LePartisan.info À propos Podcasts Fil web Écologie Blogs Revues MÉDIAS
Observatoire des politiques culturelles
Souscrire à ce flux
Organisme national, l'OPC travaille sur l’articulation entre l’innovation artistique et culturelle, les évolutions de la société et les politiques publiques au niveau territorial

▸ Les 10 dernières parutions

11.12.2025 à 11:00

Accélérer en décélérant ! Transformation écologique de la culture par les arts à mode doux

Frédérique Cassegrain

De plus en plus d’artistes choisissent d’organiser leur tournée en mode doux (à pied, à vélo, en roulotte ou en bateau). Un engagement écologique qui se double d’une réflexion critique sur les modèles productivistes traditionnels du spectacle vivant. Mais malgré l’essor remarquable des arts itinérants, une série de verrous structurels en freinent encore la diffusion et la pérennisation, ainsi que l’analysent les chercheurs du projet DEDALE (alternatives culturelles et créatives).

L’article Accélérer en décélérant ! Transformation écologique de la culture par les arts à mode doux est apparu en premier sur Observatoire des politiques culturelles.

Texte intégral (5212 mots)
Photo : © Erwan Hesry – Unsplash

La mobilité, et plus spécifiquement l’itinérance, connaît un regain d’intérêt dans la sphère culturelle tant du côté des acteurs que des politiques publiques. Depuis 2018, elle a été reconnue comme une priorité à travers le plan « Culture près de chez vous » Voir un résumé du plan d’action pour l’itinérance « Culture près de chez vous »., puis intégrée dans les orientations du programme France Ruralités Voir le Guide à destination des acteurs de la ruralité., et confirmée au sein des recommandations du Printemps de la ruralité, tout cela attestant de son ancrage croissant dans la cohésion territoriale des politiques culturelles Voir le dossier de presse Printemps de la ruralité : résultats de la concertation et annonce du Plan culture et ruralité..

Cependant, si elle est souvent abordée au prisme de la proximité ou de l’innovation artistique Cl. Delfosse, « Les ruralités, un ailleurs de l’innovation culturelle ? »Observatoire des politiques culturelles, hiver 2024., l’itinérance offre aussi une occasion de repenser les enjeux écologiques du secteur culturel Les enjeux de territorialisation de la culture, de transition écologique et de décarbonation des mobilités et des filières industrielles sont au cœur de la stratégie d’accélération des industries culturelles et créatives (ICC) portée par le plan France 2030. Celle-ci vise à soutenir les transitions écologique et numérique du secteur culturel, en développant l’innovation, la recherche et l’expérimentation à l’échelle nationale. Le programme de recherche ICCARE, Industries culturelles et créatives s’inscrit dans ce cadre et réunit chercheurs et acteurs culturels pour analyser les transformations en cours et accompagner les changements structurels du secteur.. Tandis que le déplacement des publics, par exemple dans les festivals, est aujourd’hui identifié comme l’un des premiers postes d’émission carbone The Shift Project, Décarbonons la culture ! Dans le cadre du Plan de transformation de l’économie française, Rapport final, novembre 2021., venant questionner une mobilité à la fois nécessaire et problématique, cette réflexion s’élargit à celle des artistes eux-mêmes. Ils sont, en effet, de plus en plus nombreux à choisir des modes de déplacement doux – à pied, à vélo, en roulotte ou en bateau – redéfinissant ainsi les modalités de production, de rencontres et de circulation des œuvres. Des tournées artistiques structurées en étapes programmées aux formats déambulatoires plus spontanés, la plupart des artistes rencontrés pour notre enquête adoptent des modes de déplacement sobres plus ou moins fréquemment. Ce qui les réunit, au cœur de leur diversité, est un désir affirmé de se déplacer autrement, selon des principes de sobriété, de respect du vivant et d’attention aux territoires traversés. À travers leur engagement, ils font de ce mode non seulement un choix écologique, mais aussi un cadre de réflexion critique et une proposition alternative aux modèles productivistes traditionnels du spectacle vivant.

Le projet DEDALE Le projet DEDALE (alternatives culturelles et créatives) a pour objectif d’identifier les ressources culturelles alternatives et de documenter les expérimentations aux marges de l’industrie, afin d’éclairer les leviers d’une transition durable, inclusive et territorialisée., au sein du programme de recherche Industries culturelles et créatives (PEPR ICCARE), propose d’explorer simultanément ce que permettent les pratiques artistiques en « mode doux », sur les plans artistique et territorial, ainsi que les limites qui en freinent la généralisation. L’objectif est de mettre en lumière les ressources inédites que ces expérimentations construisent aux marges du secteur, en intégrant des problématiques liées aux mutations écologique, sociale et territoriale. Cette enquête porte ainsi sur l’ensemble des pratiques artistiques en mobilité douce : tournées, déambulations, parades ou longs périples – autant de formes réinventées d’habiter, de créer et de relier les territoires.

Esthétique de la lenteur et dynamique relationnelle

Sur le terrain, la mobilité douce se distingue par sa capacité à renforcer les réseaux locaux, particulièrement en milieu rural où elle favorise la création de chaînes d’interconnexion entre habitants et artistes. Le témoignage de T., 31 ans, qui tracte sa roulotte à vélo – dans laquelle il vit depuis plus de deux ans –, illustre cette logique : sans préavis ni contrat, il mise sur l’improvisation et le bouche-à-oreille, tissant au fil des rencontres une toile de relations informelles et vivantes.

Les artistes défendent ainsi une esthétique de la lenteur et de l’échange, comme l’exprime O., une comédienne de 33 ans : « prendre le temps de prendre le temps » est essentiel pour inscrire autrement la création dans le territoire. Ce rythme permet de créer des espaces de respiration dans lesquels la dimension humaine prime sur la productivité, faisant du temps long une ressource pour l’expérimentation artistique et le lien au public.

