senior sur les questions de surveillance à Human Rights Watch. « Les négociations visant à obtenir les résultats ambitieux dont le monde a urgemment besoin pour lutter contre le changement climatique ont peu de chances d’aboutir si les délégués ne peuvent pas communiquer sans crainte. »
Le gouvernement procède également à une surveillance étendue des communications. Les messages et commentaires en ligne des participants peuvent faire l’objet d’une surveillance de la part du gouvernement, qui peut aussi intercepter leurs SMS et analyser leur trafic réseau. Étant donné que le gouvernement émirati punit sévèrement la dissidence, cette surveillance représente un risque pour les participants à la COP28, en particulier pour ceux qui critiquent les autorités.
Les autorités émiraties appliquent une politique de tolérance zéro à l’égard des critiques formulées à l’encontre du gouvernement et mettent en œuvre cette politique à l’aide d’un arsenal d’outils de surveillance invasifs, y compris, dans le pire des cas, en surveillant directement les messages, courriels et appareils mobiles aux EAU et au-delà de leurs frontières. Ces mesures ont eu un effet dissuasif sur le discours public, en imposant notamment une autocensure généralisée – à tel point qu’il ne reste plus de société civile indépendante dans le pays.
En mars, les organisateurs d’un sommet international sur le climat et la santé aux EAU ont sommé les participants de ne pas critiquer le gouvernement ou de ne pas prendre part à des manifestations pendant leur séjour dans le pays.
Le Secrétaire exécutif de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), Simon Stiell, a déclaré en août que « des espaces seront disponibles pour que les activistes du climat puissent se rassembler pacifiquement et faire entendre leur voix » lors de la COP28. Mais cette surveillance de masse et la répression qui s’y rattache ne permettent pas d’envisager comment cela sera possible, a déclaré Human Rights Watch.
Les EAU ont une longue tradition de suppression de l’espace politique, du discours public et de l’activisme. Il y a plus de dix ans, les autorités émiraties ont menacé d’interdire l’utilisation des téléphones portables BlackBerry, qui étaient alors parmi les seuls appareils mobiles grand public dotés d’une messagerie et d’un courrier électronique cryptés ; elles ont par la suite utilisé ce que des chercheurs sur les questions de sécurité ont décrit comme une « porte dérobée », permettant au gouvernement d’accéder au contenu des appareils, selon des chercheurs sur les questions de sécurité. En 2016, des documents du Département de la justice américaine publiés par le New York Times ont montré comment les autorités émiraties avaient engagé d’anciens pirates informatiques de la National Security Agency (NSA) pour s’infiltrer dans les appareils de dissidents.
Un an plus tard, le journal britannique The Guardian a révélé que les autorités des EAU avaient acheté une technologie permettant d’intercepter et d’analyser le trafic réseau. Et en 2019, plusieurs chercheurs sur les questions de sécurité consultés par le New York Times ont découvert que ToTok, une application de messagerie populaire aux EAU, contenait une porte dérobée qui donnait aux forces de sécurité un accès direct aux messages des internautes, des accusations que l’entreprise a démenties. Citizen Lab, un institut de recherche de l’Université de Toronto qui travaille sur la sécurité d’Internet et les droits humains, a documenté des cas de ciblage de dissidents par les EAU qui remontent à 2012.
Les autorités émiraties ont également largement utilisé le logiciel espion israélien Pegasus pour s’introduire dans les appareils mobiles des dissidents. Ahmed Mansour, un défenseur émirati des droits humains a ainsi été condamné à 10 ans de prison en 2018 pour « atteinte à la réputation de l’État », entre autres délits, sur la base de documents extraits de son téléphone à la suite d’une infection par Pegasus. NSO Group, la société qui a conçu Pegasus, a toujours nié avoir connaissance ou être responsable de la manière dont son logiciel espion est utilisé.
