25.06.2025 à 10:22
David Dufresne
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L’enquête sur la mort de Souheil El Khalfaoui, tué d’une balle en plein cœur par un policier en août 2021 à Marseille, est un cas d'école. L'affaire est aujourd'hui entachée d’un nouveau scandale : neuf pièces à conviction, dont la balle mortelle et des vidéos, ont disparu.
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Ces scellés avaient été sortis pour les besoins de l’enquête à la demande du parquet. Ils n’ont jamais été restitués. Le père de Souheil, Issam El Khalfaoui, sa tante, Samia El Khalfaoui, étaient ce matin Au Poste pour nous détailler la plainte déposée pour détournement de biens visant l’ancienne procureure Dominique Laurens. Avec nous, également, Alimi Arié, leur avocat. Attention, c’est dur. Mais essentiel à connaître.
MISE A JOUR du 26 JUIN 2025, 16h30:
Communiqué de la famille: «Le procureur de la République de Marseille vient de nous annoncer que les scellés avaient été retrouvés dans le bureau du premier juge d’instruction désigné dans le dossier, M. De Firmas. La famille est particulièrement inquiète du déroulement de l’instruction dans la mesure où c’est le même juge qui avait fait la demande de recherche des scellés.»
Le père de Souheil, Issam, sa tante, Samia étaient ce matin Au Poste pour nous détailler la plainte déposée pour détournement de biens visant l’ancienne procureure Dominique Laurens, mutée depuis à la cour d’appel de Reims.On ressent avec eux la fatigue, la colère, mais surtout une détermination entière et sans faille.« On ne nous a pas laissé le choix. » Samia El Khalfaoui lâche ça, calmement, presque résignée. Son neveu Souheil est mort d’une balle tirée par un policier( Romain Devassine) en plein cœur en août 2021 à Marseille au cours d’une opération de contrôle . Depuis, sa famille se bat pour une vérité qu’on leur refuse.Ils racontent tout : l’enquête bâclée, les scellés «disparus », les manœuvres dilatoires.
Une conférence de presse s’est tenue ce jeudi 24 juin à l’Assemblée Nationale en présence de la famille et leur avocat Arié Alimi à l’initiative de députés communistes, écologistes et insoumis.
La famille décide de solliciter directement des députés pour porter l’affaire à l’Assemblée nationale. Samia explique qu’ils ont contacté tous les partis de gauche, obtenant un front commun pour poser la question au gouvernement.C’est Manuel Bompard (LFI) qui en séance interpelle Gérald Darmanin. Le ministre de la Justice répond en insistant sur la valeur des images pour la vérité, mais sa réponse est jugée minimale, presque administrative.Pour Samia, c’est un geste nécessaire mais insuffisant : la disparition des pièces, y compris la balle mortelle, c’est comme « effacer administrativement » la mort de Souheil.
Issam rappelle que ce recours parlementaire n’aurait jamais dû avoir lieu: l’État aurait dû ouvrir une enquête interne dès la découverte de la disparition des scellés, sans attendre l’intervention des députés.
Arié Alimi en visio depuis un train nous apporte son éclairage.« Les scellés sont arrivés dans le bureau de la procureure. Après, on ne sait plus où ils sont. » l’avocat de la famille, raconte son parcours du combattant pour accéder aux pièces du dossier.
« On a déjà un certain nombre d’enquêtes pénales ou d’instructions en cours contre des enquêteurs de l’IGPN pour des fausses retranscriptions de vidéos qui nous font dire qu’à chaque fois on doit tout vérifier. »
« Tout le travail qu’on essaye de faire à la place des enquêteurs depuis le début, c’est la famille qui s’en occupe. »
« On vient de se rendre compte que c’est le bordel absolu au tribunal judiciaire de Marseille. »
Les scellés ont été déplacés, ouverts partiellement, jamais remis en place. La procureure de l’époque les avait même mis dans son bureau avant d’être mutée.On se rend compte d’un système kafkaïen : aucun suivi, pas de procédure claire, des pièces qui disparaissent.