Pratiquée en mode doux, l’itinérance renforce un processus créatif partant de l’« immersion [jusqu’]à l’infusion S. Frioux, « L’itinérance artistique en milieu rural : Le territoire comme terrain de jeu »Pour, 2015, p. 159-165.  » dans les territoires, où la présence prolongée de l’artiste favorise la perméabilité aux dynamiques locales : rencontres, repas partagés et échanges informels.

Chemin faisant, la création s’enrichit au contact des paysages traversés, des échanges spontanés et des imprévus inhérents au voyage ; elle y puise une matière sensible, renouvelée à chaque étape. Le public, loin d’occuper une place passive, devient hôte, voire partenaire de jeu : une dynamique relationnelle qui redéfinit la nature même du spectacle.

Cette temporalité fait également émerger d’autres enjeux, notamment sur la parentalité. Pour éviter des séparations trop longues, certains artistes effectuent leurs tournées accompagnés de leurs enfants, la présence familiale devenant alors un « outil de médiation supplémentaire » qui, comme l’explique M., permet de « désacraliser un peu la place de l’artiste ». Cette dimension soulève toutefois des questions complexes, à la fois pratiques et juridiques (qui finance les déplacements des enfants ? Comment articuler exigences professionnelles et besoins familiaux ?), tout comme elle offre une conception nouvelle de la création indissociable d’un mode de vie en famille.

Nouveaux formats et savoir-faire

La mobilité douce transforme aussi le format même des œuvres : spectacles courts, dramaturgies et scénographies souples, adaptables à des lieux très divers, du plein air aux fermes ou refuges. De même qu’elle redéfinit le rôle de l’artiste et l’élargissement de ses compétences. De nouveaux savoir-faire (mécanique vélo, menuiserie, soudure, électricité mobile) deviennent nécessaires, étendant le répertoire professionnel au-delà de la seule création : l’artiste se fait logisticien, concepteur, médiateur et technicien adaptable. La polyvalence, déjà caractéristique du régime d’activité « ordinaire » des artistes M.-C. Bureau, M. Perrenoud et R. Shapiro (dir.), L’Artiste pluriel : démultiplier l’activité pour vivre de son art, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2009., est amplifiée ici et incarnée dans de nouveaux métiers, par exemple celui de « régisseur cycle » dans le cadre du festival Les Furtives, popularisé à Bordeaux par le Slowfest. Le recours à des véhicules non motorisés libère une plus grande autonomie logistique et inspire l’innovation, notamment via des collaborations avec des structures comme Véloma qui conçoivent, en open source, du matériel adapté à l’itinérance (remorques scéniques, dispositifs pliables, etc.). Cette dynamique s’appuie donc sur un réseau d’interconnexions affinitaires : CITI, Armodo Le réseau européen Armodo se distingue par une volonté explicite de faire du « mode doux » un cadre commun d’analyse et un levier critique face aux modèles dominants et productivistes du spectacle, visant à « bouleverser radicalement les pratiques artistiques ». Pour le collectif, le mode doux recouvre quatre dimensions indissociables : la mobilité à faible impact, le respect du vivant (équipes, animaux, écosystèmes), l’« infusion » dans les territoires parcourus (en adéquation au rythme de vie des populations et leurs pratiques locales), et une consommation sobre (dans la production, l’alimentation, les matériaux, l’énergie). Pour aller plus loin sur la conceptualisation des « arts à modes doux » proposée par le réseau, voir leur manifeste. ou Véloma. Les artistes à mode doux échangent outils et pratiques, donnant naissance à des formes adaptées de gouvernance – statuts juridiques rédigés collectivement, cartographies collaboratives, mutualisation de matériel et transmission de fiches techniques. L’autogestion et la recherche d’équité structurent les rencontres du réseau : chaque personne investit la répartition des tâches, l’organisation logistique, la décision commune et la transmission dans une perspective horizontale et transparente.

Cette horizontalité puise à la fois dans des trajectoires artistiques, militantes et associatives, révélant une forte perméabilité aux mondes engagés dans la transition écologique et sociale. L’implication dans des collectifs comme l’association Droit au vélo (ADAV), Le Réseau des arts vivants (RAVIV), la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB), Arts vivants, arts durables (ARVIVA) ou Rue de l’avenir illustre concrètement la dimension politique de la mobilité douce : coconstruction d’itinéraires, soutien logistique, promotion de déplacements alternatifs. Ainsi devient-elle à la fois pratique de création et projet politique à part entière, nourrie par une circulation féconde entre milieux culturels, associatifs et d’éducation populaire.

Des productions dans une zone grise économique et statutaire

Si les arts itinérants engagés dans la mobilité douce connaissent un essor remarquable, l’enthousiasme de leurs initiateurs se heurte à une série de verrous structurels qui en freinent la diffusion et la pérennisation.

Un premier type de verrous est d’ordre administratif et économique. Les spectacles prennent en effet souvent place en dehors des circuits conventionnels de diffusion culturelle, dans des lieux ni labellisés, ni équipés, parfois éloignés des programmations institutionnelles. De ce fait, leur position dans le champ culturel se situe dans une zone grise, à la fois économique et statutaire – ni totalement informelle, ni pleinement reconnue. Cette situation complique la contractualisation, alourdit la charge administrative des artistes et fragilise la viabilité économique de leurs projets. Ainsi, de nombreux spectacles sont réalisés « au chapeau » et doivent, pour ouvrir droit au régime de l’intermittence, être valorisés en cachets, ce qui impose des montages financiers et administratifs complexes. Cette posture innovante, engagée, suppose une prise de risque qui s’accompagne d’une insécurité persistante : la crainte, récurrente, de ne pas comptabiliser assez de cachets pour renouveler l’intermittence J. Sinigaglia, Artistes, intermittents, précaires en lutte : retour sur une mobilisation paradoxale, 2003-2006, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 2012., particulièrement lorsque ceux-ci sont faibles, atypiques ou fréquemment sujets à vérification. Refuser l’intermittence peut aussi, dans certains cas, être vécu comme un choix assumé vers la liberté de création, voire de faire de la sobriété un moyen de valorisation culturelle par l’exemple.