Les EAU sont devenus une plaque tournante pour la vente de technologies de surveillance invasives et utilisent régulièrement ces technologies pour espionner leur propre population. L’émir de Dubaï s’est vanté d’avoir mis en place un réseau de plus de 300 000 caméras et drones dans sa seule ville, afin d’atteindre son objectif de « zéro crime ». Le système de surveillance, appelé Oyoon, relie les caméras à des bases de données de photos de visages et permet de suivre les personnes dans leurs déplacements à Dubaï. Un système similaire, Falcon Eye, a également été développé à Abu Dhabi.
Parallèlement, le gouvernement restreint les fonctions de communication vocale de nombreuses applications, telles que WhatsApp et Skype, et interdit l’application de messagerie cryptée Signal. Cela a obligé les utilisateurs de téléphones portables des EAU à utiliser des applications moins sécurisées comme ToTok, avant que cette dernière ne soit elle-même retirée des boutiques d’applications mobiles de Google et d’Apple en 2019.
L’utilisation de la reconnaissance faciale dans les espaces publics et la surveillance des communications de masse violent les normes internationales en matière de droits humains. La surveillance exercée par les autorités émiraties a engendré une autocensure importante de la part des personnes qui résident aux EAU et des institutions basées dans ce pays.
La loi sur la cybercriminalité des Émirats arabes unis, la loi fédérale n° 34 de 2021 sur la lutte contre les rumeurs et la cybercriminalité, a remplacé une loi notoirement répressive sur la cybercriminalité de 2012, qui était fréquemment utilisée pour réduire au silence les dissidents, journalistes, activistes et autres personnes que les autorités considéraient comme critiques à l’égard du gouvernement, de ses politiques ou de ses représentants.
La loi actuelle sur la cybercriminalité interdit l’utilisation d’Internet « pour prôner le renversement, le changement ou l’usurpation du système de gouvernance de l’État, ou pour faire obstacle aux dispositions de la constitution ou de la loi existante, ou pour s’opposer aux principes fondamentaux sur lesquels repose le système de gouvernance », et prévoit une peine qui peut aller jusqu’à l’emprisonnement à vie. Une autre disposition interdit tout acte susceptible « d’offenser un État étranger ».
La loi sur la cybercriminalité impose aussi de sévères restrictions aux droits de réunion pacifique et à la liberté d’association. Les autorités émiraties l’ont utilisée pour emprisonner des citoyens des EAU et des personnes qui y résident, pour avoir publié sur les réseaux sociaux des messages pacifiques jugés critiques à l’égard des gouvernements des Émirats arabes unis, de l’Égypte et de la Jordanie.
Nasser bin Ghaith, un universitaire émirati, a été condamné en 2017 à une peine de dix ans d’emprisonnement à la suite de commentaires qu’il avait publiés en ligne et qui critiquaient le président et le gouvernement égyptiens. Bin Ghaith était notamment accusé d’ « avoir eu des propos hostiles à l’égard de l’Égypte » et d’avoir « tenté de mettre en péril les relations entre les Émirats arabes unis et l’Égypte ».
La même année, Tayseer al-Najjar, un journaliste jordanien vivant aux EAU, a également été condamné en vertu des lois émiraties sur la cybercriminalité à une peine de trois ans d’emprisonnement, dont deux ans déjà passés en détention provisoire. Tayseer Al-Najjar était accusé d’« insulte aux symboles de l’État » pour des messages Facebook critiques à l’égard des EAU, qu’il avait publiés avant de s’y installer. Le jugement de première instance a également fait état de ses commentaires critiques à l’égard des EAU tenus au téléphone avec sa femme. Le jugement n’indique pas comment les autorités ont obtenu les enregistrements de ces appels.
En 2020, Ahmed Etoum, également Jordanien vivant aux EAU, a été condamné à dix ans de prison pour avoir publié sur Facebook des messages pacifiques critiquant la famille royale et le gouvernement jordaniens. Le tribunal l’a reconnu coupable, en vertu des lois émiraties sur la cybercriminalité, d’avoir utilisé Facebook pour commettre des « actes contre un État étranger » susceptibles de « nuire aux relations politiques » avec cet État et de « mettre en péril la sécurité nationale » des Émirats arabes unis.
