Un porte-avions américain est arrivé mardi au large de l'Amérique latine, marquant une montée en puissance considérable des moyens militaires déployés par les Etats-Unis dans la région et accentuant les tensions avec le Venezuela qui parle de menace « impérialiste ».
L'arrivée du Gerald R. Ford, le plus grand porte-avions du monde, pour renforcer ce que Washington assure être une opération anti-drogue, coïncide avec des exercices militaires vénézuéliens de défense et intervient alors que la Russie, alliée de Caracas, a condamné les frappes aériennes américaines contre les embarcations de narco-trafiquants présumés.
« Le groupe aéronaval Gerald R. Ford (...) est entré le 11 novembre dans la zone » de Southcom, le commandement américain pour l'Amérique latine et les Caraïbes, a annoncé ce dernier dans un communiqué. Ce déploiement, annoncé par Washington le 24 octobre, a pour but de « soutenir l'ordre du président (Donald Trump) de démanteler les organisations criminelles transnationales et de contrer le narcoterrorisme », ajoute Southcom. Le porte-avions, le plus avancé de l'armée américaine, transporte entre autres quatre escadrilles d'avions de combat et est accompagné notamment de trois destroyers lance-missiles.
Depuis août, Washington maintient dans les Caraïbes une importante présence militaire avec notamment une demi-douzaine de navires de guerre, officiellement pour lutter contre le trafic de drogue à destination des Etats-Unis. Le Venezuela considère le déploiement de cette armada comme un prétexte visant en réalité à renverser le président Nicolas Maduro et à s'emparer des réserves pétrolières du pays.
Le président américain Donald Trump, qui a autorisé des opérations clandestines de la CIA au Venezuela, a donné des indications contradictoires sur sa stratégie, évoquant par moments des frappes sur le sol vénézuélien et des jours comptés pour Nicolas Maduro, mais écartant aussi l'idée d'une guerre.
Frappes « inacceptables »
Parallèlement à l'annonce du Pentagone, l'armée vénézuélienne a annoncé un déploiement « massif » dans tout le pays. Le ministre de la Défense Vladimir Padrino Lopez a déclaré que 200.000 militaires ont participé à l'exercice, bien qu'aucun mouvement militaire n'ait été observé dans des villes comme Caracas.
Le gouvernement a annoncé à de maintes reprises des manœuvres militaires dans le pays. Elles sont fortement médiatisées par le pouvoir sans qu'elles soient toujours visibles sur le terrain. « Le Venezuela doit savoir qu'il a un Venezuela gardé, protégé, défendu », a déclaré M. Padrino, qui a qualifié les militaires américains de « mercenaires » qui « assassinent des personnes sans défense, qu'elles soient ou non des narcotrafiquants ».
La veille, Nicolas Maduro, qui a appelé plusieurs fois au dialogue avec Washington, avait assuré que Caracas disposait de « force et de pouvoir » pour répondre aux Etats-Unis: « Si l'impérialisme venait à porter un coup et à causer des dommages, l'ordre d'opérations, de mobilisation et de combat de tout le peuple vénézuélien serait décrété. »
Ces dernières semaines, les Etats-Unis ont mené une vingtaine de frappes aériennes dans les Caraïbes et le Pacifique contre des embarcations qu'ils accusent - sans présenter de preuves - de transporter de la drogue, faisant au total 76 victimes. Des experts remettent en question la légalité de ces opérations.
Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Volker Türk, a exhorté lundi Washington à enquêter sur la légalité de ses frappes, évoquant de « solides indices » qu'elles constituent des exécutions extrajudiciaires. Et mardi, le ministre russe des Affaires étrangères a qualifié ces opérations d'« inacceptables ». « C'est ainsi, en général, qu'agissent les pays (...) qui se considèrent au-dessus des lois », a déclaré Sergueï Lavrov lors d'une rencontre avec des médias russes, retransmise sur les chaînes d'État.
Nicolas Maduro, fidèle allié de Vladimir Poutine, avait annoncé en mai un nouveau rapprochement entre Moscou et Caracas avec la signature d'un traité de coopération. Le déploiement militaire américain dans les Caraïbes a généré des inquiétudes de la Colombie de Gustavo Petro et le Brésil de Lula.
Même le Royaume-Uni, pourtant proche allié des Etats-Unis, a renoncé il y a plus d'un mois à partager ses renseignements avec Washington concernant les navires soupçonnés de trafic de drogue dans les Caraïbes, ne souhaitant pas être complice des frappes américaines, affirme mardi la chaîne de télévision américaine CNN, citant des sources proches du dossier.
Contacté par l'AFP, Downing Street a indiqué ne pas souhaiter commenter sur les questions de sécurité ou de renseignement.
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