Nombre d’artistes témoignent néanmoins du poids des représentations dévalorisantes qui pèsent sur l’itinérance artistique, notamment de la part de certains programmateurs. Ils ont le sentiment que leurs créations sont perçues comme des « sous-spectacles », peu professionnels, précisément du fait de leur choix de mobilité. P., circassien d’une quarantaine d’années, revient sur cette crainte du jugement : « Tu tournes à vélo, t’es un hippie saltimbanque. » Le regard condescendant qu’il éprouve contraste radicalement avec l’exigence réelle inhérente à sa pratique : « C’est mon métier, je m’entraîne toute l’année, c’est juste que je le fais à vélo. » Pour lui, ces formes sont injustement associées à un imaginaire « archaïque » et dépassé du spectacle, alors qu’elles incarnent au contraire une esthétique résolument tournée vers l’avenir, davantage sobre, mobile et attentive aux enjeux écologiques.

Itinérance des membres d’Armodo durant les huitièmes rencontres du réseau (© Vincent Larrata)

Une logistique contraignante et peu soutenue par les pouvoirs publics

Si l’on peut spontanément penser que les conditions météorologiques constituent un frein majeur, les véritables difficultés relèvent plutôt d’une logistique contraignante : les artistes doivent composer avec des distances journalières limitées tout en assurant une représentation le soir. Cela implique une organisation minutieuse : préparation des itinéraires, gestion des temps de pause, de repos et de récupération, recherche d’un hébergement (souvent improvisé). Le transport du matériel est un autre obstacle central. Certains artistes innovent en concevant des remorques adaptées, parfois motorisées ; d’autres réduisent la scénographie à l’essentiel ou s’appuient sur des solutions mutualisées avec leurs hôtes. La coordinatrice du projet Slowfest résume la difficulté de ces choix techniques qui requièrent une grande adaptabilité et un engagement physique considérable, parfois au prix d’une réelle dégradation des conditions de travail et de la santé collective : « On s’est rendu compte que la mobilité douce engendre un épuisement à la fois physique et psychologique. […] On arrive à se créer des petites sphères de valeurs communes avec des projets de mutualisation sans argent et en mobilité douce alors qu’on est sur un territoire qui est fait pour la voiture. […] Et moi, ce que je trouve le plus intéressant et le plus fatigant dans nos métiers, c’est d’articuler ces deux sphères-là. » Ces propos soulignent que d’un côté, le mode doux incarne un choix délibéré de sobriété, mais de l’autre, il repose sur une charge de travail et d’organisation accrue, qui semble paradoxale au regard de l’idéal de décélération qu’il défend. Le mode doux se situe ainsi à la croisée d’une démarche volontaire facteur de liberté, et d’une adaptation contrainte, où l’idéal se confronte aux réalités du métier d’artiste. Plus globalement, le mode doux repose encore beaucoup sur la bonne volonté des artistes à assumer les contraintes : il peut freiner les ambitions artistiques, mais aussi plus largement grever la généralisation du modèle. Le poids logistique restreint la taille des spectacles, les possibilités de jouer à plusieurs, ou d’emporter des scénographies élaborées. Ces contraintes matérielles semblent néanmoins pleinement assumées et deviennent des choix artistiques à part entière. Par ailleurs, l’acquisition de moyens adaptés – vélos cargos, remorques spécifiques, systèmes d’attelage, structures pliables – repose principalement sur des fonds propres, renforçant une inégalité d’accès rarement compensée par le soutien institutionnel contrairement à la raison d’être affichée des dispositifs publics susmentionnés, et précarisant d’autant plus les pratiques artistiques en mobilité douce.

Le transport ferroviaire, présenté comme un partenaire de la décarbonation, confronte lui aussi les artistes à de multiples contraintes pratiques et réglementaires. Les lignes de TER sont souvent les plus adaptées au transport de matériel encombrant ou fragile, mais chaque région applique ses propres règles pour l’accueil des vélos et des objets volumineux. Cette absence d’uniformité complique la circulation nationale et entrave les capacités d’autonomie des compagnies. Plusieurs collectifs se sont mobilisés pour affronter ces difficultés et mieux faire entendre les besoins des artistes auprès de la SNCF et des conseils régionaux. De façon concrète, le collectif Slowfest agit en Nouvelle-Aquitaine en lien avec le groupe Atterrissage, composé d’agents et de volontaires travaillant sur la transition écologique Voir la feuille de route pour la transition écologique de la culture et par la culture en Région Nouvelle-Aquitaine., afin de porter auprès des institutions régionales les obstacles rencontrés lors des déplacements ferroviaires. C’est là l’espoir d’inventer de nouvelles formes de coopération entre l’art itinérant et les pouvoirs publics, à l’échelle régionale.

Des verrous idéologiques pesant sur la liberté de création

Dans la sphère culturelle, la mobilité douce se confronte également à des verrous idéologiques souvent amplifiés par l’actualité politique. Si de nombreux projets reposent sur un fort ancrage local et le soutien des collectivités, ces partenariats demeurent précaires et instables : leur solidité dépend des orientations politiques et des alternances parfois très défavorables à l’innovation ou à la transition. Plusieurs artistes témoignent d’une défiance croissante de la part des élus vis-à-vis des projets dits « écologiquement » ou « culturellement engagés », considérés de plus en plus comme risqués. A., musicien, relate une récente déprogrammation par une collectivité, justifiée par la crainte d’une récupération politique : « Ils nous ont annoncé : “On ne vous programme plus parce qu’on a peur que le RN récupère ce truc-là, se moque de nous, et après nous décrédibilise en disant : voilà où part l’argent de la mairie.” » Ce type d’arbitrage traduit une crispation grandissante autour de la question écologique et culturelle et soulève une réflexion globale sur la définition commune d’une culture considérée comme « légitime » : il force les artistes à adapter leur discours, à moduler la présentation de leurs projets selon les contextes, voire à s’autocensurer pour préserver l’avenir de la tournée.

