12.11.2025 à 10:40
Après une série de conférences climat organisées dans des États pétroliers comme Dubaï ou l'Azerbaïdjan, la COP 30 qui s'ouvre au Brésil bénéficie de l'image positive du gouvernement Lula, qui a fait de la protection de la forêt amazonienne une priorité.
- COP30 au Brésil : diplomatie climatique et intérêts économiques
Après une série de conférences climat organisées dans des États pétroliers comme Dubaï ou l'Azerbaïdjan, la COP30 qui s'ouvre au Brésil bénéficie de l'image positive du gouvernement Lula, qui a fait de la protection de la forêt amazonienne une priorité. Mais l'annonce de forages pétroliers en Amazonie et la présence encore massive des multinationales, y compris du secteur des énergies fossiles, projettent une ombre négative sur l'événement, dans un contexte international déjà très défavorable.
Tous nos articles autour de la COP30 :
—
Photo : © UN Climate Change - Kiara Worth, licence cc by-nc-sa
12.11.2025 à 10:06
Olivier Petitjean
Le gouvernement français a accrédité Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, dans sa délégation officielle à la COP30, ainsi que d'autres dirigeants d'Engie, EDF ou encore Vinci. En contradiction totale avec son engagement affiché pour la fin des énergies polluantes. Un nouveau signe que les intérêts économiques des champions français ont la priorité sur la sauvegarde du climat.
« Make our Planet Great Again. » En 2017, après l'annonce du retrait des États-Unis de l'Accord de Paris par (…)
Le gouvernement français a accrédité Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, dans sa délégation officielle à la COP30, ainsi que d'autres dirigeants d'Engie, EDF ou encore Vinci. En contradiction totale avec son engagement affiché pour la fin des énergies polluantes. Un nouveau signe que les intérêts économiques des champions français ont la priorité sur la sauvegarde du climat.
« Make our Planet Great Again. » En 2017, après l'annonce du retrait des États-Unis de l'Accord de Paris par Donald Trump lors de son premier passage à la Maison Blanche, Emmanuel Macron, fraîchement élu, s'était posé en champion du climat sur la scène mondiale.
Huit ans plus tard, Donald Trump et son administration ne se contentent plus de se retirer unilatéralement de l'Accord : ils cherchent désormais activement à saper le processus de négociations multilatérales et la science climatique. Quant au président français, son goût pour les grands discours et les coups de comm' ne se dément pas. De passage au Brésil pour le sommet des chefs d'État précédent la COP30 de Belém, il a fustigé les « prophètes de désordre » qui s'attaquent aux scientifiques et a appelé la communauté internationale à « tenir ses engagements climatiques ».
Des propos qui peinent à convaincre au regard des vents contraires au niveau international mais aussi du bilan d'Emmanuel Macron en matière d'écologie en France. Le président a annoncé à Belém le soutien sous condition de la France au « Tropical Forest Forever Facility » (TFFF), le mécanisme financier soutenu par le Brésil et la Banque mondiale et censé financer la lutte contre la déforestation des forêts primaires tropicales. Pourtant la déforestation se poursuit au Guyane française, alors qu'elle a marqué un net recul au Brésil cette année, faute de mécanismes de protection concrets. Emmanuel Macron a réitéré l'engagement de la France pour la sortie du charbon au niveau international, mais son gouvernement n'a toujours pas réussi à fermer les deux centrales électriques françaises qui fonctionnent avec cette source d'énergie. Il s'est vanté des nouveaux objectifs climatiques sur laquelle se sont entendus in extremis les États membres de l'Union européenne, alors que la France a poussé jusqu'à la dernière minute pour obtenir des assouplissements, notamment en matière de possibilité de recourir à des « crédits carbone » pour masquer en partie l'absence de progrès réels. Puis il est parti poursuivre son voyage d'affaires au Mexique.
Emmanuel Macron a aussi réaffirmé son soutien à l'objectif de sortie des énergies fossiles, indispensable pour réduire véritablement les émissions de gaz à effet de serre. Mais quelques jours plus tard, on apprenait que la délégation officielle de la France à la COP30 comptait dans ses rangs plusieurs dirigeants de grandes multinationales françaises, dont ceux de TotalEnergies, major du pétrole et du gaz. Au-delà du symbole, c'est un nouveau signe que les intérêts économiques des champions français continuent à avoir la priorité, pour la diplomatie française, sur la sauvegarde du climat.
Depuis maintenant plus de dix ans, les conférences climat voient s'entremêler discours éloquents, négociations diplomatiques pointilleuses et événements promotionnels publics ou privés où les entreprises sont invitées à faire la promotion de leurs « solutions ». On y signe bien davantage de nouveaux contrats commerciaux que de nouveaux engagements diplomatiques concrets. Malgré l'absence hostile des États-Unis de Trump, la « COP de la mise en oeuvre » annoncée par le gouvernement brésilien semble bien partie pour se couler dans le même moule.
Parmi les événements organisés au Pavillon France de la COP30, plusieurs ont des visées commerciales à peine cachées.