COP28 Conférence sur le climatL’organisation de la COP28 s’inscrit dans le cadre d’efforts déployés depuis des décennies par le gouvernement des EAU pour améliorer sa réputation sur la scène internationale. Ces efforts ont été présentés en 2017 dans la stratégie « Soft Power » du gouvernement, qui fait de la « diplomatie culturelle et médiatique » un pilier central et vise à « asseoir la réputation [des Émirats arabes unis] en tant que pays moderne et tolérant qui accueille les personnes du monde entier ».
Mais ces tentatives de projeter une image publique d’ouverture sont en contradiction avec les efforts du gouvernement visant à empêcher l’examen de ses violations des droits humains, a déclaré Human Rights Watch. L’utilisation omniprésente de la technologie de surveillance et la tolérance zéro à l’égard des critiques vont jusqu’à la détention et l’expulsion de résidents et ressortissants étrangers visitant le pays.
Les restrictions considérables imposées par les EAU aux droits à la vie privée et à la liberté d’expression, de réunion et d’association, en particulier par le biais des formes de surveillance utilisés par le gouvernement, sont incompatibles avec les obligations de ce pays en vertu du droit international relatif aux droits humains.
« Le gouvernement émirati devrait relâcher son emprise sur l’espace civique et mettre fin à sa surveillance des voix critiques aux Émirats arabes unis et au-delà, en commençant par libérer immédiatement le défenseur des droits humains Ahmed Mansour », a conclu Zach Campbell.
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10.12.2023 à 09:14
COP28 : La chaleur illustre les risques encourus par les travailleurs migrants
Human Rights Watch
À l’ouverture, jeudi, de la 28ème Conférence annuelle des Nations Unies sur les changements climatiques (COP28), les délégués ont été immédiatement confrontés à une chaleur étouffante et persistante alors qu’ils étaient dans une file d’attente en plein air, qui serpentait à travers Expo City Dubai, pour recueillir leur laissez-passer.
Des membres des services de sécurité de la Conférence ont distribué de l’eau aux participants, lesquels se tenaient pour la plupart à l’ombre, en attendant de pouvoir pénétrer dans la « Zone bleue » climatisée, où les négociations mondiales sur le climat vont se tenir pendant les deux prochaines semaines.
Rester debout pendant près d’une heure dans la forte chaleur de fin novembre à Dubaï, où les températures peuvent atteindre 30 degrés Celsius (86 degrés Fahrenheit), est un moyen approprié d’entamer une conférence sur le climat dans l’espoir de parvenir à un engagement officiel en vue de l’élimination des combustibles fossiles qui accroissent les températures à l’échelle mondiale.
Mais imaginons un instant que nous soyons en juillet ou en août, quand les températures cette année ont dépassé les 50 degrés Celsius (122 degrés Fahrenheit). Et imaginons qu’au lieu d’attendre en faisant la queue, les délégués soient tenus de travailler dur, sans ombre ni eau.
C’est exactement ce qu’ont vécu les travailleurs migrants des Émirats arabes unis (EAU), qui constituent 88% de la population du pays et occupent souvent des postes de plein air dans des secteurs où les emplois sont physiquement pénibles, comme le bâtiment.
Les EAU ont renoncé à protéger ces travailleurs contre les dangers d’une chaleur extrême, s’en remettant à des interdictions de travailler en milieu de journée arbitraires et pré-définies lors des mois d’été, au lieu d’adopter des normes plus efficaces basées sur la réalité des risques, telles que l’indice de Température du thermomètre mouillé (Wet Bulb Globe Temperature WBGT), une technique consistant à prendre en compte l’humidité de l’air en mesurant la température, ou d’appliquer des directives basées sur des observations concrètes et qui imposent des arrêts de travail quand les conditions deviennent dangereuses.
La chaleur extrême constitue un grave danger pour la santé. Elle peut être mortelle ou avoir des conséquences qui durent toute la vie. Certains employeurs continuent de violer les interdictions, notamment dans des cas récemment documentés de non-respect des interdictions sur les sites de construction de la COP28.