Le climat d’instabilité ne pèse pas uniquement sur la programmation : il influence en profondeur la conception, la négociation et la réception des productions artistiques. Ce contexte oblige les porteurs de projets à questionner leur capacité réelle à obtenir un soutien public pérenne, remettant en cause la possibilité de promouvoir, par les arts, une bifurcation écologique d’envergure. Toutefois, certaines formes d’itinérance plus informelles offrent des moyens de contournement : ainsi, T. montre que l’appui des habitants facilite l’acceptation des projets par les municipalités.

À ces blocages externes s’ajoutent des contradictions internes, souvent relevées dans les entretiens. Nombre de porteurs de projets expriment en effet une volonté d’autogestion, de collégialité, d’indépendance, mais constatent en parallèle la nécessité de se structurer, de trouver des financements, de coopérer avec les collectivités, voire de s’institutionnaliser, pour donner un avenir à leurs démarches. Comme le souligne une salariée de La Poursuite, association lyonnaise engagée dans la cyclologistique culturelle : « Nous sortons tout juste de l’expérimentation pour aller vers la concrétisation. » Des modèles économiques plus stables émergent, davantage d’artistes accèdent à l’intermittence et la confiance institutionnelle s’amorce. Ces évolutions invitent à penser l’institutionnalisation non comme une menace, mais comme une tension féconde : comment se structurer sans trahir ses valeurs ? Ce débat traverse aussi l’espace transnational : les membres d’Armodo, par exemple, sont divisés sur le recours aux financements publics au nom du collectif ; certains membres belges y voient l’opportunité de pérenniser les projets en profitant du rayonnement offert par Armodo, tandis que d’autres redoutent les conflits d’intérêts ou une hiérarchisation entre compagnies. À cela s’ajoute l’impossibilité de créer des associations à l’échelle européenne, chaque législation nationale rendant toute structuration plus incertaine. La crainte d’une institutionnalisation excessive limite la capacité collective d’action, là où le bénévolat reste souvent incontournable.

Enfin, ces tensions internes se doublent d’un verrou structurel qui limite la portée des changements à l’entre-soi socioculturel qui sous-tend la majorité de ces initiatives. Les collectifs sont très majoritairement composés de membres issus des classes moyennes cultivées, la présence de personnes d’origines populaires restant très faible. Cette homogénéité sociale freine la diffusion du modèle dans d’autres sphères, ce qui exacerbe les effets de distinction et limite l’ouverture du mode doux aux seuls cercles déjà acquis M. Grossetête, « Quand la distinction se met au vert. Conversion écologique des modes de vie et démarcations sociales »Revue française de socio-économie, vol. no 22, no 1, mai 2019, p. 85‑105, en ligne.. Paradoxalement, cet éloignement relatif des mécanismes institutionnels protège aussi, dans une certaine mesure, la capacité subversive de ces démarches : à distance de la récupération et du formatage, elles préservent l’esprit d’expérimentation individuel ou collectif. Néanmoins, même lorsque ces artistes cherchent à brouiller les frontières culturelles en intégrant davantage le public, l’espace scénique reste un lieu de pouvoir qui ne parvient pas à abolir la distinction statutaire entre artistes et spectateurs. Loin de corriger les inégalités de répartitions des capitaux culturels, l’itinérance en mode doux contribue parfois, et paradoxalement, à en reconduire la légitimation, même dans un contexte de précarité. Autrement dit, cette situation en marge des institutions culturelles offre aux artistes la possibilité d’expérimenter des formes de création alternatives et de préserver leur position sociale d’artiste, tout en les maintenant dans une situation d’impuissance politique qui ne leur permet pas véritablement de changer les choses J.-B. Comby, Écolos, mais pas trop : les classes sociales face à l’enjeu environnemental, Paris, Raisons d’agir, 2024.. D’ailleurs, bon nombre d’artistes sont déjà lucides sur cette contradiction : beaucoup se disent « sociologisés », conscients des limites propres à leur position. Les freins à la mobilité douce, loin de se restreindre à des questions logistiques, forcent ainsi à une remise en cause bien plus profonde des modèles dominants de la production culturelle.

Photo : © Kim

Conclusion : pour une politique culturelle à l’écoute des pratiques itinérantes 

Pour dépasser l’ensemble de ces verrous, les artistes et collectifs impliqués dans la mobilité douce ont esquissé diverses pistes d’action qui conjuguent réponse pragmatique, propositions à portée politique et expérimentations collectives. Parmi les premiers leviers avancés, la mutualisation des ressources : qu’il s’agisse de matériel scénique léger, de véhicules adaptés, de réseaux de contacts logistiques ou d’appuis administratifs, cette dynamique de partage vient rompre l’isolement structurel et la surcharge pesant sur nombre de compagnies itinérantes. Des outils numériques collaboratifs voient par ailleurs le jour : cartographies interactives de lieux d’accueil, bases de données mutualisées et plateformes d’entraide favorisent la mise en réseau, la planification des itinéraires ainsi que des formes renouvelées de solidarité concrète sur le terrain.

Sur le plan contractuel, plusieurs artistes insistent sur l’importance d’établir des conventions, mêmes souples et pour des montants modestes, avec les partenaires locaux. Cette formalisation rend visible le travail, légitime la présence artistique et contribue à éviter la généralisation de l’informel : elle devient ainsi un facteur de reconnaissance et de professionnalisation.

À un niveau plus institutionnel se dessinent des recommandations susceptibles d’infléchir les politiques publiques. L’instauration de « budgets publics de l’imprévu culturel », qui permettrait aux communes d’accueillir des spectacles hors programmation préétablie, est une idée qui revient fréquemment. Elle s’accompagne de la revendication d’une reconnaissance officielle de l’itinérance à mode doux comme mode artistique à part entière, avec ses temporalités, ses dynamiques propres et ses particularités logistiques. Dans cette perspective, une évolution des critères d’attribution des subventions apparaît nécessaire : elle consisterait à inclure explicitement la prise en compte des phases de repérage, de rencontre et d’ancrage en amont auprès des habitants et relais territoriaux, qui constituent pour l’itinérance l’équivalent des « résidences artistiques ». Ces moments préparatoires, décisifs pour l’inscription progressive des artistes dans un territoire, sont trop souvent ignorés par les dispositifs classiques.