L'action de la diplomatie française à Belém reflète cette dissonance. Côté pile, le gouvernement annonce son objectif de « renforcer le multilatéralisme » et « rehausser l'ambition climatique collective ». Côté face, ses représentants au Brésil et dans les agences chargées de la « diplomatie économique » s'activent depuis plusieurs mois pour faire la promotion des entreprises françaises. Le programme du « Pavillon France » à Belém en témoigne. Parmi de multiples événements valorisant l'expertise tricolore et la coopération scientifique ou culturelle entre France, Guyane française et Brésil, on en trouve plusieurs dont les visées commerciales sont à peine cachées.
Les champions nationaux Valeo, Vinci et Blablacar y invitent les délégués, par exemple, à une discussion sur la « mobilité verte » ce mercredi 12 novembre. Le géant français du sucre Tereos et la startup spécialisée dans le biochar Net Zero parleront le lendemain de « décarbonation des filières agricoles » avec l'agence de soutien à l'export Team France. Le vendredi, le Chambre de commerce France-Brésil, le Medef, et Entreprises pour l'environnement (le lobby du CAC40, président jusque récemment par Patrick Pouyanné de TotalEnergies qui est encore son vice-président) s'associeront à l'Ademe pour discuter de comment « intégrer climat, sobriété et biodiversité pour construire la résilience des chaînes de valeur et des territoires ». Quelques heures plus tard, Engie et Schneider Electric débattront de l'accélération de la transition énergétique. Le lendemain, ce sera le tour de la start-up Sweep (qui a accueilli en son sein l'ancien ministre Julien Denormandie), d'Alstom, d'EDF et encore de Schneider Electric.
Sans trop de surprise, les associations écologistes ou de justice sociale ne seront pas invitées à s'exprimer lors de ces événements pour apporter une perspective différente, où l'action climatique ne se résumerait pas à la signature de nouveaux contrats et l'ouverture de nouveaux marchés avec la bénédiction des pouvoirs publics. Cette mise en scène savamment conçue positionner les multinationales tricolores en sauveurs intéressés du climat contribue aussi à occulter une autre réalité, celle de la responsabilité d'entreprises françaises – parfois les mêmes – dans la crise climatique et plus particulièrement dans la destruction de l'Amazonie. Cette responsabilité a parfois été directe, comme dans le cas des grands barrages hydroélectriques construits dans la région par Engie et EDF, dont l'Observatoire des multinationales a abondamment parlé dans le passé (lire notre enquête Grands barrages : les entreprises françaises à l'assaut de l'Amazonie), mais elle est surtout indirecte, à travers leurs financements (pour une banque comme BNP Paribas) ou leurs chaînes d'approvisionnement (pour les groupes de grande distribution), comme vient de le rappeler utilement un article de Mediapart.
Après son passage éclair à Belém, Emmanuel Macron a ouvert la porte à l'accord UE-Mercosur, provoquant la fureur du monde agricole français.
Les entreprises françaises seront aussi mises en valeur dans le cadre de l'AgriZone, un pavillon spécialement organisé par l'Embrapa, agence de recherche agricole du Brésil, l'équivalent de l'INRAE en France. Se présentant comme une « vitrine majeure des technologies, des sciences et de la coopération internationale axées sur l'agriculture durable et la lutte contre la faim dans un contexte de changement climatique », l'ensemble des événements est sponsorisé par des multinationales comme Bayer, le fabricant du Roundup, Nestlé ou encore Tereos (ainsi que la fondation Gates). Il sera beaucoup question de technologies et de mécanismes de marché, et très peu de remise en cause du modèle agro-industriel internationalisé qui lie indirectement beaucoup de groupes français à l'exploitation des ressources amazoniennes (terres, bois, matières premières agricoles, énergies, minerais). Des liens qui expliquent peut-être qu'après son passage éclair à Belém, Emmanuel Macron ait changé de ton sur le projet d'accord UE-Mercosur, ouvrant la porte à son adoption et provoquant la fureur du monde agricole français.
Depuis quelques années, les ONG de la coalition « Kick Big Polluters Out » analysent la liste des participants accrédités aux conférences climat pour mettre en lumière la présence massive des représentants du secteur des énergies fossiles. L'année dernière en Azerbaïdjan, ils étaient 1773, 70 % de plus que le nombre combiné de représentants des dix pays les plus vulnérables au changement climatique. L'année d'avant à Dubaï, ils étaient 2456.
Petrobras, la puissante entreprise nationale du Brésil, projette une ombre significative sur la COP30
Les chiffres pour la COP de Belém ne sont pas encore connus, mais la présence de Petrobras, la puissante entreprise nationale du Brésil, projette déjà une ombre significative sur la conférence. Quelques jours à peine, son ouverture, elle a obtenu l'autorisation de lancer de nouveaux forages pétroliers au large de l'embouchure de l'Amazone, à quelques centaines de kilomètres des salles où se tient la conférence (lire COP30 : pourquoi le Brésil a autorisé des forages pétroliers au large de l'Amazonie).