Fondamentalement, les EAU externalisent les risques climatiques en les transférant aux travailleurs migrants, qui sont exposés de manière disproportionnée à la chaleur extrême, sans leur fournir de protections adéquates et en renvoyant dans leurs pays des travailleurs confrontés à de graves problèmes de santé sans leur apporter de remède. Des travailleurs avec lesquels nous nous sommes entretenus nous ont dit que « l’air est aussi chaud que du feu » et « nos vêtements deviennent si chauds qu’ils sont presque brûlants ». Les représentants des gouvernements à la COP28 ne devraient pas oublier leur inconfort une fois qu’ils auront pénétré dans les locaux climatisés de la conférence. Au contraire, ils devraient exhorter les EAU, en tant qu’hôtes de celle-ci, à mettre en place de meilleures protections contre la chaleur et à s’assurer que les protections contre la chaleur subie sur les lieux de travail soient un sujet essentiel de discussion à l’ordre du jour de la conférence.
10.12.2023 à 09:14
Gaza : Enquête sur l’explosion à l’hôpital Al-Ahli du 17 octobre
Human Rights Watch
(Jérusalem, le 26 novembre 2023) – L’explosion qui a tué et blessé de nombreux civils à l’hôpital Al-Ahli Arab à Gaza le 17 octobre 2023 semble avoir résulté d’un tir de roquette comme celles couramment utilisées par les groupes armés palestiniens, et qui a frappé l'enceinte de l'hôpital, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Bien que les tirs ratés soient fréquents, une enquête plus approfondie est nécessaire pour déterminer qui a tiré la munition, qui semble être une roquette, et si les lois de la guerre ont été violées.
Le 17 octobre à 18h59, un type de munition que Human Rights Watch n’a pas pu identifier de manière concluante a frappé une zone pavée dans l’enceinte de l’hôpital, située entre un parking et un espace paysager, où de nombreux civils s’étaient rassemblés pour se mettre à l’abri des frappes israéliennes. Le ministère de la Santé de Gaza a affirmé que 471 personnes ont été tuées, et 342 autres personnes blessées. Human Rights Watch n'a pas été en mesure de corroborer ces chiffres, qui sont nettement supérieurs à d’autres estimations, comportent un ratio de victimes tuées/blessées inhabituellement élevé, et semblent disproportionnés par rapport aux dégâts visibles sur le site de l’explosion.
« L'examen par Human Rights Watch des vidéos et des photos tend à indiquer que le 17 octobre, une roquette a frappé l'enceinte de l'hôpital Al-Ahli », a déclaré Ida Sawyer, directrice de la division Crises et conflits à Human Rights Watch. « Les victimes, ainsi que les familles des personnes tuées ou blessées alors qu’elles cherchaient refuge à l’hôpital, méritent une enquête approfondie pour déterminer ce qui s’est passé et qui en était responsable. »
Le ministère de la Santé de Gaza a déclaré qu'Israël était responsable de l'explosion. L'armée israélienne a affirmé que l'explosion résultait d’un tir raté d’une roquette du Jihad islamique. L'échec des autorités israéliennes et palestiniennes à mener des enquêtes crédibles et impartiales sur les violations présumées du droit international humanitaire au cours des dernières décennies met en évidence la nécessité d'une enquête indépendante sur cet incident ; cette enquête pourrait être menée par la Commission d'enquête des Nations Unies, et toutes les parties au conflit devraient y coopérer pleinement.
Human Rights Watch a enquêté sur l'explosion en examinant des photos et vidéos diffusées publiquement, en analysant des images satellite, en menant des entretiens avec cinq témoins de l'incident et des dégâts causés, en examinant les analyses publiées par d'autres organisations, et en consultant des experts. Cette analyse à distance a compris un examen de l'explosion, des dégâts causés, et de plusieurs trajectoires possibles d’objets visibles sur des vidéos enregistrées lors de l'attaque, qui montraient également les instants avant et après l'explosion à l'hôpital.