Ces réflexions ne peuvent se déployer sans un dialogue étroit avec la recherche. Un grand nombre d’artistes expriment un réel besoin d’accompagnement critique, de documentation de terrain et de valorisation des effets de leurs pratiques sur les territoires traversés. L’articulation entre création artistique et production de savoirs devient ainsi un levier stratégique : elle permet de faire émerger, d’outiller et de pérenniser des alternatives culturelles écologiquement et socialement durables. En outre, ce dialogue fécond entre culture et science contribue à rendre visibles les obstacles concrets rencontrés par les artistes et à dessiner collectivement des solutions partagées. Il s’agit, enfin, de reconnaître le mode doux dans les arts comme une architecture possible des politiques culturelles à venir, en soutenant l’émergence de pratiques sobres, ancrées localement et réellement porteuses de transformation sociale.

Cet article s’appuie sur l’enquête menée dans le cadre du Programme de recherche Industries culturelles et créatives, projet ciblé DEDALE (Alternatives culturelles et créatives).

Méthodologie :

– méthodologie qualitative structurée en trois volets complémentaires : observations participantes, entretiens semi-directifs auprès d’une quinzaine d’artistes pratiquant la mobilité douce, recueil d’archives auprès d’acteurs impliqués à divers titres dans le mode doux.

– La première phase du travail d’observation s’est tenue lors des huitièmes rencontres du collectif réseau Armodo à Castanet-Tolosan (31) en mars 2025. La seconde a eu lieu durant la journée d’échange « Culture et mobilité : quelle coopération ? » à Bordeaux, le 23 mai 2025, coorganisée par des institutions régionales et locales. Ce contexte institutionnel a permis de participer à un atelier animé par le Slowfest et d’observer en direct l’intégration croissante de la mobilité douce dans les politiques culturelles.

L’article Accélérer en décélérant ! Transformation écologique de la culture par les arts à mode doux est apparu en premier sur Observatoire des politiques culturelles.

04.12.2025 à 11:19

Que retenir des données de la Cartocrise Culture 2025 ?

Aurélie Doulmet

La Cartocrise a été diffusée en mars 2025 par l’OPC dans un contexte budgétaire et politique très défavorable pour le secteur culturel. Cette cartographie contributive visait à identifier précisément les organisations impactées par des diminutions de soutien public entre 2024 et 2025. Elle concerne l’ensemble des catégories d’acteurs culturels, artistiques, socioculturels et patrimoniaux à l’échelle nationale. […]

L’article Que retenir des données de la Cartocrise Culture 2025 ? est apparu en premier sur Observatoire des politiques culturelles.

Lire plus (303 mots)

La Cartocrise a été diffusée en mars 2025 par l’OPC dans un contexte budgétaire et politique très défavorable pour le secteur culturel. Cette cartographie contributive visait à identifier précisément les organisations impactées par des diminutions de soutien public entre 2024 et 2025.
 
Elle concerne l’ensemble des catégories d’acteurs culturels, artistiques, socioculturels et patrimoniaux à l’échelle nationale. Plus de 70 groupements professionnels (réseaux, associations, fédérations et syndicats) ont affiché leur soutien au projet et l’ont relayé auprès de leurs membres.
 
Après 8 mois de mise en ligne, quels enseignements peut-on tirer des données récoltées ? Quel est le montant total des baisses ? Quels secteurs sont les plus touchés ? Quels impacts les structures culturelles font-elles remonter ? Quelles conséquences sur les territoires et populations ? L’infographie publiée ci-dessous présente les principaux résultats.

L’article Que retenir des données de la Cartocrise Culture 2025 ? est apparu en premier sur Observatoire des politiques culturelles.

27.11.2025 à 11:25

Villes petites et moyennes : tendances budgétaires et choix culturels en 2025

Frédérique Cassegrain

Quelles sont les tendances pour les villes petites et moyennes en 2025, après plusieurs années de crises notamment inflationniste ? Quelles sont leurs priorités ? Comment s’orientent leurs choix de politique culturelle ? Les politiques culturelles de ces villes petites et moyennes se distinguent-elles de celles des plus grandes polarités urbaines ?  Un des volets du baromètre apporte des éléments de […]

L’article Villes petites et moyennes : tendances budgétaires et choix culturels en 2025 est apparu en premier sur Observatoire des politiques culturelles.

Texte intégral (4234 mots)

Focus à partir d’un échantillon de communes préfectures et sous-préfectures d’Auvergne-Rhône-Alpes

Outil annuel de mesure de l’action publique territoriale de la culture, le baromètre examine les évolutions des dépenses culturelles des collectivités, leurs priorités et choix dans ce domaine. Il s’appuie sur une enquête réalisée auprès d’un échantillon de collectivités territoriales par l’Observatoire des politiques culturelles avec le soutien du ministère de la Culture-DEPS et DGDCER, et en partenariat avec Régions de France, Départements de France, France urbaine, Intercommunalités de France, Villes de France, FNADAC, FNCC, Culture·Co.

Quelles sont les tendances pour les villes petites et moyennes en 2025, après plusieurs années de crises notamment inflationniste ? Quelles sont leurs priorités ? Comment s’orientent leurs choix de politique culturelle ? Les politiques culturelles de ces villes petites et moyennes se distinguent-elles de celles des plus grandes polarités urbaines ? 