Comme les éditions précédentes, la COP30 est sponsorisée par des grandes entreprises brésiliennes (ainsi que des constructeurs automobiles chinois et japonais). Ni Petrobras ni aucune représentante directe du secteur des énergies fossiles ne figure sur la liste, mais on y trouve, au premier rang, des grandes banques brésiliennes très impliquées dans le pétrole et le gaz, comme la banque publique BNDES ou Banco do Brasil.
Parce que le débat démocratique mérite mieux que la com' du CAC 40.
Faites un donEn 2023 à Dubaï, la France avait emmené dans sa délégation officielle à la COP le patron de TotalEnergies Patrick Pouyanné. Rien de tel en 2024 à Bakou, où la délégation française était de toute façon minimale en raison du froid diplomatique entre les deux pays. Le PDG du groupe pétrogazier avait été convié directement par la présidence azerbaïdjanaise. Plusieurs organisations de la société civile dont l'Observatoire des multinationales ont adressé il y a quelques jours, dans le cadre de la campagne Fossil Free Politics, une lettre ouverte à Emmanuel Macron et au gouvernement français demandant que la délégation officielle tricolore n'inclue pas à nouveaux de représentants du secteur des hydrocarbures.
Le groupe pétrogazier français était déjà totalement intégré aux initiatives de la diplomatie française autour de la COP.
Cette lettre était restée sans réponse... jusqu'à ce que l'on découvre la liste des participants. La délégation de la France inclut bien, comme à Dubaï, Patrick Pouyanné et d'autres cadres de TotalEnergies, ainsi que des dirigeants d'Engie, EDF ou encore Vinci. Tous sont accrédités au titre du « party overflow », c'est-à-dire qu'ils ont accès à tous les espaces de la conférence. Ils n'ont simplement pas le droit d'y parler au nom de la France (lire les explications de Mediapart).
Le groupe pétrogazier français était déjà totalement intégré aux initiatives de la diplomatie française autour de la COP. Sponsor de la saison culturelle France-Brésil, il était aussi présent au colloque économique franco-brésilien sur la transition énergétique organisé début novembre à Rio . Patrick Pouyanné était présent lors de la réunion avec les PDG français organisée à l'occasion de la visite de Lula à Paris en juin dernier. Partenaire stratégique de Petrobras associé à l'exploitation des immenses gisements offshore du « pre-sal », impliqué également dans le secteur des renouvelables depuis le rachat partiel de l'entreprise Casa dos Ventos, TotalEnergies est comme dans beaucoup d'autres pays un poids lourd des intérêts français au Brésil.
En phase avec l'air du temps, les PDG des majors pétrolières et des multinationales occidentales en général seront plutôt discrets au Brésil cette année. Le patron d'ExxonMobil, qui a participé à des événements à São Paulo en amont de la COP, a accordé à cette occasion un entretien au Financial Times annonçant un ralentissement de ses investissements dans les énergies renouvelables. De son côté, TotalEnergies est devenu en pleine COP30 opérateur d'un nouveau champ pétrolier offshore au large de la Guyana, là encore non loin de Belém.
TotalEnergies a publié il y a quelques jours son nouveau rapport sur l'évolution du système énergétique mondial, annonçant que le maintien du réchauffement des températures en deçà de 2°C était désormais hors de portée et que la demande de pétrole continuerait à augmenter dans les années à venir. La faute à la « fracturation géopolitique » et à l'absence de « coordination internationale ». Une impuissance que le choix de laisser grande ouverte les portes des conférences climat aux lobbyistes des multinationales n'aura fait qu'aggraver.
07.11.2025 à 14:43
L'Observatoire des multinationales propose une nouvelle session de formation sur deux jours à l'enquête sur les grandes entreprises, les 6 et 7 janvier 2026 à Paris.
Filiales, dirigeants, actionnaires, comptes, rapports annuels, social et environnement... Cette formation vise à donner un aperçu des sources d'informations disponibles pour enquêter sur les multinationales, leur structuration, leurs propriétaires et dirigeants, leurs implantations, leurs finances, leur impact écologiques, (…)
L'Observatoire des multinationales propose une nouvelle session de formation sur deux jours à l'enquête sur les grandes entreprises, les 6 et 7 janvier 2026 à Paris.
Filiales, dirigeants, actionnaires, comptes, rapports annuels, social et environnement... Cette formation vise à donner un aperçu des sources d'informations disponibles pour enquêter sur les multinationales, leur structuration, leurs propriétaires et dirigeants, leurs implantations, leurs finances, leur impact écologiques, leurs pratiques sociales et leur lobbying.
Elle est conçue pour un public de journalistes et apprentis journalistes et de salariés et militants associatifs, et sera assurée par Olivier Petitjean et Olivier Blamangin.
Elle est proposée au tarif de 250€ pour deux jours, mais nous prenons en compte les situations personnelles. Une prise en charge au titre de la formation professionnelle est possible, merci de nous contacter.
Inscription sur le site de HelloAsso
Première journée (10h-17h)
Deuxième journée (10h-17h)