« On ne pouvait marcher nulle part, car il y avait des parties de corps partout, et des gens blessés et en train de mourir », a déclaré à Human Rights Watch un journaliste arrivé à l'hôpital une heure après l'explosion. « Les personnes présentes sur les lieux étaient principalement des enfants, des personnes âgées et des femmes. »
Aucune image des restes de la munition n’est publiquement disponible ; Human Rights Watch n’a pas pu se rendre sur les lieux, et n’est donc pas en mesure d’identifier cette munition de manière concluante.
Cependant, divers facteurs – le bruit ayant précédé l’explosion, la boule de feu déclenchée, la taille du cratère qui en a résulté, le type de traces au sol, ainsi que le genre et schéma de fragmentation visible autour du cratère – concordent tous avec l’impact d’une roquette.
Les preuves examinées par Human Rights Watch rendent hautement improbable l’hypothèse d’une bombe de gros calibre larguée par voie aérienne, comme celles qu’Israël a fréquemment utilisées ailleurs à Gaza. Depuis le 7 octobre, l’armée israélienne a largué des milliers de telles bombes sur la bande de Gaza.
Les autorités de Gaza semblent être en possession des restes de la munition qui a explosé à l'hôpital Al-Ahli, qui pourraient permettre de l’identifier de manière concluante. Une photo prise le soir de l'explosion montre des employés du Département des explosifs et munitions, une unité spécialisée de la police de Gaza, autour du cratère. Un témoin qui se trouvait à l'hôpital le soir de l'explosion a déclaré à Human Rights Watch que des « [employés] du ministère de l'Intérieur ont pris tous les éclats qui se trouvaient sur le site ».
Un responsable du Hamas a déclaré que les restes de la munition seraient « bientôt montrés au monde ». Mais plus d’un mois après l’explosion, cela n’a toujours pas eu lieu. Le 22 octobre, Ghazi Hamad, un haut dirigeant du Hamas et vice-ministre de l'autorité dirigeante de Gaza, a affirmé ceci aux médias : « Le missile s’est dissous comme du sel dans l’eau… Il s’est vaporisé. Il ne reste plus rien. » Toutefois, a observé Human Rights Watch, des parties importantes d’une munition survivent généralement à une détonation, même si certains éléments sont conçus pour se briser et peuvent devenir méconnaissables en raison de dommages thermiques.
Le 25 novembre, Bassam Naim, directeur du Département politique et des relations extérieures du Hamas, a répondu à plusieurs questions que Human Rights Watch avait posées au ministère de l'Intérieur à Gaza, au sujet de l'explosion du 17 octobre. Bassam Naim a affirmé que l’enquête du ministère sur l’attaque avait été ralentie par les hostilités en cours, mais que « les informations préliminaires dont nous disposons indiquent définitivement la responsabilité d’Israël ». Il a ajouté que « quelques heures » avant l'explosion, les autorités israéliennes avaient averti l'hôpital qu’il faudrait l’évacuer. Bassam Naim a aussi affirmé qu'« aucune faction de la résistance palestinienne – à notre connaissance – ne dispose, parmi ses armes, d’un projectile ou d’une roquette d’une puissance destructrice capable de tuer un aussi grand nombre de personnes que la bombe utilisée dans l’incident ayant ciblé [l’hôpital] ».
Click to expand Image Carcasses de voitures calcinées sur le parking de l'hôpital Al-Ahli à Gaza, photographiées le 18 octobre 2023, au lendemain de l’explosion ayant frappé cette zone le 17 octobre 2023. Ces dégâts pourraient avoir été causés par le propergol d’une roquette provenant d’un tir raté, qui aurait pu mettre le feu au carburant de ces véhicules garés devant l’hôpital. © 2023 Ali Jadallah/Anadolu via Getty ImagesHuman Rights Watch estime qu'une roquette comme celles de plus gros calibre tirées par des groupes armés palestiniens pourrait faire un nombre élevé de victimes, si elle contenait du propergol (substance chimique comprenant du carburant pour la propulsion), et frappait une zone remplie de personnes et de matériaux inflammables. Tous les hôpitaux de la zone nord de la bande de Gaza, y compris l’hôpital Al-Ahli, avaient reçu de la part des autorités israéliennes un ordre général d'évacuer, le 13 octobre et durant les jours qui ont suivi.