Un des volets du baromètre apporte des éléments de réponse. Il cible des communes préfectures et sous-préfectures d’Auvergne-Rhône-Alpes de moins de 50 000 habitants qui remplissent une certaine fonction de centralité sur leur territoire. Les résultats présentés reposent sur les données déclarées de ces communes L’enquête a été menée par questionnaire (via emailing et campagne téléphonique auprès des directeurs et directrices des affaires culturelles prioritairement) de fin mars à juin 2025. Avec 23 questionnaires collectés sur 32 communes ciblées, le taux de réponse avoisine les 72 %. L’échantillon comprend des communes dont la population varie entre 1 552 et 43 696 habitants. La moyenne démographique s’établit à 18 234 habitants, et la médiane à 16 119 habitants. en matière d’évolution des budgets primitifs et de positionnement culturel. Ils restituent également des éléments de conjoncture. Ce volet régionalisé permet de disposer d’informations sur une catégorie de villes que l’enquête nationale ne couvre pas L’échantillon national est constitué de : 12 régions ; 74 départements ; 75 communes de plus de 50 000 habitants, dont 23 communes de plus de 100 000 habitants et 52 communes de 50 000 à 100 000 habitants ; 46 intercommunalités comprenant une ville de plus de 50 000 habitants ; 7 collectivités d’Outre-mer à statut particulier (collectivités d’Outre-mer et collectivités à statut particulier situées en Outre-mer). Les communes de plus de 50 000 habitants d’Auvergne-Rhône-Alpes sont concernées par le volet national du baromètre..

Ce qu’il faut retenir : Pour notre échantillon de communes préfectures et sous-préfectures d’Auvergne-Rhône-Alpes de moins de 50 000 habitants, le baromètre 2025 est placé sous le signe de la stabilité sur le plan budgétaire, en matière de positionnement culturel et de coopération publique.

La stabilité (ou évolution inférieure à 1 %) est déclarée par un répondant sur deux ou plus concernant les budgets primitifs totaux (52 % des répondants), les budgets culturels totaux (57 %), les budgets culturels en fonctionnement (68 %) et en investissement (48 %). Et près de 70 % des responsables culturels indiquent une stabilité entre 2024 et 2025 pour ce qui est des emplois et des subventions versées aux associations.

Si on met en perspective les villes petites et moyennes d’Auvergne-Rhône-Alpes avec les communes de plus de 50 000 habitants du baromètre national Cf. les résultats du volet national du baromètre., on constate que, pour l’ensemble des questions portant sur l’évolution des budgets Budget primitif total, budget culturel total, budget culturel en fonctionnement et en investissement., des emplois et des subventions versées aux associations culturelles entre 2024 et 2025, la proportion de baisse est systématiquement plus faible pour les villes petites et moyennes auralpines que pour les communes de plus de 50 000 habitants. Et la proportion de stabilité y est à chaque fois supérieure par rapport aux grandes villes.

1. Évolutions des budgets primitifs, des emplois culturels et des subventions des communes préfectures et sous-préfectures d’Auvergne-Rhône-Alpes de moins de 50 000 habitants 

57 % des répondants indiquent une stabilité de leur budget culturel total entre 2024 et 2025. 26 % déclarent une hausse (augmentation supérieure à 10 % pour 4 communes sur 23) et 17 % une baisse.

Les hausses déclarées de budgets culturels totaux sont équivalentes à celles des budgets primitifs totaux (non uniquement culture) votés par les communes entre 2024 et 2025 (26 % dans les deux cas). Une bonne moitié des directeurs et directrices des affaires culturelles (DAC) déclarent une stabilité de leur budget primitif total entre 2024 et 2025 – soit 10 points de plus que l’an dernier. Il y a cette année un peu moins de baisses déclarées (22 % des répondants) que dans le baromètre précédent.

La moitié des répondants considèrent par ailleurs que, en 2025, les contraintes budgétaires pour la culture au sein de leur commune sont identiques à celles des autres domaines d’action publique. 17 % les perçoivent moins importantes et 22 % les considèrent plus importantes – des proportions équivalentes aux tendances constatées pour les communes de plus de 50 000 habitants du volet national du baromètre.

La stabilité – ou évolution inférieure à 1 % – est majoritaire en ce qui concerne les budgets primitifs culturels de fonctionnement (hors masse salariale). Sur trois années d’enquête, elle s’est nettement renforcée : 68 % de répondants en 2025 contre 55 % en 2024 et 44 % en 2023. Les diminutions budgétaires sont en recul, dans la lignée des baromètres précédents : 14 % déclarent une baisse budgétaire entre 2024 et 2025 contre 32 % entre 2023 et 2024 et 40 % entre 2022 et 2023. 19 % des répondants auralpins indiquent une augmentation cette année ; ils étaient 14 % à le faire sur la période antérieure. 

La situation des budgets culturels de fonctionnement apparaît légèrement plus favorable cette année pour les villes petites et moyennes d’Auvergne-Rhône-Alpes. 

Si ces communes de moins de 50 000 habitants déclarent nettement moins de baisse de budget culturel de fonctionnement que les communes de plus de 50 000 habitants du volet national du baromètre, elles sont aussi moins nombreuses à déclarer une hausse de ce budget en 2025 (19 % contre 27 % des communes du baromètre national).

La stabilité caractérise également les tendances d’évolution des budgets de fonctionnement (hors masse salariale) par domaines de politique culturelle entre 2024 et 2025. Les baisses les plus nombreuses concernent les archives et les festivals-événements ; ce dernier domaine est par ailleurs celui dans lequel on trouve aussi le plus d’augmentations, avec l’action culturelle/EAC.

L’évolution des budgets primitifs culturels d’investissement entre 2024 et 2025 fait apparaître une stabilisation des hausses par rapport à la période antérieure (2023-2024), une diminution des baisses déclarées (17 % indiquent une baisse cette année contre 29 % des répondants pour la période précédente) et un renforcement de la stabilité (près d’un répondant sur deux). La situation des communes de moins de 50 000 habitants est plus favorable que celle des communes de 50 000 à 100 000 habitants du volet national du baromètre en matière de budget culturel d’investissement cette année : les villes petites et moyennes auralpines sont en effet plus nombreuses à déclarer des hausses et moins nombreuses à déclarer des baisses que les communes de rang démographique supérieur.