Et toujours la même conclusion : « La police enquête sur la police. »
« Depuis le mois de décembre, la juge Cassandra Vial s’est rendue compte que neuf scellés avaient « disparu ».
On écoute Samia expliquer sa stupeur en découvrant la lettre de la juge d’instruction qui confesse avoir cherché en vain ces preuves capitales : vidéos, la balle, les enregistrements des appels de secours. La juge a fouillé le parquet, interrogé l’IGPN, même le procureur en place avant son arrivée. Rien. Silence pesant. À ce moment-là, on sent la honte de la machine judiciaire incapable de garder trace d’une balle meurtrière.
Issam, le père, se souvient : son fils est arrêté, lors d’un contrôle, au volant de sa voiture. Il démarre en marche arrière, frôle ou « blesse » un policier adjoint de sécurité. Le policier pourtant hors de danger, tire en plein thorax.
David Dufresne résume avec une précision glaçante : « C’est à peu près la même image que Nahel. »
Et le plus terrible ? Les vidéos qui permettraient de prouver la scène ont disparu, celles des caméras de la Caisse d’Épargne censées filmer l’intégralité du meurtre n’ont jamais été versées au dossier. Une obstruction méthodique ? Issam en est persuadé.
La famille se substitue aux enquêteurs : reconstitution 3D commandée, enquêtes de voisinage, démarchage des témoins terrifiés.Issam raconte avoir retrouvé un témoin jugé crucial que la police n’arrivait soi-disant pas à localiser. Mais même après l’avoir livré aux autorités, les bonnes questions ne sont pas posées.
« Tout est fait pour que l’enquête s’arrête. » Issam. On entend la lassitude, la rage contenue. Samia évoque la reconstitution 3D, accablante pour la police, rendue inutilisable car basée sur des vidéos… « disparues ».
Issam a découvert que son fils était à l’hôpital parce qu’un passant a pris le téléphone dans la voiture et comme il venait d’appeler sa maman il a alors composé le dernier numéro.
Il raconte l’errance cauchemardesque pour retrouver son fils : après l’avoir cherché en vain dans tous les hôpitaux de Marseille, il apprend par le Samu qu’il est à l’hôpital Nord… là même où on lui avait affirmé qu’il n’était pas. Il attend 45 minutes sans qu’aucun médecin ne vienne, avant d’apprendre la mort de son fils par un vigile qui lui confirme brutalement la vérité. Pire encore, un major de police prétend ce soir-là que son fils a écrasé un policier, imposant cette version mensongère qui sera relayée officiellement dès les premières heures, avant même toute enquête sérieuse.
« S’il avait été blond aux yeux bleus, il ne serait pas mort. » Issam
La famille ne tourne pas autour du pot. Pour eux, Souheil est mort parce qu’il était racisé. Samia et Issam dénoncent la loi 435-1, votée en 2017, qui autorise la police à tirer sur des conducteurs jugés « dangereux ».
Ils rappellent qu’en France, la police a tué 134 personnes depuis cette loi, avec une surreprésentation des racisés. Samia insiste : « On se bat pour Souheil, mais aussi pour toutes les familles. »
Elle évoque leur association Stop aux violences d’État et la campagne « 435-1 m’a tué » qui recense et dénonce ces morts « administrativement légales ».
Issam est sans illusion : « La solution est politique. » Pour lui, le judiciaire ne garantit rien : actes refusés, plaintes au point mort, frais écrasants. Il a déjà déboursé 100 000 euros pour se battre.
« Un silence assourdissant » déclare Samia qui rappelle que le maire de Marseille, Benoît Payan, s’était engagé à ce qu’aucune preuve ne soit « glissée sous le tapis ». Résultat : un mutisme total. Issam enrage : « Il ne s’est jamais exprimé. » C’est ce silence des institutions qui révolte le plus. « On se bat pour les autres aussi. »
Cet article est le fruit d’un travail humain, d’une retranscription automatique de l’émission par notre AuBotPoste, revuet corrigépar la rédaction.
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