Bassam Naim n'a pas répondu à plusieurs questions spécifiques posées par Human Right Watch, notamment sur les restes de la munition et sur les opérations militaires menées par les groupes armés palestiniens le soir de l'explosion. Cependant, il a affirmé que le Hamas, en coordination avec les autorités compétentes, fournirait toutes les preuves « dès que possible », et est favorable à des enquêtes indépendantes sur l'incident.
Les autorités de Gaza et d’Israël devraient rendre publiques toutes les informations dont elles disposent au sujet de cet incident, en particulier les preuves concernant les restes de la munition. Des données médicales concernant les types de blessures subies par les victimes, divulguées d’une manière qui protège le droit à la vie privée et à la confidentialité, ainsi que d'autres types de preuves telles que des vidéos n’ayant pas encore été publiquement diffusées, pourraient aussi contribuer à élucider la cause de l'explosion.
Les forces israéliennes ont mené des attaques répétées, apparemment illégales, contre des installations médicales, du personnel et des moyens de transport au cours des hostilités actuelles, comme l’a documenté Human Rights Watch. Au 24 novembre, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avait recensé depuis le 7 octobre 187 « attaques contre les soins de santé » à Gaza, qui ont endommagé 24 hôpitaux, selon des données partagées avec Human Rights Watch. L'OMS a aussi noté qu'en raison des hostilités, la majorité des hôpitaux de Gaza ne sont plus en état de fonctionner.
Depuis le 7 octobre, des groupes armés palestiniens ont tiré illégalement des milliers de roquettes sur des communautés israéliennes, tuant et blessant de nombreuses personnes, et causant des dégâts matériels.
En 2021, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a créé la Commission d’enquête internationale indépendante chargée d’enquêter sur le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël. Cette Commission a pour mandat « d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël sur toutes les violations présumées du droit international humanitaire et des droits de l’homme qui auraient été commises depuis le 13 avril 2021 ». Le 10 octobre 2023, la Commission d’enquête a annoncé qu’elle procédait au « au rassemblement et à la préservation de preuves des crimes de guerre commis par toutes les parties depuis le 7 octobre 2023 ».
Le droit international humanitaire, qui rassemble les lois de la guerre, accorde une protection spéciale aux hôpitaux et autres établissements médicaux, aux blessés et malades, ainsi qu’au personnel médical et aux moyens de transport : ils doivent être protégés et respectés en toutes circonstances.
Les États devraient suspendre leur aide militaire et leurs ventes d’armes aux groupes armés palestiniens, y compris le Hamas, tant qu’ils continueront à commettre systématiquement contre des civils israéliens des attaques constituant des crimes de guerre. De même, les gouvernements devraient suspendre toute assistance militaire et vente d’armes à Israël, tant que ses forces continueront de commettre impunément contre les civils palestiniens des abus graves et généralisés, constituant des crimes de guerre.
« L’explosion à l’hôpital Al-Ahli est l’une des nombreuses frappes ayant endommagé des installations médicales dans la bande de Gaza, tuant des civils et des professionnels de la santé et privant de nombreux Palestiniens de l’accès aux soins médicaux dont ils ont désespérément besoin », a déclaré Ida Sawyer. « Les autorités de Gaza et d’Israël devraient divulguer les preuves concernant les restes de la munition et toute autre information dont elles disposent concernant l’explosion à l’hôpital Al-Ahli, afin de permettre une enquête approfondie sur cet incident. »
Suite en anglais, avec des informations plus détaillées : en ligne ici.
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Articles/TVOLJ Libération
France24 / vidéo Itw Ahmed Benchemsi