L’évolution du nombre d’emplois culturels entre 2024 et 2025 s’inscrit dans la lignée des précédents baromètres, avec une tendance à la stabilité qui reste dominante. Il y a un peu plus de baisses déclarées cette année qu’entre 2023 et 2024 (13 % contre 9 %). Mais la situation de nos communes préfectures et sous-préfectures d’Auvergne-Rhône-Alpes de moins de 50 000 habitants reste meilleure en 2025 que celle des communes de plus de 50 000 habitants du volet national du baromètre, pour lesquelles on dénombre deux fois plus de baisses d’emplois culturels.

Le volet national du baromètre a par ailleurs montré une nette dégradation de la situation des collectivités en matière de subventions versées aux associations culturelles en 2025. Or les communes jouent un rôle essentiel dans le soutien à ces associations. Pour ce qui est des villes petites et moyennes d’Auvergne-Rhône-Alpes, il y a cette année un léger accroissement des baisses déclarées par rapport à la période 2023-2024 (14 % contre 10 %). Une majorité déclare maintenir ses subventions aux associations cette année, comme on l’observe également pour les communes de plus de 50 000 habitants de l’échantillon national du baromètre. 

2. Positionnement des communes préfectures et sous-préfectures d’Auvergne-Rhône-Alpes de moins de 50 000 habitants en matière culturelle 

a/ Orientations de politique culturelle

Après une forme d’érosion de l’importance politique accordée à l’action publique culturelle entre 2023 et 2024, comment les directeurs et directrices des affaires culturelles des villes petites et moyennes d’Auvergne-Rhône-Alpes perçoivent-ils, en 2025, la place donnée à la politique culturelle par leur exécutif municipal? Comme dans le baromètre 2024, près de 70 % des DAC indiquent que la politique culturelle est autant une priorité qu’avant pour leur commune et moins de 10 % estiment qu’elle l’est moins qu’auparavant. Un peu plus de 20 % considèrent que la politique culturelle est plus une priorité qu’avant. En la matière, les communes préfectures et sous-préfectures d’Auvergne-Rhône-Alpes de moins de 50 000 habitants ne se distinguent pas des grandes villes du volet national du baromètre (communes de plus de 50 000 habitants).

Le baromètre permet d’interroger les collectivités sur les objectifs politiques qui orientent en priorité les choix culturels de leur exécutif. Leurs réponses – demandées sous forme de trois mots-clés – sont représentées sur le nuage de mots. L’occurrence la plus fréquente en 2025 pour les villes petites et moyennes d’Auvergne-Rhône-Alpes est celle de l’accessibilité devant la diversité, comme en 2024.

Pour faciliter la lecture et atténuer les effets liés à la pluralité des termes utilisés pour qualifier un même type de positionnement culturel, une thématisation en 14 registres d’action a été élaborée à partir des objectifs politiques qui orientent en priorité les choix des exécutifs des collectivités répondantes. Chaque thème inclut une série de mots-clés Cette typologie a été élaborée à partir des données du volet national du baromètre., dont voici les principaux exemples :

  • Accès : accessibilité/accès (pour tous), culture pour tous, démocratisation, médiation, publics…
  • Création artistique : création, soutien aux artistes, présence artistique…
  • Démocratie culturelle : diversité, participation, droits culturels…
  • Domaines culturels : patrimoine, lecture publique, arts plastiques, numérique, industries culturelles…
  • Éducation/jeunesse : jeunesse, éducation, EAC, jeune public…
  • Gouvernance/coopération : partenariats, coopération, mutualisation, réseaux, concertation…
  • Impact social : lien social, inclusion, vivre ensemble, mixité, solidarité, cohésion, émancipation… 
  • Ingénierie : accompagnement, structuration, ingénierie…
  • Logiques économiques : budget, modèle économique, économies budgétaires…
  • Logiques territoriales : territoire, attractivité, rayonnement, équité, proximité, ancrage territorial, maillage, identité, ruralité, aménagement… 
  • Offre : diffusion, équipements, événementiel, qualité, exigence, lisibilité…
  • Principes d’action publique : continuité, efficacité, innovation, pluridisciplinarité…
  • Transitions : transition, environnement…
  • Divers : cette catégorie correspond à plusieurs terminologies générales qui ne rentrent pas dans les catégories précédentes.

Cette année encore, les registres de l’ingénierie et des transitions ne sont pas mobilisés par les communes préfectures et sous-préfectures d’Auvergne-Rhône-Alpes de moins de 50 000 habitants. L’action publique de ces communes reste principalement structurée par les logiques d’accès et le registre de la démocratie culturelle, confirmant les tendances du précédent baromètre. Elles devancent les registres d’offre et d’éducation-jeunesse.

b/ Coopération publique

L’enquête aborde la manière dont les DAC perçoivent, pour leur commune, la coopération multiniveaux en matière de politique culturelle.

Si le statut quo reste majoritaire, la situation est un peu moins homogène qu’en 2024 où plus de 80 % des DAC considéraient que la coopération n’avait pas évolué avec l’État. Ils sont 61 % à le penser cette année et les proportions de diminutions et de renforcements déclarés de cette coopération ont légèrement augmenté : 13 % dans chacun des cas contre 5 % dans l’enquête antérieure.

Pour ce qui est de la coopération avec les autres niveaux de collectivités territoriales, 57 % des répondants considèrent qu’elle n’a pas évolué, 17 % qu’elle s’est accrue et 9 % qu’elle a diminué. En 2025, la situation de la coopération avec les autres niveaux de collectivités territoriales semble ainsi légèrement meilleure pour les villes petites et moyennes d’Auvergne-Rhône-Alpes que pour les grandes villes du volet national.

Plus de 60 % des répondants indiquent ne pas être en recherche d’une plus grande autonomie dans la conduite de leur politique culturelle par rapport à celle de l’État et 65 % par rapport à celle des autres niveaux de collectivités territoriales – des tendances en augmentation au regard des déclarations de l’an dernier qui étaient marquées par une difficulté plus grande des DAC à renseigner cette question.

La recherche d’une plus grande autonomie vis-à-vis de l’État se situe dans des proportions identiques à l’an dernier (22 % des communes répondantes). Avec les autres niveaux de collectivités territoriales, celle-ci a légèrement diminué par rapport à l’an dernier (17 % cette année contre 23 % en 2024). La situation des villes petites et moyennes d’Auvergne-Rhône-Alpes est dans ce domaine assez proche de celle des grandes villes du volet national. Elle peut s’interpréter comme le souhait d’un maintien des partenariats existants et des logiques de solidarité financière, dans un contexte budgétaire contraint.

Le baromètre 2025 a permis de tester auprès des responsables publics l’hypothèse de nouvelles compétences obligatoires en matière culturelle. 43 % des communes auralpines répondantes se disent favorables à un élargissement législatif des compétences obligatoires en matière culturelle pour les collectivités territoriales et leurs groupements – une proportion équivalente aux communes de plus de 50 000 habitants du volet national du baromètre Cf. les résultats du volet national du baromètre.. 26 % n’y sont pas favorables, une tendance nettement supérieure à celle des grandes villes (12 %). Enfin, 30 % ne savent pas se positionner.

Les responsables des communes auralpines favorables à un élargissement législatif des compétences en matière culturelle évoquent majoritairement le niveau intercommunal comme échelon privilégié dans cette perspective (prise de compétence par l’EPCI, gestion d’équipements structurants…).

3. Focus sur la transition écologique et sur les entraves à la liberté de création/diffusion artistique et les atteintes matérielles contre des œuvres ou des équipements culturels

NB : aucune réponse pour l’item « 5 Très importante ».

Pour la deuxième année, le baromètre approfondit les problématiques de transition écologique dans le secteur public de la culture. Les DAC ont été interrogés sur l’importance accordée à la transition écologique dans la politique culturelle de leur collectivité, sur une échelle de 0 (inexistante) à 5 (très importante). Les niveaux 2 et 3 concentrent 60 % des communes répondantes. La moyenne a légèrement augmenté par rapport à l’an dernier (2,4 contre 2 sur 5) se rapproche de celle des communes de 50 000 à 100 000 habitants de l’échantillon national du baromètre (moyenne de 2,5).

Il a été demandé aux responsables culturels quelles démarches ont été mises en place par leur service en faveur de la transition écologique. Seuls 13 % indiquent ne pas avoir engagé d’action spécifique ; ils étaient près d’un tiers à l’indiquer en 2024. L’année 2025 témoigne donc d’une petite augmentation du nombre de démarches en faveur de la transition écologique. Les mesures de sobriété énergétique (équipements culturels, adaptation du patrimoine…) sont les plus citées (près de 70 % des 23 répondants, en augmentation par rapport à l’an dernier), devant les clauses d’alimentation responsable pour les établissements ou événements culturels (35 % des répondants).

Enfin, les responsables culturels ont été interrogés sur les formes de pressions qui impactent la liberté de création/diffusion artistique ainsi que les atteintes matérielles aux biens culturels. Dans les deux cas, une nette majorité de DAC n’en constatent pas sur leur territoire en 2024-2025. Toutefois, ces phénomènes d’entraves et d’atteintes matérielles sont perçus comme étant en légère augmentation par rapport au baromètre précédent.

Une très grande majorité de responsables culturels (plus de 90 %) indiquaient ne pas constater d’entraves à la liberté de création/diffusion artistique l’an dernier sur leur territoire. Ils sont moins de 75 % cette année. Les déclarations d’entraves (sujets à éviter dans les programmations, par exemple) sont en légère hausse et près de 10 % des DAC les jugent en augmentation, contre 5 % l’an dernier.

9 % des responsables culturels considèrent qu’il y a plus d’atteintes matérielles qu’auparavant contre des œuvres ou des équipements culturels pris pour cible (vandalisme, par exemple), contre 5 % l’an dernier. 83 % n’en constatent pas en 2024-2025 contre 95 % en 2023-2024.

L’article Villes petites et moyennes : tendances budgétaires et choix culturels en 2025 est apparu en premier sur Observatoire des politiques culturelles.

3 / 10
  GÉNÉRALISTES
Alternatives Eco.✝
L'Autre Quotidien
Le Canard Enchaîné
La Croix
Le Figaro
France 24
France-Culture
FTVI
HuffPost
L'Humanité
LCP / Public Senat
Le Media
La Tribune
 
  EUROPE ‧ RUSSIE
Courrier Europe Centrale
Desk-Russie
Euractiv
Euronews
Toute l'Europe
 
  Afrique du Nord ‧ Proche-Orient
Haaretz
Info Asie
Inkyfada
Jeune Afrique
Kurdistan au féminin
L'Orient - Le Jour
Orient XXI
Rojava I.C
 
  INTERNATIONAL
CADTM
Courrier International
Equaltimes
Global Voices
I.R.I.S
The New-York Times
 
  OSINT ‧ INVESTIGATION
OFF Investigation
OpenFacto°
Bellingcat
Disclose
Global.Inv.Journalism
 
  MÉDIAS D'OPINION
Au Poste
Cause Commune
CrimethInc.
Hors-Serie
L'Insoumission
Là-bas si j'y suis
Les Jours
LVSL
Politis
Quartier Général
Rapports de force
Reflets
Reseau Bastille
StreetPress
 
  OBSERVATOIRES
Armements
Acrimed
Catastrophes naturelles
Conspis
Culture
Curation IA
Extrême-droite
Human Rights Watch
Inégalités
Information
Internet actu ✝
Justice fiscale
Liberté de création
Multinationales
Situationnisme
Sondages
Street-Médics
Routes de la Soie
🌓